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Jérôme BEAUCHEZ
The sweet science of bruising, ou l’idée d’une « douce science » des coups, est
l’oxymore forgé au cours de la décennie 1810 par l’écrivain et journaliste sportif
Pierce Egan pour désigner à la fois la technicité de la boxe et sa rudesse. Abbott Joseph
Liebling, précurseur du « nouveau journalisme » et figure marquante du New Yorker,
a popularisé l’expression dans l’Amérique des années 1950 dont il a chroniqué avec
maestria le monde pugilistique, depuis la moiteur des gymnases jusqu’à l’éclat des
combats (Liebling, [1956] 2004). Tandis qu’elles donnaient corps aux personnages
qui peuplaient les scènes comme les coulisses des affrontements, les nouvelles jour-
nalistiques signées par A. J. Liebling n’ont pas manqué de faire des émules, à l’instar
des essayistes comme Thomas Hauser (1986), George Plimpton ([1977] 2003) ou
Robert Anasi (2002). Les deux derniers sont même allés jusqu’à s’engager dans
l’épreuve du ring afin d’en restituer une expérience charnelle. Cette proximité phy-
sique avec le combat, observé dans l’intimité des gymnases, a permis à ces auteurs
d’ouvrir une perspective sur le monde privé des boxeurs. Tout l’art de leur écriture
a dès lors consisté à faire apparaitre celui du pugilisme comme situé aux antipodes
de la brutalité dont l’affuble une certaine stéréotypie qui confine également les boxeurs
à leur violence supposée. D’où la « douce science » de leurs affrontements, établie
par les écrits d’A. J. Liebling comme une invitation à voir une certaine sophistication
au-delà des apparences les plus frustes.
Loin de constituer des exceptions, les essayistes précédemment cités ne sont jamais
que des incarnations de ce lien oxymorique qui réunit l’apparente brutalité de la boxe
et la « douce science » de ses coups ; une science aussi bien exprimée sur le ring que
1. Une telle définition implique toutefois l’exclusion des boxes dites « pieds-poings » (boxes
française, américaine ou thaïlandaise), lesquelles ne seront pas étudiées dans cet article.
Pour ce faire, nous proposerons une lecture chronologique qui, depuis l’entame
des années 1950 jusqu’à nos jours, permettra de suivre les actes d’une constitution
de la boxe en tant qu’objet sociologique. Alors que la question de la domination
demeure au principe d’une telle lecture, nous verrons qu’elle a été posée à l’inter-
section de la « classe » et de la « race » par les premiers sociologues qui se sont
intéressés à la condition de boxeur. Leur manière de dresser un portrait du pugiliste
type, dont l’épure sociologique se tient à une certaine distance de la pratique, contraste
tant avec l’historiographie qu’avec l’ethnographie du Noble art ; deux méthodes
d’investigation qui, au cours des trente dernières années, ont permis d’incarner
l’épreuve du ring en donnant un visage à ses combattants. Tandis que l’historiographie
a privilégié la figure du champion en tant qu’analyseur de la perception sociale de la
violence et des combats livrés par les ressortissants de différents groupes subalternes,
l’ethnographie a fait apparaitre le quotidien des boxeurs anonymes, dont elle a ouvert
la porte des gymnases. Si tous les ethnographes décrivent les liens entre engagement
sur les rings et subalternité des combattants, un certain clivage s’opère néanmoins
entre ceux qui font du sens pratique des pugilistes (i.e. l’acquisition de leurs habiletés
combattantes) un révélateur de leurs habitus d’hommes dominés, et ceux qui insistent
plutôt sur le sens de la pratique tel que le conçoivent les combattants. Dans cette
dernière perspective, ce sont les tentatives de contournement ou de résistance aux
dominations qui se trouvent placées au centre de la description. Reste à noter que les
dix dernières années ont vu se développer une ethnographie de la boxe centrée sur
la question du genre. Prenant acte d’un développement de la pratique féminine dans
ce sport originellement conçu comme un bastion de masculinité – les Anglo-Saxons
désignent bien la boxe comme le manly art (l’art viril) –, les chercheurs ont constitué
l’espace pugilistique en paradigme d’un arrangement des sexes où la domination
masculine se verrait peu à peu bousculée par l’exacerbation des féminités combat-
tantes. Au terme d’un tel parcours, il nous restera à conclure par une mise en pers-
pective de ces différentes approches de la domination dont l’expérience du ring révèle
les proximités, mais aussi les distances. Celles-ci tiennent moins aux matériaux empi-
riques mobilisés qu’à des divergences épistémologiques et à leurs lignes de force qui
excèdent le seul cas de la boxe ; un cas dont les sociologues ont entamé l’étude dans
l’un des lieux historiques de la sociologie comme de l’ethnographie urbaine : Chicago.
Cette leçon de phénoménologie aurait pu être entendue par Nathan Hare. Suite à
un doctorat en sociologie obtenu en 1962 à l’université de Chicago, cet intellectuel
africain-américain s’illustre sur la scène académique de son pays en devenant l’un
des fondateurs des black studies (un espace académique interdisciplinaire dédié aux
études historique, culturelle, politique et sociologique de la diaspora noire). À compter
de 1968, il gère le premier cursus de la spécialité qu’il crée à l’université d’État de
San Francisco. Accessoirement, le Dr. Hare est aussi un ancien pugiliste qui met fin
à sa carrière en 1967, après avoir disputé pas moins de trente-six combats dont les
derniers l’ont amené à un niveau professionnel fort honorable. Ainsi a-t-il, selon ses
propres dires, côtoyé des centaines de boxeurs au fil des années – depuis les combat-
tants les plus obscurs jusqu’aux princes et autres rois des rings tels que Bobby Foster
ou Mohamed Ali. Qui plus est, dans le même espace et à peu près en même temps
que S. K. Weinberg et H. Arond, il conduit, à Chicago, une étude sociologique de la
condition de pugiliste.
Fondée sur une connaissance intime des gymnases qu’il fréquentait au quotidien,
son enquête consiste également en l’analyse systématique des trajectoires de cin-
quante-huit boxeurs professionnels qu’il a interrogés de sorte à retracer leurs parcours
dans et en dehors des rings. L’échantillon regroupé par le pugiliste-enquêteur comptait
alors une large majorité de combattants noirs toujours en activité, ou retirés des
2. Pour une discussion de la sociologie éliassienne sur ce point, voir notamment Michel Wieviorka
et al. (1995, p. 230) ainsi que Randall Collins (2008, p. 319).
apparait bien moins dans le corps-à-corps que dans les tensions existentielles, les
stigmatisations et les épreuves de la domination auxquelles répond l’affrontement sur
le ring (Trimbur, 2011 ; Beauchez, 2014, p. 209-210 ; Scandurra, 2015). Plutôt qu’une
sociologie moralisante, c’est donc une sociologie de la morale pugilistique – indiquant
les valeurs et les significations que les boxeurs engagent dans leur pratique – qui aide
à bâtir une compréhension proche de l’expérience des combattants, axiologiquement
neutre et libérée de tout ethnocentrisme constitué en privilège absolu de l’analyste
sur l’analysé. Sans cette proximité avec les corps-sujets de l’enquête, la recherche se
réduit à l’observation préconstruite de corps-objets considérés a priori comme autant
d’incarnations d’une forme de violence, de domination ou de quelque autre concept
dont ils constituent autant d’exemplifications. Entre une historiographie plutôt
concernée par l’évolution de la pratique pugilistique, inscrite dans une succession de
contextes emblématisés par la figure de tel ou tel champion, et une sociologie du ring
en grande partie réservée à l’analyse impersonnelle du boxeur type – voire à l’exem-
plification de théories –, l’ethnographie a ainsi constitué une ressource nouvelle pour
comprendre le quotidien des boxeurs. Celui-ci a été expérimenté par les chercheurs
sur le mode d’une observation plus ou moins participante qui, dans tous les cas, a
renforcé les liens entre terrain et théorie.
Le premier d’entre ces ethnographes du Noble art fut John Sugden. En 1979, cet
anglais diplômé en sociologie et sciences politiques s’engage, aux États-Unis, dans
la préparation d’un doctorat qu’il soutient en 1984 à l’université du Connecticut.
Tandis que ses recherches visent à documenter l’expérience des boxeurs ordinaires,
l’enquêteur se rend pendant plus de deux ans au gymnase afin de ressentir la pulsation
de l’effort et s’approprier cette « subculture pugilistique » dont il observe le profond
enracinement dans les réalités quotidiennes du ghetto. Charter Oak, l’un des espaces
les plus délabrés de la ville d’Hartford, enserre dans sa dureté le Memorial Boxing
Club, où s’entraine une majorité de jeunes hommes noirs et hispaniques. Habitués à
la présence du chercheur, ils l’ont rebaptisé « Dr. John » ; un surnom qui désigne son
rattachement universitaire par le détour d’une allusion musicale3. Homme à tout faire
(odd-job man), il est chargé de la maintenance du matériel lorsqu’il n’est pas réqui-
sitionné pour prêter main-forte à l’entraineur. Sans nécessairement boxer lui-même,
J. Sugden assume d’autres rôles et fait donc partie intégrante de ces regulars qui,
chaque jour, constituent les rouages charnels d’une manufacture de la frappe où le
corps des boxeurs s’ouvrage dans une sorte d’effervescence continue4.
Tandis que l’expérience pugilistique de « Dr. John » au Memorial d’Hartford se
clôt en 1984, il faudra encore attendre trois années pour voir publiés quelques élé-
ments de son enquête, qui présente l’avantage de livrer un accès inédit sinon à
l’inconnu, tout du moins aux anonymes du Noble art dont la plume de l’ethnographe
tente de délier les secrets de formation (1987, repris dans Sugden, 1996, p. 56 sq.).
Mais alors qu’il s’efforce de dénouer les liens complexes qui se sont tissés entre
épreuves quotidiennes du ghetto et besoin d’importance sociale gagnée à la force des
poings, le chercheur peine à connecter son analyse aux rues de Charter Oak qu’il
fréquente peu, voire plus simplement aux biographies des boxeurs dont il ne propose
pas d’analyse. S’il reste, après quelques écrivains de talent, le premier sociologue à
emmener son lecteur dans les murs d’un gymnase, J. Sugden nous laisse pourtant au
seuil de l’intimité des combattants.
Il en sera de même, en dehors de Charter Oak, pour les autres enquêtes menées
par ce chercheur qui ne laisse pas d’investiguer le monde pugilistique en poursuivant
l’objectif d’une ethnographie multisituée dont les routes le conduisent de Belfast
(Irlande du Nord) à La Havane (Cuba). Réunies dans son ouvrage Boxing and Society
(1996), ces nouvelles investigations s’ajoutent aux descriptions du gymnase
d’Hartford et montrent le corps des boxeurs traversé par différents types de pouvoirs
politiques. À Belfast, il s’agit d’incorporer l’ensemble de la jeunesse irlandaise
– toutes confessions confondues – dans la moiteur du Holy Family Boxing Club, où
s’institue une forme de résistance aux divisions politico-cultuelles qui, dans toute
l’Irlande du Nord, tendent à opposer violemment catholiques et protestants. Quant à
La Havane, J. Sugden y montre le Trojo Gym, ce temple de l’amateurisme pugilistique
cubain où se joue le rituel quotidien d’une incarnation de la puissance quelque peu
surannée du régime castriste. Plus qu’ailleurs, l’ethnographe y demeurera à distance
d’une réalité des boxeurs que la censure et les agents gouvernementaux prennent bien
soin de filtrer.
Quoi qu’il en soit, ces trois sites étasunien, irlandais et cubain constituent le cœur
d’une ethnographie des pugilistes qui, depuis la variété des contextes, permet de
dégager l’invariance d’une question posée par les subalternes aux différentes logiques
de la domination. Car si la boxe reste une pratique de dominés, les plus décidés
d’entre ses combattants ne manquent pas d’opposer toute la force de leur vie nue à
leurs destins préjudiciés. Fût-elle dérisoire, cette force est alors exhibée et parfois
vendue par ceux qui, loin de la dureté qui a façonné les boxeurs, contrôlent le
commerce de leurs combats. Spéculant sur la chair, les managers et les promoteurs
se servent ainsi des aspirations comme de la volonté des pugilistes sans pour autant
partager leurs conditions d’existence. Aussi J. Sugden conclut-il toujours à cette
exploitation du désavantage qu’il a d’abord observée à Hartford. L’ethnographe
anglais confirme, par l’engagement direct de son enquête, l’intuition plus distanciée
de la romancière Joyce Carol Oates qui, avec toute l’irrévérence de son audace lit-
téraire, n’a pas hésité à rapprocher marchandisation du corps pugilistique et prosti-
tution ([1987] 2012, p. 33). D’une rencontre des corps à l’autre, une même expérience
sociale-structurelle de la domination produirait cette réduction de l’existence à une
marchandise qui, selon ses formes, s’accorde aussi bien au féminin qu’au masculin.
De la même manière, J. C. Oates remarque cette étreinte des hommes que la boxe
met en scène dans le désir à la fois disputé et partagé de la victoire, inspirant à Loïc
Wacquant une certaine idée du combat en tant que « rituel homo-érotique » (2000,
p. 11, p. 69).
plus près du corps des boxeurs. Décrivant les manières dont celui-ci est à la fois
traversé et modelé par les rapports de domination, ces travaux d’écrivains, de socio-
logues et d’historiens n’ont pas manqué d’orienter les vues du chercheur qui s’est
engagé « corps et âme » au Woodlawn Boys Club, dans le South Side de Chicago,
avec l’espoir de constituer le gymnase en fenêtre ouverte sur son principal objet
d’étude : le ghetto africain-américain.
5. Après la traduction en anglais (US) de Corps et âme parue en 2004, deux sections thématiques
ont été consacrées à la discussion du livre, l’une dans Qualitative Sociology (2005, 28, 2), l’autre
dans Symbolic Interaction (2005, 28, 3).
6. Cette critique des matériaux biographiques insuffisants est aussi celle de Mitchell Duneier
(2006, p. 151 sq.). Quant aux portraits sociologiques de boxeurs réalisés par L. Wacquant, ils se
résument principalement à deux biographies : celles de Curtis Strong et Butch Hankins (2000,
p. 129 sq.).
Véritable temple de la culture pugilistique, avec ses 600 boxeurs et près de 40 coa-
ches, le Gleason’s se présente tel une sorte d’énorme salle gigogne qui emboite une
multiplicité d’équipes de combat chacune placée sous la houlette d’un entraineur.
Deux d’entre elles, comptant une quarantaine de pugilistes, ont fait l’objet des inves-
tigations de l’ethnographe (Trimbur, 2011, p. 138). Celle-ci s’est alors appliquée à
documenter le type de relation qu’établit le travail des corps partagé entre l’entraineur
et ses combattants. Âgés de dix-sept à vingt-sept ans, la plupart sont noirs ou hispa-
niques. Tous ou presque ont fait de la prison et/ou vendent de la drogue dans la rue.
Comme le souligne L. Trimbur, ils ne s’apparentent donc pas à ces travailleurs pau-
vres dont Katherine Newman (1999) a dressé un portrait ethnographique, mais bel et
bien aux fractions les plus désavantagées qui composent l’underclass des centres-ville
étasuniens.
Enfants du ghetto, les pugilistes étudiés par L. Trimbur sont issus de familles
déstructurées par la brutalité croissante d’un quotidien qui a également forgé l’expé-
rience de leurs entraineurs, dont plusieurs sont passés avant eux sous les fourches
caudines de l’économie souterraine et de l’incarcération. Sur ce fond de problèmes
sociaux, l’enquête montre que leur présence conjointe au gymnase est conçue comme
une tentative de s’opposer collectivement aux forces de la marginalisation, ne serait-ce
qu’en s’efforçant de faire autre chose que simplement « zoner ». L’engagement pugi-
listique doit donc être compris non pas en opposition, mais en raison des parcours
marqués par l’expérience du ghetto. Pas de miracle pour autant, puisque rares sont
les enquêtés qui réussissent à décrocher un travail légal, alors même que Jay, l’un
des entraineurs, perd son appartement au cours de l’enquête, faute de revenus
suffisants.
Luttant contre le spectre d’une vie à nouveau jetée sur l’asphalte des rues qu’il a
déjà trop bien connu, l’homme tient à préserver coûte que coûte sa dignité et cache
soigneusement sa situation aux boxeurs qu’il continue d’entrainer en leur insufflant
toute sa motivation intimement fragilisée, mais extérieurement intacte. Au-delà de la
boxe, c’est bien cette faculté de résistance à l’adversité que Jay cherche à inculquer
aux boxeurs. Pour cela, lui comme les autres entraineurs du Gleason’s Gym emploient
un discours ostensiblement volontariste et moralisateur, où l’idée de responsabilité
personnelle le dispute à la fustigation de toute faiblesse. De leur point de vue, la
complaisance plus ou moins plaintive ne produit rien d’autre qu’un affaiblissement
progressif, synonyme de perdition dans un univers aussi dur que celui du ghetto. Pour
cette raison, les entraineurs marquent l’apprentissage du combat d’une discipline
inflexible et n’hésitent jamais à rudoyer leurs jeunes recrues. Cet « amour vache »
(tough love) correspond à la façon dont ils prennent soin de leurs boxeurs. Car, ce
que les coaches ne parviennent pas à leur apprendre dans le cadre relativement sécu-
risé de la boxe, la rue se chargera de l’imposer avec une incommensurable brutalité.
C’est alors que L. Trimbur interroge : n’y a-t-il pas, au cœur de cette relation
homosociale unissant entraineurs et entrainés, quelque chose d’une violence des
valeurs néolibérales qui façonnent l’expérience des pauvres en les persuadant de leur
propre responsabilité face aux manques et aux douleurs de leur destinée ? Sans doute,
répond-elle, mais le gymnase ne se contente pas de simplement prolonger les discours
qui prônent l’entreprise de soi. Il les réarticule aux réalités de la rue en expliquant
aux plus jeunes qu’ils ne pourront jamais compter que sur leurs propres forces ; ni
le gouvernement ni une quelconque institution d’État ne leur viendront en aide. Autant
qu’ils le sachent et qu’ils refusent sans attendre leur propre victimisation en adoptant
une attitude non pas de résignation, mais de combat (Trimbur, 2011, p. 350-351).
Tout cela est certes congruent avec l’idéologie néolibérale, mais ne s’y limite pas. Il
y a plus : une forme de critique sociale qui, bien qu’appuyée sur l’idée de la respon-
sabilité personnelle, se profile parmi l’individualisme méthodologique qui définit le
mode d’action collective de cette institution des pauvres qu’est le Gleason’s Gym.
Loin de méconnaitre les aspects profondément racistes et inégalitaires du système qui
les domine, les entraineurs refusent pour autant de se percevoir – et de percevoir les
boxeurs – comme des victimes. C’est là toute leur dignité de travailleurs du ring. Leur
rôle est par conséquent d’affermir les volontés et d’aiguiser cette combativité dont
ils pensent qu’elle reste leur meilleur moyen de défense, quel que soit le type de
combat. Aussi la boxe est-elle perçue comme une sorte d’assurance-vie pour ceux
qui n’en ont aucune. Bien au-delà des techniques du corps qu’elle permet d’acquérir,
son socle moral repose sur les piliers d’une structure symbolique qui confère un
certain sens à la violence ambiante. Si l’on en croit L. Trimbur, bien avant qu’il soit
question de gloire ou même de victoire entre les cordes, c’est ce pourquoi les entrai-
neurs et les boxeurs du Gleason’s se battent quotidiennement.
Les chercheurs en question ont régulièrement utilisé le genre comme une catégorie
a priori de leurs analyses qui ont « fait cas » des boxeurs au travers de ce prisme
conceptuel placé en amont de leurs observations. Dans son étude d’un gymnase d’ama-
teurs chicagoans où il a assumé des fonctions de coach-adjoint, Steve Hoffman montre
toute la signification rituelle du moment où un apprenti boxeur accède à sa première
séance de sparring (i.e. un combat d’entrainement). Ainsi l’auteur conçoit-il le pre-
mier face-à-face comme une simulation d’affrontement et un rite liminaire qui prépare
l’aspirant boxeur à son agrégation au groupe masculin des pugilistes (Hoffman, 2006,
p. 177 sq.). Quant à Laurence de Garis, ethnographe mais également lutteur et entrai-
neur de lutte professionnelle, l’observation de dix mois qu’il a conduite dans une
salle de boxe new-yorkaise l’incline à présenter l’exercice du sparring comme un
moment d’« intimité somatique » au cours duquel les adversaires négocient leurs iden-
tités de combattants dans le cadre d’une épreuve de masculinité qui joue subtilement
de l’engagement et de la retenue, de l’infliction de la douleur et de la pédagogie de
l’esquive (2000, p. 94 sq.). Les réflexions menées par ces chercheurs insistent sur la
dialectique de la dureté et du respect qui sous-tend l’exercice du sparring, tout en
l’inscrivant dans le cadre d’une rhétorique corporelle de l’honneur masculin dont la
conception est indexée au courage, ou au cran dont les combattants doivent fournir
la preuve par l’épreuve.
Les deux années d’enquête ethnographique menées par Christopher Matthews
(2014, 2016) dans un gymnase anglais des Midlands confirment que nombre de
boxeurs investissent leurs corps de ces valeurs agonistiques qu’ils expriment sur les
rings en autant d’actes de virilité. De telles valeurs en actes empruntent largement
aux stéréotypes masculins dont l’historien George Mosse a montré la « cristallisa-
tion » dans les organismes apprêtés à la lutte où s’exercent le sang-froid, la force et
la vaillance ([1996] 1997, p. 45 sq.). Tandis que les pugilistes tiennent massivement
à l’affirmation continue de ce triptyque, une telle réitération a tout de la prophétie
autoréalisatrice chargée de conjurer ses contraires : la faiblesse, le doute et l’assigna-
tion à cette condition subalterne que partagent une majorité de combattants. Au-delà
du sparring, c’est notamment ce qu’indique l’ethnographie des échanges conversa-
tionnels dont le gymnase, et plus particulièrement les vestiaires, sont une scène pri-
vilégiée (Beauchez, 2014, p. 80 sq.). Entre autres choses, ces interactions laissent
entendre que les pugilistes sont loin de prendre au pied de la lettre les énoncés pour
le moins sexistes d’une masculinité monolithique dont on les affuble bien souvent de
l’extérieur. Depuis l’intérieur du gymnase, les positionnements virilistes apparaissent
plutôt comme l’accessoire rhétorique d’une théâtralité privée où l’on joue les rôles
d’une affirmation agonistique dont il s’agit avant tout de se persuader. Car l’enquête
montre à quel point le doute peut être chevillé au corps des pugilistes, lesquels ont
une conscience parfois aiguë de la fragilité de leur « valeur d’homme » ; une valeur
dont l’expression mêle la question du genre à celle de la subalternité et, donc, de la
position que chacun occupe dans la hiérarchie des groupes sociaux (Coston et Kimmel,
2012, p. 107-109 ; Beauchez, 2014, p. 87 sq.). Sans ce doute sur la « valeur
d’homme », pourquoi s’échiner à en conquérir la preuve en acceptant le risque d’être
roué de coups ?
*
* *
Si l’étude de la boxe peut paraitre marginale au premier abord, elle constitue en
réalité un terrain d’enquête des plus fréquentés et au travers duquel certains problèmes
centraux de la sociologie peuvent être analysés à l’état incarné. En dressant un état
des travaux sur le Noble art, ce texte a tracé les contours d’un objet dont le traitement
mène à l’intersection des dominations de « genre », de « classe » et de « race ». Tandis
que cette question de l’intersectionnalité des dominations est posée par toutes les
études que nous avons discutées, leurs auteurs ne s’accordent pas pour autant sur le
statut à donner aux différents éléments qui composent leurs explications. Là où
d’aucuns insistent sur l’agentivité des boxeurs – ou leurs capacités d’agir face à
l’adversité –, d’autres mettent plutôt en relief l’inéluctabilité de leur maintien dans
des positions sociales structurellement dominées ; tant et si bien que toute illusion
d’échappatoire par une quelconque réussite sportive reviendrait à accréditer le men-
songe romantique des trop rares destins de champions. Afin de rendre raison de ces
différences constatées au fil des enquêtes, cette conclusion soutiendra l’idée d’une
divergence qui résiderait moins dans les matériaux recueillis – souvent très proches
d’un texte à l’autre – que dans les façons d’en concevoir l’interprétation. Ses nuances
engagent en effet des grilles de lecture révélant certaines ruptures épistémologiques
dans l’appréhension de la domination et de ses épreuves.
Dans un texte où il n’est pas question de boxe mais de rapports de domination au
travail, Michael Burawoy (2012) s’intéresse lui aussi à ces différentes conceptions
sociologiques d’un même problème. Il en vient ainsi à polariser son explication autour
de deux figures idéaltypiques – homo habitus vs. homo ludens – dont l’opposition se
trouverait à la racine des divergences sur le problème de la domination. Homo habitus
représente alors le modèle de l’agent social sur lequel s’appuient les recherches qui,
à l’instar des enquêtes menées par P. Bourdieu et L. Wacquant, postulent l’intério-
risation inconsciente de tout un ensemble de dispositions – ou de manières habitua-
lisées de ressentir, comprendre et s’orienter dans le monde – dont le système (i.e.
l’habitus) constitue le reflet incorporé de la position occupée par chacun dans la
structure des inégalités. S’ils apparaissent dans des positions dominées, comme c’est
8. Tandis que l’idée d’hysteresis en tant qu’effet de contradiction, ou de décalage entre la structure
d’un habitus (ici masculin) et ses conditions d’actualisation est empruntée à P. Bourdieu (e.g. 1997,
p. 190 sq.), la conception du sport comme « bastion de masculinité » est issue de la sociologie figu-
rationnelle (e.g. Dunning, [1983] 1994).
le cas des boxeurs, les agents sociaux n’en auraient donc jamais qu’une conscience
tronquée par la méconnaissance des causes objectives au principe de leur condition
comme de leur vision du monde. Dans une telle acception, seul le sociologue béné-
ficierait du recul nécessaire pour interpréter les signes comportementaux permettant
de montrer le poids objectif que fait peser la structure sociale sur les situations sub-
jectives dont les déterminants échappent en majeure partie à celles et ceux qui les
vivent. Il est par conséquent inutile de leur demander d’expliquer ce qu’ils ne sau-
raient concevoir. Tout comme il parait absurde de postuler une réelle capacité de
contrer ou de résister à des forces de domination dont les subalternes éprouvent les
effets sans pour autant être en mesure d’agir sur leurs causes. Aussi le complexe de
dominations socio-raciales, identifié par L. Wacquant à la suite des travaux de
S. K. Weinberg, H. Arond, N. Hare ou J. Sugden comme autant de forces modelant
le quotidien des boxeurs, se pose-t-il en surplomb d’une réalité qu’il permet de décrire
aussi finement qu’il en bloque la plupart des possibilités de changement. M. Burawoy
dirait alors que la modélisation sociologique est empreinte d’un pessimisme dont le
principe conduit à maximiser l’importance du côté « fort » des rapports de domination
au détriment d’un versant « faible » où la méconnaissance apparait comme le meilleur
allié de la dépossession (ibid., p. 189).
Or c’est précisément sur ce versant que se place un autre type d’explication socio-
logique décrit par M. Burawoy comme adossé au modèle de l’homo ludens. Si elle
est empruntée à Johan Huizinga, la locution latine reçoit une nouvelle signification
dans l’usage qu’en fait le sociologue pour désigner une conception des rapports de
domination privilégiant le jeu des rapports de force entre acteurs sociaux dotés de
capacités d’agir structurellement inégales. La conscience du jeu et l’analyse de ses
cadres d’interaction se substituent ici au postulat de son inconscience conduisant,
dans le cas d’homo habitus, au maintien des rapports de force par lequel s’opère la
reproduction des inégalités. Appliquée aux boxeurs, la perspective d’homo ludens ne
suppose pas pour autant de les doter d’une pleine conscience de la configuration du
jeu social et des causes de la domination dont ils font l’objet. Leur définition de la
situation doit cependant être placée au cœur de l’explication sociologique des façons
dont ils éprouvent leur condition, et des manières dont ils font face à l’adversité que
la plupart d’entre eux dit affronter au quotidien. En joignant la parole aux gestes des
boxeurs, c’est ce qu’ont tenté de réaliser L. Trimbur, l’auteur de ce texte et d’autres
chercheurs cités au fil des paragraphes, qui ont fait apparaitre les solutions proposées
par les boxeurs aux problèmes qu’ils rencontrent chaque jour à l’intersection des
subalternités de « genre », de « classe » ou de « race ». Si leur vocabulaire n’appar-
tient pas nécessairement au lexique sociologique des dominations, il n’en reste pas
moins que l’« amour vache » (« tough love ») dont les entraineurs font montre envers
leurs combattants – au Gleason’s Gym ou ailleurs – vise autant à les protéger de leurs
adversaires que de l’adversité d’un monde social dont personne dans les gymnases
ne semble méconnaitre les chaussetrappes, disséminées sur les routes des ghettos
comme des banlieues paupérisées.
En définitive, plutôt que d’arbitrer entre les pertinences et les défauts des deux
modèles – qu’il s’agisse de l’inconscient sociologique au principe d’homo habitus ou
d’une certaine conscience du jeu social qui guiderait homo ludens –, les enquêtes
réalisées auprès des boxeurs nous invitent à considérer leur monde comme un para-
digme de la domination au travers duquel il est non seulement possible d’observer le
jeu de tout un ensemble de forces sociales, mais encore la façon dont elles posent
leurs empreintes dans les corps. Densifier la description des combats revient alors à
montrer qu’ils composent une mise en abyme d’autres luttes au cours desquelles
l’opposant s’avère nettement plus impalpable – comme c’est le cas des expériences
du racisme ou de la disqualification sociale. Car si les gymnases de boxe sont des
écoles du combat, ils aident aussi celles et ceux qui viennent en apprendre les tours
de mains à identifier leurs adversaires, qu’ils voient au-delà des corps habitués aux
affrontements. Le mentorat pratiqué par les entraineurs et les échanges conversation-
nels entre les boxeurs révèlent ainsi les coulisses de ce que les sciences sociales
désignent comme la « perspective des dominés ». Un point de vue dont l’expérience
et ses récits manquent encore très souvent à une sociologie de la domination majo-
ritairement focalisée sur l’analyse des forces sociales qui s’imposent aux plus
démunis. D’où l’importance d’une phénoménologie de l’adversité dont les descrip-
tions ouvrent un accès à la réflexivité de celles et ceux dont les gestes, les paroles et
les visions du monde ne sauraient être tenus pour aussi subalternes que la position
qu’ils occupent dans la structure sociale.
Jérôme BEAUCHEZ
Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS)
EHESS-CNRS-INSERM-Université Paris 13
jerome.beauchez@ish-lyon.cnrs.fr
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ABSTRACT
Boxing, or the “sweet science” of bruising, is far from being a minor subject for socio-
logists and ethnographers. The increasing numbers of studies of this topic constitute a
range of approaches in which not only bodies but also different conceptions of investi-
gation and of the relationship of researchers to their fields confront each other. Looking
at each of these in turn, this article traces the history of a sociological subject matter
whose outlines are still to be defined. It shows that, above and beyond their differences,
the ways of understanding or explaining the situation of the boxer are all concerned with
a central question, that of domination. While this is in principle about fighting in the ring,
researchers see its expressions as being at the intersections of “gender,” “class” and
“race.” As a result they see pugilism as a theatre where various representations of the
struggles of subordinate individuals against the forces of exclusion that tend to maintain
them in socially dominated positions are being staged.
ZUSAMMENFASSUNG
Die sanfte Wissenschaft der Faustschläge. Der Boxkampf als Paradigma einer
Soziologie der Beherrschung
Der Boxkampf, oder die „sanfte Wissenschaf“ („sweet science“) der Faustschläge ist
keineswegs ein minderwertiges Objekt für die Soziologen und die Ethnographen. Ihre
immer zahlreicheren Arbeiten sind ebenso viel Untersuchungen, in denen nicht nur die
Körper, sondern auch unterschiedliche Konzepte der Forschung und der Beziehung der
Forscher zu ihren Untersuchungsfeldern gegeneinander kämpfen. Anhand einer gründ-
lichen Untersuchung dieser Arbeiten, zeichnet der Verfasser die Geschichte eines sozio-
logischen Objektes nach, dessen Umrisse definiert werden mußten. Der Aufsatz zeigt,
daß über die Unterschiede hinaus, alle die verschiedenen Ansätze zum Verständnis
und zur Erklärung der Kondition des Boxers von einer zentralen Frage gekreuzt werden,
der Frage der Beherrschung. Die Beherrschung ist der Grundsatz des Boxkampfs und
die Forscher erkennen seine Ausdrucksweisen an der Kreuzung des „Genders“, der
„Klasse“ und der „Rasse“. Somit sehen sie im Boxen verschiedene Darstellungen von
Kämpfen, die die Untergegebenen gegen die Ausgrenzungskräfte liefern, die sie in sozial
beherrschten Stellungen beibehalten möchten.
RESUMEN
El boxeo, o la “dulce ciencia” de los golpes (“sweet science” en inglés), no puede consi-
derarse como un tema menor para los sociólogos y los etnógrafos. Cada vez más
numerosos, sus trabajos constituyen análisis en los cuales se enfrentan no sólo cuerpos,
sino también distintas concepciones de la investigación y de la relación de los investi-
gadores a sus terrenos. Al recorrer estos trabajos uno a uno, este artículo describe la
historia de un objeto sociológico cuyos contornos quedaban por definir. Pone de mani-
fiesto que, más allá de sus diferencias, las maneras de entender o explicar la condición
de boxeador están todas atravesadas por una cuestión central, la de la dominación. Al
ser el meollo de los combates que se llevan a cabo sobre el cuadrilátero, los investi-
gadores perciben sus expresiones cruzando las categorías del “género”, de la “clase”
y de la “raza”. Por eso no dejan de ver en las escenas pugilíticas distintas representa-
ciones de las luchas que libran los subalternos contra las fuerzas de exclusión que
tienden a mantenerlos en posiciones socialmente dominadas.