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Leishmaniose cutanée de
l’Ancien Monde
Christelle Weibel Galluzzo , Gilles Eperon , Anne Mauris ,
François Chappuis
Résumé
Cas clinique
Figure 1
Leishmaniose cutanée à Leishmania
major du coude droit avant traitement
Figure 2
Leishmaniose cutanée à Leishmania
major de la jambe gauche avant
traitement
Figure 3
Forme amastigote de leishmanie à
l’examen microscopique d’un grattage
d’une lésion
Introduction
La leishmaniose est causée par des protozoaires
hémoflagellés, Leishmania spp., dont les formes
amastigotes intracellulaires se retrouvent chez
l’humain et les promastigotes libres chez le vecteur.1
Figure 4
Répartition géographique de la
leishmaniose cutanée
(Source : Tropimed, reproduite avec l’autorisation
de Digimarc).
Tableau 1
Résumé des di!érentes espèces de
leishmanie de l’Ancien Monde et de leurs
principales caractéristiques
Figure 5
Cycle parasitaire de Leishmania spp
(Reproduite avec l’autorisation du CDC).
Présentation clinique
Le temps d’incubation est très variable, de sept jours à
plusieurs années, et la majorité des infections restent
asymptomatiques. Le spectre clinique est très large et
dépend des caractéristiques aussi bien de l’hôte que
du parasite. Pour L. major, on décrit un ulcère
«mouillé» aux bords surélevés, un exsudat à la base et
un écoulement purulent. Les lésions sont souvent
multiples, apparaissant rapidement (1-8 semaines)
après l’infection et grandissant vite pour atteindre
plusieurs centimètres de diamètre. La guérison
spontanée survient généralement après six mois mais
peut être plus longue. L’ulcère de L. tropica est dit
«sec» avec une croûte centrale et sans exsudat,
typiquement unique avec des petites lésions satellites.
L’incubation est plus longue (2 mois-2 ans) et la
croissance plus lente, avec un diamètre lésionnel
dépassant rarement 1-2 cm. La guérison spontanée se
fait elle aussi plus lentement, en moyenne après deux
ans. La Leishmania recidivans est une forme chronique
qui peut durer des années, caractérisée par une
cicatrice dont la périphérie est active et qui, non
traitée, évolue vers des lésions destructrices et
défigurantes. L’atteinte cutanée de L. infantum se
présente souvent comme une lésion nodulaire
indolente évoluant sur plusieurs années. Une lésion
solitaire, généralement au niveau de la face, pouvant
être accompagnée de papules satellites, est une
présentation classique de la leishmaniose à L.
aethiopica. L’évolution est chronique et
potentiellement marquée par l’apparition de nodules
ou plaques. Une forme cutanée di!use est également
retrouvée avec cette espèce. Leishmania infantum, L.
tropica et L. major peuvent être très rarement
associées à des formes muqueuses touchant la sphère
ORL chez des personnes âgées ou
immunosupprimées.
Diagnostic différentiel
Lors de lésions cutanées ulcérées, persistantes au
retour de voyage, plusieurs diagnostics peuvent être
évoqués. Une infection à germes cutanés «banals»
comme les streptocoques ou staphylocoques est
souvent évoquée en première ligne, comme dans le
cas décrit dans cet article, motivant généralement
l’instauration d’un traitement antibiotique. Il faut
également penser à la tuberculose cutanée, l’ulcère de
Buruli (Mycobacterium ulcerans), la lèpre
lépromateuse, la paracoccidioïdomycose (Amérique
centrale et du Sud) ou autre infection fongique, le
charbon (anthrax), la tularémie, ou encore la syphilis
tertiaire. Finalement, il faut penser à des causes non
infectieuses, notamment les carcinomes baso et
spinocellulaires, les lymphomes cutanés et la
sarcoïdose.4
Diagnostic
Le diagnostic est posé par la mise en évidence à
l’examen microscopique d’amastigotes
intramacrophagiques sur un prélèvement coloré au
Giemsa. Le matériel est prélevé par grattage des bords
de l’ulcère et étalement sur lame ou par biopsie. Le
diagnostic moléculaire par PCR sur le même matériel
augmente la sensibilité de la recherche et permet le
diagnostic d’espèce (Institut tropical et de santé
publique suisse à Bâle).1,2 La sérologie est positive
dans moins de 50% des cas de leishmaniose cutanée
et sa spécificité est variable.
Traitement
La guérison spontanée est habituelle mais lente
(plusieurs mois, rarement un an ou plus) et expose à
des complications infectieuses ou à des cicatrices
défigurantes. Les di!érences entre les espèces de
leishmanie et les caractéristiques immunogénétiques
variables des hôtes rendent di"cile un consensus
thérapeutique global pour la LCAM. De nombreuses
études ont été menées dans di!érents pays mais
celles de qualité et de taille su"santes sont rares. De
plus, aucun des traitements n’est dépourvu d’e!ets
secondaires ou de contraintes logistiques liées à son
administration. En 2010, l’OMS a réuni un comité
d’experts pour le contrôle de la leishmaniose et une
mise à jour des options thérapeutiques a été faite en
se basant notamment sur une revue Cochrane datant
de 2009 (tableau 2).2,5
Tableau 2
Résumé des options thérapeutiques de la
leishmaniose cutanée de l’Ancien Monde
* Des formulations de paromomycine 15%
potentiellement plus e"caces ont été récemment
évaluées.6 ** traitement de deuxième ligne (voir
texte).
Conclusion
Le diagnostic de LCAM doit être évoqué en cas de
lésions cutanées persistantes, ulcérées ou nodulaires,
au retour d’une zone d’endémie. Il se pose par examen
microscopique ou moléculaire (PCR) d’un
prélèvement de la lésion obtenu par grattage ou
biopsie. L’approche thérapeutique dépend de l’espèce
de leishmanie et de la présentation clinique. Bien que
d’évolution spontanément favorable, la LCAM est le
plus souvent traitée afin d’accélérer le processus de
guérison et d’éviter des complications à court ou long
terme (infections, cicatrices défigurantes ou
handicaps).
Implications pratiques
> La leishmaniose cutanée fait partie du
diagnostic di!érentiel de lésions cutanées
persistantes au retour de voyage
Auteurs
Christelle Weibel Galluzzo
Service de médecine tropicale et humanitaire
Département de médecine communautaire, de
premier recours et des urgences
HUG, 1211 Genève 14
christelle.weibel@hcuge.ch
Gilles Eperon
Service de médecine tropicale et humanitaire,
Département de médecine de premier recours,
Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
gilles.eperon@hcuge.ch
Anne Mauris
Laboratoire de parasitologie
François Chappuis
Unité de médecine des voyages et des migrations
Département de médecine communautaire Hôpitaux
universitaires
de
Genève 1211 Genève 14