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Le parchemin de Montpellier,

une image troublante du règne de Charles le Téméraire


par Werner Paravicini

I. La découverte 1

En parcourant le volume consacré à Margarete of York, Simon Marmion, and


The Visions of Tondal, publié sous la direction de Thomas Kren à Malibu en
1992 2, j’ai eu la surprise d’y découvrir une représentation des principes de gouver-
nement de Charles le Téméraire que je n’avais jamais vue auparavant, malgré les
trente années déjà que je m’intéresse à ce prince. La reproduction (de fort petit
format) au sein de l’article de Jeffrey Chipps Smith compris dans ce volume et
intitulé « Margaret of York and the Burgundian Portrait Tradition », est accompa-
gnée de la légende suivante : « Anonymous Master. Charles the Bold as Vicar of
Christ, in Ordinance Book of Charles the Bold. Montpellier, bibliothèque municipale,
fonds C[alixte] Cavalier, no. 216 3. »

1. Une première version de cette étude a été lue le 8 novembre 1995 devant la Société nationale des
antiquaires de France (voir Paravicini 1995 [1997], une deuxième au cours du colloque « The Propagation of
Power », le 23 novembre 1996 à Groningue, une troisième à Cobourg, le 8 septembre 2006, au cours d’un
colloque du Court Culture Group consacré aux « Symbolic Communicational Systems in Court Societies ».
À chaque fois, les discussions ont considérablement enrichi ma réflexion. D’autres collègues, amis, collabora-
teurs, m’ont fourni idées et secours. D’abord Holger Kruse (Paris, Kiel) qui a pris les photographies au cours
d’une mémorable excursion à Montpellier. Puis An Delva-Blockmans (Gand, Leyde) qui m’a mis sur la trace
des entrées comme modèle possible, et Wim Blockmans, son mari, qui fournit de fortes raisons en faveur de la
version « Parlement de Malines ». Sébastien Hamel (Paris, Montréal) m’a aidé à organiser et améliorer
l’illustration en retravaillant l’ensemble des photographies. Gladys Bouchard, conservateur à la bibliothèque
municipale de Montpellier, et Dominique Salles-Calvayrac, directeur des Archives municipales de la ville,
ainsi que Sophie Jugie, directeur du musée des beaux-arts de Dijon, et Jacques Paviot (Paris) m’ont fourni
maints renseignements, tandis que Wolfgang Brücker (Essex) m’a permis de consulter son manuscrit parallèle
avant publication. Enfin, avec toute son amicale attention, et avec le concours de Georges Demaimay, Philippe
Contamine (Paris) a relu ce texte pour le libérer de ses imperfections linguistiques.
2. Voir pour les titres cités en abrégé la bibliographie en annexe.
3. Smith 1992, p. 50, fig. 15.
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Le texte de l’article donne une description plus détaillée :


« A military Ordinance miniature [...], now in Montpellier, with an image of the
crucified Christ at top and Charles below. Dressed half in armor as a knigth and half in
the ermine robe of a prince Charles holds the sword of justice and a Bible, in which is
inscribed Christ’s monogram and the text « Nihil sine me.« That is, Charles is nothing
without Christ since it is from the Lord that his power and authority as vicar stem.
Between Charles and the cross are Justice, enthroned, Truth, Wisdom, Chastity, and
Sobriety ; the moral lessons of these Virtues, along with the advice to take counsel
(consi/lium is inscribed on either side of Charles’s legs), ensured that Charles would be
the ideal ruler and judge 4. »

Cette image capitale n’a figuré dans aucune des nombreuses expositions consa-
crées aux ducs de Bourgogne et à Charles le Téméraire en particulier, du « Siècle de
Bourgogne » (1951) en passant par le « Butin de Bourgogne » (1969) 5 ou les commé-
morations des batailles de Morat (1976) 6, Grandson (1977) 7 et Nancy (1977) 8, ni
dans la grande exposition bruxelloise de 1977 à l’occasion du 500e anniversaire de sa
mort 9. Elle n’a pas davantage été montrée à l’importante exposition que le musée
historique de Berne consacra à ce duc en 2008, mais elle y fut présente sous forme de
photographie reproduite dans le catalogue 10.
La raison en est simple : la pièce, par la volonté du légataire, n’est jamais prêtée
à l’extérieur. Et comme elle n’entra dans le domaine public qu’en 1888 11, elle a à peu
près complètement échappé à l’attention des érudits, y compris celle de John Bartier
(1944, 1976), Richard Vaughan (1973), Werner Paravicini (1976), Jean-Marie Cau-
chies (1996) 12, Henri Dubois (2005) 13, tous biographes du Téméraire. Le seul
article qui lui ait jamais été consacré expressément jusqu’à ce jour, publié il y a plus
de cent ans sous la plume d’Anatole Perrault-Dabot, s’intitule d’ailleurs « Un

4. Smith 1992, p. 49-50. J.-C. Smith avait déjà en 1979 (p. 195-196) et en 1990 (p. 267, n. 57, p. 272, et fig.
6-19), commenté et reproduit cette image, alors encore sans indication d’origine (« single leaf », « mid-1470s »),
mais soutenant déjà fermement qu’il s’agissait d’un portrait du duc.
5. Die Burgunderbeute 2 1969.
6. La Bataille de Morat 1976.
7. Grandson 1976.
8. La Bataille de Nancy 1977 ; Cinq-centième anniversaire de la bataille de Nancy 1979.
9. Charles le Témeraire 1977. Notre document n’y est pas reproduit, mais l’article de Perrault-Dabot 1894
est cité, p. 47 et n. 34, p. 205 (bibliographie).
10. Catalogue Karl der Kühne 2008, fig. 18, p. 38 (pleine page, en couleurs) ; également dans Marti 2008,
p. 46.
11. Albenas 1896 ; Bibliothèque de la ville de Montpellier 1896 et 1898, p. 53-54, no 216 ; Euzière 1959 ;
Bouchard 1990.
12. Il mentionne « la curieuse miniature figurant le duc de Bourgogne en habit mi-parti : homme de loi et
guerrier » indirectement d’après Naès 1979, p. 133, qui, elle, ne précise pas sa source et parle d’un « manuscrit
qui se trouve actuellement à Montpellier » (Cauchies 1996, p. 83, n. 2).
13. Dubois 2005, p. 490, cite pourtant mon esquisse de 1995 dans sa bibliographie.
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portrait de Charles le Téméraire » 14 ¢ aspect certainement le moins intéressant du


document et attribution douteuse, comme nous le verrons. La redécouverte du
document revient à Florens Deuchler, qui, au milieu des années 1960, avait formé le
projet d’un commentaire détaillé 15, sans avoir pu le réaliser. Depuis que j’ai publié
en 1995-1997 une courte note à son sujet, avec reproduction en noir et blanc, les
mentions sont devenues plus fréquentes 16. Une tentative d’interprétation de l’his-
torien de l’art Wolfgang Brückle vient de paraître qui renvoie, non sans raison, à
l’hermétisme voulu, élitiste, de telles pièces défiant tout décryptement 17. En effet,
ce document de première importance n’a toujours pas été complètement déchif-
fré 18. Le présent article ne peut y prétendre non plus. Il aidera peut-être à mieux
poser un certain nombre de questions. Le document reste une énigme pour plu-
sieurs raisons qui apparaîtront au fur et à mesure que l’enquête avancera. Matéria-
lité, origine, emploi, signification : tout est toujours insuffisamment connu, et
risque, je le crains, de le demeurer.

II. Description

Il s’agit d’un parchemin encadré sous verre (fig. 1) 19. Il m’a été impossible de
mesurer la pièce dans toute son étendue, car elle est collée sur un carton et couverte
par un passe-partout rehaussé d’or, lui même collé, dont il est impossible de soulever
les bords. Mes mesures sont donc prises à l’intérieur du passe-partout. Je n’ai pu
déterminer de combien le parchemin dépasse ce cadre intérieur. Ainsi entendu, j’ai
mesuré une hauteur entre 646 et 648 mm 20 et une largeur de 345 à 346 mm 21.
C’est une composition en quatre parties, apparemment peinte à l’huile,
œuvre d’un artiste de qualité exceptionnelle, enlumineur ou peintre. Elle se lit de
haut en bas : le Crucifié dont le sang jaillit sur une femme placée sur un trône, les
armes de Bourgogne soutenues par quatre personnages féminins et un curieux per-
14. Perrault-Dabot 1894. Il était archiviste de la Commission des monuments historiques au ministère de
l’Instruction publique et des Beaux-Arts. Cf. les travaux indiqués supra, n. 11.
15. Deuchler 1968, p. 24, n. 62.
16. Stroo et van Dooren 1998, p. 139-141 ; M. Smeyers 1999, p. 368 (pleine page en couleur) et
commentaire p. 367 (« Charles the Bold as a just ruler », « loose leaf illustration », « loose miniature », ca 1470) ;
Stroo 2002, p. 175-179 et pl. 128 ; Ehm-Schnocks 2005, p. 285, 287, 294, fig. 50 ; catalogue Karl der Kühne,
2008, supra, n. 10.
17. Brückle 2010. Je remercie M. Wolfgang Brückle (Essex) d’avoir mis à ma disposition le 24 novembre
2009, quand le présent article était quasiment terminé, son texte non encore publié.
18. On attend cependant la publication du mémoire de maîtrise d’Almut Trinius (Harvard), soutenu en
2003 à Leipzig.
19. Je l’ai examiné et Holger Kruse l’a photographié, le 31 mars 1995. L’état du document n’a pas changé
depuis (lettre du conservateur en chef Gilles Gudin de Vallerin en date du 4 décemre 2009).
20. Perrault-Dabot 1894 : 645 mm ; Catalogue de 1896 : 640 mm.
21. Perrault-Dabot 1894 : 348 mm ; Catalogue de 1896 : 340 mm.
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Fig. 1. ¢ Le parchemin de Montpellier. Vue d’ensemble. Montpellier, bibliothèque municipale, fonds Cavalier,
no 216. Cl. bibl.
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Fig. 2. ¢ Le Christ crucifié sous le dais. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).

sonnage mi-parti monté sur une estrade. Nous allons examiner en détail ces quatre
parties.

1. Le Crucifié, le dais et le sang


En haut, le Christ crucifié (fig. 2). Des rayons de soleil d’or partent de sa tête. De
ses plaies jaillit du sang qui se répand sur la tête couronnée du personnage situé en
dessous. À gauche et à droite, des phylactères portent le texte suivant :
Diligite iusticiam / qui iudica/tis terram
« Aimez justice, vous qui jugez sur terre ».
C’est évidemment le premier verset du Livre de la Sagesse, souvent reproduit
dans les salles de justice 22. Le Christ est représenté sous et devant un dais
damascé de couleur lapis-lazuli ; le dais proprement dit a des franges vert-
blanc-rouge 23, celles du dos étant seulement rouges. Perrault-Dabot fait justement
22. Ainsi au Palazzo Publico de Sienne, cf. Meier 1996, p. 351, 383.
23. Perrault-Dabot 1894, p. 436, et le Catalogue de 1896 omettent le vert.
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Fig. 3. ¢ Le phylactère nommant le duc Charles. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).

remarquer qu’il ressemble à un lit de justice 24. Les couleurs sont celles de la royauté
française de l’époque, bien que dans un ordre différent 25. Ce fait mérite d’être
souligné, car Charles le Témeraire a généralement porté d’autres couleurs, noir et
violet en tant que comte de Charolais, bleu et blanc en tant que duc 26.

2. La Justice

Un grand phylactère (fig. 3) sépare ce premier élément du deuxième. On y lit


(j’ai ajouté les accents) :

24. Perrault-Dabot 1894, p. 436. Cf. Brown, Famiglietti 1994.


25. Charles VII (†1461) porta après 1425-1430 rouge-blanc-vert ; Louis XI (†1483) rouge-vert-blanc en
concurrence avec rouge et blanc, parfois complété par le noir ; voir Hablot 2001, t. 2, p. 431-432 et 437.
26. Hablot 2001, t. 2, p. 523. Bleu-blanc et (séparément) noir sont attestés par les Comptes de l’Argentier,
t. 4, 2009, p. xiv, n. 93 = p. 104-105 art. 133 (1er décembre 1473-31 juillet 1474).
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Fig. 4. ¢ Les armoiries ducales. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).


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Jústiciá e terrís iam / dúdum eiécta 27 recéssi


Áb Karoló nupér / dúce vocáta vení.
Ces deux vers, hexamètre et pentamètre, forment un distique élégiaque :
« Moi] la Justice, depuis longtemps déjà expulsée de la terre, [je] me suis éloignée ;
[mais] appelée par le duc Charles je suis récemment revenue. »

Il s’agit d’une personnification de la Justice 28. Assise sur un trône d’or, jeune
femme couronnée d’or aux cheveux blonds déliés, vêtue d’une tunique verte et ceinte
de même, elle porte un manteau royal rouge, fourré d’hermines. Dans la main droite,
elle tient un glaive nu, la poignée d’or (dépourvue d’inscription ou de symbole), la
lame d’argent, la pointe en haut. De sa main gauche, elle touche presque la pointe du
cimier des armoiries, d’un geste qui ressemble moins à une bénédiction qu’à une
transmission de pouvoir 29. La scène rappelle d’ailleurs la description de la Justice
que donnera plus tard Jean Molinet, dans son « Throsne d’honneur », avec quelques
variantes :
« Là était dans une très riche chaire d’or [...] Justice que Honneur avait assise en
grande majesté au milieu des cieulx, comme le soleil entre planètes, pour enluminer
toute la cour célestielle et avoir recours à sa tranchante et reflamboyante espée ; et à sa
dextre avait assis en triomphe impérial le grand roy Charles 30 ».

La balance n’apparaît pas, ni le bandeau des yeux 31.

3. Les armoiries et les quatre vertus


a. Les armoiries
Remontant jusqu’au sein de la Justice, il y a des armoiries qui peuvent se décrire
comme suit (fig. 4). Écartelé : 1 et 4 d’azur semé de fleurs de lis = France ancien, à la
bordure componée d’argent et de gueules. 2 : parti : bandé d’or et d’azur de cinq
pièces à la bordure de gueules = Bourgogne ancien, et de sable au lion d’or = Brabant.
3 : parti de Bourgogne ancien, et d’argent au lion de gueules couronné d’or à la queue
fourchue = Limbourg. Brochant sur le tout : d’or au lion de sable = Flandre. L’écu
est timbré d’un heaume d’or à sept grilles posé en face, orné d’un tortil d’or et d’azur,
lambrissé de même et surmonté d’un carré de fleur de lis d’or.
27. Perrault-Dabot 1894 et le Catalogue de 1896, p. 54 ont lu evicta ; le dessin que publie Perrault-Dabot
a cependant la lecture correcte.
28. Cf. Kahsnitz 1971 ; Jacob 1994, p. 224-229 (« Vertu chrétienne ou allégorie judiciaire ? »).
29. Cf. des gestes semblables dans Garnier 1982, p. 196-197 (imposition de mains).
30. Cité par Mâle 1925, p. 342.
31. Ce détail serait le signe de la justice divine et non terrienne, Stroo 2002, p. 176, n. 322. La balance, en
France, n’apparaît pas avant la fin du xve siécle, Mérindol, « Les salles de justice » 1997, p. 70. Voir dans Le
prince et le peuple, 1988, p. 107, une représentation de la Justice de l’année 1505, au glaive et au livre seulement.
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Fig. 5. ¢ Les grandes armoiries de Charles le Téméraire, après 1472, taille-douce signée par le Maître « WA »,
335 × 203 mm. Bruxelles, bibliothèque royale Albert I er, cabinet des estampes, fol. rés. S. II. 1053
(olim 62992). Cat. Charles le Téméraire 1977, pl. 47. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).
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Ce sont les grandes armoiries des ducs de Bourgogne portées depuis la succes-
sion aux duchés de Brabant et de Limbourg en 1430 sous Philippe le Bon, père de
Charles le Téméraire. Elles restèrent inchangées malgré les acquisitions postérieures
des comtés de Hollande-Zélande (1433), du duché de Luxembourg (1434-1451), du
duché de Gueldre (1473) et du duché de Lorraine (1475) 32. Cet écu, dont se
trouvent de nombreux exemples dans le butin de Bourgogne 33, est d’ailleurs
identique à celui figurant sur une gravure des grandes armoiries de Charles le
Téméraire, datable « pas avant 1472 » et signée par le maître « WA » (fig. 5). Sur cette
feuille, elles sont cependant entourées des cinq duchés et des douze comtés appar-
tenant au duc, et elles sont supportées par deux lions et, surtout, entourées du collier
de la Toison d’or 34. Que la Toison d’or manque dans notre document fait pro-
blème 35. Charles en a été décoré dès sa première enfance. Le collier devait s’y
trouver, mais elle est absente.
b. Quatre vertus
Le heaume et l’écu sont soutenus par quatre jeunes filles à la chevelure éparse,
vêtues de robes ornées d’or et fourrées de blanc, d’une grande élégance courtoise
(fig. 6). Chacune porte un couvre-chef différent et tient un phylactère dans la main
extérieure. Des inscriptions se lisent sur leurs robes. Elles servent à les identifier.
La première, vêtue de vert et bleu, est dite Veritas, Vérité (fig. 7) en des lettres
bleues, et l’inscription explique : Omnia vinco, je vainc tout. Elle est couronnée de
lierre 36.

32. Laurent 1993, t. I/2, p. 577-578 et 611-619 ; Delgrange 1996 ; Ettro 1979. Dans les sceaux, les écus de
Namur, de Franche-Comté et d’Artois sont disposés dans le champ, en dehors des armories proprement dites.
Cf. les descriptions des armes dans : O. de la Marche, t. 1, p. 41 (Charles), 105-106 (Philippe le Bon) ; Haynin
t. 2, p. 28-29 (armes au-dessus de la porte de son hôtel à Bruges à l’occasion des noces de Charles en 1468) ;
correspondant aux dépenses de leur confection, dans Laborde, t. 2, 1851, p. 330-331, no 4441, « ung grant
tabernacle pour mettre et atachier ou mur dessus la grant porte de l’entrée de la cour, ou quel l’en a entretaillié
deux lyons, tenant les heaulme, escu et tymbre de mondit seigneur, avironné de blasons des armes des duché,
conté, seigneurie et tiltre d’iceluy seigneur, richement paints et aornez ».
33. Deuchler 1963, frontispice en couleur (tapisserie armoriale damassée), et passim ; cf. ibid., p. 361-
364 = annexe I : « Burgundische Heraldik und Emblematik » ; Le sujet attend son véritable traitement ;
cf. Slanicka 2002. Les mêmes objets dans les catalogues d’exposition, Die Burgunderbeute, 1969 et Karl der
Kühne, 2008.
34. Catalogue Karl der Kühne, 2008, pl. 38 et p. 222, no 50 (Barbara Welzel) ; H. van der Velden 2000,
p. 127-128, fig.75 ; cat. Charles le Téméraire 1977, no 80, p. 179-180 et pl. 47. Cf. la dépense supra, n. 32. Les
17 écus se retrouvent sur la représentation de la remise des insignes du commandement militaire aux
conduictiers dans les trois manuscrits de l’ordonnance militaire de 1473 (infra, n. 142) ; il y treize écus en
marge de la miniature de dédicace du manuscrit de Girart de Rousillon (avant 1448), O ı NB, col. 2549, f. 6r
(Thoss 2009, p. 114).
35. Déjà remarqué par Perrault-Dabin 1894, p. 442.
36. Remarqué par Brückle 2010, qui, sans pouvoir expliquer ce choix, mentionne un portrait du
Téméraire également couronné de lierre, d’après Keller 1961.
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Fig. 6. ¢ Les quatre vertus (de gauche à droite, de haut en bas) : Veritas, Castitas, Sagasitas, Sobrietas.
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Fig. 7. ¢ Veritas. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).


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Fig. 8. ¢ Castitas. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).


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Fig. 9. ¢ Sagasitas. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).


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Fig. 10. ¢ Sobrietas. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).


322 WERNER PARAVICINI

La deuxième, vêtue de vert, brun foncé, bleu, est dite Castitas, Chasteté (fig. 8)
en des lettres d’or, entourées de noir ; la banderole dit : Deo p(rae) omnib(us) placeo,
je plais à Dieu avant toutes.
La troisième est vêtue de rouge, bleu, vert et rose. Les inscriptions disent, en
lettres d’or Sagasitas, Sagacité (fig. 9) 37 et In tempore ago, J’agis à temps (ou dans le
temps). Sur le bas de la robe, on lit, sur fond bleu quelque chose comme AVE OST
/ TENTIS 38. Évidemment, cette lecture, ne livrant apparemment pas de sens, ne
peut être définitive.
La quatrième et dernière, portant des vêtements bleu et brun clair (la fourrure
semble initialement avoir été d’argent), est dite, en lettres d’argent, Sobrietas, Sobriété
(fig. 10), au commentaire de Longevos nutrio, Je nourris ceux qui vivent vieux.
4. Le personnage et l’estrade
Le dernier élément de notre ensemble iconographique (fig. 11) est un curieux
personnage, touchant de sa tête le bord inférieur de l’écu. C’est un homme vu de
front, nue-tête, barbu, les cheveux mi-longs et frisés, épars des deux côtés. Il est
debout, les jambes écartées, les pieds nus, dépourvus d’éperons. Du côté droit, il est
armé d’un harnois blanc (l’argent employé s’est noirci en oxydant), doré aux bords
par endroits, de toutes pièces, sauf la main (et la tête et le pied), tenant dans la main
gantée une épée d’or dans son fourreau d’or, la ceinture d’or enroulée, la pointe
reposant au sol. Du côté gauche, il est vêtu d’un ample manteau rouge bordé et
fourré de blanc ; la main nue (blanche) tient un livre ouvert qui porte l’inscription
suivante (fig. 12) : ni/hil si/ne/me. Entre la première et la deuxième syllabe, il y a
quelque chose comme un chiffre qui a été lu comme étant le chiffre du Christ :
Jh[esu]s 39. Mais rien n’est moins sûr. Aurait-on écrit le nom du Christ en de si
petites lettres ? N’est-ce pas plutôt l’indication du contenu du livre ? Bible, code
juridique ? Je n’oserais trancher. Selon toute vraisemblance, il s’agit simplement
d’un remplissage du vide laissé par la syllabe qui manquait à la symétrie graphi-
que 40 ; ce chiffre pourrait difficilement être totalement dépourvu de sens.
Le personnage pose ses pieds nus sur une estrade verte (ou plutôt revêtue d’une
bure de cette couleur, telle qu’on l’utilise encore de nos jours et qui est attestée pour
la Chambre des comptes de Paris dès le milieu du xve siècle) 41, sur le plat de laquelle
on lit en lettres majuscules d’or le mot suivant : CONSI/LIVM.
37. Sagacitas, Perrault-Dabot.
38. Ou bien : TEMIS, IENTIS. Non relevé par Perrault-Dabot 1894.
39. Ainsi Perrault-Dabot 1894, p. 439-440 avec la note 2, et le Catalogue de 1896, p. 54 ; d’après
Perrault-Dabot et Smith, Brückle 2010 veut y reconnaître le monogramme du Christ, XP.
40. Perrault-Dabot 1894, p. 439-440, n. 2, avait déjà discuté cette alternative.
41. Mattéoni 2007, p. 42-43 et n. 52, et Paris, Archives nationales, PP 95 (= AE II 634), f. 1, mentionné
par Hervé Pinoteau le 8 novembre 1995 (Paravicini 1995, p. 337). Cf. Mérindol, « Le roi Charles VII, 1997,
p. 36-38, pour le vert, couleur de la justice.
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Fig. 11. ¢ Le personnage bipartite. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).

Fig. 12. ¢ Le livre et son inscription. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).
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Le devant de cette estrade porte également une inscription d’or, mais elle reste
illisible. Il y a cent ans, Perrault-Dabot avait déjà renoncé à la déchiffrer 42. Très
probablement s’agit-il non pas de deux mots séparés, mais d’une inscription conti-
nue. La lettre isolée au milieu y invite, et la perte de matière peinte, maladroitement
restaurée, ne l’exclut pas. Ce que j’ai pu lire est de peu de secours, malheureuse-
ment : ]t[ ]dum[]i 43[ ]undum * 44.

III. Signification et sources iconographiques

Ce tableau attentivement regardé, se pose la question de sa signification.

1. Les relations entre les éléments et le message d’ensemble

a. Les éléments
1°) Le Christ ¢ Que le Christ en croix domine d’en haut, rien de plus normal
pour un tableau de Justice : « Toute justice passe par le Christ. La justice, émanation
de Dieu, fonde l’État et l’État doit rendre la justice 45. » Il est cependant à retenir que
le seul Christ, et non la Trinité, est représenté, comme ce fut le cas une génération
plus tôt dans le manuscrit de Guillaume Jouvenel et au retable du Parlement de
Paris, dont il sera question plus loin.
Le Christ occupe la place du souverain. Son dais 46 porte la couleur royale, le
bleu, qui est également la couleur de la justice du roi ; le vert-blanc-rouge des franges
est la couleur de la maison de France depuis Charles VII, mais également celle de la
maison de Bourgogne, comme l’a rappelé Christian de Mérindol 47.
Perrault-Dabot avait déjà bien vu que les jets de sang qui viennent se réunir sur
la tête de la Justice sont une « allusion probable à la mort du Christ, soufferte par lui
pour le triomphe de la justice et le rachat du monde 48 ». Il n’y a pourtant pas d’anges
42. Perrault-Dabot 1894, p. 440, « sur la bordure de l’estrade, se trouvent deux mots, malheureusement
illisibles, tant ils sont effacés » ; cf. p. 443. Catalogue de 1896, p. 53, « trace de mots indéchiffrables ». Je ne suis
pas d’accord sur les deux mots, cf. infra.
43. ou bien l.
44. * = trace d’un point d’or. Brückle 2010 propose de lire in fine burg]undum ou plutôt sec]undum.
45. Mérindol, « Le retable », 1992, p. 27, renvoyant à Chevalier 1988.
46. Cf. pour le dais, signe de souveraineté, Gaude-Ferragu 2005, p. 230 et s.
47. Cf. supra, n. 41. Mérindol, « Couleur, étoffe et politique », 1987 ; Id., « Signe de hiérarchie sociale »,
1989. Voir également les contributions d’Hervé Pinoteau et Christian de Mérindol le 8 novembre 1995
(Paravicini 1995, p. 337). Je remercie M. de Mérindol pour ses renseignements me suggérant que ces couleurs
signifieraient l’origine royale de la justice ducale.
48. Perrault-Dabot 1894 p. 436 n. 3.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 325

qui recueillent le sang du Christ dans des calices de communion. Voici une première
trace d’un programme qui s’écarte de la voie normale 49.
En somme, le Christ est représenté en tant que source suprême, comme la
légitimation profonde de toute justice et de son détenteur, le prince.
2°) La Justice ¢ La Justice elle-même est l’une des vertus cardinales 50, mais de
ce groupe, elle est la seule à être représentée ici. Cela cadre bien avec l’estime
particulière dans laquelle Charles le Téméraire et ses proches conseillers tenaient
cette vertu, pour eux la première de toutes 51.
3°) Les armoiries ¢ L’écu armorié représente le duc, l’identifie pour celui qui
sait le lire. J’ai signalé l’absence de l’ordre de la Toison d’or, inexplicable 52. Le
heaume posé en face est généralement considéré comme un signe de la royauté,
adopté par le duc Charles à l’occasion du chapitre de la Toison d’or de mai 1468 53.
Comme l’écu est la personne, les vertus qui le soutiennent sont identiques à celles sur
lesquelles s’appuie le personnage représenté.
4°) Les vertus ¢ Un programme regroupant quatre vertus peut paraître banal.
Mais si l’on cherche à rattacher ce groupe particulier à la tradition des vertus en
général, on rencontre des difficultés. Car ce ne sont pas les quatre vertus cardinales
de l’Antiquité (justitia, fortitudo, prudentia et temperantia/moderatio), ni les trois ou
quatre vertus théologales du christianisme (fides, spes, caritas et humilitas), ni un
choix dans les cinq vertus intellectuelles de Thomas d’Aquin (sapientia, scientia,
intellectus, ars, prudentia), ou dans les sept vertus de Prudence où seule la sobrietas se
retrouve (les autres étant fides, pudicitia, patientia, humilitas, operatio, concordia).
Elles ne sont pas identiques aux douze vertus accompagnées chacune d’un symbole
d’identification que nous rencontrons pour la première fois à Notre-Dame de Paris
vers 1210, où le canon est élargi à la patientia, mansuetudo, concordia, oboedientia, la
perseverantia et, quand-même, la castitas 54. Émile Mâle avait déjà attiré l’attention
sur le fait que des miniatures françaises peintes autour de 1450 et jusqu’en 1470
représentent les vertus comme étant de jeunes femmes sans attributs, qui ne sont
49. Brückle 2010 constate également cette anomalie et est tenté d’en conclure que le programme de
l’image n’a pas été composé par un ecclésiastique.
50. Voir infra.
51. Cf. Stroo 2002, p. 171-180.
52. M. Arjo Vanderjagt (Groningue) a suggeré, le 23 novembre 1996, que l’absence du collier prouve que
ce ne sont point les armoiries du duc. Soit, mais de qui ou de quoi seraient-elles alors les insignes ? De l’État ?
53. H. v. Seggern 2003, p. 80, d’après Vaughan 1973/2002, p. 180-181 qui, lui, suit les travaux de Françis
Salet. La gravure contemporaine du Maître « WA » (fig. 5, et supra, n. 34) a la même disposition du heaume.
Laurent Hablot (Poitiers) m’a cependant fait remarquer que cette règle n’est obligatoire qu’à partir du
xvie siècle (communication du 20 septembre 2005).
54. Evans 1972 ; Lüdicke-Kaute, Holl 1971. Mâle 1925, p. 309-346. Cf. Pansters 2007 et Princely Virtues
2007, volumes qui ne résolvent pourtant point notre problème.
326 WERNER PARAVICINI

identifiables que grâce à des inscriptions 55. Notre ensemble relève de ce type
dépouillé.
Aucune des quatre vertus rencontrées ici n’a été jugée digne d’un article dans le
très détaillé Lexicon der christlichen Ikonographie 56. Il est vraisemblable qu’il s’agit
d’un groupe original, reprenant les quatre vertus cardinales quant au chiffre (sym-
bolique) 57, mais non quant au contenu 58. Quand Philippe le Bon entra à Gand en
1458, ces vertus furent adaptées à la circonstance, misericordia, veritas, justitia,
pax 59. En 1469, le duc Charles possède (d’héritage ?) une suite de tapisseries,
intitulée « La chambre des quatre vertuz cardinaulx » 60. Guillaume Hugonet, le
chancelier du duc Charles, dans une harangue prononcée le 1er novembre 1471 à
Saint-Omer à l’occasion de l’alliance conclue entre le duc et Ferdinand, roi de
Naples 61, attribue bien à son maître quatre vertus, mais ce ne sont pas les nôtres : ce
sont la prudence (vertu cardinale traditionnelle), la magnanimité (une valeur neuve,
de couleur humaniste), la continence (ou actemprance, moderacion) et la justice. Il a
certainement trouvé ce quadrige (prudentia, magnanimitas/fortitudo, continentia,
justitia) dans Pseudo-Senèque, alias Martin de Braga ( ? 580), dont il possédait un
exemplaire 62. La continence a bien une connotation sexuelle, car Hugonet dit des
deux princes : « Se l’un est soubre et continent, l’autre ne reçoit voluptez que pour
necessité de nature. » Sobrietas se rapproche donc de cette continence, mais elle ne
peut pas être identifiée avec la castitas. Nous savons cependant que Charles le
Téméraire a vécu cet idéal de chasteté conjugale, à la différence de son père et au
grand étonnement, voire à la suspicion de ses contemporains.
Je n’ai pas encore trouvé la source du groupe de ces quatre vertus 63, et je n’ai
pas non plus, jusqu’à présent, retrouvé l’origine des inscriptions. Celle de la Justice
55. Mâle 1925, p. 311. Des attributs nouveaux apparaissent vers 1470 dans le Pseudo-Sénèque, Martin de
Braga (infra, n. 62) de Jacques d’Armagnac, duc de Nemours (†1477), pour être largement imités, ibid. p. 312
et s. ; Avril, Reynaud 1993, p. 48 ; Jacob 1994, p. 227 ; Mérindol, »Jacques d’Armagnac« 1996, p. 402 et 403
(BNF, ms. fr. 9180, f. 304r).
56. Y figure la sapientia (Mielke 1972), mais qui n’est pas identique avec la sagacitas.
57. Holländer 1972.
58. Stroo 2002, p. 178, a souligné cette différence.
59. Stroo 2002, p. 167.
60. Comptes de l’Argentier, t. 2, 2002, p. 421, art. 1556 (sept. 1469), dépense « pour doubler une couverture
de lit broudee d’une chambre vermeille de mondit seigneur, nommee La chambre des quatre vertuz cardi-
naulx ». Le manuel de Rapp Buri, Stucky-Schürer 2001, ne connaît que des tapisseries représentant les vices
et les vertus (p. 331 n. 21, p. 335 n. 66, p. 386 n. 403).
61. Bartier 1955, p. 445.
62. « De quatuor virtutibus cardinalibus », Paravicini 2002, p. 299, no 2. Arjo Vanderjagt (Groningue) a
vérifié pour moi l’intitulé de ces vertus dans le texte édité (cf. supra, n. 55). Sobriété et chasteté figurent déjà
dans le catalogue des vertus dans Jacques Le Grand, « Livre des bonnes mœurs » (1410), et le quatuor complet
(prudence,justice,continenceetforce=magnanimité)dansl’Instructiond’unjeuneprince,écriteparHugues(?)
de Lannoy pour le jeune Téméraire, voir Sterchi 2005, p. 84, 135, ouvrage fondamental pour toute la question
des vertus à la cour de Bourgogne, mais ne comportant pas de réponse à la présente question.
63. Brückle 2010, qui se rend bien compte de l’originalité de cet ensemble, doit également s’avouer battu.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 327

contient une faute métrique (le e dans veni devrait être court) : cela plaide en faveur
d’un texte composé pour l’occasion, et non d’une citation. Cela me paraît moins
probable pour les autres. La recherche continue. En tout cas, ces quatre vertus ne
semblent pas être des vertus générales, mais plutôt des vertus liées à la justice, aux
qualités requises du juge 64. Ce qui renforce notre argument.
5°) Le personnage ¢ L’élément le plus étonnant dans cette composition, c’est
évidemment l’homme, ce personnage mi-parti aux deux costumes. Perrault-Dabot
a vu en lui le prince, Charles le Téméraire. Je l’ai cru également, pour un temps. Mais
je m’incline devant les arguments mis en avant par Hervé Pinoteau, Christian de
Mérindol et Jean-Bernard de Vaivre 65. Voici pourquoi.
Depuis Ernst Kantorowicz, nous sommes habitués aux deux corps du roi, l’un
mortel, l’autre immortel 66. Ici, il ne s’agit cependant pas de ceux-là, car il n’y a pas
un vivant en costume d’apparat et un cadavre nu, mais un guerrier en armure
complète et un juge en robe. Ce programme iconographique n’est pas totalement
nouveau à l’époque du Téméraire. En 1992, Peter Lewis et Nicole Reynaud ont
chacun démontré que le chevalier et chancelier Guillaume Jouvenel, mort en 1472,
s’était fait représenter, par deux fois au moins, en deux personnes distinctes, indé-
pendamment la fois en chancelier et en chevalier : en 1446-1447 dans un manuscrit
en vénération de la Trinité (fig. 13) 67 ; et également sur sa plaque tombale (détruite)
à Notre-Dame de Paris, dont il reste le dessin fait pour Robert de Gaignières (fig.
14) 68. Notre document ne fait que réunir les deux personnes en une seule, peut-être
pour la première fois dans l’histoire des représentations. Cette manière de rendre
visible une dualité de fonctions n’a rien à voir avec le mi-parti dépréciatif ou de
livrée 69 ; déjà en 1458 elle est attestée à Gand 70 et, au xvie siècle, on la rencontre par
exemple dans les Libri Amicorum 71.
L’explication se trouve dans la préface aux Institutes de Justinien, et elle est citée
par le frère du chancelier, Jean Jouvenel des Ursins :

64. Suggestion faite par M. Jean-Pierre Callu (Paris), au cours de la présentation de cette image à la
Société nationale des antiquaires de France, le 8 novembre 1996.
65. Exprimées oralement le 8 novembre 1995 (Paravicini 1995, p. 337) et (J.-B. de Vaivre) par lettres du
25 novembre 1995.
66. Kantorowicz 1958.
67. Paris, BNF, ms. lat. 4915, f. 21r. Avril, Reynaud 1993, p. 112-113, no 54, avec reproduction en couleur
p. 104. « La Maître de Jouvenel », auteur de cette miniature, n’est pas identique à Jean Fouquet, voir Jean
Fouquet 2003, p. 414-417, également avec reproduction en couleur pleine page ; l’illustration du volume est
datée ici « vers 1447-1455 ».
68. Lewis 1992 ; Reynaud 1992 ; Avril, Reynaud 1993, p. 112 ; Adhémar 1976, p. 23, no 1209 y avait
encore vu deux personnages différents.
69. Mertens 1983 et 1993. La fortune peut-être représentée en mi-parti, Winter 1985, fig. 234-236 (1403,
1404).
70. Infra, n. 200.
71. Edler Schatz holden Erinnerns 1995, p. 41 (exemple de 1582 : jeune homme musicien et érudit).
328 WERNER PARAVICINI

Fig. 13. ¢ Guillaume Jouvenel (1472), chancelier de France et chevalier, vénérant la Trinité. Paris, BNF,
ms. lat. 4915, fol. 21r (Giovanni Collonna, Mare historiarum, 455 × 325 mm, 1446/1447). Avril et
Reynaud 1993, p. 104. Cl. Holger Kruse (Paris, Kiel).
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 329

Fig. 14. ¢ Guillaume Jouvenel (1472), chancelier de France et chevalier, dessin de sa pierre tombale (détruite)
à Notre-Dame de Paris, fait pour Robert de Gaignières (1715). Paris, BNF, Estampes, Rés. Pe 9, fol. 94.
Lewis 1992, fig. 46b. Cl. Sébastien Hamel (Paris).
330 WERNER PARAVICINI

Imperatoriam maiestatem non solum armis decoratam, set etiam legibus oportet esse
armatam, ut utrumque tempus et bellorum et pacis recte possit gubernari 72.
« La majesté impériale doit non seulement être ornée par des armes, mais elle doit
aussi être armée par des lois, pour que les deux temps, de la guerre et de la paix, puissent
être correctement gouvernés. »
On remarque cependant quelques différences dans les représentations de Jean
Jouvenel et de notre personnage.
D’abord, le manteau n’est pas identique : il est coupé différemment, ouvrant sur
le devant et non pas sur ses côtés ; il n’a pas de capuchon, et surtout il n’a pas sur
« chacune de ses espaules trois rubans d’or et trois pour-fils de laitices », signe
distinctif du chancelier de France 73. Il est également fourré, mais à la différence de
la dame Justice, la fourrure n’est pas d’hermine, mais, probablement, de létice ou de
menu vair (comme la robe du chancelier de France). C’est bien une robe de juge.
Mais ce n’est pas non plus celle des juges du Parlement de Malines que le duc
Charles fit définir ainsi dans sa charte d’instauration du [8] décembre 1473 :
« [...] voulons et ordonnons que les jours des plaidoyeries les presidens, chevaliers,
maistres des requestes, quant ilz y seront, et conseilliers de ladite court soyent en ladite
grant chambre vestuz de robes d’une couleur [rouge 74] et de chaperons fourez, et lesdiz
presidens auront en teste mortiers de velours noir, dont le premier aura brodure au bord
a l’entour. Et aux jours des arrestz, lesdiz presidens auront manteaulx d’escarlate
vermeille, fourez de laitices et ouvers d’un costé, lesdiz chevaliers pareils manteaulx et
chaperons a bo[u]rolet sans y porter chappeaulx, lesdiz maistres des requestes autres
manteaulx fourez de menuz vairs et ouvers a deux costez, tant les gens d’eglise que les
laiz, et les conseilliers laiz de ladite court pareilz non fourez de penne. Et les gens d’eglise
cloches de pareille couleur avec lesdiz chaperons fourez et mortiers, selon que dit est. Et
pareillement quand nosdiz chancelier et chief de conseil seront et presideront en ladite
court, ilz seront habillez tant en manteaulx que autrement ainsi que leurs estas requie-
rent [...] 75. »

Les tableaux représentant le Parlement de Malines, cour souveraine des Pays-


Bas, montrent les robes des membres du Parlement, y compris la robe du prince : il
s’agit, de « la robe longue de couleur rouge, serrée à la taille par une étroite ceinture,

72. Juvénal des Ursins, Écrits, éd. Lewis, t. 2,1985, p. 201 et s., cité par Lewis 1992. L’astucieuse idée
d’assigner les deux faces à la justitia retributiva (le code) et distributiva (le glaive) d’Aristote, proposée par Wim
Blockmans (Gand, Leyde) par courrier du 18 mai 2009, ne s’applique donc pas, au moins pas directement.
73. Lewis 1992 p. 265, d’après Chartier, Chronique, t. 2, p. 162 : Guillaume Jouvenel entre dans Rouen en
1449, « vestu en habit royal, c’est assçavoir, ayant le manteau, la robe et le chapeau d’escarlate vermeil, fourré
de menu vair, et portant sur chacune de ses espaules trois rubans d’or, et trois pour-fils de laitices ».
Perrault-Dabot 1894, p. 439-440, dit pourtant que c’est une « robe de chancelier ».
74. Voir, pour la couleur des membres du Parlement, de Vaivre 1994, passim. Habit royal et rouge, couleur
des juges : Mérindol, « Les salles de justice », 1997, p. 61-64.
75. Rompaey 1973, p. 499, § 17, et commentaire bref p. 172.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 331

recouverte d’un court camail [= col] 76 ». Elles sont donc très différentes. Mais ces
représentations, comme nous le verrons 77, ne sont pas contemporaines.
Le glaive 78 n’est pas nu, mais dans son fourreau, et il est pointé vers le bas. Cela
me porte à y voir le symbole de la paix armée. Que ce soit une épée de connétable (de
France), comme on l’a suggéré, me paraît exclu : le duc de Bourgogne n’exerçait
point cet office 79. Brückle y voit moins une représentation de justice que de
domination en général, et rappelle la fonction symbolique de l’épée passée au
Téméraire à la fin des obsèques de Philippe le Bon à Bruges en 1467 80.
Le juge de notre tableau tient un livre ouvert à la main, sans lequel, expressé-
ment, il ne peut ou ne doit rien faire. Ce ne peut être la Bible 81, qui n’est pas un code
de loi au sens étroit. Cela doit être justement ce code du droit ou de la loi, le corpus
des lois en vigueur, une abstraction ; car il n’y a pas eu de codification universelle
dans l’État bourguignon.
L’homme a les pieds nus. Perrault-Dabot en 1894 l’avait remarqué : « Est-ce un
acte d’humilité 82 et de pénitence, encore accentué par la présence du Christ dans le
haut de la composition, ou bien une allusion à quelque pèlerinage [ce qui est peu
probable] ou à toute autre particularité contemporaine que nous ignorons 83 ? » La
question reste toujours posée. Cyriel Stroo y voit plutôt un signe de l’abolition du
péché et de la mortalité 84. Reste à expliquer aussi pourquoi l’homme armé a des
76. Beaulieu, Baylé 1956, p. 131 = De Vaivre 1994, p. 168, d’après le tableau de Versailles. Le tableau de
Jan Cossaet, représentant l’ouverture solennelle du Parlement le 3 janvier 1474, en (l’impossible) présence du
duc, conservé à Malines, daté de 1587, montre des robes toujours rouges et fourrées de blanc, mais fendues sur
les côtés, non au milieu ; celle du duc est d’un rouge plus foncé (écarlate) et fourrée d’hermine. Pour les
costumes des Parlements (de Bourgogne, de Franche-Comté), nous sommes très mal informés, voir Beaulieu,
Baylé 1956, p. 130-132.
77. Infra, n. 154.
78. Merzbacher 1972.
79. Perrault-Dabot 1894 p. 439-440 : « Ce costume symbolise évidemment les pouvoirs civil et militaire,
rassemblés dans la même personne, car l’épée n’est pas celle du prince, dont nous avons vu la description en
parlant de son sceau ; c’est celle de connétable. » Le connétable à l’époque était Louis de Luxemburg, pour lequel
voir en dernier lieu Soumillion 2007 et Blanchard 2008 ; l’épée du xve siècle, « portée la lame haute devant le roi »,
est d’ailleurs conservée au musée de l’Armée aux Invalides (inv. J 26) ; voir, avec reproduction, Lefort des Ylouses
1992-1993. Dans la représentation du Parlement de Malines (de 1514), un personnage (sans doute le premier
écuyerquiavaitchargedeporterl’épéedevantleprince,voirParavicini,« UntombeauenFlandre »,2007)assispar
devant le duc Charles, exhibe une épée pointée vers le haut, dans son fourreau, qui est orné de motifs dorés :
briquets se faisant face (= Toison d’or) alternant avec deux bâtons écotés posés en sautoir (= croix de
Saint-André, pour laquelle voir en dernier lieu Schnerb 2008), De Vaivre 1994, p. 183, fig. 10, p. 185.
80. Brückle 2010.
81. Smith 1990, p. 267, lit par erreur « IHS » et prétend en conséquence que ce geste veut dire « Charles
is nothing without Christ ». Stroo 2002, p. 178, est de mon avis.
82. Le chancelier Hugonet l’accorde largement à son prince dans son discours de 1471 (supra, n. 61).
83. Perrault-Dabot 1894, p. 440. Cf. Schreiner, Nudis pedibus 2001, qui n’élucide pourtant pas les raisons
de leur présente apparition : « Barfußgehen ist jenen symbolischen Handlungen zuzurechnen, die religiöse
Gesinnungen zum Ausdruck bringen und friedensstiftende Funktionen erfüllen » (p. 121).
84. Stroo 2002, p. 178-179.
332 WERNER PARAVICINI

Fig. 15. ¢ Charles le Téméraire, comte de Charolais (env. 1460), original ou réplique contemporaine d’un
tableau perdu de Rogier van der Weyden, Berlin, Staatliche Museen Preußischer Kulturbesitz.
Cl. Sébastien Hamel (Paris).

gants (mais pas de fer), et le juge point 85. En comparant avec le tableau et la pierre
tombale de Guillaume Jouvenel on s’aperçoit aussi de l’absence de chapeau-toque
du juge et du heaume du chevalier.
Enfin, l’homme est barbu. Avec cette observation, nous touchons au premier
argument contre une identification au prince. Nous connaissons bon nombre de
portraits du Téméraire 86. Parmi les plus authentiques, il y a le portrait de jeunesse
attribué à Rogier van der Weyden (env. 1460), conservé en original ou dans une
réplique de son atelier à Berlin (fig. 15), celui du plus jeune des rois mages dans le
retable de Saint-Columba de Cologne de la main du maître lui-même, maintenant
conservé à Munich (fig. 16), et sa figure faisant partie du reliquaire de Gérard Loyet,
offert à Saint-Lambert et conservé en original à Liège (fig. 17). Ces œuvres sont

85. Philippe Contamine commenta, le 8 novembre 1995 : « Le glaive semble être celui de la Justice. [...] La
main qui porte le glaive est gantée : les juges portent des gants » (Paravicini 1995, p. 336).
86. Borchert 2008 ; Jugie 1997, p. 60-63, 69 (ne concerne que les peintures et portraits isolés) ; pour la
médaille de Giovanni di Candida, voir les catalogues Charles le Téméraire, 1977, p. 181-182, no 83 ; et Karl der
Kühne, 2008, p. 78, fig. 61, p. 226 no 53d. Le double portrait du Recueil d’Arras est désormais accessible en
fac-similé couleurs dans Visages d’antan 2007, p. 111 et no 66.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 333

Fig. 16. ¢ Charles le Téméraire, comte de Charolais, le plus jeune des trois rois mages du retable
de Saint-Columba de Cologne, de Rogier van der Weyden (env. 1453 ?). Munich, Alte Pinakothek.
Cl. Berlin, Staatliche Museen Preußischer Kulturbesitz.

Fig. 17. ¢ Charles le Téméraire donateur. Reliquiaire offert par lui à la cathédrale Saint-Lambert de Liège en
1471. Liège, trésor de la cathédrale. Cl. Philippe George (Liège).
334 WERNER PARAVICINI

datables d’environ 1453 pour le retable 87, de 1460 environ pour le portrait 88, et de
1468-1470 pour le reliquaire 89. Il y a dans ces trois portraits et le nôtre un air de
famille. Notre personnage aux cheveux bouclés, à la bouche pleine, au nez long, aux
sourcils forts et ronds, ressemble à Charles le Téméraire, au moins rien n’empêche
que ce soit lui. Sauf qu’il est déjà représenté par ses armoiries, et surtout qu’il est
barbu. Car dans tous les portraits contemporains, Charles le Téméraire est repré-
senté glabre 90, sauf peut-être dans son grand sceau où une barbe pourrait à la
rigueur être cachée par la mentonnière ; mais il n’y a définitivement pas de mousta-
che 91. Une tradition de portraits du Téméraire en guerrier moustachu existe
pourtant, mais depuis le xvie siècle seulement 92. Or il s’agit ici d’une barbe com-
plète, bien que clairsemée. Le chroniqueur officiel de la cour de Bourgogne, Georges
Chastellain, mort en 1475, dit qu’il avait « brune barbe » [ce qui ne signifie point qu’il
en portait] « et noire chevelure espaisse et houssue », c’est à dire touffue ou hérissée.
Nous savons cependant que le duc laissa pousser sa barbe en signe de vœu de
vengeance inassouvie après la défaite de Grandson du 2 mars 1476, mais aussi qu’il
la fit raser deux mois plus tard 93. Serait-ce le Charles le Téméraire des défaites ?
Notre portrait, et par conséquence toute la composition, dateraient-ils des mois de
mars ou avril de l’année 1476 ? La vraisemblance ne plaide pas en faveur de cette
théorie. À cette époque Charles, malade 94, était fébrilement occupé à réunir une
87. En tout cas avant la mort du peintre en 1464. La chapelle pour laquelle ce retable fut commandé a été
fondée par Godert von dem Wasservass, important bourgeois de Cologne, « perhaps in the 1460s », Campbell
2004, p. 98-99 ; Borchert 2008, p. 79 et fig. 62 date « um 1455 » ; catalogue Der Meister von Flémalle, p. 85
fig. 54, 96-97 fig. 58, 178 fig. 108 ; catalogue Rogier van der Weyden, 2009.
88. Catalogue Rogier van der Weyden, 2009 ; Borchert 2008, p. 73-75 et fig. 53 ; cat. Der Meister von
Flémalle, 2008, p. 371-373 (« Anfang bis Mitte der 1460er Jahre », Stephan Kemperdick) ; Campbell 2004,
p. 124 ; Jugie 1997, p. 60-61.
89. Premier paiement en décembre 1467, présenté à la cathédrale le 14 février 1471. H. van der Velden
2000, p. 80-153, 295-296, 337-345 (documents) ; cf. catalogue Karl der Kühne, 2008, p. 78 fig. 60, p. 80-81,
pl. 48-50 et p. 253-254, no 66, par Philippe George (Liège), qui m’a aimablement fourni renseignements et
reproductions en tant que conservateur du trésor de la cathédrale ; il a signé, en coopération avec Jean-Louis
Kupper (Liège), une nouvelle étude de ce reliquaire et de son contexte historique, voir Kupper, George 2007,
et George 2002.
90. Le tableau de Chantilly (musée Condé, no 106) que cite Perrault-Dabot 1894, p. 441-442 et n. 2, pour
retrouver un Charles le Téméraire barbu, ne représente pas la translation de la châsse de Saint-Perpète de
Dinant à Bouvignes (erreur encore reprise dans le catalogue Charles le Téméraire de 1977, p. 55), mais celle de
la châsse de saint Feuillien ou Foillan au prieuré Saint-Pierre à Abbeville ; Charles le Téméraire n’y figure
assurément pas, voir Reynaud 1980-1982 et Comblen-Sonkes 1988 (je remercie M. Frédéric Vergne, conser-
vateur au musée Condé, d’avoir attiré mon attention sur ces publications).
91. Laurent 1993, t. II, pl. 352-363 ; ses commentaires t. I, p. 612-615, ne discutent point cette question.
92. Rouzet 1977, p. 63-64 ; il y a une représentation avec barbe en collier, de 1507, p. 62. Cf. le catalogue
Charles le Téméraire, 1977, p. 128-129.
93. Vaughan 1973/2002 p. 384 et n. 1 ; Dépêches des ambassadeurs milanais, Gingins la Sarra éd., t. 2, p. 9,
60, 105, 183 ; Carteggi diplomatici, t. 2, p. 448, 452 ; Commynes, Mémoires, éd. Calmette, t. 2, 1925, p. 117 et
128-129 ; Blanchard éd., t. 1, p. 328 et 336-337 ; Mancini, Armstrong éd., 1969-1984, p. 35, n. 5.
94. Cf. la note précédente.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 335

nouvelle armée et à s’assurer de la fidélité de ses alliés ; il avait sans doute autre chose
à faire que de penser à de telles œuvres d’art.
Deuxième argument : le personnage ne porte pas de cotte d’armes. Ce n’est
donc pas le duc dont les armes figurent à part.
On pourrait ajouter une troisième considération : pour être le prince, le person-
nage est trop petit, trop écrasé par les armoiries qui justement le représentent. La
construction hiérarchique de l’image rend fort invraisemblable qu’un personnage
qui est « en dessous » des armoiries en soit le détenteur. En toute logique, ce devrait
être quelqu’un qui lui est soumis 95.
Enfin, quatrième argument, le personnage se fonde sur un « Conseil » ; cela
correspond peu à l’image de souveraineté et de hauteur que Charles le Téméraire
aimait projeter de lui-même, mais bien à l’idéal du prince bien conseillé 96. En tout
cas, le Conseil sur lequel le personnage prend pied n’est pas (ou n’est plus) défini 97.
Alors qui est ce personnage ? Un personnage vivant ? Dans ce cas, ce devrait
être le détenteur de la justice ducale, donc le chancelier, intermédiaire en titre
d’office entre le conseil qu’il préside, et le prince, ici représenté par ses armoiries 98.
Furent chanceliers, jusqu’en 1471, Pierre de Goux, puis Guillaume Hugonet 99.
Mais nous ne leur connaissons pas de représentation figurée pour vérifier l’hypo-
thèse 100.
Le texte nihil sine me a une parenté avec les paroles prêtées à Louis XIV
s’entretenant avec Colbert avant la tenue d’un conseil des ministres, Louvois atten-
dant à l’arrière-plan ; ni(h)il sine te, apparaît dans une gravure contemporaine de
Sébastien Le Clerc 101. Mais dans notre document, le livre parle, non le prince. Et il
est inconcevable que le chancelier prétende dire pareille chose à son prince et se fasse
représenter ainsi, au xve comme au xviie siècle.
C’est donc plutôt une personnification abstraite d’une fonction, non pas le
portrait du chancelier en exercice. Probablement notre personnage porte une barbe
95. Cf. Garnier 1982, p. 82-87 : « situation verticale ».
96. Souligné par Brückle 2010.
97. Que ce soit le conseil des vertus me paraît exclu, non seulement parce que ce sont les vertus du prince,
mais aussi parce que l’image est construite du haut en bas ; cf. Perrault-Dabot 1894 p. 440 : « Ce mot
[Consilium] s’applique sans doute à l’assemblée des vertus que nous venons d’énumérer, qui doivent former le
conseil des princes. » Stroo 2002, p. 179 n. 335, propose d’y voir plutôt un don divin que le recours au conseil
des autres. M. Jean-Pierre Callu avait suggéré, lui aussi, le 8 novembre 1995, d’opter pour le sens abstrait du
mot consilium, signifiant alors intelligence ou sagesse. Si cette version est la bonne, il n’y aurait plus opposition
entre prince et Conseil. La bure verte (supra, n. 41) plaide pourtant en faveur du Conseil des conseillers.
98. M. Hervé Pinoteau a émis cette hypothese, le 8 novembre 1995 (Paravicini 1995, p. 337).
99. Pour Goux, chancelier du 26 octobre 1465 au 4 avril 1471, date de sa mort, voir Cockshaw 1982,
p. 50-52, et Goux 1997 ; pour Hugonet, chancelier du 22 mai 1471 au 3 avril 1477, jour de son exécution,
cf. Paravicini 1972 ; Cockshaw 1982, p. 52-53 ; Paravicini 2000 ; Flammang 2003 ; Vanderjagt 2007.
100. Dhanens 1985 y voyait le (glabre) roi agenouillé du retable Monforte de Hugo van der Goes (Berlin),
dans lequel Châtelet 2004 veut reconnaître Antoine de Croy.
101. Dans le cadre de la gravure, est écrit : « Fide et obsequio », la perspective du serviteur.
336 WERNER PARAVICINI

Fig. 18. ¢ Charlemagne « à la barbe fleurie ». Détail du retable du Parlement de Paris par le Maître de Dreux
Budé (André d’Ypres), 1452-1454/1455. Paris, musée du Louvre. Mérindol 1992, p. 24. Cl. Sébastien
Hamel (Paris/Montréal).
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 337

parce qu’il représente quelqu’un d’important, proche de la justice et qui est généra-
lement censé en porter une 102. Il existe un tel personnage : Charlemagne. Incarna-
tion de la Justice 103, il est représenté avec une chevelure et une barbe tout à fait
semblables à celles de notre image au retable du Parlement de Paris, peint entre 1452
et 1454/1455 (fig. 18) 104. Charlemagne, saint dynastique et héros éponyme du
Téméraire 105, est toujours représenté barbu 106. Le personnage en question doit
donc être une représentation de la justice ducale ; mieux, de son gouvernement,
entre justice et conseil.
Wolfgang Brückle y voit plutôt une représentation du « body politic » (ou
« corps de policie »), la tête représentant effectivement le prince, donc Charles le
Téméraire, les pieds nus le Troisième État 107. C’est séduisant. Mais aussi long-
temps que le lieu exact de cette scène n’est pas connu, aucune hypothèse ne peut
s’imposer.

b. Le message
Le message de cette représentation est ainsi, malgré toutes les lacunes dans
l’explication de détail, assez clair. Le prince, appuyé sur le chancelier et son conseil,
est par essence justicier, assurant la paix et la justice. Il est soutenu dans cette
fonction par les quatre vertus de la vérité, de la chasteté, de la sagacité et de la
sobriété, dont la beauté extérieure reflète la valeur morale. La justice elle-même
préside à son action, reine de toutes les vertus, elle qu’il a fait revenir sur terre. En se
mettant en son service, le duc satisfait à l’exigence du Christ qui incite les juges à
aimer justice, ce Christ, roi suprême, qui par sa mort est devenue source souveraine
de justice sur terre. Justicia mediatrix 108 établit une légitimité directe du prince-juge
102. Dans l’évangéliaire du Mont-Cassin des années 1022-1023, la loi (lex) est représentée par une figure
de prince, glabre, portant un livre ouvert dans sa main droite, tandis que le droit (jus) est une figure masculine,
barbue, le glaive ceint. Cf. Merzbacher 1971, col. 505, d’après l’évangéliaire du Mont-Cassin, 1022-1023 :
« Die Lex ist als bartlose Herrschergestalt mit einem aufgeschlagenen Buch in der Rechten, das Jus als bärtige,
mi dem Schwert umgürtete Männerfigur dargestellt. »
103. Cf. le Jardin des nobles (1461-1464), composé pour Yves du Fou, noble breton au service de Louis XI,
par Pierre de Gros, OFM : « Quant justice regnoit en France du temps de Charlemagne », cité par Contamine
1997, p. 250.
104. Par le Maître de Dreux-Budé (= André d’Ypres). Cf. Lorentz 1998 ; König 1995, p. 607-608 ; Avril,
Reynaud 1993, p. 58-59, 265 ; Mérindol, « Le retable », 1992, p. 24-25 (planche noir et blanc). L’interprétation
de ce dernier tendant à accorder une supériorité au roi (Charles VII) glabre (à destre de la croix) sur l’empereur
barbu (à senestre) me semble cependant sujette à caution.
105. Il se réfère lui-même à cette figure mythique dans un discours de l’année 1470, Plancher, t. 4, pr.,
p. clxxxvj (a), « e très-puissant & veritable Roy Charles-le-Grand ». Cf. supra, n. 30 (Molinet).
106. Morissey 1997, en part. p. 140-143 ; cf. Karl der Große als vielberufener Vorfahr 1994 ; Braunfels
1974. Pour Charlemagne dans la série fort répandue des Neuf Preux, voir Paravicini, « Karolus Noster » 2010.
107. Brückle 2010, s’appuyant notamment sur l’entrée joyeuse de Gand en 1458, cf. infra, n. 200.
108. Stroo 2002, p. 176.
338 WERNER PARAVICINI

qui, par son intermédiaire, relève de la plus haute autorité, sans le moyen d’une
autorité d’église 109.
Voici donc illustré le vieux thème de Pax et Justitia 110. Il est l’essence même de
la tradition chrétienne des vertus du prince et de ses effets. Dans le discours allégué
ci-dessus, le chancelier Hugonet se conforme à cette tradition et ses grands textes, en
louant Ferdinand de Naples : « De la resplendisseur de sa justice rendent temoignage
la paix et la concorde estans en son royaume qui[a] justicia et pax osculata sunt
[Psaume 84/85, 11 111], et comme dit Senecque, justicia est [vin]culum societatis
humanae 112. » C’est un lieu commun de la théorie politique royale française du
temps 113. Il est cependant à remarquer, que « la personnification de la Justice, avec
celle de la Paix, vertus royales par excellence, n’apparaîtront en France [...] qu’en
1461, à Paris, lors de l’entrée du roi Louis XI 114 ». L’État bourguignon suit donc de
près.
En somme, c’est tout un programme de gouvernement. Et c’est un programme
très personnel.

2. Charles le Téméraire, la Justice, et la théorie politique

a. Charles le Téméraire justicier


Car Charles le Téméraire s’est compris de tout temps et en premier lieu comme
justicier 115. Prenons-en pour preuve la charte de l’institution du Parlement de
Malines du (8) décembre 1473, qui, par l’évocation de la qualité de la relation directe
avec Dieu, se lit comme un commentaire de notre parchemin :
« Comme par la bonté et providence divine, par laquelle toutes choses terriennes
sont regies et gouvernees, soient instituez et ordonnez les princes au regime des
principaultez et seignouries, a ce singulierement que par eulx ou lieu de Dieu, nostre
createur, les regions, provinces et peuples soient conioinctz et conduiz en union,
concorde et louable police, laquelle union et civile concorde ne peut estre entretenue que
par justice, qui est l’ame et l’esprit de la chose publicque, et pour ce nous [...] ayans des
nostre enfance prins, choisie et esleu pour nostre principal escu et moyen de ce faire vray
et entier zele et observacion de justice, sans laquelle les regions et provinces seroient

109. Ce rapport direct est souligné par Stroo 2002, p. 176-177.


110. Voir Hattenhauer 1983.
111. Cf. Schreiner 1996.
112. Bartier 1955 p. 444. Cf. pour la tradition Hattenhauer 1983.
113. Krynen 1981, p. 156-183 (paix), 184-197 (justice).
114. Mérindol, « Le retable », 1992, p. 30, d’après Mérindol, « Théâtre et politique », 1992 ; cf. Mérindol,
« La paix », 1996.
115. Paravicini, Karl, 1976, p. 2-29 ; Stroo 2002, p. 171-180.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 339

plus vrayement denommez assembles de mauvais hommes que royaulmes ou princi-


paultez [...] 116. »

On rencontre le même ton dans la lettre de nomination du personnel du


Parlement, toujours du 8 décembre 1473 :
« [...] desirans [...] exaulxer et entretenir bonne justice en noz pays et seignouries, a
laquelle des nostre enfance et jusques a present nous avons tousiours eu zele et desir
singulier [...] 117. »

Ce trait de caractère est confirmé entre autres par le chroniqueur arrageois


Jacques du Clercq qui, en décrivant la première lieutenance générale de Charles de
Bourgogne en 1454, note : « Il volloit sur toutes choses que justice fut faite 118. » Le
chroniqueur Jean de Wavrin note pour l’année 1469 :
« En ce tempz le duc de Bourguoigne faisoit faire si raidde justice par tous ses pays
que nul, tant feust grant, n’estoit espargnié, et ne valloit quelque pryere humaine a
respiter de mort homme, tant feust noble ou bien enlinagié, s’il l’avoit desservy ; et si
avoit le duc une paction au roy que par l’espace de trois ans le roy ne donroit remissison
es pays du dit duc, se luy mesmes ne le requeroit au roy par ses lettres 119. »

Le chancelier Hugonet dira aux États généraux de Flandre, le 1er décembre


1473 120 : « Justice est ouverte jusques a sa tres noble personne, clere, nette et
indifferente a tous, pour parvenir a vous asseurer et affermer en paix 121. » « Ordre et
règle 122 » sont en effet le but et le moyen de sa politique. Il est moins question de
clémence, miséricorde, tempérance, bien que le chancelier les accorde largement à
son prince dans son discours de 1471.
Pour vérifier que cette image correspond très exactement à la pensée du prince,
il y a encore une meilleure preuve : ses propres paroles. Au chapitre de son ordre de
la Toison d’or tenu à Valenciennes le 8 mai 1473, la confrérie fait des reproches au
souverain. Selon l’usage, il quitte la salle, et en son absence les chevaliers formulent
les blâmes qui lui seront adressés, comme à tout autre chevalier de l’Ordre. Le livre
des procès-verbaux les a conservés, dont celui-ci :
« Qu’il lui pleust d’estre benigne et attempré, et tenir ses pays en bonne justice [...].
Ce cinquième point est encore explicité : Au quint ou cinquiesme point touchant la jus-
tice : combien que mondit seigneur souverainement face a recommander du zel de

116. Rompaey 1973, p. 493-494. Cf. la harangue de Hugonet de 1470, Plancher, t. 4, Preuves, p. cclxxvij
(a) qui se réfère à Prudence et à saint Augustin.
117. Rompaey 1973, p. 504-505.
118. Jacques du Clercq, t. 2, p. 204.
119. Wavrin, t. 5, p. 574-575. Le pacte avec Louis XI reste à vérifier.
120. Actes des États généraux, 1948, p. 181.
121. Il est évident que le chancelier pense à l’Audience publique du prince ; voir infra.
122. Paravicini 1999-2002.
340 WERNER PARAVICINI

justice, toutevoye parfois il y a erreur, par ce que les menus offices se baillent a ferme, et
les fermiers d’iceulx travaillent fort le peuple, et soubz umbre de justice font souvent des
exactions sur les innocens qui ont a perdre, mais les mauvais sont supportez. Réadmis
à la salle et informé, le duc s’expliqua : Sur le point de la justice, a respondu et dit
mondit seigneur le souverain que tousjours il a desiré et encores desire souverainement
que a chascun soit rendu le sien, et que chascun soit remuneré selon qu’il le dessert.
A son advenement a la seignourie il trouva ses pays fort desvoyez de justice ;
sans severité, peine et travail n’a elle peu estre ramenee a l’estat ou elle est. De son sceu
il ne fait ne seuffre faire execucion de justice que selon Dieu il ne tienne et repute estre
juste pour maintenir et nourir ses serviteurs et subgiez en la crainte et obeissance de
Dieu tout puissant.Quant aux offices qui se baillent a ferme, mondit seigneur trouva a
sondit advenement que les officiers ne comptoient comme riens ou trespeu et mesme-
ment de leurs explois de justice et peu assez du demaine, car tout estoit hors ordre et en
deschoite [...] 123. »

Ces phrases sont comme une glose expliquant le phylactère ci-dessus, cité sur le
retour de la justice avec son règne.
Il est d’ailleurs notable que même, et surtout, en Allemagne ce prince, qualifié
au cours des guerres de Bourgogne de nouveau « Turc en Occident 124 », ait établi
une tradition et une renommée positive sur sa qualité de justicier 125. Un an après
son accession au trône, en juin 1468, il avait fait exécuter le bâtard de La Hamaide,
meurtrier, malgré les implorations de la parentèle noble de ce dernier 126. Le 16 mars
1469, la ville d’Arras faisait dejà référence à cette nouvelle renommée, en représen-
tant entre autres deux scènes à l’occasion de son entrée solennelle : « L’un[e] était le
jugement sévère de Manlius Torquatus, qui fit trancher la tête à son fils, pour avoir
combattu, quoiqu’avec succès, malgré sa défense. L’autre était la condamnation,
portée par un roi d’Aragon contre un sénéchal, qui avait fait violence à une femme
d’un gentilhomme qu’il tenoit prisonnier 127. »
b. Une nouvelle théorie politique
Cet amour de la justice n’est pas seulement un penchant personnel. Arjo
Vanderjagt a reconnu, le premier, que l’avènement de Charles le Téméraire signifie
une prise de pouvoir par une nouvelle génération, qui avait appris son droit et ses
lettres en Italie et qui a développé une nouvelle théorie politique sans saints ni vertus
123. Die Protokollbücher, t. 3, 2009, p. 98, § 144, et p. 102-103, § 151. Ce texte avait déjà été publié, mais
en traduction anglaise seulement, par Vaughan 1973-2002, p. 172-178.
124. Sieber-Lehmann 1997 ; cf. Id. 1995, p. 251 et s.
125. Le barbier et poète nurembergeois Hans Folz (†1513) a consacré un long « Meisterlied » à sa justice
exemplaire (éd. Mayer 1908, p. 261-269, no 71), et Martin Luther (Von weltlicher Oberkeit [1523], p. 71)
connaissait cette histoire, analysée par Walsh 1987 ; cf. le catalogue Charles le Teméraire, 1977, p. 32 [Claudine
Lemaire]). La Divisiekroniek hollandaise, imprimée en 1517, est l’une de rares chroniques regrettant la mort de
ce prince, à cause de sa bonne justice (infra, n. 164).
126. Chastellain t. 5, p. 397-405.
127. Harduin 1763, p. 65. Cf. Walsh 1987 (note précédente).
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 341

théologales, alors qu’au retable du Parlement de Paris figurent encore saint Louis,
saint Jean, saint Denis et (saint) Charlemagne. Notre composition est une manifes-
tation de ces idées de politique pratique et d’humanisme de gouvernement 128.

IV. Datation

Il est alors d’autant plus important de savoir quand notre objet a été créé, et
pour quel usage. Inscriptions et armoiries ne livrant pas de date précise, la tâche est
difficile de lui attribuer une année de naissance. Le pommeau du glaive, si souvent
indicateur du propriétaire, est vide. Autant que je sache, la pièce n’est pas mention-
née dans les comptes généraux bourguignons 129.

1. Provenance
Y a-t-il au moins des indications de provenance ? Le catalogue du fonds
Cavalier, publié en 1896, n’en dit rien. Aucun renseignement, ni dans la notice
consacrée à la vie du docteur Calixte Cavalier, mort en 1888, aliéniste et professeur
à l’université de Montpellier, grand bibliophile, antiquaire, amateur d’art, qui légua
par testament ses collections à la bibliothèque municipale de sa ville natale 130 ; ni
dans la notice du document publié peu après sa mort 131. Il m’a été impossible de
pousser plus loin mes recherches : des papiers laissés par le docteur Cavalier 132, rien
n’est connu à la bibliothèque municipale 133, aux Archives communales 134, aux
Archives départementales à Montpellier 135. S’ils subsistent, ils doivent être en
mains privées 136. Or Perrault-Dabot écrit en 1894 de notre pièce que Cavalier
« l’avait achetée en Suisse 137 ». Malheureusement il n’en dit pas plus, ni sur la date
128. Voir les travaux d’Arjo Vanderjagt (Groningue), en dernier lieu, énumérant les précédents, Vander-
jagt 2007. Voir aussi Blockmans 1996.
129. Jacques Paviot, qui les a relus récemment, m’a fait savoir ne pas l’avoir rencontrée au cours de ses
dépouillements. Rien dans les Comptes de l’Argentier, 2001-2009, conservés au complet pour les années 1468,
1469, 1470, puis seulement pour quelques mois.
130. Cf. pour sa biographie et ses collections Euzière 1959 et G. Bouchard 1990, p. 429 (qui ne disent mot
des provenances).
131. Bibliothèque de la ville de Montpellier, 1896, p. i-iii (G. d’Albenas), et p. 53-56.
132. Albenas (supra, n. 131), p. iii n. 1, dit : « Cavalier, dans un but de classement de ses collections, avait
réuni quelques notes [...] ; ces notes ont été, pour l’accomplissement de notre tâche, un aide précieux. »
133. Renseignements aimablements fournis par M. Gilles Gudin de Vallerin, conservateur en chef, et
Mlle Gladys Bouchard, conservateur, qui ont d’ailleurs rendu possible un examen détaillé du document et sa
saisie photographique et qui m’ont indiqué la bibliographie du donateur.
134. Lettre de M. Dominique Salles-Calvayrac, chef de service, en date du 24 avril 1995.
135. Lettre de M. Jean Le Pottier, directeur, en date du 3 août 1995.
136. La femme et les enfants du docteur Cavalier sont morts avant lui, mais il y a eu d’autres héritiers,
mentionnés par Albenas (supra, n. 131), p. ii n. 1.
137. Perrault-Dabot 1894, p. 442.
342 WERNER PARAVICINI

de l’achat, ni sur la source de ce renseignement. Sur cette base chancelante, se pose


la question de savoir, si le document ne pourrait pas provenir des butins de Grandson
ou de Morat. Le catalogue de ce butin ignore cependant notre document 138.

2. Le style et la manière
Seul un historien de l’art pourra juger de la datation du style de l’artiste. Il serait
« un peu archaïque » pour l’époque, selon le grand connaisseur qu’est François
Avril 139. Et la manière de représenter des vertus sans attributs plaide également
plutôt pour les années 1460 que pour les années 1470 140. Wolfgang Brückle cepen-
dant localise l’ouvrage à Bruges ou Bruxelles, et y décèle une parenté stylistique avec
le Maître de la légende de Sainte-Barbe ou avec le Maître de la Vue de Sainte-Gu-
dule, actifs à Bruxelles entre 1470 et 1490-1500 environ ; il opte donc pour une
datation plus tardive 141. La question reste ouverte.

3. Critères à partir du contenu


Un critère sûr et simple nous est cependant fourni par la coïncidence des
armoiries et de l’évocation du « duc Charles ». Charles a été duc de Bourgogne du
15 juin 1467 à sa mort devant Nancy le 5 janvier 1477. Une œuvre postume semble
exclue, par le contenu, mais aussi par le style artistique, plutôt antérieur que
postérieur au règne du Téméraire. Un certain nombre d’éléments, qui d’ordinaire
aident à la datation, restent muets : la couleur des franges du dais, la Toison d’or
manquante, les armoiries. La Justice parle de nuper quand elle parle de son rappel
sur terre par le duc. En principe, il faut donc chercher une date tendant plutôt vers le
début que vers la fin du règne. Peut-être aurons-nous meilleure chance en nous
demandant quelle fonction cette composition peut avoir eue du vivant du duc
Charles.

V. Fonction

1. Un grand nombre de possibilités


Une seule provenance est exclue : il ne peut pas s’agir d’une page d’une
ordonnance militaire 142, comme a voulu le croire (passagèrement) Jeffrey Chipps
138. Deuchler 1963 ; Catalogue Die Burgunderbeute, 1969.
139. Communication orale du 17 mars 1995.
140. Supra, n. 50.
141. Brückle 2010.
142. Franck Viltart (Paris, Lille) prépare l’édition de ces textes. En attendant, voir une liste dans
Paravicini, « Ordre et règle », 1999-2002, p. 330-331, 688-689 ; et cf. Vaughan 1973-2002, p. 204-205.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 343

Smith 143, ni d’un autre manuscrit en forme de codex ; l’iconographie est différente,
le format en est trop grand. Les plus grands codices bourguignons mesurent bien
jusqu’à 310, voire 345 mm de largeur, mais seulement 440 mm et exceptionnelle-
ment 475 mm de longueur 144. Or la longueur de notre document se situe entre 646
et 648 mm 145 (sur une largeur de 345 ou 346 mm).
Alors de quoi s’agit-il ? Qui devait le voir, qui l’a vu ? Est-ce un chef d’œuvre
d’un peintre ou d’un miniaturiste ? Une œuvre offerte au prince, au début du règne,
réprésentant le point de vue des villes ou des États qui soulignent le Consilium qui lui
(et leur) est tant nécessaire ? Une légitimation ambulante du prévôt des maréchaux
que Charles a instauré en 1468, comme nous le verrons 146 ? Un tableau d’une cour
de justice provinciale ? Une pièce de propagande politique ? Ce dernier point de vue
m’a été suggéré par M. François Avril, l’un des rares érudits qui, de leurs yeux, ont
vu ce document important. Mais, à bien y réfléchir, aucune de ces propositions
n’emporte la conviction, notamment pas celle d’une pièce de propagande politique
sous forme de placard ou d’affiche. C’est de toute évidence une pièce unique, ni
impression, ni dessin rapidement reproduit, de trop belle qualité pour être une
affiche dont il y aurait eu en tout cas plusieurs exemplaires. Un texte compréhensible
au commun ne sachant pas le latin manque d’ailleurs, et il est difficile de s’imaginer
beaucoup de textes à la suite, vu le format. Harm von Seggern, spécialiste de la
communication à l’époque du Téméraire, n’a rien vu de pareil 147.

2. Critères matériels
Un examen attentif de la pièce relève-t-il des indices de son utilisation ? Cet
examen, nous l’avons mené. En voici le résultat.
L’état général de conservation de la pièce est bon. Cependant, comme partout
en pareil cas, l’argent métallique appliqué s’est noirci ; ainsi l’armure, les armoiries
par endroits, le glaive de la Justice paraissent complètement noirs. Une déchirure va
d’en haut jusque dans la poitrine du Christ. Une restauration maladroite y a
appliqué quelques touches de bleu. En bas, sous le pied droit du prince, on remarque
une autre déchirure. Nous avons déjà vu qu’il y a eu perte de texte et restauration
L’exemplaire de la British Library (30,5 × 21,5 cm, Add. Ms. 36619) et celui de Vienne (31 × 23 cm, HHStA,
Hs. Böhm, Suppl. 1332, Sign. weiß 1096) figurèrent à l’exposition de Berne 2008 (catalogue Karl der Kühne,
2008, pl. 42 ; p. 220-221, nos 47 [Scot McKendrick] et 48 [Susan Marti] ; cf. p. 222, no 49 (copie du xvie siècle,
Berne, Burgerbibliothek, Cod. A 219 [Scot McKendrick]).
143. Supra, n. 3 et texte suivant.
144. Cf. le catalogue Charles le Téméraire, 1977, no 5, 310 × 440 mm (Jacques de Guise, Chroniques de
Hainaut, trad. J. Wauquelin) ; no 11a, 345 × 465 mm (G. Fillastre, Histoire de la Toison d’or) ; no 15 : 345 ×
475 mm (J. Mansel, La Fleur des Histoires).
145. Perrault-Dabot 1894 : 645 mm ; Catalogue de 1896 : 640 mm.
146. Infra, n. 163.
147. Lettre du 29 avril 1995. Cf. Seggern 2003.
344 WERNER PARAVICINI

grossière sur le devant de l’estrade. Celle-ci est évidemment coupée, notamment à


gauche ; il semble d’ailleurs qu’il y ait éventuellement trace de (deux) marches (?) à
droite (héraldiquement : à gauche) de l’estrade. Une petite partie de l’angle gauche
est arrachée, et une déchirure droite monte quelques centimètres vers le haut,
comme s’il s’agissait d’une craquelure. Nous avons déjà déploré de ne pas avoir pu
examiner les bords du document, cachés sous un passe-partout inamovible.
En général, les couleurs font l’impression d’être un peu passées ; notamment la
couleur bleue du dais est très inégale, la tunique rose de la Sagacité est assez pâle, les
vêtements de la Chasteté n’ont plus leur fraîcheur initiale, et le prince semble n’avoir
pas toujours eu cette carnation gris pâle, la bouche rose pâle et les cheveux gris.
Preuves d’une exposition prolongée à la lumière ?
Des traces d’usage, il y en a peu. Le parchemin est modérément noirci en marge
à gauche à la hauteur de la Sagacité, il l’est au dessus du baldaquin, à l’angle droit
supérieur. Mais cela ne tire pas nécessairement à conséquence, car il peut s’agir
simplement des couleurs naturelles du parchemin.
Plus important est le fait qu’il y a trace d’un triple pliage horizontal, et aucune
trace d’un pliage vertical :
1°) Immédiatement au dessous de iusticiam ¢ légèrement au-dessus des
genoux du Christ ¢ immédiatement au dessous de tu terram. Distance de la
marge supérieure, à gauche 151 mm, à droite 155 mm. Distance entre 1°) et 2°) :
167 mm.
2°) À travers la couronne de lierre de la Vérité ¢ au dessus du pommeau du
glaive de la Justice ¢ entre sa main et la fleur de lis ¢ entre e et o dans placeo. Distance
de la marge supérieure : partout 319 mm.
3°) Entre tempore et ago ¢ à travers la bouche du prince en dessous de
l’inscription sobrietas ¢ entre longuevos et nutrio. Distance de la marge supérieure : à
gauche 500 mm, à droite 485 mm. Distance de la marge inférieure (au milieu) :
155 mm.
Le document a donc été plié, mais seulement dans le sens horizontal, pour
former une pièce de 35 sur 16 cm environ. Mais nous ne savons pas à quelle époque
cela a été fait et pour quelle raison.
Voyons maintenant l’existence de traces éventuelles d’un usage en tant que
placard :
¢ Deux trous, à gauche et à droite de la marge supérieure des banderoles Diligite et
qui iudica, proviennent de toute évidence (forme du trou, cercle de 9 mm autour,
traces de rouille) de punaises modernes. Il n’y en a pas dans la partie inférieure du
document. Il a donc, un temps, été attaché par des punaises sur un support (de
bois ?), évidemment à une époque assez récente.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 345

¢ À la hauteur de la tête du Christ, des traces de rouille en ordre dispersé, se répètent


symétriquement deux fois à gauche et deux fois à droite. Il n’y en a pas dans la
partie inférieure du document. L’interprétation n’est pas évidente.
¢ Plusieurs petits trous percent le parchemin, dont quatre à peu près symétriques à
gauche et à droite du Crucifié, mais cet ordre peut être la conséquence du hasard.
On ne peut donc parler de résultat très clair ; néanmoins, il plaide plutôt contre
l’emploi ancien en tant que placard.
La question essentielle est cependant de savoir si nous sommes en présence
d’un document complet ou incomplet. De nouveau, nous nous heurtons à l’impos-
sible examen des bords. Or, Perrault-Dabot en 1894 semble avoir vu le document pas
encore encadré, c’est-à-dire qu’il a pu voir les côtés du parchemin, invisibles pour
nous. Il écrit que cette peau est « coupée carrément dans le haut et sur les côtés, paraît
avoir été déchirée ou, plutôt, coupée à la hâte, dans le bas. Il est donc probable que
cette bande de parchemin était encore plus longue et formait l’en-tête d’un rouleau,
dont le reste aurait été couvert d’écriture 148. » Je veux bien croire qu’on l’ait coupée,
même à la hâte. Mais de là à conclure à l’existence d’un début de rouleau paraît
hasardeux. Un début de rouleau, on ne le couperait pas en haut, et rarement aux
bords. De plus, à l’époque du Téméraire, les rouleaux étaient assez rares. Le bon état
de conservation de la peinture appliquée au document ne parle pas non plus en
faveur de cette version. Et du début de quel texte pourrait-il s’agir ? Ordonnances de
l’hôtel, ordonnances militaires, ordonnances de justice, tout s’écrivait alors en cahier
et en codex, pas en rouleau. En plus, le dos, autant que j’ai pu voir, ne porte aucune
note. Cependant, il y eut toujours, à cette époque, des généalogies sur rouleau 149,
des chroniques sur rouleau 150, des traités sur rouleau 151. L’exposition de tels
148. Perrault-Dabot 1894, p. 440.
149. Le grand fragment (1240 × 615 mm, le début semble cependant être complet) d’une généalogie
parallèle des maisons d’Angleterre, de France et (perdu) de Wittelsbach (Hollande-Zéeland-Hainaut), de
Bourgogne, de provenance bourguignonne et contemporaine de notre document (dominus Karolus modernus
Burgundie et Brabantie dux : Charles le Téméraire après son avènement du 15 juin 1467, avant la tenue du
chapitre de la Toison d’or de mai et de son mariage le 3 juillet 1468 à Bruges), également commenté en latin,
mis en vente en novembre 1996 à Paris et à Chicago par la maison Les Enluminures/Illuminations (cat. no 4,
p. 101-104, no 27) a été vendu aux États-Unis et porte désormais la cote Newberry Librar/The Rare and
Special Collections Library of the University of Illinos at Urbana-Champaign, Ms. 166 (anc. Phillipps ms.
24978). Il a été étudié par Bauer-Smith 2004. Sa largeur ne concorde cependant pas avec celle de notre pièce (de
350 0 360 mm), encore moins si l’on ajoute la partie droite manquante. Une généalogie postérieure d’une
génération ¢ elle se termine avec Philippe le Beau († 1506) et mentionne son fils Charles (-Quint, né en 1500)
¢ également sur rouleau, a été analysée par Melville, « Vorfahren » 1987. Cf pour ce genre de documents :
Melville, « Geschichte in graphischer Gestalt » 1987 ; Studt 1995.
150. Hurel 1994 et 1996 ; Fossier 1980-1981.
151. Par exemple, la ratification par le roi Louis XI du traité de paix d’Arras conclu avec Maximilien
d’Autriche et Marie de Bourgogne du 23 décembre 1482, Plessis-lès-Tours, de janvier 1483 (rouleau de
6 feuilles, 61 × 300 cm), mentionné par le catalogue Grands Traités de la France, 1995, p. 15, no 4.
346 WERNER PARAVICINI

documents dans des châteaux princiers a été démontrée pour la maison de


Bavière 152. L’hypothèse d’un fragment de rouleau ne peut être complètement
écartée.

3. L’inauguration du Parlement de Malines en 1473/1474


Mais, une autre approche est possible : pour quelle occasion une telle image,
centrée sur la Justice, pourrait-elle avoir été créée ? L’on pense immédiatement à
l’inauguration du Parlement de Malines, à la session d’ouverture duquel le duc
n’assistait pourtant pas, le 4 janvier 1474, ou bien à la session solennelle du 11 ou
12 juillet 1474, où il était présent 153.
Or un tel tableau semble exister. Il a été démontré par Jean-Bernard de Vaivre
que l’état du personnel nommé dans les différentes versions du tableau représentant
une session du Parlement de Malines, présidé par le duc Charles en personne, doit
avoir comme base une liste dressée entre le 15 octobre 1474 et le 14 décembre 1475.
Rien ne prouve cependant que le tableau ait été contemporain du duc Charles. Il
s’agit fort probablement d’une œuvre commémorative, dont la plus ancienne version
connue est celle commandée par la ville de Malines en 1514. Ce tableau est selon
toute vraisemblance identique à celui conservé (en mauvais état) au musée Busley-
den de Malines. Il y en a une version « française », notamment à Versailles et à
Chartres, légèrement différente. Mais il n’est pas non plus prouvé qu’elle soit plus
ancienne 154. Il n’existe donc pas de représentation contemporaine connue ou recon-
nue du Parlement de Malines. Il est plus vraisemblable que ce tableau ait fait partie
d’une série commencée en 1514 pour manifester la continuité du Conseil de Malines
dès la fondation du Parlement en 1473-1474.
Quant à notre figure, il est fort peu probable qu’elle s’y rapporte. Le vêtement
n’est pas exactement celui des conseillers au Parlement 155. Sur l’estrade est écrit
Consilium, « Conseil », et non « Parlement » ; le Grand Conseil en tant qu’instance
judiciaire existait déjà à l’époque envisagée, de même, et de tout temps, le Conseil
aulique 156. Le Parlement de Malines, lui, est postérieur.
Il reste pourtant que, sans aucun doute, la salle des séances du Parlement de
Malines a été ornée d’une représentation de la Justice, d’une « Gerechtigkeitstafel »
comme ce fut le cas partout ailleurs, à commencer par le grand concurrent, le
Parlement de Paris 157. La chambre du Conseil ducal à Maastricht, instauré en 1473,
152. Moeglin 1985, p. 167-171, 195-201 et passim (généalogies).
153. Cf. Paravicini, Guy de Brimeu, 1975, p. 396-397 avec la n. 612, et p. 719-720.
154. Voir De Vaivre 1994, passim, en part. p. 189-190.
155. Supra, n. 74-75.
156. Rompaey 1973, p. 3-53 ; Id. 1981.
157. Supra, n. 104 ; cf. infra, n. 190-191 pour le Parlement de Bourgogne. Cf., pour les maisons
échevinales des anciens Pays-Bas, Ridder 1989.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 347

n’échappe pas à la règle. Là, un tableau fut commandé et payé en avril 1475 « à un
peintre nommé maître Jan van Bruessel, demeurant en la devant dite ville de
Maastricht, pour un tableau peint (eene ghemaelde taffel) fait par lui pour être
suspendu dans la salle où l’on tient les plaids du Conseil devant dit, dans lequel
tableau est peint (geschildert) la memoire (remembrancie) de notre cher seigneur Jhesu
Christ et de son jugement dernier [...] 30 £. 158 ».
Telle n’est pas notre image. Il ne semble pas qu’elle ait été conçue pour un tel
ornement du Parlement de Malines.

3. Les débuts de l’Audience publique en 1468


Quelle autre occasion nous reste-t-il ? Rappelons-nous le mot nuper dans
l’inscription faisant parler la Justice : récemment le duc l’aurait fait revenir. Il faut
donc se tourner vers le début du règne. Charles monte sur le trône ducal le 15 juin
1467. Il passe l’hiver 1467-1468 à Bruxelles, « travaillant 159 » à la réforme de l’État,
aux finances d’abord, puis à la réforme de sa maison, grand gouffre de dépenses. Une
ordonnance de l’hôtel est publiée le 2 mars 1468. Elle est malheureusement perdue ;
nous ne savons donc pas ce qu’elle contenait 160, sauf ce que nous en dit l’historio-
graphe officiel Georges Chastellain. Or celui-ci, après avoir décrit le nouvel ordre de
la maison, continue ainsi 161 :
« Encore en Brusselles [c’est-à-dire avant le départ de cette ville le 26 mars 1468] 162,
ce duc Charles se détermina à mettre sus et à maintenir roide justice, tant en plainte et
en procès de causes comme en punition des mauvais, dont les pays estoient pleins. Et
pour ce faire, commit un prévost des marissaux, un périlleux varlet, aussy de petite
estoffe, mais tout propre pour faire ruyneux exploits 163. Et pour le fait des parties qui
avoient leurs causes pendans devant juges, çà et là, sans en traire fin, et pour recevoir
toutes plaintes de povres gens en divers cas, il mit sus une audience, laquelle il tint trois

158. Gorissen 1959, p. 232, § 299.


159. L’expression « Charles le travaillant » est d’Olivier de la Marche, t. 1, p. 106. Cf. le discours du
chancelier Hugonet devant les États généraux de Flandre, le 1er décembre 1473 (Actes des anciens États
généraux, 1948, p. 181) : « Entre vous extirper discordes, délivrer les oppressez des puissans, rebouter les
violences, conserver justice, corrigier les mavais et vous tenir en paix et tranquillité, ausquelles choses delaissier
autres plaisances esquelles son jeune eage, l’afluence des biens, l’inclination des regions et imitacions d’autres
les pouroient bien exciter, il s’est en grant soing et continuacion de labeurs occupé. »
160. Arnould 1981, p. 34-35 ; p. 43 = p.j. no 4 ; cf. Id. 1984. La date de la publication est mentionnée par
Vander Linden, Itinéraires, 1936, p. 7, d’après Godefroy, confirmée par Nelis 1915, 2e partie, nos 1499-1521,
série de lettres de commission, toutes datées du 2 mars. Cf. Chastellain, t. 5, p. 361, 364-367, 371 ; Hofordnun-
gen Herzog Karls des Kühnen, Hiltmann, Paravicini, Viltart éd., à paraître ; cf. déjà Paravicini 1999-2002.
161. Chastellain, t. 5, p. 370-371.
162. Vander Linden 1936, p. 7 ; Wielant (infra) dit 1468, or l’année 1468 selon le style de Pâques en
vigueur commença le 17 avril. Cf., pour une discussion de la date d’inauguration, Rompaey 1973, p. 90.
163. Cf. Chastellain, t. 4, p. 421 ; Olivier de la Marche, Estat, p. 7-8 ; Schnerb, L’Honneur de la
maréchaussée, 2000, p. 155-167 (Maillart du Bac).
348 WERNER PARAVICINI

fois la semaine, le lundi, le mercredi et le vendredi, après disner, là où tous les nobles de
sa maison estoient assis devant luy en bancs, chascun selon son ordre, sans y oser faillir,
et luy en son haut-dos couvert de drap d’or, là où il recevoit toutes requestes, lesquelles
il fit lire devant luy, et puis il en ordonna dessus à son plaisir. »
Le juriste Philippe Wielant (vers 1440-1520) donne une description tout-à-fait
concordante. En plus, on entend quasiment prononcer les mots à vive voix :
« Et longuement auparavant, est assçavoir : de l’an XLVIII [il faut lire LXVIII], il
avoit mis sus son audience, laquelle il tenoit en sa personne au partir de son disner
publicquement en sale à huys ouvertz trois fois la sepmaine, est assçavoir : le lundy, le
mercredy et le vendredy, où avoit deux maistres des requestes qui apportoient les
sommaires mises sur les requestes 164, maistre Jean le Gros, audiencier 165, et maistre
Guillaume Haultain, secrétaire de l’audience 166 ; et se despeschoient icelles requestes
fort sommièrement par fiat, nihil, ad partes, au conseil, aux finances, information et
advis, qui estoient les six ou sept appoinctemens de l’audience, comme l’on disoit ;
touttesfois icelle audience baillia grande crainte aux nobles et aux officiers de non
oultragier le peuple 167. »
Déja le 23/24 juin 1468 une requête hollandaise a été traitée en l’Audience 168.
Notre parchemin, serait-ce là le début solennel du premier registre de cette institu-
tion ? C’est Marc Boone qui m’a suggéré cette possibilité 169. Pourtant, nous possé-
dons bon nombre de ces registres. Ils sont écrits sur du papier et n’ont rien
d’artistique 170.
Les ordonnances de l’hôtel publiées le 1er janvier 1469, donc neuf mois après
celles du mois de mars 1468, confirment pleinement les textes de Chastellain et de
Wielant. Voici un extrait de ce qu’en dit l’ordonnance générale :
« Pour ce que plusieurs requestes ont esté et sont journelement faitez et presentees
a mondit seigneur, en allant a la messe ou aux vespres et a son retour, lesquelles, pour le

164. Il y a trace de l’expédition de telles requêtes ; Rompaey 1973, p. 89 n. 42, lettre ducale datée de
Bruges, le 10 avril 1473, adressée à la Chambre des comptes de Bruxelles : « Nous vous envoions cy dedens
enclose une requeste a nous presentee en nostre audience de la part de nostre bien amé soubzescoutete de Bois
le Duc Jehan van Arcke » (manque dans Der Briefwechsel Karls des Kühnen 1995). 20 mars 1472 (n.st.), à
Bruges : « [Le duc] Charles mande au grand bailli de Hainaut Antoine Rolin de prendre des informations sur
la vérité des faits exposés dans une requête que lui avaient été présentée en audience de la part des neuf villes
du Sart de Chimay, sur les pertes et dommages subis dans les dernières guerres. » Stein, Dünnebeil 1998,
p. 316, no 1305. La Divisiekroniek de 1517 est pleine de louanges pour la tenue de l’Audience en Hollande
Zélande en 1469, après l’avoir tenue en Brabant et en Flandre, dont trois fois la semaine dans la grande salle à
la Haye, voir Paravicini, « Magnificences », 2001, p. 342, n. 141.
165. L’office existait déjà en la chancellerie de Bourgogne-Flandre depuis 1413 au moins ; Cockshaw
1982, p. 60 et s. Pour Gros, voir Cockshaw 2006, no 37.
166. Cockshaw 2006, no 41, sans mention d’un attachement particulier à l’Audience.
167. Ph. Wielant, Recueil des antiquités de Flandre, 1865, p. 135 ; cf. le catalogue Charles le Téméraire,
1977, p. 156-157, no 58.
168. Seggern 2003, p. 367-369, l’Audience n’est pourtant pas expressément mentionnée.
169. Le 23 novembre 1995 à Groningue.
170. Bautier, Sornay 2001, p. 6-11.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 349

peu d’espasse qu’il en a eu en ses pesans et grans affaires, il n’a peu par cydevant veoir,
expedier ne depeschier comme il eust bien voulu pour la bonne adresse des parties, il,
voulant ad ce pourvoier et soy acquiter de son povoir de la charge a luy par le souverain
juge commise [f. 28r] a ordonné et ordonne que doresenavant il tendra audience
publique troys jours la sepmaine apres son disgner : c’est asavoir le lundi, le mercredy et
le vendredy, depuys entre douze et une heure apres midy jusques a l’heure de vespres,
pour illec recepvoir toutes les requestes qui luy seront presentees durant l’espace de
demye heure, tant seulement, et employer le sourplus du temps de sa dicte audience
jusques aux vespres et les apointier ou faire apointier et envoyer a son chancellier celles
qui ce deveront expedier au conseil touchant la justice ; aux gens de ses finances celles
qui toucheront finances, pour expedier celles qui prestement expedier ce pourront et
retenir devers luy celles que bon luy semblera, adfin que par ce moyen les pa[r]ties
puissent sçavoir ce qu’elles auront a faire devers qui, et comment elles doiveront querir
et poursievir l’expedicion de leurs dictez requestes. Et [est] asçavoir que les requestes
qui seront apportees apres la dicte demye heure que mondit seigneur aura commencee
son audience, ne seront point recheues ne veues jusques a l’audience sievant.
Veult en oultre et ordonne mondit seigneur que lesditz chambellans soient et ce
tiennent es jours dessusditz en la salle ou il tiendra et donra son audience, sans icelle
durant partir de leurs lieux, se mondit seigneur ou sondit premier chambellan ou sondit
premier [f. 28v] maistre d’ostel ou autre maistre d’ostel en son absence ne les appelle,
asçavoir, ledit premier chambellan, les chambellans et ledit premier maistre d’ostel les
gentilz hommes. Et ordonne ausi mondit seigneur que ceulx qui fauldront d’estre a la
dicte audience soient royez pour deux jours et les chiefz des termes pour quatre, se
auchuns y deffaillent ; en commendant desmaintenant aulx ditz maistres d’ostel que
ainsi le facent sans quelque faveur ne dissimulation, ou cas toutesfoys que les absens
n’auroient leal ensomme [= excuse] de maladie ou autrement dont ilz soient deuement
certifiez 171. »

Les ordonnances particulières reprennent ce règlement pour les différents


offices. Voici un passage pris dans celle concernant les quatre chambellans servant
trois mois chacun :
« Item, pour ce que mondit seigneur tiendra audience publicque trois jours la
sepmaine, assavoir le lundi, le me[r]credi et le vendredy, depuis entre douse et une heure
aprés mydi jusques a l’eure de vespres pour recepvoir, appointtier ou faire appointier
touttes requestes qui lui seront presentees, icellui seigneur veult et ordonne que lesdis
quatre chiefs du terme des trois mois et aussi les aultres dudit terme ou ceulx qui
serviront en leurs absences soyent esdis jours a ladicte audience sans eulx en departir
tant qu’elle durera, ne de leurs lieux durant icelle, se mondit seigneur ou son premier
chambellan ne les appelle. Et est le plaisir de mondit seigneur que, s’aucuns desdis
chambellans de troys mois faillent d’estre et eulx tenir a ladicte audience, ledit chief du
terme lors servant ou cellui qui servira en son absence en avertisse sondit premier
chambellan pour faire royer les deffaillans, scelon la charge et ordonnance qu’il en a de

171. Oxford, Bodleian Library, Hatton Ms. 13, f. 27v-28v, §§ 202-203. Le texte complet dans Die
Hofordnungen Herzog Karls des Kühnen (sous presse).
350 WERNER PARAVICINI

mondit seigneur, s’ilz [f. 4r] n’ont leal essonne [= excuse] ou congié de mondit seigneur,
comme dit est 172. »
Évidemment, ces audiences n’étaient pas au goût de tout le monde, malgré le
fait que les poètes de cour en affublèrent aussitôt Cyrus et César pour plaire à leur
maître 173. Chastellain lui-même ne cache pas ses réserves :
« Là se tint deux, trois heures, selon la multitude des requestes, souvent toutesfois
à grand tannance [= ennui] des assis, mais souffrir en convenoit. »
Il porte même un jugement quelque peu irrité :
« En apparence extériore, ce sembloit estre une chose magnifique et de grand los,
comment qu’il en allast du fruit. Mais en mon temps, n’ay, ne oy, ne vu que chose telle
a esté faite de prince, ne de roy, ne autre, ne de telle apparence 174. »
Chastellain se trompe cependant en disant que la chose était du jamais vu à son
époque. Édouard IV d’Angleterre aimait, lui aussi, dispenser lui-même une justice
expéditive 175. Gian Galeazzo, duc de Milan, introduisit au début de son règne, donc
deux ans avant le Téméraire, une Audience quotidienne. Elle aussi, d’ailleurs, se fit
de plus en plus rare pour finalement disparaître tout à fait 176.
Or la diminution et la probable disparition parallèle de l’Audience de Charles le
Téméraire sont importantes pour nous. Rétablissons-en la chronologie. Olivier de la
Marche dans ses Mémoires, parlant de la prospérité du duc Charles entre la défaite
des Liégeois à la bataille de Brustem (28 octobre 1467) et la date de son mariage
(3 juillet 1468), dit : « Il donnoit audience deux fois la sepmaine à tous, povres et
riches 177. » « Deux fois », pour cette date, est visiblement une erreur, car l’ordon-
nance de l’hôtel, postérieure, dit trois. Mais dans son « Estat de la maison du duc
Charles de Bourgoingne, dit le Hardy », datant de 1474 178, Olivier de la Marche dit
expressément qu’elle n’est tenue que deux fois par semaine, le lundi et le vendredi.
Il en donne d’ailleurs une description très détaillée, y compris de l’ordonnance de la
172. Vienne, O ı NB, cod. 14270, f. 3v-4r, § 6. Même texte dans l’ordonnance pour le premier écuyer,
Vienne, ÖNB, cod. s.n. 2616, f. 6r-7r, § 5, sauf la fin : « Et est le plaisir d’icellui seigneur que, s’aucuns desdis
escuiers d’escuerie faillent d’estre a ladicte audience, ledit premi[e]r escuier d’escuerie chief d’office en certiffie
sondit premier maistre d’ostel, ou l’un desdis autres maistres d’ostel en son absence, pour faire prestement
royer les delinquans s’ilz n’ont leal essonne ou congie de lui, comme dit est. » Voir les textes complets dans Die
Hofordnungen Herzog Karls des Kühnen (sous presse).
173. Vasque de Lucène en 1470 et Jean du Chesne en 1472, voir Paravicini, « Magnificences » 2001,
p. 342, n. 140.
174. Chastellain, t. 5, p. 370.
175. Armstrong 1995, p. 12 et n. 3.
176. Lubkin 1994, p. 47 et n. 109-110 p. 293 ; cf. Paravicini, « Magnificences », 2001, p. 341-342, et Id.,
« Model for Europe », 1991, p. 80. Cf. Lettres de Charles VIII, t. 5, p. 158-159, no 1055 (22 déc. 1497) : « Ordre
de faire rechercher dans les registres de la Chambre des comptes la forme dont usoient les anciens rois, et
notamment saint Louis, pour donner audience au peuple, et d’en envoyer un extrait au roi. »
177. Olivier de la Marche, t. 1, p. 128.
178. Paravicini 2003.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 351

salle et de certains éléments décoratifs, drap d’or, tapisseries, et tapisseries aux armes
¢ sans en donner une description si précise que nous pourrions reconnaître l’objet de
notre attention. Voici ce texte 179 :
« En ensuivant le fait de la justice, le duc estant en ses pays tient audience publique
pour oyr et despechier toutes requestes qui lui sont apportées, et principalement des
povres et des petis, qui pourroient faire plainctes des riches et des grans, et ne porroient
approuchier ne avoir lieu devant lui ; et pour ce tient il audience publicque en sa
personne deux fois la sepmaine ; et nous arresterons aux ceremonies et pompes d’icelle
audience, afin que du tout soit adverty en temps et par ordre.
Ladicte audience se tient le lundi et le vendredi, et le duc au departir de son disner
va en la sale où l’audience est preparée, et est acompaigné de la noblesse de son hostel,
assavoir princes, chevaliers, escuyers et autres, et n’y oseroit homme nul faillir. Le duc
se siet en sa chayere, richement parée de paile [= drap d’apparat] et de drap d’or, et le
marchepié, qui est large et de trois pas de montée, est tout couvert de tapicerie
richement ; et à ses piez a ung petit bancq auquel sont appoiez deux maistres des
requestes et l’audiencier, qui lisent les requestes devant le duc, et aussi ung secretaire
pour enregistrer les appoinctemens ; et sont iceulx quatre à genoulx, et derrière ledit
secretaire a ung clerc qui enfile les requestes un ung cordon, selon que les luy baille ledit
secretaire. Et sont les bancqs ordonnez par ordre, à l’encontre du passet [= marchepied],
pour seoir les princes du sang, les ambassadeurs, les chevaliers de l’ordre [de la Toison
d’or] et les grans pencionnaires par ordre ; et scet chascun où il doibt aler. Et derrière la
chayere et le dos du duc sont empriz les escuiers du duc, c’est assavoir ceulx de la
chambre, qu’en France on dit enfans d’honneur, qui aucunefois servent à l’estat
d’eschanson, panetier et escuyer trenchant, quant le prince est en chambre à sa pri-
vauté ; et point d’escuyer d’escuyrie, pour ce que cestuy estat se sert publiquement. Et
en continuant la fourme de l’audience, la sale est close d’un grand parquet tout baillié, et
clos de bancs et de bailles [= balustrades], et tout couvert de tapiceries aux armes du duc ;
et sont au costé dextre les panetiers et les eschanssons, escuiers du duc, et au costé
senestre escuiers trenchans et escuier[s] d’escuyrie, et sont debout appuyez aux bailes.
Et devant icelles bailles sont bancs à l’entour du parquet, où seent les chevaliers
chambellans et estrangiers qui surviennent, et aussi les maistres d’hostel. Et au bout
d’iceluy parquet, devant le visaige du prince sont les escuiers hommes d’armes de la
garde, chascun ung baston au poing, ayans bailles comme dessus ; et n’y vont ce jour que
les quinze qui doibvent faire le guet devant luy à leur tour. A l’entrée d’iceluy parquet et
à la porte sont huissiers d’armes, et devant le piet du passet sont deux sergens d’armes
à piet, et chascun la masse au col, aux armes du prince. Et se conduit ceste ceremonye
par les maistres d’ostel ; et, l’assiette faicte, sont deux portes ouvertes aux deux bouts de
la sale, et entrent par l’une ceulx qui apportent les requestes et les presentent au duc, et
s’en revont par l’autre porte ; et sont mises icelles requestes sur le banc devant ceulx qui
les doibvent lire, et lisent tour à tour. Et le duc appoincte les requestes à son plaisir, et
selon que le cas le requiert, et toutes les despeches avant qu’il parte de la place. Et
pendant ce temps chascun se taist et tient ordre ; et, le tout achevé, s’en reva le duc en sa
chambre, et puis chascun en ses affaires. »
La diminution est donc indéniable. Elle est aussi attestée par l’ordonnance de
l’hôtel du 13 fevrier 1474 (n. st.), ainsi que par une ordonnance de la Garde qui
179. Olivier de la Marche, t. 4, p. 4-7.
352 WERNER PARAVICINI

semble dater de la même époque 180. Tous les deux ne parlent plus que d’un seul jour
de l’Audience publique, qui est le vendredi ; voici le texte de l’ordonnance de
l’hôtel 181 :
« Et par ce que mondict seigneur tiendra audience publique une foys la sepmaine,
assçavoir le vendredy aprés son disner pour recepvoir, appointer et faire appointer en sa
presence toutes requestes qui luy seront presentees, icelluy seigneur veult et ordonne
que lesdictz seigneurs du sang, pensionnaires, chambellans et gentilzhommes des
quatre estas et aussy les gentilzhommes de la garde ayans le plat pour le jour soyent
esdictz jours en ladicte audience, /[f. 71r] sans eulx departir tant qu’elle durera des lieux
qui leurs seront ordonnez durant icelle, sinon de l’expresse congié et ordonnance de
mondict seigneur, reservé les xvj gentilzhommes de la chambre qui ne peuvent aller
jouer ne esbatre que par le congié de mondict seigneur, lesquelx il exempte d’icelle
audience, se n’est qu’il leur ordonne y estre pour quelque grande cause. Et ordonne
mondict seigneur que deux des sergens d’armes seront continuellement au pied de la
marche comme ilz ont accoustumé d’estre, et deux huissiers d’armes ordinaires a
l’entree du parquet, et deux huissiers extraordinaires a l’entree de la salle. Et quant les
sergens d’armes crieront silence, lesdictz huissiers d’armes le commanderont sembla-
blement, et audict commandement lesdictz hussiers extraordinaires estans a l’entree de
la salle yront en leurs personnes ex lieux et place ou le bruict sera, faire faire ladicte
silence. »

Vers la fin de sa vie, après l’installation de la cour souveraine du Parlement de


Malines et pendant les guerres de Bourgogne, l’occasion et, peut-être, la nécessité
auront manqué au duc de continuer régulièrement cette Audience publique à
laquelle il avait attaché tant de prix. Olivier de la Marche dit justement qu’elle n’était
tenue que « le duc estant en ses pays ». Je n’ai pas de sources pour les années
postérieures à 1474, sauf le catalogue des douze Magnificences du duc Charles
recoelliez par messire George Chastelain, chevalier, son indiciaire, mort en 1475, tel que
le rapporte Jean Molinet, son successeur. Cette liste se termine par le camp devant
Neuss en présence de l’empereur Frédéric III en 1475 :
« La .IIIIe. magnificence est comprinse en l’audience qu’il mist sus en son nouvel
avenir et là où, par les diverses villes où il alla et repaira, il se presenta en publicque
spectacle de tout le monde pour oyr touttes causes 182. »

180. Ordonnance de la Garde (1474), éd. L. van Lerberghe, dans Audenaerdsche Mengelingen 2 (1846),
p. 82-93, ici p. 89, § 17 : « Et pour ce que mondit seigneur tiendra audience publicque une foiz la sepmaine,
assavoir le vendredi apres son disner, pour recevoir, appoincter et faire appoincter en sa presence [corr. :
personne] toutes requestes qui lui seront presentees, ycellui seigneur veult et ordonne que lesdiz de la garde,
ayans le plat, soient esdis jours en la dicte audience, sans eulx departir tant qu’elle durera des lieux qui leur
seront ordonnez, sy non de l’expres congié et ordonnance de mondit seigneur. » Le texte complet dans Die
Hofordnungen Herzog Karls des Kühnen (sous presse).
181. Paris, BNF, ms. fr. 3867, f. 70v-71 (copie xvie siècle), § 1305. Le texte complet dans Die Hofordnungen
Herzog Karls des Kühnen (sous presse).
182. Molinet, t. 1, p. 171 ; Paravicini 2001, p. 339-343, 395.
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 353

L’Audience publique donc 183, « a son nouvel avenir », était quelque chose de
grandiose et de très remarqué. En 1473 encore, il est question de la préséance des
chevaliers de la Toison d’or « en son audience et es autres actes publiques 184 ». Mais
la splendeur connut son apogée au début, la volonté la plus forte également.
Pourquoi notre pièce iconographique ne s’insèrerait-elle pas dans cette conjoncture
des années 1468-1469 ? Nous connaissons, grâce à la description d’Olivier de la
Marche, la disposition type de la salle de l’Audience (qui ressemble de fort près à la
salle du lit de justice du duc d’Alençon en 1458, dépeinte par Jean Fouquet) 185, et
nous connaissons même une partie de la décoration : drap d’or, tapisseries, tapisse-
ries aux armes du duc pour orner le trône, les sièges, les bailles.
Les comptes de l’Argentier du mois de juillet 1470 mentionnent certains
agencements :
« A maistre Guillaume Boudin, maistre charpentier a Saint Omer, la somme de
12 l. 5 s. [...] pour pluseurs parties de charpenterie par lui faittes et delivrees du
commandement de mondit seigneur quant nagaires il a esté a Saint Omer [...] Item huit
bancs pour l’audience. [..] Item pour ung passet [= marchepied, cf. infra] et une chayere
en la salle ou l’on tient l’audience 186. »

Plus parlantes sont les traces d’ameublement du palais Rihour à Lille, conte-
nues dans un inventaire en date du 8 janvier 1483 :
« Item en la Grant Sale : I hault dressoir fait a maniere de marchepié pour mettre
vaisselle, garny de bonnes aisselles longues que monseigneur le duc Charles fist pour
tenir son audience, et des marchepiés y servans. Item iij bancqz, les deux a dossier et
l’autre simple. En la viése cuisine, y a : Pluiseurs grans tables et treteaux pour servir en
la Grant Sale qui furent faictes du temps de monseigneur le duc Charles 187. »

Et les murs ? Mieux encore : l’intérieur du dais ducal, où les grandes armoiries
seraient bien visibles ? « La charge a luy par le souverain juge commise », n’est-elle
pas présente ? Cet emploi pourrait expliquer aussi le format oblong inusité.
183. Elle a été déjà remarquée par Huizinga 1919, p. 51 et n. 18 (ch. II, d’après Chastellain et Olivier de
la Marche) ; par Cartellieri 1926, p. 70 (d’après les mêmes sources) ; Vaughan 1973, p. 182-183 (Chastellain et
l’ordonnance de l’hôtel de 1469) ; Rompaey 1973 p. 89-90 et 377-378 avec la n. 17 (qui connaît en plus le
passage de Wielant et l’ordonnance de l’hôtel de 1474 (« bevat ook voon het eerst en bepaling over de publiek
audiëntie », ce qui est une erreur) ; Paravicini 1976, p. 50-51 ; Id., « Model for Europe », 1991, p. 80 ; Id.,
« Magnificences », 2001, p. 339-343 et 395.
184. Die Protokollbücher, t. 3, 2009, p. 144, § 230 (le 13 mai 1473).
185. Sauf qu’en France la place du souverain était dans l’angle de la pièce, catalogue Jean Fouquet, 2003,
p. 273-276, avec reproduction en couleur pleine page,
186. Comptes de l’Argentier, t. 3, 2008, p. xi et n. 74 ; p. 642, art. 2300. Le duc séjourna à Saint-Omer du
28 juin au 25 juillet 1470, voir H. Vander Linden 1936, p. 25.
187. Bruchet 1922, p. 268, § 22, et p. 270, § 39, § 22. Le duc résida fréquemment à Lille, mais d’une
manière prolongée seulement du 7 au 30 avril 1470 (Pâques), du 7 au 21 janvier 1472 n.st.) et du 14 au 20 avril
1473 (Pâques), voir H. Vander Linden 1936, p. 23, 37 et 47.
354 WERNER PARAVICINI

Pourquoi ne serait-ce pas un carton pour une pièce d’art devant rehausser l’éclat
de l’Audience publique du duc Charles ? Le fait que le fond du parchemin est laissé
en blanc pourrait renforcer l’argument qu’il s’agit non d’une œuvre se suffisant à
elle-même, mais d’une esquisse travaillée. Ainsi, une tapisserie pourrait être l’objet
le plus probable 188, car une tapisserie est transportable partout et le duc tient son
Audience là où il se trouve. L’emploi du latin donne d’ailleurs à cette pièce un air
d’érudition qui se retrouve dans les quelques mots de l’Audience rapportée par
Wielant, le latin restant la langue prestigieuse de la justice 189.
L’emploi du latin, justement, pourrait faire pencher vers un autre emploi, en
quelque sorte purement professionnel : ne pourrait-ce pas être l’esquisse d’une
œuvre d’art ornant en permanence une chambre ducale de justice, soit à la cour, soit
en province ? Quand se tenait le Parlement de Beaune ¢ lui aussi souverain et
inauguré par le duc en personne ¢, en janvier 1474 par exemple, en présence du
duc 190, on fit venir exprès de Dijon une « antique » tapisserie pour orner le mur
derrière le siège du juge 191. Notre « tapisserie » ne serait alors pas commandée par le
prince, mais par ses officiers, ce qui pourrait expliquer la forte part accordée à leur
fonction.
Mais n’est-elle pas d’une exécution trop parfaite, indiquant moins une esquisse
qu’une œuvre achevée comme pourraient le faire croire les croquis conservées pour
une série de tapisseries contenue dans un ouvrage de Jean Germain, composé en
1457 et intitulé « Les deux pans de la tapisserie chrétienne » ou « Le Chemin de
Paradis » 192, ou ceux de l’histoire de Jason à la recherche de la toison d’or 193 ? Mais
ce ne sont que des modèles pour des cartons, non les cartons eux-mêmes. Les « petits
patrons » conservés sont bien en papier et parchemin, dont les plus grands mesurent
31 × 61,5 cm, ainsi du Voyage d’Alexandre en Orient ou de la Guerre de Troie, mais
ils sont des lavis d’encre qui remplissent leurs feuilles d’un bout à l’autre et ne

188. Il est possible qu’une représentation d’une Audience publique de Charles le Téméraire ait existé. De
Vaivre 1994, p. 185-186, écrit : « Existait en outre à Bruxelles, dans la collection Lejeune, un dessins lavé qui
prétend montrer une audience publique tenue par le duc de Bourgogne ou tout simplement d’autres séances du
grand conseil après la suppression du Parlement en 1477. Plusieurs de ces figurations semblent être des
reproductions de tableaux aujourd’hui en Autriche . » Et il ajoute, n. 23 : « Il s’agit d’une figuration du
xixe siècle assez théâtrale où les costumes sont empruntés à des tableaux de la fin du xvie siècle », et n. 24 : « Il
n’a pas été possible de retrouver trace de ces tableaux dans les musées de Vienne, en tous cas pas dans le musée
des Beaux Arts. »
189. Brückle 2010 rappelle que la langue latine était également employée pour les Entrées.
190. À Dole en février, Champeaux 1908, p. ccciii- cccvii.
191. On faisait de même pour le parlement de Dole. Le sujet n’en est pourtant pas indiqué. Champeaux
1908, p. cccxii et n. 6. Puisque la tapisserie existait, notre parchemin ne peut, à ce qu’il semble, être un modèle
bourguignon.
192. K. Smeyers 2002 ; Debae 1976 ; les illustrations sont tirées du ms. Bruxelles, BR IV 823.
193. Catalogue Karl der Kühne, 2008, p. 188-189, no 15, encre sur parchemin, non coloriés, plus large
(jusqu’à 49,9 cm) que haut (de 11,6 à 11,8 cm) [Birgit Franke].
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 355

ressemblent point à ce que nous avons sous la main 194. Bien sûr, il pourrait s’agir
aussi d’un patron d’une peinture murale, d’une peinture de plafond, d’une peinture
sur bois, ou bien d’un patron pour un vitrail.

4. Une pièce commandée non pas par le prince, mais pour le prince : une entrée de ville ?
Reste une dernière possibilité : cette pièce pourrait être un carton, non d’un
tableau fixe (dans n’importe quelle matière), mais d’un tableau vivant. C’est An
Delva-Blockmans qui m’a suggéré cette version 195, et Élodie Lecuppre-Desjardins
l’a confortée 196. Wolfgang Brückle développe son argumentation principalement
dans cette perspective 197. Les sources conservées n’excluent pas que nous soyons en
présence d’un patron de char ou de scène à plusieurs étages (trois en l’occurrence, la
Justice et l’écu réuni) servant à orner une entrée du prince 198. La représentation et
tout le programme iconographique d’une entrée étaient négociés à l’avance. L’entrée
solennelle de Philippe le Bon dans la ville de Gand enfin réconciliée en 1458 en est un
exemple proche 199 ; y figurait même une représentation des Trois États sous la
forme d’un « homme vêtu d’un côté d’un long vêtement de drap rouge brodé d’or et
pendant jusqu’à terre, de l’autre d’une tunique pourpre descendant seulement
jusqu’au genou », donc mi-parti 200. Plus tard, les entrées à Paris en 1511 201 et à
Bruges en 1515 202 sont documentées dans des ouvrages illustrés qui font état non
seulement de deux, mais de trois étages. Au début de son règne, Charles le Témé-
raire fit toute une série d’entrées, dont certaines, en Flandre, au Brabant, tournèrent
à l’émeute 203. Il n’est pas exclu que l’on tendait au prince un miroir de son
programme de gouvernement, modifié par le poids attribué au Conseil. Mais nous
194. Voir Avril, Reynaud 1993, p. 64-66, no 26 ; Buri, Stucky-Schürer 2001, p. 313-319, 400-403 ;
Schneebalg-Perelman 2003, p. 129-136 : « Les peintres cartonniers au xve siècle et à la pré-Renaissance » ;
catalogue Karl der Kühne, 2008, pl. 67-68, p. 307-310, no 128a-f (Scot McKendrick).
195. Par sa lettre du 4 décembre 1998. Déjà Smith 1990, p. 267, avait rapproché la typologie du parchemin
de Montpellier de l’entrée gantoise de 1458.
196. Lecuppre-Desjardin 2004, p. 259-291, en particulier p. 279-280.
197. Brückle 2010.
198. Pour les entrées bourguignonnes, voir : Arnade 1996 ; Kipling 1998 ; Lecuppre-Desjardin 2004 ;
Ramakers 2005 ; Eichberger 2006 ; Court and Civic Society, 2007, p. 165-209 ; Hurlbut (sous presse). Pour les
entrées françaises, voir les travaux indiqués dans Gringoire, éd. Brown, 2005, p. 20 et s., 329 et s.
199. Ghent, dir. Decavele, 1989, p. 229, fig. : « La source de la vie » ou « L’Église triomphante », « toog » ou
tableau vivant de l’Agneau mystique (de Jan van Eyck) joué pendant l’entrée ducale de 1458, sujet d’un tableau
anonyme conservé au musée du Prado à Madrid. Cf. Buri, Stucky-Schürer 2001, p. 429-430 (p. 429, scène à
trois étages à Gand en 1458) ; Lecuppre-Desjardin 2004, p. 267-269, avec indication des travaux antérieurs,
dont Kipling 1998, p. 40, 238, 264-280 ; v. Einem 1968, p. 24 et 34 (composition tripartite et théatrale du retable
de l’Agneau mystique de van Eyck à Gand).
200. Lecuppre-Desjardin 2004, p. 279-280. Cf. Brückle 2010, et supra, n. 70.
201. Gringoire, éd.Brown, 19 fig., p. 107-125.
202. Anglo (éd.) 1973.
203. Vaughan 1973/2002, p. 6-11, cf. les travaux cités supra, n. 198.
356 WERNER PARAVICINI

ne disposons pas de texte qui prouverait l’utilisation d’un tel programme iconogra-
phique pour une entrée donnée. Le fait que les couleurs « françaises » (le bleu-blanc-
rouge des franges et le bleu du dais) dominent, au moins dans la partie haute, peut
faire penser à une entrée dans une ville plus française que les autres, dans la Somme,
après le traité de Péronne d’octobre 1468 : Amiens, Saint-Quentin, Péronne, Abbe-
ville 204. Mais nous n’en avons pas la moindre preuve.

VI. Certitudes, incertitudes, probabilités

Notre étude soulève donc plus de questions qu’elle ne présente de réponses.


Des problèmes restants, voyons en quelques-uns pour conclure.

1. Incertitudes
Tout d’abord, en dehors de questions de détail, il y a celle-ci : s’agit-il d’une
pièce unique, ou bien d’un échantillon d’une longue tradition iconographique ? Je
constate que l’on trouve, pour chaque composante de notre ensemble, des parallèles
ailleurs. Le Christ, la Justice, les armoiries, les vertus, le guerrier et le personnage
dans ses deux fonctions. Je voudrais cependant attirer l’attention sur un type
semblable de représentation princière que l’on pourrait appeler le portrait emblé-
matique. En voici un exemple fort curieux, pas encore, autant que je sache, entière-
ment interprété (fig. 19), le portrait du prince Charles de Viane (†1461), héritier du
royaume de Navarre, peint sur parchemin vers 1480, vénéré alors comme saint, d’où
l’auréole qui entoure sa tête. Il est vêtu et entouré de la panoplie des ordres, devises,
mots, emblèmes des maisons royales de Navarre et d’Aragon. Les armoiries couron-
nées sont assez petites, ne constituent qu’un élément parmi d’autres : le lévrier
colleté blanc, les mots « bonne foy », les branches de châtaignier avec leurs feuilles et
leurs fruits du roi Charles III de Navarre (apparaissant par deux fois, la deuxième
enroulée des mots « bonne foy »), la devise personnelle du nœud en trèfle également
héritée de Charles III, mais accompagnée des lettres a et y, diverses initiales (gr’,
gbi :), phylactères à inscription (Pacientia opus perfectum habet, Qui se humiliat
exaltabitur), le collier de l’ordre aragonais de la Stola y Jarra, enfin un grand glaive
d’or dans son fourreau, pointé vers le bas, qui ressemble à celui que tient notre
personnage, entouré d’un phylactère en guise de ceinture sur laquelle on lit canine
aditur ult (?). Le sol rocailleux aura sans doute une signification, lui aussi, tout
comme les couleurs bleu, blanc, rouge et noir qui sont celles portées par sa mère
Blanche, reine de Navarre 205.
204. Suggestion faite par M. Klaus Oschema (Berne) à Cobourg, le 8 septembre 2006.
205. Reproduction en couleur et bref commentaire dans Menéndez-Pidal 1993, p. 42 (sans indication de
source) ; autre reproduction dans Ramírez Vaquero 1993, p. 89, avec un pavois aux mêmes éléments héraldi-
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 357

Fig. 19. ¢ Portrait emblématique de Charles d’Aragon, prince de Viane, 1461. Ramírez Vaquero 1993, p. 89.
Cf. n. 185. Cl. Sébastien Hamel (Paris).
358 WERNER PARAVICINI

Puis, s’agit-il d’un carton ou d’un début de rouleau ? J’ai peu de sympathie pour
la dernière hypothèse, mais il reste des doutes, notamment à cause du format.
Enfin, iconographie extérieure et intérieure ? Miroir intéressé tendu au prince
ou représentation directe voulue par lui ? Je continue à préférer la version intérieure,
une origine princière et non urbaine, car y prévalent les éléments provenant direc-
tement de la théorie étatique nouvelle préconisée par le prince et son entourage.

2. Certitudes
D’autre part, nous avons acquis quelques certitudes évidentes, du moins quel-
ques convictions fortes.
Revenons à l’explication donnée par M. Smith. Je soutiens au contraire que la
miniature n’appartient pas à un livre d’ordonnances, militaires ou autres ; ni en
général à un livre. Que « Sagacité » n’est pas sagesse ou « wisdom ». Que le person-
nage n’est pas le duc Charles, qu’il n’est pas vêtu d’une robe d’hermine ou de prince,
et qu’il n’est pas représenté en tant que vicaire du Christ. Le glaive qu’il tient n’est
pas simplement l’épée de la justice (qui serait nue), et le livre n’est probablement pas
la Bible. Au livre, il n’est pas inscrit le monogramme du Christ auquel le « rien sans
moi »ne se rapporte pas non plus, mais au droit ou à la loi.

3. Probabilités
Pour conclure, constatons que notre pièce iconographique reflète le programme
de gouvernement d’un prince qui, dès le début, prend au sérieux ses tâches et devoirs
en tirant sa légitimité directement du Christ, manifestement sans l’intermédiaire de
l’Église constituée et de ses saints. Ce que nous savions de Charles le Téméraire
justicier est confirmé par ce document et enrichi par de forts traits individuels. Ce
duc n’avait pas seulement des ambitions. Il avait de la méthode et de la théorie. Il
était moderne dans son époque, en renouvelant d’une manière inédite le prestige de
ces vieux jumeaux que sont la Paix et la Justice, à jamais inséparables.
Des trois hypothèses principales, Audience, Parlement de Malines, Entrée
Joyeuse, la première me semble avoir les meilleurs atouts : la proximité du début de
règne, la volonté explicite d’innovation du prince, l’engagement personnel. Mais,
pour la deuxième, parlent également des arguments vigoureux : force de l’institu-
tion, thématique judiciaire, existence nécessaire d’un tableau de justice au siège de
l’institution. Nous ne pouvons pas trancher. À moins de découvrir un texte littéraire
ou d’archives qui en fournisse la clef, le parchemin de Montpellier restera une image
troublée et troublante du règne de Charles le Téméraire.
ques et emblématiques (sauf l’épée), p. 114 (également sans indication de source, il semble s’agir d’un pastiche
du xixe siècle). Identification de la plupart des éléments dans Hablot 2001, Devisier, t. 1, p. 169 (reproduction
en noir et blanc, avec renvoi aux travaux de Mikel Ramos Aguierre), et surtout Narbona 2008 (en noir et blanc).
UNE IMAGE DU RÈGNE DE CHARLES LE TÉMÉRAIRE 359

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