Vous êtes sur la page 1sur 3

26 I DOSSIER

Combattre le terrorisme par la prévention et la détection du trafic d’armes : l’exemple de l’Afrique de l’Ouest et du
Sahel – Pierre SAUER

Liens entre les armes à feu


et le terrorisme
La région d’Afrique de l’Ouest et du Sahel abrite de
nombreux groupes terroristes ayant revendiqué des
attaques meurtrières au fil des ans. Faciles à dissimuler et à
transporter, les armes à feu sont utilisées dans la plupart de
ces attaques terroristes, tandis que ces groupes accroissent
leur influence à mesure que la quantité d’Armes Légères et
de Petit Calibre (ALPC) à leur disposition augmente.
La fragilité des structures étatiques de sécurité physique et
gestion des stocks d’armes à feu favorise leur pillage et trafic
par des acteurs non étatiques armés, y compris des groupes
terroristes. Les cas de conflits se multiplient dans des pays
comme le Burkina Faso, le Mali ou le Niger, où le large
accès aux ALPC a permis aux milices radicales touaregs de
préparer et de mener des insurrections armées, entravant
ainsi la paix et la sécurité depuis des décennies.
Ces armes, qui continuent d’inonder la région, facilitent et
permettent également d’autres formes de criminalité, allant
du trafic de drogue et de marchandises de contrebande
au trafic de personnes et d’êtres humains, qui financent le
terrorisme au Sahel.
Cibler le trafic d’armes à feu pour
affaiblir les réseaux terroristes :
l’exemple de l’opération KAFO II,
en Afrique de l’Ouest et au Sahel,
fondée sur du renseignement
recueilli à l’aide du système
iARMS
À la suite du succès de l’opération AFRIQUE-TRIGGER
III coordonnée en 2017 par INTERPOL, avec le support
de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime
(ONUDC) et de l’Organisation mondiale des douanes
(OMD), le Programme d’INTERPOL sur les armes à
feu a souhaité renforcer son soutien à certains pays du
Sahel, qui possèdent un savoir-faire et des ressources
limités pour lutter efficacement contre le trafic d’armes
à feu. Cette volonté de travailler plus étroitement avec le
Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Mali et le Niger a donné
naissance au projet KAFO qui signifie « agir ensemble »
en dioula et bambara et qui est basé sur la mise en œuvre
des procédures opérationnelles d’INTERPOL dénommées
« TRIGGER ».
La première opération, KAFO I, s’est déroulée en 2019 et
a donné lieu à des arrestations et à des saisies, en lien avec le
trafic d’armes, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Mali.
L’opération KAFO II (30 novembre - 6 décembre 2020)
a ciblé des trafiquants d’armes à feu et groupes criminels
organisés impliqués dans le trafic d’armes à feu et/ou en
possession d’armes à feu illicites au Burkina Faso, en Côte
d’Ivoire, au Mali et au Niger.
Afin de coordonner des actions « policières » ciblées, le
Programme d’INTERPOL sur les armes à feu a procédé à
l’évaluation de la situation criminelle et menaces liées aux
armes à feu dans chacun des pays participants, notamment
en traçant avec les structures nationales habilitées toutes les
armes illicites récupérées au cours des dernières années. Les
capacités de police du Programme d’INTERPOL sur les
armes à feu ont ainsi permis d’identifier plusieurs centaines
d’armes à feu récupérées dans les quatre pays concernés par
l’opération KAFO II, et de remonter jusqu’à leur pays de
fabrication ou de dernière importation légale connue afin
de reconstituer l’historique de leurs propriétaires successifs
et de leurs mouvements.
Malgré l’ancienneté et la vétusté des armes récupérées au
Sahel, des suspects, qui ont été en possession de ces armes,
ont pu être identifiés, puis interrogés sur les endroits où ils
se fournissent, permettant ainsi la définition des cibles de
la stratégie opérationnelle de chacun des pays participants.
En recueillant ces renseignements criminels dans le cadre
d’enquêtes en amont de l’opération, les 260 fonctionnaires
de police, de gendarmerie, des commissions nationales de
contrôle des ALPC, des services douaniers et anti-trafics
aéroportuaires, des services de contrôle aux frontières et du
ministère public des quatre pays mobilisés ont pu mieux
cibler les plaques tournantes du trafic et ses liens organiques
avec les réseaux terroristes.
Non seulement 8 958 armes et munitions destinées à
approvisionner les terroristes en Afrique de l’Ouest et au
Sahel ont pu être récupérées, mais l’opération KAFO II
a également permis l’arrestation de terroristes présumés
et la saisie d’autres types de marchandises illicites, dont la
contrebande finance les activités criminelles et terroristes
dans la région.
Parmi les nouvelles tendances observées au cours de
l’opération KAFO II figure la saisie d’importantes quantités
d’essence de contrebande au Niger et au Mali. Les premières
enquêtes ouvertes à la suite de l’opération montrent que
le carburant proviendrait du Nigéria, où il financerait le
terrorisme islamiste, et serait destiné à approvisionner Al-
Qaïda et ses alliés au Sahel.

Vous aimerez peut-être aussi