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Auteurs : D. Carranza , G. Van Vliet , M. Polak
*
Correspondance : michel.polak@nck.aphp.fr
1
Service d’Endocrinologie Pédiatrique, INSERM EMI 363, Hôpital Necker-Enfants Malades,
149 Rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
2
Service d’Endocrinologie, Hôpital Sainte-Justine, Université de Montréal, 3175 Côte Sainte-
Catherine, Montréal H3T 1C5, Québec, Canada.
Définition
Epidémiologie
Description clinique
Etiologie - Physiopathologie
Diagnostic de l'hypothyroïdie congénitale
Prise en charge
Diagnostic anténatal et conseil génétique
Questions non résolues, état de la recherche
Références
Hypothyroïdie congénitale
L’hypothyroïdie congénitale est, avec une prévalence de 1 sur 3 500 nouveau-nés, la principale cause de
retard mental évitable. Elle peut être permanente ou transitoire. L’hypothyroïdie congénitale permanente
est principalement provoquée par une dysgénésie thyroïdienne. Dans les pays industrialisés, elle peut être
diagnostiquée dès la naissance grâce aux méthodes de dépistage de masse. La sévérité est variable,
globalement plus prononcée chez les filles atteintes. De nombreux travaux oriente vers une origine
génétique et il n’y a pas d’arguments consistants en faveur d’un rôle important des facteurs
environnementaux. Des facteurs génétiques ont déjà été identifiés à plusieurs niveaux (mutations de TTF-
1, TTF-2, PAX8 et du récepteur de la TSH). Le diagnostic étiologique se base sur la scintigraphie,
l’échographie et le dosage de la thyroglobuline circulante. Actuellement, le traitement dans les deux
premières semaines de vie à dose adaptée permet à l’enfant de développer tout son potentiel intellectuel.
Toutefois, des anomalies mineures signalées chez certains enfants traités, laissent penser qu’un certain
degré d’hypothyroïdie fœtale n’est pas compensé.
Mots-clés
Hypothyroïdie congénitale, dépistage, TTF-1 (nkx2.1), TTF-2 (FOXE E1), PAX 8, Récepteur de
la TSH.
Synonymes
Anomalie congénitale de la thyroïde, insuffisance thyroïdienne congénitale
Définition
L’hypothyroïdie congénitale se caractérise par un hypofonctionnement de la glande et donc une
production insuffisante d’hormone thyroïdienne entraînant un retard mental lorsqu’elle n’est pas
Epidémiologie
L’hypothyroïdie congénitale est, avec une prévalence de 1 sur 3 500 nouveau-nés, la principale
cause évitable de retard mental [36] et l’anomalie congénitale endocrinienne la plus fréquente
dans nos pays industrialisés. Dans le reste du monde, la carence en iode maternelle et fœtale
est le pourvoyeur du plus grand nombre d’hypothyroïdies fœtales, néonatales et de l’enfant.
Description clinique
À l’ère du dépistage
À la naissance, seulement 1 à 4% des cas sont diagnostiqués cliniquement. La sémiologie
comporte un enfant post mature, macrosome avec une fontanelle postérieure ouverte [40].
Occasionnellement, avec un examen plus approfondi après un dépistage positif, on peut trouver
les signes cliniques décrits dans le tableau I. Il y a rarement un goitre palpable. Le tissu
thyroïdien ectopique a une apparence ronde, il est situé sur la ligne médiane entre le foramen
caecum de la langue et le cou. C’est le seul tissu thyroïdien présent. La recherche du goitre doit
se faire avec le cou de l’enfant en hyperextension. La sévérité est variable, plus prononcée
chez les filles atteintes avec ectopie, et globalement plus importante dans les athyréoses.
Les défauts de septation du cœur, généralement mineurs, sont les malformations extra
thyroïdiennes associées le plus souvent à la dysgénésie thyroïdienne [6,21]. Habituellement, ils
ne sont pas détectés lors du premier examen physique.
Dans l’hypothyroïdie congénitale centrale, les manifestations des déficits hormonaux
associés (hypoglycémie, micropénis et cryptorchidie, cholestase) sont souvent celles qui
mènent au diagnostic. Des malformations de Tableau I
la ligne médiane comme une fente labiale, Signes cliniques de l’hypothyroïdie congénitale.
une fente palatine ou une hypoplasie du nerf (signes très discrets lors du dépistage systématique)
optique peuvent également s’y associer. — Faciès particulier : ensellure nasale, macroglossie,
Parmi les antécédents familiaux, on doit noter chevelure abondante
— Peau sèche, marbrée, ictère néonatal persistant
la consanguinité et l’existence d’hypothyroïdie — Cernes bleuâtres péri-narinaires et péri-buccales
congénitale. Chez la mère, une histoire de — Fontanelles très larges (en particulier la postérieure)
— Distension abdominale, hernie ombilicale
pathologie thyroïdienne ou d’exposition à des — Hypotonie, hypoactivité
composés riches en iode comme les produits — Constipation, surtout si l’enfant est nourri au sein
— Difficulté à la succion, pleurs rauques
de contraste radiographiques iodés, doit être — Hypothermie
recherchée.
Prise en charge
Traitement et évolution de l’hypothyroïdie
congénitale permanente
Le traitement doit être instauré dès le résultat du
dépistage, indépendamment de l’obtention
d’images diagnostiques, et sans attendre les
résultats de confirmation. Chaque jour de retard
Figure I
pourrait entraîner une perte de QI, d’autant plus Programme de dépistage de l’hypothyroïdie congénitale en
que le nouveau-né est plus jeune [14]. C’est France – (taux de TSH donnés pour la technique Delfia®)
pourquoi il est plus sûr de débuter le traitement
chez tous les nouveau-nés dépistés, même avec
des valeurs limites.
Traitements médicamenteux
La lévothyroxine (L-thyroxine) reste le traitement de choix. En gouttes, elle a une meilleure
biodisponibilité et permet des doses initiales inférieures, mais elle est plus stable sous forme de
comprimés. En France nous disposons de gouttes (1 goutte = 5 μg de L-thyroxine). Dans les
autres pays, les comprimés peuvent être écrasés et dilués dans une cuillère. La L-thyroxine ne
doit pas être donnée dans un biberon que l’enfant pourrait ne pas finir. Les formules de soja en
diminuent l’absorption. Les enfants avec une ectopie reçoivent souvent une dose inférieure à
ceux qui ont une athyréose et une dose supérieure à ceux qui présentent un trouble de
l’hormonosynthèse.
Il est recommandé de suivre un traitement journalier régulier, les doses oubliées pouvant
être prises plus tard dans la journée ou le lendemain avec la dose suivante, sans risque [26].
Exceptionnellement, si nécessaire (situation de réanimation), la lévothyroxine peut être
administrée par voie veineuse à une dose équivalant à 75% de la dose per os. La
triiodothyronine n’apporte pas d’avantages au traitement [4].
Un début du traitement dans les deux premières semaines de vie et une dose initiale élevée
(8-12 μg/kg/jour avec les gouttes de L-thyroxine, 50 μg chez un enfant à terme de poids normal)
sont nécessaires pour que les enfants atteints d’hypothyroïdie congénitale sévère puissent
développer tout leur potentiel intellectuel [18, 29]. Il faut en règle viser une normalisation de la
T4 libre en deux semaines et celle de la TSH en quatre semaines au plus. Un traitement initié
plus tardivement, après 20 jours de vie, avec des doses inférieures est associé à un retard de
l’âge osseux qui persiste jusqu’à l’âge de trois ans [38] et à une perte de QI de 6 à 22 points
pour les patients avec les hypothyroïdies les plus sévères qui ont une T4 basse et un retard de
l’âge osseux au moment du diagnostic.
Il existe peu de données sur les valeurs de référence de T4 libre sérique dans les premiers
mois de vie [12] et, étant donnée la demi-vie de la T4, il n’est pas nécessaire de contrôler son
taux sanguin avant qu’elle n’ait atteint son plateau après deux semaines de traitement. Chez
l’enfant plus âgé, la dose journalière requise diminue rapidement jusqu’à 4 μg/kg/jour à l’âge de
cinq ans. Ainsi, avec la croissance pondérale, une dose initiale absolue de 50 μg se
maintiendra souvent inchangée pendant plusieurs mois. Une TSH élevée doit faire suspecter
une mauvaise observance du traitement. Si ce n’est pas le cas, la dose sera augmentée afin de
Suivi médical
La croissance de l’enfant étant rapide, les contrôles de la fonction thyroïdienne ne devraient pas
être espacés de plus de trois mois dans la première année et de plus de six mois entre un et
trois ans d’âge. À partir de trois ans, un bilan annuel est probablement suffisant chez un enfant
qui grandit normalement. Une mauvaise observance du traitement s’associe avec un moins bon
développement [18]. Si elle est suspectée, il est justifié de contrôler plus fréquemment les taux
de T3, T4 et TSH.
Développement psychomoteur
Chez les enfants traités dans les deux premières semaines de vie et avec des doses élevées
comme décrit ci-dessus, on ne retrouve plus l’hypoacousie neurosensorielle ni le retard
psychomoteur qui étaient associés à l’hypothyroïdie congénitale. Aucun trouble spécifique
cognitif ou du comportement ne peut être attribué à l’hypothyroïdie ou à son traitement chez ces
enfants [30]. Toutefois, certains auteurs ont signalé des anomalies mineures tel qu’un dys-
fonctionnement de la coordination motrice fine chez les enfants traités [28]. Ces observations
suggèrent qu’un certain degré d’hypothyroïdie fœtale n’est pas compensé. En effet, si depuis
l’institution du dépistage chez les nouveau-nés le développement psychomoteur des enfants
dépistés est dans les limites de la normale, plusieurs publications récentes font état d’un
pourcentage non négligeable (évalué à 10%) d’hypothyroïdie dites sévères dont le développe-
ment mental est inférieur à la normale. Ces résultats justifient la recherche des facteurs
prédictifs afin d’envisager une prise en charge particulière. Par ailleurs, le suivi à long terme a
permis de préciser les résultats scolaires des enfants dépistés.
Néanmoins des études récentes ont montré que les performances scolaires des enfants
avec hypothyroïdie congénitale étaient comparables à celles d’enfants de même âge lorsque
l’équilibre thérapeutique était satisfaisant [18, 27, 34].
Références
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