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Droit d’organisation judiciaire

Royaume du Maroc
Partie 1 : les principes de base de l’organisation judiciaire

Chapitre1: les principes relatifs à l’administration de la justice

Section 1 : l’égalité devant la justice

Section 2 : la gratuité de la justice

Section 3 : l’impartialité du juge

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Section 4 : Le principe du double degré de juridiction

Ce principe représente une grande garantie des droits de la


défense, il permet aux plaideurs de soumettre leurs procès pour
un second examen à une juridiction de second degré. Dans ce
cadre l’article 18 de la loi sur la procédure civile dispose que les
tribunaux de première instance connaissent de toutes les affaires
civiles, les affaires de la famille, commerciales, administratives et
sociales, soit en premier et dernier ressort, soit à charge d’appel.
Aussi, l’article 19 de la même loi ajoute que « les tribunaux de
première instance connaissent :

-en premier ressort à charge d’appel devant les chambres d’appel


des tribunaux de première instance des demandes jusqu’à la
valeur de vingt mille(20000) dirhams.

-en premier ressort à charge d’appel devant les cours d’appel des
demandes d’une valeur supérieure à 20000 dirhams ».

Certes le principe du double degré de juridictions concerne, aussi,


les actions portées devant les juridictions spécialisées. D’une part
tous les jugements rendus par les tribunaux de commerce sont
susceptibles de recours en appel. Sous cet angle l’article 18 de la
loi 53-95 instituant des juridictions de commerce précise que «
l’appel des jugements du tribunal de commerce est formé dans un
délai de quinze jours courant à compter de la date de notification
du jugement, conformément aux dispositions prévues aux articles
134 à 141 du code de procédure civile, sous réserve des
dispositions du deuxième alinéa de l’article 8 de la présente loi.

En effet, le législateur a fait du double degré de juridiction un


principe devant les juridictions du royaume (les chambres d’appel
devant les tribunaux de première instance et les cours d’appel).
Certes ce principe ne connait d’exception que dans certains cas
bien déterminés par la loi vu la faible valeur du litige tel que le cas
de l’article 10 de la loi 42-10 portant organisation des juridictions
de proximité et fixant leur compétence qui limite la compétence
du juge de proximité aux actions personnelles et mobilières qui
n’excèdent pas la valeur de cinq mille dirhams. En l’occurrence
l’article 8 de la même loi ajoute que la partie lésée peut intenter
un recours en annulation du jugement devant le président du
tribunal de première instance.

D’autres atteintes sont portées à ce principe, il s’agit de divers cas


régis par la loi relative à la procédure civile tel que le cas de
l’article 144 qui octroie au tiers la possibilité d’intervenir pour la
première fois en appel, aussi l’obligation des juges d’appel à
évoquer le fond de la contestation(l’article 146 de la même loi).

Chapitre 2 : Le principe de la séparation des pouvoirs

Le principe de la séparation des pouvoirs est un principe


constitutionnel. Sous cet angle, La constitution marocaine de 2011
a précisé dans son article 107 que « le pouvoir judiciaire est
indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ».

En l’occurrence, ce principe signifie que le juge dans sa fonction


judiciaire ne saurait recevoir d’injonction ou instruction et ne doit
être soumis à aucune pression (l’article 107 de la constitution de
2011).Ainsi, à chaque fois qu’il estime que son indépendance est
menacée il doit saisir le conseil supérieur du pouvoir judiciaire
(l’article 104 de la loi organique 100-13). En revanche, tout
manquement de la part du juge à ses devoirs d’indépendance
constitue une faute professionnelle grave (l’article 96 de la loi
organique 106-13 portant statut des magistrats). De même qu’il ne
peutprendre directement ou indirectement aucune part à
l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre
l’exécution des lois vu qu’il est tenu d’appliquer la loi. Sur ce
dernier point, il convient de noter que le juge peut interpréter la
loi en cas de silence ou d’obscurité en usant de son pouvoir
discrétionnaire.

En plus, il est interdit au juge de se prononcer sur la


constitutionnalité de la loi ou d’un décret. A ce titre, l’article 25 de
la loi relative à la procédure civile dispose : « sauf dispositions
légales contraires, il est interdit aux juridictions de connaitre,
même accessoirement, de toutes demandes tendant à entraver
l’action de l’administration, de l’Etat ou autres collectivités
publiques, ou à faire annuler un de leurs actes.

Il est également interdit aux juridictions de se prononcer sur la


constitutionnalité d’une loi ». En fait, cette interdiction s’inspire
de l’article 133 de la constitution de 2011 qui donne compétence à
la cour constitutionnelle pour connaitre d’une compétence
d’inconstitutionnalité soulevée lors d’un procès, lorsqu’il est
soutenu par l’une des parties que la loi dont dépend l’issue du
litige, porte atteinte aux droits et libertés garantis par la
constitution.
De même, le juge ne doit pas s’ingérer dans les affaires de
l’administration. Aussi, il est à noter que les actes de
gouvernement et les relations interétatiques, par exemple,
bénéficient d’une véritable immunité parlementaire. Néanmoins,
la loi lui attribue, dans certains cas, de juger l’administration
entant que partie au litige, soit pour apprécier an acte
administratif, tel que le cas du »recours en annulation », soit pour
connaitre des » recours en indemnité » lorsque l’administration
est en cause. Ceci relève, bien évidemment, de la compétence des
juridictions administratives. Aussi, les juridictions ordinaires sont
compétentes pour juger l’administration lorsqu’elle agit entant
qu’une partie ordinaire soumise au droit commun. Par exemple,
lorsque l’administration agit entant que locataire d’un local.

Par ailleurs l’indépendance du pouvoir judiciaire découle


notamment de l’inamovibilité des magistrats de siège. Ces
magistrats sont nommés par dahir sur proposition du conseil
supérieur du pouvoir judiciaire (l’article 67-68 de la loi organique
100-13).Ce conseil présidé par le Roi, se composeselon l’article 6
de la loi organique n°100-13 relative au conseil supérieur du
pouvoir judiciaire et conformément à l’article 115 de la
constitution du 29 juillet 2011du « premier président de la cour
de cassation en qualité de président-délégué ; du procureur du roi
près la cour de cassation ; du président de la première chambre de
la cour de cassation ; de quatre représentantsélus, parmi eux, par
les magistrats des cours d’appel ; six représentantsélus, parmi eux,
par les magistrats des juridictions du premier degré ; une
représentation des magistrats doit être assurée, parmi les dix
membres élus, dans la proportion de de leur présence dans le
corps de la magistrature conformément des articles 23 et 45 de la
présente loi organique ; du médiateur ; du président du conseil
national des droits de l’homme et de cinq personnalité nommés
par le Roi, reconnues pour leur compétence, leur impartialité et
leur probité, ainsi que pour leur apport distingué en faveur de
l’indépendance de la justice et de la primauté du droit, dont un
membre est proposé par le secrétaire général du conseil supérieur
des ouléma.

Ainsi le conseil supérieur du pouvoir judiciaire propose au Roi les


nominations et il veille à l’application des garanties accordées aux
magistrats quant à leur avancement et à leur discipline.

Par ailleurs, il convient de signaler qu’avant 2011 il y avait


l’autorité judiciaire et non pas le pouvoir judiciaire. L’autorité
judiciaire était soumise au conseil supérieur de la magistrature qui
est actuellement remplacé par le conseil supérieur du pouvoir
judiciaire. Certes cette nouvelle appellation n’est pas anodine mais
elle reflète une véritableindépendance du pouvoir judiciaire par
rapport du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. En fait cette
indépendance se concrétise sur plusieurs points. Ainsi après la
promulgation de la loi organique 100 – 13 relative au conseil
supérieur du pouvoir judiciaire, ce sont les magistrats de siège et
ceux du parquet qui forment, donc, le pouvoir judiciaire lequel est
indépendant des pouvoirs exécutifs et législatif.

D’ailleurs le conseil supérieur du pouvoir judiciaire est présidé par


le Roi garant de cette indépendance(l’article 3 de la loi 100-13). Il
est désormais supplée par un présidentdélégué en la personne du
premier président de la cour de cassation et par le procureur
général du Roi près la cour de cassation. En conséquence, le
ministre de la justice qui empiétait sur l’autorité judiciaire a perdu
ses prérogatives dans ce cadre. Il était présidentdélégué délégué
au sein du conseil supérieur de la magistrature, il est désormais
totalement exclu du conseil supérieur du pouvoir
judiciaire.Néanmoins, il peut assister aux délibérations du conseil.

Aussi, il n’aura pas d’emprise sur la carrière des magistrats (leur


nomination, mise en retraite, avancements, détachements,
démission et discipline). Inversement au cas de l’ancien système Il
est désormaisdépossédé du titre du chef du parquet au profit du
procureur général du Roi près la cour de cassation(l’article 66 de la
loi organique 100-13 . en effet, le ministre de la justice perd ce qui
lui octroyait une sorte de tutelle sur les magistrats, puisqu’il
exerçait une tutelle indirecte sur les magistrats de siège à travers
la possibilité de statuer sur leur carrière, comme il exerçait une
tutelle directe sur les magistrats du parquet car il était leur chef.

Mais à part ces dévolutions, le ministre de la justice conserve la


possibilité d’élaborer des projets de loi qui constitue un pouvoir
considérable (l’article 78-92 de la constitution). Aussi, il existe des
lois qui ne peuvent entreren vigueur que si elles sont suivies par
des décrets d’application qui doivent être approuvés en conseil
des ministres après leur étude en conseil de gouvernement
(l’article 70 -73- 81 de la constitution marocaine de 2011). Dans le
même cadre, il convient de signaler que, parfois, le pouvoir
exécutif, représenté par le ministre de la justice, a recours à des
lois interprétatives ou à des lois de validation comme il peut
dénaturer la loi par le biais des instructions, circulaires ou notes de
services.

Par ailleurs, dans le cadre de la coordination entre le pouvoir


judiciaire et le pouvoir exécutif une instance commune entre le
conseilsupérieur du pouvoir judiciaire et le ministère de la justice
sera créée dans le domaine de l’administration judiciaire sous la
supervision conjointe du présidentdélégué du conseil supérieur du
pouvoir judiciaire et le ministre de la justice – chacun selon ses
compétences et dans la limite de l’indépendance du pouvoir
judiciaire.

Désormais, le conseil supérieur du pouvoir judiciaire constitue une


entité autonome qui jouit de la personnalité morale et de
l’autonomie financière. Il jouit d’un budgetspécial et les comptes
affectés à son fonctionnement sont inscrits dans le budget général
de l’Etat et seront annuellement fixés dans la loi des finances.

En outre, le conseil supérieur de la magistrature dispose des


ressources humaines et matériellesnécessaires et d’un siège situé
à Rabat. Il sera mis en place un secrétariatgénéral constitué des
magistrats, fonctionnaires et techniciens désignés conformément
à un règlementintérieur spécial conformément aux dispositions de
l’article 71 de la loi organique 100-13. Aussi, le conseilsupérieur du
pouvoir judiciaire pourra selon ses besoins conclure des contrats
avec des experts ou conseillers afin d’accomplir des
missionsspécifiques.

Chapitre 3 : L’unité ou la dualité de la juridiction

Après l’indépendance, le Maroc a mis fin à une pluralité de


juridictions qui coexistaient lors de la phase coloniale. Ainsi, la loi
du 26 janvier 1965 a unifié l’ordre judiciaire marocain. Apres la
mise en vigueur de cette loi, le tribunal de première instance, était
devenu compètent dans toutes les matières (civiles, pénales,
commerciales, familiales, sociales, immobilières, et
administratives) ; or cette unité de juridiction a été mise en cause
par la mise en place des juridictions spécialisées à savoir les
juridictions administratives et les juridictions de commerce.
Chapitre 4 : La formation collégiale et le juge unique

Avant la réformede 1974 les décisions de justice étaient rendues par


une formation collégiale, mais après la généralisation du système du
juge unique en première instance en 1974,il y a eu revirement vers la
collégialité qui prévalait avant 1974à travers la réforme de 1993 en
vertu du dahir portant loi n°1-93-205 fixant l’organisation judiciaire
du pays qui a fait de la collégialité un principe et du juge unique une
exception. Ce dahir a apporté des rectifications aux articles 2-4 du
dahir portant loi n°1-74-338 du 15 juillet 1974 ; Or la petite réforme
de 1993 n’a pas aboli totalement le système de l’unicité du juge
puisqu’il reste maintenu dans plusieurs cas, notamment :

- Les cas où les tribunaux du premier degré siègent en premier


et dernier ressort c’est-à-dire les litiges dont la valeur est
inférieur ou égale à 3000 dirhams.
- Les demandes tendant à déclarer judiciairement une
naissance ou un décès ou d’état civil.
- L’enquêtesuivie en matière d’accidents de travail et de
maladies professionnelles.
- La procédure de conciliation en matière d’accidents de
travail et de maladies professionnelles.
- Les affaires des mineurs.
- Les contraventions punies par une peine d’amende et dont la
compétence est attribuée aux tribunaux de première
instance par le code de procédure pénale.
En parallèle, la formation collégiale connait, désormais, les actions
suivantes :
-les actions du statut personnel et de successions à l’exception
de la pension alimentaire.
-les actions immobilières de droits réels et mixtes.
-les actions de conflit de travail.
-les délits sanctionnés par peine d’emprisonnement supérieur à
deux ans et dont la compétence est dévolue par le code de
procédure pénale au tribunal de première instance.
Ainsi, il convient de noter que l’article 4 du dahir de 1993 n’a pas
introduit de modifications importantes au niveau du rôle du
ministère public sur le plan pénal que sur le plan civil. D’ailleurs, la
présence du ministère public est toujours obligatoire à l’audience
pénale à peine de nullité de la procédure et du jugement. Au niveau
des autres matières et plus particulièrement en matière civile, sa
présence est facultative hormis le cas où il constitue partie principale
ou dans les cas précisés par la loi.
En 2003, le législateur marocain a établi la loi 15-03 pour retourner
vers le principe du juge unique. Un principe qui a été maintenu par la
loi 34-10 du 17 aout 2011 fixant l’organisation judiciaire du royaume
qui a précisé dans son article 4 que « sous réserve des dispositions
prévues par l’article 5 ci-après et les compétencesdévolues au
président du tribunal en vertu des textes particuliers, les tribunaux de
première instance, y compris ceux qui sont classés, siègent à juge
unique avec l’assistance d’un greffier, à l’exception des actions en
droits réels immobiliers et mixtes et des affaires de la famille et des
successions, hormis la pension alimentaire, sur lesquels il est statué
en présence de trois juges, y compris le président avec l’assistance
d’un greffier». Partant, d’après cet article il s’avère qu’il ya
revirement vers le système du juge unique. En parallèle, l’application
du système de la collégialité n’a lieu que dans les cas déterminés par
le même article.
Bien évidemment, l’application de chaque système représente des
avantages et des inconvénients :
-d’une part, le système du juge unique constitue un remède à la
lenteur de la justice, il réalise une meilleure efficacité de la justice
traditionnelle notamment en cas d’urgence et de référé, de même
qu’il permet de localiser facilement l’auteur du jugement et de
déterminer la responsabilité du juge. Cependant, l’application de ce
système nécessite non seulement des magistrats bien formés mais
aussi bien expérimentés et spécialisés. En plus, les procédures devant
le juge unique ne nécessitent pas l’assistance de l’avocat ce qui peut
nuire au droit de la défense des justiciables et aussi peut se
refléternégativement sur la qualité des jugements rendus, puisque le
juge se trouve en présence de plaideur souvent illettrés et ignorants
qui ne peuvent pas défendre leurs droits. Dans ce cadre, il ne
peutque statuer dans les limites fixées par les demandes des parties
conformément aux dispositions de l’article 3 de la loi relative à la
procédure civile.
D’autre part, le système de la collégialitéprésente des solutions aux
défaillances du système du juge unique. Certes, il garantit la qualité
de la justice en plus de la garantie de l’indépendance du magistrat à
l’égard de toute pression car chaque magistrat demeure sous le
contrôle des autres. En outre, il constitue un excellent moyen de
formation professionnelle des jeunes magistrats qui peuvent profiter
de l’expérience des plus anciens.

Partie 2 : les juridictions de l’ordre judiciaire

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