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Art grec par excellence, le théâtre est frappé du sceau de l’interdit religieux. Pour autant, une
pratique théâtrale à part entière s’est développée tout au long de l’histoire juive. En particulier
au Moyen Âge, à l’occasion de la fête de Pourim. Les Pourim Shpil ou jeux théâtraux tirés
du « Livre d’Esther » apparaissent comme la véritable matrice du théâtre juif. Mais son âge
d’or se situe entre 1868 et 1948 : Abraham Goldfaden, Alexandre Granovski, An - Ski,
Sholem Aleikhem, Itzik Manger, Sholem Asch, I.L. Peretz sont les figures emblématiques de
ce monde vibrant et créatif, brutalement anéanti.
La première pièce de théâtre juif retrouvée a été écrite en grec par Ezéchiel le Tragique, deux
siècles avant l’ère chrétienne. On ne sait rien de l’auteur de « L’Exagogè », « L’Exode » qui
mettait en scène la sortie d’Egypte, Moïse et le spectacle de la Révélation. Difficile de taxer
ce théâtre de « culte idolâtre » comme associeront ce terme quelque 5 siècles plus tard les
maîtres du Talmud aux jeux du cirque et du théâtre romains. Des 63 traités du Talmud de
Jérusalem, on ne trouve qu’un seul passage qui les condamne spécifiquement. Il s’agit du
traité « Avoda zara », « culte idolâtre » (18b) : « Nos maîtres ont enseigné : il est interdit
d’aller au théâtre (theatriot) et aux cirques (karkasiot) car on y fait des sacrifices idolâtres
selon Rabbi Meir ». La condamnation talmudique concerne surtout le théâtre romain où se
tenaient les jeux du cirque, d’une rare violence, durant l’occupation romaine de Jérusalem. Et
dès lors que la création théâtrale va toucher à la mise en scène du réel dans l’antiquité
romaine, elle va se heurter au deuxième commandement : « Tu ne feras pas d’images taillées,
ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut des cieux, qui sont en bas sur la
terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre.»
Tout en condamnant toute tentative de représentation du réel, toute mixité sur scène ou dans
le public, au fil des siècles on assiste à un renouvellement du genre théâtral par des rabbins
dramaturges où le peuple juif joue son histoire et son rapport à la Révélation sur scène.
https://www.google.fr/books/edition/Th%C3%A9%C3%A2tre_et_sacr
%C3%A9_dans_la_tradition_ju/XorGDQAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover
NOTES :
Ou a-t-il toujours été enclin à l’auto-distanciation comme l’évoque Joseph Roth
lorsqu’il écrit que « le Juif joue » ? Cette disposition, qu’elle soit acquise ou
naturelle, à dramatiser la judéité, donnerait-elle à celle-ci une
qualité performative – un moyen, non seulement de se construire, mais aussi de
façonner son appartenance à une communauté mémorielle ou actuelle, fût-elle
imaginaire ?
L’effort tenté par M. Granovsky pour édifier, sur des bases folkloriques et en
puisant dans des productions littéraires de sa race, un
théâtre ethniquement juif, a été couronné de succès29.
Exode 20-4 (Les dix Commandements) : « Tu ne feras pas d’idole, ni rien qui ait
la forme de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux
sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras
pas, car c’est moi le Seigneur, ton Dieu, un Dieu jaloux » ; Deutéronome, 22-5
(Prescriptions diverses) : « Une femme ne portera pas de vêtements d’homme ;
un homme ne s’habillera pas avec un manteau de femme, car quiconque agit
ainsi est une abomination pour le seigneur ton Dieu ».
Benjamin Zuskin dans le rôle du marieur dans Dos groyse gevins (Le gros lot)
de Sholem Aleichem Tableau
© Chagall and the Artists of the Russian Jewish Theater, New Haven and
London, Yale University Press, p. 143.
la pièce Dos groyse gevins (Le gros lot) de Sholem Aleykhem où le personnage
principal est un pauvre tailleur juif russe ayant gagné le gros lot de 200.000
roubles. Fier de sa nouvelle richesse, il se comporte en « bourgeois
gentilhomme » envers son entourage qui, initialement dédaigneux, le courtise et
le complimente.
https://www.fabula.org/actualites/le-theatre-juif--un-objet-anthropologique-
_105796.php
« C’est seulement à Pourim qu’il y avait un théâtre. Mon cousin Chaskel collait
une grande barbe noire sur sa petite barbe blonde, mettait son caftan à l’envers et
jouait le rôle d’un amusant commerçant juif. Mes petits yeux d’enfants ne
pouvaient pas se détacher de lui. De tous mes cousins il était mon préféré. J’avais
à peine huit ans que je jouais déjà à l’école, quand le Rabbin était parti, au
directeur, au metteur en scène, bref je faisais tout. Chaque jour j’imaginais de
nouvelles pièces de théâtre. » Löwy
Nous sommes en juillet 1917, lorsque l’écrivain tchèque Franz Kafka demande à
son ami polonais Jizchak Löwy d’écrire un texte autobiographique pour la revue
pragoise Der Jude, Le Juif. Löwy dirige alors une troupe de théâtre Yiddish et
Kafka assiste à de nombreuses représentations de leurs pièces lors de leur séjour à
Prague. « C’est un personnage marginal, plein de dons, pauvre. Que je voudrais
admirer à genoux dans la poussière » confie Kafka. Dans ses quelques lignes de
souvenirs d’enfance, Löwy évoque la fête carnavalesque de Pourim dans la
tradition juive. Observée chaque année au mois de février-mars, cette réjouissance
célèbre la reine Esther et son oncle Mardoché qui parviennent à déjouer le complot
du méchant Aman. Alors ministre du roi perse Assuérus, qui veut anéantir le peuple
juif. La Meguila / Rouleau d’Esther raconte ce diabolique complot et son heureux
dénouement. Pourim est alors un jour de liesse et de joie. On rit, on chante. On
danse. On échange des cadeaux, on offre des gâteaux. Comme c’est le seul jour du
calendrier hébraïque durant lequel il est autorisé de changer de sexe, les hommes
empruntent les vêtements de leurs mères, sœurs et épouses. Parmi ces rituels
transgressifs figure le Pourim Shpil.
La tradition des Pourim Sphil se développe en Europe depuis la fin du Moyen Age,
jusqu’à nos jours. Et la langue Yiddish, joue un rôle majeur dans la formation des
jeux de Pourim. Par son inventivité, sa créativité, sa longue tradition littéraire, et
son riche répertoire de poèmes et de chansons. C’est à partir de la seconde moitié
du XIXè siècle, qu’il connaît un renouvellement spectaculaire. Et jusqu’à la
deuxième guerre mondiale, le théâtre juif connaît un succès sans précédent.
Abraham Goldfaden en est le père.
Salomon Mikhoëls est l’un des plus grands acteurs du théâtre Yiddish. Un de ses
plus grands succès théâtraux, Tévié le Laitié franchira d’ailleurs l’Atlantique pour
devenir la comédie musicale, Le violon sur le toit. Ce grand acteur Yiddish joue les
classiques du théâtre Yiddish, les auteurs juifs soviétiques mais aussi quelques
pièces du répertoire universel dont le « Roi Lear », en Yiddish. En 1929, il est
nommé Directeur du GOSSET, Le Théâtre Juif d’Etat de Moscou.
Le Théâtre juif d’Etat voit le jour en 1919 lorsque Granovski décide de quitter
Petrograd pour s’installer à Moscou. Il souhaite en effet s’affranchir des écrivains
qui se pensent seuls détenteurs du monopole culturel juif. L’arrivée à Moscou le
met en contact avec d’autres artistes et c’est à Marc Chagall qu’il s’adresse en 1920
pour concevoir le décor de son théâtre. Le Théâtre d’art juif, voit le jour. En 1948,
à l’aube de la guerre froide, Solomon Mikhoels, directeur artistique du théâtre juif
d’Etat de Moscou et Chef du Comité juif antifasciste, est assassiné. Staline débute
sa campagne contre ceux qu’il appelle les « cosmopolites ». En 1949, le théâtre est
fermé.
AKADEM :
https://akadem.org/magazine/2012-2013/theatre-et-sacre-dans-la-tradition-juive-16-11-
2012-48446_4442.php
https://akadem.org/index_list_ccc_details.php?id_serie=3688
Bucarest[modifier | modifier le code]
Comme à Iaşi, Goldfaden arrive à Bucarest avec une réputation déjà établie. Avec ses acteurs, il
joue tout d'abord au début du printemps dans le salon Lazăr Cafegiu sur l'avenue Văcăreşti, au
cœur du ghetto, puis quand les beaux jours arrivent, au jardin Jigniţa, un
plaisant biergarten ombragé sur la rue Negru Vodă, qui n'avait jusqu'alors attiré que les gens du
voisinage. Goldfaden complète son équipe en embauchant les meilleurs chantres de
la synagogue et en recrutant deux prime donne éminemment respectables, formées à la musique
classique, les sœurs Margaretta (en) et Annetta Schwartz (en).
Parmi les chantres engagés cette année-là, on trouve Lazăr Zuckermann (aussi connu sous le
nom de Laiser Zuckerman) comme chanteur et danseur, il suivra Goldfaden à New York et aura
une longue carrière théâtrale6 ; Moishe Zilberman (aussi connu sous le nom de Silberman),
Simhe Dinman, mais surtout Zigmund Mogulescu (en) (Sigmund Mogulesko), un orphelin de 18
ans qui avait déjà fait son chemin dans le monde comme chanteur, non seulement comme soliste
à la Grande synagogue de Bucarest, mais aussi dans les cafés et les bals avec une troupe
d'opérette française en tournée, et même dans les églises, et qui deviendra rapidement une
vedette de la scène. Avant que sa voix ait mué, il avait chanté avec Zuckerman, Dinman, et
Moses Wald dans le "Chœur israélite", lors des cérémonies importantes de la communauté juive.
Lors de son audition devant Goldfaden, Mogulescu joue une scène de Vlăduţu Mamei (Le garçon
de maman), qui formera plus tard la base de la comédie légère de Goldfaden Shmendrik, oder
Die Komishe Chaseneh (en) (Shmendrik ou le mariage comique) dont Mogulescu sera la
vedette en jouant le jeune homme malheureusement ignorant et infortuné (plus tard, le rôle sera
repris avec succès à New York et en tournée par l'actrice Molly Picon).
Le recrutement de chantres ne se fait pas sans remous : le chef des chantres de la Grande
synagogue, Cuper (ou Kupfer), considère comme « impie » que des chantres se produisent dans
des spectacles séculiers, devant des parterres où les deux sexes se mélangent librement et
jusqu'à des heures tardives de sorte que les gens ne peuvent pas être à l'heure pour les prières
du matin.
Alors que l'on peut encore discuter sur la représentation qui a « lancé » le théâtre yiddish, on ne
peut contester qu'à la fin de l'été, le théâtre yiddish de Bucarest est un fait établi. L'affluence de
marchands et de revendeurs juifs au début de la guerre russo-turque de 1877-1878 étend
grandement l'audience du théâtre ; parmi les nouveaux arrivants, on trouve Israel
Rosenberg (en) et Jacob Spivakofsky (en), le descendant hautement cultivé d'une très riche
famille juive russe. Tous les deux se joignent à la troupe de Goldfaden, mais ils la quitteront
bientôt pour former la première troupe de théâtre yiddish dans l'Empire russe7.
Goldfaden écrit sans relâche de nouvelles chansons, de nouvelles pièces de théâtre, des
traductions de pièces roumaines, françaises et d'autres langues ; pendant les deux premières
années, il écrit 22 pièces, et peut-être même 40, et si Goldfaden n'est pas toujours capable de
garder ses comédiens dans sa compagnie une fois qu'ils sont devenus des vedettes, il continue
pendant plusieurs années à recruter des talents prometteurs, et sa compagnie devient de
facto un centre de formation pour le théâtre yiddish. À la fin de l'année, d'autres écrivains écrivent
des pièces en yiddish, comme Moses Horowitz (en) avec Der tiranisher bankir (Le banquier
tyrannique) ou Israel Grodner avec Curve un ganev (La prostituée et le voleur). Le théâtre yiddish
devient alors un grand théâtre, avec des décors élaborés, des duos de chœurs et des extras
pour attirer les foules.
Goldfaden est aidé par Ion Ghica, alors directeur du Théâtre national roumain, afin d'établir
une société dramatique pour prendre en main les questions administratives. Par ces documents,
on sait que la troupe à la Jigniţa comprend Moris Teich, Michel Liechman (Glückman), Lazăr
Zuckermann, Margareta Schwartz, Sofia Palandi, Aba Goldstein, et Clara Goldstein. De ces
mêmes papiers, on apprend que quand Grodner et Mogulescu quittent Goldfaden pour créer leur
propre compagnie, la troupe comprend, en plus d'eux, Israel Rosenberg, Jacob Spivakovsky, P.
Şapira, M. Banderevsky, Anetta Grodner, et Rosa Friedman.
Ion Ghica est d'une aide précieuse pour le théâtre yiddish de Bucarest. À plusieurs occasions, il
exprime son opinion favorable quant à la qualité des acteurs et même sur les aspects techniques
de ce théâtre. En 1881, il obtient pour le Théâtre National les costumes qui furent utilisés pour un
spectacle yiddish sur le couronnement du roi Salomon, qui avait été programmé pour coïncider
avec le couronnement du roi Carol Ier.
Russie[modifier | modifier le code]
Le père de Goldfaden lui écrit pour demander que sa troupe se produise à Odessa en Ukraine,
qui fait alors partie de l'Empire russe. La période semble opportune : la fin de la guerre fait que
son meilleur public est maintenant à Odessa plutôt qu'à Bucarest ; Rosenberg a déjà quitté la
troupe de Goldfaden et représente déjà le répertoire de Goldfaden à Odessa.
Avec un prêt de Librescu, Goldfaden part vers l'est avec sa troupe de 42 personnes, qui inclut les
acteurs, les musiciens et leurs familles. En plus d'Odessa, sa troupe va beaucoup tourner dans
l'Empire russe, notamment à Kharkiv (aussi en Ukraine), à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Jacob
Pavlovitch Adler décrit Goldfaden à cette période comme un « bon vivant » (en français dans le
texte), un « cavalier », « difficile à approcher comme un empereur »8. Il continue à écrire des
pièces avec un rythme prolifique, et maintenant la plupart de ses pièces concernent des sujets
sérieux, tels que Doctor Almasada, oder Die Yiden in Palermo (Docteur Almasada, ou Les Juifs
de Palerme), Shulamith ("Sulamite") et Bar Kokhba, ce dernier étant une opérette plutôt noire sur
la révolte de Bar-Kokhba, écrite après les pogroms qui ont suivi en 1881 l'assassinat du
tsar Alexandre II et alors que l'opinion se tourne contre l'émancipation des Juifs.
Victor Tissot assiste par hasard à Berdichev à deux pièces de la compagnie de Goldfaden, Di
Rekruten (Les recrues) et Di Shvebeleh (Les allumettes), une pièce d'intrigues. Le compte-rendu
de Tissot sur ce qu'il a vu donne un aperçu intéressant des théâtres et des publics rencontrés par
la troupe de Goldfaden en dehors des grandes villes 9 : « Berditschew qui n’a ni café ni restaurant,
ni lieu de réunion d’aucune sorte, Berditschew qui est une ville sans plaisir et sans joie, a
cependant une salle de spectacle, vaste baraque en planches où les troupes de passage
donnent une représentation de loin en loin. » Bien qu'il y ait une scène propre avec un rideau, les
sièges bon marché sont des bancs nus, tandis que les places les plus chères sont des « des
bancs de bois grossier drapés de percaline rouge ». Bien qu'il y ait beaucoup de barbes entières,
« il n'y a ni longs caftans, ni calottes ». Certaines personnes sont très pauvres, mais sont des
Juifs assimilés, fondamentalement séculaires. Le public comprend aussi des officiers russes avec
leur femme ou leur petite amie.
En Russie, Goldfaden et sa troupe attirent une large audience et sont généralement populaires
avec les intellectuels juifs progressistes, mais ils vont se mettre à dos le gouvernement tsariste et
les éléments conservateurs de la communauté juive. Goldfaden appelle à des changements dans
le monde juif.
Réveille-toi, mon peuple
De ton sommeil, lève-toi
Et ne crois plus à la stupidité.
Un tel appel est un peu ambigu, mais il est dérangeant pour ceux qui sont du côté
du statu quo. Le théâtre yiddish est banni de Russie à compter
du 4 septembre 1883, en tant que réaction antisémite à la suite de l'assassinat du
tsar Alexandre II. Goldfaden et sa troupe se retrouvent bloqués à Saint-Pétersbourg.
La compagnie se disloque et les comédiens partent alors vers différentes
destinations, certains en Angleterre, d'autres à New York, d'autres enfin retournent
en Pologne ou en Roumanie.
Œuvre[modifier | modifier le code]
Pièces de théâtres[modifier | modifier le code]
Certaines sources ne concordent pas sur les dates (et quelquefois même sur les
noms) de certaines pièces de Goldfaden. Comme d'habitude, la transcription du
yiddish peut varier énormément.