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CONTEXTE DE L'ÉCRITURE
Né en France dans les années 1926, Louis Derousseaux fut prêtre du diocèse de
Lille en 1949 ; Docteur en théologie (1968) et Professeur à la Faculté de théologie de Lille
(1968). Il fut également un spécialiste des civilisations Proche-Orientales et un exégète de
l'Ancien Testament1. Adepte de la Bible et des questions bibliques, l'auteur est à son
cinquième ouvrage intitulé « LA CRAINTE DE DIEU DANS L’ANCIEN TESTAMENT.
Royauté, Alliance, Sagesse dans les royaumes d’Israël et de Juda ; recherches d’exégèse
et d’histoire sur la racine yâré’ », publié par les Éditions du Cerf, Paris, 1970. Ce travail
d’une haute importance comme mentionné dans son avant-propos “a été soutenu comme
thèse de théologie à l’Institut Catholique de Paris le 22 juin 1968” 2. Existentialiste de la
période post-coloniale, il a dû être fortement motivé par la situation socio-politique,
économique et religieuse qui animait les relations entre les puissances coloniales et leurs
colonies. Bien qu’ayant déjà reçu avant une suggestion de la part de son professeur de
l’Ancien Testament.
"La crainte de Dieu” à priori semble être une religion de peur dans l’ancien Israël.
Certains auteurs se sont évertués à travailler dans ce sens. Notre auteur pense “qu’une
étude historique du thème de la crainte de Dieu est possible et qu’elle n’a pas été faite” 3.
Il trouve de ce fait que la racine yâré’ est fortement liée à la crainte de Dieu “ en relation
avec trois réalités capitales, l’Alliance, la Royauté, la Sagesse, qui trouvent des analogies
dans le proche Orient Ancien” 4. L’auteur a du mal à considérer la crainte de Dieu comme
un thème biblique puisqu’elle se présente plutôt comme un point de départ des
interprétations du développement de la religion d’Israël. Il décrit cette situation en ceci : “la
découverte d’un Autre qui entre dans sa vie et la bouleverse, un Autre qui est le Père sous
le double aspect de l’autorité et de l’amour” 5. Nous suivrons ainsi avec Derousseaux, les
diverses modalités que revêt la crainte de Dieu, dans l’univers de l’histoire des religions où
s’enracine l’Ancien Testament, et à la révélation de l’Évangile où il s’accomplit.
1
https://data.bnf.fr/fr/11899705/louis-desrousseaux/, consulté le 25 oct. 2022 à 6h30mn
2
Louis Derousseaux, LA CRAINTE DE DIEU DANS L’ANCIEN TESTAMENT, Paris, Éditions du Cerf, 1970, p. XI
3
Idem, p. 10.
4
Idem, p. 11.
5
Idem, p. 364.
III. RÉSUMÉ
L’auteur pense que réduire le Judaïsme à une religion de crainte est une fausse
piste. Il décrit cela dans l’approche de Otto qui est résumé de la manière suivante : “ Cette
expérience, Otto et les phénoménologues de la religion essaient de la rejoindre dans ses
structures essentielles au-delà de ses formes historiques accidentelles : au niveau des
sentiments, c'est l'effroi joint à la fascination, au niveau des représentations, c'est
l'Auguste, le Majestueux, le Terrible mais aussi le Fascinant; l’objet visé par ces
représentations et suscitant les sentiments, c'est le Sacré dont la bipolarité justifie le
caractère irréductible de l'expérience humaine.”6
Pour notre auteur, l’utilisation de la racine yâré’ exprime la crainte Noble différente
de la racine pâhad qui est plutôt la peur. Il pense que la crainte est l’expression
fondamentale de la relation de l’homme à Dieu. Et aussi la marque d’une religion
intérieure. Il veut aller plus loin en cherchant une explication exhaustive de la crainte de
Dieu dans l’Ancien Testament. Ce qui se fera par une étude minutieuse des différents
sens de la racine yr’ chez les peuples anciens d’une part et d’autre part dans les langues
anciennes.
Par rapport aux peuples anciens, les textes de l’Égypte antique utilisent le thème
d’hommage aux dieux, forme sensible du respect, se traduisant d’abord en actes, et
s’exprimant en suite par les gestes. L’emploi de plusieurs racines montre plutôt la crainte
dans les hommages et non la peur. Par contre, face au roi-dieu, toute la composante
visible (humaine) et invisible (dieux) éprouvent la crainte dans le sens de l’effroi devant ce
dernier qui prétend être l’incarnation des dieux et prétend également être assis sur leur
trône. Malgré quelques exceptions comme le cas de la reine sycomore et de la couronne,
la crainte pyramidale est plutôt crainte du roi dieu et non crainte des dieux invisibles.
Puisque “la puissance redoutable est clairement au service de la providence divine,
incarnée par le roi7” Ce qui est considérée comme de la théologie royale.
6
Ibid, p. 64.
7
idem, p. 41.
ait de peur réellement évoquée”8. La crainte des dieux et des rois quitte l’aspect de la peur
pour devenir “une conduite juste, qui respecte l’ordre établi par les puissances, par un
service cultuel exact”9 .
L’auteur termine cette enquête en proposants divers résultats qui peuvent être
compris dans ce sens : Otto et les phénoménologues de la religion donnent une
description trop abstraite puisque l’étude des peuples et les langues anciens avec l’emploi
des expressions y afférentes “nous permettent de saisir plus concrètement l’homme dans
sa rencontre avec la Puissance” 10 . A travers un sentiment religieux, une représentation de
la divinité et l’objet visé bien clair. Ce qui ouvre un nouveau débat chez l’homme biblique.
L’auteur s’accordent avec Otto à dire que l’utilisation de la racine yâré’ pour
exprimer la crainte de l’Éternel donne d’une part le sens de la crainte du “ Numineux” et
d’autre part “une attitude de fidélité, de vénération cultuelle, comme aussi un
comportement morale”11 . La rencontre avec le sacré peut susciter ou non un sentiment de
crainte. Ici se dégagent deux groupes de récit notamment les Elohistes qui ont leurs
empreintes dans la théophanie d’Horeb et les Yahvistes et sacerdotaux qui se recentrent
dans le récit du songe de Jacob, de Job, des prophètes etc…. L'auteur souligne une
particularité dans l’esprit des autres racines qui marquent la rencontre avec Dieu à travers
ses actions. La racine yr’ va au-delà de ses limites en présentant une crainte de Dieu à
travers les résultantes de ses hauts faits qui peuvent être soit sa colère envers les peuples
ennemis d’Israël ou bien au sein de son peuple lors de la destruction de Jérusalem, et
même lors du jugement dernier des croyants. Il faut donc explorer ces divergences
d’arguments entre Elohiste qui reconnait la crainte et Yahviste et sacerdotal qui ne la
reconnaissent pas.
8
ibid, p. 57.
9
idem, p. 58.
10
idem, p. 68.
11
idem, p. 82.
Pour les Elohistes, les êtres terrestres et célestes, les objets, paroles, et structures
appartements à Dieu peuvent aussi faire l’objet de crainte. Or les sacerdotaux utilisent la
racine qdš pour marquer une crainte spécifique à Dieu et tous les être divins. D’autres
expressions comme l’adjectif nôrâ et le substantif môrâ vont dans le même sens. La racine
qdš regroupe de ce fait en elle-même la crainte du sacré et l'intention morale. Ainsi
l’expression “ne craint pas”12 est un oracle du salut en situation de guerre réservé
uniquement aux rois païens. Mais également à tout le peuple de Dieu et surtout en
situation des guerres saintes. Dans cette foulée d’analyse, l’auteur distingue les racines
qui expriment d’une part la terreur divine suite à un “effet immédiate d’une actions divine”
comme la guerre sainte et la crainte suite au sentiment de l’homme devant la
manifestation divine et se demande si la racine yâré’ exprime vraiment la crainte sacrée.
12
Ibid, p. 96.
13
Idem, p. 101.
14
Idem, p. 101.
contre les ennemis ne suscite pas la peur chez le peuple mais plutôt la foi et la confiance
envers son protecteur. Alors que le récit Elohiste constitue plutôt une menace pour les
pêcheurs.
Au chapitre 4, l’auteur présente les relations de l’homme avec Dieu dans des
contextes différents notamment dans les vocabulaires utilisés, le sens de la racine yâré’,
des idées nouvelles, des courants nouveaux, des milieux différents, des nouvelles formes
religieuses. De même Il y’a l’existence de la racine yâré’ ; du verbe yâré’ avec complément
‘et ; du participe yâré’ ; de l’adjectif yâré’ à l’état construit, de l’adjectif nôrâ ; du substantif
15
Ibid, p. 134.
16
Idem, p. 143.
17
Idem, p. 148.
yir’âh. Pour donner une originalité du vocabulaire et de la stylistique qui relève d’ “une
acception nouvelle de la crainte de Dieu” 18 . Le style du Nord de la crainte sacrée ainsi
révélé avec pour objet Dieu recentre à cet effet la racine yr’ comme crainte sacrée. Dans
d’autres traditions du Nord, les prophètes sont d’accord avec l’utilisation de la racine yr’;
les Deutéronomes emploient aussi le verbe yâré’ bien souvent avec le complément ‘et.
L’auteur se focaliser sur le participe yâré’ utilisé dans deux endroits différents :
• Au premier niveau il découvre que son utilisation avec le complément ‘et exprimé la
peur devant Yahvé.
L’origine du courant Elohiste reste problématique bien que connaissant les grandes
lignes de sa pensée et son terrain d’action. Certains commentateurs de la Bible l’attribuent
aux écrivains du Nord mais d’autres à la tradition deutéronomiste. Ce qui rend encore plus
difficile l’origine historique de l’usage nouveau du verbe yâré’. L’auteur note une distinction
des courants de pensée J et E dans les théophanies à Jacob et Moïse ; traduisant deux
manières différentes de la compréhension de la crainte de Yahvé. Moïse est médiateur de
la théophanie publique, sa présence rapproche l’homme à Dieu bien que la présence du
peuple donne plutôt une image d’éloignement de l’homme de son Dieu. Ceci se voit aussi
à travers l’expression nassôt qui traduit l’absence de crainte type Yahviste et le verbe
yir’âh qui signifie la crainte du Dieu d’alliance qui protège et frappe en même temps.
L’auteur fait l’analogie entre la scène du mont Sinaï et celle du mont Carmel et découvre
qu’une « promotion de la personne en matière religieuse va mener à une acception morale
nouvelle de la crainte de Dieu »20. Pour conclure finalement que la crainte de Dieu trouve
son fondement dans la morale et la piété depuis Joseph jusqu’à Éphraïm et Menacé ;
tribus qui seront le noyau du royaume du Nord. L’histoire de Naaman et d’Abimelek nous
font assimiler la crainte de Dieu comme « le respect de la morale universelle ». Mais le
18
Ibid, p. 151.
19
Idem, p. 160
20
Idem, p. 168.
récit d’Abraham en Genèse 22.12 ignore complètement le sens de la morale et révèle
plutôt la soumission totale à Dieu.
21
Ibid, pp. 187-188
22
Idem, p. 204.
23
Idem, p. 208.
24
Idem, p. 208.
25
Idem, p. 214.
»26. À partir de la recherche de Becker, l’auteur nous révèle un nouveau sens de
l’expression “ Craindre Yahvé ton Dieu” dans l’Ancien Testament qui est lié au formulaire
de l’Alliance avec quelques nuances. Selon la déclaration de Bon Rad, l’auteur trouve que
la place du roi dans le Dt est insignifiante. Cela s’avère juste car les réfugiés nordistes
bien que conscients de la réalité royale du sud ne pouvaient pas se passer de leur style.
Bien qu’imprégné de la mentalité sudiste. « Il était cependant impossible aux lévites du
Nord, lors de la rédaction définitive de D selon toute vraisemblance dans le Royaume du
Sud à Jérusalem même, dans ce nouveau quartier des réfugiés du Nord, de ne pas tenir
compte de la royauté judéenne qui les avait accueillis en la personne d'Ezéchias » 27, Dt
17, 15-15. Ici, le sens Deutéronomien de crainte est d'être fidèle à Yahvé, le Dieu de
l’Alliance avec pour roi idéal Josias. La distinction entre les deux vocabulaires utilisés lors
du couronnement de Jonas (2r11.12.17) et la cérémonie d’alliance de Josias (2roi23.3) sur
le mot berît au sud. Avec la forte présence de la marque de Dt et Rdt. Josué comme
représentant du peuple devant Yahvé s’engage avec tout le peuple dans l’alliance avec
Yahvé formulé dans le code deuteronomique. Le second est une alliance faite avec
l’homme sous l’approbation de Yahvé.
Suite au mélange des deux courants de pensées Nord Sud après la destruction de
la Samarie et la migration des prophètes vers le Sud, l’auteur cherche à identifier quelle
sera la nouvelle considération de la crainte de Dieu par les prophètes du sud jadis piètre.
L’auteur commence par résoudre ce problème dans l’oracle de David en situant d’abord la
période de sa rédaction car : « Cela ôterait beaucoup de leur intérêt aux recherches sur la
crainte de Dieu et les contacts de vocabulaire entre le Nord et le Sud » 28.
Par rapport au texte hébreu, certains pensent qu’il est corrompu alors que d’autres
trouvent le contraire. Notre auteur s’aligne sur le premier et pense qu’il faut apporter des
corrections. Après quelque retouche, une essaie de traduction nous dévoile une langue et
le style qui révèle après des comparaisons avec les anciennes que le v.5 cache un
mystère et serait tardive. Une nouvelle tentative de réponse se trouve dans le stique « qui
gouverne dans la crainte de Dieu ». Cette analyse prouve également qu’il y’a eu retrait et
ajouts de quelques versets après une seconde traduction. L’auteur confirme après
l’analyse définitive du texte que cette difficulté à comprendre le texte est ces mouvements
des versets. L’incohérence du genre littéraire de ce texte pousse l’auteur à “distinguer le
26
Idem, p. 216.
27
Ibid, p. 244.
28
Idem, pp. 260.
mashal lui-même Bb” bien que le texte soit lui-même un “mashal prophétique” le texte
regorge en lui-même un mélange du genre Nord-Sud.
L’utilisation des trois racines qdš, Pḥd, et yr’ exprime la peur comme crainte de
Yahvé dans le vocabulaire Chez Esaïe. A cause d’une distinction faite sur l’utilisation du
verbe yâré’ une étude de texte et faite ou Yahvé est à redouter et à tenir pour saint.
Parlant du contexte de la naissance de l'expression « le roi de l’avenir recevra de Yahvé
l’Esprit de crainte de Yahvé », c’est Esaïe qui s’oppose à la diplomatie israélienne depuis
le régime de Salomon et demande au roi de se confier à Dieu. Il s’oppose également
contre le culte extérieur ou du roi que l’auteur appelle le « conformisme rituel ». Esaïe
concilie les deux traditions Nord -Sud dans sa description du roi idéal. Pour distinguer
l’influence exercée sur Jérémie par le code deuteronomique ancien, et celle que le
prophète lui-même a exercée sur la seconde rédaction du Dt (Dtr). L’auteur observe une
particularité sur le vocabulaire et note que « les mots qui expriment la peur sont très
nombreux et très colorés en Jérémie » 29 . Il expose également le contexte où Jérémie
évoque la peur sacrée (le jour de Yahvé) du jugement d’Israël et des nations. Pour
Jérémie « sa confiance en Yahvé se fonde sur la peur du peuple, et c’est parce que Yahvé
ne se montre pas assez redoutable qu’il peut devenir pour Jérémie un objet d’effroi » 30. Le
résumé de Baruch montre l’attitude du roi Ezéchiel envers le prophète Miché. La réforme
deutéronomique était superficielle ; cette réforme extérieure a eu une influence sur le
prophète en le poussant à annoncer « une nouvelle alliance par laquelle Yahvé
transformera le cœur de tous »31. Et de se retenir à utiliser « les termes-clé du
Deutéronome : aimer et craindre Yahvé, votre Dieu »32
Pour comprendre la crainte de Dieu dans les traditions S, l’auteur se propose après
plusieurs analyses faites au début de l’article 4 du VI de se focaliser sur le code de
Sainteté qui offre les possibilités d’étude. Il remarque que le prophète Ézéchiel semble
ignorer le vocabulaire des élohistes et deutéronomiens de la crainte de Yahvé bien qu’il
aime évoquer les sentiments de terreur et d’effroi. Le code sacerdotal s’intéresse peu
également à la racine yr’. Le code de sainteté en regorge quelques emplois. Les deux
expressions yâré’ avec min et yâré’ avec ‘et distingue deux types de crainte de Dieu selon
Beanth mais l’auteur pense que ce constat a été réfuté. Pour enfin dire que « que les
milieux sacerdotaux de Jérusalem n'ignorent pas le Dt et les traditions du Nord et veulent
introduire le vocabulaire de la crainte de Dieu dans leur théologie de la sainteté. L'essai
29
Ibid, p. 279.
30
Idem, p. 284.
31
Idem, p. 290.
32
Idem, p. 290.
sera sans lendemain, car cette prédication chaleureuse et ces vocabulaires disparaîtront
des traditions sacerdotales et d'Ezéchiel comme nous venons de le voir. Il n'est pas sans
intérêt de constater que, sans doute sous le règne de Josias, l'essai a été tenté » 33 .
La forte mention de la crainte de Yahvé dans les proverbes « sous la forme des
divers dérivés de yâré’ » 34 pousse l’auteur à se poser un certain nombre des questions. La
première qui se préoccupe de la date montre bien que les fouilles antérieures ne soient
pas d’avis qu’ « il y aurait donc eu dans le Royaume du Sud à une époque ancienne, dès
avant la ruine de Samarie, et avant la pénétration des traditions religieuses du Nord, une
doctrine courante de la crainte de Yahvé qui aurait fleuri dans les milieux des sages
attachés à la cour du roi de Jérusalem » 35. Mais l’analyse du « Recueil des gens
d’Ezéchias qui semble être un témoin fidèle ne présente aucune mention de la crainte de
Yahvé en parallèle à ces expressions » 36. Par contre, le Grand Recueil Salomonien
présente des ajouts post-exilien dans un texte du début de la monarchie. L’analyse des
certaines racines et passages de ce grand recueil laisse voir qu’il ne s’y trouve nul par la
mention ancienne de la crainte de Yahvé seulement dans le cadre ou celle-ci décrit la
conduite humaine et ceci grâce « aux fonctionnaires de la cour des premiers rois de Juda
»37. Également l’emploi de la racine yâré’ dans le recueil III très ancien relève du fait que «
la crainte de Yahvé” et “sciences de la sagesse” garantissent le bonheur futur » 38. Mais ce
texte post-exilien porte la mention de la monarchie. Malgré le fait que dans l’histoire, la
tradition Yahviste avait du mépris pour la sagesse contrairement au Elohistes. L’époque
d’Esaïe est bien fructueuse pour les sages de la cour qui conseillent le roi mais Jérémie
s’y oppose farouchement. Ceci étant à une époque pré-exilienne. On se demande
comment cette littérature de la sagesse a pris une considération après l’exil et s’intégrer si
facilement dans la littérature religieuse. L’auteur souligne dès lors que les maximes
profanes ne sont pas nouvelles. Il ya eu une transformation de ces recueil Salomonien à la
littérature Yahviste prophétique tout en tenant compte de l’aspect politique. Et ces écrits
transformés dit l’auteur n’étaient autres choses que la crainte de Dieu. Une curiosité est
relevée du fait que ces écrits n’ont pas affecté les réfugiés du Nord contrairement aux
écrits religieux. Ceci s’explique parce qu’au tournant de l’exil « L’apparition d’une religion
plus personnelle explique l’intérêt porté à la sagesse dans l’Israël d’après l’exil. Déjà le
premier code Deutéronomien (D) avait marqué la religion de l’alliance d’un caractère
33
Ibid, p. 297.
34
Idem, p. 302.
35
Idem, p. 303.
36
Idem, p. 305
37
Idem, p. 311.
38
Idem, p. 312.
personne »39. La sagesse devient alors une loi : « ici, la loi est désormais une sagesse
présente au cœur (Dt 30 11-144) qui doit inspirer toute la conduite. » 40 Ainsi, la sagesse
qui avait détourné les rois et envoyé les peuples en exil est devenue dorénavant tout autre
chose qu’une attitude habile, elle est l’intelligence supérieure par laquelle Yahvé crée et
gouverne l’univers. Remarquons enfin que même si la sagesse politique à coloration
Yahviste possède la description des qualités du futur Emmanuel, elle est dépourvue de la
crainte de Yahvé. Sous réserve d’une importante transformation qui a vu le jour post-
exilien au moment où la monarchie n’avait plus d’influence, les sages n’ont pas estimé
nécessaire de faire appel à la crainte de Yahvé dans ces parties. La crainte de Dieu dans
le livre des proverbes est un comportement moral selon le pr.10-30. Elle est eudémoniste
puisqu’elle assure le bonheur de ceux qui s’y intéressent. Il faut donc différencier la
rétribution individuelle évoquée par le sage et la rétribution collective dont parle le
prophète. La première étant la conséquence de nos actes qui agit sur nous selon une loi
que Yahvé est garant, et la seconde étant un châtiment divin sans rupture de l’Alliance. La
racine yâré’ est utilisée au substantif uniquement dans l’expression « crainte de Yahvé »
et ne s’emploie pas dans le domaine politique. Pour dire au final que la crainte de Yahvé
dans le proverbe 10-30 est un ajout tardif et représente la relation personnelle avec
Yahvé. Dans son prologue (pr 1 à 9), les attestations de la “crainte de Yahvé” constituent
un ensemble homogène par le sens et proposent une acception nouvelle. L’auteur trouve
dans l’analyse de Becker que la crainte de Yahvé va en étroite collaboration avec la
sagesse mais surtout elle est « un don qui vient de Yahvé pour éclairer l’intelligence ; elle
n’est pas directement et uniquement un comportement moral » 41. Esaïe l’approuve dans
sa description du roi idéal « le toi idéal est doué de l’esprit de conseil, d’entendement, de
puissance, de connaissances et la sagesse »42. Le Deutéronome la considère comme une
relation au Dieu d’alliance qui donne le sens de l’adhésion à Yahvé du fond du cœur. Pour
l’auteur « Cette fois la crainte de Yahvé n'est plus une estampille religieuse a une sagesse
trop humaine ; elle signifie que le meilleur de l'expérience religieuse d'Israël peut
s'exprimer en termes de sagesse. » 43
Bien que Job ne soit pas d’accord avec les idées morales des sages de son temps,
son livre regorge beaucoup de mentions de la crainte de Dieu selon notre auteur. Il sera
important pour la suite de clarifier cette ambiguïté. L’auteur commence par situer ce livre à
une date post-exilique et distingue de suite deux types de théologie qui se dégagent
39
Idem, p. 317.
40
Ibid, p. 317.
41
Idem, p. 324.
42
Idem, p. 325.
43
Idem, p. 328.
notamment celle du récit en prose et celle du drame poétique. Le récit en prose à l’esprit
Elohiste Job est présenté dans le prologue comme un craignant Dieu. L’étude des
expressions, racines et vocabulaire liés à l’utilisation de cette crainte confirme cette
déclaration. Pour dire au final que « la leçon du prologue en prose est que la crainte de
Dieu est la valeur suprême de la vie morale.» 44 . Au niveau du drame poétique, l’auteur
souligne un refus de la sagesse traditionnelle qui assimile la crainte du shaddaï à la piété.
Au début, la doctrine des sages est évoquée ou Dieu est garant de la loi de rétribution qui
est belle et bien rejetée par Job au chp 15.4. Job fait maintenant face à une crainte dans
le sens de la morale et refuse également. Bien que Job se plaint d’être frappé injustement
par une puissance terrible qu’il ne maîtrise guerre et Dieu n’intervient pas pour le sauver
en tant qu’homme juste, il reste toujours fidèle à Yahvé en refusant la doctrine de la
crainte sapientielle qui exprimait dans l’histoire d’Obadyahu et des frères prophète de
Nord. Job craint un Dieux caché et mystérieux qu’il vient de découvrir, puisqu’il ne connaît
de lui qu’un Dieu personnel et bienveillant. En somme, Job qui croyait connaître Dieu
suffisamment perd tous ses repères à propos de son Dieu et s’abandonne à l’amour pur et
simple, à la confiance absolue à Dieu et reçoit de nouveau par la grâce de son Dieu
Justice, sagesse et tout le reste. Ainsi ce livre nous demande de comprendre que la
sagesse n’est pas innée à l’homme mais c’est une providence divine. Et également en ce
qui concerne Dieu « l’homme le ne connaît pas dans les discours humains de la sagesse
et la tradition mais dans une expérience personnelle incommunicable » 45 . L’auteur met en
exergue la tradition ancienne et la plus profonde de la crainte de Dieu qui est la foi ou
l’abandon total à son Dieu personnel.
L’auteur reconnaît en la pensée de Ben Sira une originalité et une richesse à cause
de la place qu’il occupe dans le témoignage de la sagesse juive en Palestine. L’analyse du
44
Ibid, pp. 331-332.
45
Idem, p. 335.
vocabulaire nous offre beaucoup de pistes d’interprétation selon que le texte est écrit en
hébreu ou traduit en grec. Becker constate à partir du texte hébreu que « Ben Sira
emploie presque exclusivement des expressions qui relèvent de l’acception morale ainsi
que nomiste »46 . Selon cette dernière qui s’oppose à l’acception dt.ienne, « la crainte de
Yahvé » « finit par désigner non seulement l’observation de la loi mais la loi elle-même
»47 . L’auteur pense que Becker a exagéré sur la mention du nombre de passages qui ont
le sens nomiste, et a également omit de signaler l’éloignement de « l’acception sapientielle
classique » du texte. Or « Ben Sira a une doctrine neuve et riche de la crainte de Seigneur
»48 basée en premier lieu sur la relation personnelle entre l’homme et Dieu dépourvue de
tout sens moral avec pour rétribution le salut « donné par le Seigneur miséricordieux et
bon »49 , ou dans l’exhortation chaleureuse, ou encore dans l’amour. En second lieu sur la
relation qui existe entre la crainte du Seigneur, l’accomplissement de la Loi et la sagesse.
Il résume cette relation en ceci : « la Sagesse d’Israël se met enfin à l’école du
Deutéronome et devient un élément essentiel de l’alliance ». Au troisième point enfin, il
évoque cette relation entre le sens du péché, l’épreuve éducative et la confiance. Ici la
fragilité de l’homme cause permanente du péché devant le Dieu puissant, juge suprême,
garant de loi et d’alliance qui sait tout sur l’homme est soulignée. Ainsi sa colère et son
châtiment est éducateur pour le « craignant-Dieu » qui doit accepter cette épreuve et avoir
entièrement confiance en son Dieu d’amour patient, miséricordieux et compatissant. Ce
mystère de la vie humaine éloigne Ben Sira de « l’évidence illusoire de la sagesse
traditionnelle dénoncée par Job et Qoheleth » 50 : celui du comportement moral qui donne
le bonheur.
46
Ibid, p. 347
47
Idem, p. 348.
48
Idem, p. 349.
49
Idem, p. 350.
50
Idem, p. 354.
51
Idem, P. 355.
menace déjà, et la littérature apocalyptique exprimera bientôt la pensée et la prière
d’Israël »52
L’auteur conclut cet immense travail par une synthèse des différentes relations qui
existent entre l’homme et Dieu. Il donne comme premier niveau de cette relation « la
religion de la mère »53 marquée par un piètre objet de la peur, symbolisée par tout autre
chose que le symbole personnel, bref dépourvu de toute morale proprement dit puisque
l’image de la Mère est au centre de tout ainsi que la terre et l’eau. Au deuxième niveau, «
l’attitude religieuse est celui du Sacré, qui a retenu l’attention de R. Otto. Ici le sacré est en
même temps dangereux et attirant, négative et positive, suscite le respect et l’amour ; le
Sacré est le Tout Autre c’est-à-dire mystérieux pour l’homme et paradoxal. « Toutes ces
représentations visent un objet unique qui échappe à toute rationalité humaine » 54 . Au
moins dans le proche Orient, la crainte est crainte des dieux et des rois protecteurs et
pourvoyeurs de vie et bien. En effet, « l’objet visé par la crainte religieuse, c’est à la fois
les dieux et le roi, ou les deux à travers le roi, car, par lui les dieux font régner l’ordres et la
paix et font se déployer les rythmes de la vie » 55 ; bien que la volonté de ces dieux soit
parfois insaisissable même par le roi.
L’auteur relève en fin dans les documents bibliques une religion du DIEU LE PÈRE
sous l’aspect de l’Autorité et d’Amour ; deux conceptions respectivement entretenues par
le Nord et le Sud.
L’amour de Dieu dans le premier document sudiste est la crainte sacrée devant un
Dieu mystérieux et menaçant mais qui suscite la joie de le servir : « qui appelle à son
service et bénit »56 Or dans l’esprit Yahviste, l’homme est très proche de son Dieu et vie
dans une sérénité Absolue. Un Dieu pourvoyeur qui représente tout pour lui ; bon Père et
en même temps Roi universel qui fait connaître sa volonté au monde entier. Tout ceci pour
donner l’image d’un Dieu connu sous le nom de Yahvé ou El ; mais invisible et saisissable
par la foi qui accomplit ses dessins par ses chefs et ses rois.
52
Ibid, P. 356.
53
Idem, P. 359.
54
Idem, p. 360.
55
Idem, p. 361.
56
Idem, p. 362.
demande obéissance à ses lois, Maître dans une relation de vassalité etc. … devient en
même temps crainte de Dieu le Père qui a choisi son peuple par amour pour le bénir.
Toutes ces représentations sont celles du Dieu moral, garant de l’ordre du monde et de la
justice… en l’arrachant aux illusions et à la bonne conscience de l’enfant » 57 . Avec pour
attitude religieuse « une relation personnelle avec un Dieu personnelle » 58 le Dieu
d’alliance qui est honoré dans un style de vie (comportement, culte, relation) en société.
IV. CRITIQUE
Nous sommes très reconnaissants de ce grand chantier abattu par notre auteur en
ce qui concerne l’approche historique de la crainte de Dieu dans l’Ancien testament jadis
presque invisible de ses prédécesseurs. Nous remarquons qu’il a négligé deux aspects
qui laissent encore en suspens notre curiosité, notamment l’influence des populations
annexées aux Nord comme les Arabes et la conception de Dieu chez les sudistes fuyards
en Egypte après la déportation de 589 av. JC.
Le récit de 2 rois 17 nous relate les circonstances qui ont poussé le roi Assyrien en
722 av. J-C. de déporter une partie des juifs Samaritains pour s' installer à la place des
déportés d’autres pays. Ainsi les annales du roi Sargon nous apprennent que des tribus
arabes furent déportées en Samarie vers 715 av. J-C. Ce mélange de populations est à
l’origine du terme péjoratif de « Samaritains » que les juifs considèrent comme des gens
pratiquant un culte syncrétiste. Nous nous interrogeons de ce fait sur l’influence de la
population importées sur le concept de la « crainte de Dieu » chez les rescapés
Samaritains.
De plus, l'exil égyptien que Thomas Römer dans LE MONDE DE LA BIBLE appelle
l’exil volontaire est choisi par une partie de la population qui voulait échapper à la
57
Ibid, p. 363.
58
Idem, p. 363.
59
Idem, p. 363.
60
Idem, p. 363.
domination babylonienne (2 rois 25 et Jérémie 42 - 44). Nous pensons que la crainte de
Dieu ne s’exprimera pas de la même manière chez les auteurs des livres de Jérémie et
d’Ezéchiel qui firent hostile au judéens installés en Égypte au début l’époque perse
contrairement à l’auteur du roman de Joseph en Genèse 37 - 50 qui offre une vision
positive de la diaspora égyptienne et présente les relations entre l’Égypte et les
descendances du patriarche Jacob d’une manière presque irénique. Comment
comprenons-nous également cette littérature apocalyptique qui invite Yahvé à se venger
des non croyants alors que Joseph démontre son obéissance à pharaon et à Yahvé en
même temps ?
V. INTERTEXTUALITÉ DE L’OUVRAGE
En définitive, cette thèse de théologie biblique est malgré ses faiblesses un trésor
pour l’épanouissement des futurs théologiens sur les questions bibliques de l’Ancien
Testament. Ce qui en fait d’elle une œuvre majeure qui surclasse ainsi les thèses
allemandes de S. Plath (Greif-swald, 1963) et J. Becker (Rome, Institut Biblique, 1965), se
rapportant au même sujet d’après les commentaires proposés par l'auteur. Elle ne devra
pas demeurer ignorée de tous ceux qui auront à parler de la crainte de Dieu dans la Bible.
VI. BIBLIOGRAPHIE