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n°04 Secrétariat du

Novembre 2011 Club DU SAHEL ET DE


L'AFRIQUE DE L'OUEST

Enjeux
Ouest-
Africains
Les zones franches par François BOST,
Géographe, Maître de conférences à
sont-elles utiles l’Université de Paris Ouest Nanterre

au développement ? La Défense, Laboratoire de Géographie


comparée des Suds et des Nords
(GECKO, EA 375)

1 Un phénomène
désormais mondial

2 Les zones franches


ouest-africaines

3 Des avantages multiples


pour les entreprises

4 Une absence préjudiciable de


spécialisation sectorielle

5 Quatre études de cas :


Ghana, Nigeria, Sénégal, Togo
Note publiée par le Secrétariat du Club du Sahel
et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)

Les opinions et les interprétations exprimées dans cette


note ne reflètent pas nécessairement les vues de
l’OCDE ou du Secrétariat du CSAO.

2 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
L’exemple de l’Afrique de l’Ouest
Les zones franches – enclaves conjuguant fiscalité attractive
et avantages douaniers – se sont multipliées depuis les années
1980 à travers le monde, notamment en réponse à la vague de
délocalisation de la production industrielle. L’Afrique de l’Ouest
en compte aujourd’hui 29 dans 11 pays, déclinées sous diffé-
rentes formes : zones franches commerciales (6), zones franches
d’exportation (23), auxquels s’ajoutent environ 450 points francs.

Le bilan que l’on peut en tirer en Afrique de l’Ouest, notamment Atlas mondial des
en termes d’impact sur le développement et les économies zones franches
locales, est pour le moins mitigé. Dédiées pour la plupart à
l’industrie manufacturière exportatrice, les zones franches ont Paru en septembre 2010,
encore assez peu contribué à la diversification des économies cet atlas qui a mobilisé une
et au renforcement du tissu entrepreneurial des pays d’accueil. équipe de seize chercheurs
« La vocation des zones franches industrielles est le plus souvent et de deux cartographes,
la multi-activités, avec une logique « attrape-tout » très oppor- présente un panorama
tuniste, caractéristique des pays peu développés. » constate exhaustif du phénomène des
François Bost, qui a dirigé l’Atlas mondial des zones franches. zones franches à travers le
« À la différence de nombreuses zones franches implantées dans monde. 1 735 zones franches
les pays asiatiques ou latino-américains, la spécialisation secto- aux statuts très divers ont
rielle y est encore quasi inexistante, ce qui ne leur permet pas ainsi été identifiées et passées
de réaliser d’économies d’échelle. » Par ailleurs, les pays ouest- au crible dans 133 pays, essen-
africains qui se sont dotés de régimes de zone franche n’attirent tiellement en développement,
pas plus d’investissements directs étrangers (IDE) que les pays ainsi qu’en Europe orientale.
qui n’en disposent pas. Qu’en est-il de leur impact sur l’emploi ? A l’heure de la délocali-
Si dans certains pays les zones franches représentent la moitié sation accélérée des activités
des emplois du secteur secondaire (Togo par exemple), cette industrielles et des services,
situation est aussi le reflet d’un niveau d’industrialisation faible. mais aussi de la montée en
La main-d’œuvre y est généralement non-qualifiée, puissance des pays émergents,
avec peu de perspectives de formation. Les condi- cet atlas apporte une lecture
tions de travail y sont aussi souvent précaires. inédite et originale qui
place le lecteur au cœur de
« Faute d’être des moteurs décisifs pour le dévelop- la mondialisation de l’éco-
pement de ces pays, les régimes de zones franches nomie et de ses ressorts.
ouest-africains apparaissent donc davantage
comme un élément d’une stratégie de dévelop- François Bost (dir.)
pement plus générale qui se cherche encore. », Atlas mondial des zones
conclut François Bost. Mais comment faire pour franches, La documentation
transformer ces zones en leviers efficaces du Française, 2010, 313 pages,
développement ? Collection Dynamiques
du territoire
Pour améliorer l’image et l’attractivité des pays (ISBN : 978-2-11-008258-9)
ouest-africains auprès des investisseurs, il
faudrait développer des stratégies ciblées (spécialisation dans
un secteur précis), résolument tournées vers les investisseurs
(promotion / marketing) et, bien sûr, améliorer les facteurs
structurels qui freinent l’investissement (bureaucratisation
excessive, faible niveau d’infrastructures, insécurité / insta-
bilité politique, système financier peu développé, faible qualifi-
cation / niveau de la main-d’œuvre, etc.) afin d’améliorer l’envi-
ronnement des affaires. Un marché régional plus fluide, plus
intégré, pourrait attirer davantage d‘investisseurs, notamment
en provenance des pays émergents. L’accès à un marché de plus
de 320 millions de consommateurs potentiels est un argument
de taille. Plus d’infrastructures régionales de transport et moins
de contraintes à la libre circulation permettraient aux zones
Cette note reprend les principaux
franches de jouer un rôle utile d’interface entre les économies résultats développés dans le cadre de
nationales, régionale et mondiale. l’Atlas mondial des zones franches.

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1 Un phénomène
désormais mondial

L e terme de « zone franche » peut


être défini comme un périmètre
de taille variable, dans lequel les
A elle seule, la Chine en possède
notamment 213, répondant à neuf
statuts juridiques différents et ayant
L’Afrique subsaharienne n’est pas
restée en marge de cette dynamique
mondiale. Elle détient même le record
entreprises agréées sont soustraites réalisé environ 47 % du total des du plus grand nombre de pays dotés
au régime commun en vigueur dans exportations du pays en 2008. d’un régime de zone franche (33 sur
le pays d’accueil, principalement 48), ce qui s’explique par le grand
dans les domaines douanier et fiscal Les zones franches ont accompagné nombre d’États souverains dans cette
(Bost, 2010). En contrepartie de ce le mouvement de libéralisation des région. En 2009, 101 zones franches de
manque à gagner, les États attendent échanges et l’ouverture de la quasi- tous types y étaient recensées, la palme
de ces entreprises qu’elles élèvent les totalité des pays de la planète à l’éco- revenant au Kenya qui en possédait
niveaux d’exportations nationales, nomie de marché ; elles ont aussi à lui seul 33 à cette date (souvent
qu’elles créent de nombreux emplois contribué à l’envolée du
et qu’elles contribuent à la diversifi- commerce international
cation de l’économie par l’avènement et des investissements La question n’est plus tant de savoir dans
de nouvelles filières d’activités. directs étrangers (IDE), quels pays on trouve des zones franches,
principalement dans les mais plutôt de chercher ceux n’ayant pas
Apparues notamment après la Seconde pays en développement encore légiféré en la matière.
Guerre mondiale, les zones franches se et en Europe orientale. A
sont multipliées depuis les années 1980, ce titre, les zones franches
au point que la question n’est plus tant sont volontiers présentées comme des minuscules et n’abritant volontai-
de savoir dans quels pays on les trouve, outils et des leviers importants – voire rement qu’un très petit nombre
mais plutôt de chercher ceux n’ayant décisifs – pour entrer dans la spirale d’entreprises), dont deux publiques
pas encore légiféré en la matière. du développement, et ce en raison de seulement. La donne industrielle n’a
leurs multiples effets d’entraînement pas pour autant été bouleversée dans
L’Atlas mondial des zones franches, s’appliquant à différentes échelles sur les pays de l’Afrique subsaharienne,
paru en septembre 2010, en a ainsi les économies locales et nationales. car leur attractivité demeure encore
recensé 1 735 dans 133 pays pour Il demeure que ces effets s’exercent à faible auprès des investisseurs locaux
l’année 2009. Dans ce panorama, les des degrés très divers selon les pays et et étrangers.
pays émergents sont tous représentés. les zones géographiques.

Encadré 1

Les différents types de zones franches


Les zones franches commerciales (Free moins long de stockage), ou de leur vente sur A côté des zones franches d’exportation
Trade Zones) constituent un premier type très le marché national (mais après paiement des physiquement délimitées, certains pays ont
courant de zones franches. Plaques tournantes droits de douane). développé une seconde modalité d’implanta-
du commerce international de par la nature de tion possible pour les entreprises, celle des
leurs activités (transbordement, éclatement des Les zones franches d’exportation (Export points francs (Free Points). Celle-ci ne renvoie
marchandises, réexportation, négoce interna- Processing Zones), appelées aussi zones pas à un type d’espace en particulier, mais à
tional, etc.), celles-ci sont logiquement situées franches industrielles et de services, consti- un statut juridique attribué à des entreprises
en position d’interface : périmètres portuaires tuent le second type de zones franches. agréées selon les mêmes critères que dans
(ports francs) et aéroportuaires ; grands axes Celles-ci sont spécialisées dans la production les zones franches (et donc bénéficiant des
de communication (maritimes, ferroviaires et manufacturière (textile-habillement, chaus- mêmes avantages). Ces entreprises indus-
routiers) ; corridors de développement ; régions sures, articles de sport, électronique grand trielles et de services sont libres de s’implanter
transfrontalières. Les sociétés d’import–export public, composants industriels, etc.) et, de où elles le souhaitent dans le pays d’accueil,
et les transitaires y déchargent sans droits plus en plus, grâce à l’essor des réseaux mais elles se localisent généralement à
de douane ni taxes, et avec des formalités numériques dans la fourniture de services proximité de certaines matières premières,
réduites, toutes sortes de marchandises compatibles avec l’éloignement géographique sur les bassins de main-d’œuvre, à proximité
importées, dans l’attente de leur réexportation (saisie et traitement de données informatiques, d’infrastructures particulières, ou encore dans
vers un pays tiers (après un temps plus ou centres d’appels téléphoniques, etc.). les régions transfrontalières.

Source : F. Bost (2010). Atlas mondial des zones franches.

4 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
Carte 1 – Port franc de Lomé

de
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B. F Port de
PAL a s o Terminal à pêche
B. F
conteneurs
PAL L
PA
Marché PAL -- 6 m
du port Ateliers -plein
PAL Terre pitainerie
Ca Môle 2
Terre-plein - 9,5 m
M - 12 m

m
ôle

Cartographie : J. Robert, F. Bost, Université Paris Ouest Nanterre 2011


Aire de

-7

Contre-jetée
1
stationnement - 11 m

m
-8m
Direction du

1
PA

-1
Port Autonome de Lomé L
(PAL) Camp de la
Marine Nationale
- 10 m
Limites de la zone franche
Entrepôts
Zones utilisées pour la
- 14 m
manutention de conteneurs
Extension du terminal Zone d’ensablement
à conteneurs

Source : Port de Lomé


Routes principales N

Routes secondaires
200 m
Voies ferrées Jetée principale
Bassins portuaires Océan Atlantique
- 10 m Profondeur des bassins

Carte 1 - Port franc de Lomé

Un exemple togolais : le port franc de Lomé


Pièce maîtresse du port en eau profonde pour les conteneurs), il comporte aussi est assurée depuis 1993 par un service
togolais de Lomé (– 14 m), le port un terminal à conteneurs de 100 000 m² de convoyage routier sous escorte des
franc couvre 81 des 191 ha de la zone doté d’une plate-forme automatisée forces de sécurité togolaises depuis le
portuaire. Bien protégé derrière deux de transbordement d’une capacité port franc jusqu’à la frontière, à raison
digues, celui-ci fonctionne comme un de 200 conteneurs EVP / h, ainsi que d’au moins quatre mouvements par
port d’éclatement pour le commerce d’entrepôts de transit de 7 500 m² semaine. Baptisé « Solidarité sur la
régional maritime, mais aussi comme chacun. Plusieurs d’entre eux sont Mer », ce service est très apprécié des
un véritable poumon pour les pays exclusivement réservés au stockage utilisateurs, notamment parce qu’il
sahéliens enclavés (Burkina Faso, des marchandises en provenance, supprime les opérations de racket
Mali, Niger) dont il constitue l’un des ou à destination, des pays enclavés. au long de l’itinéraire togolais, tout
principaux débouchés. Outre ses deux La sécurisation du transit des en assurant la sécurité physique des
môles (l’un pour le vrac solide, l’autre marchandises vers ces pays enclavés chauffeurs.

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2 Les zones franches
ouest-africaines

P ays pionnier sur le continent


africain par sa zone franche
commerciale ouverte en 1948 au port
euphorique, les débuts décevants de
la zone franche de Mbao (située à
15 km de Dakar) n’ont guère incité à
Ce sont les limites rencontrées par
cette stratégie de rente (effondrement
des cours mondiaux des matières
de Monrovia, le Liberia n’a cependant l’imitation, à l’exception du Liberia qui premières au cours des années 1980,
pas fait école en Afrique de l’Ouest. ouvre en 1976 une zone franche indus- étroitesse des marchés locaux de
Il a fallu attendre l’adoption en 1974 trielle à Monrovia. consommation, tarissement des inves-
par le Sénégal d’un régime de zone tissements étrangers, accroissement
franche dédié à l’industrie manufac- Le désintérêt des pays ouest-africains du chômage et de la pauvreté, etc.)
turière pour que le coup d’envoi soit vis-à-vis des politiques de zones qui ont entraîné par la suite l’adoption
réellement donné au niveau de la sous- franches à cette époque ne faisait d’un modèle de développement plus
région. Bien placé sur le littoral atlan- que refléter les stratégies de dévelop- résolument tourné vers l’exportation
tique et fort de ses relations anciennes pement dominantes mises en œuvre de biens manufacturés (donc plus
et étroites avec la France, ce pays au lendemain des Indépendances favorables aux zones franches), sans
sahélien entendait bien, sur le modèle en Afrique subsaharienne. Celles-ci pour autant que celui-ci ne se substitue
mauricien de 1970, se positionner priv ilégiaient l’exportation des aux stratégies précédemment suivies.
avant ses voisins sur le créneau de matières premières (peu transformées
l’accueil des délocalisations indus- localement), ainsi que l’import-substi- L’envolée spectaculaire des exporta-
trielles et ainsi profiter de sa relative tution (production pour le marché tions de la zone franche mauricienne
proximité géographique avec l’Europe domestique de biens manufacturés au cours de la décennie 1980 (600 entre-
occidentale. Après son lancement jusque-là importés). prises agréées et 90 000 emplois en

Tableau 1 – Les zones franches en Afrique de l’Ouest et leurs spécificités

Dates
d’instauration Zones franches commerciales Zones franches d’exportation Points francs
Pays des textes de loi
Bénin 2005 – 1 zone franche industrielle –
Burkina Faso – – – –
Cap–Vert 1989 – 1 zone franche industrielle –
Côte d’Ivoire 2004 – 1 zone franche technologique –
(Village des technologies de
l’information, de la communication
et des biotechnologies)
Gambie 2002 1 port franc 1 zone franche industrielle –
Ghana 1995 2 ports francs (Tema et Takoradi) ; 4 Export processing zones : Tema, environ 150 Single Factory
1 zone franche aéroportuaire (Kotoka) Takoradi (2) et Kumasi Enterprises
Guinée – – – –
Guinée-Bissau – – – –
Liberia 1948 1 port franc (Monrovia) 1 zone franche industrielle –
Mali 1991 – – quelques points francs seulement
Mauritanie 2002 – – quelques points francs seulement
Niger – – – –
Nigeria 1991 – 9 Free trade zones en activité ; Export Processing Factories
10 en construction, 3 projets (peu nombreuses)
Sénégal 1974 1 zone économique spéciale (ZES) 1 zone franche industrielle (Dakar) une dizaine de points francs,
en cours de construction environ 180 entreprises franches
d’exportation (EFE)
Sierra Leone – – – –
Tchad – – – –
Togo 1989 1 port franc (Lomé) 4 Zones franches de transformation une quarantaine de points francs
pour l’exportation (ZFTE) : 3 à
Lomé et 1 à Kara
Source : F. Bost (2010). Atlas mondial des zones franches.

6 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
Carte 2 – Zones franches en Afrique subsaharienne

SAHARA OCCIDENTAL

Tropique du Cancer

MAURITANIE
GAMBIE
NIGER
MALI
SÉNÉGAL TCHAD
DJIBOUTI
BURKINA FASO SOUDAN
GUINÉE GUINÉE
BISSAU BÉNIN
NIGERIA
GHANA
SIERRA CÔTE ETHIOPIE
LEONE D’IVOIRE RÉPUBLIQUE
CENTRAFRICAINE
LIBERIA
TOGO CAMEROUN SOMALIE
GUINÉE KENYA
OUGANDA
Équateur EQUATORIALE
CONGO
GABON RWANDA
BURUNDI
Zones franches (ZF) géographiquement délimitées (7 ZF privées)
RÉPUBLIQUE (19 ZF privées)
Zone franche DÉMOCRATIQUE DU TANZANIE
Zone franche en projet CONGO
Zone franche portuaire
Zone franche dédiée aux NTIC
MALAWI
Zone franche privée ANGOLA
Autres situations relatives aux zones franches ZAMBIE
Texte de loi à l’étude
Texte de loi seulement promulgué MAURICE
Espace éligible uniquement au régime ZIMBABWE MADAGASCAR
de point franc NAMIBIE
BOTSWANA MOZAMBIQUE
Aucune législation sur les points francs
Tropique du Capricorne
Corridors de développement d’Afrique australe
Corridors de Walvis Bay
Corridors du Mozambique LESOTHO SWAZILAND
Corridors Sud-Africains AFRIQUE N
DU SUD 1 000 km

Cartographie : J.Robert, F.Bost, Université Paris Ouest Nanterre 2011

Carte 3 - Zones franches en Afrique subsaharienne

1990) a fortement marqué les esprits, au au principe de la libre-concurrence –


point d’entraîner une véritable frénésie car il est apparu qu’elles constituaient
législative au cours des années 1990 dans nombre de ces pays l’un des rares
et 2000. Les pays dotés d’un régime moyens d’accéder à l’industrialisation
de zone franche se multiplient alors à et de participer aux échanges inter-
l’échelle du continent, tout particuliè- nationaux.
rement en Afrique de l’Ouest : Togo et
Cap-Vert (1989) ; Mali et Nigeria (1991) ; En 2011, onze pays ouest-africains
Ghana (1995) ; Gambie et Mauritanie disposent d’un régime de zone franche.
(2002) ; Côte d’Ivoire (2004) ; Bénin En revanche, le Burkina
(2005). De surcroît, cette dynamique Faso, la Guinée, la Guinée
a été appuyée par certains partenaires Bissau, le Niger, la Sierra En 2011, onze pays ouest-africains disposent
internationaux (ONUDI  ; Banque Leone et le Tchad n’ont d’un régime de zone franche.
mondiale ; etc.) ou bilatéraux (Overseas pas légiféré en la matière
Private Investment Corporation du côté et ne semblent pas s’inté-
des Etats-Unis ; Jebel Ali Free Zone resser à cet outil de développement.
Authority du côté de Dubaï). L’Organi- Sans doute faut-il y voir un effet de
sation mondiale du commerce (OMC) a leur éloignement par rapport à la mer
également appris à composer avec ces – rares sont en effet les pays enclavés
zones franches – en dépit des entorses qui se sont dotés d’un régime de zone p. 8

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franche dans le monde –, de la faiblesse les ports francs (tels que Banjul en industrielle coûteuse pour accueillir
de leur tissu économique comparée Gambie ; Tema et Takoradi au Ghana ; des entreprises. Enfin, quatre pays ont
à des pays à revenus intermédiaires Monrovia au Liberia ; et Lomé au Togo), choisi de le décliner aussi bien sous la
comme le Ghana ou le Nigeria, ou certes peu nombreux mais essentiels forme de zones franches physiquement
encore de leur attractivité très limitée pour les pays enclavés du Sahel, le type délimitées que sous la forme de
auprès des investisseurs – sans pour le plus fréquent est celui des zones points francs, afin de ne pas se priver
autant que celle de certains pays franches aménagées et dédiées princi- d’opportunités d’implantation pour les
côtiers soit forcément plus grande. palement à l’industrie manufacturière entreprises (Ghana, Nigeria, Sénégal,
exportatrice. Cela dit, deux pays n’ont Togo). Ce sont d’ailleurs ces pays qui
Partie plus tardivement que les autres développé le concept de zone franche ont le plus profité de leurs retombées à
régions du monde dans la « course » que sous la forme de points francs l’échelle de l’Afrique de l’Ouest.
aux zones franches, l’Afrique de (Mali et Mauritanie), plus facile à
l’Ouest a donc largement rattrapé le mettre en œuvre, dans la mesure où
temps perdu, en déclinant le concept cette modalité n’implique pas l’amé-
sous ses différentes formes. Outre nagement et l’équipement d’une zone

3 Des avantages multiples


pour les entreprises

L es textes de lois régissant les zones


franches en Afrique de l’Ouest sont
assez similaires d’un pays à un autre,
supprimés dans le cadre d’accords
préférentiels bilatéraux ou multila-
téraux.
(10 ans dans le cas du Ghana et du
Togo par exemple). Passé ce délai, les
entreprises franches rentrent dans le
signes de l’influence normative des régime commun et deviennent donc
grands cabinets de consultants inter- Les droits de douane (mais aussi les imposables, soit au niveau prévu par la
nationaux qui les ont généralement taxes locales comme la TVA et les loi en régime commun, soit à un niveau
rédigés. Pour pouvoir prétendre aux autres impositions à l’importation minoré et encore attractif durant une
avantages proposés, les entreprises prévues en droit commun) sont période transitoire, afin de ne pas
industrielles et de services doivent exigibles lorsque les produits et les les inciter à se délocaliser vers un
répondre à un certain nombre de marchandises en provenance des autre pays proposant des facilités en
conditions d’agrément, notamment zones franches sont vendus
celle d’exporter la quasi-totalité de leur sur le territoire national
production. Elles doivent également (lorsque la loi l’autorise Les pays ouest-africains devraient
travailler dans des secteurs d’activité et après validation par les conserver encore longtemps une fiscalité
précis visant à diversifier la structure organismes de tutelle). attractive en zone franche.
économique du pays. L’objectif est de ne pas
introduire de distorsion
Les avantages douaniers sont de concurrence avec les marchandises matière d’investissement. Quoiqu’il en
communs aux zones franches commer- similaires importées sous régime soit, les pays ouest-africains devraient
ciales et aux zones franches d’expor- commun. Dans certains pays ouest- conserver encore longtemps une
tation. Les marchandises en transit, africains, la tentation est grande pour fiscalité attractive en zone franche.
de même que les intrants nécessaires des entreprises peu scrupuleuses En effet, de par leur faible niveau
à la production (matières premières, d’écouler sur les marchés domes- de développement, ils ne sont pas
biens intermédiaires et biens d’équi- tiques des produits importés sans concernés par les révisions demandées
pement) entrent en zone franche sans payer de droits de douane. Même si par l’OMC en matière de fiscalité (en
être assujettis aux droits de douane du ces pratiques restent d’exception, elles effet, ces dernières ne visent que les
pays d’accueil. De la même façon, les finissent par discréditer la finalité pays émergents).
marchandises stockées ou ayant subi même des zones franches si elles ne
une légère transformation (appelée sont pas combattues. A l’exemption de l’impôt sur les sociétés
« perfectionnement actif »), ainsi s’ajoutent généralement d’autres types
que les produits fabriqués sur place En matière d’avantages fiscaux, les d’exemptions fiscales, qui varient
en sortent en franchise de droits de entreprises agréées dans les zones beaucoup selon les pays : exonération
douane. En revanche, les droits de franches d’exportation sont dispensées des taxes sur les dividendes versés
douane sont payés par les importa- du paiement de l’impôt sur les sociétés aux actionnaires, exonérations fiscales
teurs dès lors que les marchandises (appelé aussi impôt sur le revenu ou pour les expatriés, etc. Le tableau
franchissent la frontière du pays de sur les bénéfices des entreprises) pour ci-contre comparant les dispositions
destination, sauf si ce dernier les a une durée variable selon les Etats fiscales en régime commun et en

8 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
régime franc pour le Togo en donne des procédures administratives via un
une excellente illustration. guichet unique regroupant toutes les
démarches nécessaires ; proximité des
Les autres avantages proposés aux infrastructures majeures (aéroport
entreprises agréées en zones franche international, port en eau profonde,
apparaissent tout aussi importants pour etc.) ; coûts des facteurs réduits (eau,
motiver une implantation dans un pays, électricité, télécommunications, etc.) ;
ainsi que le révèle les enquêtes auprès régimes assouplis pour les changes,
des investisseurs. Ceux-ci concourent allant très souvent jusqu’à la liberté
à créer un environnement des affaires totale des mouvements de fonds ; libre
plus propice et plus fluide (« effet oasis » rapatriement des recettes en devises ;
ou « effet d’enclave »), surtout dans les taux d’intérêt préférentiels proposés
pays où les activités en régime commun par les banques locales ; tarifs préfé-
souffrent de nombreuses lourdeurs rentiels sur le fret ; etc.
bureaucratiques. Ces avantages varient
fortement selon les pays : simplification

Tableau 2 – Dispositions fiscales et douanières en zone franche et en régime commun : le cas du Togo

en zone franche
Types d’impôts et de taxes en régime commun 10 premières après 10 ans
années
sociétés industrielles : 37 %
Impôt sur les sociétés 0 % 15 %
autres sociétés : 40 %
application du
Impôt minimum forfaitaire variable selon le chiffre d’affaires réalisé 0 %
régime normal
Impôt sur les dividendes 15 ou 25 % 0 % 15 ou 25 %
1 % sur le chiffre d’affaires,
Taxe professionnelle 0 %
2 % sur la valeur locative des immeubles
Taxe sur les salaires 7 % 2 %
Taxe sur les conventions d’assurance 25 % sur la valeur des primes 0 %
Taxe sur la valeur ajoutée 18 % 0 %
Droits de douane entre 0 et 20 % selon le type de produit 0 %
4 % de la valeur du droit d’entrée, de la taxe
Timbre douanier 0 %
statistique et de la taxe de péage
Taxe statistique sur le matériel d’équipement 3 % de la valeur coût – assurance – fret 0 %
Sources : Loi n°89-14 du 18 sept. 1989, Agbodji et allii. p. 1, et divers

Encadré 2

La question sociale en zone franche


La question sociale reste encore un talon des travailleurs en zone franche. Mais ces l’Organisation Internationale du Travail), ce qui
d’Achille pour beaucoup d’entreprises en zone conditions de travail sont-elles si différentes s’est traduit par la création de trois syndicats
franche en Afrique de l’Ouest. Des atteintes au de celles observées dans l’industrie hors zone différents : Union générale des travailleurs de la
droit du travail – massives ou ponctuelles – franche ? Aussi la main-d’œuvre ouvrière peu zone franche (Usyntrazofe) ; Syndicat national
sont toujours d’actualité dans certains pays, qualifiée connaît-elle un fort turn over dans les des travailleurs de la zone franche du Togo
notamment dans les domaines de la négocia- entreprises concernées, en dépit des salaires (Syntrazoft) ; Syndicat Libre des Travailleurs de
tion collective et de la liberté d’association, souvent plus élevés que ceux de leurs homo- la Zone Franche (Sylitrazof). Cette évolution
comme le relève régulièrement l’OIT dans logues en régime commun précisément pour devrait contribuer d’une part à une meilleure
ses enquêtes. Les heures supplémentaires limiter ce phénomène. application du Code du travail – notamment
non payées, la non-rémunération du travail en matière de recrutement et de licenciement
de nuit, l’absence de sécurité sociale et de Des progrès sont cependant observés dans des travailleurs temporaires, dont le statut est
congés payés sont les abus les plus fréquem- certains pays. Ainsi, au Togo, la liberté syn- très précaire, avec lequel plusieurs entreprises
ment cités par les enquêtes et les sources dicale est reconnue en zone franche depuis avaient pris d’évidentes libertés, mais aussi
syndicales. La pénibilité des conditions de 2009 (suite à la ratification par ce pays de à l’application des augmentations salariales
travail reste aussi le lot commun de la majorité la Convention 87 et de la Convention 98 de négociées avec les employeurs.

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4 Une absence préjudiciable de
spécialisation sectorielle

E n Afrique de l’Ouest, la vocation


des zones franches industrielles
est le plus souvent la multi-activité,
Enfin, peu nombreuses sont les secteur des services a donné quelques
entreprises étrangères qui se sont résultats intéressants sur le plan des
implantées dans ces zones franches délocalisations, grâce à la mise en
suivant une logique « attrape-tout », ouest-africaines à la faveur de la place du câble sous-marin SAT 3/
très opportuniste et caractéristique délocalisation d’une activité manufac- WASC/SAFE qui relie l’Europe, neuf
des pays pauvres. A la différence turière depuis un pays industrialisé, pays d’Afrique et l’Asie (sa capacité est
de nombreuses zones franches comme cela s’est si souvent observé de 60 Gigabits/s, soit 720 000 commu-
implantées dans les pays émergents en Afrique du nord (Tunisie, Maroc, nications téléphoniques simultanées),
asiatiques ou latino-américains, la Egypte), l’Asie orientale ou l’Europe dont le Sénégal est l’un des bénéfi-
spécialisation sectorielle autour de de l’Est. Le secteur de la
quelques activités phares et ciblées y sous-traitance interna-
est donc encore quasi inexistante, ce tionale (assemblage final, Les activités menées en zone franche
qui ne leur permet pas de réaliser des sous-assemblage, fabri- relèvent pour l’essentiel de secteurs à faible
économies d’échelle (mutualisation cation de composants valeur ajoutée et à fort coefficient de
de certains services, commandes et de sous-composants) main-d’œuvre peu qualifiée.
groupées auprès des fournisseurs y est totalement absent,
locaux par exemple) pour diminuer alors qu’il permettrait
les coûts de revient. D’autre part, aux pays concernés d’entrer dans la ciaires. Plusieurs centres d’appels
cette dispersion sectorielle est néfaste « division internationale des processus téléphoniques (télémarketing) y ont
aux effets de complémentarité, de productifs » (ou DIPP). Ce constat été ouverts dans la décennie 2000 avec
capitalisation et de transmission témoigne de leur faible insertion un certain succès (les employés sont
des expériences entre entreprises. dans la mondialisation des échanges, francophones et disposent d’un certain
Cette situation se traduit d’ailleurs de l’écart considérable qui les oppose niveau d’étude). D’autres applications
sur le plan spatial : au sein des zones aux zones franches asiatiques, par des nouvelles technologies de l’infor-
franches ouest-africaines, les entre- exemple, et des efforts qu’il leur mation et de la communication (NTIC)
prises se juxtaposent en effet les unes faudra fournir en matière d’environ- pourraient aussi se révéler intéres-
par rapport aux autres et s’ignorent nement des affaires, de maîtrise des santes à terme : archivage numérique,
mutuellement, surtout lorsqu’elles technologies et de formation de la saisie numérique de données, élabo-
sont de nationalités ­d ifférentes. main-d’œuvre. Pour le moment, seul le ration de logiciels offshore, etc.

Autre point faible, les activités


menées en zone franche relèvent pour
l’essentiel de secteurs à faible valeur
Tableau 3 – Évolution des investissements directs étrangers en
ajoutée et à fort coefficient de main-
Afrique de l’Ouest, (en millions de dollars US)
d’œuvre peu qualifiée. Elles ne se
différencient donc guère sur ce point Pays 2005 2006 2007 2008 2009
de celles menées hors zone franche, Bénin 53,43 54,93 261,34 173,83 92,55
si ce n’est par leur vocation exporta- Burkina Faso 34,15 33,59 343,54 137,09 171,41
trice. Aucune stratégie de « sortie par Cap-Vert 81,55 130,65 190,02 211,67 119,59
le haut », caractérisée par la montée en Côte d’Ivoire 311,92 318,86 426,78 482,13 408,95
gamme des produits vers les moyennes Gambie 44,69 71,22 76,46 70,10 47,35
et hautes technologies, n’a d’ailleurs Ghana 144,97 636,01 855,38 1 220,41 1 684,74
encore été observée.
Guinée 105,00 125,00 385,90 381,88 140,85
Guinée-Bissau 8,00 17,33 18,58 5,97 13,96
Cette situation met en évidence une
Liberia 82,81 107,85 131,60 200,00 378,00
situation dans laquelle les marchés
Mali 224,74 82,15 65,48 179,68 109,10
de consommation visés à l’export se
restreignent dans la plupart des cas à Mauritanie 814,10 105,50 138,30 338,40 (38,30)
la région ouest-africaine. Rares sont, Niger 30,29 50,54 129,04 565,87 738,90
en effet, les entreprises qui exportent Nigeria 4 978,26 13 956,49 6 086,73 6 814,40 5 850,73
leurs productions vers les marchés Sénégal 52,31 210,43 272,72 272,44 207,55
plus exigeants d’Europe ou d’Amé- Sierra Leone 83,18 58,77 96,60 53,00 33,40
rique du Nord, notamment pour ce Tchad (99,34) (279,22) (69,48) 233,58 461,81
qui relève des normes sanitaires, Togo 76,99 77,34 49,16 23,88 50,13
techniques ou qualitatives. Source : CNUCED, http://unctadstat.unctad.org

10 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
Il n’est cependant pas impossible projeté initialement. Cependant, la et à 315 km de Lagos. Couvrant 220 ha,
que certaines zones franches ouest- situation de guerre civile bloqua le cette zone franche est surtout la seule
africaines évoluent à plus ou moins long développement du VITIB, compte à travers le monde à être totalement
terme sous la forme de parcs technolo- tenu du contexte d’incertitude majeur vouée aux activités para-pétrolières :
giques, ainsi que cela est couramment et du manque complet de visibilité qui construction de pipelines, de matériel
observé en Asie orientale depuis le effraya les investisseurs potentiels. de forage et d’exploration, etc. Elle
début des années 1980. L’exemple de la La destitution de Laurent Gbagbo le totalisait 125 entreprises en 2009. Elle
Côte d’Ivoire le laisse présager. Alors 12 avril 2011 et l’arrivée au pouvoir du pourrait s’accroître dans une seconde
que ce pays n’était pas encore doté président Alassane Ouattara d’une phase sur 730 ha supplémentaires au
d’un régime de zone franche, celui-ci a part, et la levée des sanctions écono- profit d’industries légères en rapport
légiféré en la matière en 2004 au profit miques internationales d’autre part, avec l’exploitation pétrolière. Dans
d’une zone franche exclusivement sont cependant de nature à relancer une troisième phase, il est prévu
dédiée aux activités technologiques. sa dynamique à plus ou moins long d’accueillir sur 800 ha supplémen-
Baptisé « Village des Technologies de terme. taires (île d’Ikpokiri) des industries
l’Information, de la Communication lourdes spécialisées dans le traitement
et des Biotechnologies » (VITIB), ce Finalement, le seul exemple tangible du gaz et du pétrole.
parc d’activités – qui ne reprend pas de zone franche spécialisée d’un point
volontairement dans son nom le terme de vue sectoriel dans la sous-région
même de « zone franche », jugé sans est celui de la Onne Oil & Gas Free
doute moins porteur d’un point de vue Zone, implantée au Nigeria depuis
marketing – se situe à l’est d’Abidjan, 1997 dans l’État du Cross River, sur
à Grand-Bassam. L’assemblage de la Bonny River, à 21 km de Port-
produits informatiques y était même Harcourt (le centre pétrolier du pays)

5 Quatre études de cas représentatifs :


Ghana, Nigeria, Sénégal et Togo

L’ analyse comparat ive des


retombées économiques menée
dans le cadre de l’Atlas mondial des
locales (infrastructures de transport
et de télécommunications, services
publics, niveau de qualification de la
des zones les plus prometteuses au
monde, et ce sur un total de 700 zones
franches investiguées. Le nombre
zones franches montre que celles-ci main-d’œuvre, etc.). d’emplois industriels y est désormais
sont surtout importantes dans le plus important en zone franche (plus
cas des pays émergents asiatiques, Aussi, faute d’être des moteurs décisifs de 8 000 personnes en 2010) qu’en
d’Europe orientale et d’Amérique pour le développement de ces pays, dehors.
latine à un degré moindre. Ces les régimes de zones
dernières sont en effet les régions, dans franches ouest-africains
lesquelles les zones franches ont joué apparaissent davantage L’analyse comparative des retombées
leur rôle de levier du développement, comme des éléments économiques montre que celles-ci sont
notamment en termes d’emplois d’une stratégie de dévelop- surtout importantes dans le cas des pays
et d’exportations. Inversement, les pement plus générale qui émergents asiatiques, d’Europe orientale et
résultats les moins probants à l’échelle se cherche encore. d’Amérique latine à un degré moindre.
mondiale sont enregistrés dans les
pays les moins avancés, ou PMA Pour autant, les résultats
(à l’exception de Madagascar et du enregistrés par les zones franches
Bangladesh). Or, l’Afrique de l’Ouest ouest-africaines ne sont pas négli-
compte de nombreux PMA et l’absence geables. Au Togo, par exemple, pays qui
de visibilité à moyen et long terme, a pourtant pâti durant de nombreuses
tout comme les situations politiques et années de l’absence d’aides de la part
géopolitiques régionales complexes ne de la communauté internationale, le
constituent pas des facteurs favorables régime de zone franche a su progres-
à l’essor de zones franches. Ces sivement s’étoffer. Dans une édition
dernières souffrent aussi de la faiblesse récente, le Foreign Direct Investment
industrielle des pays d’accueil, de l’éloi- (FDI) magazine (groupe Financial
gnement géographique des principaux Times), consacré aux Global Free
marchés de consommation, mais aussi Zones of the Future (juin – juillet 2010),
de la médiocrité des externalités a classé ce petit pays au 18ème rang

© Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 11
B ien qu’ayant légiféré plus tardi-
vement que les autres pays ouest-
africains en matière de zones franches
Ghana
Les avantages octroyées aux entre-
prises agréées par le GFZB sont très
classiques, avec notamment l’exoné-
(Free Zone Act 504 / 31 August 1995), ration complète des droits de douane
le Ghana a depuis largement rattrapé à l’import et à l’export, l’exonération
son retard. Dans un premier temps, de la TVA, et enfin l’absence d’impôts
l’accent était mis sur les deux sur les bénéfices des sociétés pour
principaux ports du pays alors érigés une durée de 10 ans (8 % après). En
en ports francs : Tema (situé à 28,5 km revanche, la législation ne prévoit pas
à l’est d’Accra) et Takoradi (à 228 km voir Carte 3, page 18 de tarifs préférentiels pour l’eau, l’élec-
à l’ouest de la capitale), auxquels il tricité, les télécommunications, etc.
convient d’adjoindre la zone franche
commerciale aéroportuaire de Kotoka. Même si le pays jouit d’une bonne
Ces ports francs ont su capter à leur image à l’échelle de l’Afrique de
profit une partie des trafics maritimes l’Ouest, et auprès des
ayant délaissé Abidjan, suite à la bailleurs de fonds
guerre civile ivoirienne déclenchée en Même si le pays jouit d’une bonne image à internationaux, en
2002, mais ils ont aussi su s’affirmer l’échelle de l’Afrique de l’Ouest, les zones raison de sa stabilité
comme des exutoires efficaces pour franches d’exportation (EPZ) doivent pour politique retrouvée
les matières premières exportées par le moment se contenter d’un succès encore (Il est à noter que
les pays enclavés (Burkina Faso, Mali modeste. le pays a connu sa
et Niger). Ils sont donc en concurrence première alternance
directe avec le port franc de Lomé du politique en 2000) et
Togo. de sa gestion prudente et efficace,
les EPZ doivent pour le moment se
Opérationnelles depuis 1999, les contenter d’un succès encore modeste.
quatre zones franches industrielles Environ 130 entreprises sont enregis-
(Export Processing Zones trées dans ce cadre en 2010.
ou EPZ) que compte le pays Elles employaient 6  227
en 2011 sont gérées par des LE Ghana personnes en 2005, dernier
sociétés privées, placées chiffre communiqué officiel-
sous la tutelle du Ghana Population 24,3 millions d’habitants lement (qui était de 9 857 en
Free Zone Board (GFZB). Surface 239 533 km² 2004) et exportaient pour
Elles ont été logiquement 457 millions de dollars US.
Catégorie de la pays à revenu
implantées à Tema (480 ha) et Cep enda nt , ce sont
Banque mondiale intermédiaire de rang
à Takoradi (2 EPZ à Segondi surtout quelques grosses
inférieur (2011)
et Shama), mais aussi près de entreprises qui réalisent
PIB (2010, PPA) USD 37 135 millions
Kumasi (pays Ashanti), près l’essentiel des exporta-
de l’Université des sciences PIB par habitant (PPA) USD 1 526 tions et de l’embauche,
et technologies de Kwame Croissance annuelle 4,7 % notamment dans la trans-
Nkrumah. La loi de 1995 (2009) formation agroalimentaire
prévoit enfin un statut de Croissance moyenne 5,9 % (conditionnement du thon et
point franc (Single Factory (2002 – 2010) des fruits ; liqueur et poudre
Enterprise) qui a rencontré Entrées d’IDE (2009) USD 1 685 millions de cacao ; etc.) et l’industrie
d’emblée un intérêt certain, manufacturière (emballage
APD reçue (tous USD 1 583 millions
compte tenu du fait que les mé t a l l iq ue, meu ble s ,
donneurs, 2009) = 4,26 % du PIB
EPZ n’étaient pas encore médicaments, etc.).
= USD 64,89 par hab.
sorties de terre (150 entre-
prises environ). Envois de fonds (2009) USD 114 millions
= 0,7 % du PIB
= USD 4,7 par hab.
« Doing Business Index » 63 sur 183 pays
de la Banque mondiale (2011)
Indice de perception de 62 sur 178 pays
la corruption (2010)
Indice Ibrahim de la 7 sur 53 pays
gouvernance africaine (2011)
Rang, Indice du 135 sur 187 pays
développement humain (2011)

12 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
L’ économie agricole et exportatrice
nigériane a été profondément
transformée à la fin des années 1950,
Nigeria
à la location. Cette zone rencontre
cependant des difficultés à se remplir.
Les 22 entreprises recensées en 2011
suite à la découverte d’immenses étaient actives dans le textile, la trans-
gisements de pétrole. Il s’agit du formation du bois et des produits
treizième producteur mondial en 2010. agricoles (cacao, huile de palme,
Le Nigeria souffre désormais de sa etc.), le matériel médical, ou encore le
structure économique très déséqui- plastique. Située dans le nord du pays,
librée, archi-dominée par le secteur la Kano Free Trade Zone est ouverte
des hydrocarbures dont il est devenu voir Carte 4, page 18 depuis peu.
presque mono-exportateur (95 % de
ses exportations). Centrée sur les Certains États de la Fédération se
activités de substitution d’impor- sont également emparés de la loi sur
tations, son industrie manufactu- les zones franches pour développer
rière (3 % du PIB) exporte fort peu leurs propres programmes. Ainsi
ses productions. Les IDE boudent en va-t-il de l’État du
le secteur productif, notamment en Certains États de la Fédération développent Jigawa au nord, où la
raison de la corruption institution- leurs propres zones franches. Maigatari FTZ est déjà
nalisée, de l’insécurité chronique ou opérat ion nel le. Les
encore du délabrement des infrastruc- autres zones franches
tures. C’est précisément pour diver- sont en construction :
sifier l’activité productive à l’export Olokola FTZ, associant les États de
que fut promulguée en 1991 la loi Ondo et d’Ogun au sud-ouest dans
instituant les zones franches (9 opéra- une joint-venture ; Living­spring FTZ
tionnelles en 2011, dont la Onne Oil à Osongbo. La Lekki FTZ (16 500 ha),
& Gas Free Zone présentée plus située à 65 km de Lagos, associe dans
haut, auxquelles s’ajoutent 10 zones un projet très ambitieux l’État fédéral,
franches en construction et l’État de Lagos et des parte-
3 projets). naires chinois (30 0  000
le Nigeria emplois espérés à terme , voir
L’État fédéral a pour sa Enjeux ouest africains no 5 :
part institué trois Free Population 158,3 millions d’habitants La Chine et le Nigeria, une
Trade Zones publiques. Surface 924 768 km² puissante alliance Sud-Sud).
La première est implantée Signalons enfin que la loi
Catégorie de la pays à revenu
depuis 1992 dans l’un des nigériane autorise depuis
Banque mondiale intermédiaire de rang
ports les plus grands du 1996 le déploiement de points
inférieur (2011)
pays, celui de Calabar, situé francs (Export Processing
PIB (2010, PPA) USD 384 084 millions
à l’est (État du Cross River). Factories) sur tout le terri-
Elle s’étend sur 152 ha et PIB par habitant (PPA) USD 2 427 toire national, mais sans
paraît être relativement bien Croissance annuelle 7 % que cette disposition n’ait
dotée en infrastructures, y (2009) rencontré encore un grand
compris en locaux offerts Croissance moyenne 9,1 % succès.
(2002 – 2010)
Entrées d’IDE (2009) USD 5 851 millions
APD reçue (tous USD 1 659 millions
donneurs, 2009) = 0,43 % du PIB
= USD 10,47 par hab.
Envois de fonds (2009) USD 9 585 millions
= 5,6 % du PIB
= USD 60,5 par hab.
« Doing Business Index » 133 sur 183 pays
de la Banque mondiale (2011)
Indice de perception de 134 sur 178 pays
la corruption (2010)
Indice Ibrahim de la 41 sur 52 pays
gouvernance africaine (2011)
Rang, Indice du 156 sur 187 pays
développement humain (2011)

© Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 13
D oté plus précocement que tous les
autres pays d’Afrique subsaha-
rienne d’un régime de zone franche (loi
Sénégal
d’entreprises de la pêche et de la
conserverie, jusque-là non éligibles en
zone franche en raison de leur locali-
n° 74-06 du 22 avril 1974), le Sénégal a sation portuaire, ainsi qu’à quelques
néanmoins raté la vague des déloca- autres industries (textile, phosphates,
lisations industrielles des années contreplaqué) qui ont employé
1970-1980 en provenance d’Europe jusqu’à 3 813 permanents en 1998
occidentale. Son unique zone franche, (environ 1 400 actuellement et 2 500
implantée sur 650 ha à Mbao (15 km journaliers). Mais au lieu d’attirer de
de Dakar) apparaît même comme voir Carte 5, page 18 nouveaux arrivants, ces points francs
l’archétype de l’échec en la matière, ont profité essentiellement à des entre-
notamment par rapport aux ambitions prises déjà installées qui cherchaient à
initiales, aux investissements consentis se soustraire à la fiscalité en changeant
et aux nombreux efforts promo- simplement de statut.
tionnels. Au total, celle-ci n’a attiré
qu’une petite quinzaine d’entreprises Face à ces résultats décevants, les
(dont une seule délocalisation, dans le autorités sénégalaises ont cherché
domaine de la chaussure pour enfants), une porte de sortie convenable à
qui emploient au mieux 900 salariés l’occasion de la révision du régime de
permanents. De surcroît, les activités la ZFID. Depuis 1995, aucun nouveau
menées ne présentent qu’une très point franc n’est autorisé, tandis
faible valeur ajoutée  : chaussure, que depuis 1996, aucune entreprise
cheveux synthétiques, condition- ne peut s’implanter dans la ZFID.
nement du sucre, cuir, piles sèches, En revanche, les 14 entreprises déjà
pneus pour cycles, etc. Ce cas d’école présentes à Mbao ont vu proroger
témoigne à l’évidence de la difficulté à leurs avantages jusqu’en 2016. Depuis
transposer un outil du développement 1996 (décret n° 96-869), les entreprises
ayant fait ses preuves ailleurs exportatrices (80 % au moins
dans un tout autre contexte de leur chiffre d’affaires)
socio-économique. Le Sénégal peuvent néa n moi ns
bénéficier du statut d’Entre-
La Zone franche industrielle Population 12,9 millions d’habitants prises Franches d’Expor-
de Dakar (ZFID) a surtout Surface 197 530 km² tation (EFE) qui prévoit une
pâti de sa sur-adminis- imposition sur les sociétés de
Catégorie de la pays à revenu
tration : bureaucratisation 15 % (contre 25 % en régime
Banque mondiale intermédiaire de rang
excessive (douanes en commun) pendant 25 ans et
inférieur (2011)
particulier), méfiance des renouvelable, de même que
PIB (2010, PPA) USD 22 009 millions
administrations vis-à-vis de de la franchise de douane
son statut dérogatoire, délais PIB par habitant (PPA) USD 1 711 à l’import et à l’export.
d’obtention des agréments Croissance annuelle 2,2 % Environ 180 entreprises
démesurément longs, légis- (2009) étaient concernées en 2008),
lation rigide du travail, etc. Croissance moyenne 3,9 % soit environ 8 000 employés.
Son insuffisante compéti- (2002 – 2010)
tivité et son déficit d’image Entrées d’IDE (2009) USD 208 millions Appuyé par les Emirats
ont fait le reste : coût de la Arabes Unis, le gouver-
APD reçue (tous USD 1 018 millions
main-d’œuvre relativement nement sénégalais rêve
donneurs) = 4,62 % du PIB
élevé par rapport à d’autres encore de se doter d’une
= USD 81,87 par hab.
destinations, port peu grande zone franche à la
efficace, coûts des facteurs Envois de fonds (2009) USD 1 191 millions mesure de ses ambitions,
élevés (électricité, eau, trans- = 9,1 % du PIB c’est-à-dire de portée inter-
ports, etc.), image peu indus- = USD 95,78 par hab. nationale. En 2007, une loi
trielle de sa main-d’œuvre, « Doing Business Index » 154 sur 183 pays donnant naissance à une
etc. de la Banque mondiale (2011) Zone économique spéciale
Indice de perception de 105 sur 178 pays (ZES) de 10 000 ha a été
En 1986, les pouvoirs publics la corruption (2010) votée à cet effet. Le projet,
ont réagi en instaurant des Indice Ibrahim de la 15 sur 53 pays qui bénéficiait de l’ingé-
points francs dotés des gouvernance africaine (2011) nierie de la Jebel Ali Free
mêmes avantages fiscaux Zone Authority de Dubaï,
Rang, Indice du 155 sur 187 pays
et douaniers. Cette dispo- devait représenter un inves-
développement humain (2011)
sition bénéficia à une dizaine tissement de 800 millions de

14 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
dollars (400 milliards de F CFA). A la rable, dont l’appel d’offre international
fois zone franche commer- (portant sur la connectivité et l’assai-
ciale et industrielle, cette nissement des terrains situés près de
ZES devait employer Doté plus précocement que tous les Diass, à proximité du nouvel Aéroport
40  000 personnes dès autres pays d’Afrique subsaharienne d’un international Blaise Diagne, à 45 km
la ci nq u ième an née régime de zone franche, le Sénégal a de Dakar) a seulement été lancé en
(100 000 emplois indirects) néanmoins raté la vague des délocalisations juin 2011. Des investisseurs chinois
et générer selon les prévi- industrielles des années 1970-1980 en ont également été contactés pour les
sions 100  000 emplois provenance d’Europe occidentale. questions commerciales. Démesuré
directs dans 1 000 entre- dans sa conception et encore bien
prises au bout de 20 ans. vague dans ses objectifs, ce projet de
La crise mondiale de 2008–2009 a ZES présente déjà bien des attributs
cependant ralenti ce projet considé- propres aux éléphants blancs.

© Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 15
D ès sa promulgation (Loi 89-14 du
18 septembre 1989), le régime
de zone franche togolais a suscité
Togo
Les secteurs d’activité représentés
sont très divers, caractéristiques
des petits pays en voie de dévelop-
de grands espoirs (le chef de l’État, pement qui peinent à diversifier leur
le général Gnassingbé Eyadema, économie : cheveux artificiels (deux
n’avait-il pas annoncé publiquement sociétés coréennes exportant vers
en 1990 un objectif de 100 000 emplois toute l’Afrique de l’Ouest), assemblage
à terme ?), nourris par l’appui confiant de motocyclettes (à partir de pièces
de plusieurs partenaires multila- détachées importées depuis la Chine),
téraux (ONUDI ; Banque mondiale) voir Carte 3, page 18 épices et aromates (pour le marché
et bilatéraux (OPIC  ; USAID). La européen), transformation de fruits
mise en œuvre de ce régime de zone exotiques, culture de plantes ornemen-
franche a cependant coïncidé avec des tales, ciment, etc. Les entreprises
troubles politiques graves (octobre agréées sont exonérées de l’impôt sur
1990 / mars 1991) ayant entraîné la les sociétés pendant les dix premières
désaffection immédiate des inves- années de leur existence. Passé ce
tisseurs étrangers intéressés, qui se terme, l’impôt sue les sociétés est
dirigèrent vers d’autres destinations. plafonné au taux de 15 % (contre 37 %
La crise économique et financière qui en régime commun pour les entre-
s’ensuivit porta un coup majeur – mais prises industrielles et 40 % pour les
non fatal – à son démarrage. Malgré autres types d’activité). L’attractivité
ce contexte défavorable, un certain de cette disposition se vérifie à l’usage.
nombre d’entreprises locales et étran- En effet, aucune entreprise ayant
gères ont néanmoins développé leurs déjà dépassé le seuil des dix années
activités dans ce cadre. d’exemption n’a cherché à quitter le
Togo pour se relocaliser ailleurs.
Les autorités togolaises ont décliné le
concept de zone franche sous toutes En 2011, 57 entreprises franches, dont
ses formes possibles afin 28 % à capitaux togolais et
de maximiser l’attractivité 20 % à capitaux français,
du pays. Les entreprises LE Togo étaient en activité et une
peuvent en effet s’implanter trentaine étaient en cours
soit dans le cadre de zones Population 6,8 millions d’habitants d’installation dans des
franches com merciales Surface 57 385 km² domaines aussi variés que
portuaires ou aéropor- les lubrifiants, la production
Catégorie de la pays à faible
tuaires, soit dans celui de d’éthanol (50 000 ha de canne
Banque mondiale revenu (2011)
zones franches de transfor- à sucre et 2 400 emplois
PIB (2010, PPA) USD 6 289 millions
mation pour l’exportation prévus) pour le marché
(ZFTE), soit encore sous la PIB par habitant (PPA) USD 928 suédois, les parfums, les
forme de points francs. Croissance annuelle 3,2 % matériaux de construction,
(2009) les plastiques, etc. Mais 60 %
En 2011, le Togo possédait Croissance moyenne 2,5 % des entreprises en activité
quatre ZFTE : trois à Lomé (2002 –2010) ont cependant choisi la
(dont deux dans la zone Entrées d’IDE (2009) USD 50 millions formule des points francs
portuaire et industrielle et (principalement disséminés
APD reçue (tous USD 499 millions
un de 107 ha dans l’enceinte dans l’agglomération de
donneurs, 2009) = 7,93 % du PIB
de l’aéroport international) Lomé) pour leur implan-
= USD 82,78 par hab.
et une à Kara (35 ha), dans tation. La zone franche
le nord, sur l’axe majeur Envois de fonds (2009) USD 307 millions aéroportuaire et celle de
qui relie Lomé au Burkina = 10,3 % du PIB Kara n’accueillaient encore
Faso. Les ZFTE portuaires = USD 50,92 par hab. chacune qu’une seule entre-
couvrent respectivement « Doing Business Index » 162 sur 183 pays prise.
35 ha (quatre parkings de de la Banque mondiale (2011)
128 287 m 2 au total, destinés Indice de perception de 134 sur 178 pays En dépit d’un contexte macro-
à stocker les véhicules en la corruption (2010) économique médiocre, les
provenance d’Europe et en Indice Ibrahim de la 35 sur 53 pays créations d’emplois ont été
attente de réexportation) gouvernance africaine (2011) assez régulières, surtout à
et 72 ha (dont 21 ha restent partir de 1994, et s’élèvent à
Rang, Indice du 162 sur 187 pays
encore vacants). environ 8 000 emplois perma-
développement humain (2011)
nents vers la fin de l’année

16 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
2010. Ce chiffre représente la moitié représentants de la Société d’Adminis-
des emplois du secteur secondaire tration des Zones Franches (SAZOF).
togolais, majoritairement masculins.
Leur progression à moyen terme est S’il y a, sur ce point, peu à attendre
néanmoins possible, principalement des entreprises originaires des pays
pour deux raisons : le Togo est éligible industrialisés, essentiellement attirées
depuis avril 2008 à l’African Growth par les pays émergents, les Autorités
and Opportunit y Act togolaises, elles orienteront sans
(AGOA), ce qui lui ouvre doute plus largement leurs efforts de
de fait le marché des États- Les autorités togolaises ont décliné le prospection auprès des entreprises
Unis ; la reprise concomi- concept de zone franche sous toutes originaires des pays émergents,
tante des décaissements ses formes possibles afin de maximiser davantage attirées par les marchés
du FMI devrait contribuer l’attractivité du pays. de consommation des pays les plus
à la relance économique pauvres, pour lesquels les transferts
du Togo et redonner de technologie sont beaucoup plus
confiance aux investisseurs poten- aisés.
tiels. Rappelons que 12 000  emplois
sont attendus d’ici la fin 2012 par les

© Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 17
2°O 0°
N Carte 3

Cartographie : J. Robert, F. Bost, Université Paris Ouest Nanterre 2011


BURKINA FASO 100 km Zones franches
au Ghana et au Togo
Voltnache
bla
10°N
Kara
Tamale

BÉNIN
CÔTE
V
D’IVOIRE noolta TOGO
ire

GHANA

Kumassi
Semé-
Lomé Kraké
6° Ada Keta
Accra Tema Océan Atlantique

Cape Coast Zone franche


Half-Assini Sekondi-Takoradi Port franc
Territoire éligible aux
entreprises franches

Carte 4 - Zones franches au Ghana et dans les pays voisins

4°E 12°E Carte 4


NIGER Zones franches
au Nigeria
Maigateri Banki
Kano 4°N

BÉNIN Kaduna

Abuja
CAMEROUN
8°N
Osogbo
N
Ibadan 100 km

Zone franche instituée


Lagos par l’État fédéral
Zone franche
Projet de zone franche

Océan Onne Calabar Port franc


Territoire éligible
Atlantique aux points francs
Cartographie : J. Robert, F. Bost, Principaux gisements
Université Paris Ouest Nanterre 2011 pétroliers

Carte 5 - Zones franches au Nigeria

vers Nouakchott MAURITANIE Zone franche industrielle Carte 5


Port franc Zones franches au
Territoire éligible depuis
1995 aux Entreprises Sénégal et en Gambie
16°N Franches d’Exportation (EFE)
St-Louis
Cartographie : J. Robert,
F. Bost, Université Paris
Ouest Nanterre 2011
SÉNÉGAL
Thiès
Dakar MALI
Kaolack
14°N vers
Bamako
Banjul GAMBIE

Ziguinghor
N
50 km
14°E

Carte 6 - Zones franches au Sénégal et en Gambie

18 Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 © Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE)
Perspectives

L es zones franches ouest-africaines


n’ont obtenu pour le moment que
des résultats modestes. Ils ne sont pas
ajoutée finira par se poser un jour.
Si bien que certains pays d’Afrique
subsaharienne, et d’Afrique de l’Ouest
négligeables cependant. Les emplois en particulier, pourraient sans doute
créés en leur sein ne l’auraient d’ail- se positionner comme territoires
leurs sans doute jamais été si elles d’accueil, à condition que l’environ-
n’avaient pas été présentes. Mais nement des affaires s’améliore encore,
elles présentent deux principaux que la carte de la spécialisation secto-
points faibles. D’une part, elles n’ont rielle soit davantage affirmée, et
tout d’abord pas attiré les déloca- surtout que ces activités bénéficient
lisations d’activités en provenance d’un niveau de protection douanier
des pays développés en raison de la a minima afin de pouvoir
faible compétitivité des économies se développer. Dans
en question. D’autre part, elles n’ont l’état actuel des choses, Les zones franches ouest-africaines
pas encore su convaincre les inves- il leur est impossible de n’ont obtenu pour le moment que des
tisseurs et les entrepreneurs locaux prétendre concurrencer résultats modestes, mais non
qui auraient pu se substituer à cette les pays asiatiques, tout négligeables cependant.
déficience et amorcer une dynamique particulièrement la Chine,
favorable. Ceux-ci paraissent plus qui mettent déjà en grande
intéressés par les activités tradition- difficulté les entreprises manufactu-
nelles de rente liées à l’import–export rières présentes en Afrique par leurs
et aux matières premières, dont la exportations bénéficiant de fortes
rentabilité et le retour sur investisse- économies d’échelle et d’un gigan-
ments sont plus immédiats. tesque réservoir de main-d’œuvre très
bon marché.
On aurait tort néanmoins de comparer
ces zones franches ouest-africaines Relativement modestes dans leurs
avec leurs homologues asiatiques. ambitions, les zones franches ouest-
Ces dernières sont en effet d’un tout africaines n’ont pas vocation à
autre univers, car elles ont bénéficié devenir des plaques tournantes de
d’un contexte tout à fait exceptionnel l’économie mondiale. En revanche,
et bénéfique à leur épanouissement : elles pourraient jouer un rôle signifi-
On peut citer le rôle de la diaspora catif à plus ou moins long terme dans
chinoise ; l’appui considérable dans l’approvisionnement de l’immense
le contexte de la Guerre froide des marché régional – comme en témoigne
États-Unis et du Japon, qui ont très clairement le projet de ZES au
ouvert massivement leurs marchés de Sénégal, ou encore celui de la Lekki
consommation aux produits en prove- FTZ au Nigeria. Or le marché reste
nance des zones franches asiatiques ; la encore marqué par la faiblesse des flux
spécialisation remarquable dans l’élec- commerciaux d’origine régionale qui
tronique ; le niveau de formation de la constituent 10 % des flux en moyenne.
main-d’œuvre plus élevé ; la division La très récente « redécouverte » par les
régionale du travail particulièrement milieux des affaires occidentaux et
efficace ; les politiques de dévelop- des pays émergents des potentialités
pement précocement tournées vers de ces marchés régionaux africains,
l’exportation de produits manufac- relayées par les médias spécialisés et
turés ; le volontarisme exceptionnel estimées à 320 millions de consom-
des États, des investisseurs et des mateurs en Afrique de l’Ouest, est
entrepreneurs locaux ; etc. de bon augure en raison de niveaux
de croissance soutenus et promet-
Mais rien ne dit que la situation teurs. Cela implique, cependant, que
observée en Afrique de l’Ouest est les pays ouest-africains renouent
irrémédiablement figée. Compte tenu avec des politiques publiques de
de l’évolution très rapide des niveaux développement résolument tournées
de salaires à la hausse en Asie orientale vers l’industrialisation, en remettant
et dans tous les pays émergents, la notamment d’actualité la stratégie de
question de la relocalisation à l’échelle substitution d’importations, mais en
mondiale des activités à faible valeur la configurant à une échelle régionale.

© Secrétariat du Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO/OCDE) Enjeux Ouest-Africains / N°04, Novembre 2011 19
En savoir Plus
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193, 4 p.
Barbier Jean-Pierre (1990). Zones franches industrielles d’exportation : solution ou illusion ?
Afrique contemporaine, n° 153, p. 72–80.
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dynamiques d’une ville africaine (dir. Philippe Gervais-Lambony et Gabriel Kwami
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Iguë J., L’Afrique de l’Ouest dans la compétition mondiale. Quels atouts possibles ? Secrétariat
du CSAO/OCDE , Paris, Karthala, p. 369–396.
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Français du Commerce Extérieur, 274 p.
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www.dial.prd.fr/dial_publications/PDF/Doc_travail/2001-17.pdf.
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Johanson Helena (1994). The Economics of Export Processing Zones Revisited. Development
Policy Review, Vol. 12, p. 387–402.
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Washington, World Bank, Policy Research Working Paper 2238, 108 p.
Schrank A. Export Processing Zones: Free Market Islands or Bridges to Structural
Transformation (2001). Development Policy Review, p. 223–242.
Watson Peter (2001). Zones franches industrielles : l’Afrique a-t-elle raté le train en marche ?
Banque mondiale, Working Paper, 17 p.

Liens et contacts utiles


Ghana Free Zones Board, E-Mail: freezone@africaonline.com.gh,
www.ghanaclassifieds.com/gfzb
Nigerian Export Processing Authority Zones, Email: info@nepza.org,
www.nepza.org
www.okftz.net
www.onnefreezone.com
Société d’Administration des Zones Franches (SAZOF),
Email: sazof@zonefranchetogo.tg
SAHEL AND
WEST AFRICA Club
Secretariat

Secrétariat du

Club DU SAHEL ET DE
L'AFRIQUE DE L'OUEST

Contact : bost.francois@wanadoo.fr Vos commentaires sont Adresse postale CSAO/OCDE


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