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Année universitaire 2023/2024 4ème année médecine

Fièvrès typhoïdè èt paratyphoïdè


K. CHARAOUI

Objectifs pédagogiques
1. Connaitre la définition d’une fièvre typhoïde
2. Connaitre la situation épidémiologique en Algérie et dans le monde
3. Connaitre l’agent causal et son mode de transmission
4. Connaitre la physiopathologie de la maladie
5. Savoir diagnostiquer une fièvre typhoïde et connaitre les complications
6. Savoir traiter une fièvre typhoïde
7. Connaitre les moyens de prévention individuelle et préventive

Introduction
La fièvre typhoïde est une bactériémie à porte d’entrée digestive à point de départ
lymphatique. C’est une maladie à déclaration obligatoire liée au péril fécal. Elle sévit
toujours à l’état endémo-épidémique dans les pays pauvres à faible niveau d’hygiène où
elle pose un problème majeur de santé publique. Dans les pays développés, la plupart des
fièvres typhoïdes sont contractées lors d’un voyage à l’étranger.

La fièvre typhoïde est due à S. enteritica, sérovar S. typhi (bacille d’Eberth). Les fièvres
paratyphoïdes sont dues à S. paratyphi A, B et C. L’apparition de souches de S. typhi
multirésistantes à la fin des années 1980 a conduit à l’utilisation généralisée des
fluoroquinolones dans les pays touchés par les épidémies et par cette résistance et a imposé
un changement de schémas thérapeutiques de première intention à cause de cette
résistance. En Algérie, l’incidence de la maladie a nettement diminué grâce à l’amélioration
de l’hygiène et des conditions socio-économiques.

Épidémiologie

Agent causal
Les salmonelles typhiques font partie de la famille des entérobactéries (ou
Entérobactériaceae), bacilles à Gram négatif, munis de flagelles (antigène H), la membrane
externe contient le lipopolysaccharide ou endotoxine (antigène 0). Salmonella typhi est
porteur d’un antigène capsulaire « Vi » utilisé pour le vaccin polysaccharidique.

Des souches manifestant une résistance complète aux fluoroquinolones sont de plus en plus
répandues en Asie du Sud et en Afrique subsaharienne. La résistance de la fièvre typhoïde
aux antibiotiques se traduit par une proportion accrue d’échecs thérapeutiques et de
complications. L‘épidémie de Fièvre typhoïde qui a atteint le Pakistan en 2019 a pris une
ampleur et un caractère inquiétant en raison d’une résistance à l’ampicilline, au
chloramphénicol, au trimethoprime-suflaméthoxazole, à la ciprofloxacine et à la ceftriaxone.
En Algérie, la résistance des salmonelles typhiques aux traitements classiques est rare.

Réservoir
L’homme est le seul réservoir du virus. Les porteurs sains jouent un rôle majeur dans la
dissémination de la maladie. C’est une maladie du péril fécal. C’est une maladie strictement
humaine. Les malades et les porteurs sains sont les véhicules exclusifs de S. typhi.

Modes de transmission
Transmission indirecte : la plus fréquente, ingestion de l'eau ou d'aliments contaminés à
partir des selles (de malades ou porteurs sains) : légumes crus contaminés, coquillages, fruits
de mer, aliments manipulés par un porteur de bactéries.

Transmission directe par les mains sales, le contact avec des selles infectées, le linge souillé

Répartition géographique / facteurs de risque


L’amélioration des conditions de vie et du niveau d’hygiène ont entraîné une baisse
importante de la morbidité et de la mortalité imputables à la fièvre typhoïde dans les pays
industrialisés. Cependant, la maladie reste un problème de santé publique dans de
nombreux pays en voie de développement en Afrique sub-saharienne, en Méditerranée
orientale, en Asie du Sud-Est et au Pacifique occidental. Le risque est plus élevé dans les
populations n’ayant pas accès à l’eau potable et à des services d’assainissement suffisants,
et il est maximal pour les enfants. L’hypochlorhydrie gastrique est un facteur de risque
reconnu de fièvre typhoïde.

Le nombre de cas dans le monde est estimé à 21 millions avec plus des milliers de morts
chaque année, dont 70 % d’enfants essentiellement dans les pays pauvres. L’incidence
annuelle est > 100 cas /100,000 dans les pays sous-développés et 1 cas /100,000 dans les
pays économiquement développés.

L’Algérie a connu des épidémies de fièvre typhoïde dans les années 70, 80 et 90. En 2015, le
taux d’incidence de la fièvre typhoïde est passé de 0,31 à 0,24 cas pour 100.000 habitants.
En 2022, il est de 0,06 cas pour 100.000 habitants, soit 26 cas au total enregistrés. Les
wilayas les plus touchées sont Tamanrasset et Djelfa. La maladie sévit à l’état sporadique sur
tout le territoire national.

Physiopathologie
Après l’ingestion, les bacilles typhiques adhèrent sur les entérocytes et les follicules
lymphoïdes (cellules M des plaques de Peyer), sont internalisés par le système actine
dépendant, accèdent à la lamina propria, sont phagocytés par les macrophages dans
lesquels ils se multiplient et rejoignent les ganglions mésentériques.

Quelques bacilles gagnent le courant sanguin, la plupart sont détruits dans les ganglions
lymphatiques. Leur lyse libère l’endotoxine qui va imprégner les terminaisons nerveuses du
système neurovégétatif abdominal, créent des lésions intestinales qui sont envahies ensuite
par les salmonelles éliminées dans la bile.

L’endotoxine diffuse dans tout l’organisme et se fixe sur les centres nerveux
diencéphaliques et sur d'autres organes, dont le myocarde. De l’importance de l’inoculum et
des possibilités de défense de l’hôte dépendent la gravité des symptômes.
La phase d’incubation est de 7 à 21 jours suivie de la phase septicémique d’invasion.
L’acquisition d’une immunité T-dépendante va permettre l’activation des macrophages puis
la négativation des hémocultures et la libération de l’endotoxine (LPS), correspondant à la
phase d’état. Au cours de la phase de bactériémie, des germes peuvent ensemencer des
foyers profonds à l’origine des « viscérotyphus » et des complications suppuratives tardives
(ostéite, cholécystite…). L’évolution naturelle de la maladie se déroule en trois phases
durant classiquement une semaine (septénaire) : phase d’invasion, phase d’état et phase
des complications.

Clinique / type de description : la forme classique


1. Phase d’invasion ou premier septénaire : survient après une période d’incubation
de 1 à 2 semaines. Le tableau typique : ascension progressive de la fièvre, céphalée
frontale, fixe, insomniante, épistaxis. Parfois présence de signes digestifs : diarrhée
ou constipation et abattement (tuphos = torpeur). Le pouls est dissocié, le reste de
l’examen objective une fosse iliaque droite gargouillante, discrète splénomégalie.
2. Phase d’état ou deuxième septénaire : Fièvre en plateau à 40°C +++
Signes digestifs : diarrhée, typiquement ocre, fétide, « jus de melon » ou au
contraire constipation
Signes neurologiques : tuphos (prostration)
Signes cutanéomuqueux : tâches rosées lenticulaires (macules) au niveau des flancs
ou du thorax.
Signes ORL → Angine de Duguet : exulcération indolore sur les piliers antérieurs du
voile du palais
Signes généraux : le pouls reste dissocié, la splénomégalie est franche, abdomen
météorisé et sensible dans son ensemble.
3. Phase des complications ou troisième septénaire : Les complications
endotoxiniques sont annoncées par une tachycardie : Un pouls qui s’accélère au
cours d’une fièvre typhoïde doit évoquer une complication.
 Complications digestives : hémorragies, perforation: péritonite sthénique
ou asthénique
 Complications cardiaques : myocardite
 encéphalite : rare mais très grave.
 Les rechutes, chez le malade non traité, sont fréquentes (10 à 20 %), ainsi
que le portage chronique (porteurs asymptomatiques), 1 à 4 % des malades
continuant d'héberger S. typhi dans leurs intestins et dans la vésicule biliaire
pendant des mois ou des années. Le portage est favorisé par une lithiase
vésiculaire. Les porteurs biliaires chroniques présentent un risque accru de
cancer hépatobiliaire.

Autres formes cliniques


 Formes à début brutal
 Formes atypiques
 Frustes (atténuées par la prise d’ATB)
 Formes digestives simulant une appendicite ou une gastro-entérite surtout chez
l’enfant
 Forme respiratoire évoquant une bronchite
 Formes neurologiques : céphalées ou tuphos sans diarrhées
 Formes hémorragiques elles sont rares

Diagnostic
 Arguments épidémiologiques (pays endémique)
 Arguments cliniques (fièvre en plateau, pouls dissocié, tuphos, diarrhées…)
 Arguments biologiques
Éléments d’orientation
Leuco-neutropénie, parfois thrombopénie
Une hyperleucocytose est fréquente chez l’enfant ou en cas de perforation digestive
Élévation modérée des ALAT et LDH
Eléments de confirmation
a. Les hémocultures sont positives dans 90 % des cas au cours de la première
semaine, 75 % en deuxième semaine et seulement 40 % en troisième semaine. Il
faut ensemencer 10 mL de sang pour l’adulte.
b. Les coprocultures se positivent à la deuxième semaine (entre 40 et 80 % des cas). Il
faut ensemencer sur milieu sélectif type milieu salmonelles - shigelles (milieu SS),
compte tenu de la présence de nombreuses autres bactéries dans les selles.
c. Sérodiagnostic de Widal et Félix recherche des agglutinines O et H. Les agglutinines
O se positivent aux 8-10ème jours, les agglutinines H aux 10-12ème jours. Elles sont
donc présentes au 2ème septénaire. Un taux ≥ 1/200 pour les agglutinines O et H est
habituellement retenu comme limite de positivité du test.. Les agglutinines O
disparaissent en 2 à 3 mois. Les agglutinines H persistent plusieurs années.
Le sérodiagnostic de Widal a une faible sensibilité et une faible spécificité lorsqu'il
est pratiqué en routine. Le sérodiagnostic est peu contributif au diagnostic.
Toutefois, il peut encore aider devant un diagnostic difficile à condition d’être à un
taux significativement positif : anticorps O à 1/400 aux 8-10èmr jours, anticorps H à
1/1600 vers le 12ème jour.
d. La PCR utilisée pour le diagnostic précoce
e. Les tests rapides: ils détectent des anticorps (IgM et/ou IgG) dirigés contre
l’antigène O:9, une protéine de membrane externe ou des antigènes 0, H, et Vi.ils
sont utilisés dans les pays touchés par les épidémies.

Diagnostic différentiel
Leptospiroses, Hépatites virales, Paludisme , Primo-infection VIH, Tuberculose
(typhobacillose de Landouzy)…
Évolution
Sous antibiothérapie efficace, apyrexie en 2 à 7 jours.
Évolution favorable dans 95% des cas. Un portage intestinal de salmonelles peut persister
pendant plusieurs mois, favorisé par la présence d’une vésicule biliaire lithiasique.

Traitement

Traitement spécifique
Le traitement curatif fait appel à des antibiotiques actifs in vitro sur les salmonelles avec
bonne diffusion lymphatique, intracellulaire et une bonne élimination biliaire sous forme
active. La voie orale est utilisée chaque fois que possible.

Les traitements classiques: cotrimoxazole et phénicolés restent utiles dans les pays pauvres
quand la bactérie est sensible, la durée est de 2 semaines.
En Algérie: cotrimoxazole 480mg (triméthoprime 80mg sulfamethoxazole400mg) selon le
consensus maghrébin de 1993, 2 cp deux fois par jour pendant 15 jours
Traitements courts : les fluoroquinolones, la ceftriaxone et l’azithromycine dans les pays
développés ou les pays avec un taux élevé de résistance au traitement classique.

Quand la souche est résistante aux antibiotiques classiques, les fluoroquinolones


représentent l’antibiothérapie de choix chez l’adulte : ofloxacine ou ciprofloxacine.
Chez l’enfant, de nombreuses études réalisées en zone d’endémie montrent que les
fluoroquinolones en traitement de courte durée peuvent être utilisées sans risque majeur.
La durée moyenne de traitement est de 5 à 7 jours dans les formes non compliquées, 10 à
14 jours dans les formes compliquées.

Traitements associés
Signes toxiniques majeurs neurologiques et cardiaques: corticothérapie prednisone 1mg/kg
Hémorragies digestives : transfusions
Perforations digestives: chirurgie et antibiothérapie élargie

Surveillance
Température, pression artérielle et pouls, auscultation cardiaque, abdomen, aspect des
selles, ECG
La tachycardie doit faire rechercher une complication : cardiaque, hémorragie ou
péritonite
Biologie: FNS
Après arrêt de traitement, deux coprocultures à 48 heures d’intervalle sont
recommandées pour affirmer l’absence d’un portage

Prévention
Déclaration obligatoire
Accès à l’eau salubre
Bien laver les fruits et légumes
Isolement entérique des malades
Hygiène des mains
Désinfection du linge et de la chambre après guérison
En restauration collective, éviction des personnels porteurs chroniques de salmonella typhi
Cholécystectomie pour les porteurs chroniques

Vaccination
Le vaccin typhoïdique Typhim Vi® : vaccin monovalent polysaccharide Vi (VIPS en anglais). Il
peut être administré à partir de l’âge de 2 ans. La durée de protection est de 2 à 3 ans. La
protection est de 50 à 65%.
Le vaccin Vivotif® est un vaccin vivant atténué contenant la souche mutante Ty21a.
Le vaccin conjugué Typbar TCV® de dernière génération est un vaccin polysaccharidique Vi
lié à la protéine anatoxine tétanique.
Les vaccins ViPS et Ty21a sont recommandés par l’OMS depuis 2008 pour combattre la
fièvre typhoïde dans les zones d’endémie et d’épidémie.

L’OMS recommande de procéder à la vaccination en riposte à une flambée confirmée de


fièvre typhoïde.
Cependant, en situation d’urgence humanitaire, la priorité doit être accordée à
l’approvisionnement en eau salubre et à la promotion des mesures d’assainissement et
d’hygiène.
Algérie : pas de recommandations de vaccination car absence d’épidémie et amélioration
des conditions socio-économiques et d’hygiène.
Dans les pays développés, recommandation de vaccination en cas de voyage en zone
endémiques.

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