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2eme analyse
Descartes (1596 – 1650)
«L’âme n’est pas le “pilote” d’un “navire” qui serait le corps»
C’est un must-have de la métaphysique : l’incontournable distinction cartésienne de l’âme et du corps. D’un côté,
une substance immatérielle dont « l’essence ou la nature n’est que de penser », de l’autre, une chose étendue (res
extensa), une portion divisible de matière. Contemporain de Galilée, qui mathématise la nature, et de l’essor de
l’anatomie moderne, Descartes écrit le corps, et le corps humain en particulier, en langage scientifique. Il compare notre
enveloppe charnelle à une machine ultrasophistiquée qui, une fois ébranlée, se meut parfaitement d’elle-même.
L’ensemble des phénomènes physiologiques (la digestion, la respiration ou la vision, étudiées dans le Traité de
l’Homme) se laisse décrire et expliquer par la précision souveraine de relations mécaniques. Cette autonomie du corps
posée, nuançons : la distinction des deux substances n’est pas le fin mot de l’histoire, dans la mesure où Descartes parle
également de leur « union » paradoxale – quand on évoque le « dualisme cartésien », on a un peu trop tendance à jeter
le bébé (l’union) avec l’eau du bain (la distinction). Comme le développe la sixième des Méditations
métaphysiques, j’éprouve comme un fait indubitable que mon âme est « conjointe », qu’elle « compose comme un seul
tout » avec ce corps qui est mien. L’union se révèle si étroite que Descartes refuse de voir en l’âme
le « pilote » d’un « navire » qui serait le corps. Tentante, la métaphore occulte la nature substantielle du lien : le pilote
peut quitter son navire à tout moment et ne crie pas lorsque le mât se brise (sauf s’il se situe juste en dessous) – alors
que mon âme et mon corps sentent, souffrent de concert. Cela dit, en un autre sens, l’âme peut se faire le skipper du
corps… et inversement. Descartes soutient en effet l’existence d’une interaction directe : le corps agit sur l’esprit
(suscitant des passions dans l’âme), et, inversement, l’esprit peut commander le corps : « de cela seul nous avons la
volonté de nous promener, il suit que nos jambes se remuent et que nous marchons » (Les Passions de l’âme). Et pour
cause : selon le philosophe, l’âme a son « siège principal » dans une région du corps, la glande pinéale située « au milieu
du cerveau ». La volonté, action de l’âme, meut ladite glande pour qu’elle communique, viales nerfs ou le sang, l’effet
escompté. Ou comment se rendre comme maître et possesseur de la machine.