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Cours semaine n°7

ARTHRITES REACTIONNELLES

I Généralités

1 Définition des arthrites réactionnelles (ARé)

Les ARé sont des arthrites stériles survenant au décours immédiat d'une infection
déclenchante, siégeant à distance de l'articulation (1). Il s'agit d'infections bactériennes
touchant la muqueuses intestinale ou uréthrale. Le délai qui s'écoule entre l'épisode
infectieux et les manifestations inflammatoires qualifiées de réactionnelles ne doit pas
dépasser un mois, pour qu'un lien entre les deux évènements puisse être retenu.

L'ARé fait partie des spondyloarthrites (SPA), regroupement justifié à la fois par la
présentation clinique et par l'existence d'un terrain génétique prédisposant particulier,
le HLA-B27. Il est par conséquent convenu d'exclure du cadre des ARé les rhumatismes
inflammatoires aseptiques survenant aussi dans un contexte infectieux, mais ayant une
présentation clairement distincte des SPA, comme par exemple les rhumatismes post-
streptococciques, post-méningococciques, ou encore certaines arthrites accompagnant
les endocardites infectieuses.

2 Les agents infectieux responsables des ARé

Les bactéries reconnues pour déclencher des ARé de façon certaine ont une porte
d'entrée muqueuse, soit intestinale, soit uréthrale (Tableau 1).

Les uréthrites non gonococciques


La bactérie la plus fréquemment en cause est Chlamydia trachomatis. Ce germe est
tenu pour responsable de 50% des uréthrites non gonococciques. Chez la femme, il est
responsable d'une cervicite souvent asymptomatiques, mais qui peut se compliquer de
salpingite et de stérilité. Sa présence silencieuse dans les voies génitales y peut
facilement être méconnue. Uréaplasma uréalyticum est une bactérie de la famille des
mycoplasmes également responsable d'uréthrites, mais dont le rôle dans la survenue
d'ARé n'a pas été établi de façon certaine.

Les bactéries entéroinvasives


La responsabilité de ces bactéries dans le déclenchement des ARé est facilement
vérifiable, en raison des épidémies de gastro-entérite suivies d'arthrites qu'elles
provoquent de façon récurrente. La plupart des bactéries ayant un caractère
entéroinvasif, c'est-à-dire franchissant la barrière épithéliale intestinale et envahissant
le chorion muqueux sous-jacent ont été incriminées :

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 Yersinia enterocolitica et Yersinia pseudotuberculosis entraînent des troubles


digestifs aigus variables, pouvant comprendre diarrhée, fièvre, et douleurs
abdominales. La contamination par ces bactéries est liée à l'alimentation, et en
particulier à l'ingestion de porc cru. De nombreux sérotypes des Yersinia
pathogènes ont été décrits. Il ne semble pas exister de lien particulier entre les
variants de Yersinia et la survenue d'ARé. L'infection à Yersinia peut aussi être
responsable d'arthrites septiques, par dissémination hématogène, et d'érythème
noueux incluant des arthrites stériles, mais dont la présentation et les mécanismes
se distinguent de ceux des ARé.
 L'infection par Shigella est responsable de syndromes dysentériques, Shigella
dysenteriae et surtout flexneri sont les espèces associées au déclenchement
d'ARé. D'autres espèces pathogènes comme Shigella sonnei ont été
exceptionnellement incriminées. Les raisons de cette spécificité ne sont pas
élucidées de façon certaine mais pourraient correspondre à une moindre virulence
de la dernière espèce.
 Salmonella enteritidis, Samonella typhimurium et Campylobacter jejuni ont
également été associées au déclenchement d'ARé.

Cas particuliers
A côté des ARé liées de façon certaine, car reproductible aux infections par les
bactéries ci-dessus, il existe de nombreuses observations isolées, qui pourraient
correspondre à des ARé déclenchées par l'exposition à des parasites intestinaux
(gardiases, taenias, amibes…), à certaines vaccinations (salmonelles, BCGthérapie
intravésicale à visée anti-cancéreuse), ou encore à d'autres bactéries comme Chlamydia
pneumoniæ (responsable de broncho-pneumopathies) mais trop anecdotiques pour pouvoir
conclure de façon certaine à leur existence.

3 Données épidémiologiques des ARé

Si l'on estime la prévalence des ARé, en se limitant aux cas comportant un épisode
infectieux prouvé, alors cette prévalence est faible, en diminution depuis plusieurs
décennies dans les pays occidentaux, surtout en ce qui concerne les cas liés à une
infection à Chlamydia, ce qui pourrait s'expliquer par une meilleure protection vis-à-vis
de la transmission de ces maladies, ainsi que par un usage plus large des antibiotiques.
La fréquence des ARé recensées lors des infections digestives est parfois élevée
parmi les sujets exposés, de 2-3 % en cas d'infection à salmonelle ou shigelle, à plus de
30% en cas de yersiniose.
Le sexe ratio est proche de 1 pour les ARé post-entériques, alors qu'il existe une
forte prédominance masculine des ARé déclenchées par une uréthrite (10 hommes/1
femme).
L'âge moyen de survenue se situe entre 20 et 30 ans. Les ARé ont toutefois été
décrites à tous les âges (avant 10 ans et après 70 ans).

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Les ARé étaient exceptionnelles dans les pays d'Afrique noire, jusqu'à l'épidémie
d'infection par le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). La fréquence des SPA
serait multipliée par 10 chez les noirs Africains infectés par le VIH, avec une majorité
de tableaux d'ARé et une absence d'association au HLA-B27.

II Diagnostic

1 Présentation clinique

L'épisode infectieux déclenchant précède de 15 jours en moyenne le tableau d'ARé à


proprement parler, qui peut prendre les aspects suivants :

Le syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter (FLR)


C'est la forme la plus complète des ARé. Il associe des signes cutanéo-muqueux aux
manifestations rhumatismales (triade oculo-uréthro-synoviale) et à des signes généraux
(fièvre, altération de l'état général).

L'atteinte inflammatoire rhumatismale réalise un tableau souvent bruyant pouvant


comprendre :
 des arthrites périphériques : typiquement, il s'agit d'une oligoarthrite asymétrique
prédominant sur les grosses articulations des membres inférieurs. Par ordre de
fréquence décroissante, les articulations les plus fréquemment touchées sont les
genoux (70 à 90% des cas), les chevilles (20 à 50%), les métatarso-phalangiennes
(10 à 45%), les poignets.
 des ténosynovites et enthésiopathies périphériques : dactylite (tuméfaction
inflammatoire globale d'un orteil ou moins souvent d'un doigt de main), talalgies
inflammatoires…
 une atteinte axiale pelvi-rachidienne présente dans 30 à 90% des cas : fessalgies,
rachialgies inflammatoires

Les atteintes extrarhumatismales prédominent sur la peau et les muqueuses :


1. la diarrhée précède les signes articulaires en cas de porte d'entrée digestive, mais
survient aussi parfois en cas d'ARé post-vénérienne,
2. l'uréthrite, qui précède les arthrites en cas de porte d'entrée génitale, est aussi
fréquemment observée en cas de porte d'entrée digestive (dans 10 à 70% des cas),
alors contemporaine des arthrites,
3. l'atteinte oculaire se manifeste le plus souvent par une conjonctivite, parfois
purulente mais stérile, plus rarement par une uvéite antérieure aigue,
4. l'atteinte cutanée réalise typiquement la kératodermie blennorragique de Vidal et
Jaquet. Il s'agit d'une éruption d'éléments vésiculeux, puis pustuleux qui se
couvrent d'une couche cornée épaissie et croûteuse (hyperkératosique). Touchant
en particulier les paumes des mains et les plantes des pieds (où elle prend un aspect

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dit en "clous de tapissier"), elle peut concerner toute les téguments. Elle est proche
du psoriasis pustuleux. L'atteinte hyperkératosique peut aussi toucher les ongles
qui sont le siège d'un épaississement jaunâtre (Figure 1),
5. des lésions muqueuses indolores peuvent toucher le gland (balanite circinée,
siégeant autour du méat) ou la muqueuse buccale (ulcérations, plaques
érythémateuses sur le palais, la gencive, la langue ou le voile). Ces lésions ont toutes
les caractéristiques histologiques du psoriasis,
6. les autres manifestations sont plus exceptionnelles : troubles de la conduction
cardiaque, valvulopathie aortique.

Formes incomplètes d'ARé


Il s'agit d'arthrites survenant à l'occasion d'un épisode infectieux déclenchant, et
dont le caractère typique est celui d'une mono- ou d'une oligoarthrite. Ces arthrites
peuvent être entièrement nues, ou diversement associées à certains symptômes du FLR.
Le tableau clinique typique d'une ARé peut aussi s'observer en l'absence d'infection
déclenchante détectable. Cette situation donne lieu à deux interprétations possibles :
soit il s'agit d'une authentique ARé, mais dont le germe déclenchant n'a pu être mis en
évidence, soit il s'agit des manifestations aigues d'une SPA, sans lien de causalité avec
un germe.

Critères diagnostiques
Plusieurs systèmes de critères ont été proposés pour le diagnostic d'ARé. Le plus
simple est celui de Wilkens, qui considère comme syndrome de Reiter tout épisode
d'arthrite périphérique d'une durée de plus d'un mois associé à une uréthrite ou à une
cervicite (2). Ces critères sont particulièrement larges, puisqu'ils permettent de porter
le diagnostic d'ARé, même en l'absence d'infection déclenchante prouvée. Bien que ces
critères soient les plus couramment utilisés, ils sont donc souvent considérés comme
imparfaits. Il n'existe pas actuellement de consensus sur les meilleurs critères à utiliser.

Les ARé font partie des SPA. A ce titre, elles en remplissent les critères de
classification validés sur le plan international (3, 4) (Tableaux 2 et 3)

2 Examens biologiques courants


Les examens biologiques sanguins mettent en évidence une inflammation systémique
inconstante mais parfois extrêmement intense à la phase initiale de l'ARé. Ses
caractères n'ont pas de spécificité :
 hyperleucocytose à polynucléaires neutrophiles
 anémie inflammatoire
 hyperplaquettose
 augmentation de la vitesse de sédimentation et de la protéine C-réactive sérique

Les anomalies du liquide articulaire sont elles aussi sans spécificité. L'analyse du
liquide montre une réaction cellulaire à prédominance de polynucléaires neutrophiles,

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pouvant atteindre 50.000 éléments/mm3. Toutefois, il est essentiel que la recherche de


germes et de cristaux par les techniques usuelles soit négatives, écartant ainsi les deux
diagnostics différentiels d'importance majeure, devant un tableau de mono- ou
d'oligoarthrite aigue, que sont l'arthrite septique et l'arthrite microcristalline.

3 Examens bactériologiques
Ils ont pour objectif de rattacher l'ARé à l'exposition à un agent infectieux
compatible avec ce diagnostic. Seule la preuve de l'infection bactérienne permet en
effet de porter avec certitude le diagnostic d'ARé. Nous envisagerons dans ce
paragraphe les examens à visée bactériologique ayant un intérêt pratique, en fonction de
la porte d'entrée. Nous évoquerons au chapitre Physiopathologie des données
microbiologiques qui sont du domaine de la recherche.

Porte d'entrée génitale


La grande fréquence du portage asymptomatique uréthral ou vaginal de Chamydia, ainsi
que les conséquences thérapeutiques qui découlent de sa mise en évidence justifient la
réalisation systématique de tests diagnostiques appropriés, dans le bilan d'une arthrite
d'étiologie indéterminée. Le diagnostic d'infection à Chlamydia trachomatis repose soit
sur des tests bactériologiques, soit sur des tests sérologiques.

Les tests bactériologiques offrent à la fois la meilleure sensibilité et la meilleure


spécificité. Ils sont donc considérés comme la référence.
 Le prélèvement génital par écouvillonnage uréthral (et endocervical chez la femme)
est une technique délicate en raison de la fragilité de la bactérie. Lui seul permet
cependant sa mise en culture sur une lignée cellulaire ou la recherche des antigènes
bactériens, soit par immunofluorescence directe sur frottis, soit par technique ELISA.
La mise en évidence d'inclusions de Chamydia après culture est la technique de détection
considérée comme la plus spécifique (100%), mais sa sensibilité est variable, de 50% à
80% selon le laboratoire. La détection des antigènes de Chlamydia, qu'elle soit pratiquée
par immunofluorescence directe sur frottis cellulaire réalisé à partir du prélèvement
local, ou par technique ELISA a une sensibilité inférieure.
 La détection de l'ADN bactérien par amplification génique (PCR) est maintenant
devenue la technique bactériologique de référence. En effet, la sensibilité de cette
technique est supérieure à celle de la culture (> 95%), tout en conservant une spécificité
proche de 100%. De plus elle a l'avantage de la facilité, puisqu'elle est réalisable sur le
culot cellulaire obtenu en centrifugeant les 1ères urines du matin.

Les tests sérologiques basés sur la détection des anticorps anti-Chlamydia circulants
n'ont plus actuellement qu'un intérêt secondaire pour le diagnostic des infections uro-
génitales basses à Chlamydia.

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Porte d'entrée digestive


En cas de porte d'entrée digestive, l'identification du germe responsable a moins
d'intérêt pratique qu'en cas de porte d'entrée uréthrale. En effet elle est sans
conséquence pour le traitement du patient.

Le diagnostic bactériologique repose sur la coproculture. Quelque soit l'espèce


bactérienne responsable (Yersinia, Salmonella, Shigella), cet examen n'est généralement
positif qu'à la période initiale de diarrhée. Lorsque les manifestations d'ARé
surviennent, entre 1 et 4 semaines plus tard, la bactérie a habituellement été éliminée et
n'est plus détectée dans les selles. Il est donc inutile de vouloir l'y rechercher à ce
moment là.

Le diagnostic sérologique des différentes espèces d'entérobactéries responsables


d'ARé est délicat, en raison des nombreuses réactions croisées entre espèces voisines.
Quelles que soient les techniques utilisées, ni leur sensibilité, ni leur spécificité ne sont
satisfaisantes, justifiant une interprétation prudente du résultat, qu'il s'avère positif ou
négatif. Ces tests représentent toutefois la seule façon pratique de rattacher un
tableau clinique d'ARé à une infection récente par une entérobactérie, en dehors du cas
particulier des épidémies de gastro-entérite dues à un germe parfaitement identifié.
Dans la situation fréquente de suspicion d'ARé secondaire à une gastro-entérite
sporadique, ils n'ont pas d'utilité et leur prescription systématique n'est pas
recommandable.

4 Typage HLA
Comme pour les autres variétés de SPA, il existe une forte association entre
l'antigène majeur d'histocompatibilité de classe I, HLA-B27 et la survenue d'ARé. Alors
que la prévalence de l'allèle B27 est de 7.5% dans la population générale caucasienne, sa
fréquence chez les patients atteints d'ARé varie de 60% en cas d'ARé post-
chlamydienne, à 70-80% pour les formes succédant à une infection digestive.

La recherche isolée du B27 se justifie dans les formes incomplètes d'ARé (en
particulier lorsque les critères de SPA ne sont pas par ailleurs remplis). En effet, sa
découverte peut conforter le diagnostic d'ARé devant un épisode d'arthrite inexpliquée.

En cas de négativité de cette recherche, il faut savoir qu'il existe des faux négatifs
(5), probablement dus à la faible expression des molécules HLA de classe I à la surface
des leucocytes et aux limites de sensibilité de certaines des techniques utilisées
(cytométrie de flux). Avant de conclure à la négativité de cette recherche, il vaut mieux
en vérifier le résultat en faisant pratiquer un typage HLA-B, qui identifiera précisément
les allèles présents au locus HLA-B.

Ce typage permet l'identification des deux allèles, le plus souvent différents (ce qui
correspond aux individus hétérozygotes). Si aucun de ces allèles n'est le B27, on exclut

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sa présence avec certitude. Toutefois lorsqu'un seul allèle non B27 est identifié, ce qui
est le cas chez les individu homozygotes, on ne peut exclure formellement un problème
de détection du B27.

5 Sérologie VIH
Il existe une association non fortuite entre ARé et infection par le VIH, souvent
révélatrice de l'infection virale, justifiant la réalisation d'une sérologie VIH devant un
tableau d'ARé.

6 Examens morphologiques
Comme nous l'avons déjà indiqué, une symptomatologie clinique axiale, analogue à celle
rencontrée au cours des autres variétés de SPA, est fréquente au cours des ARé. L'IRM
peut montrer des signaux inflammatoires des sacro-iliaques et/ou du rachis, confortant
le diagnostic. S'agissant d'un tableau d'évolution aiguë, les anomalies radiographiques
sont rares car apparaissant qu'après plusieurs mois ou années d'évolution d'un SpA.
Cependant, la radiographie du bassin montre une sacroiliite caractéristique de
spondylarthrite ankylosante dans 5 à 10% des cas d'ARé dès leur phase aigue,
témoignant d'une SPA d'évolution plus ancienne que l'épisode d'ARé.

7 Diagnostic différentiel (Tableau 4)

Limites nosologiques
Comme nous l'avons déjà précisé, certaines manifestations inflammatoires articulaires
en rapport avec des agents infectieux ne doivent pas être classées dans les ARé, en
raison d'une présentation clinique et d'un terrain génétique distincts. C'est le cas de
l'érythème noueux post-Yersinia qui peut s'accompagner d'arthrites, ou encore des
rhumatismes post-streptococciques.
Il ne paraît pas non plus rigoureux d'intégrer parmi les ARé les poussées aigues de
SPA ayant une présentation comparable aux ARé, mais sans qu'aucune preuve
bactériologique ne soit apportée.

Autres diagnostics
Maladie de Lyme. L'arthrite de la maladie de Lyme due au spirochète Borrelia
burgdorferi doit être évoquée systématiquement devant un tableau d'ARé, d'autant qu'il
a été décrit d'authentiques tableaux de SPA chez des patients infectés par cette
bactérie. Le diagnostic repose sur les arguments anamnestiques (habitat rural, séjour en
zone endémie, morsure de tique, erythema chronicum migrans), sur la sérologie, et en cas
de doute persistant sur la PCR du liquide articulaire, voire de la biopsie synoviale. Cette
arthrite réagit favorablement à une antibiothérapie adaptée.

Maladie de Whipple. Cette affection rare est responsable d'oligoarthrites


migratrices ressemblant aux ARé, et pouvant se combiner à une atteinte inflammatoire
du rachis et des sacro-iliaques. L'atteinte digestive est plus tardive, se manifestant par

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une diarrhée chronique et un amaigrissement en rapport avec une malabsorption. Le HLA-


B27 semble favoriser cette maladie provoquée par Tropheryma whippelii, bactérie non
cultivable à partir des sites infectés. Le diagnostic repose sur l'aspect histologique de
macrophages gorgés de particules PAS+, sur l'identication de la bactérie par PCR dans
les lésions, la salive, les selles et/ou le sang et sur l'amélioration en quelques semaines
sous traitement antibiotique approprié.

Maladie de Behcet. L'atteinte rhumatismale de la maladie de Behcet se caractérise


par des arthrites périphériques stériles et une sacroiliite, pouvant parfaitement être
confondues avec une ARé. Cette maladie a des caractéristiques spécifiques qu'il faut
rechercher. Sa distribution géographique se limite au bassin méditerranéen et au Japon.
Une aphtose douloureuse et typiquement bipolaire est presque constante. L'uvéite
prédomine sur le segment postérieur de l'œil et s'accompagne d'une vascularite
rétinienne. La vascularite, surtout veineuse, se manifeste par des accidents
thromboemboliques. Il existe une forte association avec le HLA-B51.

Arthrites des entérocolopathies inflammatoires. La présentation clinique des


arthrites compliquant l'évolution de la maladie de Crohn ou de la recto-colite
hémorragique peut évoquer une ARé à porte d'entrée digestive. Le diagnostic repose sur
la chronicité de l'atteinte digestive, qui s'oppose au caractère aigu de l'épisode de
gastro-entérite infectieuse ayant précédé l'ARé, sur l'iléocoloscopie avec biopsies iléo-
coliques montrant des aspects caractéristiques de ces maladies, et sur l'absence
d'infection par l'un des germes déclenchants habituels.

III Physiopathologie

1 Données immunologiques

Réponse humorale
De nombreuses études ont montré une réponse anticorps spécifique de la bactérie
déclenchante, en particulier de type IgA, exagérée au cours des infections compliquées
d'ARe, suggérant pour certains que la persistance prolongée de la bactérie au sein des
muqueuses, serait la cause de cette production accrue d'IgA. Pour d'autres, l'élévation
sélective des IgA décrite au cours des ARé témoignerait d'une réponse inflammatoire
dominée par la production de TGF-.

Réponse lymphocytaire T
La plupart des études mettent en évidence l'intensité de la réponse proliférative des
lymphocytes T CD4+ spécifiques de l'agent pathogène initiateur, au sein de l'articulation.
A côté de la réponse CD4+, des clones T CD8+ cytotoxiques spécifiques de la bactérie
déclenchante et restreints par le HLA-B27 ont également été mis en évidence au cours

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des ARe à Yersinia ou à Salmonella. Certains antigènes reconnus par ces clones ont été
identifiés.
Cependant, il semble que ces clones T spécifiques de la bactérie déclenchante ne
s'accumulent pas préférentiellement au sein de l'articulation. Leur présence est
équivalente à celle des lymphocytes T mémoires dirigés contre d'autres antigènes (6).

Cellules présentatrices d'antigène


Il semble que les cellules présentatrices d'antigène professionnelles de la synoviale,
les cellules dendritiques présentent tout particulièrement les antigènes des bactéries
déclenchantes aux lymphocytes T (6). La présence de ces cellules dans la synoviale
pourrait indiquer l'accumulation locale de stocks d'antigènes bactériens et une difficulté
à les épurer.

2 Le germe déclenchant
De façon caractéristique, le germe en cause dans les ARe n'est pas cultivable à partir
du site articulaire. Cependant, des techniques de laboratoire ont permis de mettre en
évidence des produits bactériens dans l'articulation.
Le matériel génétique (ADN et ARN) de Chlamydia a même été amplifié par PCR à
partir de la synoviale d'ARe, suggérant dans ce cas la présence locale du micro-organisme
à l'état viable mais sous une forme intra-cellulaire latente. Cette situation semble
particulière aux ARe à Chlamydia car les recherches d'ADN de Salmonella ou de Yersinia
par PCR sont le plus souvent restées négatives. Cependant, même en l'absence de
bactérie intacte, la présence d'antigènes lipopolysaccharidiques de Salmonella, Yersinia
et Shigella a été détectée dans les cellules du liquide articulaire ou de la membrane
synoviale au cours des ARe déclenchées par ces entérobactéries.
La présence d'antigènes bactériens dans l'articulation pourrait être à l'origine des
arthrites, en stimulant une réponse imunitaire locale.

3 Rôle du HLA-B27

L'ARé est une situation privilégiée pour comprendre comment l'environnement


bactérien interagit avec le fond génétique de l'individu représenté par le HLA-B27, pour
provoquer une maladie du groupe des SPA. Malgré l'assiduité des recherches menées
pour en comprendre le mécanisme, depuis sa découverte il y a plus de 45 ans, la
signification de l'association entre SPA et B27 n'est toujours pas élucidée.

L'allèle HLA-B27 est un variant apparemment normal du gène HLA-B. Dans le cas des
ARé, on suppose pourtant qu'il pourrait perturber le déroulement de la réponse
immunitaire vis-à-vis des bactéries qui en sont responsables ou retarder leur élimination.

Données cliniques
La présence du HLA-B27 multiplie par 12 le risque de faire une ARé à Chlamydia et par
50 celui de faire une ARé après contact avec l'une des entérobactéries pathogènes

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impliquées. Ce risque relatif dû au B27 est moins élevé que celui de développer une
spondylarthrite ankylosante, qui est supérieur à 100. Dans le cas des ARé,
l'environnement bactérien joue un rôle particulièrement marqué, de telle sorte qu'il
pourrait réduire le poids des facteurs génétiques.
D'après une étude systématique, le HLA-B27 n'augmente pas le risque de
salmonellose, ni n'entrave l'élimination digestive de la bactérie. Par contre, il prédipose à
la survenue, à la sévérité et à la durée prolongée des symptômes articulaires (7). Il
semble donc que le B27 exagère la réponse inflammatoire.

Modèles animaux
Les rats transgéniques pour le HLA-B27 surexprimant cette molécule ont permis de
montrer son implication directe dans les SPA en reproduisant spontanément toutes les
manifestations habituelles de ces affections (8) (Tableau 5). Ces rats développent une
inflammation intestinale, des lésions cutanéo-unguéales psoriasiques, des arthrites
périphériques, une inflammation du squelette axial. L'inflammation intestinale et les
arthrites ne surviennent pas chez les rats transgéniques B27 élevés en isolateur stérile,
démontrant ainsi un rôle déclenchant de la flore bactérienne commensale dans ce modèle.
Il s'agit d'un phénomène proche par certains aspects des ARé.

Hypothèses
Aucun mécanisme permettant d'expliquer le rôle du HLA-B27 n'a jusqu'à présent été
démontré de façon certaine. Les principales hypothèses proposées sont les suivantes
(Tableau 6) :

 Le mimétisme moléculaire
Il existe des séquences communes entre HLA-B27 et entérobactéries. Le HLA-B27
porterait un motif analogue à un déterminant antigénique bactérien. La réponse
immunitaire dirigée contre la bactérie se compliquerait d'une réaction auto-immune dont
la cible serait le HLA-B27.

 Le peptide arthritogène
Des lymphocyte T CD8+ pathogènes réagiraient de façon croisée vis-à-vis de peptides
d'origine bactérienne présentés par le HLA-B27 et vis-à-vis d'auto-antigènes des tissus
cibles. Les peptides susceptibles d'être présentés par le HLA-B27 ont des
caractéristiques particulières comme la présence d'une arginine au site d'ancrage du
peptide à la molécule HLA-B27 et de tels motifs sont largement présents dans le monde
bactérien.

 Perturbation des défenses anti-bactériennes


Le HLA-B27 modifierait la réponse immunitaire vis-à-vis des bactéries responsables
d'ARé, notamment en altérant la réponse lymphocytaire T spécifique. La similitude entre
certains antigènes bactériens et des motifs portés par le HLA-B27 pourrait entraîner,

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non pas une réponse exagérée, mais plutôt la délétion de cette réponse en raison de sa
nature auto-réactive.

 Perurbation du fonctionnement cellulaire


Il existe des anomalies du trafic intra-cellulaire propres à la molécule HLA-B27,
caractérisées par la lenteur de son repliement après sa synthèse dans le réticulum
endoplasmique. Cette anomalie est responsable d'une instabilité relative de la molécule
B27 mature, pouvant elle-même provoquer un état de "stress" cellulaire et favoriser une
réponse pro-inflammatoire.

4 Conclusions
Les ARé paraissent dues à une anomalie de la réponse immunitaire à un stimulant
d'origine bactérienne (Figure 2, Tableau 7). Bien que le mécanisme qui relie HLA-B27 et
ARe soit toujours mystérieux, il doit permettre d'expliquer les aspects les mieux établis
de la physiopathologie de ces affections. Il s'agit tout d'abord, de l'amplification de la
réponse immunitaire, tant systémique que locale, provoquée par des infections
déclenchantes dont la spécificité paraît secondaire. Il s'agit aussi de la présence de
débris bactériens au site de l'inflammation, dont certains comme les lipopolysaccharides,
sont potentiellement immunogènes. Il s'agit finalement d'une certaine parenté de
structure entre des déterminants antigéniques bactériens et certains motifs portés par
le HLA-B27 (9).

IV Evolution et traitement

1 Evolution des ARé


L'évolution immédiate des ARé se fait vers la rémission spontanée, d'autant plus lente
à survenir que les manifestations inflammatoires initiales ont été plus intenses. Cette
décroissance s'étale en moyenne sur 4 à 5 mois, pouvant parfois se prolonger au-delà de
12 mois. Comme déjà indiqué, le HLA-B27 favorise la persistance plus prolongée des
symptômes.
Pour la majorité des patients, la rémission est assimilable à une guérison. Cependant,
une forte proportion de patients (de 20 à 50% selon les études), développe des
manifestations chroniques ou récidivantes à type d'arthrites, ou d'uréthrites, et pour 10
à 20% d'entre eux une spondylarthrite ankylosante typique.

2 Lien entre ARé et spondylarthrite ankylosante


L'ARé et la spondylarthrite ankylosante ont été réunies dans le groupe des SPA, en
raison de manifestations cliniques communes, de l'existence de formes mixtes (ARé se
compliquant de spondylarthrite ankylosante, ou spondylarthrite ankylosante ayant
précédé un 1er épisode d'ARé), et d'un terrain génétique prédisposant commun, le HLA-
B27.
Ces constatations sont habituellement considérées comme la conséquence d'un terrain
similaire entre deux affections par ailleurs distinctes. Un tel point de vue explique

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cependant difficilement la ressemblance frappante entre les manifestations des ARé et


celles de la spondylarthrite ankylosante. Il nous paraît plus probable qu'ARé et
spondylarthrite ankylosante correspondent à différents modes de présentation et/ou
stades évolutifs d'une même maladie. Cette dernière hypothèse est validée par l'étude
des formes familiales de SPA montrant la coségrégation des différentes manifestations
articulaires et extra-articulaires de SPA au sein des familles.

3 Traitement des Aré (Tableau 8)

Les antibiotiques
En raison du contexte infectieux déclenchant et de l'évolution prolongée durant
plusieurs semaines des ARé, l'utilité d'une antibiothérapie systématique a longtemps été
supposée. Plusieurs études contrôlées contre placebo testant des antibiotiques efficaces
sur les germes responsables d'ARé, avec une forte pénétration intra-cellulaire
(tétracyclines, macrolides, quinolones), et administrés pendant des durées de plusieurs
mois ont permis de préciser les choses.
La plupart les études sont concordantes dans leur conclusion principale indiquant
l'inefficacité des antibiotiques chez les patients souffrant d'ARé post-dysentérique,
tant sur la sévérité des symptômes articulaires et extra-articulaires que sur la
prévention des poussées ultérieures. Cette conclusion ne s'applique pas au sous-groupe
des ARé à Chlamydia, au cours desquelles un traitement antibiotique paraît de toute
façon indiqué pour traiter l'uréthrite bactérienne, et semble avoir une efficacité
préventive sur le développement et la sévérité des arthrites, à condition d'être
administré avant leur début. De plus, une étude contrôlée a démontré l'efficacité d'une
combinaison d'antibiotiques (rifampicine + azythromycine ou rifampicine + doxycycline)
administrée durant 6 mois sur les manifestations articulaires établies (arthrites,
dactylites) des ARé à Chlamydia (10).

Les anti-inflammatoires
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) constituent le traitement de choix
des SPA, en première intention. Devant un tableau d'arthrite aigue, une efficacité
rapide, de ces médicaments sur les symptômes articulaires est un argument en faveur du
diagnostic de SPA (Tableau 2). L'intensité particulièrement forte des symptômes peut
conduire à prescrire les AINS les plus puissants et à des posologies élevées, afin de
couvrir tout le nyctémère.
Comparativement aux AINS, la corticothérapie générale a souvent une efficacité
décevante, et constitue donc un traitement symptomatique de seconde ligne. Même en
cas d'efficacité elle ne doit pas être prescrite de façon prolongée à des doses
supérieures à 10 mg/jour, en raison des risques d'effets indésirables.

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Cours semaine n°7

Les traitements de fond


Les traitements de fond efficaces pour le traitement des SPA en général et celui des
ARé en particulier sont en nombre limité. L'évolution spontanée des ARé vers la
rémission rend difficile le suivi de tels traitements dont les délais d'efficacité sont
souvent de plusieurs semaines. Ils ne sont donc habituellement proposés qu'aux patients
dont l'évolution se prolonge au-delà de trois mois, sans tendance à l'amélioration.
La sulfasalazine est le premier traitement de fond dont l'efficacité ait été démontrée
au cours des SPA, plus particulièrement dans les formes avec arthrites périphériques
dont les ARé sont un exemple caractéristique. La dose thérapeutique est de 2 à 3 g/jour,
et le délai d'efficacité de 2 à 4 mois. Il est difficile de définir la durée optimale du
traitement mais en cas de disparition de la symptomatologie, il est habituel de le
poursuivre pendant deux ans
Des observations isolées suggèrent que le méthotrexate (entre 7,5 et 20 mg/semaine)
aurait une efficacité chez un faible nombre de patients.
Les agents biologiques bloquant le TNF circulant, que ce soit des anticorps
monoclonaux (infliximab, adalimumab, certolizumab-pegol, golimumab) ou le récepteur
soluble du TNF (étanercept), sont doués d'une efficacité remarquable au cours des
SPA, y compris des ARé. Des études contrôlées l'ont démontré de façon indiscutable.
Ces traitements agissent de façon parfois extrêmement spectaculaire, pouvant entraîner
une rémission complète des formes sévères et très inflammatoires de SPA en quelques
jours à quelques semaines.

Les traitements locaux


A la différence de la corticothérapie générale, les corticoïdes à forme retard
infiltrés au site de l'inflammation articulaire (cavité articulaire, bourse séreuse,
enthèse) ont souvent une efficacité bonne et durable. Ils constituent un complément
thérapeutique utile pour des sites imparfaitement contrôlés par un traitement général
par ailleurs efficace.
La corticothérapie locale constitue également le traitement des manifestations
ophtalmologiques (conjonctivite ou uvéite) et psoriasiques.

V Synthèse

Définition.
Les ARé sont des arthrites stériles survenant dans le mois qui suit une infection
bactérienne digestive ou uréthrale. Elles font partie du groupe des SPA, et sont
associées dans 60 à 80% des cas au HLA-B27, allèle par ailleurs présent chez 7,5% des
individus de la population caucasienne.

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Cours semaine n°7

Bactéries responsables
Les germes responsables d'ARé se classent en fonction de leur porte d'entrée :
Uréthrale : Chlamydia trachomatis
Digestive : Shigella flexneri et dysenteriae
Salmonella enteritidis et typhimurium
Yersinia enterocolitica et pesudotuberculosis
Campylobacter jejuni

Epidémiologie
La fréquence des ARé déclenchées par Chlamydia a diminué durant les dernières
décennies. L'âge moyen de survenue des ARé se situe entre 20 et 30 ans. Chez les noirs
Africains, les ARé habituellement exceptionnelles sont plus fréquentes chez les individus
infectés par le VIH.

Diagnostic
La forme complète d'ARé réalise le syndrome de FLR associant une atteinte
inflammatoire rhumatismale (oligoarthrite prédominant sur les grosses articulations des
membres inférieurs, enthésiopathies axiales et périphériques), une atteinte extra-
articulaire (diarrhée, uréthrite, conjonctivite, lésions psoriasiques cutanées, muqueuses
et unguéales) et un syndrome inflammatoire général clinique et biologique.

Le liquide articulaire montre une réaction cellulaire inflammatoire à prédominance de


polynucléaires. Il est stérile.
Les formes incomplètes d'ARé sont fréquentes. Il s'agit de mono- ou oligoarthrites
nues ou diversement associées aux autres éléments du syndrome de FLR.
Les ARé remplissent les critères de SPA mais ne peuvent être prouvées que par la
mise en évidence de l'infection déclenchante :
 Pour l'infection à Chlamydia , la PCR sur les urines du 1er jet constitue l'examen de
référence, alors que la sérologie n'a pas d'intérêt diagnostique.
 L'infection par une entérobactérie ne peut être prouvée que par une coproculture
positive, ce qui n'est plus que rarement possible après la phase de gastro-entérite,
c'est-à-dire lors de l'apparition des arthrites. Les sérologies sont d'interprétation
difficile et inutiles en pratique.
Le typage HLA-B peut aider au diagnostic dans les cas difficiles, s'il montre la
positivité du B27.
La pratique d'une sérologie VIH est justifiée devant une ARé, compte-tenu du rôle
facilitant de ce virus sur la survenue des ARé.
La radiographie du bassin met en évidence dès la phase aigue des ARé une sacro-iliite
chez une minorité de patients, témoignant vraisemblablement de l'existence d'une
spondylarthrite ankylosante plus ancienne passée inaperçue.
Les diagnostics à écarter sont :

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Cours semaine n°7

 Les arthrites bactériennes réalisant des tableaux proches (maladies de Lyme et de


Whipple)
 Les arthrites stériles liées à des agents infectieux, ayant une présentation
différente : érythème noueux post-Yersinia, rhumatisme post-streptococcique
 Les oligoarthrites accompagnant des maladies inflammatoires proches des SPA
(maladie de Behcet, entérocolopathies inflammatoires)
 Les poussées aigues de SPA sans infection déclenchante

Physiopathologie
L'ARé se caractérise par une exagération de la réponse inflammatoire provoquée par
le contact avec la bactérie déclenchante. Bien que le mécanisme qui relie HLA-B27 et
ARe reste mystérieux, il doit permettre d'expliquer l'amplification de la réponse
immunitaire, tant systémique que locale, provoquée par des infections déclenchantes
dont la spécificité paraît secondaire, la présence de débris bactériens au site de
l'inflammation, dont certains comme les lipopolysaccharides, sont potentiellement
immunogènes et finalement une certaine parenté de structure entre des déterminants
antigéniques bactériens et certains motifs portés par le HLA-B27.

Evolution
L'évolution immédiate de l'ARé se fait habituellement vers la rémission spontanée, en
moins de 6 mois. Il s'agit d'une guérison définitive pour la plupart des patients. Chez 20
à 50% d'entre eux, l'évolution ultérieure est cependant marquée par des récidives, le
passage à la chronicité, voire le développement d'une spondylarthite ankylosante dans 10
à 20% des cas. L'intrication entre ARé et SPA suggère qu'il pourrait s'agir de deux
modes d'expression différents d'une même maladie.

Traitement
Le traitement antibiotique est indispensable en cas d'infection génitale à Chlamydia.
Donné précocément, il semble prévenir ou atténuer la survenue d'une ARé. A la phase de
chronicité une double antibiothérapie prolongée améliore la symptomatologie articulaire.
Les ARé liées à une bactérie digestive ne répondent pas au traitement antibiotique qui
n'est donc pas justifié.
Pour le reste, les principes du traitement des ARé rejoignent ceux des SPA : les AINS
constituent le traitement de première intention. Les infiltrations locales de
corticostéroïde retard ont une efficacité durable.
Les traitements de fond utilisés sont les mêmes que ceux proposés dans d'autres
rhumatismes inflammatoires chroniques, en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde.
Ils sont indiqués dans les formes sévères et prolongées d'ARé. La sulfasalazine a une
efficacité démontrée sur les arthrites périphériques des SPA. Le méthotrexate semble
efficaces chez un nombre limité de patients. Les agents biologiques bloquant le TNF
semblent extrêmement efficace dans toutes les formes de SPA, y compris les ARé.

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Cours semaine n°7

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Cours semaine n°7

VI Bibliographie
1. Aho, K., Ahvonen, P., Lassus, A., Sievers, K. and Tiilkikainen, A. 1973. HLA reactive
antigen B27 and reactive arthritis. Lancet 2:157.
2. Willkens, R. F., Arnett, F. C., Bitter, T., Calin, A., Fisher, L., Ford, D. K., Good, A. E.
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spondylarthropathies. Revue du Rhumatisme et des Maladies Ostéoarticulaires 57:85-89.
4. Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewé R, Akkoc N, Brandt J, Chou CT, Dougados M,
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Cours semaine n°7

TABLEAU 1 : BACTÉRIES RESPONSABLES DES ARÉ

Porte d'entrée génitale


Chlamydia trachomatis

Porte d'entrée digestive


Shigella dysenteriae et flexneri

Salmonella enteritidis et typhimurium

Yersinia entrocolitica et pseudotuberculosis

Campylobacter jejuni

Autres causes possibles (liste non exhaustive)


Ureaplasma urealyticum

Vaccination anti-salmonelle

Chlamydia pneumoniæ

BCGthérapie intravésicale

Parasites (amibes, taenias, lambliase…)

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Cours semaine n°7

TABLEAU 2 : CRITERES DE CLASSIFICATION DES SPA SELON AMOR (3)

Points

A Manifestations cliniques présentes ou passées

1 Lombalgies/dorsalgies nocturnes ou raideur matinale 1

2 Oligoarthrite asymétrique 2

3 Douleurs fessières unilatérales ou bilaterales 1

à bascule 2

4 Dactylite (doigt ou orteil en saucisse) 2

5 Talalgie ou autre enthésopathie périphérique 2

6 Iritis 2

7 Uréthrite non gonococcique ou cervicite < 1 mois avant le début 1


d'une arthrite

8 Diarrhée < 1 mois avant le début d'une arthrite 1

9 Psoriasis et/ou balanite et/ou maladie inflammatoire intestinale 2

B Signes radiologiques

10 Sacro-iliite certaine (≥ stade 2 si bilatérale ou ≥ stade 3 si 3


unilatérale

C Terrain génétique

11 HLA-B27+ et/ou antécédents familiaux de spondylarthrite, de 2


syndrome de Reiter, de psoriasis, d'uvéite, d'entérocolopathie
chronique

D Sensibilité au traitement

12 Amélioration < 48 h des douleurs par les AINS ou rechute rapide 2


(< 48h) des douleurs à leur arrêt

 Système à points : certitude diagnostique si la somme des points des 12 critères ≥ 6

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Cours semaine n°7

TABLEAU 3 : CRITERES DE CLASSIFICATION DES SPA PERIPHERIQUES SELON L'ASAS


(ASSESSMENT OF SPONDYLOARTHRITIS INTERNATIONAL SOCIETY) (4)

Antécédent ou présence de l'un des critères suivants


Arthrite périphérique ou Enthésite ou Dactylite

Et d'au moins l'un des critères suivants

Uvéite

Psoriasis

Entérocolopathie inflammatoire (maladie de Crohn ou recto-colite


hémorragique) ()

Uréthrite, cervicite, ou diarrhée aigue < 1 mois avant le début d'une


arthrite

HLA-B27

Sacroiliite IRM ou radiologique

Ou d'au moins deux des autres critères suivants

Arthrite périphérique

Dactylite

Enthésite périphérique

Antécédent de rachialgie inflammatoire

Histoire familiale (1er ou 2ème degré) de SPA, d'uvéite, de psoriasis ou de


maladie inflammatoire de l'intestin

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Cours semaine n°7

TABLEAU 4 : DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL DES ARE (DEVANT UNE OLIGOARTHRITE)

Diagnostic Examens complémentaires utiles

Arthrites infectieuses

Arthrite septique à germe banal Isolement (liquide articulaire, hémocultures,


porte d'entrée)

Arthrite à germe lent (mycobactérie) Isolement (liquide articulaire, tissu synovial)

Arthrite de Lyme Sérologie, PCR (liquide articulaire, tissu


synovial)

Maladie de Wipple Histologie (PAS), PCR (tissu synovial ou autre)

Arthrites microcristallines

Goutte Identification des cristaux (liquide articulaire)

Chondrocalcinose articulaire Identification des cristaux (liquide articulaire)

Autres arthrites aigues aseptiques

Erythème noueux Selon la cause

Rhumatisme post-streptococcique ASLO, anti-sterptodornases

Rhumatisme inflammatoire chronique

Autre spondylarthropathie Radiographie du bassin

Rhumatisme des entérocolopathies Iléocoloscopie, étude histologique des biopsies

Maladie de Behcet HLA-B51, hypersensibilité au point d'injection

Sarcoïdose Radiographie du thorax, histologie (synoviale)

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Cours semaine n°7

TABLEAU 5 : COMPARAISON DES ATTEINTES ENTRE ARE ET MODELE DES RATS


TRANSGENIQUES POUR LE HLA-B27 (8)

ARé (homme) Rat B27

Arthrites +++ +++

Inflammation intestinale + +++

Psoriasis + +

Facteurs génétiques (hors HLA-B27) ++ ++

Flore bactérienne ++ ++

Expression du HLA-B27 ? +++

Implication du système immunitaire + +++

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Cours semaine n°7

TABLEAU 6 : ROLE DU HLA-B27 DANS LES ARE: PRINCIPALES HYPOTHESES DE TRAVAIL


(MUTUELLEMENT NON EXCLUSIVES).

Hypothèse Rôle du HLA-B27 Mécanisme immunologique Consequence

fonctionnelle

1. Infection bactérienne  1. Inflammation


Présentation par une réponse lymphocytaire T
molécule HLA de classe I ou réagissant de façon croisée
Mimétisme de classe II de peptides contre le HLA-B27 2. Perturbation des
similaires provenant du HLA- 2. Expression du HLA-B27 défenses immunitaires
moléculaire B27 et d'antigène(s) dans le thymus  inactivation anti-bactériennes
bactérien(s) des lymphocytes T ayant une
réactivité croisée

Presentation par le HLA-B27 Infection bactérienne  Inflammation des


de peptides similaires activation de lymphocytes T tissus cibles
Peptide provenant d'antigène(s) CD8+ restreints par le HLA-
arthritogène bactérien(s) et B27 et réagissant de façon
d'autoantigène(s) croisée vis-à-vis des
tissulaire(s) (articulation, autoantigène(s)
oeil, peau, intestin...)

Perturbation des défenses Inflammation


anti-bactériennes  ? chronique à bas bruit
Altération persistence de bactéries des tissus cibles
du processus vivantes ou de produits
dérivés de ces bactéries
d'élimination dans les tissus cibles
bactérienne (articulation, oeil, peau,
intestin...)

Perturbation de la biologie Dérèglement de la


cellulaire  réponse de ? réponse immunitaire
Anomalie de "stress" ; formation
repliement d'homodimères de B27 ;
perturbation de la voie de
du HLA-B27 présentation par les
molécules HLA de class II

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Cours semaine n°7

TABLEAU 7 : HYPOTHESES PHYSIOPATHOLOGIQUES DES ARE (MUTUELLEMENT NON


EXCLUSIVES)

1 Persistance anormalement prolongée de l'agent bactérien déclenchant

2 Transport anormal d'antigènes bactériens vers le site de la réponse


inflammatoire

3 Anomalie de la présentation des antigènes bactériens par les cellules


présentatrices professionnelles dans les tissus cibles (macrophages,
cellules dendritiques)

4 Activation anormale de lymphocytes T pathogènes (CD4+, CD8+)

5 Migration anormale de lymphocyte T pathogènes vers l'organe cible

6 Anomalie de la durée de la réponse immunitaire dans l'organe cible

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Cours semaine n°7

TABLEAU 8 : PRINCIPES THERAPEUTIQUES DES ARE

Traitement symptomatique des arthrites


AINS +++

Antalgiques +

Corticoïdes par voie générale ±

Traitement antibiotique
Chlamydia trachomatis : antibiotiques +++ (association rifampicine + azithromycine
ou rifampicine + doxycycline)

Entérobactéries : antibiotiques non indiqués

Traitements locaux
Arthrites, bursites, enthésites : infiltration de corticoïde retard +++

Atteintes extra-articulaires : corticoïdes locaux (psoriasis, conjonctivite, uvéite…)

Traitements de fond (uniquement dans les formes persistantes ou récidivantes)


Sulfasalazine +++

Méthotrexate ±

Anti-TNF (infliximab, etanercept, adalimumab, certolizumab-pegol, golimumab) +++

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