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Renforcement des ouvrages en béton

par collage de composites


Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Thierry Chaussadent
Jean-Luc Clément

Mars 2006

Laboratoire central des ponts et chaussées


58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris Cedex 15
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Thierry Chaussadent
Service Physico-chimie des matériaux
Laboratoire Central des Ponts et Chaussées
Jean-Luc Clément
Division Bétons et composites cimentaires
Laboratoire Central des Ponts et Chaussées

Les résultats présentés dans ce document ont été obtenus dans le cadre de deux opérations
de recherche du LCPC sur la période 2000-2004 :
• Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de matériaux composites
(11B001), dirigée par Jean-Luc Clément ;
• Collage en génie civil (11B002), dirigée par Thierry Chaussadent.

En couverture :
- Photo : rupture statique d'une poutre en béton armé pré-fissurée, sans renforcement d'effort
tranchant, après deux millions de cycles de fatigue sous charge de service.
- Insert : montage expérimental d'essai de poteaux en béton armé et renforcés par composites,
en flexion composée.

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Laboratoire central des ponts et chaussées
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58, boulevard Lefebvre, F 75732 Paris cedex 15
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et ne peut être reproduit, même partiellement, sans l'autorisation de son Directeur général
(ou de ses représentants autorisés)
© 2006 - LCPC
ISSN 1161-028X
ISBN 2-7208-2453-4
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

SOMMAIRE

Sommaire …………………………………………………………………………….. 3

Résumé – Abstract …………………………………………………………………... 5

Bilan de l’opération de recherche


« collage en génie civil » …………………………………… 7
Données bibliographiques sur le collage en génie civil: familles d’adhésifs,
préparations de surface, tests mécaniques de caractérisation de l’adhérence.. 19

Modélisation de la formation d’une interface colle / matériau cimentaire ……… 41

Approche physico-chimique des interactions adhésif / substrats cimentaires … 49

La micro-analyse thermique : application à l’étude des interfaces pâte


de ciment / résine époxyde …………………………………………………………. 77

Vieillissement des assemblages collés : état de l’art et suivi sur ouvrage …….. 86

Durabilité des assemblages collés : modélisation mécanique


et physico-chimique …………………………………………………………………. 103

Bilan de l’opération de recherche « Réparation


et renforcement des structures de génie civil
par l’emploi de matériaux composites » ………………... 119
Développement d’un essai de cisaillement d’interface collé …………………… 133

Analyse des résultats de cisaillement : estimation de la longueur de transfert... 142

Analyse du comportement à rupture sous sollicitation bi-axiale de matériaux


composites mis en œuvre pour le renforcement de structures béton armé …… 157

Tenue à la fatigue de composite unidirectionnel carbone-époxy et de


l’interface composite-béton dans le cas de la réparation de structures
en béton armé ………………………………………………………………………... 173

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Comportement en fatigue de poutres courtes fissurées et renforcées


par composite ………………………………………………………………………… 186

Frettage d’éléments en béton armé soumis à une pression localisée …………. 201

Développement d’un modèle de frettage avec prise en compte du


vieillissement des matériaux ………………………………………………………... 215

Essais de poteaux en béton armé renforcés par composites collés -


Descriptif de la campagne expérimentale et principaux résultats ………………. 230

Proposition d’une méthode de dimensionnement des poteaux renforcés


par composites ……………………………………………………………………….. 243

Dalles en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites :


étude théorique et expérimentale ………………………………………………….. 263

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

RÉSUMÉ
Ce document reprend un certain nombre d’études réalisées dans le cadre de deux
opérations de recherches du LCPC entre 2000 et 2004 :
- le collage en génie civil, et
- la réparation et le renforcement des structures de génie civil par l’emploi de
matériaux composites.

Dans une première partie, sont présentées les recherches sur le collage qui
constituent un préalable à l’utilisation de la technique d’assemblage par collage dans
le génie civil. Cette partie du document rassemble une synthèse sur les recherches
réalisées, une analyse bibliographique qui présente les adhésifs utilisables, leurs
conditions d’utilisation ainsi que les tests mécaniques disponibles pour tester les
assemblages collés, une approche par modélisation des interactions colle/matériau
cimentaire, une étude des interactions entre les composants d’une résine époxyde
et les pâtes de ciment par chromatographie en phase gazeuse inverse et
spectroscopie ESCA et une étude des caractéristiques résine époxyde/pâte de
ciment par microscopie AFM couplée à la micro-analyse thermique. Cette première
partie se termine par deux articles qui portent, pour le premier, sur les problèmes de
durabilité des assemblages collés avec la mise en place d’un suivi d’un
renforcement par tissu collé sur un ouvrage en béton armé et, pour le second, par
une étude visant à introduire dans les modélisations mécaniques des aspects
physico-chimiques permettant de prendre en compte l’aspect durabilité.

Dans une seconde partie, sont présentées les recherches entreprises dans le cadre
de l’opération sur la réparation et le renforcement des ouvrages par des matériaux
composites. En premier lieu, une synthèse sur l’ensemble des recherches conduites
au cours de cette opération de recherche est présentée. Les sujets majeurs sont
ensuite développés. Il s’agit de la mise au point d’un essai de cisaillement
d’interface béton/composite collé et de l’exploitation des premiers résultats obtenus,
de l’analyse du comportement à la rupture des matériaux composites en
sollicitations multiaxiales, de la tenue à la fatigue de matériaux composites sur béton
ou sur poutres en béton fissurées. Cette deuxième partie traite ensuite du frettage
d’éléments en béton armé avec une prise en compte du vieillissement, d’essais sur
poteaux en béton armé renforcés par composites collés et d’un méthode de
dimensionnement pour ce type d’application et se termine par une étude
expérimentale et théorique sur le comportement de dalles en béton armé renforcées
par des matériaux composites.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

ABSTRACT

This document provides a synthesis of major results obtained in the framework of


two LCPC research programs which were held between 2000 and 2004:
- Adhesive bonding in civil engineering, and
- The repair and reinforcement of the civil engineering structures by the use of
composite materials.

In a first part, as a preliminary to the use of adhesive bonding techniques in civil


engineering, research results obtained on adhesion are presented. This part of the
document gathers a synthesis on the researches carried out, a bibliographical
analysis which presents the usable adhesives, their conditions of use as well as the
mechanical tests available to test the adhesive bonded joints, a modelisation
approach of the adhesive/cement material interactions, a study of the interactions
between the components of an epoxy resin and the cement pastes by reversed gas
chromatography and ESCA spectroscopy and a study of the characteristics of epoxy
resin/cement paste assemblies by AFM microscopy coupled with thermal micro-
analysis. This first part ends with two articles which carry, for the first, on the
durability of the adhesive bonded with a follow-up of a concrete bridge reinforced by
carbon fabric and, for the second, by a study aiming at introducing into a mechanical
model the physicochemical aspects making it possible to take into account the
durability aspect.

In a second part, are presented the results undertaken within the framework of the
research program on the repair and the reinforcement of the civil engineering
structures by the use of composite materials. A synthesis on the whole of the
undertaken research is first presented. The major research subjects are then
developed. It deals with the development of a shear test to study the
concrete/composite interface and the exploitation of the first results, the analysis of
the breakdown behaviour of composite materials in multiaxial requests, the
behaviour of composite on concrete or on fissured concrete beams subjected to
fatigue tests. This second part treats then of retrofitted reinforced concrete elements
taking into account ageing, of mechanical tests on reinforced concrete columns
reinforced by adhesive bonded composites and of a dimensioning method for this
type of application. It ends by an experimental and theoretical study on the
behaviour of concrete slabs reinforced by composite materials.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

BILAN DE L’OPÉRATION DE RECHERCHE


« COLLAGE EN GÉNIE CIVIL »

CHAUSSADENT Th.
Service Physico-chimie des matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cet article synthétise les principaux résultats scientifiques obtenus dans le cadre de
l’opération de recherche "Collage en génie civil" du LCPC. Il recense également les
documents et produits issus de cette opération de recherche. Le contenu des
travaux et l'ensemble des résultats ne sont pas explicités ici. Pour plus de détails, on
se référera aux documents cités et aux autres articles de ce recueil.

Après le rappel des objectifs et de la démarche adoptée, sont décrits les apports
scientifiques de cette opération de recherche qui s’est déroulée entre 2000 et 2004.

1 - Objectifs des recherches

L’opération de recherche "Collage en génie civil" a été lancée en 2000, pour une
durée de 4 ans. On notera qu’une autre opération de recherche intitulée "Réparation
et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites"
a été lancée simultanément pour une même durée.

À l’origine du projet de recherche sur le collage, résidait la volonté d’approfondir les


connaissances sur la durabilité des assemblages collés utilisés dans le domaine du
génie civil ou susceptibles de l’être dans le futur. En effet, grâce aux progrès
réalisés ces dernières décennies dans la formulation des produits organiques de
synthèse, le collage est aujourd’hui reconnu comme une technique d’assemblage
incontournable dans des secteurs d’activité aussi variés que l’aéronautique et le
bâtiment, mais aussi comme une opportunité intéressante en génie civil.

Le problème fondamental est de maîtriser la durabilité à long terme de ce type


d’assemblage (le siècle est l’unité de comptage souvent requise en génie civil), et de
dégager les facteurs qui régissent l’évolution des propriétés physico-chimiques et
mécaniques dans le temps. Cette investigation s’appuie en premier lieu sur la
connaissance des propriétés particulières aux interfaces entre les divers matériaux.
Pour de nombreux assemblages, cette connaissance a bien souvent été acquise a
posteriori. Ces notions, basées sur l’expérience, ont été et sont encore
indispensables mais il apparaît de plus en plus nécessaire de définir a priori les
propriétés qui conféreront une durée de vie maximale aux assemblages ; cette
nécessité résulte autant de réflexions financières qu’architecturales. En effet, s’il est
juste, que dès la conception d’un ouvrage (ou de sa réparation), les coûts liés à

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

l’entretien doivent être pris en compte, on peut supposer que l’évolution de la


technique d’assemblage conduira à l’apparition de structures innovantes dépassant
le cadre des schémas existants.

Stratégiquement, à un moment où les industriels (producteurs de produits de collage


et surtout sociétés de construction) sont convaincus des opportunités que peuvent
offrir au génie civil ces nouvelles technologies, le LCPC se devait de jouer un rôle
actif dans le domaine du collage. Sur le plan fondamental, il semble important
d’améliorer les connaissances concernant l’assemblage par collage de matériaux de
même nature ou de natures différentes. D’un point de vue pratique, l’enjeu consiste,
d’une part, à identifier les applications du génie civil où le collage peut constituer une
technique d’assemblage avantageuse et, d’autre part, à définir les conditions
méthodologiques nécessaires à la mise en œuvre de ces assemblages et à
l’évaluation de leurs performances, que ce soit en laboratoire ou sur chantier. D’une
manière plus générale, il s’agissait à travers cette opération de recherche,
d’accroître et de valoriser les compétences du LCPC dans un domaine amené à se
développer au cours des prochaines années.

2 - Organisation des recherches

Dans le cadre de cette opération de recherche, a été considérée comme importante


la volonté de mener une action coordonnée entre le Réseau Scientifique et
Technique du Ministère de l’Equipement, les Laboratoires Universitaires ou du
CNRS et les industriels, afin de parvenir à des résultats qui soient à la fois
scientifiquement fondés et, dans la mesure du possible, utilisables par les praticiens.
A cette fin, deux Laboratoires Régionaux des Ponts et Chaussées, plusieurs unités
du LCPC et des équipes extérieures (Itodys Paris 7, Rescoll-ENSCP Bordeaux,
CUST Clermont Ferrand, LMA Marseille, SAPRR) ont été associés à certaines
parties du programme de recherche.

En dehors de l’état des lieux réalisé sur l’utilisation du collage en génie civil (sujet 1
de l’opération), l'approche adoptée, basée sur les aspects physico-chimiques et
physico-mécaniques des interfaces (ou des interphases) entre un adhésif et un
support (béton ou acier), comporte deux points fondamentaux :
- l'analyse et la compréhension des mécanismes physico-chimiques intervenant
dans la formation de ces interfaces (ou de ces interphases) (sujet n° 2 de
l’opération) et dans leur durabilité en fonction de sollicitations environnementales de
natures physico-chimiques (sujet n° 4),
- l'évaluation des notions précédentes, dans le cadre plus ouvert de l’utilisation d’un
assemblage par collage avec des contraintes physico-chimiques mais aussi
mécaniques (sujet n° 3).

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3 - Apports de l’opération de recherche

Ces recherches, consacrées à l’analyse de la durabilité des assemblages par


collage dans le domaine du génie civil, ont permis de franchir une première étape
dans la connaissance de la formation du joint de colle au niveau d’un support solide,
qui était l’acier ou le béton pour les études menées dans le cadre de cette opération
de recherche. Les travaux de recherche réalisés ont apporté des résultats très
intéressants, tant au niveau de la compréhension des mécanismes que des outils de
caractérisation. Grâce aux collaborations qui ont été mises en place sur la durée de
l’opération de recherche, des actions de recherches innovantes ont été conduites
pour appréhender certains paramètres jugés fondamentaux, mais aussi des actions
plus classiques basées sur un suivi de planches d’essais avec le concours
d’utilisateurs de ce type d’assemblage.
La suite de ce chapitre présente quelques résultats scientifiques marquants.

3.1 - Bibliographie et état des lieux sur le collage

Un premier rapport bibliographique a été rédigé en 2000 sur les bases théoriques du
collage et sur les mécanismes de l’adhésion [1]. Ce rapport précise les aspects
physique et chimique de l’adhésion et les moyens pour accéder expérimentalement
aux forces d’adhérence qui gouvernent la résistance à la rupture d’une interface
collée. Les aspects mécaniques de l’adhérence (porosité et rugosité de surface)
sont également précisés. Enfin, les diverses théories (de la mouillabilité,
électrostatique, de la diffusion, de la liaison chimique, des couches interfaciales de
faible cohésion et mécanique) sont explicitées. Il ressort de ce rapport la complexité
pour réussir un assemblage par collage, réussite qui nécessite, certes de la rigueur,
mais aussi la définition de méthodologies s’appuyant sur une approche
pluridisciplinaire. Cette synthèse bibliographique a permis de définir les axes de
recherche qui ont été développés dans cette opération de recherche (qu’est ce
qu’un bon adhésif ?, quelles sont les propriétés de l’interface ? quelles sont les
conséquences de l’environnement sur la durabilité de cette interface ?, …).

Le deuxième aspect du collage qui a été traité d’un point de vue bibliographique
concerne la durabilité des familles d’adhésifs structuraux utilisés en génie civil [2].
Ce rapport fait le point sur les principaux adhésifs (époxydes, polyimides, acryliques,
cyanoacrylates, polyuréthannes,…) en donnant leurs principales propriétés
mécaniques, leurs techniques de mise en œuvre et leurs avantages et
inconvénients, notamment vis-à-vis de leur vieillissement et de leur dégradation.
Cette synthèse constitue une base pour un élargissement des études du LCPC à
d’autres types d’adhésifs que les époxydes qui ont été traités dans cette opération
de recherche. Ce choix d’étudier seulement les adhésifs époxydes a été effectué,
d’une part, en considérant que cette famille d’adhésifs était la plus couramment
utilisée en génie civil et, d’autre part, pour des questions organisationnelles compte
tenu qu’il était impossible de tout traiter pendant quatre ans et qu’il était préférable
de se focaliser sur l’ensemble des aspects d’une même famille d’adhésifs.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Enfin, un état des lieux sur les applications du collage en génie civil a été réalisé. Un
premier document [3] fait le point sur trois activités utilisant le collage (réparation
des ouvrages d’art, signalisation horizontale de chaussées et instrumentation). Un
second document [4] porte uniquement sur le renforcement des ouvrages d’art.
Pour cette étude, huit ouvrages renforcés par tôles collées ou réparés par collage de
béton frais entre 1976 et 1995 ont été sélectionnés. Pour chacun de ces ouvrages,
on a cherché à déterminer les raisons qui ont conduit à utiliser la technique de
collage, les matériaux employés (tôles, mortiers et adhésifs), la nature des
préparations de surface du support béton. Les essais et contrôles réalisés lors des
inspections d’ouvrages ont également été répertoriés, ainsi que les principales
observations concernant la durabilité des collages. On constate tout d’abord que
dans tous les cas une résine époxyde bi-composants a été employée. Les
observations dans le temps mettent également en évidence trois facteurs essentiels
impactant la durabilité des réparations : la préparation du support béton, la présence
d’eau et la fragilité aux chocs. Dans le cadre de l’opération de recherche, nous
avons considéré les deux premiers aspects. La tenue aux chocs mériterait toutefois
d’être étudiée dans le cadre d’une poursuite des recherches.

3.2 - Analyse des conditions de formulation d’une résine époxyde


pour le génie civil

Afin de se familiariser avec les résines susceptibles d’être utilisées en génie civil,
une collaboration a été engagée avec RESCOLL-ENSCP Bordeaux en 2001 pour
appréhender le rôle de chacun des constituants des résines époxydes sur leur mise
en œuvre. Cette première étape [5] a permis de définir une stratégie pour définir un
protocole d’étude visant à analyser l’influence de chacun de ces constituants.

Les recherches sur ce sujet dirigées par K. Benzarti au LCPC avec le soutien de
stagiaires pour la partie expérimentale [6-9] ont permis :
- d’évaluer l’influence d’additifs sur la viscosité et le mouillage des colles époxydes
qui sont les paramètres essentiels pour la mise en œuvre. En effet, les propriétés de
la résine doivent être adaptées au type d’application envisagée en génie civil : ainsi,
l’injection de fissure nécessite l’utilisation de résines fluides ayant une capacité de
mouillage élevée du substrat, tandis que les opérations de scellement ou de collage
requièrent des résines à consistance visqueuse voire thixotrope. Ces propriétés
peuvent être ajustées par l’utilisation de diluants (pour réduire la viscosité et
améliorer le mouillage) ou de charges minérales (pour augmenter la viscosité et le
caractère thixotrope). Un seuil critique en charge a été mis en évidence, au-delà
duquel la viscosité du mélange augmente de façon très importante. Ce seuil
dépendrait d’un facteur de forme des charges défini à la fois par la distribution
granulométrique et la forme des particules ;
- de mieux connaître les processus de polymérisation des résines époxydes à
température ambiante. Il apparaît que la réaction de polymérisation n’arrive jamais à
son terme lorsqu’elle est réalisée à l’ambiante, et que le système tend vers un état
d’équilibre caractérisé par une sous réticulation du réseau polymère. Dans ces
conditions, des monomères qui n’ont pas réagi restent piégés au sein du réseau

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

et peuvent être responsables d’évolutions microstructurales ultérieures. La


température de transition vitreuse Tg de ces réseaux dépasse rarement 70°C et
reste très inférieure à la Tgf du réseau parfaitement réticulé. L’adjonction de
diluants ou de plastifiants permet d’abaisser cette Tgf et donc de réduire l’écart
entre Tgf et la Tg du réseau polymérisé à l’ambiante. Ceci peut contribuer à figer la
microstructure du réseau afin d’éviter les évolutions ultérieures. Des modélisations
ont également été mises en œuvre pour décrire les cinétiques de polymérisation des
systèmes avec ou sans additifs, à partir des données collectées lors d’essais de
calorimétrie différentielle à balayage en modes dynamique et isotherme ;
- d’évaluer l’influence des additifs sur les propriétés d’usage des adhésifs
polymérisés. L’utilisation de diluants réactifs permet ainsi d’ajuster la densité de
réticulation et donc les propriétés mécaniques (rigidité, flexibilité) de l’adhésif en
fonction des applications envisagées.

3.3 - Formation et propriétés de l’interface adhésif / béton

La durabilité des assemblages collés semble largement conditionnée par les


propriétés de l’interface entre la résine et le support. Or, il apparaît que les
mécanismes responsables de l’adhésion entre les résines époxydes et les substrats
cimentaires, ainsi que la nature des interactions entre ces deux partenaires restent
encore largement méconnus. Il est donc apparu indispensable de mener une étude
fondamentale visant à mieux comprendre le processus de formation de cette zone
interfaciale, et à décrire ses spécificités microstructurales.

Dans ce contexte, une collaboration a été engagée fin 2000 avec le laboratoire
« Interfaces, Traitements, Organisation et Dynamique des Systèmes », (ITODYS,
UMR 7086) de l’Université Paris 7. Elle visait à étudier les mécanismes d’interaction
à l’échelle moléculaire entre les bétons et les résines de collage époxyde, par les
techniques de chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC) et de
spectroscopie ESCA.

Les résultats obtenus sont les suivants :


- après optimisation des conditions expérimentales, il a été possible d’évaluer les
propriétés acido-basiques des pâtes de ciment. Il est apparu que ces matériaux
présentent des propriétés amphotères et peuvent se comporter comme des acides
ou des bases de Lewis en fonction de la nature des sondes moléculaires avec
lesquelles ils interagissent. L’énergie de surface des pâtes de ciment varie peu avec
la composition minérale de ces substrats ;
- les pâtes de ciment en poudre ont ensuite été enrobées soit par la résine soit par
le durcisseur aminé, puis caractérisées par IGC et spectroscopie ESCA. Les
analyses ont montré que les pâtes de ciment présentent des interactions physico-
chimiques beaucoup plus fortes avec le durcisseur aminé qu’avec le prépolymère
époxyde. Ce résultat semble mettre en évidence une adsorption préférentielle du
durcisseur à la surface des pâtes de ciment par liaisons hydrogène et protonation.
Ces interactions spécifiques sont susceptibles de modifier localement le processus

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

de polymérisation du système époxyde ;


- les principaux hydrates élémentaires rentrant dans la composition des pâtes de
ciment (portlandite, CSH, ettringite) ont été caractérisés par IGC, ce qui a permis
d’évaluer la composante dispersive de l’énergie de surface et les propriétés acido-
basiques de ces produits. Les analyses ont montré que la teneur en eau joue un rôle
important sur l’énergie de surface de ces composés ;
- enfin, une étude est menée actuellement sur des poudres de pâtes de ciment
enrobées par des mélanges (résine+durcisseur), afin de vérifier l’existence d’un
mécanisme spécifique de polymérisation à l’interface avec le substrat cimentaire.

Ces résultats ont fait l’objet de quatre publications dans des revues internationales
>10-13] et de plusieurs communications [14-16@

Une seconde collaboration a été engagée avec le CUST de Clermont-Ferrand, afin


de caractériser la microstructure et les propriétés physico-chimiques de l’interface
résine époxyde/pâte de ciment au moyen d’une technique innovante, à savoir la
microscopie à force atomique (AFM) couplée à de la micro-analyse thermique. Les
différentes phases de la collaboration et les principaux résultats obtenus sont les
suivants :
- une étude exploratoire a été entreprise au CUST en 2001. Les travaux réalisés ont
permis d’optimiser le protocole expérimental et ont montré que la technique utilisée
permet de décrire de manière assez fine la structure interfaciale pâte de
ciment/résine époxyde >17]. Elle a ainsi confirmé l’existence d’une zone de polymère
modifié à proximité de la phase minérale, caractérisée par un gradient de propriétés.
En effet, la température de transition vitreuse décroît à partir de l’interface pour
rejoindre progressivement la Tg du polymère massique. L’amplitude du gradient de
Tg et l’épaisseur de cette interphase dépendrait de la texture du substrat et des
conditions de polymérisation de la résine ;
- cette collaboration s’est poursuivie dans le cadre d’une thèse [18] qui vise à
évaluer l’évolution de ces propriétés interfaciales au cours d’essais de
vieillissements accélérés (de type hygrothermique), et à corréler ces propriétés
interfaciales aux propriétés mécaniques macroscopiques de l’assemblage collé.

Les travaux réalisés ont donné lieu à des communications dans des congrès
internationaux [19, 20].

3.4 - Durabilité des assemblages par collage - Influence de l’environnement

Cette partie du travail de recherche a été consacrée à l’identification des


mécanismes de vieillissement de l’adhésif soumis à un environnement extérieur, et
à la mise au point d’essais de vieillissement accélérés représentatifs de ces
mécanismes naturels. Une étude expérimentale des phénomènes de vieillissement
des adhésifs massiques et des joints adhésifs dans les assemblages collés a été
réalisée en analysant notamment les effets du vieillissement physique et du
vieillissement en milieu humide. Ce travail a permis de mettre en évidence des

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

différences de comportement entre les adhésifs massiques et les joints de colle, qui
peuvent être attribuées à des effets d’interface et à des répartitions de contraintes
spécifiques dans le polymère confiné au sein des joints. Des modèles
phénoménologiques issus de la littérature ont permis de dégager des lois de
comportement visant à prédire l’évolution des propriétés de ces adhésifs au cours
du temps. Une grande partie du travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de M.-
A. Bruneaux [21] (cf 3.5).

3.5 - Modélisation mécanique du collage en prenant en compte les aspects


physico-chimiques

Compte tenu de la demande importante de la part des maîtres d’œuvre de disposer


d’un outil de modélisation permettant de prévoir la durabilité de ce type
d’assemblages collés [22], une étude a été engagée pour développer un modèle
mécanique prédictif capable d’intégrer les propriétés physico-chimiques de l’adhésif
et leurs évolutions dans le temps [21].

A partir des données bibliographiques sur la modélisation mécanique de la rupture, il


est ressorti que les modèles mécaniques de zone cohésive sont particulièrement
adaptés pour simuler le processus complexe de fissuration des interfaces dans les
assemblages collés. Certains de ces modèles font en effet intervenir des paramètres
autres que mécaniques et permettent de prendre en compte de manière élégante
les lois d’évolutions physico-chimiques des adhésifs. Le travail réalisé par M.-A.
Bruneaux s’appuie en particulier sur le modèle du premier gradient de
l’endommagement développé par M. Frémond.

Un outil de modélisation mécanique basé sur la théorie de Frémond a ainsi été mis
au point. Il permet de décrire l’état de l’interface dans les assemblages collés à
travers une variable d’endommagement. Son originalité réside dans le fait que les
équations d’évolution de l’interface font intervenir cinq coefficients caractéristiques
du comportement physico-chimique de l’adhésif [23-25]. Ce modèle a été confronté
à l’expérience dans une configuration simplifiée de traction homogène, avec un
adhésif n’ayant pas subi de vieillissement particulier. Les expérimentations ont mis
en évidence des phénomènes de raidissement du joint en début d’essai puis de
fluage aux temps longs, qui n’étaient pas prévus par le modèle initial. Les équations
d’évolution ont donc été modifiées pour tenir compte de la nature viscoélastique du
polymère, ce qui a permis de valider le modèle dans les conditions de chargement
et de déchargement des assemblages collés. On a ainsi pu identifier quatre des cinq
coefficients du modèle relatifs au comportement de l’adhésif non vieilli. Dans un
second temps, une configuration expérimentale non homogène a été proposée afin
de valider le modèle pour un problème avec gradient d’endommagement, et ainsi
identifier le dernier coefficient théorique.

Des études ultérieures pourront se baser sur ce modèle optimisé pour dégager les
lois d’évolution des coefficients théoriques rendant compte des phénomènes de

13
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

vieillissement des joints adhésifs.

3.6 - Modélisation de la pénétration d’une colle dans un milieu poreux

Une étude a été entreprise par E. Le Bris [26-28] dans le cadre de sa thèse sur la
modélisation de la pénétration d’un adhésif à base de solvant dans un matériau
cimentaire. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’intérêt d’utiliser d’autres types
de colles que celles à base époxyde, notamment en ce qui concerne leur potentiel à
mieux pénétrer au sein des matériaux cimentaires et à améliorer ainsi la qualité de
l’accrochage. Le travail a porté sur les points suivants :
- définir les différents phénomènes physiques associés au processus de pénétration,
- établir le système d’équations différentielles permettant de décrire analytiquement
ces phénomènes,
- définir les caractéristiques nécessaires à la résolution des équations à partir de la
bibliographie et d’expériences.

Les recherches ont été entreprises sur des pâtes de ciment durcies gâchées avec
un ciment CEM II et un rapport E/C de 0,33. La colle à solvant étudiée est une base
polybutadiène avec du tétrahydrofuranne (THF) comme solvant. Le choix de cette
colle visait plus à avoir des composés parfaitement identifiés et modélisables qu’à
analyser une colle susceptible d’être utilisée en génie civil.

Les études ont montré que les résultats numériques s’écartaient quantitativement
des résultats expérimentaux mais que les phénomènes pouvaient être décrits
qualitativement et permettaient de rendre compte de l’importance de chaque
paramètre. Il a également été observé une pénétration de la colle sur près de 5 mm
au lieu d’une dizaine de Pm pour un adhésif de type époxyde, ce qui montre
l’importance des colles à solvant pour favoriser la surface d’interaction colle/béton et
améliorer ainsi les propriétés mécaniques de l’interface.

Les perspectives dégagées de ce travail portent à la fois sur l’amélioration du


modèle numérique (analyse paramétrique plus détaillée, prise en compte de
phénomènes comme l’adsorption de la colle, …) et des essais expérimentaux
(validation de l’existence de flux en phase gazeuse par des capteurs de pression,
quantification de l’amélioration de la tenue mécanique de l’interface, …).

L’objectif final étant une utilisation de ce type de colle à solvant sur le béton, il sera
également nécessaire de trouver une colle dont la base et le solvant satisferont à la
fois les exigences mécaniques et environnementales.

3.7 - Suivi de planches d’essais

A la suite de contacts engagés par le LRPC d’Autun, la société SAPRR a autorisé le


réseau des LPC à mener le suivi d’un ouvrage (PI de l’autoroute A6 à St-Cyr-les-
Colons) renforcé par tissu collé. Cette collaboration a conduit à définir des zones

14
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

d’essais sur cet ouvrage en vue de suivre l’évolution des propriétés physico-
chimiques et mécaniques de l’adhésif et du collage. La mise en place de planches
d’essais a fait l’objet d’un premier rapport en août 2002 [29] et d’un second en
décembre 2002 [30]. Préalablement à l’application des produits (juin-juillet 2002)
une caractérisation de la surface de béton du point de vue de la rugosité a été
réalisée, après préparation par un décapage à l’abrasif plus ou moins prononcé.

La première étape du suivi en octobre 2002 a consisté, d’une part, à faire des
prélèvements de matériaux en vue de leur identification en laboratoire et, d’autre
part, à réaliser des essais de traction. Il a été constaté à cette échéance que dans
tous les cas les ruptures intervenaient au niveau du béton. Les étapes à venir seront
définies à partir des observations visuelles de dégradation (par exemple
décollement) et viseront à mieux évaluer l’état de l’adhésion à partir des évolutions
de l’adhésif. Par ailleurs, cette étude doit permettre d’avoir une base comparative
entre le comportement d’un collage in situ et celui mis en évidence en laboratoire
dans le cadre d’essais de vieillissement accélérés.

4 - Bilan et orientations futures

Les travaux de recherche menés dans le cadre de l’opération de recherche "Collage


en génie civil" ont permis, d’une part, de mieux cerner les paramètres importants vis-
à-vis de la mise en œuvre des adhésifs et, d’autre part, d’évaluer l’influence de ces
paramètres sur la durabilité des assemblages. L’utilisation de techniques
expérimentales innovantes, comme par exemple la microscopie à force atomique
couplée à de la micro-analyse thermique ou la chromatographie en phase gazeuse
inverse, et la mise en place de partenariats universitaires et industriels ont permis de
définir une stratégie de recherche qui a abouti.

Il est également utile de préciser que ces recherches, souvent très en amont des
applications, ont bénéficié des échanges avec les chercheurs impliqués dans
l’opération de recherche "Réparation et renforcement des structures de génie civil
par l’emploi de matériaux composites" qui s’est déroulée sur la même période sous
la direction de J.-L. Clément. L’intérêt de ce partenariat a permis de définir une
stratégie pour la poursuite à partir de 2005 d’une collaboration dans le cadre d’une
nouvelle opération de recherche qui porte sur la durabilité des renforcements par
composites collés.

On notera enfin que les travaux réalisés ont été reconnus et nous ont permis :
- de faire partie du comité scientifique du congrès international ICPIC 2004 à Berlin ;
- de participer au GDRE franco-italien Lagrange sur les grands problèmes du génie
civil [31-33] avec notamment la thèse de M.-A. Bruneaux [21] sous la double
direction de l’ENPC et de l’Université Tor Vergata à Rome ;
- de bénéficier d’un financement DRAST [34-35] ;
- d’être invité pour une communication aux JADH 2003 à l’Ile d’Oléron [24].

15
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Références bibliographiques

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[3] JOLY L., Application du collage en génie civil. Etat de l’art, Rapport de travail
du LRPC de Nancy, 18 p., janvier 2002.
[4] SUDRET J.P., Les applications du collage en génie civil : état de l’art sur les
tôles collées, Rapport d’étude du LRPC d’Autun, 8 p., mai 2002.
[5] DALET P. Formulation de résine époxyde modèle pour collage en génie civil,
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Rapport de stage LCPC, 37 p., avril 2000.
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génie civil, Rapport de stage ENTPE, 46 p., août 2001.
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[9] LEGRAND S., Comportement de résines époxydes modèles : influence de
quelques constituants (diluants, charges), Rapport de stage LCPC, 80 p., juillet
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[10] OLIVA V., MRABET B., BAETA NEVES M.I., CHEHIMI M, BENZARTI K.,
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Chromatography A, vol 969, p. 261-272, 2002.
[11] BAETA NEVES M.I., OLIVA V., CHEHIMI M., BENZARTI K., Surface chemistry
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Interface Analysis, vol. 33 n°10-11, p. 834-841, 2002.
[12] BAETA NEVES I., CHABUT M., PERRUCHOT C., CHEHIMI M.M., BENZARTI
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[13] PERRUCHOT C., CHEHIMI M.M., VAULAY M.J., BENZARTI K.,
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components by inverse gas chromatography at infinite dilution, Cement and
Concrete Research, à paraître en 2005.
[14] CHEHIMI M.M., OLIVA V., BENZARTI K., Characterization of cement pastes by
inverse gaz chromatography, 1st International Conference on Inverse Gas
Chromatography, Londres 17-19 Septembre 2001, 4 p.
[15] CHEHIMI M.M., BAETA NEVES I., CHABUT M., PERRUCHOT C., BENZARTI

16
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

K., Interfacial interactions of structural adhesive components with cement


pastes. Studies by inverse gas chromatography (IGC) and XPS, proceedings of
the 1st International congress on Applied Physics APHYS 2003, Badajoz
(SPAIN) October 13-18th, 11p. 2003.
[16] BENZARTI K., GONON L., BAETA NEVES I., CHEHIMI M.M., Interfacial areas
between cement pastes and epoxy resins : A multi-technique approach, Actes
ICPIC04 (1-4 juin 2004, Berlin, Allemagne), 7 p., 2004.
[17] RAMOS FIDALGO V., Application de la microscopie à force atomique à sonde
thermique à l’étude des interfaces, Rapport de contrat LCPC-CUST, 51 p., juin
2001.
[18] GONZALEZ D., Durabilité des assemblages collés du génie civil : étude du
vieillissement aux échelles micro et macroscopiques, Doctorat de l’Université
Blaise Pascal à Clermont Ferrand (2006)
[19] BENZARTI K., RAMOS FIDALGO V., GONON L., VERNEY V., Study of
interfacial properties by microthermal analysis : optimization of experimental
parameters and characterization of concrete/epoxy interfaces, Procceedings of
the Second World Congress on Adhesion, Orlando, pp. 198-200, 10-14 février
2002.
[20] BENZARTI K., GONZALEZ D., GONON L., de BAYNAST H., LAVEISSIERE
B., Nouvelles techniques de microscopies à champs proche appliquées à
l'étude de matériaux complexes, Actes des Journées des Sciences de
l'Ingénieur 2003, (9-11 décembre 2003, Dourdan, France), JSI 2003, Ed LCPC,
pp. 301-306, 2003.
[21] BRUNEAUX M.-A., Durabilité des assemblages collés : Développement d’un
modèle mécanique prédictif avec prise en compte des caractéristiques physico-
chimiques de l’adhésif, Doctorat de l’ENPC et de l’Université Tor Vergata à
Rome, 247 p., soutenu le 31 mars 2004.
[22] BENZARTI K., CHAUSSADENT T., Adhesive bond in Civil Engineering
structures : Contribution of physico-chemistry to the refinement of mechanical
modeling, 3rd Contact Mechanics International Symposium (CMIS 2001),
Peniche (Portugal), 17-21 juin 2001, Poster.
[23] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., FORET G.,
EHRLACHER A., Mechanical modelling of adhesively bonded joints : New
approach taking into account physico-chemical parameters, proceeding of the
6th European Adhesion Conference EURADH2002, Glasgow 10-13
September, p. 58-61, 2002.
[24] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., FREMOND M.,
EHRLACHER A., FORET G., Modélisation des assemblages collés : prise en
compte des paramètres physico-chimiques de l'adhésif, JADH2003, (29
septembre - 3 Octobre 2003, Ile d'Oléron, France), Actes des 12èmes
Journées d'étude sur l'adhésion, pp. 55-60, 2003.

17
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

[25] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., FREMOND M.,


EHRLACHER A., FORET G., Modélisation mécanique des joints collés :
Utilisation d'un modèle de premier gradient de l'endommagement, Actes des
Journées des Sciences de l'Ingénieur 2003, (9-11 décembre 2003, Dourdan,
France), JSI 2003, Ed LCPC, pp. 379-384, 2003.
[26] Le BRIS E., Modélisation de la pénétration d'une colle à solvant dans un milieu
poreux, Doctorat de l’ENPC, 192 p., soutenu le 17 septembre 2003.
[27] Le BRIS E., FORET G., EHRLACHER A., Modelization of the joint formation
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Adhesion & Adhesives, (23), pp. 507-514, 2003.
[28] Le BRIS E., Modélisation de la pénétration d'une colle à solvant dans un milieu
poreux. Actes du congrès ORGAGEC’ 02, 13-15 mars 2002, Poitiers, France.
[29] BARBERIS N., BAILLE N., DRUON M., Renforcement du PI 175-421
(Autoroute A Saint-Cyr-les-Colons) par procédé TFC : Mise en place de
planches d’essais pour le suivi de la durabilité, Rapport d’étude LCPC, 28 p.,
août 2002.
[30] THAVEAU M.P., Renforcement du PI 175.421 par procédé tissu fibre de
carbone TFC, collaboration LCPC-LR Autun-SAPRR, 33 p., décembre 2002.
[31] BENZARTI K., MOUTON Y., CHAUSSADENT T., Adhesively bonded joints in
Civil Engineering: some physico-chemical aspects related to the mechanical
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2003.
[32] BRUNEAUX M.A., BENZARTI K., CHAUSSADENT T., Collage et
endommagement surfacique, Colloque Lagrange, Nantes les 28 et 29 mai
2001, sans actes.
[33] CHAUSSADENT T., BENZARTI K., THAVEAU M.P., Effects of environmental
conditions on performance of epoxy resin concrete interface : laboratory
studies and in situ monitoring, Communication au Colloque Lagrange (Ravello,
Italie, 6-9 novembre 2002). Sans actes
[34] CHAUSSADENT T., BENZARTI K ., Le collage en génie civil, Note
d’avancement contrat DRAST 00DST06, 8 p., octobre 2000.
[35] CHAUSSADENT T., BENZARTI K ., Le collage en génie civil, Rapport final
contrat DRAST 00DST06, 60 p., décembre 2001.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ DONNÉES BIBLIOGRAPHIQUES SUR LE COLLAGE EN GÉNIE CIVIL : FAMILLES D’ADHÉSIFS,


PRÉPARATIONS DE SURFACES, TESTS MÉCANIQUES DE CARACTÉRISATION DE L’ADHÉRENCE

BENZARTI K., BRUNEAUX M.-A.


Service Physico-chimie des matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cette étude bibliographique décrit dans un premier temps, les principaux adhésifs
utilisés en génie civil, ainsi que les techniques de mise en œuvre qui permettent de
réaliser un collage dans les conditions de chantier (préparation des supports,
application de l’adhésif).
La seconde partie présente de manière critique, les principaux tests mécaniques qui
permettent de caractériser l’adhérence dans les assemblages collés.

1 - Introduction

Le collage est une technique d’assemblage très répandue dans les applications
industrielles et tend à se développer en génie civil. Cette technique offre en effet de
nombreux avantages par rapport à d’autres modes de connexion mécanique comme
le boulonnage ou le rivetage :
‰ c’est une technique économique et rapide. Il est possible de remplacer plusieurs
connexions mécaniques par un seul joint adhésif,
‰ il existe de nombreux types d’adhésifs, ce qui permet d’adapter les
caractéristiques du collage en fonction de l’application et du procédé de mise en
oeuvre envisagés,
‰ la distribution des contraintes est uniforme sur la surface du joint de colle, ce qui
permet d’éviter les concentrations de contraintes locales,
‰ le collage conduit généralement à un gain de poids de l’assemblage,
‰ les risques de corrosion sont réduits.

Dans cette étude, nous présenterons les quelques familles d’adhésifs qui permettent
de couvrir la plupart des besoins du génie civil. Nous aborderons les spécificités
concernant les conditions de mise en œuvre et les propriétés physico-chimiques de
ces matériaux.

Nous passerons ensuite en revue les principaux tests de caractérisation mécanique


des interfaces décrits dans la littérature, en dégageant leurs avantages et
inconvénients respectifs. Ce type d’essai est indispensable pour évaluer la qualité
du collage et le niveau d’adhérence. Quelques résultats particuliers concernant la
caractérisation des interfaces béton/polymère ou pâte de ciment durcie/polymère
seront également rapportés.

19
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

2 - Les adhésifs utilisés en construction

Les adhésifs, quel que soit leur état (liquide, pâte ou bien film), sont des matériaux
polymères et appartiennent à l'une des trois catégories suivantes :
‰ les thermodurcissables, dont le réseau possède une structure
tridimensionnelle. Ils présentent une rigidité élevée et de bonnes propriétés
mécaniques,
‰ les thermoplastiques, constitués de chaînes linéaires. Ils sont en général moins
rigides, mais présentent de bonnes propriétés aux chocs,
‰ les élastomères, souples et peu résistants, présentent une très forte adhésivité.

Une étude récente sur le collage [1] a montré que le secteur de la construction était
le deuxième consommateur d'adhésifs en 2002 et représentait à lui seul 17% du
marché mondial (3,6 milliards d'euros). En France, la part de ce secteur était encore
plus élevée (27% du marché des adhésifs pour un montant de 400 millions d'euros).
Les époxydes et les polyuréthannes constituent la grande majorité des
adhésifs utilisés en construction (90 % en 1999).

2.1 - Les adhésifs époxydiques

Ce sont des thermodurcissables, mono ou bi-composants, de consistance liquide ou


pâteuse. La polycondensation entre la base époxydique (mélange de prépolymères
comportant au moins deux groupements époxy ou oxyrane) et le durcisseur (en
général, une amine de fonctionnalité au moins égale à trois) conduit à la formation
d'un réseau tridimensionnel. La figure 1 illustre la réaction entre le diglycidyléther de
bisphénol A ou DGEBA (base la plus courante) et une diamine aliphatique.

De manière générale, les adhésifs époxydiques sont adaptés à la réalisation de


collages structuraux destinés à subir des contraintes élevées (contrainte de
cisaillement > 7 MPa). Ils présentent en effet des caractéristiques très
intéressantes :
- excellente adhérence sur tous types de substrats,
- bonnes propriétés mécaniques : rigidité élevée (module d’Young E – 3 GPa),
résistance élevée en traction ((Vr > 30 MPa) et en cisaillement (> 10 MPa),
- bonne résistance aux agressions chimiques (huiles, solvants) et prise en eau
modérée.

La formulation des systèmes époxydes destinés au génie civil peut être très
différentes des compositions utilisées dans d’autres secteurs industriels
(aéronautique, électronique…). En effet, elle doit répondre à un cahier des charges
précis [2-3], dicté par les conditions de chantier et par le type d'application auquel
est destinée la résine. Ce cahier des charges concerne :

20
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Synthèse du prépolymère DGEBA


O

épichlorhydrine bis-phénol A diglycidyléther de bis-phénol A (DGEBA)

Réaction de polymérisation entre DGEBA et une diamine aliphatique

DGEBA diamine

nœud de
réseau polymère réticulation
tridimensionnel

Fig. 1 - Synthèse de DGEBA et exemple de réaction de polymérisation


pour les colles époxydes (DGEBA + diamine).

‰ les paramètres de mise en œuvre


- viscosité,
- aptitude de la résine à mouiller le support,
- durée pratique d’utilisation (DPU), définissant le temps pendant lequel le mélange
est suffisamment fluide pour permettre la mise en œuvre,
- temps de réticulation en place (TRP), spécifiant la durée nécessaire pour que le
joint atteigne une résistance mécanique donnée.

‰ les propriétés d’usage après réticulation


- résistance mécanique, comportement contrainte/déformation,
- résistance à l’humidité,
- comportement en fatigue, fluage.

Ces paramètres peuvent être ajustés par l’introduction d’additifs spécifiques (cf. par
exemple la figure 2), tels que :

Des charges
Il s’agit généralement de charges inertes, de nature inorganique (sable, calcite, talc,
ciment Portland, …) ou organique. Elles permettent d’augmenter la viscosité de
l’adhésif ou d’induire une dépendance à la contrainte de cisaillement (= thixotropie).
Accessoirement, elles permettent également d’abaisser le coût de revient de
l’adhésif, et permettent de conférer des propriétés spécifiques (réduction de
l’exotherme de réticulation, diminution du fluage et augmentation de la rigidité du

21
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

joint polymérisé, résistance au feu, etc.).

Des diluants
Ces additifs permettent au contraire d’abaisser la viscosité, pour des applications
nécessitant un grand pouvoir de pénétration ou de mouillage (résines d’injection, ou
primaires d’adhésion, par exemple). Il peut s’agir de diluants non réactifs
(dibutylphtalate, huile de ricin), qui restent sous forme liquide dans le réseau
polymère, ou de diluants réactifs (monoamines, polysulfures,…) qui participent aux
réactions de polymérisation.
Les diluants peuvent avoir un impact sur d’autres propriétés de l’adhésif (D.P.U.,
flexibilité, température de transition vitreuse). L’utilisation de diluants non réactifs
conduit en général à une perte de propriétés mécaniques.

Des flexibilisants
Il s’agit de molécules constituées de longues chaînes, qui permettent d’améliorer la
flexibilité de la résine, soit en exerçant un effet de plastification
« mécanique » (lubrification moléculaire), soit en neutralisant certains sites
fonctionnels. Ils induisent aussi une amélioration de la tenue au choc ou au pelage,
mais peuvent affecter la résistance mécanique en traction et la température de
transition vitreuse.

Des agents de ductilité


Ce sont en général des particules élastomériques, qui sont incorporées au réseau et
permettent de ralentir la propagation des fissures par différents mécanismes de
dissipation d’énergie.

Revêtement Scellements
(0,2 à 2,5 Pa.s) (5 à 450 Pa.s)
VISCOSITE
Primaires Injection collages
(0,3 à 6 Pa.s) (250 à 450 Pa.s)

Ajout de diluants Ajout de charges

Fig. 2 - Ordres de grandeurs des viscosités


requises pour différentes applications du génie civil.

2.2 - Les polyuréthannes

Lorsqu'ils sont réactifs, sans solvant ou à très haut extrait sec, les polyuréthannes
constituent d'excellents adhésifs structuraux, avec une bonne tenue au pelage et à
la déchirure. Ils sont obtenus par polyaddition entre un isocyanate et des polyesters
ou des polyéthers branchés comprenant plusieurs groupements hydroxyles (figure
3). La réticulation est catalysée par l'humidité ambiante, les polyuréthannes passant

22
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

d'un état pâteux à un état élastique.


Il s'agit en général de systèmes bi-composants, qui sont utilisés pour des collages
mixtes entre substrats rigide/souple comme les assemblages métal/plastique. Les
polyuréthannes se caractérisent par une élasticité et une souplesse importantes
même à basse température, et possèdent une bonne adhérence, une excellente
dureté et une résistance aux phénomènes de vieillissement. La polymérisation est
en général moins rapide que celle des époxydes. Leur résistance au cisaillement est
plus faible que celle des autres adhésifs structuraux et leur mise en œuvre
technique est assez lourde (étalement difficile).
Des polyuréthannes mono-composants, comportant des activateurs destinés à
accélérer la cinétique de polymérisation, sont également disponibles sur le marché.

Fig. 3 - Réaction de synthèse des polyuréthannes.

3 - Mise en œuvre du collage

Les conditions de mise en œuvre et de réalisation du collage dépendent largement


de la nature de l’adhésif et des caractéristiques de support.
Les spécificités des matériaux du génie civil (en particulier du béton) peuvent
justifier l’emploi de techniques particulières de préparations de surface ou l’utilisation
de primaires d'adhérence >3@.

3.1 - Préparation des surfaces

Les méthodes de préparation de surface visent à optimiser l’adhésion du polymère


sur le substrat, via :
- une augmentation de la rugosité du substrat, favorisant l'accrochage mécanique,
- l’élimination des couches de faible cohésion du substrat,
- l’amélioration de la mouillabilité du substrat.

De nombreuses méthodes sont disponibles (traitements chimiques, mécaniques,


électrochimiques, plasmas,…). Compte tenu des contraintes particulières du génie
civil (dimension des pièces), les traitements les plus utilisés sont les suivants :

Les traitements mécaniques

Le décapage par projection d’abrasif : il se fait par projection d’une poudre abrasive
(oxydes durs, corindon) à grande vitesse sur la surface à encoller. On recouvre

23
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

ensuite la surface traitée par un film protecteur (papier ou polyéthylène) ou par les
premières enductions de colle pour éviter qu'elle ne soit souillée.
Pour le collage de renforts composites (lamelles pultrudées ou procédé TFC) il est
généralement recommandé d’effectuer un décapage léger par projection d’abrasif.

L'abrasion par ponçage : consiste à poncer les supports au moyen de revêtements


abrasifs. La surface est ensuite nettoyée pour éliminer les particules abrasives. Ce
traitement est déconseillé pour les surfaces métalliques.

Le lavage haute pression : consiste à laver les surfaces au moyen d’un jet à haute
pression (30 à 50 MPa). Ce procédé élimine les couches de faible cohésion et
permet d’ouvrir les pores du béton.

Remarque : un traitement mécanique trop poussé peut conduire à la création de


micro-fissurations ou de concentrations de contraintes localisées, particulièrement
lorsque le support est fragile.

Les traitements chimiques (essentiellement pour les métaux)

Le dégraissage aux solvants : on utilise des dérivés d’hydrocarbures ou de chlore,


en fonction de la nature des contaminants à éliminer et de celle du substrat.
L’application est réalisée à l’aide de chiffons imprégnés de solvant, mais le
traitement peut aussi s’effectuer par immersion, par aspersion ou encore en phase
vapeur.

Le dégraissage par saponification : une réaction chimique appelée saponification


(hydrolyse des fonctions esters en milieu basique) transforme les corps gras en
glycérine et en savon. Ces derniers sont ensuite éliminés par rinçage.

Le dégraissage par émulsification : Il consiste à émulsionner les contaminants non-


saponifiables pour les faire passer en suspension, en utilisant des sels de sodium
(silicates, tétraborates, …). Le traitement dure une dizaine de minutes à 90°C, et se
termine par un rinçage à l'eau permutée.

Le décapage chimique : Il permet d’éliminer la couche d’oxyde des métaux. On


effectue un traitement acide sur le fer et ses alliages et un traitement à base d’acide
nitrique ou sulfurique pour les aciers inoxydables. Le traitement est suivi
immédiatement du collage.

3.2 - Utilisation de primaires d’adhérence

Après la préparation du support, il peut être intéressant d’appliquer un primaire


d’adhérence. Ce type de produit remplit plusieurs rôles :
- il protège le support contre les souillures (humidité, poussières, etc.),
- il permet de mouiller le support et ses aspérités bien mieux que l’adhésif lui-même

24
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

qui est souvent plus visqueux,


- pour les supports en béton, il permet de boucher les pores et d’éviter que l’adhésif
ne soit totalement absorbé par capillarité,
- il peut favoriser la création de liaisons chimiques lorsqu’il contient des agents de
couplage (silanes ou titanates).

Les primaires d’adhérence sont souvent constitués d’une solution à 10% de l’adhésif
utilisé pour le collage. Des additifs spécifiques peuvent être ajoutés pour contrôler le
mouillage, la pénétration, la cinétique de polymérisation ou inhiber la corrosion
(supports métalliques).

3.3 - Mise en œuvre et polymérisation de l’adhésif

Lorsque les substrats ont été correctement préparés, le collage peut être réalisé. Il a
souvent lieu en deux étapes :
‰ une étape d’encollage, rendue plus ou moins délicate par la viscosité de la colle
et par la nécessité de doser le mélange résine/durcisseur dans le cas des bi-
composants,
‰ une étape d’assemblage et de durcissement, pendant laquelle le maintien des
éléments à assembler doit être assuré. Il peut également être nécessaire
d'exercer un contrôle de la pression, de la température et de l’épaisseur du joint
pendant cette phase.

Les techniques utilisées dépendent du type d’adhésif ou de substrat utilisé.

Procédés de mise en œuvre pour adhésifs solvantés

Le collage humide : il consiste à enduire d’adhésif l’une des deux surfaces à


assembler, puis à mettre les surfaces en contact. Les performances du joint
augmentent avec le temps de prise et la quantité de solvant évaporé. Cette
technique est donc privilégiée dans le cas des matériaux poreux.

Le collage avec évaporation des solvants : il s’agit d’une variante dans laquelle,
après enduction des deux surfaces à assembler, on attend l’évaporation de la plus
grande partie des solvants avant de procéder à la mise en contact des substrats.

Le collage par contact : il est identique au collage par évaporation de solvant, à ceci
près qu’on exercera une pression sur toute la longueur du joint afin que ce dernier
développe plus rapidement ses performances optimales.

Procédés de mise en œuvre pour adhésifs thermodurcissables

Pour les adhésifs thermodurcissables bi-composants utilisés en génie civil, tels que
les systèmes époxydes, la mise en œuvre comporte plusieurs étapes :
‰ la réalisation du mélange des constituants liquides (résine et durcisseur) dans les

25
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

proportions recommandées par le fabricant,


‰ l’encollage et mise en place des pièces à assembler,
‰ le durcissement de l'adhésif par réaction de polymérisation, conduisant à la
formation d'un réseau polymère tridimensionnel. Le temps de prise dépend en
général de la température et de la présence de catalyseurs.

Procédés de mise en œuvre pour adhésifs thermofusibles/thermoplastiques

L’adhésif, initialement solide, est ramolli par chauffage pour pouvoir être déposé sur
l’une des surfaces à assembler, préalablement chauffée elle aussi. Après avoir
réalisé le collage, on laisse refroidir le joint qui se solidifie progressivement.

Dans tous les cas, quels que soient l’adhésif et la technique de mise en œuvre
utilisés, il est nécessaire d’attendre un temps suffisant avant de soumettre le joint de
colle à des efforts. Dans de nombreux cas, il faut également mettre en place des
systèmes permettant le maintien en position des pièces à assembler.

4 - Caractéristiques physico-chimiques des adhésifs

Les propriétés de l'adhésif vont conditionner la résistance du joint de colle et


déterminer les performances de l'assemblage.
Les caractéristiques essentielles d’un réseau polymère thermodurcissable, sont
entre autres, la densité de réticulation, la température de transition vitreuse et le
comportement viscoélastique.

4.1 - La densité de réticulation

Lors de la polymérisation, les groupes fonctionnels de la résine vont réagir avec le


durcisseur pour former un réseau tridimensionnel. Chaque site de réaction devient
un nœud de réticulation, et la densité de ces nœuds va conditionner la cohésion
interne du joint.
Un réseau dense est caractérisé par une mobilité moléculaire des chaînes réduite et
par une rigidité élevée. Au contraire, une faible densité de réticulation conduit à un
réseau lâche, dont les chaînes vont pouvoir glisser les unes par rapport aux autres.
La cohésion sera plus faible et le joint transmettra mal les efforts entre les supports.
La densité de réticulation dépend principalement de la nature des constituants de
l'adhésif (masse molaire des monomères, fonctionnalité, …) et des conditions de
mise en œuvre (rapport stœchiométrique, température de polymérisation).
Ces paramètres doivent être ajustés en fonction des applications envisagées :
densité de réticulation élevée pour une rigidité et une résistance élevée du joint,
densité plus faible pour des applications nécessitant une certaine souplesse de
l'adhésif.

La densité de réticulation Q du réseau est inversement proportionnelle à la masse


moléculaire moyenne Mc entre nœuds de réticulation ou d'enchevêtrements. Cette

26
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

dernière peut être déterminée expérimentalement à partir du module de l’adhésif


selon la relation :

3 ˜ U ˜R ˜ T
E (1)
Mc

où : E , le module à l'état caoutchoutique à 50°C au-dessus de la température de


transition vitreuse ; T , la température ; U la masse volumique du matériau et R , la
constante des gaz parfaits.

4.2 - La température de transition vitreuse

Les polymères présentent expérimentalement un phénomène de transition vitreuse


analogue à celui de matériaux amorphes comme le verre par exemple. Si l’on
considère un polymère à l’état rigide (ou encore vitreux) et qu’on le réchauffe
suffisamment, il va passer progressivement à l'état caoutchoutique. Cette transition,
semblable à une transition thermodynamique du second ordre, se traduit par de
fortes variations du module d’Young (figure 4), du volume spécifique (figure 5) ou
encore du facteur d’amortissement tan G (figure 6). La température à laquelle ce
phénomène de transition se produit est appelée température de transition vitreuse et
est notée Tg.

E U

T T
Tg Tg

Fig. 4 - Variation du module d'Young Fig. 5 - Variation du volume


avec la température. spécifique avec la température.

tan G
Relaxation D

relaxations
secondaires

T
Tg
Fig. 6 - Variation du facteur
d'amortissement avec la température.

27
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

En dessous de Tg, la cohésion du matériau est assurée par des interactions


chimiques (nœuds de réticulation) mais également par des interactions physiques
(forces de Van der Waals). Lorsque la température augmente, l’énergie apportée au
réseau permet de franchir les barrières d’activation de certains mouvements
moléculaires. On commence alors à voir apparaître des relaxations secondaires (ou
relaxations sous-vitreuses) liées à la mobilité localisée de segments de chaîne. Aux
alentours de Tg, les interactions physiques sont rompues et on observe une mobilité
des chaînes à grande distance.

La transition vitreuse présente un caractère cinétique très marqué : on peut observer


expérimentalement une forte dépendance de Tg avec la vitesse de refroidissement
ou de chauffage (figure 7), ou encore avec la fréquence de sollicitation (figure 8).

U E
q=-10°C/mn
f=1Hz f=10Hz

q=-1°C/mn
T T
Tg Tg Tg Tg

Fig. 7 - Effet de la vitesse Fig. 8 - Effet de fréquence


de refroidissement sur Tg. de sollicitation sur la température
de transition vitreuse.

Plusieurs théories peuvent décrire et expliquer cette transition vitreuse. La plupart


sont des théories cinétiques, la plus connue étant la théorie WLF (Williams, Landel
et Ferry) ou théorie du volume libre [4]. En effet, la transition vitreuse étant due aux
mouvements des différents groupements des chaînes polymères, elle ne peut se
produire que si le volume non occupé utilisable ou volume libre vf est suffisant
(figure 9).

Ainsi, pour une température T donnée :

v f T v f Tg  D f ˜ T  Tg avec D f E f  E g (2)
où : Df est la différence entre les coefficients d'expansion thermique de l'état
caoutchoutique Ef et celui de l'état vitreux Eg, c'est-à-dire le coefficient d'expansion
thermique du volume libre.

28
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

1/U
Ef

Eg
volume
libre
T
Tg

Fig. 9 - Variation du volume libre avec la température.

Le développement de cette théorie permet de mettre en évidence une équivalence


temps/température. En effet, si on note f la fréquence de sollicitation (ou W un temps
caractéristique) et T la température, l’indice 0 caractérisant un état pris comme
référence, alors on aura :

§f · § W ·  c 10 ˜ T  T0

log a T / T0 log ¨ 0 ¸ log ¨¨ ¸¸ (3)
© f ¹ © W0 ¹ c 02  T  T0
où : c 10 et c 02 sont des constantes caractéristiques du matériau.

L’aspect thermodynamique du problème est pris en compte par la théorie de Gibbs


et Di Marzio [5], basée sur la formation d’agrégats, de coalescence et de percolation
des segments en mouvement. On peut remarquer que la transition vitreuse, du fait
de la coopérativité des mouvements engagés, n'est pas une transition de type
arrhénien. On ne peut donc définir, au mieux, qu'une énergie d'activation apparente.
Ce n'est pas le cas des différentes transitions secondaires qui étant dues à des
mouvements isolés présentent un comportement arrhénien et possèdent une
énergie d'activation.

Toutes ces théories permettent de justifier certaines influences observées


expérimentalement :
- augmentation de Tg avec la densité de réticulation,
- influence de la structure chimique : les chaînes latérales ou des molécules jouant
le rôle de rotule (molécule d’oxygène par exemple) vont faciliter les mouvements
moléculaires et abaisser Tg, alors que des segments fortement rigides (noyaux
benzéniques ou groupements polaires) vont l’augmenter,
- pour des mélanges homogènes de polymères, la température de transition vitreuse
est comprise entre celles des deux polymères de départ et dépend des fractions de
mélange de chacun.

5 - Tests mécaniques de caractérisation de l’adhérence

Cette partie présente les principaux tests de caractérisation mécanique qui

29
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

permettent d’évaluer l’adhérence ou les propriétés interfaciales d’un assemblage


collé. Les avantages et inconvénients de chaque méthode sont discutés.

5.1 - Test de traction directe (norme NFP 18-871)

Préparation des éprouvettes


Deux prismes sont collés au moyen d’un adhésif époxyde, l’épaisseur du joint
polymère étant contrôlée au moyen de cales. Des éprouvettes cylindriques sont
ensuite obtenues par carottage de l’assemblage précédent (figure 10).

F
Casque métallique

Prisme de béton
L=160 mm

Joint époxy
Prisme de béton

D= 80 mm

Fig. 10 - Réalisation des éprouvettes pour essais de traction directe.

Déroulement de l’essai de traction


Des casques cylindriques sont fixés aux deux extrémités de l’éprouvette, puis reliés
à la traverse d’une machine d’essai. L’éprouvette est ensuite mise en traction avec
un déplacement imposé de 2 mm/min.

Grandeurs obtenues
- contraintes et déformation à la rupture,
- observation du mode de rupture (plein béton, mixte, cohésive dans l’adhésif ou
adhésive-décollement).

Avantages
- facilité de préparation des éprouvettes,
- maîtrise de l’épaisseur du joint de collage.

Inconvénients
- forte dispersion des résultats,
- en général, si le collage est réalisé sur béton sec, la rupture est cohésive dans le
béton en raison de la faible résistance en traction du béton. Les valeurs de
contraintes à rupture sont alors celles du béton.

30
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Résultats sur la caractérisation des assemblages béton/adhésif/béton >6@


- quand le collage est réalisé sur béton humide, la rupture est mixte à l’interface,
- l’augmentation de l’épaisseur du joint de colle conduit à une augmentation de la
contrainte moyenne à rupture. Lorsque la contrainte moyenne à rupture de
l’interface rejoint celle du béton, on passe d’un mode de rupture mixte à l’interface à
un mode de rupture cohésif dans le béton,
- les charges présentes dans la résine (calcite, etc.) absorbent en partie l’humidité
du béton et permettent d’augmenter l’adhérence entre un béton humide et une
résine époxy. Il existe une granulométrie et une teneur optimale des charges.

5.2 - Test d’arrachement ou pull-off (norme NF EN 1542)

Principe
Ce test est en général utilisé pour quantifier l’adhérence de peintures ou de
revêtements sur un substrat, en particulier sur le béton >7-8@.

La préparation de l’essai consiste à coller un plot métallique (50 mm de diamètre)


sur le substrat recouvert par la peinture ou le revêtement. Une entaille est créée par
carottage autour de la zone d’essai, afin d’isoler le revêtement de cette zone et
d’éviter le transfert latéral de contrainte du revêtement vers le substrat. Le plot est
arraché à l’aide d’une machine d’essai ou d’un vérin (en traction) (figure 11).

Grandeur mesurée
La force à la rupture, qui permet d’évaluer une contrainte à la rupture en traction.

Avantages
- test facile à réaliser en laboratoire comme sur chantier,
- permet de mettre en évidence des défauts d’adhérence d’un revêtement.

Inconvénients
- la contrainte à rupture mesurée est souvent celle du béton qui est le maillon faible
dans une configuration de traction,
- forte dispersion des valeurs mesurées,
- difficulté d’alignement du vérin dans l’axe du plot.

Résultats concernant la caractérisation des interfaces béton/adhésif >7-8@


- la rupture intervient généralement dans le béton, sauf dans les cas de très faible
adhésion (incompatibilité substrat/revêtement, faible mouillage). La résistance en
traction du béton est égale à 8 -10% de sa résistance en compression.
- la valeur de la contrainte de rupture est fortement corrélée à la résistance de
surface du substrat : la valeur mesurée diminue lorsque le rapport E/C (eau sur
ciment) du béton augmente.

31
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 11 - Réalisation d’un test d’arrachement


(tissus de carbone collé sur structure béton).

5.3 - Test de cisaillement indirect par compression sur éprouvette avec plan
de collage incliné (Slant indirect shear) >9-11@

Préparation des éprouvettes


Des prismes de béton sont sciés de manière à obtenir un plan incliné faisant un
angle Dҏ par rapport à l’axe vertical. On choisit souvent un angle de 30°, qui
correspond généralement à l’inclinaison des efforts dans les joints d’ouvrages d’art.
Différentes géométries d’éprouvettes sont envisageables (cylindrique,
parallélépipédiques, etc.).

Déroulement de l’essai

A L’aide d’une machine d’essai, les éprouvettes sont testées en compression


jusqu’à le rupture (figure 12).

Le glissement relatif des deux demi-éprouvettes peut éventuellement être mesuré


au moyen d’un comparateur mécanique placé à cheval sur le joint >9@. Ce test peut
également être réalisé en traction >10@.

Grandeurs mesurées
- la force nécessaire pour rompre l’éprouvette
- un calcul fondé sur l’équilibre des efforts horizontaux et verticaux sur le joint, et sur
une répartition uniforme des contraintes permet d’accéder aux contraintes normales
et tangentielles sur le plan du joint.

32
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

P P

D=30°

P P
Fig. 12 - Géométries d’éprouvettes utilisables
pour le test de cisaillement indirect.

Avantages
- le béton n’est pas sollicité en traction,
- test relativement simple à réaliser.

Inconvénients
- au niveau du joint, mode de sollicitation mixte,
- profil de contrainte longitudinal complexe le long de l’interface,
- influence de l’angle du joint sur les résultats.

Résultats concernant la caractérisation des interfaces béton/adhésif >9-11@


- la rupture n’intervient généralement pas à l’interface béton/polymère. Le plus
souvent on obtient une rupture en compression du béton. La force de rupture est
inférieure à celle d’une éprouvette monolithique,
- les traitements de surface réalisés avant collage (sablage...) influent peu sur la
force à la rupture.

5.4 - Test d’adhésion en flexion 3 ou 4 points

Préparation des éprouvettes


Différents types d’éprouvettes peuvent être utilisés pour les essais de flexion 3 ou 4
points (figure 13).

Déroulement de l’essai
Les éprouvettes sont testées en flexion 3 points ou 4 points jusqu’à rupture totale ou
jusqu’à décohésion de l’interface en fonction du type de géométrie choisi.

Grandeurs mesurées
Courbe charge/déflexion permettant d’accéder à la force de rupture de l’éprouvette
ou à la force de décohésion de l’interface (figure 14),

La théorie des poutres composites permet en général de remonter à la contrainte de

33
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

cisaillement à l’interface W = f ( F, h, y, Es, Ea)

avec F, la force appliquée ; h, l’épaisseur du joint adhésif ; y, la distance entre


l’axe neutre de la poutre et l’interface ; Es et Ea, les modules d’élasticité du substrat
et de l’adhésif

(a) P (b) P P

a) deux prismes collés avec joint vertical (c)


b) prisme évidé, zone évidée remplie par P
l’adhésif substrat
c) un prisme d’adhésif est formé par
moulage, directement sur la face en
traction du prisme de béton (NFP
18.851).
polymère

Fig. 13 - Géométries d’éprouvettes pour essais de flexion.

Avantage : grande facilité de réalisation.

Inconvénient : mode de sollicitation mixte de l’interface.

F o rc e
D é c o h é s io n

D e fle c tio n

Fig. 14 - Courbe Force/Déflection obtenue


lors d’un test de flexion sur éprouvette de type c.

34
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

5.5 - Test de pelage >12-13@

Principe de l’essai
Cet essai permet de déterminer la résistance au pelage d’un élément souple (renfort
composite, tissus) collé sur un substrat rigide tel qu’un prisme de béton.
Le test consiste à tirer sur l’élément souple avec une machine d’essai, afin de
l’arracher (figure 15). L’angle D entre la direction de traction et le substrat rigide
reste fixe.

angle D

Fig. 15 - Dispositif de pelage avec système de glissoir.

Grandeurs mesurées
- la force moyenne de pelage P (figure 16).

Force

Force moyenne
de pelage

Déplacement du substrat
Fig. 16 - Courbe caractéristique force/déplacement du substrat
enregistrée au cours d’un essai de pelage.

- il est possible d’évaluer l’énergie totale de rupture G :

G = f (P, angle D, dimensions et module longitudinal de l’élément

35
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

souple).

Avantages
- test assez simple,
- rupture adhésive à vitesse contrôlée.

Inconvénients
- mode de rupture complexe. La modélisation et l’exploitation de l’essai sont
difficiles,
- une partie de l’énergie de rupture est utilisée pour déformer l’échantillon,
- influence de nombreux paramètres : angle D, vitesse de pelage.

Résultats sur la caractérisation d’assemblages collés béton/composites >12-


13@
- la rupture intervient généralement à l’interface, dans l’adhésif polymère,
- l’énergie de rupture est plus élevée lorsque l’élément souple est un composite à
fibres de carbone que lorsqu’il s’agit d’un composite à fibres de verre.

5.6 - Test de clivage par introduction d’une cale (splitting wedge test) >14-17@

Il s’agit d’une méthode de caractérisation spécialement conçue pour les matériaux


de type fragile (éprouvettes à base de béton ou de matériaux cimentaires, de
céramiques, etc.). Le test consiste à introduire une cale sur une éprouvette
reconstituée comportant un joint de collage. L’ouverture de la fissure est enregistrée
en même temps que la force appliquée.
Préparation des éprouvettes
Des prismes de béton sont collés au moyen d’un adhésif (épaisseur du joint de
l’ordre de 2 à 3 mm). La partie supérieure de l’assemblage est fraisée de manière à
creuser une gorge qui permettra la mise en charge de l’éprouvette. Une entaille
d’amorçage est réalisée au moyen d’une scie diamantée (figure 17).
Ce type d’éprouvette peut également être réalisé en moulant directement les
prismes de béton avec la forme de la gorge, et en réalisant le collage ensuite.

Déroulement de l’essai
Des pièces métalliques de transmission sont insérées dans la gorge de l’éprouvette.
Ces pièces comportent des roulements, qui permettent à la cale de se déplacer
verticalement et sans frottement (figure 18),

La cale est mise en charge, et la force appliquée FM est mesurée en continu au


cours de l’avancement. Cette force est transmise à l’éprouvette par l’intermédiaire
des pièces à roulements (figure 19). La résultante horizontale FH induit une
fissuration au voisinage du plan de collage (propagation stable), et conduit à la
séparation progressive des deux prismes collés.

36
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Prismes de béton
entaille

Plan de collage

Fig. 17 - Géométrie des éprouvettes destinées au test de clivage.

Cale

Pièces de
transmission

Eprouvette

Fig. 18 - Description du mécanisme de transmission.

FM

FH FH

Fig. 19 - Description schématique de l’essai de clivage.

37
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Simultanément, un montage constitué de deux jauges de déplacements LVDT


permet de mesurer l’écartement des prismes lié à l’ouverture de fissure G

Exploitation des résultats


La force FH peut être évaluée à partir de la force appliquée et de l’angle d’inclinaison
de la cale, selon la relation :
F
F H
M
(4)
2.tg (D  W )
avec D, l’angle de la cale (généralement entre 5 et 8°) et W, l’angle de friction,
négligeable avec la transmission à roulement.

Connaissant les évolutions de FH et de l’ouverture de fissure G en fonction du temps


d’essai, il est alors possible de tracer la courbe G = f (FH). La figure 20 en montre
l’allure générale : une première partie quasi-linéaire correspond à la déformation
élastique de l’éprouvette. La rupture intervient à la charge FMAX, et la propagation de
fissure s’effectue ensuite de manière stable (diminution progressive de la charge et
augmentation de G).

L’énergie élastique Ge est donnée par l’aire sous la courbe jusqu’à FMAX. L’énergie
totale de rupture Gf correspond à l’aire totale sous la courbe, et serait représentative
de la résistance mécanique de l’assemblage collé, ou plus particulièrement de
l’adhérence support/adhésif en cas de rupture interfaciale.

FH FMAX

Ouverture
de fissure G
Fig. 20 - Allure des courbes FH versus G.

Avantages du test
- test adapté aux matériaux fragiles, propagation stable de la fissure,
- accès à différentes informations (FMAX, énergies élastique et totale de rupture).

Inconvénients
- positionnement délicat des capteurs de déplacement LVDT sur l’éprouvette,
- les critères géométriques (éprouvettes, angle de la cale) doivent être optimisés en

38
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

fonction du matériau constituant les prismes.

Ce type de montage expérimental est actuellement utilisé au LCPC.

6 - Conclusions

La première partie de cette étude bibliographique a permis de rappeler que :


‰ les systèmes époxydes et polyuréthannes sont les adhésifs les plus
fréquemment utilisés dans les applications du génie civil,
‰ lors de la mise en œuvre, les méthodes de préparation de surface les plus
utilisées sont le décapage par projection d’abrasif et le lavage haute pression,
car elles sont compatibles avec les dimensions des ouvrages d’art,
‰ la température de transition vitreuse Tg, frontière entre les états vitreux et
caoutchoutique de l’adhésif, est un paramètre important. Elle dépend
principalement de la nature des monomères utilisés et des conditions de
polymérisation.

Il en ressort que le choix de l'adhésif, la préparation des substrats et les conditions


de polymérisation affectent directement les performances des assemblages collés.

Dans la deuxième partie, nous avons passé en revue les principaux tests
mécaniques permettant de caractériser les assemblages collés ou les interfaces. Il
apparaît que :
‰ le test d’arrachement (ou pull-off test) est le seul essai réalisable sur chantier, au
moyen d’un équipement réduit et peu onéreux,
‰ de manière générale, les méthodes faisant intervenir une sollicitation de traction
ou de cisaillement conduisent à une rupture dans le béton plutôt qu’à l’interface,
en raison de la faible résistance du béton en traction et cisaillement. Les
propriétés mesurées sont alors plutôt représentatives de la résistance
superficielle du béton.
‰ les tests réalisés sur éprouvettes entaillées, en particulier les tests de clivage,
présentent l’avantage de forcer l’initiation de fissure au niveau de l’interface
béton/adhésif. Parmi ces tests, le « splitting wedge test » semble le plus adapté
pour les matériaux de type fragile (béton, céramiques).

Références bibliographiques

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Cambridge University press, 1992, 331 p.

39
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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relaxation mechanisms in amorphous polymers and other glass-forming liquids,
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state, Journal of Chemical Physics, 1958, 28, pp. 373-383.
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au béton durci sec et humide, Congrès ISAP, Aix en Provence 16-19
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béton et une résine époxydique lors de l’assemblage par collage de voussoir
préfabriqués dans les ponts en béton précontraints, Congrès ISAP, 1986, Aix
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composite/concrete interface, J. Composite Materials, 1997, vol. 31, pp. 1806-
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and composites: use of a peel test, J. Reinforced Plastics & Composites,
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sub-interfacial fracture in concrete, Acta Metall. Mater., 1993, vol. 41, pp. 569-
576.

40
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ MODÉLISATION DE LA FORMATION D’UNE INTERFACE COLLE/MATÉRIAU CIMENTAIRE

LE BRIS E., FORET G., EHRLACHER A.


Laboratoire d'Analyse des Matériaux et Identification, Institut Navier, ENPC/LCPC,
Champs-sur-Marne

Résumé

Une technique de renforcement des structures en béton consiste à lier rigidement en


surface un matériau plus résistant en traction, par exemple un composite
carbone/matrice époxy. Un facteur limitant de ce procédé est la qualité de l'interface
béton/colle à travers laquelle transitent les efforts mécaniques. Un premier travail
théorique a été réalisé dans le but de mieux comprendre la formation de cette
interface lors de la pénétration de la colle dans le béton. Les colles solvantées ont
été choisies pour cette étude, leur plus faible viscosité laissant présager une
meilleure interface. L'approche théorique suivie consiste à prendre en compte
plusieurs phénomènes physiques et à procéder à une résolution numérique du
système d'équations différentielles résultant. Ce modèle est utilisé pour une étude
paramétrique de l'influence des différentes caractéristiques du problème. Nous
cherchons à développer des expérimentations nous permettant de vérifier la validité
de ce modèle pour plusieurs types de mélanges polymère/solvant, et
éventuellement pour des colles industrielles. Les perspectives finales de cette étude
visent à relier la description de l'interface à la caractérisation de sa résistance
mécanique.

1 - Introduction

Pour renforcer ou réparer des structures en béton, les concepteurs ont de plus en
plus recours à la fixation d'éléments rigidifiants en surface. On emploie par exemple
des tissus de fibres de carbone ou des plaques métalliques. Une partie des efforts
de traction préjudiciables pour le béton sont ainsi avantageusement repris par le
matériau renforçant. Le transfert de ces efforts se fait par l'intermédiaire d'un
cisaillement au niveau de l'interface béton/colle et au niveau de l'interface
colle/matériau renforçant. L'expérience montre qu'un type de rupture est
prépondérant pour ce mécanisme : des contraintes de cisaillement trop importantes
pour l'interface béton/colle conduisent à un arrachage de la colle (rupture de type
« peeling-off »). Les colles utilisées actuellement sont principalement des colles de
type bi-composants époxyde qui présentent une bonne résistance mécanique. Ces
colles ne pénètrent cependant pas profondément dans le béton, ce qui conduit
localement à une concentration de contraintes. Nous nous sommes interrogés sur
l'avantage qu'il y aurait à utiliser une colle moins résistante en terme de contraintes
maximales, mais plus fluide. Cette colle pourrait alors compenser sa plus faible
résistance mécanique par une plus grande surface de contact et donc une meilleure
répartition des contraintes. Les colles solvantées qui sont des colles parmi les plus
fluides ont été choisies pour cette étude.

41
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Le problème posé est alors le suivant : décrire le processus de pénétration d'une


colle solvantée déposée sur la surface d'un milieu poreux. Ce document présente
successivement le modèle physique retenu, les caractéristiques prises en compte
pour la colle et le milieu poreux puis les résultats et des commentaires sur la
pertinence de ce travail.

2 - Description des phénomènes physiques

2.1 - Phénomènes pris en compte

Dans un milieu tel que celui-ci où trois phases (squelette solide, colle liquide et gaz
constitué de vapeur de solvant et d'air) sont continuellement en contact, le
phénomène prépondérant dans le processus de pénétration est la capillarité. Pour le
cas du béton, cela est d'autant plus vrai que la taille des pores est très petite avec
des rayons variant de moins de 20 Å jusqu'à quelques ȝm. La relation de Laplace
(équation 1) rend compte de la valeur de la pression capillaire Pcap , différence de
pression entre le gaz et le liquide à l'interface entre ces deux phases dans un pore
cylindrique de rayon r.

2J l cos Tl
Pcap Pg  Pl (1)
r

Les pores de rayon inférieur à rm sont entièrement remplis de liquide alors que les
pores de plus grande taille ne contiennent que du gaz. En déposant la colle en
surface, on impose le remplissage d'une partie des pores. On introduit donc une
variation de rm près de la surface, et par suite (par la relation de Laplace) des
gradients de pression de liquide. Ces gradients entraînent l'apparition de flux de
masse de liquide que l'on choisit de décrire par la relation de Darcy.
La pénétration progressive de la colle dans le milieu poreux va induire des
modifications de la pression du gaz (air et vapeur de solvant) et donc l'apparition de
gradients de pression du gaz. Ces gradients vont à leur tour induire des flux de
masse de vapeur de solvant et d'air que l'on décrit par la même relation de Darcy.
Dans cette étude, le solvant est sujet à l'évaporation qui se traduit par un flux de
masse de solvant E entre la phase liquide et la phase gazeuse. Kawamura et al. [1]
s
proposent par exemple de relier E à la pression de vapeur saturante du solvant Psat
en faisant intervenir k, coefficient de transfert de masse qui dépend des conditions
au niveau de la surface (température, présence de courant d'air, etc).

M s
E k Psat (2)
RT

Cette évaporation apparaît dans le milieu poreux au niveau de chaque pore de

42
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

rayon rm . Comme dans le milieu poreux la surface de l'interface dépend de la


répartition statistique de la géométrie des pores ainsi que du degré de saturation,
l'évaporation y est hétérogène, ce qui introduit des gradients de concentration de
solvant dans la phase liquide. L'évaporation hétérogène induit également des
concentrations de vapeur de solvant hétérogènes dans la phase gazeuse.
On trouvera donc également des gradients de concentration dans cette phase.
L'évaporation a également lieu à la surface du dépôt de colle au contact avec
l'atmosphère ambiante. Dans la couche de surface apparaissent donc aussi des
gradients de concentration de solvant en phase liquide.
Les flux de masse liés aux gradients de concentration sont décrits par la relation de
Fick. Dans cette relation, on lie la vitesse relative des particules de l'espèce
chimique i dans la phase j à un gradient de concentration (massique ou molaire) et à
la fraction volumique occupée par l'espèce chimique.

2.2 - Système d'équations

On calcule les flux de masse à partir des vitesses vij pour chaque espèce i par
l'intermédiaire des relations suivantes (3) où intervient la saturation locale du milieu
poreux Sl .

Fli vilUilISl (3)

Fgi vigUig I(1  Sl )

Ces relations donnent alors (équations 4).

­ Kl
° Fl p  U lp
Kl
grad Pl  g l Dl grad U lp
°
Kl
°
°
Fl s  U ls
Kl
grad Pl  g l Dl grad U ls
°
® s ªKg § Pa · § P s ·º ( 4)
° Fg  U gs « grad Pg  ¨¨1  ¸¸ g g D g grad ¨ g ¸ »
«¬ K g Ps ¨ Pg ¸ »
° © ¹ © ¹¼
° ªKg § P ·º
a
§ Ps ·
°F a  U ga « grad Pg  ¨¨1  ¸¸ g g D g grad ¨ g ¸»
° g ¨ Pg ¸»
¯ ¬« K g © Pa ¹ © ¹¼

Les bilans de masse s'écrivent sous la forme du système d'équations (équations 5).

43
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

w
wt

U ga I 1  S l div F ga
w
wt
U gp I S l div Fl p (5)

w
wt

U gs I 1  S l  U ls I S l
div F gs  Fl s
3 - Caractérisation de la colle et du milieu poreux

3.1 - Caractéristiques de la colle

Les colles employées dans l'industrie ont une composition très complexe faisant
intervenir plusieurs solvants, plusieurs polymères ainsi que des charges. Dans notre
étude, nous nous sommes limités à une colle simplifiée composée d'un polymère et
d'un solvant. Plusieurs caractéristiques de la colle interviennent dans la formulation
des équations précédentes.
La détermination de ces différentes caractéristiques a été faite selon des modèles
propres aux mélanges solvants/polymères. Les conditions d'emploi de la colle
restent relativement classiques : pression et température ambiantes. Un grand
nombre de travaux ont été réalisés sur les mélanges polymères/solvants dans ces
conditions. La plupart des caractéristiques nécessaires à notre modèle ont donc pu
être trouvées dans la littérature. Nous avons choisi les modèles suivants :
‰ On utilise le modèle de Vrentas et Duda [2] pour déterminer le coefficient de
diffusion mutuelle D l dans le liquide.
‰ D g Pg a été pris constant dans le domaine de variation de pression du problème.
On peut utiliser la relation de Fuhler et al. (dans Poling) [3] valable pour un
mélange gazeux binaire sous une faible pression P.
‰ Plusieurs régimes de dilution sont donc à distinguer (dilué, semi-dilué, concentré
et enchevétré) et des modèles existent pour calculer la viscosité Kl dans chacun
de ces régimes [4]. Dans notre cas, nous avons choisi d'utiliser dans le domaine
semi-dilué une relation semi-empirique due à Lyons et Tobolsky (dans Van
Krevelen) [5] extrapolée dans le domaine enchevêtré.
‰ La valeur de la viscosité dynamique D g du mélange gazeux et son évolution
avec la concentration en solvant peuvent être approchées par la méthode semi-
empirique de Reichenberg (dans Poling) [3].
‰ L'évaluation de la pression de vapeur de solvant en équilibre avec la solution de
polymère peut être faite par la théorie de Flory [6].
‰ Le calcul de la tension de surface de la colle en fonction de la concentration en
solvant peut se faire par le calcul des tensions de surface de chacun des
composants (solvant et polymère) et par une loi de mélange de Huggill et
Welsenes [5].

Dans les pores du milieu poreux, la mise en traction de la phase liquide entraîne une

44
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

diminution de la pression de vapeur saturante de solvant en équilibre. On utilise


l'égalité du potentiel chimique de l'espèce solvant dans les deux phases pour obtenir
une expression de la pression en fonction de la pression de liquide (équation 6)
connue comme la relation de Kelvin.

Pl  Patm
Vm
s RT
Pg Psat e (6)

3.2 - Propriétés du milieu poreux

La perméabilité K, la porosité I et la résistance à la diffusion g du milieu poreux


interviennent dans les équations de bilan de masse. K et g vont varier avec la
saturation. Dans le cas du béton, nous avons utilisé les relations (équations 7)
utilisées par de nombreux auteurs [7].

2J
­ § 1

°K g k abs 1  Sl ¨1  Sl ¸
° © ¹
° J 2
§ 1 ·
°K k
® l ¨ §
abs Sl ¨1  ¨1  Sl ¸ ¸
J· ¸
(7)
° © © ¹ ¹
° 10
°g g I 1  Sl 3
43

°g IS W
¯ l l

Ces relations font intervenir des constantes propres au milieu poreux cimentaire
comme la tortuosité, le coefficient de perméabilité absolue k abs et W .
On doit pouvoir également apporter une description de la distribution des pores en
fonction de la saturation. Cela permet en effet de connaître la valeur de r intervenant
dans la relation (équation 1). Nous avons choisi une description de la porosité basée
sur des études expérimentales de sorption et de désorption faites par Baroghel-
Bouny [8].

4 - Modélisation numérique et résultats

Les équations à résoudre ainsi que les variations des constantes du problème avec
la composition de la colle constituent un système d'équations différentielles
fortement non-linéaires.
Il est donc nécessaire d'utiliser une approche numérique pour le résoudre. Cette
approche a été réalisée par la méthode des volumes finis. Il a été procédé ensuite à
une résolution de type implicite du système d'équations différentielles traduisant le
bilan de masse et l'équilibre liquide - vapeur. Il a été envisagé un cas simple
unidirectionnel pour lequel une colle est déposée sur un milieu poreux de type béton

45
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

d'épaisseur 2 cm, la couche de colle ayant une épaisseur de 2 mm.


Les figures 1 et 2 montrent les variations obtenues pour la pression totale de gaz et
la quantité de polymère par unité de volume de milieu poreux au cours du temps.

On peut constater une progression de plus en plus lente du mélange dans le milieu
poreux comme le montre la figure 2 au fur et à mesure que la fraction de solvant
diminue et donc que la viscosité augmente. Une surpression initiale de la phase
gazeuse au niveau de l'interface couche de dépôt/milieu poreux apparaît à cause du
dépôt de colle en surface et des flux gazeux de diffusion en phase gazeuse. Cette
surpression s'atténue progressivement pour retrouver la valeur d'équilibre de la
pression atmosphérique. Les calculs indiquent également une évaporation de
solvant en amont du front de colle correspondant à une condensation de solvant en
aval. Sur la figure 2, après un temps de l'ordre de quelques minutes, on peut voir
l'effet de l'évaporation en surface sur la composition de la colle. La plus forte
concentration en polymère en surface se répercute par diffusion sur la composition
dans le milieu poreux.

Fig. 1 - Évolution de la pression de gaz au cours du temps.

46
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 2 - Évolution de la fraction volumique des pores remplis de polymère.

5 - Conclusions

Ce premier modèle a permis de montrer que l'on pouvait rendre compte


qualitativement des différents phénomènes physiques présents dans notre problème
(évaporation, diffusion, apparition de gradients de pression). Les valeurs
quantitatives issues des premiers calculs sont toutefois à utiliser avec précaution.
Cependant, l'ordre de grandeur de la profondeur de pénétration du polymère (plus
de 20% du volume des pores sur une profondeur d'environ 5 mm comme le montre
la figure 2) peut être comparé à la dizaine de ȝm qui correspond à la profondeur sur
laquelle on peut observer des liaisons physico-chimiques entre le béton et une
résine époxyde. On pourrait donc envisager de développer cette technique pour
améliorer la surface d'interaction béton/colle.
Une série d'essais visant à valider notre modèle est en cours de réalisation. Nous
utilisons des capteurs de pressions et des électrodes coulées en place pour mesurer
la progression du gaz et du liquide dans des éprouvettes de pâte de ciment.
Les perspectives de ce travail seront ensuite d'appliquer le modèle validé à un
mélange qui peut réellement constituer une colle. On pourra alors mesurer le gain
éventuel en résistance mécanique apporté par ce procédé par rapport aux résines
époxy.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Références bibliographiques

[1] KAWAMURA P.I., MACKAY D., The evaporation of volatile liquids, Journal of
Hazardous Materials 15, 343-364, 1987.
[2] VRENTAS J.S, DUDA J.L., Diffusion in polymer-solvent systems, Journal of
Polymer Science (polymer physics edition) 15, 403-439, 1977.
[3] POLING B.E., PRAUSNITZ J.M., O'CONNEL J.P., The properties of gasses
and liquids (5th edition), McGRAW-HILL international editions, 2001.
[4] FERRY D.F., Viscoelastic properties of polymers (3rd edition), John Wiley &
Sons, 1980.
[5] VAN KREVELEN D.W., Properties of polymers (3rd edition), Elsevier, 1990.
[6] FLORY P.J., Principles of polymer chemistry, Cornell University press, 1953.
[7] MAINGUY M., COUSSY O., EYMARD R., Modélisation des transferts
hydriques isothermes en milieux poreux, Etudes et Recherches des
Laboratoires des Ponts et Chaussées, OA 32, 1999
[8] BAROGHEL-BOUNY V., Microstructure and moisture characterization of
ordinary and very high performance cement pastes and concretes, PhD, Ecole
Nationale des Ponts et Chaussées, 1994.

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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ APPROCHE PHYSICO-CHIMIQUE DES INTERACTIONS ADHÉSIF/SUBSTRATS CIMENTAIRES

BENZARTI K.
Service Physico-Chimie des Matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris
CHEHIMI M.M., PERRUCHOT C.
Laboratoire ITODYS, Université Paris 7, Paris

Résumé

Cet article rassemble les résultats d’une étude fondamentale sur les aspects
physico-chimiques du collage.
L’utilisation de deux techniques complémentaires d’analyse de surface, la
spectroscopie ESCA et la chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC), a
permis dans un premier temps de caractériser les propriétés dispersives de surface
et le comportement acido-basique de matériaux cimentaires (pâtes de ciment
durcies et produits d’hydratation modèles), en relation avec la composition chimique
de surface de ces substrats.
Dans un second temps, ces techniques ont permis d’étudier à l’échelle moléculaire,
le mouillage des substrats cimentaires par les constituants d’un adhésif époxyde
(résine et durcisseur aminé). L’influence du rapport E/C et de la texture des pâtes de
ciment sur le mécanisme d’adsorption des monomères a été abordée. Les analyses
ESCA ont également fourni des informations sur la nature des interactions physico-
chimiques entre les substrats et les monomères organiques.

1 - Introduction

En marge des matériaux hydrauliques traditionnels, comme le béton ou les mortiers,


les matériaux organiques trouvent de plus en plus de débouchés dans les
applications du génie civil [1]. A l’heure actuelle, ils entrent par exemple dans la
composition des phases minérales et organiques. Il est donc important de bien
appréhender les propriétés thermodynamiques de surface des matériaux
cimentaires en relation avec leur composition minérale et leur texture, ainsi que les
mécanismes d’interaction entre ces substrats et les produits organiques du génie
civil, en particulier les systèmes destinés à contrôler les propriétés rhéologiques du
béton frais [2-3], permettant de réaliser des revêtements de protection ou
d’étanchéité pour ouvrages d’art [4], utilisés en tant qu’adhésifs pour la fixation de
renforts composites sur structures endommagées [5-6], ou en tant que résines de
scellement pour les travaux de réparation et l’injection de fissures [5]. La plupart de
ces applications requièrent un niveau d’adhérence élevé entre le substrat cimentaire
et le polymère, ainsi qu’une tenue des propriétés mécaniques interfaciales dans le
temps. Ces conditions nécessitent en général une bonne mouillabilité du substrat
cimentaire par le polymère ou l’adhésif, et la création de liaisons physico-chimiques
durables entre les époxydes.

La littérature ne fournissant que très peu d’information sur le sujet, une collaboration

49
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

a été engagée entre le LCPC et l’Université Paris 7 (Laboratoire Itodys), afin


d’étudier certains aspects physico-chimiques fondamentaux du collage à l’échelle
moléculaire. Les travaux menés depuis 2001 se sont appuyés principalement sur
l’emploi de techniques d’analyse de surface, à savoir la chromatographie en phase
gazeuse inverse (IGC) et la spectroscopie de photo-électrons X (ou spectroscopie
ESCA), qui n’avaient jamais été utilisées auparavant pour la caractérisation de
matériaux cimentaires.

Cet article synthétise les principaux résultats obtenus dans le cadre de cette
collaboration, et ayant déjà fait l’objet de plusieurs publications dans des revues
scientifiques >7-11@. Il est structuré en plusieurs chapitres :
‰ la première partie présente les techniques d’IGC et de spectroscopie ESCA
(principes et conditions expérimentales),
‰ une deuxième partie décrit les matériaux étudiés et leurs méthodes de
préparation,
‰ la dernière partie regroupe les résultats et discussions se rapportant aux
différents axes de recherche abordés, à savoir :
- la caractérisation des propriétés thermodynamiques de surface des pâtes de
ciment durcies (influence de la composition minérale, du rapport E/C),
- la caractérisation de surface des principaux produits d’hydratation constitutifs d’une
pâte de ciment (portlandite, C-S-H, ettringite),
- l’étude des interactions physico-chimiques entre les pâtes de ciment durcies et les
deux composants individuels d’un système époxyde, le prépolymère et le durcisseur
aminé.

2 - Présentation des techniques d’analyse de surface utilisées

2.1 - Chromatographie en phase gazeuse inverse (IGC)

L’IGC est une technique très utilisée depuis les années 1980 pour déterminer les
propriétés thermodynamiques de surface liées au travail réversible d’adhésion de
polymères, fibres et additifs variés >12@. Ses fondements théoriques sont les mêmes
que ceux de la chromatographie gazeuse, et elle ne diffère de cette dernière que
dans le sens où c’est la phase stationnaire qui est caractérisée par des sondes
moléculaires de propriétés connues, d’où le terme « inverse ». La phase stationnaire
est ainsi constituée de l’échantillon à analyser (polymère, particules minérales,
fibres, etc…) qui est tassé dans une colonne chromatographique (Figure 1). Les
sondes moléculaires sont injectées une par une dans la colonne, et leurs temps de
rétention sont caractéristiques de l’intensité des interactions entre ces sondes et la
phase stationnaire. La technique d’IGC ne vise donc pas à séparer ou à identifier les
constituants du mélange injecté dans la colonne, mais bien à déterminer les
propriétés thermodynamiques de surface de la phase stationnaire.

50
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

2.1.1 Analyses IGC à dilution infinie (IGC-ID)

Les analyses IGC s’effectuent à concentration finie ou à dilution infinie. C’est cette
dernière approche qui est le plus souvent utilisée. On injecte alors des sondes à des
concentrations extrêmement faibles (10-3 ppm) afin de minimiser les interactions
sonde-sonde et ne favoriser que les interactions sonde-phase stationnaire.

Fig. 1 - Représentation schématique d’un appareillage d’IGC.

Le temps de rétention mesuré est corrigé afin de tenir compte du temps mort de la
colonne (mesuré avec un gaz qui n’interagit pas avec la phase stationnaire), et on
parle alors de temps de rétention net (tN). Ce dernier est la pierre angulaire de l’IGC
car il est directement lié aux interactions moléculaires entre la sonde injectée et la
phase stationnaire et permet de déterminer de nombreuses grandeurs
thermodynamiques.
Le volume de rétention (VN) est le volume de gaz vecteur inerte (ex. hélium ou
azote) nécessaire à la désorption d’une sonde injectée. En désignant par F le débit
du gaz vecteur, VN est alors donné par la relation :

VN = j.F.tN (1)

où j est le facteur de compressibilité des gaz.

A dilution infinie, l’énergie libre d’adsorption ('Ga) de la sonde sur la phase


stationnaire, est liée à VN par la relation :

'Ga = RTln(VN) + C (2)

51
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

où R est la constante des gaz parfaits, T est la température, et C est une


constante qui dépend de la masse et de la surface spécifique de la phase
stationnaire, ainsi que des états standards de la sonde dans la phase mobile et la
phase adsorbée.

Des valeurs de 'Ga, ou plus simplement de RTln(VN), vont alors découler des
constantes physico-chimiques qui permettent de caractériser les propriétés
dispersives, polaires et acido-basiques du matériau analysé.

2.1.2 Détermination des propriétés dispersives

Les propriétés dispersives dues aux forces de dispersion de London correspondent


à des interactions non spécifiques de type « dipôle instantané / dipôle instantané ».
Ces interactions sont omniprésentes et se rencontrent dans tous les matériaux.

Ces propriétés dispersives sont caractérisées par la composante dispersive de


l’énergie de surface, notée (Jsd). Dorris et Gray >13@ ont développé une méthode
permettant de déterminer les valeurs de Jsd à partir des données IGC, en utilisant la
série homologue des n-alcanes en tant que sondes moléculaires apolaires. Cette
méthode consiste à tracer les valeurs de RTln(VN) en fonction du nombre d’atomes
de carbone des sondes n-alcanes (voir figure 2). On obtient en général une
corrélation linéaire, et la pente de la droite correspond à l’enthalpie libre d’adsorption
d’un groupe méthylène ('GaCH2), ce groupe étant l’incrément dans la série
homologue des n-alcanes. Selon Dorris et Gray, la composante dispersive de
l’énergie de surface est alors reliée à 'GaCH2 par la relation :

2
d § 1 · §  'G CH 2 ·
J s
¨¨ ¸¸.¨¨ ¸¸ (3)
© 4.J CH 2 ¹ © N .a CH 2 ¹

où N est le nombre d’Avogadro, aCH2 est la section d’un groupement


méthylène (6 Å), JCH2 est l’énergie libre de surface d’un solide constitué
exclusivement de groupements CH2 comme le polyéthylène [JCH2 = 36.8 – 0.058 T
(T est la température de travail en °C)].

52
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 2 - Représentation de RTln(VN) vs le nombre d’atomes de carbone sur la chaîne


des n-alcanes. La pente de la droite de régression donne la valeur de ('GaCH2) et
permet de remonter à la composante dispersive de l’énergie de surface Jsd du
matériau analysé.

2.1.3 Détermination des interactions acide-base

Lorsqu’une sonde polaire interagit avec la phase stationnaire par des interactions
acido-basiques ou des liaisons hydrogène, l’énergie libre d’adsorption 'Ga devient la
somme d’une composante dispersive (d) et d’une composante acido-basique (AB),
de telle sorte que :

'Ga = 'Gad + 'GaAB (4)

'GaAB peut alors être déterminée par la relation :

'GaAB = -('Ga - 'Gad) = RTln(VN/VN,ref) (5)

où VN et VN,ref sont, respectivement, le volume de rétention de la sonde spécifique,


et celui d’un n-alcane hypothétique ayant les mêmes propriétés physico-chimiques
que la sonde (même température d’ébullition, pression de vapeur, etc.).

L’approche proposée par Brookman et Sawyer [14] permet de déterminer dans la


pratique, l’énergie libre d’adsorption acide-base 'GaAB (aussi appelée paramètre
spécifique d’interaction, et noté Isp dans la littérature). Cette méthode consiste à
tracer les valeurs de RTln(VN) en fonction de la température d’ébullition des sondes
utilisées. Les sondes apolaires n-alcanes conduisent de nouveau à une corrélation
linéaire qui constitue la ligne de référence pour les interactions dispersives de
London (Figure 3).

53
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Pour les sondes spécifiques, qui interagissent avec la phase stationnaire à la fois
par des forces de London et par des forces acido-basiques, les valeurs de RTln(VN)
se situent nettement au dessus de la droite de référence des alcanes. L’écart par
rapport à cette droite constitue une mesure quantitative de 'GaAB, ou paramètre
d’interaction spécifique Isp. Concrètement, ce paramètre est obtenu en faisant la
différence entre la valeur de RTln(VN) obtenue expérimentalement pour la sonde
spécifique considérée, et la valeur déterminée pour un alcane hypothétique qui
aurait la même température d’ébullition que cette sonde spécifique (cf. schéma de la
figure 3).

Fig. 3 - Détermination du paramètre Isp à partir de la valeur RTln(VN) de la sonde


spécifique et de la droite de référence des n-alcanes.

2.1.4 Conditions expérimentales utilisées pour les analyses IGC-ID

Les caractérisations ont été réalisées au moyen d’un chromatographe en phase


gazeuse Hewlett Packard (HP 6890). Les conditions expérimentales, pour toutes les
colonnes, étaient les suivantes :

Température de l’injecteur 50°C


Température du détecteur 150°C
Température de la colonne 35°C
Hélium: 20 ml/mn
Débit des gaz Air comprimé: 300 ml/mn
Hydrogène : 30 ml/mn

54
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Rôle des gaz : Air et hydrogène servent à obtenir une flamme au niveau du
détecteur à ionisation de flamme. L’hélium, quant à lui, sert de gaz vecteur pour le
transport des sondes moléculaires.

Dimension des colonnes : Les colonnes chromatographiques utilisées sont en


acier inoxydable, et présentent une longueur totale de 50 cm et des diamètres
intérieur et extérieur de 2,1 et 3,2 mm, respectivement. Elles sont remplies avec le
matériau à analyser, tout en appliquant de légères vibrations pour faciliter le tassage
des grains. Les extrémités des colonnes sont obturées par de la laine de verre, de
manière à éviter les pertes de matériau.

Conditionnement des colonnes : Les colonnes sont conditionnées dans un four à


35°C sous flux d’azote, pendant la nuit qui précède les analyses.

Sondes moléculaires : Les principales sondes moléculaires utilisées pour les


analyses IGC sont répertoriées dans le tableau 1. Il s’agit de n-alcanes, de 1-
alcènes, d’acides et de bases de Lewis. Le chloroforme est considéré comme un
acide de Lewis de référence, tandis que le benzène est une base de référence.
Les vapeurs de sondes sont injectées manuellement grâce à une seringue étanche
aux gaz (SGE). Le méthane (C1) de Fluka est utilisé comme sonde de référence
pour déterminer le temps mort de la colonne et par conséquent les temps nets de
rétention des autres sondes. Les temps de rétention sont déterminés au maxima
des pics de rétention lorsque ceux–ci sont symétriques. La Figure 4 montre un
exemple de signal IGC obtenu après l’injection de la série de n-alcanes dans une
colonne contenant une pâte de ciment durcie (réduite en poudre).

Acquisition des données : L’acquisition et le traitement des chromatogrammes est


réalisé à l’aide du logiciel JMBS Borwin, version 1.2.

Fig. 4 - Chromatogramme montrant les pics d’élution après injection d’un mélange
de n-alcanes dans une colonne remplie de pâte de ciment durcie (en poudre).

55
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 1 : Références et propriétés des sondes utilisées

Référence Abréviations Températures Fournisseurs


d’ébullition (°C)
n-Pentane C5 36,1 Prolabo
n-Hexane C6 68,7 Prolabo
n-Heptane C7 98,4 Prolabo
n-Octane C8 125,7 Aldrich
n-nonane C9 150,8 Fluka
1-pentène Pi5 30,0 Aldrich
1-hexène Pi6 63,3 Aldrich
1-heptène Pi7 94,0 Aldrich
Chloroforme CHCl3 61,2 Aldrich
Tétrachlorure de Carbone CCl4 77,0 Prolabo
Diéthyléther éther 34,6 Prolabo
Tetrahydrofurane THF 66,0 Prolabo
Benzène Bz 80,0 Prolabo

2.2 - Spectroscopie de photoélectrons ESCA (XPS)

2.2.1 Principe de la technique

La spectroscopie ESCA est une technique très performante qui permet de


caractériser la composition chimique de surface d’un matériau avec une profondeur
d’analyse de l’ordre de 2 à 10 nm (extrême surface).
D’un point de vue fondamental, lorsque les solides sont irradiés par des rayons X
mous (Al KD, Mg KD) sous ultra-vide, ils émettent des électrons de cœur dont
l’énergie de liaison est caractéristique des éléments présents à la surface de
l’échantillon.
Tous les éléments (sauf l’hydrogène) peuvent être détectés par ESCA. De plus, les
énergies de liaisons peuvent subir de légers décalages liés à l’environnement
chimique de l’élément considéré. Ce phénomène est appelé déplacement chimique
par analogie avec la RMN. Il est ainsi possible de détecter un élément particulier,
comme le carbone par exemple, mais également d’identifier son environnement
local (carbone de type aliphatique ou carboxylique).
Au-delà de la détection qualitative des éléments et groupements fonctionnels, la
spectroscopie ESCA permet également de déterminer des compositions de surface
(en % atomique). En effet, la concentration d’un élément peut être déterminée en
intégrant l’aire du pic correspondant sur le spectre ESCA, et en considérant le

56
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Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

facteur de sensibilité de l’élément. Le pourcentage atomique d’un élément A peut


ainsi être calculé à partir de la formule suivante :

I A /sA
%A x 100%
6( In / sn ) (6)

où IA et sA sont l’aire du pic et le facteur de sensibilité de l’élément A.

Il s’agit donc d’une technique semi-quantitative d’analyse élémentaire et chimique


de surface.

Etant donné que l’analyse ESCA s’opère sous ultravide (10-11 à 10-8 mbar), seuls les
matériaux solides peuvent être caractérisés par cette technique (ils peuvent être
plans, en poudre ou sous forme de fibres) La spectroscopie ESCA est une
technique parfaitement complémentaire à l’IGC, car elle permet d’interpréter les
données thermodynamiques en fonction de la composition de surface effective du
matériau.

2.2.2 Conditions expérimentales retenues pour les analyses ESCA

Les analyses ESCA ont été effectuées au moyen d’un spectromètre VG Scientific
ESCALAB 250, équipé d’une source monochromatique de rayons-X Al KD (1486,6
eV) et d’une lentille magnétique permettant d’augmenter la sensibilité de l’appareil.
Sur cet appareil, la compensation de charge est assurée par un canon à électrons
combiné avec un canon à ions d’argon.
Les analyses sont réalisées avec un faisceau de rayons X d’un diamètre de 650 Pm,
avec des énergies passantes de 150 et 40 eV, respectivement, pour l’acquisition
des spectres à large balayage et des raies spécifiques. Dans le cas des raies du
carbone C1s et de l’azote N1s, une très haute résolution spectrale a été obtenue en
utilisant une énergie passante de 15 eV. Le logiciel Avantage software, version 1.85,
a été utilisé pour l’acquisition et le traitement des spectres.

3 - Matériaux et méthodes de préparation

Ce chapitre présente les différents matériaux étudiés et les modes de préparation


permettant de réaliser des échantillons adaptés aux analyses IGC et ESCA.

3.1 - Les pâtes de ciments durcies

Des pâtes de ciment ont été préparées à partir de deux ciments commerciaux :
- un ciment Portland artificiel CEM I 52,5 PMES, qui sera noté OPC dans la suite
de l’article (i.e. Ordinary Portland Cement),
- un ciment gris CEM II B 32,5 R, constitué de 71% de clinker et 23 % d’ajouts
calcaires, noté BC par la suite (i.e. Blended Cement).

57
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Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Lors du gâchage, deux rapports eau sur ciment ont été utilisés pour la réalisation
des pâtes de ciment OPC, de manière à faire varier la structure poreuse et la texture
des matériaux durcis : E/C=0,5 et E/C=0,3. En revanche, un seul rapport E/C de 0,5
a été considéré pour la fabrication des pâtes de ciment BC. Après gâchage, les
différentes pâtes de ciment fraîches ont été coulées dans des moules cylindriques
en PVC. Une fois démoulées, les pâtes de ciment durcies (Pcd) ont été stockées
pendant un mois à l’ambiante afin d’achever le processus d'hydratation.

Ces échantillons ont été réduits en poudres fines à l’aide d’une broyeuse
automatique. Les particules obtenues étant très friables, un protocole a été mis au
point pour obtenir des grains plus compacts, mieux adaptés au remplissage des
colonnes IGC :
‰ pastillage de la poudre pour obtenir une pastille compacte (épaisseur |1 mm)
‰ broyage des pastilles au mortier en agate pour obtenir des particules très solides
mécaniquement,
‰ tamisage de ces particules pour conserver les granulométries comprises entre
250 et 400 µm (dimensions optimales garantissant un flux régulier du gaz
vecteur à travers la phase stationnaire lors des analyses IGC).

Ces poudres compactes permettent de remplir plus facilement les colonnes


chromatographiques et sont aussi adaptées pour les analyses en spectroscopie
ESCA. La micrographie sur la Figure 5 montre l’aspect des poudre de Pcd après
préparation.

Fig. 5 - Aspect des poudres de Pcd après préparation (image MEB).

Les échantillons de pâtes de ciment OPC seront notés OPC x, où x représente le


rapport E/C avec des valeurs de 0,3 ou 0,5. Les échantillons BC seront notés BC
O,5 en raison du rapport E/C unique de 0,5 utilisé pour cette formulation.

Le tableau 2 regroupe certaines propriétés concernant la texture des Pcd étudiées,

58
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à savoir :
‰ les surfaces spécifiques mesurées par la méthode BET (adsorption d’azote gaz)
à l’aide d’un analyseur Micromeritics ASAP 2010,
‰ la porosité totale déterminée à l’aide d’un porosimètre à mercure Micromeritics
Autopore 9220.

Tableau 2 : Surfaces spécifiques et porosités des Pcd étudiées

SURFACE Porosité
COMPOSES SPECIFIQUE totale (%)
(M2.G-1)
OPC 0,3 24 16
OPC 0,5 70 28
BC 0,5 77 31

3.2 - Les produits d’hydratation modèles

Il est bien connu que les pâtes de ciment durcies (Pcd) sont entre autres constituées
de trois composés qui sont formés au cours des réactions d’hydratation, à savoir :
- le silicate de calcium hydraté (CaO.SiO2.H2O, abrégé C-S-H), qui représente en
général entre 50 et 70 % en masse de la Pcd,
- la portlandite (Ca(OH)2) qui représente de 25 à 27 % en masse de la Pcd
- l’ettringite (3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O), à hauteur de quelques %.

Des composés modèles représentatifs de ces trois produits d’hydratation peuvent


être synthétisés individuellement en laboratoire, selon des procédures décrites dans
les références [11 et 15].

L’un des axes de recherche avait donc pour objectif de caractériser les propriétés de
surfaces de ces trois composés modèles, puis de comparer leurs caractéristiques
individuelles à celles des pâtes de ciments durcies décrites dans le paragraphe 3.1.

Les trois composés modèles ont été synthétisés au LCPC sous forme de poudres
très fines. Le protocole de tamisage et de pastillage décrit précédemment a permis
une fois de plus d’obtenir des poudres constituées de particules compactes et
solides, avec une granulométrie comprise entre 250 et 400 microns.

Le tableau 3 regroupe les valeurs de surfaces spécifiques de ces composés,


déterminées par méthode BET

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Tableau 3 : Surfaces spécifiques des composés modèles étudiés

SURFACE SPECIFIQUE
COMPOSES
(M2.G-1)
C-S-H 180,7
portlandite 7,9
ettringite 20,8

3.3 - Les pâtes de ciments revêtues par la résine époxyde (R) ou par le
durcisseur aminé (H)

Afin de caractériser des interactions entre les pâtes de ciment durcies et un adhésif
époxydique, nous avons sélectionné un système époxy bi-composant constitué :
‰ d’un prépolymère à base de diglycidyléther du bisphénol A ou DGEBA, qui sera
noté R par la suite,
‰ d'un agent durcisseur à base de triéthylène tétramine, qui sera noté H par la
suite.

Certains échantillons de poudre de Pcd décrits dans la partie 3.1. ont été enduits par
un dépôt contrôlé de résine R ou de durcisseur H, avec des pourcentages
massiques fixés à 1, 5 ou 10%.
La méthode d’imprégnation utilisée est celle préconisée par Al-Saïgh et Munk [16].
C’est une procédure simple et précise (l’erreur associée est inférieure à 1%) qui
permet de déposer une quantité fixée de matière organique sur un substrat
quelconque, par l’intermédiaire d’un solvant. Pour nos échantillons, les étapes de
préparation ont été les suivantes :
- la quantité exacte de résine (ou du durcisseur) correspondant à la masse de dépôt
souhaitée est dissoute dans 50 ml d'acétone,
- la poudre de Pcd (compactée et tamisée) à enduire est placée sur une lentille de
verre de manière à former un monticule. Le dessus du monticule est lentement
imbibé par quelques gouttes de la solution acétone/résine (ou acétone/durcisseur).
Le liquide ne doit pas toucher la paroi de la lentille en verre, car cela entraînerait une
perte importante de résine (ou de durcisseur),
- après évaporation du solvant, la poudre est mélangée soigneusement,
- le processus est répété (dépôt de goutte + évaporation + mélange de la poudre)
jusqu’à ce que toute la solution ait été utilisée.

Cette méthode est longue mais très précise, et il n’est pas nécessaire de contrôler a
posteriori la masse du dépôt par analyse thermo-gravimétrique.

Des échantillons témoins ont également été préparés, en imprégnant des poudres
de pâte de ciment OPC et BC par un volume de 50 ml d’acétone pure (imprégnation
goutte à goutte), sans adjonction de résine ou de durcisseur. L’acétone s’évapore

60
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Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

rapidement, et ce traitement revient finalement à un simple rinçage de surface des


Pcd. Ces échantillons de contrôle seront notés OPC x – AC, et BC x – AC (où x
représente la valeur du rapport E/C).

Par ailleurs, des supports chromatographiques (poudres Chromosorb de


granulométrie 80-100 microns) ont également été enduits de résine ou de durcisseur
par le procédé de Al-saïgh et Munk, avec des pourcentages massiques de dépôt de
5%. La surface du Chromosorb étant inerte vis-à-vis des sondes moléculaires
utilisées en IGC, ces échantillons vont permettre d’évaluer les propriétés de surface
intrinsèques de la résine R et du durcisseur H.

Le tableau 4 récapitule les différents échantillons préparés pour cette partie de


l’étude.

Tableau 4 : Abréviations et description des échantillons imprégnés par R ou H

Abréviations Description des matériaux


OPC 0,3 R1% OPC 0,3 revêtue de 1% de résine (R ) en masse
OPC 0,3 R5% OPC 0,3 revêtue de 5% de résine (R ) en masse
OPC 0,3 R10% OPC 0,3 revêtue de 10% de résine (R ) en masse
OPC 0,3 H1% OPC 0,3 revêtue de 1% de durcisseur (H ) en masse
OPC 0,3 H10% OPC 0,3 revêtue de 10% de durcisseur (H ) en masse

OPC 0,5 R1% OPC 0,5 revêtue de 1% de résine (R ) en masse


OPC 0,5 R5% OPC 0,5 revêtue de 5% de résine (R ) en masse
OPC 0,5 R10% OPC 0,5 revêtue de 10% de résine (R ) en masse
OPC 0,5 H1% OPC 0,5 revêtue de 1% de durcisseur (H ) en masse
OPC 0,5 H10% OPC 0,5 revêtue de 10% de durcisseur (H ) en masse

BC 0,5 R1% BC 0,5 revêtue de 1% de résine (R ) en masse


BC 0,5 R5% BC 0,5 revêtue de 5% de résine (R ) en masse
BC 0,5H1% BC 0,5 revêtue de 1% de durcisseur (H ) en masse
OPC 0,5-AC Echantillon de contrôle OPC 0,5 rincé à l’acétone
OPC 0,3-AC Echantillon de contrôle OPC 0,3 rincé à l’acétone
BC 0,5-AC Echantillon de contrôle BC 0,5 rincé à l’acétone

R5% Chromosorb revêtu 5% résine (R)


H5% Chromosorb revêtu 5% durcisseur (H)

61
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Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

4 - Résultats et discussions

Pour chaque type de matériau présenté dans le chapitre 3 (Pâtes de ciments


durcies, produits d’hydratation modèles, Pcd enrobées de R ou H), nous allons à
présent donner les principaux résultats concernant :
- la détermination des compositions élémentaires de surface, par spectroscopie
ESCA,
- la détermination des propriétés thermodynamiques de surface (propriétés
dispersives et comportement acido-basique) par IGC-ID.

Le recoupement des deux approches expérimentales permet à chaque fois


d’interpréter les résultats d’IGC en fonction de la composition chimique réelle des
surfaces.

4.1 - Propriétés thermodynamiques de surface des Pcd.

4.1.1 Caractérisation par spectroscopie ESCA

Les différentes pâtes de ciments OPC et BC ont été analysées par spectroscopie
ESCA. La figure 6.a montre un exemple de spectre ESCA global obtenu pour le
matériau OPC 0,5. Des spectres similaires ont été obtenus pour les autres Pcd. Les
principaux éléments de surface détectés sont le calcium, le silicium, l’oxygène et le
carbone. Leurs photo-pics correspondants Ca2p, Si2p, O1s et C1s, sont centrés
respectivement à 347, 103, 531 et 285 eV. La figure 6.b présente les compositions
élémentaires de surface de ces Pcd (restreintes aux % atomiques des principaux
éléments). Cette composition est très voisine pour les différentes Pcd, et semble
peu sensible aux variations du rapport E/C ou de la composition cimentaire (OPC ou
BC).

Fig. 6 -
a) Allure du spectre ESCA pour le matériau OPC 0,5.
b) Compositions de surface des différentes Pcd.

Par ailleurs, on peut noter une importante teneur en carbone à la surface des Pcd

62
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Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

(entre 14 et 26 % at.), qui n’était a priori pas attendue. Pour identifier son origine,
nous avons enregistré le signal haute résolution du carbone C1s pour chacun des
échantillons. La figure 7 montre le signal C1s obtenu pour le matériau OPC 0,5. Des
signaux comparables ont été obtenus pour les autres Pcd.

Le signal C1s présente une structure complexe avec deux pics apparents centrés à
285 et 290 eV. Le premier est attribué à des atomes de carbone provenant de
groupements organiques aliphatiques ou aromatiques, tandis que le second est
attribué à des groupes carbonatés présents sur la surface minérale.

Ceci implique que :


- une contamination organique soit présente sur la surface de tous les échantillons.
Il ne s’agit pas un phénomène particulier, puisque ce type de contamination est
observé en spectroscopie ESCA sur la plupart des substrats minéraux ou
métalliques, et provient en général de vapeurs organiques (acides gras) ou de
poussières naturellement présentes dans le milieu environnant,
- les groupements carbonates révèlent une légère carbonatation de surface sur
l’ensemble des échantillons (l’analyse thermo-gravimétrique confirme une
carbonatation de l’ordre de 2%).

Intensité (cps)

Energie de liaison (eV)

Fig. 7 - Signal haute résolution du carbone C1s pour le matériau OPC 0,5.

4.1.2 Evaluation des propriétés dispersives par IGC-ID

Les composantes dispersives de l’énergie de surface (Jsd) des Pcd ont été
déterminées par IGC-ID, selon la méthode de Dorris et Gray décrite dans le
paragraphe 2.1.2. Les analyses ont été réalisées sur les pâtes de ciment brutes
(OPC 0,3 ; OPC 0,5 et BC 0,5), mais aussi sur les échantillons de contrôle rincés à
l’acétone présentés dans le paragraphe 3.1.3 (OPC 0,3-AC ; OPC 0,5-AC et BC 0,5-
AC)

63
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La figure 8 regroupe les valeurs de Jsd obtenues pour ces différents matériaux.
Pour les Pcd brutes, on peut constater que la valeur de Jҏ sd reste comprise entre 42
et 43 mJ/m2, et ne semble pas dépendre du rapport E/C ou de la nature du ciment
utilisé. En revanche pour les Pcd rincées à l’acétone, on observe une augmentation
globale de Jsd par rapport aux Pcd brutes, et l’apparition de différences significatives
en fonction de la formulation (rapport E/C et nature du ciment). La valeur
relativement faible de Jsd obtenue pour les Pcd brutes semble cohérente avec la
contamination organique de surface mise en évidence par ESCA. En effet, cette
dernière minimiserait l’énergie de surface du substrat et bornerait la valeur deJsd.
Le traitement de rinçage des Pcd par l’acétone permettrait quant à lui, d’éliminer tout
ou partie de cette contamination organique. Les valeurs de Jsd mesurées pour les
échantillons rincés à l’acétone seraient alors vraiment caractéristiques des
propriétés de surface du substrat minéral, d’où les différences observées en fonction
du rapport E/C ou de la nature du ciment.

Fig. 8 - Valeurs de Jsd pour les Pcd « brutes »


et pour les échantillons rincés à l’acétone.

Afin de mieux apprécier l’influence du rapport E/C sur les propriétés de surface des
Pcd, nous avons déterminé les volumes spécifiques de rétention Vg (volume net de
rétention par gramme de matériau de la phase stationnaire) d’une série de n-
alcanes adsorbés sur les matériaux OPC 0,5-AC et OPC 0,3-AC. La figure 9 montre
les valeurs de Vg obtenues pour des sondes n-alcanes C5 à C7 adsorbées sur ces
deux matériaux.
Il apparaît clairement que les valeurs de Vg sont plus élevées pour le matériau ayant
le rapport E/C le plus grand (et donc la surface spécifique et la porosité les plus
grandes). En réalité, cela signifie que le nombre de sites superficiels capables
d’interagir avec les sondes moléculaires dépend fortement de la texture de la

64
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

pâte de ciment durcie.

Fig. 9 - Volumes spécifiques de rétention Vg des sondes n-alcanes


adsorbées sur les matériaux OPC 0,3-AC et OPC 0,5-AC.

4.1.3 Evaluation des propriétés acide-base par IGC-ID

Le comportement acido-basique des Pcd a ensuite été caractérisé par IGC-ID, en


étudiant l’adsorption de sondes moléculaires spécifiques sur la surface des
différents matériaux. Les paramètres d’interaction spécifiques Isp, caractérisant les
interactions entre ces sondes spécifiques et la phase stationnaire, ont été
déterminées par la méthode de Brookman et Sawyer (cf. paragraphe 2.1.3.)

La figure 10 permet de comparer les valeurs des Isp relatives à l’adsorption des
sondes sur les pâtes de ciment brutes ou rincées à l’acétone. Les résultats obtenus
conduisent aux observations suivantes :
- les valeurs des Isp sont élevées dans l’ensemble, aussi bien avec la sonde acide
de Lewis (CHCl3), qu’avec la base de Lewis (Bz) ou avec les sondes aromatiques
(Pi6 et Pi7, qui sont des bases faibles). Ceci montre clairement que les pâtes de
ciment peuvent interagir fortement avec des acides et des bases de Lewis, et
présentent donc un caractère amphotère marqué. Néanmoins, les valeurs d’Isp les
plus élevées sont obtenues avec le chloroforme (CHCl3), ce qui indiquerait une
basicité prédominante de ces matériaux (au sens de Lewis).
- en comparant les paramètres Isp obtenus pour les échantillons bruts avec ceux des
échantillons rincés à l’acétone, on note une influence significative du rinçage sur le
comportement acido-basique des Pcd. En effet, le rinçage conduit à une
augmentation globale des valeurs d’Isp pour l’ensemble des sondes moléculaires, ce
qui correspond à une accentuation du caractère acide et du caractère basique (au

65
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

sens de Lewis) de la surface des Pcd. Ce résultat est cohérent avec l’hypothèse
selon laquelle le rinçage à l’acétone élimine en partie la pollution d’origine
organique, et active ainsi la surface minérale.
- l’influence du rapport E/C sur les propriétés acido-basiques de la surface des Pcd
est également notable. En effet, les valeurs d’Isp sont globalement plus élevées pour
les matériaux OPC 0,5 que pour les OPC 0,3 ce qui traduit des caractéristiques
acide et basique plus marquées. Par son impact sur la texture du matériau, le
rapport E/C affecterait donc bien le nombre de sites capables d’interagir avec les
sondes moléculaires.

Fig. 10 - Comparaison des paramètres Isp obtenus pour les sondes spécifiques
adsorbées sur les différentes pâtes de ciment brutes ou rincées à l’acétone.

4.2 - Caractérisation des propriétés thermodynamiques de surface


des produits d’hydratation modèles

Cette partie est consacrée à la caractérisation des 3 composés modèles synthétisés


en laboratoire, à savoir la portlandite Ca(OH)2, l’ettringite
(3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O) et le C-S-H (CaO.SiO2.H2O). Elle vise à mieux
comprendre le rôle individuel des produits d’hydratation vis-à-vis des propriétés
globales de surface des Pcd.

4.2.1 Caractérisation par spectroscopie ESCA

La Figure 11 présente les compositions chimiques de surface des trois composés


modèles, telles qu’obtenues à partir des spectres ESCA. Les données sont
volontairement limitées aux principaux éléments détectés.
Ces éléments sont très comparables à ceux trouvés précédemment sur la surface
des pâtes de ciment OPC et BC (cf. paragraphe 4.1.1.), ce qui n’est pas surprenant

66
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

puisque la portlandite, l’ettringite et le C-S-H sont parmi les principaux produits


formés au cours de l’hydratation des ciments. La nature des éléments trouvés en
surface est également cohérente avec les formules théoriques des composés
massiques.

Comme pour les pâtes de ciment durcies, les signaux ESCA du carbone C1s ont
révélé la présence de carbonates, suggérant une légère carbonatation de la surface
des composés.

Fig. 11 - Composition de surface des produits d’hydratation modèles.

4.2.2 Evaluation des propriétés dispersives par IGC-ID

La Figure 12 permet de comparer les valeurs de la composante dispersive de


l’énergie de surface Jsd des trois composés modèles, obtenues en exploitant les
données IGC-ID selon l’approche de Dorris et Gray (cf. paragraphe 2.1.2.).

Ces composés se présentent comme des matériaux à hautes énergies de surface,


avec des valeurs de Jsd comprises entre 45,6 et 96,3 mJ.m2 à la température de
travail de 35°C. Ces valeurs décroissent dans l’ordre suivant : C-S-H > Ca(OH)2 >
ettringite. Ces différences montrent que la nature même des produits d’hydratation
affecte les propriétés dispersives de surface.

67
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 12 - Valeurs de Jsd pour les différents composés modèles.

Il est intéressant de voir que les valeurs de Jsd obtenues dans le chapitre 4.1. pour
les pâtes de ciment durcies OPC et BC (brutes ou rincées à l’acétone), sont
globalement inférieures à celles décrites ici pour les deux composés individuels C-S-
H et portlandite, mais sont plus proches de la valeur correspondant à l’ettringite.
Ceci semble surprenant, sachant que le C-S-H et la portlandite sont les constituants
majoritaires des Pcd (environ 70 et 20% en masse, respectivement) alors que
l’ettringite est minoritaire. L’explication la plus plausible est que les composés
individuels synthétisés en laboratoire ne sont pas parfaitement représentatifs des
produits d’hydratation naturels constituant les Pcd, bien que leurs compositions
chimiques de surface soient conformes.

Ainsi, la composition chimique de surface ne serait pas le seul paramètre


susceptible d’affecter les propriétés dispersives des produits d’hydratation, et par
conséquent celles des Pcd. La texture microporeuse semble également jouer un
rôle non négligeable.

4.2.3 Evaluation du comportement acide-base par IGC-ID

Nous avons ensuite déterminé les paramètres d’interaction spécifiques Isp,


caractérisant les interactions entre différentes sondes spécifiques et la phase
stationnaire, selon la méthode Brookman et Sawyer déjà décrite.
La figure 13 permet de comparer les valeurs des Isp correspondant à l’adsorption
des sondes spécifiques sur les trois composés modèles.

Toutes les sondes moléculaires spécifiques (les acides comme les bases de Lewis)
interagissent fortement avec les phases stationnaires, comme le montrent les
valeurs élevées des Isp. Ceci révèle à nouveau le caractère amphotère des
composés modèles, comme c’était déjà le cas précédemment pour les pâtes de
ciment durcies.

68
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 13 - Valeurs des Isp correspondant à l’adsorption


des sondes spécifiques sur les produits d’hydratation modèles.

Les sondes acides, comme le dichlorométhane ont permis de déterminer des


valeurs d’Isp pour chacun des trois composés. En revanche, cela n’a pas été
possible avec les bases de Lewis, à l’exception du diéthyléther. En effet, ces sondes
s’adsorbent de manière irréversible sur les phases stationnaires, et les temps de
rétention ne sont pas mesurables. Ce phénomène suggère donc un caractère acide
prédominant des produits d’hydratation modèles. L’utilisation de sondes
moléculaires aromatiques (qui sont des bases faibles) a néanmoins permis de
déterminer des valeurs d’Isp et de caractériser le comportement acide des composés
modèles.

Pour les sondes acides de Lewis (CH2Cl2 et CHCl3), les valeurs des Isp décroissent
dans l’ordre suivant : CSH > Ettringite > Portlandite.
En ce qui concerne les sondes aromatiques (bases faibles 1-alkenes), les valeurs
des Isp décroissent également selon cet ordre: CSH > Ettringite > Portlandite.

Il est intéressant de voir que les produits hydratés (comportant des molécules H2O
dans leur structure) sont ceux qui présentent les valeurs d’Isp les plus élevées, aussi
bien avec les sondes acides qu’avec les sondes aromatiques. Il semble donc que la
teneur en eau (liée ou non liée) joue un rôle important le comportement acide-base
des constituants, ce qui peut être attribué au caractère fortement amphotère de
l’eau.

4.3 - Etudes des interactions entre les Pcd et les composants R et H


de l’adhésif

Cette partie aborde les propriétés de surface des pâtes de ciment durcies,

69
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

recouvertes de dépôts contrôlés de résine ou de durcisseur. Elle vise à caractériser


le processus de mouillage à l’échelle moléculaire entre les substrats cimentaires et
les constituants de l’adhésif époxyde.

4.3.1 Caractérisation par spectroscopie ESCA

La Figure 14 présente les compositions élémentaires de surface (en % atomique) du


matériau BC 0,5 et du même substrat revêtu par 1% de R, 5% de R ou 1% de H.
Les données sont limitées aux principaux éléments détectés.
Comme l’on pouvait s’y attendre, la teneur en carbone augmente avec la quantité de
matière organique déposée à la surface des échantillons. De plus, on observe une
diminution de la teneur en calcium et en oxygène, qui est attribuée au masquage
des éléments de la surface minérale par le dépôt organique. En revanche, les
variations du taux de silicium ne sont pas bien définies.
Des évolutions comparables ont été observées pour les autres pâtes de ciment OPC
0,5 et OPC 0,3, après dépôts de quantités contrôlées de R ou de H.

Fig. 14 - Compositions de surface du matériau BC 0,5 nu ou recouvert par 1 et 5%


de résine R ou par 1% de durcisseur H.

Les figures 15.a et 15.b présentent respectivement, un signal ESCA haute résolution
typique du carbone C1s pour un échantillon revêtu de résine, et un signal typique de
l’azote N1s pour un substrat revêtu de durcisseur.

Le spectre C1s présente une structure complexe avec deux pics apparents, comme
nous l’avons déjà vu dans le paragraphe 4.1.1. Le pic C1s285 centré à 285 eV
correspond aux carbones provenant de composés organiques, tandis que le pic
C1s290 centré à 290 eV est lié aux carbonates. On observe une augmentation du

70
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

rapport d’intensité des pics (C1s285 / C1s290 ) lorsque la quantité de dépôt organique
augmente sur les substrat Pcd.
Le spectre N1s présente une forme très asymétrique, qui suggère l’existence de
différents types d’amines à la surface des échantillons. Une analyse par
déconvolution du signal a ainsi révélé la présence de 3 composantes (figure 15.b) :
- une composante principale centrée à 399,8 eV, est attribuée aux groupements
amines libres (pic A sur la figure),
- la seconde contribution centrée à 401,5 eV est attribuée à des amines qui
interagissent par liaison H avec la surface du substrat (pic B),
- la dernière composante (pic C) pourrait être liée à un phénomène de protonation
qui est encore mal identifié.
Il existe donc clairement des interactions spécifiques entre le durcisseur et la
surface amphotère des pâtes de ciment.

Fig. 15 -
a) Signal C1s haute résolution du matériau OPC 0,3-R1 %.
b) Déconvolution du signal N1s pour le matériau OPC 0,3-H1 %.

4.3.2 Evaluation des propriétés dispersives et acide-base par IGC-ID

Les propriétés dispersives des pâtes de ciment OPC et BC revêtues par R ou H ont
été déterminées par IGC-ID en utilisant la méthode de Dorris et Gray.

La Figure 16.a représente les évolutions des composantes dispersives de l’énergie


de surface (Jsd) des échantillons, en fonction du pourcentage massique de dépôt de
résine R. La figure 16.b montre quant à elle, l’évolution de Jsd en fonction du
pourcentage massique de durcisseur H.

71
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

En ce qui concerne les Pcd revêtues de résine, nous pouvons faire les remarques
suivantes :

- une diminution significative de Jsd est observée en fonction de la teneur massique


de R à la surface des échantillons, et ce quel que soit le substrat cimentaire
considéré (OPC ou BC). Ce résultat montre clairement que la résine mouille
substantiellement la surface des Pcd, et que le recouvrement de la surface minérale
augmente avec la quantité de dépôt organique,

- la surface des pâtes de ciment OPC semble saturée à partir de 8 à 10% en masse
de résine, car on obtient alors un palier de Jsd. A saturation, l’apport de matière
organique supplémentaire n’améliore plus le recouvrement de la surface minérale,

- il est intéressant de voir que les valeurs de Jsd des échantillons OPC 0,5 saturés
restent supérieures au niveau de Jsd de la résine seule sur support chromosorb
(matérialisé par une droite sur la figure 16.a). Ce résultat montre qu’à saturation, la
surface de ces Pcd n’est pas uniformément recouverte par la résine, et que les
monomères sont adsorbés sur des sites préférentiels,

- des différences peuvent être notées en fonction du rapport E/C pour les
échantillons OPC. En effet, la diminution initiale de Jsd est plus prononcée pour les
échantillons OPC 0,5 revêtus que pour les échantillons OPC 0,3 revêtus. Ceci
suggère un meilleur mouillage du matériau ayant le plus grand rapport E/C, dans le
domaine des faibles teneurs en résine. Ce phénomène rejoint les observations faites
dans le paragraphe 4.1.2., concernant l’influence du rapport E/C sur le nombre de
sites d’adsorption.

En revanche la valeur Jsd à saturation est plus faible pour le matériau OPC 0,3 que
pour le matériau OPC 0,5, ce qui traduirait un meilleur mouillage du matériau ayant
le plus faible rapport E/C, dans le domaine des fortes teneurs en résines. L’inversion
de tendance lors du passage entre les faibles et les fortes teneurs en résine n’est
pas clairement expliquée pour le moment, mais pourrait être liée à une compétition
entre les processus d’adsorption de surface et de remplissage des microporosités.
De la même façon, en ce qui concerne les échantillons revêtus par le durcisseur
(Figure 16.b), nous pouvons voir que :
Jsd diminue lorsque la quantité de durcisseur déposée sur la surface augmente.
Cela montre à nouveau que le durcisseur mouille la surface des substrats
cimentaires, et que le recouvrement augmente avec le taux de H,
- les valeurs de Jsd sont plus faibles pour les matériaux OPC 0,5 revêtus de H que
pour les OPC 0,3 revêtus de H, et ceci quelle que soit la teneur en durcisseur. Ce
résultat traduit un meilleur mouillage du matériau OPC 0,5 par le durcisseur et nous
renvoie encore à l’influence du rapport E/C sur le nombre de sites d’adsorption,
- les valeurs de Jsd des échantillons revêtus de H restent toujours plus élevées que
le niveau de Jsd du durcisseur sur support chromosorb. Ceci montre que le

72
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

durcisseur ne mouille pas uniformément la surface des Pcd, et s’adsorbe également


au niveau de sites spécifiques. Ce résultat est d’ailleurs cohérent avec l’existence de
liaison hydrogène détectée précédemment par spectroscopie ESCA.

Fig. 16 - Evolution de Jsd en fonction du taux de résine (a) ou


en fonction du taux de durcisseur (b) déposés sur les Pcd.

Dans une dernière étape, les propriétés acide-base des Pcd revêtues par R ou H,
ont également été déterminées par IGC-ID, en utilisant l’approche de Brookman et
Sawyer. Contrairement à ce qui a été vu précédemment pour les propriétés
dispersives, nous n’avons pas obtenu de variations claires des Isp en fonction de la

73
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

teneur en matière organique (R ou H). Cette partie ne sera donc pas détaillée ici.

5 - Conclusions

Cet article regroupe les principaux résultats de l’étude menée en collaboration entre
le LCPC et le Laboratoire Itodys (UMR CNRS, Université Paris 7) et consacrée :
- aux propriétés thermodynamiques de surface de substrats cimentaires (pâtes de
ciments durcies et produits d’hydratation modèles),
- aux interactions à l’échelle moléculaire, entre des pâtes de ciment durcies et les
constituants d’un adhésif époxyde (résine et durcisseur).

Il s’agit d’une approche physico-chimique basée sur l’utilisation de deux techniques


d’analyses de surface complémentaires, à savoir la spectroscopie ESCA et la
chromatographie en phase gazeuse inverse dans les conditions de dilution infinie
(IGC-ID).

La première partie du compte rendu est consacrée aux caractérisations de surface


de pâtes de ciment durcies (Pcd). Les analyses ESCA ont montré que la surface
des Pcd est légèrement carbonatée et contaminée par une pollution organique
provenant du milieu ambiant (poussières, vapeurs). Cette contamination semble
minimiser la composante dispersive de l’énergie de surface Jsd, qui est évaluée à 42-
43 mJ/m2 par IGC et qui semble indépendante du rapport E/C et la nature du ciment
utilisés pour la fabrication des Pcd.
Un rinçage des Pcd à l’acétone semble éliminer la contamination organique, et
permet de révéler les propriétés « intrinsèques » des surfaces minérales. On
observe en effet une augmentation importante de Jsd, dont la valeur se situe alors
entre 50 et 70 mJ/m2 en fonction du rapport E/C et de la nature du ciment utilisés.
Par ailleurs, les analyses IGC ont permis d’obtenir des informations sur le
comportement acide-base des Pcd, révélant en particulier le caractère amphotère
de ces matériaux.

La seconde partie porte sur les caractérisations de surface de trois produits


d’hydratation modèles préparés au LCPC : la portlandite, l’ettringite et le C-S-H. Les
analyses IGC ont montré que ces matériaux présentent des composantes
dispersives Jsd plutôt élevées, les valeurs étant comprises entre 45,6 et 96,3 mJ/m2.
Ces valeurs, sensiblement plus élevées que celles obtenues pour les Pcd, pourrait
indiquer que les produits d’hydratation synthétisés en laboratoire ne sont pas
parfaitement représentatifs des produits d’hydratation constitutifs des Pcd (en
termes de texture microporeuse, notamment).
Les expériences IGC ont également mis en évidence le caractère amphotère des
trois composés modèles, et montré que les produits hydratés (comportant des
molécules d’eau liées à la structure), comme le C-S-H et l’ettringite, présentent les
propriétés acide et basique les plus marquées (au sens de Lewis).

Dans une dernière partie, les analyses ESCA et IGC ont été réalisées sur des
poudres de Pcd revêtues par les constituants d’un adhésif époxyde (résine R ou

74
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

durcisseur aminé H), avec des pourcentages massiques de dépôts compris entre 1
et 10%.
Les spectres ESCA ont fourni des évidences directes de l’existence d’interactions
spécifiques (liaisons hydrogène, protonation) entre les groupements amines du
durcisseur et les surfaces minérales. Ces interactions sont susceptibles de jouer un
rôle important dans le mécanisme d’adhésion à l’interface.
Les expériences IGC ont montré que le dépôt de monomères R ou H sur les Pcd
entraîne une diminution de la composante dispersive de l’énergie de surface Jsd,
traduisant un mouillage substantiel de la surface minérale par les molécules
organiques. Cependant, les valeurs de Jsd des Pcd revêtues restent généralement
supérieures au niveau de Jsd des monomères seuls. Ceci montre que les
monomères R ou H ne mouillent pas uniformément la surface des Pcd, et qu’il sont
adsorbés sur des sites préférentiels de la surface minérale. Par ailleurs, le rapport
E/C des Pcd affecte significativement le nombre de sites d’adsorption présents à la
surface des substrats.

Références bibliographiques

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Process. Technol., 106, 173-183, 2000.
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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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76
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ LA MICRO-ANALYSE THERMIQUE : APPLICATION A L’ÉTUDE DES INTERFACES


PATE DE CIMENT/RÉSINE ÉPOXYDE

GONZALEZ D., BENZARTI K.


Service Physico-Chimie des Matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris
GONON L.
CEA Grenoble / DRFMC/SI3M, Grenoble
De BAYNAST H.
LGCB, Université Blaise Pascal, Aubière

Résumé

Une nouvelle technique de microscopie à champ proche, basée sur l’utilisation d’un
microscope à force atomique (AFM) a été appliquée à l’étude de matériaux
complexes polyphasés. Ainsi, la micro-analyse thermique (µTA) combine
l’imagerie par microscopie et la caractérisation par analyse thermique locale. Cet
article se propose tout d’abord de décrire le principe de fonctionnement de cette
technique, en dégageant les possibilités et les limites actuelles de l’appareil. Par
ailleurs, les résultats d’une étude portant sur l’analyse µTA d’interfaces modèles
pâtes de ciment/résines époxydes sont ensuite présentés. Ils illustrent l’intérêt que
revêt cette nouvelle technique pour l’étude des matériaux du génie civil.

1 - Introduction

Jusqu’à la fin du siècle dernier, les scientifiques pensaient pouvoir atteindre


l’observation de l’infiniment petit en augmentant sans cesse le grossissement des
microscopes optiques, tout en réduisant les phénomènes perturbateurs. Le critère
de Rayleigh ruina tous leurs espoirs en établissant que la taille du plus petit élément
observable ne peut être inférieure à la demie longueur d’onde O de la lumière
utilisée. En 1927, les résultats de Louis de Broglie sur la dualité onde-corpuscule
furent mis en application par Busch afin de produire des images en focalisant un
faisceau d’électrons. Mais, c’est à Ruska, en 1931, que reviendra la paternité du
premier microscope électronique, point de départ des générations de microscopes à
balayage et à transmission. Bien que la résolution de ces microscopes ait
formidablement augmenté (d’un facteur 100 par rapport à un microscope optique
classique), ils travaillent toujours en « champ lointain ». En optique, il a en effet été
établi que le champ électromagnétique émis ou réfléchi par un objet se compose de
deux parties : une onde progressive et une onde non radiative évanescente.

Si l’on veut accéder à ces informations fines, il faut détecter les composantes non
radiatives au voisinage immédiat de l’objet, à l’aide d’une sonde. On travaille alors
en « champ proche » et la microscopie devient à « sonde locale », ce qui est le cas
de la microscopie à effet tunnel (STM, Binnig et Rohrer [1-2]) et à force atomique
(AFM).

77
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

2 - Le microscope à force atomique

Cette technique permet d’une part, d’obtenir des images tridimensionnelles à


l’échelle nanométrique indépendamment de la nature de l’échantillon (biologique,
organique, minérale) et, d’autre part, de déterminer localement à l’aide d’une sonde
des propriétés physico-chimiques (électriques, magnétiques, vibrationnelles…) du
matériau. Le principe de fonctionnement du microscope est basé sur la détection
des forces inter-atomiques (capillaires, électrostatiques, Van der Waals, frictions…)
s’exerçant entre une pointe située à l’extrémité d’un levier (cantilever), de constante
de raideur fixe, et la surface d’un échantillon.
Lors d’une analyse AFM, une sonde balaye la surface de l’échantillon. Elle est
solidaire de dispositifs piézoélectriques (céramiques) qui permettent des
déplacements fins par rapport à l’échantillon, dans les trois directions de l’espace :
X, Y (plan de la surface) et Z (perpendiculaire à la surface). La position de la sonde
est repérée grâce à un laser focalisé à l’extrémité du levier (au-dessus de la pointe).
La réflexion du signal laser est collectée sur un photodétecteur constitué de quatre
cellules photoélectriques (figure 1). L’enregistrement en continu de la position du
spot (et/ou des éléments piézoélectriques) est représentatif des mouvements de la
sonde et permet alors de construire une image caractéristique de la topographie de
la surface analysée.

faisceau laser
Laser Beam photodétecteur
miroir
Mirror Photodetector

Cantilever
Y

échantillon
Sample
Z

sonde
Probe X

trajet de la
Path of Tip
sonde

Fig. 1 - Schéma de fonctionnement d’une sonde AFM balayant une surface.

3 - La micro-analyse thermique

3.1 - Principe

Les énormes progrès réalisés dans le domaine de la miniaturisation de la micro-


électronique et de la micro-mécanique ont permis de combiner techniques
thermiques et microscopiques afin d’obtenir des informations sur les caractéristiques

78
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

locales spatiales du matériau.

Lors d’une manipulation de micro-analyse thermique (µTA), la pointe


conventionnelle de l’AFM est remplacée par une sonde thermique résistive à grande
capacité thermique en contact avec l’échantillon. Ce type de sonde peut-être utilisé
en mode actif ou passif. En mode actif, la sonde est mobile en surface de
l’échantillon et sa température peut être modulée autour d’une température de
consigne. Un contrôle rigoureux de la puissance fournie à la sonde permet dès lors
d’enregistrer des images caractéristiques des propriétés thermiques superficielles
du matériau (conductivité, diffusivité), informations particulièrement intéressantes
dans le cas de matériaux hétérogènes tels que les composites. Les données
obtenues sont donc complémentaires des images topographiques habituellement
enregistrées. En mode passif, la sonde est immobile en surface du matériau. Elle
est alors utilisée comme une source de chaleur thermorégulée et on peut ainsi
définir localement les propriétés thermomécaniques d’un matériau avec une
résolution micrométrique (analyses µDSC et µTMA).
La sonde thermique la plus commune est un fil résistif de Wollaston (figure 2)
développé par Dinwiddie et al. [3]. La résolution thermique de ce type de sonde est
de 0,1°C.

Tube d’argent

Fil de platine

Fig. 2 - Description de la sonde résistive de type Wollaston.

Par ailleurs, Hammiche et al. [4] ont récemment développé une technique de
modulation de température. L’application d’un signal oscillatoire permet :
- d’augmenter le rapport signal/bruit,
- de confiner le signal thermique près de la pointe réduisant ainsi la diffusion
thermique,
- de contrôler la profondeur de diffusion de l’onde thermique.

3.2 - Analyses thermiques locales

L’utilisation de la sonde résistive permet de réaliser des analyses thermiques


locales. La sonde est alors employée comme µDSC et µTMA. Sa position est fixe
par rapport à l’échantillon et une rampe de température lui est appliquée.
Lors d’une analyse µ-DSC, la puissance électrique fournie à la sonde pour élever sa
température est comparée avec celle d’une sonde de référence sans contact avec
l’échantillon. Pour le moment, cette analyse est uniquement qualitative car la masse
d’échantillon sollicitée n’est pas connue. De plus, celle-ci augmente au cours de la

79
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

chauffe car le ramollissement de l’échantillon augmente la surface en contact avec


la sonde. Le volume de sollicitation peut être estimé à 10 µm3 [7].
En mode µ-TMA, la force de contact sonde-échantillon est maintenue constante
alors que la sonde subit une rampe de température. Le positionnement vertical de
celle-ci est enregistré en continu et le signal pénétrométrique obtenu est utilisé pour
mettre en évidence le point de ramollissement, fusion ou transition vitreuse, du
substrat analysé.

4 - Application de la micro-analyse thermique à l’étude de matériaux


complexes

La µ-TA a permis de décrire des phénomènes interfaciaux dans des matériaux


hétérogènes tels que les mélanges de polymères [5-6], les matériaux composites
[6] ou les joints collés [7]. Comme nous l’avons vu précédemment, il s’agit avant
tout d’une technique d’imagerie : une sonde thermique balaye la surface d’un
échantillon, ce qui permet de visualiser les profils topographiques et les contrastes
de conductivité ou de diffusivité thermique, fournissant ainsi des informations sur la
répartition géométrique des constituants au sein du matériau. C’est ensuite une
technique d’analyse thermique locale, qui permet de mesurer des températures de
transition vitreuse ou de fusion à un endroit précis de l’échantillon. C’est donc une
technique de choix pour l’étude de matériaux du génie civil et en particulier, pour la
caractérisation d’interfaces modèles pâtes de ciment/résines époxydes.

4.1 - Mode opératoire des analyses

Le système époxyde étudié est constitué d’un prépolymère DGEBA (diglycidyléther


de bisphénol A), d’un durcisseur aminé (diéthylène triamine) et éventuellement d’un
plastifiant (Dibutyl Phtalate). Le ciment est de type CEM I, qui a été mis en œuvre
avec un rapport eau/ciment de 0,5 afin d’obtenir des pâtes de ciment durcies. Les
échantillons résine époxy/pâte de ciment ont été préparés en disposant un fragment
de pâte de ciment dans le fond d’un moule en téflon, puis en versant la résine
liquide dans le moule. Après réticulation à température ambiante, la surface des
échantillons a été polie au micron. La surface polie de ces échantillons a ensuite été
analysée par AFM thermique (micro-thermal analyser 2990 de TA Instruments),
d’abord en mode imagerie, puis en mode analyse thermique locale. En mode
imagerie, la surface analysée a été balayée par la pointe de l’appareil à une vitesse
de 100 µm/s. La pointe a été maintenue à une température de 70°C, avec une
modulation de 0,5°C à une fréquence de 10 KHz. Ceci a permis d’obtenir des profils
en topographie et en conductivité thermique sur des zones de 100x100 m2 situées
au voisinage de l’interface polymère/pâte de ciment.
Pour les analyses thermiques locales, la pointe a été positionnée sur la partie résine
de l’échantillon, en des points situés à des distances croissantes de l’interface
polymère/substrat minéral. A chaque localisation, une rampe de température de
l’ambiante à 250°C avec une vitesse de chauffe de 20°C/s a été appliquée au point
de contact sonde/échantillon. La force appliquée à la sonde est de l’ordre de 20 nN.

80
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La sonde est étalonnée quotidiennement à l’aide d’un échantillon de PET dont la


température de fusion est égale à 260°C. L’enregistrement de la déflection de la
pointe en fonction de la température permet à chaque fois d’évaluer la température
de ramollissement du polymère Tr qui est liée au phénomène de transition vitreuse
(Tg). En déterminant cette température de ramollissement à différentes distances de
l’interface, on peut ainsi construire un profil Tg = f (distance x à l’interface), et ainsi
mettre en évidence un éventuel gradient de propriétés du polymère au voisinage de
la phase minérale.
Chaque analyse est destructive et induit la formation d’un cratère dans l’échantillon
d’environ 20 µm de diamètre. Les profils en température ont donc été réalisés en
diagonale par rapport à l’interface pâte de ciment/polymère afin que les analyses
successives soient indépendantes des mesures précédentes et que la surface de
contact sonde/ échantillon soit reproductible. L’échantillon est déplacé à l’aide de
platines motorisées x, y de type 126-DG Physik Instrumente permettant un
déplacement précis à une résolution de 10 nm. On garantit ainsi un écart en x de 50
µm entre deux analyses successives. La méthodologie décrite sur la figure 3 a été
appliquée.

y (µm)

x (µm)

x0+0.6, y0+150

x0+0.4, y0+100

x0+0.2, y0+50

Pâte x0, y0
de ciment Résine époxyde

Fig. 3 - Méthodologie appliquée à la réalisation des mesures de µTA.

4.2 - Résultats et discussion

La figure 4 présente deux exemples d’images. On peut observer les contrastes en


conductivité thermique et en topographie au voisinage de l’interface époxy/pâte de
ciment. Le profil en conductivité thermique permet immédiatement de localiser les
phases en présence car la conductivité du polymère est nettement inférieure à celle
du substrat minéral.

81
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

(a) (b)
polymère
ciment
ciment
polymère interphase

Fig. 4 - a) Image en modulation de température d’un interface polymère / pâte de


ciment T = 70r5°C, f = 10 kHz. b) Image en mode topographie du même échantillon.

L’image topographique montre également une différence de niveau entre les deux
phases qui est consécutive à l’opération de polissage, la dureté du polymère étant
différente de celle de la pâte de ciment. La ligne d’interface est donc bien délimitée.

La figure 5 montre les signaux pénétrométriques obtenus lors des analyses


thermiques locales, à des distances comprises entre 1 et 9 microns de l’interface
polymère/substrat. Sur chaque courbe, la partie croissante (déflection positive de la
pointe) correspond à l’expansion thermique du polymère. La température de
ramollissement du polymère Tr est identifiée au début de la déflexion négative de la
pointe (c’est-à-dire au sommet du pic). On peut remarquer que Tr est maximum à
proximité immédiate de la pâte de ciment et tend à diminuer lorsqu’on s’éloigne de
l’interface. La valeur de Tr tend à se stabiliser pour des distances supérieures à 12
microns, car on atteint alors les caractéristiques du polymère massique.

On met donc clairement en évidence un gradient de propriétés dans le polymère au


voisinage de l’interface, qui pourrait être lié à des variations de la densité de
réticulation (figure 6).

Des expériences complémentaires ont montré que l’amplitude de ce gradient et que


l’épaisseur de la zone de transition ou interphase semblent dépendre de la structure
poreuse de la pâte de ciment (définie par le rapport eau/ciment), et en particulier de
la surface spécifique accessible à la résine époxyde [8]. Les conditions de mise en
œuvre de la résine (réticulation à chaud ou à l’ambiante), ainsi que sa formulation
auraient également une importance capitale sur la structure de cet interphase.

82
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

173°C

143°C

100 150

Fig. 5 - Analyse thermique locale du polymère


à différentes distances de la pâte de ciment.

35

30

25
' Tr (°C)

20

15

10

0
0 20 40 60 80 100 120
Distance à l'interface (µm)

Fig. 6 - Gradient de température au voisinage de l’interface résine époxyde / pâte de


ciment. 'Tg représente la différence la différence entre la Tg mesurée à la distance
d de l’interface et la valeur de Tg mesurée dans la matrice loin de l’interface.

83
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

On propose par ailleurs de suivre l’évolution de ce gradient de propriétés au cours


d’essais de vieillissement hygrothermique. Les échantillons sont donc exposés en
atmosphère saturée en humidité (Humidité relative : 95%) à T = 40°C. Les résultats
sont représentés dans la figure 7. On observe, à partir de 240 h d’exposition, une
diminution globale de la Tg de la résine époxyde caractéristique de l’effet de
plastification du matériau. Par la suite (t = 330 h), la Tg augmente à nouveau. Ceci
semble traduire un phénomène de vieillissement physique du polymère déjà mis en
évidence lors de l’étude des vieillissements des adhésifs modèles. La longueur de
l’interphase reste stable autour de 10 µm. Ces résultats sont comparables à ceux
obtenus avec des techniques d’analyses reconnues telles que la DSC (analyse
enthalpique différentielle) ou l’analyse mécanique dynamique.

Fig. 7 - Evolution du gradient de température au cours du vieillissement


hygrothermique (Humidité relative : 95%, T = 40°C).

5 - Conclusion

La microscopie thermique à balayage est une technique de choix pour l’étude des
matériaux polyphasés. Elle permet en premier lieu de réaliser des cartographies
avec les profils de topographie ou de conductivité thermique de la surface d’un
échantillon à l’échelle sub-micronique, et de mettre ainsi en évidence la répartition
des phases au sein du matériau. En plus de ce mode d’imagerie, cette technologie
permet également d’effectuer des analyses thermiques locales en des points précis
de la surface de l’échantillon et de déterminer localement des températures de
changement de phase du matériau.

La microanalyse thermique a déjà été utilisée avec succès pour l’étude de nombreux
matériaux industriels (mélanges de polymères, composites, produits
pharmaceutiques, etc…), et semble également avoir des applications potentielles

84
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

pour la caractérisation des matériaux du génie civil. Cette technique présente


toutefois des inconvénients. Le plus important est la limite de transposition des lois
physiques macroscopiques à l’échelle nanométrique. Par ailleurs, la qualité des
analyses dépend de l’état de surface des matériaux étudiés qui doivent être
soigneusement polis.

Références bibliographiques

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85
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ VIEILLISSEMENT DES ASSEMBLAGES COLLÉS : ÉTAT DE L’ART ET SUIVI SUR OUVRAGES

CHAUSSADENT Th., BENZARTI K., BRUNEAUX M-A., BARBERIS N.


Service Physico-Chimie des Matériaux, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris
THAVEAU M-P., CANARD H.
Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées, Autun

Résumé

Le risque de rupture d’un assemblage collé est toujours très difficile à évaluer. Dans
le domaine du génie civil, un certain nombre d’ouvrages en béton armé renforcés
par collage ont fait l’objet d’observations qui ne permettent pas a priori de définir la
durée de vie du collage. Dans cet article, les mécanismes de vieillissements des
adhésifs utilisés pour renforcer des ouvrages en béton sont présentés, en particulier
les effets de l’humidité et de la température. Des suivis de planches d’essais sur
ouvrage, complétés par des déterminations physico-chimiques en laboratoire, ont
été mis en place afin de définir les vitesses de vieillissement des adhésifs. Cette
étude, toujours en cours, devrait permettre, à terme, de définir des essais pertinents
pour caractériser la susceptibilité d’un adhésif à vieillir.

1 - Introduction

La durabilité d’un assemblage collé dépend, non seulement des efforts mécaniques
auxquels il est soumis, mais également de l’évolution physico-chimique de l’adhésif
liée aux facteurs environnementaux (température, humidité, UV, etc.). Il est
parfaitement connu que la température de transition vitreuse Tg, qui constitue une
frontière entre les états vitreux et caoutchoutique, est un paramètre primordial pour
les polymères. Un autre facteur de vieillissement est la pénétration d’eau au sein du
réseau de l’adhésif qui peut modifier les caractéristiques physico-chimiques et
mécaniques de l’assemblage collé. Les connaissances dans ce domaine sont
importantes, notamment grâce à de nombreuses études de laboratoire. Il est
toutefois fondamental d’évaluer in situ l’évolution des caractéristiques des adhésifs,
ne serait-ce que pour corréler les cinétiques de vieillissement obtenues en
laboratoire et en conditions réelles. Dans cet article nous allons présenter une étude
réalisée en collaboration avec la Société des Autoroutes Paris Rhin Rhône (APRR)
pour suivre sur ouvrages le vieillissement de la liaison béton-adhésif. Avant de
présenter le contexte et les premiers résultats de l’étude, nous rappellerons, à
travers un bref état des lieux sur les ouvrages en béton renforcés et une étude
bibliographique, les différents mécanismes de vieillissement des adhésifs
structuraux et leurs conséquences. Pour plus d’information, on se réfèrera au
mémoire de doctorat de M.A. Bruneaux [1] qui aborde également les modèles
théoriques permettant d’évaluer les cinétiques de vieillissement.

86
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

2 - Etat des lieux d’ouvrages en béton renforcés

Un état des lieux a été réalisé [2] sur le renforcement des ouvrages d’art. Dans le
cadre de cette étude, huit ouvrages renforcés par tôles collées entre 1976 et 1995
ont été sélectionnés. Pour chacun de ces ouvrages, on a cherché à déterminer les
raisons qui ont conduit à utiliser la technique de collage, la nature des matériaux
employés (tôles, mortiers et adhésifs) et des préparations de surface du support
béton. Les essais et contrôles réalisés lors des inspections d’ouvrages ont
également été répertoriés, ainsi que les principales observations concernant la
durabilité des collages. On constate tout d’abord que dans tous les cas une résine
époxyde bi-composants a été employée. On note ensuite la présence de plaques
décollées sur certains ouvrages, quelquefois moins de dix ans après leur mise en
place, et pour d’autres ouvrages aucune dégradation n’est mise en évidence même
après vingt ans. Ces observations conduisent à définir trois facteurs essentiels
susceptibles d’impacter la durabilité des réparations : la mise en œuvre et
notamment la préparation du support béton, la présence d’humidité et la sensibilité
aux chocs. Dans le cadre de nos recherches, nous avons considéré les deux
premiers aspects. La tenue aux chocs mériterait toutefois d’être analysée dans le
cadre d’une étude ultérieure.

3 - Analyse bibliographique des facteurs de vieillissement des adhésifs


structuraux

Les adhésifs structuraux sont utilisés depuis une période relativement récente dans
le génie civil, mais ils le sont depuis beaucoup plus longtemps dans d'autres
domaines industriels comme celui des transports (aéronautique, automobile). Les
paramètres qui gouvernent le vieillissement de ces adhésifs ont donc largement été
étudiés en raison des contraintes sécuritaires sévères qui peuvent exister dans ces
domaines industriels. De ce fait, la littérature consacrée à la durabilité des
polymères est relativement abondante.

Dans la suite de ce chapitre, nous aborderons les différents mécanismes de


dégradation, liés soit à des vieillissements environnementaux, soit à l'action de
sollicitations mécaniques extérieures.

3.1 - Sensibilité aux facteurs environnementaux

3.1.1 Le phénomène de vieillissement physique

Le vieillissement physique est directement lié à la nature viscoélastique du réseau


polymère et au phénomène de transition vitreuse. Il correspond à une évolution de
la configuration thermodynamique des chaînes macromoléculaires et
s'accompagne de variations importantes des propriétés de l'adhésif [3]. Toutes les
caractéristiques peuvent être concernées : volume spécifique, enthalpie, chaleur
spécifique, propriétés mécaniques et diélectriques, etc. Le vieillissement physique

87
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

est dépendant d’un aspect thermodynamique (dépendance en température) et d’un


aspect cinétique (dépendance en temps). Considérons par exemple l’expérience
suivante :

c On prend comme point de départ le polymère à l'état caoutchoutique (T>Tg) et on


refroidit le matériau à vitesse constante. Tout le long de la droite d'équilibre, on
passe constamment d'un état d'équilibre thermodynamique à un autre.
d On atteint la température de transition vitreuse qui marque la limite entre l'état
caoutchoutique et l'état vitreux qui est un état figé hors équilibre. La suite du
refroidissement va donc se faire le long d'une droite hors équilibre.
e Une fois la température ambiante Ta atteinte, on maintient le polymère à
température constante pendant un temps ta.

Le réseau étant dans un état hors équilibre thermodynamique, les chaînes


macromoléculaires vont se réorganiser avec le temps pour se rapprocher de la
configuration d'équilibre. C'est ce phénomène qu'on appelle le vieillissement
physique. Il va se traduire par une augmentation de la compacité et une
densification du réseau, ainsi que par une évolution des propriétés physiques et
mécaniques. Plus le polymère sera maintenu à la température de vieillissement Ta,
plus les modifications de propriétés seront importantes. Le vieillissement physique
est un phénomène « réversible ». Pour faire disparaître ses effets sur le réseau
polymère, il suffit en effet de chauffer le matériau au-dessus de Tg, dans le domaine
d'équilibre thermodynamique.

Le vieillissement physique observé sera d'autant plus important que la température


de vieillissement sera proche de la transition vitreuse. Si l'on est très en dessous de
Tg, alors l'écart entre l'état hors équilibre et l'état d'équilibre thermodynamique sera
très important et les effets du vieillissement physique seront négligeables car la
mobilité moléculaire réduite ne permettra pas aux chaînes de se réorganiser. Par
contre, pour des températures proches de la température de transition vitreuse,
c'est-à-dire comprises entre Tg - 50° et Tg, la réorganisation des chaînes sera plus
facile et le vieillissement physique sera important.
La plupart des colles structurales utilisées dans le génie civil sont mises en œuvre à
la température ambiante et, de ce fait, présentent des températures de transition
vitreuse relativement proches de l'ambiante. Le vieillissement physique sera donc
un phénomène non négligeable pour ces adhésifs. Les principales modifications de
propriétés liées au vieillissement physique sont les suivantes [4] :
‰ en ce qui concerne le comportement viscoélastique en cisaillement ou en
traction, les modules de conservation G' et E' semblent augmenter linéairement
avec le logarithme du temps de vieillissement, alors que l'amplitude du pic de
l'angle de perte (tan G) décroît,
‰ en fluage, la réponse du matériau polymère est décalée vers les temps longs, de
même que le phénomène de relaxation de contrainte,
‰ en élongation ou en flexion, les ruptures se produisent pour des sollicitations de
plus en plus faibles au fur et à mesure que le temps de vieillissement augmente.

88
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Cette diminution de la résistance en flexion et en traction traduit une fragilisation


du matériau,
‰ le seuil de plasticité augmente avec le temps, de même que l'amplitude de rhéo-
ramollissement (diminution de la contrainte au seuil d'écoulement plastique).

3.1.2 Vieillissement en milieu humide

3.1.2.1 Pénétration de l'eau dans la matrice polymère

L'absorption de molécules d'eau par un polymère dépend à la fois de l'existence de


« micropores » (nanocavités) au sein de la structure et de l’affinité de la matrice
avec l'eau, notamment grâce aux groupements polaires des chaînes
macromoléculaires. Deux sortes de molécules d'eau vont donc coexister dans la
matrice [5-6] :
‰ des molécules libres qui vont occuper l'espace disponible dans les nanocavités
de la résine et qui représentent la majorité de l'eau absorbée par le polymère.
Lors du séchage, toutes ces molécules vont pouvoir être désorbées,
‰ des molécules liées qui vont se fixer par liaisons hydrogène ou dipolaires sur les
sites hydrophiles des chaînes de polymère. Certaines de ces liaisons vont être
trop fortes pour être rompues au cours du séchage et une quantité d'eau
résiduelle va être piégée au sein du réseau.

Le transport de l'eau au sein de la matrice est donc contrôlé essentiellement par la


structure de la matrice et par sa polarité. La pénétration des molécules d'eau dans le
réseau peut induire simultanément plusieurs phénomènes, qui constituent
globalement le vieillissement humide :
‰ une plastification du réseau (diminution de la température de transition vitreuse).
En effet, l'eau va se fixer sur les sites hydrophiles du polymère et rompre des
liaisons physiques inter ou intramacromoléculaires. Il en résulte une
augmentation de la mobilité des chaînes [7-8], qui se traduit naturellement par
un décalage de la température de transition vitreuse vers les basses
températures [9-10]. Le phénomène de plastification s'accompagne
généralement d'une diminution importante des propriétés mécaniques de
l'adhésif [11-12] (contrainte à la rupture, module d'élasticité), mais aussi d'une
augmentation notable de la ductibilité,
‰ un gonflement du réseau : la rupture des liaisons physiques conduit également à
un relâchement général des mailles du réseau qui favorise encore l'insertion de
nouvelles molécules d'eau et le gonflement global du polymère. Dans les joints
adhésifs, ce gonflement n'est pas homogène et génère des contraintes
mécaniques supplémentaires,
‰ éventuellement, une dégradation du réseau par réaction d'hydrolyse. Ce
phénomène est relativement peu fréquent pour les adhésifs époxydes dans les
conditions environnementales usuelles. Cependant, lorsqu'un collage est réalisé
sur un substrat en béton, les zones interfaciales peuvent se retrouver dans un
milieu alcalin propice aux réactions d'hydrolyse.

89
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Ces différents phénomènes devront être pris en compte dans l'étude du


vieillissement des assemblages collés.

3.1.2.2 Pénétration de l'eau à l'interface substrat/adhésif

La zone interfaciale entre le polymère et le substrat est une zone particulière où


s'établissent des liaisons physiques ou chimiques polymère/substrat. Cette zone
peut constituer une voie préférentielle de diffusion de l'eau par phénomène de
capillarité [13]. En effet, l'énergie de surface du substrat peut être assez élevée pour
que les interactions eau/substrat se forment au détriment des interactions
polymère/substrat. Cet effet peut être particulièrement marqué lorsque la surface du
substrat présente des sites polaires hydrophiles [14-16]. Les phénomènes de
diffusion capillaire augmentent les risques de rupture interfaciale du joint par
délamination [17-18].

La figure 1 récapitule l’ensemble des processus de pénétration de l’eau dans un


assemblage collé.

polymère sec substrat front d'eau


dans le joint

substrat
eau libre ( ) occupant les
microcavités (volume libre eau pénétrant par capillarité dans le
eau liée ( ) occupant les sites joint: condensation des molécules
non mobilisé par les hydrophiles et provoquant le
mouvements moléculaires) d'eau, coalescence et formation de
gonflement et la plastification cloques, amorce de rupture
entre les chaînes de du réseau
polymère interfaciale

Fig. 1 - Schéma récapitulatif des différents modes de pénétration de l'eau


dans un assemblage collé

3.1.3 Autres facteurs environnementaux

D'autres facteurs environnementaux sont susceptibles de provoquer des scissions


des chaînes polymères et donc une dégradation du matériau :

90
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

‰ la chaleur peut catalyser des réactions chimiques internes qui vont rompre le
squelette carboné, avec les mêmes conséquences que les réactions d'oxydation,
‰ le rayonnement ultraviolet, par son apport énergétique, aura les mêmes effets.

Cependant, dans le cas des assemblages collés, seuls les bords libres sont exposés
à la lumière, et ceux-ci sont de faible épaisseur. L’effet du rayonnement ultraviolet
est donc considéré comme négligeable. De plus, les phénomènes de dégradation
thermiques et de thermo-oxydation dans les thermodurcissables n'interviennent qu'à
haute température et sont donc négligeables à température ambiante.

3.2 - Sensibilité aux sollicitations mécaniques

3.2.1 Fluage des polymères sous charge constante ou relaxation sous déformation
imposée

Nous avons noté précédemment que les adhésifs structuraux présentent des
propriétés viscoélastiques. Ainsi, sous charge constante (respectivement à
déformation constante), le phénomène de fluage (de relaxation) se produit par
glissement et désenchevêtrement des chaînes les unes par rapport aux autres.
Cette réorganisation des chaînes s’accompagne de variations des propriétés
physiques et mécaniques du joint. Toutefois, l’aptitude au fluage dépend de la
densité de réticulation du réseau. La mobilité moléculaire des réseaux les plus
denses est réduite.

3.2.2 Fatigue sous chargement cyclique

Dans des conditions normales d'utilisation, le joint de colle peut être soumis à des
sollicitations de type cyclique, telles que celles qui sont produites par le passage de
véhicules sur un ouvrage. Dans ce cas, l'adhésif va se dégrader par fatigue, même
si la charge supportée lors de chacun des cycles est inférieure au seuil de tolérance.
En effet, chacun des chargements va induire des dégradations microscopiques qui
vont se propager jusqu’à la ruine totale du matériau. Ce phénomène peut être
exacerbé par le milieu environnant : humidité, gel, présence de solvants ou
d'hydrocarbures sont autant de facteurs qui vont fragiliser la zone en tête de fissure
et faciliter la progression de l’endommagement au sein du matériau. On parle alors
de « stress-cracking ».

3.3 - Bilan de l'étude bibliographique sur le vieillissement des adhésifs

Cette étude bibliographique consacrée aux colles structurales a fait ressortir


l’importance de la structure chimique et physique (densité de réticulation et
température de transition vitreuse) sur les propriétés mécaniques du réseau
polymère. Dans les conditions normales d’utilisation (environnement extérieur),
l’adhésif peut subir différents types de vieillissement qui vont altérer la structure
physique ou chimique du réseau polymère et réduire la durabilité et les

91
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

performances de l’assemblage collé.

Les principaux phénomènes observés sont :


‰ le vieillissement physique, réversible,
‰ le vieillissement dû à l’humidité environnante, partiellement réversible,
‰ la fatigue sous chargement cyclique.

Ces phénomènes, qui induisent chacun des effets particuliers et parfois


antagonistes sur les propriétés physiques et mécaniques, peuvent éventuellement
se superposer ou entrer en compétition. La littérature fournit un certain nombre de
modèles phénoménologiques qui permettent de décrire de façon satisfaisante l’effet
de ces vieillissements sur les propriétés de l’adhésif seul [1].

4 - Analyse expérimentale du vieillissement des adhésifs

4.1 - Etude en laboratoire

L’influence des vieillissements hydrothermiques sur les propriétés des adhésifs du


génie civil a fait l’objet d’une étude au LCPC [1]. Ce travail expérimental a permis de
mieux appréhender les mécanismes de vieillissements particuliers de ces adhésifs
époxydes et de leurs cinétiques.

Dans une première étape, les processus mis en jeu lors du vieillissement des
adhésifs massiques en milieu standard (20°C, 50% HR) ou en milieu aqueux
(immersion dans l'eau distillée ou dans une solution alcaline représentative du milieu
béton) ont été décrits. Il en est ressorti que :
‰ la réticulation lente du polymère et le vieillissement physique sont les deux
principaux mécanismes susceptibles de faire évoluer la microstructure de
l'adhésif dans les conditions standard. Une approche expérimentale associée à
des modélisations phénoménologiques simples ont permis de décrire la cinétique
de vieillissement physique, ainsi que l'évolution des propriétés mécaniques et
viscoélastiques des adhésifs massiques en fonction du temps,
‰ lors du vieillissement en milieu aqueux, la cinétique d'absorption dépend
fortement de la composition des adhésifs (nature des charges et des plastifiants),
mais également de la nature de la solution dans laquelle sont immergés les
échantillons. Dans tous les cas, cette cinétique peut être décrite par un modèle
basé sur un couplage des théories d'absorption par diffusion fickienne et par
relaxation des chaînes macromoléculaires.

Une approche expérimentale et théorique a également permis de décrire l'évolution


de certaines propriétés mécaniques et viscoélastiques en fonction de la teneur en
liquide dans les adhésifs, ou en fonction du temps de vieillissement. Ces évolutions
résultent de processus de plastification du réseau par les molécules d'eau, ou de
dégradations hydrolytiques.

92
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Dans une seconde étape, nous avons comparé les cinétiques de vieillissement des
adhésifs massiques à celles des joints de colle dans des assemblages collés
modèles. L'étude expérimentale a montré que les cinétiques de vieillissement
physique ou de vieillissement humide peuvent être modifiées dans les joints
adhésifs, en raison de répartitions de contraintes particulières ou d'effets d'interface.
Néanmoins, les approches théoriques développées pour les adhésifs massiques
semblent rester valides à condition d'ajuster les variables des modèles.

4.2 - Etude in situ

Cette partie est consacrée à une étude de terrain sur ouvrage renforcé par collage
de tissus fibre de carbone (procédé TFC). Dans le contexte du confortement d’un
ouvrage autoroutier, la société APRR nous a autorisé à suivre la mise en œuvre et à
réaliser des planches d’essais sur la palée et l’intrados de l’ouvrage. L’objectif
consistait à évaluer la durabilité de ce type de réparation dans un environnement
réel. De ce fait, l’évolution de l’adhérence béton /composite et celle des propriétés
physico-chimiques de l’adhésif ont été suivies dans le temps et continueront de l’être
jusqu’à une échéance d’au moins 5 ans.

4.2.1 Description des planches d’essais sur la palée et sur l’intrados

Les zones tests (palée et intrados, cf. figure 2) ont été décapées avec un abrasif
0,5/2 mm. Deux types de décapage ont été réalisés afin de modifier la rugosité
superficielle du béton :
‰ "Léger" : buse de sablage à 50 cm du support.
‰ "Fort" : buse de sablage à 20 cm du support.

Par ailleurs, une zone témoin sans décapage a également été considérée.

La mise en œuvre du TFC a été réalisée suivant les préconisations en vigueur. On


notera, que lors de cette mise en œuvre les températures ambiante et de support
étaient d’environ 14°C et l’hygrométrie voisine de 80%.

Fig. 2 - Situation des planches d’essais sur l’ouvrage

93
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

4.2.2 Caractérisation de l’adhérence composite (TFC)/béton et évolution dans le


temps

Des essais d’adhérence (norme NF EN 1542) ont été réalisés par traction directe
sur plots métalliques (de surface moyenne 19,3 cm2) collés au moyen d’un adhésif
méthacrylate. Les tableaux 1 à 3 donnent les conditions climatiques lors des essais
et les premiers résultats d’adhérence au niveau de la palée et de l’intrados (trois
campagnes d’essais réalisés sur une période de 30 mois après la mise en oeuvre).

Tableau 1 : Conditions climatiques lors des essais in situ


Echéance (mois) Température (°C) Hygrométrie (%)
5 12 à 13,5 84 à 95
18 9 à 11 95 à 98
30 7à9 96

Tableau 2 : Résultats des tests d’adhérence sur la palée


Echéance Zone d’essai (MPa) Mode de rupture
5 mois Béton décap. fort 3,2 - 5,1 - 5,3 - 5,4 100% béton
TFC décapage fort 3,1 - 5,1 100% béton
TFC sans décap. 5,2 - 5,7 100% béton
18 mois TFC décapage fort 3,4 Béton + résine + TFC
TFC sans décap. 4,4 100% béton
5,2 Béton + 5% (résine + TFC)
30 mois TFC décapage fort 2,4 - 4,8 100% béton
4,1 - 3,7 Béton + 5% (résine + TFC)
TFC décap. léger 3,5 - 4,2 - 3,3 Béton + 5% (résine + TFC)
TFC sans décap. 3,5 Béton + 10% (résine + TFC)
3,2 Béton

Tableau 3 : Résultats des tests d’adhérence sur l’intrados


Echéance Zone d’essai (MPa) Mode de rupture
5 mois Béton décap. léger 3,5 - 3,4 - 2,0 - 2,5 100% béton
TFC décap. léger 2,6 - 2,2 100% béton
TFC décapage fort 0,8 - 2,9 100% béton
18 mois TFC décap.léger 2,7 100% béton
TFC décapage fort 3,5 100% béton
30 mois TFC décap. léger 1,2 100% béton
TFC décapage fort 2,3 100% béton
3,6 Béton + 5% (résine + TFC)

L’analyse des tableaux 2 et 3 permet de constater que les résultats sont assez
dispersés, ce qui est souvent le cas pour ce type d’essai sur béton.
En ce qui concerne l’intrados, les valeurs n’évoluent que très peu dans le temps et
les ruptures, pour la quasi totalité au niveau du béton, conduisent à penser que

94
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

l’adhérence résine/béton est supérieure à la résistance du béton.

Pour la palée, le béton présente une résistance beaucoup plus grande (supérieure à
5 MPa) et l’on peut observer au cours du temps un changement du mode de
rupture, avec un nombre important de ruptures mixtes (béton + résine + TFC). Dans
ces conditions, les tests d’adhérences conduisent à des valeurs de résistance en
traction autour de 4 MPa, ce qui peut signifier une tendance à la diminution de
l’adhérence au cours du temps (l’adhérence résine/béton initiale étant supérieure à
la résistance du béton proche de 5 MPa).
Il est également très difficile de tirer en l’état actuel des conclusions sur l’effet
bénéfique ou non de la rugosité de surface des bétons.

Ces tests d’adhérence seront poursuivis dans les années à venir pour valider ou non
ces premières tendances.

4.2.3 Evolution des propriétés physico-chimiques de l’adhésif

Parallèlement aux essais d’adhérence, nous avons également suivi l’évolution des
propriétés physico-chimiques de l’adhésif utilisé pour le procédé de renforcement.
Pour cela, des échantillons ont été prélevés aux différentes échéances (5, 18 et 30
mois) et analysés par calorimétrie différentielle à balayage (DSC). Par ailleurs un
échantillon de cet adhésif prélevé sur un autre site 7 ans après sa mise en œuvre a
également été analysé.

4.2.3.1 Données sur la composition de l’adhésif

Les caractéristiques données par le fabricant pour l’adhésif utilisé dans le procédé
TFC sont les suivantes :
‰ système bi-composant (résine/durcisseur),
‰ la résine est chargée, de couleur blanchâtre et relativement visqueuse,
‰ le durcisseur n’est pas chargé, il est très visqueux, jaune translucide et contient
des alkylétheramines et des triéthylènetétramines (TETA),
‰ le rapport d’emploi préconisé résine/durcisseur, en masse, est de 100 pour 40.

Les autres caractéristiques de l’adhésif telles que l’indice d’époxyde de la résine


(NFP 18-812), l’indice de basicité totale du durcisseur (NFP 18-813) et la teneur en
charges de la résine (NFP 30-074) sont conformes à celles généralement observées
pour ce type de produit. L’analyse fonctionnelle par spectroscopie infrarouge montre
que la résine est constituée de diglycidyléther du bisphénol A (DGEBA) et comporte
des charges siliceuses et calciques. Pour le durcisseur, l’analyse montre qu’il est
constitué d’amines aliphatiques primaires.

95
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

4.2.3.2 Caractérisation par DSC

a) Principe de la technique

La calorimétrie différentielle à balayage permet d'observer et de quantifier les


phénomènes endothermiques ou exothermiques qui accompagnent un changement
d’état physique du matériau tel qu’une évolution structurale (transition vitreuse ou
effet du vieillissement physique) ou une réaction chimique (réaction entre une résine
époxydique et un durcisseur aminé par exemple). L'appareil utilisé est un
calorimètre Q100 de TA INSTRUMENTS, préalablement calibré à l'aide d'un
échantillon d'indium. Deux modes d’analyse sont disponibles sur cet appareil :
‰ le mode dynamique classique,
‰ le mode dynamique avec modulation de température.

Pour le 1er mode, les échantillons sont soumis à une rampe de température linéaire
entre -10 et 200°C avec une vitesse de chauffe de 10°C/min. Deux passages
successifs sont réalisés pour chaque échantillon. La figure 3 présente l’allure
typique des thermogrammes obtenus pour des adhésifs époxydes.

Le thermogramme correspondant au premier passage montre généralement :


‰ un pic endothermique (ou pic de relaxation structurale) qui traduit un excès
enthalpique du polymère lors du passage de la transition vitreuse. La présence
de ce pic indique que le réseau a subi un vieillissement physique. Ce pic masque
en général le saut de chaleur spécifique lié à la transition vitreuse (Tg), et il est
donc souvent difficile d’évaluer la température de transition vitreuse au premier
passage. La Tg du polymère est alors identifiée au niveau du sommet du pic
endothermique,
‰ un pic exothermique qui correspond à une fin de réticulation du polymère. L’aire
de ce pic est d’autant plus grande que le nombre de monomères résiduels est
élevé dans le réseau.

En effectuant le second passage, on s’affranchit du phénomène de vieillissement


physique et de la fin de la réticulation. Le saut de chaleur spécifique lié à la
transition vitreuse est alors bien visible, et on peut déterminer la température de
transition vitreuse Tgf du matériau totalement polymérisé à partir du point d’inflexion
de la courbe.

Pour l’analyse DSC en mode dynamique avec modulation de température, les


échantillons sont toujours soumis à une rampe de température entre -10 et 200°C,
mais une modulation de température est superposée à la rampe linéaire (signal
sinusoïdal). Le flux de chaleur est alors la somme de deux composantes :

dH/dT = Cp dT/dt + f (t,T) avec Cp, la capacité calorifique du matériau.

96
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

pic endothermique pic exothermique


(relaxation structurale liée au (fin de polymérisation)
vieillissement physique)

1 er passage

2 ème passage

T gf

Fig. 3 - Allure typique des spectres obtenus en DSC classique

La première composante intègre les phénomènes thermodynamiques réversibles


(transition vitreuse ou fusion des polymères, etc…), tandis que le second terme
traduit les phénomènes irréversibles (dégradations chimiques, relaxation structurale,
etc…). Il devient donc possible de séparer ces deux types de phénomènes.

De manière concrète pour l’adhésif époxyde considéré, ce mode d’analyse permet


de séparer le phénomène de transition vitreuse (qui sera détecté par le saut de
chaleur spécifique sur le signal réversible) du phénomène de relaxation structurale
(qui sera visible sur le signal non réversible). Il devient ainsi possible de déterminer
la Tg du polymère très facilement en réalisant un seul passage, ce qui n’était pas le
cas en DSC classique. Les essais ont été réalisés avec un signal modulé
d’amplitude 0,5°C et de période 80 secondes. Pour des raisons techniques, la
vitesse de chauffe utilisée pour la rampe de température est plus faible que celle
utilisée en DSC classique (1,5°C/min).

b) Caractérisation des échantillons prélevés sur ouvrage

Les échantillons d’adhésifs prélevés lors des campagnes d’essai sur l’ouvrage ont
été analysés en mode classique et en modulation de température. Ces échantillons
ont été conservés à 4°C et sous emballage hermétique entre les dates de
prélèvement et d’analyse, afin d’éviter toute évolution physico-chimique lors du
stockage. On considère donc que l’état physico-chimique des échantillons au
moment de l’analyse DSC est identique à celui de la date de prélèvement. A titre de
comparaison, nous présenterons également les résultats obtenus pour un
échantillon d’adhésif provenant d’un autre ouvrage renforcé par le même procédé et
qui a été soumis à des conditions climatiques naturelles pendant près de 7 ans.

97
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La figure 4 montre les diagrammes d’analyses en DSC classique des échantillons.


Le pic de relaxation structurale apparaît clairement sur les graphes. Il se superpose
au phénomène de transition vitreuse et masque le saut d’enthalpie (ou de chaleur
spécifique) caractéristique de Tg. Il est donc difficile de déterminer avec précision la
température de transition vitreuse. Cependant le maximum du pic de relaxation
structurale fournit une valeur approximative de Tg et permet de comparer les
différents prélèvements (Tableau 4).

Tableau 4 : Evaluation de la Tg des échantillons prélevés sur sites (DSC classique


avec une vitesse de chauffe de 10°C/min)
Age des échantillons Evaluations de Tg (°C)
5 mois 61,1 r 0,5
18 mois 62,9 r 0,5
30 mois -
7 ans (autre site de prélèvement) 64,7 r 0,5

Ces résultats permettent déjà de voir une augmentation légère, mais significative de
Tg en fonction de la durée de vieillissement sur site des échantillons. Ceci semble
montrer que le processus de réticulation de l’adhésif se poursuit au cours du temps,
la cinétique de polymérisation étant très lente aux températures ambiantes.

0.0
––––––– TFC St Cyr pallée 5 23-10-02
–––– TFC St CYR pallée G 06-11-03
––––– · TFC ouvrage EDF
5 mois
(W/g)

-0.1
Heat Flow(W
Flux de chaleur /g)

61.10°C

-0.2
7 ans 62.88°C

64.66°C
-0.3
20 70 120
Exo Up Temperature (°C) Universal V3.8B TA Instruments
Température (°C)

Fig. 4 - Thermogrammes obtenus en DSC classique des échantillons


d’adhésif prélevés sur sites (vitesse de chauffe 10°C/min)

98
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Par ailleurs, il est intéressant de voir que le pic de relaxation structurale de


l’échantillon âgé de 7 ans présente une amplitude élevée. Ceci semble indiquer que
l’adhésif est soumis à un vieillissement physique dans le temps (qui peut également
contribuer à une augmentation de la Tg). En revanche les variations d’amplitude du
pic de relaxation structurale sont peu significatives pour les deux échantillons
prélevés à 5 et 18 mois.

Les analyses en DSC modulée sont présentées sur les figures 5 et 6.

Pour les signaux réversibles, le saut de chaleur spécifique lié au phénomène de


transition vitreuse est bien visible et la Tg peut être aisément mesurée (point
d’inflexion de la courbe). On observe une légère augmentation de la température de
transition vitreuse en fonction de l’âge des échantillons. Pour les signaux non
réversibles, les pics de relaxation structurale sont parfaitement identifiés.
L’augmentation significative de ce pic, déjà observé en DSC classique, est
confirmée pour l’échantillon le plus âgé. En revanche, les différences sont peu
marquées pour les deux échantillons prélevés à 5 et 18 mois.

-0.02
––––––– TFC St-Cyr palée 5 du 23-10-02
––––– · TFC St Cyr palee G du 06-11-03
–––– ouvrage EDF
(W/g)

54.84°C(I)
-0.03
Heat Flow (W
Flux deRevchaleur /g)

5 mois
55.67°C(I)

-0.04

18 mois
56.91°C(I)

7 ans
-0.05
20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150
Exo Up Temperature (°C) Universal V3.8B TA Instruments

Température (°C)

Fig. 5 - Signaux réversibles obtenus en DSC modulée pour les différents


échantillons (vitesse chauffe 1,5 °C/min, paramètres de modulation : amplitude r
0,5°C et période de 80 s)

99
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Flux de chaleur (W/g)

5 mois

18 mois

7 ans

Température (°C)

Fig. 6 - Signaux non-réversibles obtenus en DSC modulée pour les différents


échantillons (vitesse chauffe 1,5 °C/min, paramètres de modulation : amplitude r
0,5°C et période de 80s)

En conclusion, on peut penser que la légère augmentation de la Tg dans le temps


est probablement liée à la poursuite lente du processus de réticulation. Le
phénomène de vieillissement physique mis en évidence sur l’échantillon âgé de 7
ans est courant pour les matériaux polymères. Il s’accompagne en général d’une
légère augmentation de la rigidité (de 5 à 10%).

5 - Conclusion

Une première partie du travail a consisté à identifier les mécanismes de


vieillissement des adhésifs époxydes sous forme d’échantillons massiques ou sous
forme de joints adhésifs dans des assemblages collés.

La deuxième partie de cette étude a porté sur le suivi des caractéristiques d’un
adhésif utilisé pour le renforcement par tissu de fibres de carbone sur un ouvrage en
béton armé. Les premiers résultats concernant les caractéristiques de l’adhésif et
l’adhérence résine/béton permettent de noter une légère augmentation de la Tg
vraisemblablement liée à une poursuite lente de la réticulation. Après 30 mois, les
tests d’adhérence conduisent à penser à une légère diminution de l’adhérence
résine/béton (qui reste toutefois proche de 4 MPa). Le suivi des planches d’essai sur
cet ouvrage sera poursuivi dans les années à venir et permettra de mieux définir les
évolutions de la résine et leurs implications sur le comportement de l’interface
résine/béton.

Remerciements

Nous remercions vivement MM. Marion, Fleurisson et Jacquemin de la société


APRR pour l'intérêt qu’ils ont porté au sujet de recherche en nous permettant de

100
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

mettre en oeuvre et de suivre des planches d'essai sur un ouvrage autoroutier.

Références bibliographiques

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modèle mécanique prédictif avec prise en compte des caractéristiques physico-
chimiques de l’adhésif, Doctorat de l’ENPC soutenu le 31 mars 2004, 247 p.
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hygrothermal experiments, Advances in Polymer Science, 1985, 66, pp. 189-
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2002, 85, pp. 1-8.
[8] FERNÁNDEZ-GARCÍA M., CHIANG M.Y.M., Effect of hygorthermal aging
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particle-filled epoxy-based adhesive, Journal of Applied Polymer Science,
2002, 84, pp. 1581-1591.
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Applied Polymer Science, 2001, 80, pp. 71-80.
[13] ZANNI-DEFFARGES M.P., SHANAHAN M.E.R., Diffusion of water into an

101
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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International Journal of Adhesion and Adhesives, 1995, 15, pp. 137-142.
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1994, 47, pp. 83-93.
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International Journal of Adhesion and Adhesives, 1996, 16, pp. 73-79.
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an aqueous environment, International Journal of Adhesion and Adhesives,
1998, 18, pp. 365-369.
[18] BREWER D., GASPARINI D.A., ANDREANI J., Diffusion of water in steel-to-
steel bonds, Journal of Structural Engineering, 1990, 116, 5, pp. 1180-1198.

102
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ DURABILITÉ DES ASSEMBLAGES COLLÉS : MODÉLISATION MÉCANIQUE ET PHYSICO-


CHIMIQUE

BRUNEAUX M-A.*, BENZARTI K., FREMOND M.


Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris
EHRLACHER A., FORET G.
Institut Navier, LAMI (ENPC/LCPC), Champs-sur-Marne

*Nouvelle adresse : Centre Technique des Tuiles et Briques, Clamart, France

Résumé

Pour assurer le développement de la technique d’assemblage par collage dans le


domaine du Génie Civil, il est nécessaire d’améliorer les méthodes visant à prédire
la durabilité des joints collés. La plupart des modèles existants sont des modèles
purement mécaniques qui ne prennent pas en compte la physico-chimie des
adhésifs et se limitent à l'étude de la rupture. Une nouvelle approche est donc mise
en place à partir de la théorie du premier gradient de l'endommagement, qui permet
d’introduire des paramètres décrivant le comportement physico-chimique de
l’adhésif dans les équations mécaniques. Des expériences sont ensuite mises au
point pour identifier le comportement du joint collé et déterminer les valeurs des
coefficients du modèle pour la résine époxyde étudiée.

1 - Introduction

Actuellement, la principale méthode d'assemblage utilisée en Génie Civil reste la


liaison mécanique (par boulonnage ou par rivetage notamment), qui pose des
problèmes de concentration de contraintes et de corrosion. Le collage permettrait de
supprimer ces problèmes, mais le manque d'informations quant à sa durabilité
restreint son usage à la réparation et au renforcement d'ouvrages d'art [1] (tôles
collées, renforcement par matériaux composites, …).

De nombreuses études ont montré que les propriétés des matériaux polymères se
dégradaient dans l'environnement d'utilisation (vieillissement physique, humidité,
atmosphère saline, etc.). Si les effets de ces différents facteurs sont prouvés,
l'évolution de la résistance d'un joint collé dans le milieu ambiant reste à quantifier
[2]. L'aspect physico-chimique du collage (c'est-à-dire le vieillissement de l'adhésif)
n'est donc pas pris en compte dans les modélisations existantes. Ceci explique que,
bien que l'on arrive actuellement à décrire le comportement à la rupture des joints
collés, on ne puisse pas encore prédire la durée de vie d'un assemblage.

Une nouvelle approche a donc été développée lors d’une thèse [3] au Laboratoire
Central des Ponts et Chaussées dans le cadre de l’Opération de recherche "Le
collage en Génie Civil". Elle vise à introduire dans la théorie du contact, un modèle
d'endommagement de l'interface qui puisse prendre en compte des paramètres
d'ordre physico-chimique. C'est cette approche qui sera décrite ici, ainsi que la mise

103
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

au point d’expériences permettant d'identifier les coefficients du modèle pour un


adhésif donné.

2 - Théorie mécanique du premier gradient de l’endommagement

Le modèle mécanique utilisé pour décrire l'interface du joint collé se base sur la
théorie du premier gradient de l'endommagement, appliquée à un phénomène de
contact avec adhérence. D'abord développée par Frémond et Tien [4-5], cette
théorie a depuis été couplée avec un modèle de frottement, et a déjà permis de
modéliser avec succès des essais de micro-indentation sur matériaux composites
[6].

Fig. 1 - Description d'un assemblage collé selon la théorie du premier gradient de


l'endommagement

La théorie est basée sur une description particulière de l’interface entre deux
supports collés (Figure 1). On considère un assemblage constitué de deux solides
:1 et :2, dont les frontières sont respectivement notées w:1 et w:2, et les normales
& & &
sortantes aux frontières n1 et n 2 . Sur l’interface commune * = w:1 ˆ w:2, on a n1 = -
&
n2 .

Ces solides sont reliés par les chaînes macromoléculaires de l’adhésif le long de
& &
l'interface *. L'assemblage est soumis à des forces volumiques f1 et f 2 , ainsi qu’à
& &
des forces surfaciques F1 et F2 .

104
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Pour décrire le joint adhésif, on introduit deux variables d'état qui dépendent de la
position le long de l'interface x  * et du temps t :
&
- u x&, t , l'écartement
& &
entre deux points situés en vis-à-vis sur :1 et :2, défini
par u x, t = u1 - u 2
- E(x,t), le champ scalaire représentant la proportion de liens adhésifs
encore intacts (E varie entre 1 et 0, E=1 pour un joint intact et E=0 pour un
joint rompu).
On se place dans le domaine des petites perturbations, avec les hypothèses
suivantes :
- l'interpénétration des deux solides est impossible ( u . n1  u . n 2 d 0 ),
dE
- le recollement des zones décollées n’est pas possible ( d 0)
dt
- les propriétés viscoélastiques de l’adhésif permettent d’avoir simultanément
&
les conditions z 0 et u z 0 (i.e., le phénomène de fluage lié au glissement
des chaînes macromoléculaires peut engendrer un certain écartement des
&
deux solides, sans que le joint adhésif soit totalement rompu). On appelle v ,
& & &
la vitesse à laquelle les deux solides collés s'écartent: v v 1  v 2 .

La résolution du problème se fait selon le cheminement classique de la mécanique


des milieux continus: calcul de la puissance des efforts intérieurs et extérieurs pour
en déduire les équations du mouvement d'après le théorème des puissances
virtuelles, puis choix des lois de comportement en accord avec les premier et
second principes de la thermodynamique. L'adhésion est prise en compte à travers
des efforts supplémentaires, exprimés en fonction de coefficients théoriques
traduisant les propriétés de l’adhésif.
On considérera ainsi au niveau de l'interface :
- un effort intérieur dû aux mouvements microscopiques des liens adhésifs
(effet de la viscosité de la colle), qui introduit le coefficient Cvit,
- un deuxième effort dû aux interactions locales entre liens voisins
(cohésion interne de la colle), qui fait apparaître le coefficient Ccoe,
- un dernier effort qui prend en compte l'élasticité de la colle au niveau
macroscopique et traduit la rigidité du collage à travers le coefficient k.
On aura, de plus, des efforts extérieurs non mécaniques A qui pourront agir au
niveau du joint, comme par exemple des réactions chimiques de dégradation des
liens adhésifs (hydrolyse due à l'immersion de l'assemblage, etc.).

Dans ces conditions, l'expression la plus simple pour l'énergie libre \ de l'interface
& C coe kˆ &
est : \ * u , E , ’E Z ˜ 1 - E  ˜ ’E 2
 ˜ E ˜u 2
(1)
2 2
où Z représente l'énergie d'adhésion entre les solides et l’adhésif.

Il est également possible de choisir une expression de l'énergie libre quadratique en


E au niveau du terme faisant intervenir la rigidité de l’adhésif, ce qui permet de

105
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

retrouver les formes caractéristiques des lèvres de la fissure du modèle de


Barenblatt.

Ainsi, l'évolution du collage est complètement décrite par le système suivant :

& &
dv i
f i  div V i Ui . sur w* (2)
dt
avec Ui la densité volumique dans :i
& &
V i ˜ ni Fi sur w: i  * (3)

& &
V 1 ˜ n1 kˆ ˜ E ˜ u sur w:1 ˆ * (4)

& &
V 2 ˜ n2  kˆ ˜ E ˜ u sur w: 2 ˆ * (5)

dE kˆ & 2
C vit ˜  C coe ˜ 'E  ˜ u AZ sur * (6)
dt 2

Les équations (2) à (5) sont des équations d'équilibre, alors que l'équation (6) est
une équation d'évolution le long de l'interface *.

Les coefficients k, Cvit, Ccoe, Z sont caractéristiques du joint. Ils dépendent de la


nature de l’adhésif et sont susceptibles d’évoluer dans le temps en fonction des
dégradations du polymère. Si leur évolution avec le temps est connue, ainsi que
celle du paramètre A (énergie extérieure non mécanique), alors la durabilité du joint
peut être déduite de la résolution du système d'équations (2) à (6). En effet, la
connaissance de la variable E(x,t) nous permet de déterminer l'instant à partir duquel
E devient nul, c'est-à-dire le moment où tous les liens adhésifs sont rompus et où les
deux solides sont décollés.

Pour déterminer les valeurs des différents coefficients (et éventuellement leurs
évolutions avec le temps au cours d’un vieillissement), il est nécessaire de caler le
modèle sur des résultats expérimentaux. Les paragraphes suivants proposent une
méthodologie simple, qui permet d’identifier 4 coefficients du modèle à partir d’un
essai expérimental en conditions de sollicitation homogène.

3 - Etude du problème en conditions homogènes

Les conditions de sollicitations homogènes facilitent considérablement la résolution


du problème mécanique en réduisant le nombre de coefficients théoriques dans les
équations du modèle.

106
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3.1 - Définition d’une configuration expérimentale

Pour pouvoir s'affranchir du terme en gradient de la variable d'endommagement


dans l'équation d'évolution à l'interface, les conditions d'expérimentation doivent être
parfaitement homogènes. Deux types d'essais sont envisageables: des expériences
de traction ou de torsion. Compte tenu de l’appareillage disponible, une
configuration d'essai en traction homogène a été retenue.
Par ailleurs, une géométrie tubulaire permet de maintenir l'ensemble des points du
joint à équidistance du point d'application de la force, et garantit un niveau de
contrainte uniforme et une sollicitation homogène en tout point.
On choisit donc d'assembler par collage des tubes en acier, d'épaisseur
relativement faible par rapport au diamètre. Un adhésif structural bi-composant
époxy-amine destiné aux applications du Génie Civil a été sélectionné pour sa
viscosité, son adhérence sur l’acier (rupture cohésive des assemblages testés) et sa
facilité de mise en œuvre.
Les dimensions des tubes et l'épaisseur du joint sont optimisées de manière à
pouvoir effectuer l'essai jusqu'à la rupture sur la machine équipée d'une cellule de
force de 10 kN. Le collage des deux tubes est réalisé en maintenant l'assemblage
dans une position verticale, afin que le poids du tube supérieur assure la pression
nécessaire au maintien du joint de colle lors de la polymérisation. L’assemblage est
ensuite placé dans une étuve à 50°C pendant 24 heures pour achever la
polymérisation Après refroidissement, l’assemblage collé est mis en place sur la
machine de traction (Instron 6022) et testé en traction homogène à un niveau de
force équivalent à 70% de sa résistance maximale, soit 5,5 kN.

Fig. 2 - Description de l’expérience de traction homogène

107
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3.2 - Résolution à partir du modèle

Lorsqu’elles sont utilisées pour décrire le problème mécanique en conditions


homogènes, les équations du modèle se simplifient considérablement: le gradient de
la variable d'endommagement devient nul, de même que le paramètre A car le joint
adhésif n'est soumis à aucune action extérieure non mécanique. Après
simplification, l'équation (6) devient donc:

dE k &2
C vit ˜  ˜E ˜ u Z (7)
dt 2

La résolution de cette équation conduit à l’obtention de deux expressions


analytiques, l’une pour l’évolution du déplacement en fonction du temps et l’autre
pour l’évolution de la variable E >3@. Il de vient alors possible de calculer l’instant de
la rupture.

3.3 - Comparaison théorie / résultats expérimentaux

La figure 3 permet de comparer les simulations théoriques du modèle (évolution de


&
la variable E et du déplacement u en fonction du temps), avec les données
expérimentales obtenues dans le cadre d’essais de traction homogène sur tubes
collés en appliquant une force imposée constante de 5,5 kN. Les paramètres
théoriques sont ajustés de manière à approcher au mieux les mesures
expérimentales fournies par les capteurs.

La courbe théorique représentant l’évolution dans le temps de la variable


d'endommagement est conforme aux hypothèses: E diminue progressivement au
début de l'expérience, avant de chuter lorsque la rupture du joint adhésif s'amorce et
&
que la vitesse d'ouverture augmente. En revanche, la courbe théorique de u x, t ne
réussit pas à décrire le comportement expérimental observé. En effet, l’allure quasi-
linéaire de la courbe théorique est très différente de celle de la courbe
expérimentale. Il est également nécessaire d'ajouter un décalage en temps aux
valeurs calculées pour pouvoir modéliser les points expérimentaux. Ce décalage,
qui peut être interprété comme un temps d'initiation de l’endommagement, est
sensiblement identique pour tous les tubes testés.

Le modèle de comportement choisi pour l'adhésif dans la théorie du premier


gradient de l'endommagement ne permet donc pas de prévoir correctement
l'évolution du joint collé. Il est nécessaire d'apporter des raffinements au modèle afin
de prendre en compte le comportement particulier de l'adhésif observé
expérimentalement.

108
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 3 - Modélisation des résultats d'un essai de traction homogène à force imposée
constante F=5,5kN. Les courbes théoriques sont obtenues en prenant:
Cvit = 3,6.107 J.s/m2, Z = 0,02 J/m2, k = 1,1.1011 N/m3.

4 - Raffinement du modèle

Des expériences complémentaires ont été ensuite réalisées afin de mieux identifier
le comportement particulier de l’adhésif.

4.1 - Analyse du comportement lors de cycles charge / décharge

Les assemblages ont été soumis à des cycles de chargement/déchargement sur la


machine INSTRON 6022. Les conditions d’essais utilisées étaient les suivantes :
- une première série de 5 charges courtes successives a été réalisée afin
d’étudier l'évolution de la raideur du matériau dans le temps,
- une série de deux charges plus longues a permis d’observer le fluage de
l'adhésif,
- une dernière charge suffisamment longue a permis d’observer la recouvrance
du joint après déchargement.

La figure 4 récapitule les différents cycles de chargement imposés à l'assemblage


collé au cours du temps.
A l'issue de l'expérience de recouvrance aux temps longs, l'assemblage est
rechargé à force constante (5,5 kN) jusqu’à la rupture.

109
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

¢: série de charges courtes £:série de charges ¤: charge longue et


(10mn de moyennes (30mn de recouvrance (5000s de
charge/rechargement charges/5mn de décharge) charge/décharge de 15h)
immédiate)

Fig. 4 - Cycles de chargements imposés sur l'assemblage collé

x On considère d’abord la première série de cycles charges/décharges instantanées.


A chaque cycle de chargement, la pente de la droite force/déplacement caractérise
la rigidité de l’assemblage. Les supports métalliques ayant un comportement
parfaitement élastique, toute variation de rigidité de l’assemblage lors des cycles
successifs est donc liée à une modification microstructurale de l’adhésif
(comportement viscoplastique ou endommagement).
La figure 5 montre l’évolution de la raideur au cours des différents cycles de
chargement. On peut y distinguer deux domaines :
- un premier domaine en début d’expérience où on observe un raidissement du
joint,
- un second domaine où la rigidité de l’adhésif diminue, qui correspondrait au
début de l’endommagement.

Ce type d’évolution est directement lié à la nature du réseau réticulé de l’adhésif. En


début d’expérience, des phénomènes viscoélastiques locaux (mobilité des chaînes
du polymère) se produisent sous l’action des contraintes de chargement et
entraînent un raidissement du joint. Dès lors que ces phénomènes locaux se sont
produits, la seule possibilité de déformation reste la rupture des chaînes
macromoléculaires. On observe alors un endommagement progressif et irréversible
du joint adhésif.

Dans son état actuel, le modèle de premier gradient de l’endommagement ne rend

110
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

pas compte du phénomène de raidissement en début d’essai. En effet, la théorie


suppose que la variable d’endommagement est strictement décroissante (figure 5).
Cette hypothèse doit donc être modifiée.

Fig. 5 - Evolution de l’indicateur de l’endommagement au cours d’une expérience de


traction homogène, comparée avec l'évolution théorique de la variable
d'endommagement

x On considère ensuite l'expérience de recouvrement. La Figure 6 montre l’évolution


de l’ouverture du joint en fonction du temps, après relâchement de la contrainte de
traction. Le retour à l’équilibre se fait de manière très progressive, et on voit qu’il
subsiste encore une déformation résiduelle en fin d’expérience. Ceci est en totale
contradiction avec les hypothèses actuelles du modèle, qui prévoit un retour
instantané à l’équilibre lorsque la sollicitation cesse.
Une constante de temps W, caractéristique du comportement viscoélastique de
l’adhésif, peut alors être déterminée en approchant la courbe de recouvrance
expérimentale par une loi de décroissance exponentielle. Pour l’adhésif étudié on
trouve Wҏ= 5500r250 s.

x On considère finalement, l’expérience de traction à force constante jusqu’à la


rupture de l’assemblage. La rupture intervient systématiquement de manière
cohésive au sein de l'adhésif, la fissure s'initiant au niveau d'un défaut, avant de se
propager au sein du polymère.

111
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Si on compare l'évolution de E aux signaux des capteurs au cours d'une expérience


menée jusqu'à rupture de l'assemblage, on constate que la fissuration s'initie
lorsque E est inférieure à une valeur seuil de l'ordre de 0,7 dans le cadre de nos
expériences. On peut donc considérer qu'en deçà de cette valeur seuil,
l'assemblage, même s'il n'est pas encore rompu, n'est plus viable car il devient le
siège de phénomènes de fissuration, conduisant à une rupture imminente.

Fig. 6 - Evolution de l'écart moyen par rapport à l’épaisseur initiale du joint de colle
au cours du temps après arrêt de la sollicitation

4.2 - Nouvelles équations du modèle

Les essais de chargement/déchargement ont mis en évidence les faits suivants :


x d’une part, la raideur du joint augmente en début d’expérience. Celle-ci étant
proportionnelle à E, il apparaît que la dérivée de E par rapport au temps peut être
positive, et que E elle-même peut être supérieure à sa valeur initiale de 1. Ainsi, les
dE
conditions E >0,1@ et d 0 doivent être supprimées.
dt
Cela ne va pas à l'encontre de la définition initiale de E, car on peut postuler que
sous l'action de la sollicitation, certaines chaînes macromoléculaires initialement non
"actives" deviennent "actives" ("active" signifie que la chaîne participe à la force de
rappel entre les deux surfaces collées). De ce fait, la dérivée de E peut être positive,
sans que l'on ait pour autant recollement des deux interfaces et réparation des
zones endommagées.

112
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Deux domaines de temps peuvent être distingués :


- un domaine où des chaînes non actives peuvent encore être sollicitées pour
participer à l'effort de rappel. Dans ce domaine, les variations de E dépendent de
la sollicitation, du nombre de liaisons déjà endommagées, du nombre de chaînes
dE
non actives restant. La dérivée peut être positive ou négative.
dt
- un deuxième domaine où toutes les chaînes disponibles ont été activées. Toute
rupture de chaînes entraîne alors inexorablement une diminution de la rigidité et
E passe strictement en dessous de sa valeur initiale 1. La dérivée de E par
rapport au temps est négative.

x d’autre part, il existe des phénomènes de fluage au niveau de l'interface. La


&
relation de compatibilité entre E et u x, t utilisée pour décrire le contact avec
adhérence n'est plus valide.
&
Les nouvelles conditions vérifiées par E et u x, t sont donc :
- la variable E est positive ou nulle,
- si E est inférieure à 1 alors, sa dérivée par rapport au temps est négative,
- il n’y a pas interpénétration entre les deux solides.

Le comportement de l'adhésif intervient au niveau du choix de l'énergie libre \ et du


pseudo-potentiel de dissipation M de l'interface collée.
Le premier phénomène à prendre en compte est le fluage, avec l’existence d'une
déformation résiduelle du joint de colle après arrêt de la sollicitation. En effet, la
traction de l'assemblage collé modifie l'organisation des chaînes au sein du réseau:
allongement des chaînes macromoléculaires qui peuvent également glisser les unes
par rapport aux autres. L'extension des chaînes est un phénomène élastique non
dissipatif, qui permet d’assimiler le joint adhésif à un ressort de raideur k. Le
glissement et le désenchevêtrement des chaînes nécessitent quant à eux des
ruptures de liaisons intra et intermoléculaires et des changements de conformation,
qui vont dissiper une partie de l'énergie apportée. Plus la sollicitation est rapide, plus
ces mécanismes vont être dissipatifs. Pour décrire le fluage et la recouvrance, on
introduit donc un terme supplémentaire dans le pseudo-potentiel de dissipation, qui
va décrire la dissipation d'énergie par glissement visqueux des chaînes les unes par
rapport aux autres. D'après ce qui précède, la dissipation augmente avec la vitesse
d'ouverture du joint. Par ailleurs, plus le collage est endommagé, plus le glissement
des chaînes devient facile et plus la dissipation est faible. La raideur macroscopique
étant proportionnelle à E, on postule qu'il en est de même pour le caractère
visqueux.

2 2
& dE C vit § dE · N § du ·
On pose donc : I §¨ u , E , ·¸ .¨ ¸  ˜ E ˜¨ ¸ (8)
© dt ¹ 2 © dt ¹ 2 © dt ¹

où N est un paramètre caractérisant la dissipation par glissement des chaînes

113
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

les unes par rapport aux autres, alors que Cvit caractérise l'énergie dissipée
par rupture des chaînes.

L'étude de la recouvrance nous permet d'obtenir une relation (9) entre les
paramètres k et N, ce qui revient à n'avoir qu'un paramètre inconnu au lieu de deux.
Le nombre de paramètres à déterminer reste identique à celui du modèle initial.
N
W (9)
k
avec W, le temps caractéristique de la recouvrance (Cf. paragraphe
4.1).

L'augmentation de la variable E au début de l'expérience de traction est attribuée à


la participation de chaînes initialement "non actives" à la force de rappel au niveau
de l'interface. Ce passage des chaînes de l'état "non actif" à l'état "actif" est
possible :
- du fait de l'existence de nœuds de réticulation et d'enchevêtrements. Ces
ancrages physiques entre chaînes sont déjà pris en compte au niveau de
l'énergie libre par le paramètre Ccoe, qui traduit la cohésion de l'adhésif,
- grâce aux possibilités de glissement des chaînes les unes par rapport aux
autres: elles peuvent se réorienter pour reprendre une partie des efforts de
traction. Cet effet est maintenant inclus dans M. Le terme de dissipation
visqueuse devrait suffire à décrire l'augmentation de raideur observée
expérimentalement.

Le choix de l'expression de l'énergie libre reste donc inchangé.

Le système décrivant le comportement de l’assemblage collé devient :


& w 2u
f i  div V i U i . 2i dans : i (2’)
wt

& &
V i ˜ ni Fi sur w: i  * (3)
& & wu
V 1 ˜ n1  k ˜ E 2 ˜ u - N .E . sur w:1 ˆ * (4’)
wt
& & wu
V 2 ˜ n2  k ˜ E 2 ˜ u  N .E . sur w: 2 ˆ * (5’)
wt
wE k &2
C vit ˜  C coe ˜ 'E  ˜ E ˜ u A  Z sur * (6)
wt 2

4.3 - Identification des coefficients théoriques

Après avoir résolu numériquement les équations pour les conditions de traction
homogène, il nous reste à déterminer les coefficients théoriques par comparaison
entre la courbe expérimentale et la courbe modélisée. A l’aide d’un programme sous
le logiciel Matlab, on détermine les valeurs des coefficients théoriques pour les
différentes expériences réalisées. Les résultats sont regroupés sur la figure 7.

114
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

a)

b)

Fig. 7 - Comparaison entre le modèle et l’expérience (a) pour une expérience de


traction homogène à 5,5kN menée jusqu’à la rupture et (b) pour une expérience de
recouvrement. Les valeurs des coefficients du modèle sont : Cvit = 7,2.104 J.s/m2, k =
1,9.1012 N/m3, Z = 10,3 J/m2 et W = 5500 s.

Le modèle du premier gradient de l’endommagement optimisé permet maintenant


de prendre en compte non seulement les phénomènes de fluage observés lors de la
recouvrance, mais également l’augmentation de la raideur du joint adhésif en début
d’expérience. Il permet de décrire l'évolution de l'ouverture du joint en fonction du
temps de manière beaucoup plus satisfaisante que le modèle initial, et rend compte
de l'accélération de la vitesse d’ouverture à l'initiation de la rupture. Il est maintenant
possible de prédire le comportement de l’assemblage collé dans une configuration
de traction homogène.

115
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

5 - Conclusions et perspectives
Ce travail a permis de proposer un modèle mécanique, dérivé du modèle du premier
gradient de l’endommagement, capable de décrire le comportement des
assemblages collés dans des conditions de sollicitation homogènes.
Une configuration expérimentale particulière a été mise en place afin de simplifier
les équations du problème et de travailler avec une solution analytique. Une série
d’expériences de traction homogène sur tubes en acier collés a été réalisée, mettant
en évidence les comportements suivants:
- existence d’un phénomène de fluage non négligeable lors de la recouvrance,
- raidissement du joint de colle avant dégradation de l’interface,
- mise en évidence d’une valeur seuil de la variable d’endommagement E en
dessous de laquelle des fissurations apparaissent au niveau de l’interface collée.

Ces phénomènes n’étant pas pris en compte par le modèle initial du premier
gradient de l’endommagement, des raffinements ont alors été introduits. Un modèle
optimisé prenant en compte des phénomènes de dissipation par glissement des
chaînes macromoléculaires les unes par rapport aux autres a permis de modéliser
l’ensemble de ces comportements. Par comparaison avec la solution numérique, 4
des 5 coefficients théoriques ont pu être calculés.

De plus, une première série d’expériences de traction sur des joints à double
recouvrement en conditions non homogènes a permis d’obtenir des résultats avec
gradient de cisaillement non nul le long des interfaces collées. En présence de ce
gradient d’endommagement, les comportements identifiés restent les mêmes:
existence de phénomènes de relaxation et raidissement des interfaces en début
d’essai, suivis d’une dégradation progressive du joint.
Même si des expériences complémentaires restent à réaliser afin de confirmer ces
observations, il semblerait donc que le modèle optimisé puisse également
s’appliquer aux cas de sollicitations non homogènes.

Des études ultérieures pourront s'appuyer sur ce modèle optimisé pour décrire le
comportement mécanique des assemblages collés soumis aux phénomènes de
vieillissement mis en évidence par ailleurs [3]. Il faudra alors intégrer dans le modèle
des lois d'évolution des coefficients théoriques Cvit, k, Ccoe, Z et A en fonction de la
durée de vieillissement.

Références bibliographiques

[1] KARBHARI V.M., ZHAO L. (2000) Use of composites for 21st century civil
infrastructure. Comput. Methods Appl. Mech. Eng.. 185, 433-454.
[2] KARBHARI V.M., CHIN J.W., REYNAUD D. (2000) Gap analysis for durability
of fiber reinforced polymer composites in civil infrastructure. Proc. of the 45th
Int. SAMPE Symposium and Exhibition, Science of Advanced Materials and
Process Engineering Series, Long Beach (Ca - USA), 549-563.

116
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

[3] BRUNEAUX M.-A., Durabilité des assemblages collés : modélisation


mécanique et physico-chimique. Thèse de Doctorat, Ecole Nationale des Ponts
et Chaussées, 2004, 247 pages.
[4] FRÉMOND M., POINT N., SACCO E., TIEN J.M. (1996) Contact with adhesion.
Proc. Of the 1996 Engineering Systems Design and Analysis Conference, 151-
156.
[5] TIEN J.M., Contact avec Adhérence. Thèse de doctorat, Université Pierre et
Marie Curie - Paris VI, 1990, 127 pages.
[6] MONERIE Y., Fissuration des Matériaux Composites : Rôle de l'interface
fibre/matrice. Thèse de doctorat, Université Aix-Marseille II, 2000, 189 pages.

117
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

BILAN DE L’OPÉRATION DE RECHERCHE


« RÉPARATION ET RENFORCEMENT
DES STRUCTURES DU GÉNIE CIVIL
PAR L’EMPLOI DE MATÉRIAUX COMPOSITES »

CLÉMENT J.-L.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Les résultats scientifiques majeurs obtenus dans le cadre de l’opération de


recherche « Réparation et renforcement des structures de génie civil par l’emploi de
matériaux composites » sont décrits dans cet article.
Les objectifs de cette opération de recherche sont présentés ainsi que son
organisation et les apports scientifiques à l’issue des études qui ont été réalisées sur
la période 2000-2004. Certains de ces résultats sont détaillés dans des articles de
ce recueil.

1 - Objectifs des recherches

L’opération de recherche intitulée « Réparation et renforcement des structures de


génie civil par l’emploi de matériaux composites » est issue de la transformation du
thème de recherche du même nom dont le contenu scientifique et technique a été
établi en 1999. La durée de l’opération a été de quatre années, du 1er janvier 2000
au 31 décembre 2003, suivie en 2004 par une année de valorisation.
L’objectif principal de ce thème est la réparation (ou le renforcement) de structures
réelles : « Ce thème doit traiter des propriétés des matériaux composites, de leur
qualification, du comportement et de la modélisation des éléments de structure
renforcés, des techniques de réparation d’ouvrages. Il doit aboutir à des
recommandations sur l’emploi des matériaux composites pour renforcer les
ouvrages » (Source : Orientations du programme des études et recherche 2000 du
LCPC).

2 - Organisation des recherches

L’opération de recherche a été initialement décomposée en quatre sujets :


- Sujet 1 : Etat des connaissances et prospectives
- Sujet 2 : Comportement mécanique et durabilité
- Sujet 3 : Modélisation numérique et essais sur éléments de structures ou ouvrages
réels
- Sujet 4 : Recommandations et règles de calcul

119
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Les participants provenaient du Réseau Scientifique et Technique du Ministère de


l’Equipement :
- LCPC : Divisions Bétons et Composites Cimentaires (BCC) et Fonctionnement et
Durabilité des Ouvrages d’art (FDOA) et Service Physico-Chimie des Matériaux
(PCM)
- ENPC : Laboratoire Analyse des Matériaux et Identification (LAMI)
- Laboratoires Régionaux des Ponts et Chaussées (LRPC) : Autun, Toulouse, Ouest
Parisien (Trappes) et Est Parisien (Le Bourget)

auxquels ont été associés l’Université de Lyon I (L2MS : Laboratoire Mécanique


Matériaux et Structures) et le CEBTP dans le cadre de contrats de recherche.

Par ailleurs, des industriels (Freyssinet International, GTM, VSL et Sika) ont été
sollicités pour la fourniture de matériaux composites et la réalisation de la mise en
œuvre de leurs produits dans le cadre de certaines études.

Cette opération a été financée par le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées et
en partie par la DRAST [1-2].

3 - Contenu scientifique et technique

Les principaux apports de l’opération de recherche sont déclinés par sujet dans la
suite de cet article.

3.1 - Sujet 1 : Etat des connaissances et prospectives

Le sujet initial portait sur l’état des connaissances des matériaux composites et des
techniques, le recensement des codes existants et la définition d’applications
potentielles. Des études bibliographiques nous ont conduit à ne considérer que les
tissus à fibres de carbone ou les lamelles en carbone collés avec des résines
époxydiques qui sont les matériaux les plus employés aujourd’hui en France [3].

Un recensement partiel des codes existants a été effectué par B. Fouré du CEBTP,
dans le cadre d’un contrat financé par le LCPC, avec un bilan qui reste modeste [4].

On notera toutefois qu’au cours de l’opération, en 2001, a été publié un rapport


technique de la FIB « Externally bonded FRP reinforcement for RC structures » [5].
Ce rapport résulte des travaux d’un groupe de travail européen constitué depuis
1996 (CEB) dans lequel les français étaient très peu présents. Ainsi, la France était
très en retard par rapport au reste du monde, pas tant au niveau d’applications
industrielles qu’à propos de design guide inexistant. Ce type de document ne traite
que les cas standards, à savoir le renforcement de poutres en flexion (moment de
flexion et effort tranchant) et n’aborde pas par exemple les problèmes de durabilité,
traités en partie dans le cadre de cette opération.

Par ailleurs, en relation avec le sujet 4, un groupe de travail AFGC, piloté par P.

120
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Hamelin, avait commencé à travailler sur l’établissement de recommandations dès


1998, avec un premier projet disponible dès 2000. Le positionnement de l’opération
de recherche du LCPC « Réparation et renforcement des structures de génie civil
par l’emploi de matériaux composites » vis-à-vis de ce groupe de travail, initialement
envisagé, était de s’appuyer sur ces recommandations pour développer certains
points de méconnaissance et ainsi pouvoir orienter les actions de recherche. Pour
différentes raisons qu’il ne s’agit pas de développer, ces recommandations n’ont pas
dépassé le stade provisoire, et leur édition a été longtemps bloquée. A la demande
de l’AFGC, le LCPC a été chargé, au cours de l’année 2002, de débloquer la
situation, avec notamment la rédaction du chapitre 2 relatif aux calculs de
dimensionnement et de vérification en flexion simple. Ce travail, mené
conjointement par les divisions BCC et FDOA et la Direction Technique du LCPC, a
conduit à la publication de recommandations provisoires [6].

Dans le cadre de ce sujet où il s’agissait de suivre les travaux réalisés par ailleurs, le
LCPC a été représenté dans trois jurys de thèse, deux à l’Université de Lyon [7-8] et
un à l’ENPC [9].

De plus, nous avons eu accès aux travaux menés par Freyssinet, dans le cadre
d’une convention de confidentialité, avec des visites à l’usine PPC de Chalon-sur-
Saône [10] et par SIKA lors d’une visite de chantier à Zurich [11]. Nous avons
également assisté à la réalisation d’essais de renforcement de poteaux EDF (RTE,
station d’essais de Sens).

Enfin, différents contacts ont été pris avec le SEPTEN, sans réelles retombées, et
avec l’IRSN, qui envisage le renforcement de portiques soumis aux séismes.

En résumé, c’est l’implication du LCPC dans le tissu industriel qui nous a permis de
connaître les études et recherches effectuées en France dans le domaine des
réparations par composites et ainsi d’être au courant des principaux problèmes
rencontrés [12].

3.2 - Sujet 2 : Comportement mécanique et durabilité

Ce sujet a été de fait celui qui a conduit aux études les plus avancées compte tenu
des domaines de compétence des intervenants dans l’opération et des moyens dont
ils ont disposé. Il a été décomposé en quatre parties qui font l’objet des sous-
chapitres qui suivent.

3.2.1 Comportement sous chargement statique

L’objectif était d’étudier de manière précise, en s’appuyant sur l’existant, les


hypothèses relatives aux comportements de l’ensemble tissu + colle et certains
problèmes spécifiques liés à son utilisation sur des éprouvettes de dimensions
réduite.

121
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Composites seuls, composites + colle


Caractériser les composites seuls est courant. Le problème est de pouvoir définir les
caractéristiques mécaniques du composite en place. En ce qui concerne les tissus
mis en place par collage, ce qui est intéressant est la loi de comportement du
complexe tissu + résine. L’AFGC propose dans les recommandations 2003 [6] des
essais typiques qui permettent de répondre à cela.
D’un point de vue pratique, il est important pour les maîtres d’ouvrage de pouvoir
comparer des produits entre eux en toute connaissance de cause : les industriels
annoncent classiquement les performances des tissus seuls. Or expérimentalement
lors d’un essai de traction d’un tissu encollé, les mesures physiques sont l’effort de
traction F fexp et un déplacement relatif provenant d’un extensomètre H exp
f . C’est donc

la raideur K exp
f exprimée en >N @ qui est disponible, sachant que ces matériaux ont
des lois de comportement de type élastique fragile : F fexp K exp exp
f .H f

Pour définir une contrainte à rupture V f et un module d’élasticité longitudinale E f il


est nécessaire de faire intervenir la section droite de l’éprouvette, de largeur connue
F fexp K exp
f
exp
b f et d’épaisseur nominale e nom : exp exp
.H exp
f
b f .e nom b f .e nom
F fexp K exp
f
Par définition, en se plaçant à la rupture, on aura : V f et E f
b exp
f .e nom b exp
f .e nom

F fexp
La valeur qui caractérise le tissu encollé est ainsi le produit V f .e nm >N / m@ et
b exp
f

Vf
le module doit vérifier la relation E f .
H exp
f

A effort de rupture et largeur identiques, deux produits définis par les couples
>500 MPa ; 1,0 mm@ et >1000 MPa ; 0,5 mm@ sont équivalents. Cette analyse répond à
des interrogations parfois posées (cas réels) de choix entre produits.

En outre, un contrat de recherche avec l’Université de Lyon a permis d’établir un


critère de rupture bi-axiale d’un tissu de carbone qui a conduit à considérer les
limites en traction dans deux directions orthogonales [13].

Frettage d’éprouvettes
Une étude du frettage d’éprouvettes de béton par composites a débuté lors de
l’année préparatoire de l’opération en 1999, par le biais de l’accueil d’un étudiant de
l’Université Technique de Budapest (UTB, Hongrie), dans le cadre d’un projet
TEMPUS ENPC-UTB [14-15]. Cette étude s’est poursuivie dans le cadre des
travaux de thèse de cet étudiant, K. VEROK, financé par une bourse du Ministère
des Affaires Etrangères (2000-2003) et par une bourse AUF [16].

Cette étape sur le frettage était l’une des première à réaliser en vue d’envisager le

122
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

renforcement de poteaux. Une étude du frettage sur béton jeune et sur béton âgé a
donc été réalisée avec l’élaboration d’un modèle qui permet de représenter à la fois
l’effet de frettage sur bétons de laboratoire et sur bétons âgés, ce qui sera le cas
pour le renforcement d’éléments réels [17-20].
Un effet de seuil a été mis en évidence, qui ne conduit à aucun effet du composite
sous charge de service : il ne suffit pas d’enrober du béton pour augmenter ses
capacités en service.

Longueur de transfert
Un problème récurrent est la définition du comportement à l’interface entre le
composite et le béton [21], l’AFGC propose par exemple un essai de traction à
double recouvrement [6]. Il existait une machine d’essai au LRPC d’Autun ayant
servi à tester des tôles collées sur béton. Le financement du LCPC a permis, d’une
part, la réhabilitation de cette machine et, d’autre part, la réalisation d’essai croisés
entre le LRPC d’Autun et l’Université Lyon I [22]. La machine de traction du LRPC
d’Autun est aujourd’hui opérationnelle. Trois industriels sont venus au LRPC d’Autun
coller des composites sur des blocs de béton et des essais ont ensuite été réalisés.

Cette étude va permettre à terme de lever le doute de la représentativité des essais


d’interfaces (une des interrogations des industriels) et sur la définition des longueurs
de transfert. Dans le cas des lamelles de carbone, il n’est pas rare (et faux) de
trouver des longueurs de transfert proportionnelles aux contraintes à rupture des
composites. Les premières analyses [23] indiquent que c’est le béton qui est le
fusible de l’ensemble, que la longueur de transfert est de l’ordre de 10 cm pour un
tissu, peut-être un peu moins pour une lamelle, et justifie de fait les orientations
imposées par le LCPC lors de la rédaction des recommandations AFGC, qui
consistent à limiter les contraintes de traction à l’extrémité des composites, donc à
limiter le cisaillement dans le béton à l’interface dans les zones d’ancrage. La
longueur de transfert, pour les matériaux étudiés (tissus et lamelles à fibres de
carbone) est dans tous les cas de l’ordre de 10 cm.

Pontage de fissures
Une autre question concernait le taux de travail des composites placés au droit de
fissures non injectées sous chargement statique puis de fatigue.
Une étude a été menée par Z.Y. WU dans le cadre dune thèse LCPC [24]. Il s’agit
ici d’un tissu de carbone collé avec de la résine époxydique. Les résultats et les
analyses par éléments finis indiquent qu’il n’y a pas de surcontrainte rédhibitoire au
droit de la fissure et donc pas de risque de rupture prématurée si les règles de
dimensionnement AFGC sont respectées [25].

Dalles de dimensions réduites


Si le cas de poutres a été très étudié au niveau national et international, il n’en est
pas de même pour les dalles. Une première approche a été effectuée au LAMI, lors
de la thèse de W. LIMAN [26], qui a effectué quelques essais sur petites dalles (en
flexion) renforcées par des lamelles et qui a adapté un modèle multiparticulaire

123
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

prenant en compte les différents mécanismes de rupture [27-30].

Les dalles ne peuvent pas, a priori, être renforcées à l’effort tranchant. C’est là
encore la limite de cisaillement du béton à l’interface qui est prépondérant pour le
dimensionnement, et le taux de travail des lamelles est ainsi considérablement
réduit [31-32].

3.2.2 Comportement différé

Les études et règlements actuels ne prennent pas en compte le comportement


différé des matériaux composites. Les études menées ici visent à répondre à
quelques questions relatives à la durabilité, au sens de la tenue dans le temps des
matériaux composites placés sur du béton.

Fluage en compression d’éprouvettes frettées par composites


Des mesures sur éprouvettes de béton 16x100 frettées ont été effectuées au LCPC
pendant deux ans et sous deux niveaux de chargement extérieur. La présence du
composite ne modifie pas l’évolution du comportement différé du béton (aucun effet
sous charge de service) [33-34].

Fluage en flexion
Ce sujet, initialement programmé, n’a pu être mené à bien compte tenu du taux
d’occupation des appareillages.

3.2.3 Comportement sous chargement cyclique et de fatigue

Les interrogations liées à l’emploi des matériaux composites en génie civil sont
relatives à leur durabilité « mécanique ». Nous avons abordé quelques thèmes et
apporté quelques réponses.

Fatigue des matériaux composites


Une étude a été commandée à l’Université de Lyon I par le biais d’un contrat de
recherche. Les principaux résultats concernent le taux de travail à ne pas dépasser
pour s’affranchir de tout risque de rupture. Ce taux est de 45 à 50% de la contrainte
de rupture expérimentale (pour 1 million de cycles) [35]. C’est en partie grâce à ces
résultats que nous avons pu justifier du niveau de sécurité pris dans les
recommandations AFGC pour passer des caractéristiques mécaniques des
composites aux valeurs de dimensionnement, et expliquer d’autre part pourquoi
nous n’avons jamais observé de rupture du composite lors des essais de fatigue sur
poutrelles béton armé.

Ces résultats ont été complétés par une étude effectuée à l’Université Lyon 1 [36],
où il s’est agit d’effectuer des essais d’interface à double recouvrement en fatigue :
solliciter l’interface en fatigue conduit à une valeur de rupture statique (après cycles)
réduite par rapport à la référence. D’où la nécessité d’imposer des niveaux de

124
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

contrainte de dimensionnement dans le composite intégrant ce phénomène.

Fatigue sur éprouvettes de flexion renforcées ou non


Il s’est agit ici de réaliser des poutrelles béton armé avec deux ferraillages
longitudinaux différents, de pré-fissurer les poutrelles (à ouverture de fissure
contrôlée à 0,35 mm par fissure), à renforcer ces poutres puis à les tester en
fatigue. Ces travaux ont été réalisés par Z.Y. Wu dans le cadre de sa thèse [24].

Les essais ont été modélisés numériquement afin de pouvoir comprendre et


expliquer les comportements observés [37]. Les données relatives aux matériaux
ont été obtenues expérimentalement et les lois de comportement des armatures ont
été déduites des essais du LROP [38].

La charge de pré-fissuration correspond ici à la création de deux fissures ouvertes


de 0,35 mm (somme des ouvertures de fissures 0,7 mm – charge de référence F0, 7 ).
Sous chargement de fatigue dans la gamme >40% F0, 7 ; 100% F0,7 @ la rupture des
poutres de référence (non renforcées) se situe entre 0,5 et 1,2 millions de cycles,
celle des poutres renforcées n’est pas atteinte à 2 millions de cycles.
Le mode de rupture de ces dernières, obtenu après un chargement quasi-statique à
l’issue des essais de fatigue, est fonction du mode de renforcement transversal
adopté. Au minimum, la charge de référence (non renforcée) est atteinte et peut être
doublée [39-41].

3.2.4 Durabilité des matériaux constitutif

Les études envisagées initialement l’ont été dans le cadre d’un sujet commun entre
les opérations de recherche « Réparation et renforcement des structures de génie
civil par l’emploi de matériaux composites » et « Collage en génie civil » qui se sont
déroulées sur la même période.

Durabilité des matériaux composites et des colles


Une tentative de développement d’un essai accéléré a été effectuée au Service
PCM, en soumettant la résine à des conditions de stockage draconiennes avant de
réaliser des essais de traction. Des questions restent encore en suspens concernant
la représentativité de ces essais vis-à-vis des conditions réelles et la définition
même d’un essai type qui puisse être accepté par l’ensemble de la profession.

Fluage des colles


Quelques essais de faisabilité ont été réalisés, qui ont conduit, pour des taux de
chargement réels, à ne pas considérer le fluage de la colle : les contraintes limites
de cisaillement du béton d’interface sont telles que le niveau de celles de la colle en
place est largement inférieure au niveau nécessaire pour la faire fluer.

Contrôle du collage
Une méthodologie de contrôle du collage existe dans les recommandations

125
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

provisoires AFGC. Pour compléter nos connaissances, en relation avec le LRPC


d’Autun et avec la collaboration de SAPRR, nous disposons aujourd’hui d’une
planche d’essai sur un ouvrage réel, où est testée la résistance mécanique du
collage pour différente préparations de supports. Le principal résultat à ce jour
(moins de 18 mois après la mise en œuvre) est que, quelle que soit la préparation
du support effectuée, c’est la résistance à la traction du béton qui est
systématiquement testée : le collage tient. Cette planche d’essai continuera à être
suivie au cours des prochaines années.

3.3 - Sujet 3 : Modélisation numérique et essais sur éléments de structures ou


ouvrages réels

3.3.1 Modélisation numérique

Les objectifs affichés dans le cahier des charges de l’opération de recherche étaient
l’aide à la conception d’essai, le développement de modèles de calculs,
l’identification des paramètres relatifs aux modèles et la réalisation
d’expérimentation numériques afin d’aider à l’établissement de règles de calculs.

Il s’est agit essentiellement, au cours de l’étude, d’effectuer des calculs par éléments
finis (CESAR-LCPC) pour modéliser certains essais, comme les poutres pré-
fissurées par utilisation d’un modèle élastoplastique. Cette étude a permis de
justifier a posteriori le comportement observé expérimentalement [37, 42].

Cas des pressions localisées


Un exemple d’apport des calculs numériques a été obtenu dans le cadre d’une
étude sur les pressions localisées (prismes en béton, béton armé, béton non armé
renforcé et béton armé renforcé). Pour cette étude effectuée au LCPC [43], huit
essais ont été réalisés.
Le paradoxe des résultats réside dans le fait que placer un tissu composite, au
comportement élastique fragile, rend l’élément testé globalement ductile : la
présence de tissu composite modifie considérablement le comportement de
l’ensemble [44].
Pour comprendre de manière plus fine ce phénomène, l’apport des calculs par
éléments finis est incontestable. Ils permettent par exemple de mettre en évidence
l’effet de frettage par sections horizontales, dans le cas où il y a ou non des
armatures.

3.3.2 Essais sur éléments de structure à l’échelle 1

Dans le projet initial étaient envisagés des essais sur poutres, poteaux, dalles sous
chargement statique.

Une campagne d’essais sur poteaux béton armé a été effectivement réalisée sur la
dalle d’essai du LCPC. Elle a nécessité une phase de préparation importante et dont

126
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

la réalisation s’est étalée sur plus de temps que prévu [45]. La plus grande part des
essais a eu lieu entre l’automne 2002 et le printemps 2004 [46-48]. Il s’est agit de
réaliser 20 poteaux BA, armés par des ferraillages longitudinaux et transversaux
différents, d’en renforcer certains (Freyssinet International, GTM, SIKA, VSL) et de
les tester en flexion composée avec un excentricité initiale [49-50].

L’ensemble des résultats n’est pas encore totalement analysé [51-52]. Certaines
données ont été employées dans le cadre de la thèse de K. Verok [16], qui
développe un logiciel de calcul de poteaux en flexion composée. Les premières
informations concernent la relation entre les performances des tissus ou lamelles
vis-à-vis du comportement ultime des poteaux. Un tissu « lourd » est plus efficace
qu’un tissu « léger », la présence de lamelles modifie légèrement la raideur initiale
des poteaux, mais influe peu sur la charge de rupture. Il est nécessaire de ne
considérer qu’une part de frettage pour pouvoir calculer le poteau.

3.3.3 Réparation d’ouvrages réels

Il s’agissait de choisir un ouvrage type à renforcer ou réparer, de préciser le mode


d’intervention sur ouvrage, la réparation effective et son suivi.

Le suivi d’un ouvrage renforcé il y a 6 ans a été effectué par le LRPC de Toulouse,
par le biais de pastillages réguliers et d’analyse de jauges collées à l’époque de la
construction [53-54]. Les enseignements tirés de ce suivi sont que les contraintes
dans le composite sont en service très basses et que les pastillages effectués
permettent uniquement de tester le béton en traction. Aucune rupture au niveau du
plan de collage n’est observée.

Enfin, en relation avec l’opération « Collage en génie civil », le renforcement d’un


pont-cadre sous l’autoroute A6 est toujours suivi par le LRPC d’Autun comme
expliqué précédemment.

3.4 - Sujet 4 : Recommandations et règles de calcul

Dans ce sujet était envisagé le bilan de toutes les activités développées dans
l’opération : établissement de procédure de qualification des procédés, définition
d’essais standards sur matériau, définition d’essais type sur éprouvettes, définition
d’essais sur éléments de structure, définition d’essais de contrôle sur chantier,
établissement de règles de calcul.

Comme nous l’avons déjà évoqué dans le bilan relatif au sujet 1, la participation du
LCPC a été prépondérante dans l’établissement des recommandations AFGC [6].
Ces recommandations ont été établies « en partie » à partir des informations
obtenues lors des études menées dans l’opération de recherche [23].

Aujourd’hui, certains points abordés lors de ces quatre années de recherche n’y

127
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

sont pas intégrés, comme le cas des poteaux renforcés par exemple, et certaines
règles ont été établies par défaut, où la sécurité intègre de fait la méconnaissance
actuelle.

L’objectif premier était l’établissement de règles de calcul et cet objectif est atteint.
Néanmoins, il conviendra de valoriser l’ensemble des travaux menés, par exemple
par le biais de la participation du LCPC à un futur groupe de travail AFGC.

4 - Bilan scientifique et conclusions

L’ensemble des productions réalisées au cours de l’opération « Réparation et


renforcement des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites »
est détaillé dans les références. On notera en particulier que trois thèses [16, 24,
26] ont permis de réaliser des avancées scientifiques importantes sur l’utilisation
des composites en génie civil.

Les recherches que nous avons menées ont été appréciées par la communauté
scientifique ce qui nous a permis de participer à l’organisation d’un colloque
(Orgagec’02 à Poitiers) et à des jurys de thèses [7, 8, 9]. Entre 2002 et 2005, nous
sommes également intervenu en tant que formateur au stage de formation continue
de l’ENPC « Entretenir, réparer et renforcer les ouvrages en béton » pour présenter
les aspects du renforcement des structures de génie civil par matériaux composites.

Il est enfin utile de préciser que les travaux que nous avons entrepris et ceux de
l’opération de recherche sur le collage en génie civil constitueront la base d’une
nouvelle opération de recherche du LCPC sur la durabilité des renforcements par
composites collés qui a débuté en 2005.

Références bibliographiques

[1] CLEMENT J.L., Rapport intermédiaire d’avancement des travaux de recherche,


contrat DRAST 00 DST 05, 30 novembre 2000, 9 pages
[2] CLEMENT J.L., Opération de recherche 1B001, Rapport final DRAST, Rapport
LCPC/BCC1/2002-34-01, 2 février 2002, 17 pages
[3] HAMELIN P., FERRIER E., Etude bibliographique sur les renforcements par
matériaux composites de structure de génie civil, rapport L2MS/LCPC
n°2000/14791, 93 pages, avril 2001.
[4] FOURE B., TAKORABET N., Emploi des matériaux composites pour la
réparation et le renforcement structurel : étude bibliographique pour le
recensement des règlements nationaux ou internationaux existants, rapport
CEBTP, 14 pages, 2001
[5] FIB technical report, Externally bonded FRP reinforcement for RC structures,
ISBN 2-88394-054-1, 138 pages, 2001.

128
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

[6] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des


matériaux composites - recommandations provisoires, Documents scientifiques
et techniques, décembre 2003, 148 pages.
[7] FERRIER E., Comportement de l’interface composite-béton sous des
sollicitations de fluage thermo-stimulé et en fatigue oligocyclique. Application
au calcul prévisionnel de la durabilité de poutres BA renforcées, Doctorat de
l’Université Claude Bernard Lyon I, décembre 1999.
[8] BERTHET F., Non linéarité de comportement de colonnes en béton confinées
par enveloppes composites, Doctorat de l’Université Claude Bernard Lyon I, 18
octobre 2002
[9] HADJ-AHMED R., Modélisation des assemblages collés : Application à
l’optimisation du transfert des efforts par cisaillement, Doctorat de l’ENPC,
décembre 1999.
[10] CLEMENT J.L., Rapport de mission PPC Chalon, rapport interne LCPC, 2003.
[11] CLEMENT J.L., Rapport de mission SIKA Zurich, rapport interne LCPC, 2003.
[12] CLEMENT J.L., VEROK K., WU Z.Y., BOULAY C., LE MAOU F., Utilisation des
tissus secs de carbone pour la réparation et le renforcement des structures de
génie civil par matériaux composites, Proc. sur CD, Orgagec'02, Poitiers, 14-
15 mars 2002
[13] HAMELIN P., FERRIER E., Validation expérimentale de critères de rupture de
composites sous sollicitations biaxiales – Revue bibliographique des critères de
rupture, rapport L2MS/LCPC/06/02, 15 juillet 2002, 50 pages.
[14] VEROK K., CLEMENT J.L., Retroffitting of Reinforced Concrete Structures with
TFC, Final Report, rapport de stage, 1er mars au 31 août 1999 - Encadrement:
J.L. CLEMENT, F. LE MAOU, C. BOULAY
[15] CLEMENT J.L., VEROK K., Role of composites in reinforcement of structures,
Proc. Closing Meeting TEMPUS JEP 11236/96, 2-5 june 1999, Budapest
[16] VEROK K., Renforcement des structures en béton armé à l'aide de matériaux
composites : étude de frettage et application, Doctorat de l’ENPC et de l’UTB,
18 mars 2005.
[17] CLEMENT J.L., VEROK K., BOULAY C., LE MAOU F., Retrofitting of
reinforced concrete columns with composites : static compressive tests and
modelling – creep behaviour, Proc. Computer Methods in Composite Materials
and Structures CADCOMP 2000, september 13-15, 2000 Bologne, Italy, pp.53-
61
[18] VEROK K., CLEMENT J.L., LE MAOU F., BOULAY C., Comportement
instantané et différé d'éprouvettes de béton frettées par tissus à fibres de
carbone - analyse expérimentale et modélisation, Journée scientifique AMAC
GST Mécanique des composites Réparation et renforcement des ouvrages par
matériaux composites, 5 octobre 2001, Université de Lyon I

129
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

[19] VEROK K., CLEMENT J.L., LE MAOU F., BOULAY C., Monotonically
increasing compressive and creep tests on concrete cylinders retroffitted by
carbon cloth, International conference on high performance structures and
composite materials HPSC 2002, 11-13 mars 2002 – pp.289-297, Seville,
Spain
[20] CLEMENT J.L., Strengthening of RC elements using CFRP : the French
studies and the main results, 2nd International Conference of FRP Composites
in Civil Engineering CICE 2004, Adelaide, Australie, (8-10 décembre 2004)
[21] CLEMENT J.L., Les problèmes de cisaillement aux interfaces
composites/béton : études de cas et mise en évidence, Actes des Journées
Nationales avec actes AMAC sur le délaminage, ENPC/LAMI, Mai 2000
[22] HAMELIN P., FERRIER E., Essais comparatifs d’interface, Rapport, 2004
[23] CLEMENT J.L., Renforcement des structures par matériaux composites :
Guide AFGC, recherches en cours et prévues, Journées Ouvrages d’Art des
LRPC, 2002, Millau
[24] WU Z. Y., Etude expérimentale du comportement de poutres courtes en béton
pré-fissurées et renforcées par matériaux composites sous chargements
statique et de fatigue en fatigue, Doctorat de l’ENPC, 26 novembre 2004.
[25] WU Z.Y., Rapport d’essai sur la tenue en fatigue de poutres pré-fissurées
renforcées » rapport interne LCPC, 2001.
[26] LIMAN O., Dalle en béton armé renforcées à l’aide de matériaux composites :
Approche de type calcul à la rupture et étude expérimentale, Doctorat de
l’ENPC, 27 janvier 2003
[27] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., Strenghtening of reinforced concrete
one-way slabs with composite material: theoretical and experimental study, 9th
International Conference on Fibre Reinforced Composites, 26-28 March 2002,
Plastics, Rubber and Composites, 2003, Vol.32, N°2 1,Newcastle (UK).
[28] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., Beams Strengthened with Composite
Material: A Limit Analysis Approach and Experimental Study, Composite
Structures, Vol. 59, 2003, pp 467-472
[29] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., RC Two-Way Slabs Strengthened
with CFRP Strips: Experimental Study and a limit Analysis Approach,
Composite Structures, Vol. 60, 2003, pp. 467-471.
[30] LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A., Dalles en béton armé renforcées à
l’aide de matériaux composites : Etude théorique et expérimentale , JNC13,
Strasbourg (France), 12-14 mars 2003.
[31] FORET G., LIMAM O., EHRLACHER A., RC two-way slabs strengthened with
composites materials, Creation of the safety and confortable space with
composite wraps, PENTON HERMES Publishing Ltd, London, 2002.
[32] FORET G., LIMAM O., EHRLACHER A., Limit analysis applied to multi-layered

130
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

plates: example of a RC two-way slabs strengthened with composites


materials, 8th Japanese-European Symposium on Composite Materials, April
16-17, 2002, Tokyo, JAPAN.
[33] VEROK K., CLEMENT J.L., LE MAOU F., BOULAY C., Static tests creep and
shrinkage long tests on concrete cylinders retrofitted by carbon cloth, CD Proc.
European conference ORGAGEC’ 02, Organic materials : "A future in the field
of civil engineering ? environmental uncertainties ?", March 13 -15, 2002,
Poitiers, France
[34] VEROK K., Compressive and creep tests on retrofitted concrete cylinders,
proceedings of the 4rd Int. PHD Symposium, Vol.2, pp. 385-390, Munich,
Germany, 1-2 september 2002.
[35] HAMELIN P., FERRIER E., Essais de fatigue sur carbone époxy UD, rapport
L2MS/LCPC/05/02, 15 juillet 2002, 18 pages
[36] HAMELIN P., FERRIER E., Essais de fatigue sur interface entre composite
(carbone UD-époxy) et support en béton, rapport L2MS/LCPC/07/02, 15 juillet
2002, 17 pages
[37] SANNA M., Etude expérimentale du pontage de fissures par matériaux
composites, rapport de stage de PFE (Université de Cagliari), 108 pages,
consultable sur http://pctailhan/rapports/index-1.htm, 2002
[38] LROP, Rapport interne d’essais sur armatures métalliques, 2002
[39] WU Z.Y., CLÉMENTJ.L., TAILHAN J.L., BOULAY C., FAKHRI P., Fatigue tests
on damaged reinforced concrete specimens strengthened by carbon cloth,
Proceedings of the Int. Conf. On HPSC 2002, Seville, Spain, 11-13 march
2002
[40] WU Z.Y., CLEMENT J.L., BOULAY C., TAILHAN J.L., Fatigue Behavior of
Precracked RC Beams Strebgthened with CFRP, ACI Structural Journal,
soumis en 2003
[41] WU Z.Y., CLEMENT J.L., TAILHAN J.L., BOULAY C., FAKHRI P., Static and
fatigue tests on precraked RC beams, proc. of the 6th international symposium
on FRP reinforcement for concrete structures (FRPCS-6), Singapour, 8-10 july
2003, vol. 2, 913-922.
[42] TAILHAN, J.-L., WU, Z.Y., CLEMENT, J.-L., Numerical Analysis of Pre-Cracked
RC-Beams Strengthened by Carbon Cloth, Proceedings of the Fifth World
Congress on Computational Mechanics (WCCM V), July 7-12, 2002, Vienna,
Austria, Editors: Mang, H.A., Rammerstorfer, F.G., Eberhardsteiner, J.,
Publisher: Vienna University of Technology, Austria, ISBN 3-9501554-0-6
[43] BOULAY C., TOUTLEMONDE F., CLÉMENT J.L., VEROK K., FAKHRI P.,
Safety of VHSC structures under a concentrated loading: experimental
approach, Magazine of Concrete Research, soumis en 2003
[44] CLEMENT J.L., K.VEROK K. , BOULAY C., Reinforced concrete specimens

131
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

retrofitted by carbon cloth submitted to localised loading, First International


conference on High Performance Structures and Composites materials
HPSC2002, 11-13 March 2002, Séville (Spain), pp.283-288
[45] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., DUBROCA S., Essai de rupture en
flambement de poteaux renforcés par composites collés. Rapport d'avant-projet
du thème Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi
de matériaux composites, rapport interne LCPC, septembre 2000
[46] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., DUBROCA S., Essai de rupture en
flambement de poteaux renforcés par composites collés. rapport d’avancement
1–renforcement de poteaux, rapport interne LCPC, juin 2001
[47] QUIERTANT M., DUBROCA S., Essai de rupture en flexion composée de
poteaux renforcés par composites collés. Compte-rendu des premiers essais,
rapport interne LCPC, avril 2002
[48] QUIERTANT M., VEROK K., PASCU R., Essai de rupture en flexion composée
de poteaux renforcés par composites collés. - Calculs relatifs au premier essai
thème "Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de
matériaux composites", rapport interne LCPC, mars 2002
[49] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., CLEMENT J.L., Combined flexure-
compression loading for RC columns externally strengthened with longitudinal
and transverse CFRP retrofitting, communication congrès FIB, Avignon, 2004
[50] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., congrès FRAMCOS 5, Colorado, 2004
[51] QUIERTANT M., DUBROCA S. ,TOUTLEMONDE F., Le renforcement des
poteaux par matériaux composites, CD Journées ouvrages d’art des LRPC,
Millau, 26-27 mars 2003
[52] NGUYEN X. L., Renforcement de poteaux par composites, rapport de DEA,
2003
[53] AUBAGNAC C., Compte rendu d’étude de la réparation du parking Jolimont à
Toulouse, Rapport LRPC Toulouse 04.107/0001, 26 pages, 2002
[54] LRPC Toulouse, Rapport final de suivi du Parking Jolimont à Toulouse, 2004

132
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ DÉVELOPPEMENT D’UN ESSAI DE CISAILLEMENT D’INTERFACE COLLÉE

SUDRET J.P., METAIS G., CLÉMENT B., BLIGNY P., VITEL F., FLETY A.,
DESSERTENNE J.P., WENDLING L.
Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées, Autun

Résumé

Une machine de traction fabriquée dans le cadre d’une étude antérieure sur le
fonctionnement des tôles collées a été adaptée de manière à pouvoir développer un
essai de cisaillement d’interface collé (composite/colle/béton).
Une série de 21 essais a été réalisée sur différents types de composites (tissus,
lamelles pulltrudées et tissus avec mèches) fournis et mis en œuvre par chaque
fabricant. Ces essais ont pour but d’étudier la longueur de transfert, c’est-à-dire la
longueur de collage d’un assemblage nécessaire pour pouvoir mobiliser le
composite à sa capacité maximale.
Cet article présente cet essai et l’étude réalisée. L’analyse des résultats est traitée
dans l’article suivant de ce recueil.

1 - Présentation de l’essai

Il s’agit de tester le comportement des interfaces composite/colle/béton par un essai


de cisaillement en appliquant un effort de traction dans le plan du composite comme
indiqué sur la figure 1.

Fig. 1 - principe du chargement

L’effort de traction est appliqué par l’intermédiaire de la machine mise au point dans
le cadre d’une étude de tôles collées sur béton [1-2]. Elle est représentée sur la
figure 2 et se compose :
- d’un vérin annulaire qui transmet l’effort de traction au composite par
l’intermédiaire d’une tige à l’extrémité de laquelle est fixé un système de mors
autobloquants,
- d’un socle d’appui solidaire du montage et d’un bâti d’appui en contact direct avec
la dalle en béton. Pour respecter la différence d’épaisseur entre les tôles et les
composites le bâti d’appui a été modifié ; seule sa partie verticale a été conservée
pour pouvoir abaisser le centre de gravité de la machine.

La réaction est transmise à la dalle en béton par le corps de la machine. La largeur


maximale des composites testés est de 10 cm. Pour ne pas perturber les

133
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

phénomènes locaux aux bords du collage et à ses extrémités, la machine dégage


autour du composite un espace libre d’au moins 15 cm. La conception ouverte de la
machine ne limite pas la longueur des composites.

Fig. 2 - Schéma de la machine de traction

La machine, après modifications, permet de tester des composites dont l’épaisseur


peut varier de 1 à 3 mm. Afin d’aligner l’axe d’application de l’effort sur l’axe du
composite des dispositifs de réglage verticaux et angulaires ont été prévus sur la
machine. Le contrôle de l’alignement s’effectue à l’aide d’une règle mobile équipée
de vis pointeau et fixée sur la tige de traction.

Les moyens de mesures sont les suivants :


- une cellule de mesure à pont de jauges reliée à un conditionneur qui fournit
l’information force (capacité 100 kN),
- un capteur de déplacement fournissant la valeur du déplacement du vérin par
rapport au corps de la machine (étendue de mesure +/- 2,5 mm),
- un capteur de déplacement fournissant la valeur du déplacement de l’extrémité des
mors par rapport au béton de la dalle (étendue de mesure +/- 5 mm),
- une série de 5 jauges collées longitudinalement sur la face supérieure du
composite pour fournir les micro-déformations du composite,
- une centrale d’acquisition dynamique des mesures qui permet de travailler à une
fréquence de 25 Hz.

Le mode opératoire de l’essai a été mis au point par des séries d’essais tests
préalables. Le protocole d’essai est le suivant :
- calage des capteurs de déplacement,
- mise en place de la machine de traction par une montée en pression permettant
d’atteindre une force d’environ 300 daN,
- recalage des capteurs de déplacement,
- lancement de l’essai jusqu’à rupture de l’assemblage.

134
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Le système n’est pas asservi, ce qui n’a pas permis d’assurer une montée régulière
et constante de la force de traction. A titre indicatif, le gradient de force, calculé sur
chaque essai entre 500 daN et la force de rupture, a varié de 27 (moyenne des
valeurs minimum) à 40 daN/s (moyenne des valeurs maximum), la moyenne globale
étant de 34 daN/s.

2 - Programme des essais

Les essais décrits dans ce chapitre ont été élaborés en liaison avec le LCPC.

2.1 - Le béton

Sa composition est la suivante :


0/2 roulé Cognard Chazé 360 Kg
0/4 roulé Cognard Chazé 360 Kg
6/10 roulé Cognard Chazé 305 Kg
10/20 roulé Cognard Chazé 800 Kg
filler Méac 20 Kg
CEM II 32.5 Lafarge-Frangey 350 Kg
Plastifiant 22S Sika 1750 g

D’après les caractéristiques mécaniques mesurées, on obtient un béton situé entre


un B25 et un B30. Sur 6 prélèvements de 3 éprouvettes, la résistance à la
compression à 28 jours varie de 30,2 à 36,7 MPa (moyenne 33 MPa).

La résistance à la traction directe du béton a été déterminée par six essais réalisés
sur la face sablée des dalles sur laquelle ont été collés les composites par la suite
(Tableau 1).

Tableau 1 : Résistance du béton à la traction directe


Référence dalle Rt min Rt max Rt moyenne sur
(Nature du (Mpa) (Mpa) 6 essais
composite à coller) (Mpa)
FT 1,83 2,65 2,19
FL 2,45 4,02 3,13
FLBis 3,01 3,52 3,3
FTM 2,5 3,52 2,97
GT 3,01 3,77 3,37
ST 2,65 4,18 3,5
SL 3,26 3,97 3,6

2.2 - Les composites et les colles

Plusieurs types de composites, fournis et mis en œuvre par les différents fabricants
ont été testés. Le tableau 2 en fait le récapitulatif.

135
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Les caractéristiques géométriques et mécaniques ont été fournies par les


fabricants (Tableau 3).

En ce qui concerne les colles, elles ont été également fournies avec les composites
par les fabricants.
Tableau 2 : Types de composites testés
Fabricants Tissus (T) Lamelles pultrudées (L) Mèches (M)

Freyssinet (F) Oui Oui Oui

GTM (G) Oui Non Non

Sika (S) Oui Oui Non

Tableau 3 : caractéristiques des composites testés


Référence du Epaisseur Largeur Module
composite e en mm l en mm E en GPa
FT & FTM 0,43 80 105
FL & FLBis 1,2 50 180
GT 1 80 62
ST 1 80 70
SL 1,2 50 165

2.3 - La campagne d’essai

Trois essais, pour chaque composite fourni et mis en œuvre par chaque fournisseur,
ont été réalisés dans le cadre de cette étude (Tableau 4).

Tableau 4 : Essais réalisés


Fournisseur Type de composite testé
Freyssinet 1 tissu (FT)
1 lamelle (FL)+ 1 lamelle (FLBis)
1 mèche (FTM)

GTM 1 tissu (GT)


Sika 1 tissu (ST)
1 lamelle (SL)
TOTAL 7 composites soit 21 essais

2.4 - Les jauges de déformation

Pour tous les essais, les déformations du composite ont été suivies par des jauges

136
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

de déformation collées sur la face supérieure du composite. Pour chaque essai, 5


jauges KYOWA – KFG 20 120 C1 11 ont été utilisées (Figure 3). Sur un essai, 7
jauges KYOWA – KFG 10 120 C1 11 ont été utilisées dans le but de suivre
l’influence du nombre de jauges sur les mesures.

Le tableau 5 fournit les distances exactes mesurées en mm des milieux des jauges
par rapport au bord libre du béton de la dalle.

210
163
Distance d’implantation des 5 jauges
114
Axe de jauge / bord béton
66

16

Fig. 3 - Implantation des jauges

Tableau 5 : Relevés des positions des jauges


Repérage J20R7 J6R9 J5R5 J4RX J3R10 J1R1 J2R2
de l’essai
FT1 16 66 114 163 210
FT2 15 64 115 166 216
FT3 10 45 82 117 153 188 227

FL1 17 65 113 162 210


FL2 15 63 112 160 210
FL3 16 64 113 161 212

FTM1 17 68 117 165 213


FTM2 15 64 112 159 212
FTM3 21 68 121 170 219

GT1 21 70 120 170 224


GT2 21 170 119 169 221
GT3 19 68 120 170 220

ST1 20 69 118 166 216


ST2 16 65 114 166 216
ST3 18 69 120 170 223

137
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Repérage J20R7 J6R9 J5R5 J4RX J3R10 J1R1 J2R2


de l’essai
SL1 19 66 114 165 215
SL2 20 69 119 170 222
SL3 21 69 117 163 212

FLBis1 16 65 115 165 215


FLBis2 20 68 120 171 223
FLBis3 17 65 115 166 216

2.5 - L’échéancier

Un planning d’essai a été défini en liaison avec les fournisseurs de composites pour
réaliser les applications. L’ensemble des essais a été réalisé sur une période de six
mois entre novembre 2003 et mai 2004.

Les figures 4 à 7 présentent les différentes étapes et certains aspects des essais

Fig. 4 - Vue du système de chargement


et de l’acquisition

138
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 5 - Illustration de la phase de réglage

Fig. 6 - Dispositif de mesure du déplacement vérin

Fig. 7 - Vue des jauges de déformation

139
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3 - Résultats des essais

L’ensemble des résultats a été fourni au LCPC qui s’est chargé de leur analyse (cf.
article suivant).

Différents types de ruptures ont été observés :


- Dans le cas des tissus, les ruptures se situent dans le béton de la dalle entre la
surface et quelques mm de profondeur (Figure 8).

Fig. 8 - Faciès de rupture dans le cas d’un tissu

- Dans le cas des lamelles, les ruptures se situent soit dans le béton de la dalle
entre la surface et quelques mm de profondeur, soit à l’interface colle/lamelle
(Figure 9).

Fig. 9 - Faciès de rupture dans le cas d’une lamelle

140
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

- Dans le cas des tissus avec mèches, la rupture par traction du tissu a été obtenue
expérimentalement (Figure 10).

Fig. 10 - Faciès de rupture d’un tissu avec mèches

4 - Conclusion

L’essai développé au LRPC d’Autun permet de caractériser l’interface composite


béton. Des améliorations sont prévues pour contrôler la vitesse de chargement.

L‘analyse des résultats est présentée dans l’article suivant de ce recueil.

Cet essai, aujourd’hui opérationnel, permettra également, par comparaison, de


caractériser l’influence du vieillissement des matériaux constitutifs d’un procédé
donné sur les caractéristiques d’interface.

Références bibliographiques

[1] THEILLOUT J.N., Vérification de l'aptitude au collage des surfaces en béton,


Bulletin de liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n°167, pp 5-12,
mai-juin 1990.
[2] THEILLOUT J.N., Le renforcement des structures par la technique des tôles
collées : Etude du fonctionnement Bulletin de liaison des Laboratoires des
Ponts et Chaussées, n°169, pp 91-107, septembre-octobre 1990.

141
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ ANALYSE DES RÉSULTATS DE CISAILLEMENT : ESTIMATION DE LA LONGUEUR DE


TRANSFERT

CLÉMENT J.-L.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

L’estimation de la longueur de transfert est effectuée à partir des résultats d’essais


effectués au LRPC d’Autun (cf. article précédant de ce recueil).

Il s’agit d’estimer, dans ces conditions particulières d’essais, la contrainte effective


dans le composite et la longueur sur laquelle le composite est sollicité lorsqu’il est
soumis à une contrainte de traction à son extrémité. Les résultats conduisent à
considérer une longueur de transfert d’environ 10 cm.

1 - Principe de la détermination et hypothèses

L’effort de traction appliqué au composite, F f mesuré, est supposé appliqué de


manière uniforme sur la section droite du composite d’épaisseur e f et de largeur b f .
Ff
La contrainte de traction correspondante est V f
e f .b f
La déformation correspondante H f est fonction du module d’élasticité longitudinal
Ff
E f du composite H f et est mesurée par des jauges de déformation
E f .e f .b f
placées en face supérieure du composite, à différentes abscisses.

On suppose par hypothèse que la déformation mesurée en surface du composite


est uniforme dans toute l’épaisseur de celui-ci. On peut donc estimer les contraintes
normales locales dans une section droite du composite au droit d’une jauge, par la
Hf
relation V f
Ef

Un exemple de répartition de contraintes calculées le long du composite (lamelle


carbone) est présenté sur la figure 1. On remarque ici une différence de résultats
entre la courbe correspondant à la charge de 30 kN et celle correspondant à la
charge de 38,3 kN. Dans le premier cas, la décroissance est globalement linéaire
alors que dans le second, une décroissance succède à un palier.

142
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

700
SL1
F = 38,3 kN

600

500
F = 30,0 kN
contrainte calculée [MPa]

400

F = 20,0 kN
300

200
F = 10,0 kN

100

F = 3,6 kN
0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance du bord chargé [m]

Fig. 1 - Exemple de répartition de contraintes calculées (SL1)

Entre deux sections droites successives d’abscisses x et x  dx distantes de dx , la


contrainte normale varie de V f x à V f x  dx . L’équilibre de ce tronçon
élémentaire conduit à la relation en effort : V f x .e f .b f V f x  dx .e f .b f  W f .b f .dx

Le déficit d’effort équilibré par le composite est repris par l’interface, soumis à la
contrainte de cisaillement W f réparti uniformément, par hypothèse, sur la surface de
collage b f .dx . L’estimation de la contrainte locale de cisaillement s’effectue alors par
l’expression :
V f x  V f x  dx dV f
Wf .e f .b f  ef
b f .dx dx

Un exemple de détermination est donné sur la figure 2.

Afin de comparer les résultats expérimentaux avec les propositions réglementaires


des recommandations AFGC [1], une contrainte moyenne de cisaillement
W moy
f supposée uniforme sur la longueur de transfert Lt sera calculée par la relation :

moy
V max
f
W f ef
Lt

143
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

SL1
6,0

5,0 F = 38,3 kN
contrainte de cisaillement [MPa]

4,0
F = 30,0 kN

3,0

F = 20,0 kN
2,0

1,0

0,0
0 0,05 0,1 0,15 0,2
-1,0
distance au bord chargé [m]

Fig. 2 - Exemple de détermination de contrainte tangentielles (SL1)

2 - Analyse des résultats pour les tissus

2.1 - Tissus composites stratifiés en place FT

Pour les tissus FT, e f 0,43 mm , b f 80 mm , E f 105 GPa , V f 1400 MPa

Les distributions de contraintes normales sont données dans les figures 3 à 5.

Pour une charge extérieure donnée, les contraintes normales (proportionnelles aux
déformations mesurées) décroissent d’une valeur maximale (bord chargé) jusqu’à
zéro, à une certaine distance.

Au cours des essais, certaines jauges de déformation se sont rompues, et les


courbes obtenues ne sont plus tracées de manière continue.

Au cours des essais, deux types de comportement sont identifiables (figure 6) :


- le premier correspond à une décroissance de la contrainte normale relativement
régulière dès l’extrémité chargée,
- le second correspond à une contrainte quasiment constante sur une certaine
distance mesurée à partir du bord chargé, puis à une décroissance sensiblement
identique à celle de la première phase. Dans ce cas, l’interface entre béton et
composite est endommagée et peu d’effort est transmis au béton par cisaillement
dans la résine.

144
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

distribution des contraintes normales le long du composite FT1

800

700

600
contrainte normale [MPa

500

400

300

200

100

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 3 - Résultats pour le tissu FT1

Distribution des contraintes normales le long du composite FT2


avec l'augmentation de la charge

900

800
augmentation de la charge
700
contrainte normale [MPa]

600

500

400

300

200

100

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 4 - Résultats pour le tissu FT2

145
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

distribution des contraintes normales le long du


composite pour le composite FT3

900
800
contrainte normale [MPa

700
600
500
400
300
200
100
0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 5 - Résultats pour le tissu FT3

Essai FT1

800

700 5,17 kN
12,07 kN
600 18,01 kN
contrainte calculée [MPa]

22,10 kN
500 24,91 kN

400

300

200

100

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 6 - Allures caractéristiques pour un tissu carbone

Globalement, la contrainte décroît d’une valeur maximale à une valeur proche de


zéro sur la longueur de transfert. Pour ces composites, cette longueur peut être
estimée de 8 à 10 cm environ.

2.2 - Tissus composites stratifiés en place GT

Les contraintes le long du composite (figures 7 à 9) sont également calculées à


partir des déformations mesurées en prenant en compte la valeur nominale de son
épaisseur.

146
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Pour les tissus GT, l’épaisseur nominale est de 1 mm, la largeur prise en compte est
de 80 mm, le module d’élasticité longitudinale de 65 GPa et la contrainte garantie à
rupture de 620 MPa.

Distribution des contraintes normales le long du compsite GT1


avec l'augmentation de l'effort de traction

400

350
augmentation de la charge
300
contrainte normale [MPa]

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 7 - Résultats pour le composite GT1

Distribution des contraintes normales le long de composite GT2


avec l'augmentation de la charge

350

300
contrainte normale [MPa

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 8 - Résultats pour le composite GT2

147
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

essai GT3
Evolution de la distribution des contraintes normales
dans le composite

450

400
augmentation de l'effort de traction
350
contrainte normale [MPa]

300

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 9 - Résultats pour le composite GT3

Les phases d’évolution de la contrainte normale le long du composite décrites


précédemment sont également bien visibles sur les figures 7 à 9, même si dans le
cas GT2 l’une des jauges donne des résultats incohérents.

La longueur de transfert est également de l’ordre de 8 à 10 cm.

2.3 - Composites stratifiés en place ST

Pour les tissus ST, l’épaisseur nominale est de 1 mm, la largeur prise en compte est
de 80 mm, le module d’élasticité longitudinale de 62 GPa et la contrainte garantie à
rupture de 620 MPa. Les figures 10 à 12 présentent les distributions de contrainte.

La transmission régulière de l’effort de traction du composite au béton s’effectue sur


une longueur de l’ordre de 10 cm.

3 - Analyse des résultats pour les lamelles

3.1 - Lamelles carbone FL

L’épaisseur des lamelles FL est de 1,2 mm, leur largeur de 50 mm, leur module
d’élasticité de 180 GPa. Les figures 13 à 15 donnent l’allure des distributions de
contrainte.

La transmission des efforts de la lamelle au béton s’effectue sur une longueur de

148
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

l’ordre de 10 cm également. L’endommagement de la zone d’interface est plus


rapide, pour des niveaux de contrainte normale proche de la contrainte maximale
atteinte avant rupture.

Distribution des contraintes normales le long du


composite ST1 avec l'augmentation de la charge

350
contrainte normale [MPa

300

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 10 - Résultats pour le composite ST1

Distribution des contraintes normales le long du composite ST2


avec l'augmentation de la charge

300

250
contrainte normale [MPa

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 11 - Résultats pour le composite ST2

149
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Distribution des contraintes normales le long du


composite ST3 avec l'augmentation de la charge

300
contrainte normale [MPa

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 12 - Résultats pour le composite ST3

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle FL1


avec l'augmentation de la charge

500

450

400
contrainte normale [MPa]

350

300

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 13 - Résultats pour le composite FL1

150
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle FL2


avec l'augmentation de la charge

500

450

400
contrainte normale [MPa]

350

300

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 14 - Résultats pour le composite FL2

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle FL3


avec l'augmentation de l'effort de traction

500

450

400
contrainte normale [MPa]

350

300

250

200

150

100

50

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 15 - Résultats pour le composite FL3

3.2 - Lamelles carbone SL

L’épaisseur des lamelles SL est de 1,2 mm, leur largeur de 50 mm, leur module
d’élasticité de 165 GPa. Les distributions de contraintes sont présentées sur les
figures 16 à 18.

151
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle SL1


avec l'augmentation de l'effort de traction

600

500
augmentation de la charge
contrainte normale [MPa]

400

300

200

100

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 16 - Résultats pour le composite SL1

Distribution de contrainte normale le long de la lamelle SL2


avec l'augmentation de la charge

700

600
contrainte normale [MPa

500

400

300

200

100

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé {m]

Fig. 17 - Résultats pour le composite SL2

152
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Distribution des contraintes normales le long de la lamelle SL3


avec l'augmentation de la charge

700

600
contrainte normale [MPa

500

400

300

200

100

0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 18 - Résultats pour le composite SL3

Pour les lamelles carbone SL, la longueur de transfert est également de l’ordre de
10 cm.

4 - Analyse des résultats pour les tissus ancrés avec mèches FTM

Un exemple de résultats caractéristiques est présenté sur la figure 19.

Distribution des contraintes normales le long du tissu ancré par


mèches FTM1

1600
1400
contrainte normale [MPa]

1200
1000
800
600
400
200
0
0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25
distance au bord chargé [m]

Fig. 19 - Résultats pour le tissu ancré avec mèche FTM1

153
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La distribution des contraintes normales est largement modifiée par rapport aux
résultats FT1 à 3 (figures 3 à 5).
- l’effort de traction appliqué à l’extrémité du composite est transmis au béton par
l’intermédiaire des mèches,
- la contrainte maximale de traction est égale à la contrainte à rupture garantie :
c’est le composite qui se rompt (figure 20) et non l’interface.

Fig. 20 - Mode de rupture pour le tissu ancré avec mèche FTM1

5 - Bilan des résultats et conclusions

5.1 - Longueur de transfert

L’essai développé au LRPC d’Autun conduit à définir une longueur de transfert


égale dans tous les cas, tissus ou lamelles de carbone, à 10 cm.

La rupture de l’interface, dans la colle ou le plus souvent dans la zone de béton la


plus proche de l’interface, a lieu lorsque la contrainte normale dans le composite est
largement inférieure à la contrainte nominale.

Le seul cas où le composite est rompu en traction est celui où il est ancré (dans
cette étude par mèche).

Il est donc essentiel de limiter, au niveau dimensionnement, la contrainte dans le


composite à proximité de ses extrémités, ou, ce qui revient au même, la contrainte
de cisaillement moyenne le long de la longueur de transfert.

154
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

5.2 - Justification des recommandations AFGC [1]

En notant ff la résistance à la traction du composite, on retient :


Df ff Df ff
f f ,d et V f ,d
J f ,u Jf
f f est une valeur garantie à rupture
Df 0,65
Les coefficients de sécurité J f et J f ,u dépendent du type de matériau employé.

Pour les stratifiés in situ carbone-epoxy :


ELS J f = 2
ELU J f ,u = 1,4
ELU accidentel : J f = 1,1

Pour les pulltrudés carbone-expoxy :


ELS J f = 1,4
ELU J f ,u = 1,25
ELU accidentel : J f = 1

La contrainte de cisaillement d’interface composite-béton ou de la colle est définie


par :
§ W f tj ·
W ad ,d min¨¨ D ad ad ,e ; ¸¸
© J ad J td ¹
f tj est la contrainte de traction du support déterminé par pastillage.
ELU J td 1
ELS J td 3 / 2
D ad 0,8 ou 0,4 suivant la valeur de température de transition vitreuse.

Pour chacun des procédés testés (hors essais avec mèches), la contrainte de
rupture calculée à partir des résultats d’essais est nettement inférieure aux
contraintes normales de dimensionnement. C’est donc le cisaillement potentiel au
niveau de l’interface composite/béton qui est dimensionnant.

En fonction des mesures réalisées sur le béton du support, les contraintes de


cisaillement de calcul ont été définies (Tableau 1), en considérant que dans ces
essais les caractéristiques du béton en traction conduisent aux valeurs les plus
faibles de contrainte de cisaillement.

155
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 1 : Contraintes de cisaillement à l’interface composite/béton


procédé f tj >MPa @ W ad ,d >MPa@ W ad ,d >MPa@ exp
W moyen >MPa@
ELU ELS
FT 2,19 2,19 1,46 3,37
GT 3,37 3,37 2,25 3,50
ST 3,50 3,50 2,33 2,60
FL 3,13 3,13 2,09 5,32
SL 3,60 3,60 2,40 7,12

Les contraintes de dimensionnement ELS sont inférieures aux valeurs


expérimentales, calculées avec une longueur d’ancrage de 10 cm.
Dans tous les cas sauf un, la conclusion est identique pour les contraintes de
dimensionnement à l’ELU.

Le cas qui pose problème est celui relatif au procédé ST, mais les tracés des
valeurs de contrainte ont nécessité d’introduire un coefficient correctif de facteur de
jauge. Il est probable qu’il y ait eu un problème expérimental.

Ainsi, sans considérer les résultats ST (et ce même si les allures des courbes sont
similaires aux autres) une longueur d’ancrage de 10 cm permet de justifier de
l’emploi de contraintes de cisaillement de dimensionnement, avec un coefficient de
sécurité de 1,04 à l’ELU et de 1,10 à l’ELS.

Références Bibliographiques

[1] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des


matériaux composites - recommandations provisoires, Documents scientifiques
et techniques, décembre 2003, 148 pages.

156
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ ANALYSE DU COMPORTEMENT À RUPTURE SOUS SOLLICITATION BI-AXIALE DE


MATÉRIAUX COMPOSITES MIS EN ŒUVRE POUR LE RENFORCEMENT DE STRUCTURES BÉTON
ARMÉ

ROHDI M., FERRIER E., BIGAUD D., HAMELIN P.


Laboratoire Mécanique, Matériaux & Structures, Université Claude Bernard, Lyon I, Villeurbanne
CLÉMENT J.-L.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cet article traite des problèmes de sollicitations multiaxiales de matériaux


composites. Après avoir donner des éléments sur les critères de rupture de ces
matériaux, une étude exploratoire est menée pour valider ces critères dans le cas
d’un chargement bi-axial.

1 - Introduction

L’utilisation des matériaux composites (matrice polymère-renfort textile) comme


éléments de renforcement de structures béton armé est particulièrement
performante vis-à-vis de l’augmentation du moment ultime dans le cas des poutres
ou des efforts normaux ultimes dans le cas du confinement des poteaux. L’extension
de l’application de cette technologie de renforcement au cas des dalles pose le
problème de connaître le comportement mécanique des matériaux composites sous
sollicitations multiaxiales pour prédire la tenue au poinçonnement et la résistance
ultime en flexion. En effet, le pontage des lignes de rupture des plaques par des
bandes de tissus disposées de façon bi-directionelle nécessite la connaissance des
propriétés en rigidité et à rupture de ces matériaux sous des sollicitations bi-axiales
de traction-traction.

2 - Critères de rupture applicables aux matériaux composites

Une synthèse des principaux critères de rupture applicables aux matériaux


composites a fait l’objet d’un rapport de l’Université Lyon 1 dans le cadre d’un
contrat avec le LCPC [1] et a été développée dans le cadre de la thèse de M.
Rochdi [2]. Nous rappelons ici les formulations les plus classiques utilisées par les
ingénieurs.

2.1 - Critère de la contrainte maximale et de la déformation maximale

Les premiers critères de rupture appliqués aux matériaux composites ont été des
adaptations directes des critères les plus simples initialement développés pour les
matériaux isotropes : critère de la contrainte normale maximale de Rankine et celui
de la déformation principale maximale de Saint-Venant. Les contraintes et les
déformations sont exprimées dans les directions d’orthotropie du matériau.

157
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Critère de la contrainte maximale [3] :


­° ½°
Max ® ı1 ; ı1 ; ı2 ; ı2 ; IJ12 ¾ 1 (1)
°̄ x t  xc yt  yc s °¿

Critère de la déformation maximale :


­° Ȗ ½°
Max ® İut1 ; İ1uc ; İut2 ; İ 2uc ; 12
u ¾ 1 (2)
°̄ İ1 İ1 İ 2 İ 2 Ȗ12 °¿

Où xt et xc sont les résistances en tension et en compression longitudinale ;


yt et yc sont les résistances en tension et en compression transversale ;
S est la résistance en cisaillement ;
İ1ut et İ1uc sont les déformations à la rupture en traction et en compression
longitudinale ;
İut uc
2 et İ2 sont les déformations à la rupture en traction et en compression
transversale.

La figure 1 illustre les enveloppes de rupture correspondant à ces deux critères pour
un composite donné dans le plan { V 1 , V 2 }.

Fig. 1 - Enveloppe de rupture selon le critère de la contrainte maximale et la


déformation maximale pour un composite unidirectionnel en carbone/époxy [3]

Certains chercheurs ont modifié le critère de la contrainte maximale en y


introduisant les propriétés des constituants. Stowell et Liu ont remplacé la résistance
longitudinale du pli par celle de la fibre et la résistance transversale et en

158
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

cisaillement par celle de la matrice. L’expression du critère est alors la suivante [4] :
­ ½
Max ® ı1 ; ı2 ; IJ12 ¾ =1 (3)
¯ xf ym sm ¿

Ce critère a été appliqué uniquement à des cas de chargement unidirectionnel hors


axe. Pour tenir compte de l’interaction fibre-matrice, Kelley et Davis ont introduit des
coefficients arbitraires pour corriger les résistances transversales et en cisaillement.
Leur critère s’exprime alors ainsi [4] :
­ ½
Max ® ı1 ; ı2 ; IJ12 ¾ =1 (4)
¯ xf 1.15ym 1.5sm ¿

Dans le même but, Prager a utilisé des approximations des résistances du pli par
des fonctions des résistances de la matrice, c’est-à-dire [4] :
­° ½°
Max ® ı1 ; ı2 ; IJ12
¾ =1 (5)
°̄ xf f1(ym,sm) f 2(ym,sm) °¿

2.2 - Critères à interaction

Les critères de la contrainte maximale et de la déformation maximale sont


inefficaces dans des conditions différentes du chargement uniaxiale simple.
En 1948, Hill a développé un critère de rupture pour les matériaux stratifiés. Son
critère est basé sur le principe de l’énergie de distorsion comme le critère de Von
Mises pour les matériaux isotropes. Pour un état plan de contrainte, le critère de Hill
s’écrit comme suit [5] :

X
2
ı1  §¨ 1  1  1 ·¸
¨ 2
©X Y 2 2
Z ¹
¸ ı1 ı 2

Y
2
ı 2  IJ12
S
2
1 (6)

Avec X, Y et Z les résistances principales du matériau selon les directions des


fibres (transversale et normale au plan respectivement), S étant la résistance du
matériau en cisaillement.

Hill considére des résistances en tension et en compression identiques. Marin puis


Tsai-Hill ont tenté d’étendre le critère de Von Mises au matériaux composites. Ils
considérent l’anisotropie du matériau ainsi que des résistances différentes en
tension et compression. Selon Marin, pour un état de contrainte plane, la rupture a
lieu si la condition suivante est satisfaite [5] :
2 t 2
ı1 § 1  1 · § 2  1  1  1  1  Yt · §¨ 1  y ·¸  ı2 1 (7)
t c ¨ t c ¸ı1 ¨ t c 2 t c t t c ¸ı1ı2 ¨ t t c ¸ı2 t c
X X © X X ¹ © X X S X S X S Y S X X S¹ ©Y YX ¹ XX
Avec : X t et X c les résistances respectivement en traction et en compression
dans la direction des fibres ;
Y t est la résistance en traction transverse ;
S est la résistance en cisaillement plan.

159
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Cette théorie considère que les directions de chargement coïncident avec les axes
d’orthotropie, elle ne tient donc pas compte de la contrainte de cisaillement W12. De
même, n’intervient pas la résistance en compression transversale yc puisque la
matrice atteint rarement la rupture en compression. La figure 2 illustre l’enveloppe
de rupture correspondante au critère de Tsai-Hill pour un composite unidirectionnel
dans le plan { ı1, ı2 }.

Fig. 2 - Enveloppe de rupture selon le critère de Tsai-Hill


pour un composite unidirectionnel en carbone/époxy [6]

2.3 - Critères tensoriels

En 1965, Gol’denblat et Kopnov ont été les premiers à proposer une formulation de
critère de rupture indépendante du système d’axes dans lequel il est exprimé.
f 1ı1 f 2 ı 2  f 11ı12  2 f 12 ı1ı 2  f 22 ı 22  f 66 IJ12
2 1 (8)

§ · § ·
f 1 12 ¨ 1t  1c ¸ ; f 2 12 ¨¨ 1t  1c ¸¸ (9)
©X X ¹ ©Y Y ¹

f 12
8 ® X t Xc
¯

Yt Y
c
2
1­ 1  1  1  1  1  1 ½
2
2

S45 S45 ¾¿


1 1 2 1 1 2
f 11 14 t  c ; f 22 14 t  c ; f 66
X X Y Y
S1 2

S 45 et S 45 sont les résistances en cisaillement à ±45° par rapport aux axes de
symétrie du matériau et doivent être déterminées expérimentalement. Cette théorie
tient compte de l’interaction entre les contraintes et elle considère les différentes
résistances en tension et en compression ainsi que le signe du cisaillement.

La première formulation d’un critère de rupture sous forme de tenseur polynomial de


contrainte a été proposée par Malmeister. L’expression générale du tenseur est la

160
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

suivante [7] :
Fiıi  Fijıiı j Fijk ıiı jık  1 (10)

Pour un matériau transversalement isotrope sous état plan de contrainte, Malmeister


a arrêté cette expression aux termes du second degré, c’est-à-dire :
F11 ı12  F1ı1  2 F12 ı1ı2  F2 ı2  F22 ı22  F66 IJ12
2 1 (11)

1 ; F 1 ; 1 (12)
F11 22 t c F66
XX t c
YY S2
F1 1t  1c ; F2 1t  1c
X X Y Y

Pour déterminer F12 , Malmeister a proposé un test où le chargement se fait selon les
directions principales ( IJ12 = 0) et tel que les contraintes ultimes se réduisent à du
cisaillement pur par une rotation du système d’axes de 45°, c’est-à-dire
ı1 ı2 S45 et F12 peut être calculé par la relation suivante [7] :

2 F12 F1 F2  F11  F22  1 2 (13)
S45 S 45

Hoffman a adopté la forme de tenseur polynomial de Malmeister comme critère de


rupture pour prédire la rupture fragile des matériaux orthotropes. Cependant, il a
proposé une relation plus simple pour déterminer le coefficient d’interaction F12 [7] :
2 F12 =  t1 c (14)
XX

Cette forme du critère est similaire à celle de Malmeister sans toutefois nécessiter
des essais biaxiaux pour déterminer le coefficient d’interaction.

Le critère tensoriel le plus utilisé est sans doute celui de Tsai et Wu [8] qui est le
même que celui de Malmeister, proposé en 1966. En effet, l’expression du critère de
Tsai-Wu ainsi que les coefficients F11, F1, F22 et F66 sont les mêmes que ceux de
Malmeister (équations 13 et 14). Cependant, Tsai et Wu ont proposé de déterminer
le coefficient d’interaction F12 par des essais biaxiaux. Dans l’absence de données
expérimentales, une évaluation empirique [8] de F12 correspond à :
F12 =  12 F11F22 (15)

Le tableau 1 liste des expressions du facteur d’interaction F12 selon différents


critères interactifs [8]. Les enveloppes de rupture selon le critère de Tsai-Wu, avec
deux valeurs différentes du coefficient F12 , sont tracées sur la figure 3 pour un
matériau donné dans le plan{ V 1 , V 2 }. L’écart entre les deux courbes est

161
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

considérable et confirme la très grande sensibilité du critère de Tsai-Wu à la valeur


du coefficient d’interaction F12 .

3 - Etude exploratoire pour valider les critères de rupture dans le cas du


chargement bi-axiale

3.1 - Dispositif expérimental

Les essais sont effectués sur la machine biaxiale développée au laboratoire L2MS
(figure 4). Cette machine est constituée de quatre vérins indépendants montés
horizontalement sur deux axes perpendiculaires. Les forces sont mesurées à l’aide
de deux capteurs de force montés sur les deux axes. Il est possible d’effectuer des
essais contrôlés en force ou contrôlés en déplacement avec une vitesse maximale
de 2 mm/s.

Tableau 1 : Coefficient d’interaction F12 selon différentes théories [8]


Résistance
Critères F12
uniaxiale

Xt = Xc ,  1
Tsai-Hill
2x2
Yc = Yt

Xt z Xc ,  1
Hoffman 2xt xc
Yc z Yt

Xt z Xc , f *xy
Von
Mises Yc z Yt c t c
xt x y y

Xt z Xc ,
Tsai-Wu Yc z Yt  1 F11F22
2

162
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 3 - Enveloppe de rupture selon le critère de Tsai-Wu


pour un pli Unidirectionnel en carbone/époxy

moteu
pas à pas

cellule
de force

réducteur

centrale
conditionneur

Fig. 4 - Photo de la machine biaxiale L2MS

3.2 - Optimisation de la géométrie de l’éprouvette cruciforme

La performance des essais bi-axiaux est directement dépendante de l’optimisation


de la géométrie des éprouvettes pour localiser la rupture en zone centrale et
générer un champ de contraintes ou de déformations le mieux défini possible.
La stratégie de l’optimisation consiste en deux étapes : d’abord une phase
d’exploration numérique où les essais bi-axiaux seront simulés afin d’évaluer les
effets des différents paramètres sur les performances de l’éprouvette. Ensuite, une
phase expérimentale qui permet d’effectuer les derniers ajustements sur la
conception et la fabrication de l’éprouvette.

Pour la partie numérique de ce travail, le code d’éléments finis ANSYS a été utilisé.
L’élément choisi pour modéliser l’éprouvette est l’élément quadratique à 8 nœuds

163
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

PLAN82. Le maillage et les conditions aux limites utilisées sont illustrés sur la figure
5.

Les éprouvettes simulées sont en composite stratifié carbone/époxy. Le tissu de


fibres de carbone haute résistance (3500 MPa) d’un grammage de 600 g/m2. Les
plis constituant le stratifié de renfort sont les mêmes que ceux du matériau
sélectionné pour les essais bi-axiaux. Le tableau 2 donne les propriétés des
matériaux utilisés.

Une telle configuration d’éprouvette cruciforme est loin d’être optimale comme le
montre les résultats de calculs par éléments finis. En effet, la concentration des
contraintes dans les jonctions entre les bras conduit à une rupture prématurée en
dehors de la zone d’essai comme le confirme la figure 5.

Les modifications à introduire sur la configuration initiale consistent à créer des


congés au niveau des intersections entre les bras afin de réduire le cisaillement
développé dans les zones de raccordement, à réduire la largeur des bras pour
améliorer le transfert des charges vers la zone centrale et à chercher à arrondir la
géométrie de la zone d’essai afin d’éviter les concentrations de contraintes.

Le tableau 3 résume les caractéristiques géométriques des éprouvettes étudiées


ainsi que les contraintes à l’intérieur et en dehors de la zone centrale.

Maillage et condition aux limites utilisés pour Concentration de contraintes dans la jonction
le calcul par EF entre les bras
Fig. 5 - Modélisation des éprouvettes

164
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 2 : Propriétés des plis élémentaires


Propriété Valeur
E1 (MPa) 120 000
E2 (MPa) 9 000
G12 (MPa) 5 200
Q12 0.3
Epaisseur (mm) 0.14
Xt (MPa) 1500
Xc (MPa) 900
Yt (MPa) 40
Yc (MPa) 200
S (MPa) 80

Tableau 3 : Caractéristiques des éprouvettes simulées


Contraintes Contraintes
Rayon du Largeur des ‡ zone
dans la zone dans le
N° éprouvette raccordement bras d’essai
d’essai renfort
(mm) (mm) (mm)
(Mpa) (MPa)
1 37.5 75 60 1640 930

2 24.044 75 50 2500 3600

3 45 60 60 1480 830

4 50 50 50 1440 814

5 50 50 40 1430 650

Les figures 6 à 8 illustrent les principaux résultats de cette étape d’optimisation.

La configuration optimale présente les caractéristiques suivantes : la zone d’essai


est circulaire et de diamètre 40 mm, le rayon des congés de raccordement entre les
bras est de 50 mm, la largeur des bras est de 40 mm, le renfort est constitué de
quatre plis à 0/90° en carbone/époxy sur chaque coté du stratifié central.

165
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Eprouvette 1 Eprouvette 2
Fig. 6 - Distribution des contraintes sous tension équibiaxiale

Eprouvette 3 Eprouvette 4
Fig. 7 - Distribution des contraintes sous tension équibiaxiale

Fig. 8 - Distribution des contraintes pour l’éprouvette 5 sous tension équibiaxiale

3.3 - Applications : matériaux composite de renforcement

Les éprouvettes testées correspondent à la configuration optimale et sont fabriquées


à partir de plaques composite carbonne/époxy carrées de 400 mmu400 mm. Le
tissus est un carbone haute résistance (3500 MPa) de grammage 600 g/m2. Le
stratifié constituant l’éprouvette est formé de trois stratifié superposés. Le stratifié du
centre est le matériau à tester : composite croisé carbone/époxy (0°/90°). Sur
chaque face de ce stratifié est superposé un stratifié constituant le matériau de
renfort des quatre bras de l’éprouvette. Ce stratifié est composé de quatre plis du
même matériau que celui de la zone d’essai empilés à 0°/90°. L’usinage de

166
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

l’éprouvette cruciforme à partir d’une plaque composite commence par la coupe du


contour de l’éprouvette. L’étape suivante correspond à la suppression du composite
de renforcement en zone centrale par fraisage en utilisant des outils au carbure.

3.3.1 Procédure d’essais

Des jauges permettent de mesurer les déformations normales et de cisaillement en


plusieurs points de la surface de l’éprouvette durant chaque essai. Chaque
éprouvette est instrumentée de trois rosettes à 45° disposées suivant la figure 9. La
rosette A mesure les déformations développées dans la majeure partie de la zone
d’essai. Les rosettes B et C indiquent essentiellement les déformations dans chaque
bras et permettent de comparer l’intensité des déformations dans la zone d’essai à
celles dans le renfort. La rosette D fournit une lecture du cisaillement dans la zone
de congé de raccordement entre les bras. Ce cisaillement a été identifié comme
paramètre critique et déterminant dans la performance d’une éprouvette.

Fig. 9 - Schéma et photo de l’éprouvette cruciforme

Les essais effectués de type quasi-statique sont contrôlés en déplacement. La


procédure expérimentale consiste en une série d’essais à faible charge suivie d’un
essai à la rupture. Le niveau de déformation atteint au centre de l’éprouvette durant
les premiers cycles est de l’ordre de 0,4 à 0,5%. Le rapport de biaxialité appliqué
(RF=Fy/Fx) est égal à 1 (tension équibiaxiale).

Les figures 10 et 11 illustrent un résultat type des essais à faible charge. La figure
10 représente les déformations au centre de la zone d’essai (point A) et la figure 11
représente les déformations au niveau de la jonction entre les bras de l’éprouvette
(point D).

167
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 10 - Déformations mesurées au point A sous chargement équibiaxial

Fig. 11 - Déformations mesurées au point D sous chargement équibiaxial

3.3.2 Résultats des essais à la rupture

Sept séries d’éprouvettes ont été fabriquées selon la configuration optimale et


testées à la rupture sous tension biaxiale avec des rapports de biaxialité variant
entre 0,3 et 1,00. La figure 12 illustre un résultat type d’essais à la rupture pour un
rapport de biaxialité de 0,6. Le tableau 4 résume les conditions de sollicitation et les
résultats de ces essais à rupture.

Tableau 4 : Données expérimentales à la rupture biaxiale des éprouvettes en


carbone/époxy
Rapport des
Charge ultime Déformation Déformation
Eprouvette charges
FX (kN) ultime HX (%) ultime HY (%)
RF=FX/FY
1 1,0 48,2 0,87 0,91
2 0,8 49,8 1,04 0,52
3 0,6 51,1 0,91 0,62
4 0,3 52,5 1,21 0,32
5 1,0 49,1 0,80 0,78

168
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 12 - Déformations mesurées au point A lors d’un essai à la rupture sous


chargement biaxial (rapport de biaxialité =0,6)

3.3.3 Validation des critères de rupture

Les critères retenus pour la comparaison sont le critère de la contrainte maximale


(Zinoviev, Sun, Edge…), le critère de Tsai-Wu qui représente la catégorie des
critères tensoriels, le critère de Tsai-Hill qui est à la base de plusieurs critères à
interaction et le critère de Hart-Smith qui est une généralisation du critère de Tresca.
Pour simplifier la comparaison des différentes théories entre elles et avec les
données expérimentales, le système d’axes de références retenu est le système des
déformations par rapport aux axes de référence {Hx, Hy}. Ce choix est dû au fait que
les données expérimentales consistent en des mesures de déformations par rapport
au système d’axes de référence {Hx, Hy}, en conséquence, chaque donnée
expérimentale est représentée par un point unique dans ce système.

Les enveloppes de rupture du stratifié croisé [0°/90°] sont obtenues par


superposition des enveloppes correspondant aux plis à 0° et 90°. L’enveloppe ainsi
construite définie la surface de rupture du premier pli (intersection des deux
enveloppes) et la surface de rupture du dernier pli (union des deux enveloppes).

Les figures 13 à 15 montrent la comparaison de ces quatre critères aux résultats


expérimentaux. L’examen des courbes montre que selon les critères de la contrainte
maximale, de Tsai-Hill et Tsai-Wu, la rupture du stratifié se produit dans la matrice
en tension transversale. Cependant, la rupture selon les critères de la contrainte
maximale et Tsai-Hill aurait lieu à des niveaux de chargement considérablement
inférieurs aux résultats expérimentaux. L’écart est d’autant plus important lorsque le
rapport de biaxialité est proche de 1 (chargement équibiaxial). Les prédictions du
critère de Hart-Smith sont supérieures aux résultats expérimentaux. Ceci s’explique,
d’une part, par le fait que le critère de Hart-Smith considère la condition de rupture
de la fibre comme mécanisme d’endommagement et d’autre part, par la valeur de la

169
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

déformation longitudinale à la rupture pour laquelle l’enveloppe est tracée (1,4%).

L’enveloppe de rupture décrite par le critère de Tsai-Wu est celle qui suit au mieux
les résultats expérimentaux dans le domaine couvert par ces données (Figure 16).
Toutefois, le niveau de déformation estimé par le critère est inférieur à celui mesuré
sous chargement équibiaxial. La variation de cette déformation peut être attribuée à
la variabilité des propriétés des composites en général et surtout à la sensibilité du
critère de Tsai-Wu par rapport au paramètre d’interaction F12 pris égal à –0,5 dans
cette étude.

Fig. 13 - Comparaison des prédictions du critère de la contrainte maximale


aux résultats expérimentaux

critère de Tsai-Wu critère de Hart-Smith

Fig. 14 - Comparaison des prédictions aux résultats expérimentaux

170
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 15 - Comparaison des prédictions du critère de Tsai-Hill


aux résultats expérimentaux

Fig. 16 - Superposition des enveloppes de rupture


selon les différentes théories et résultats expérimentaux

4 - Conclusion

Après avoir établi une procédure expérimental rigoureuse pour recaler les différents
critères de rupture formulés pour les composites carbone-époxy (orthotropes ou
quasi-isotropes), la poursuite des recherches devra se faire avec la prise en
considération de ces données pour l’estimation des moments ultimes des dalles
béton-armé fissurées renforcées par matériaux composites ou pour l’estimation des
charges critiques de tenue au poinçonnement.

Références bibliographiques

[1] HAMELIN P., BIGAUD D., Critères de rupture des renforts composites sous
sollicitations bi-axiales, Rapport L2MS/LCPC, juillet 2002

171
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

[2] ROCHDI E., Contribution à l’étude du comportement de dalle en béton armé


renforcée par matériaux composites, Thèse de l’Université Lyon 1, 2003
[3] BERTHELOT J.-M., Matériaux composites : comportement mécanique et
analyse des structures, Edition Technique & documentation, 1999
[4] NAHAS M.N., Survey of failure and post-failure theories of laminated fiber
reinforced composites, Composites Science and Technology, vol. 8, p. 137-158
[5] ROWLAND R. E., Strength theories and their experimental correlation,
Handbook of composites, Vol. 3-Failure mechanics of composites, Elsevier
Sciences Publishers, 1985.
[6] BENZEGGAG M.L., KHELLIL K., CHOTARD T., Experimental determination of
tsai failure tensorial terms Fij for unidirectional composite materials,
Composites Science and Technology, Vol. 55, 2, pp 1023-1032, 1998
[7] YOUSSEF Y., Résistance des composites stratifiés sous chargement biaxial :
Validation expérimentale des prédictions théoriques, Doctorat Université de
Sherbrooke, 1995
[8] TSAI W. S., A progressive quadratic failure criterion for a laminate, Composites
Science and Technology, Vol. 58, 7, July 1998, pp 1023-1032

172
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ TENUE À LA FATIGUE DE COMPOSITE UNIDIRECTIONNEL CARBONE-ÉPOXY ET DE


L’INTERFACE COMPOSITE-BÉTON DANS LE CAS DE LA RÉPARATION DE STRUCTURES EN
BÉTON ARMÉ

FERRIER E., HAMELIN P.


Laboratoire Mécanique, Matériaux & Structures, Université Claude Bernard, Lyon I, Villeurbanne
CLÉMENT J.-L.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Cette étude vise à évaluer le comportement en fatigue de poutres béton armé


renforcées par matériaux composites (carbone-époxy). Nous avons testé en fatigue
des matériaux composites et l’interface composite-béton pour établir dans chaque
cas la courbe de Wölher. Les résultats conduisent à considérer que la matrice joue
un rôle prépondérant dans les mécanismes d’endommagement par fatigue. Une
prévision de la durabilité en fatigue de la structure réparée confirme que les
recommandations de l’AFGC vont dans le sens de la sécurité et que l’interface joue
un rôle prépondérant par rapport au composite.

1 - Introduction

Le groupe de travail de l’AFGC portant sur le renforcement par matériaux


composites de structures en béton armé a proposé des règles [1] de
dimensionnement des renforts vis-à-vis du comportement de poutres en flexion. Une
des conclusions du groupe de travail porte sur l’estimation de la prévision de la
fiabilité et de la durabilité de ces matériaux pour des conditions d'environnements
spécifiques aux ouvrages du génie civil.
La présente recherche à caractère exploratoire, confiée par le LCPC au Laboratoire
L2MS de l’Université Lyon 1, vise à évaluer le comportement en fatigue d’un
matériau composite utilisé pour le renforcement des structures en béton armé. La
caractérisation en fatigue est effectuée sur un composite carbone UD/époxy en
utilisant les principes d’essais définis par les recommandations de l’AFGC
(paragraphes 1.7 et 1.11). La question posée est de savoir dissocier le rôle joué par
le comportement à la fatigue du matériau composite en tant que tel du
comportement à la fatigue de l’interface composite béton dans le cas du collage sur
les ouvrages en considérant dans un premier temps le support béton.

2 - Comportement en traction d’un renfort composite sous sollicitations de


fatigue

Le composite retenu pour cette étude est un composite carbone-époxy stratifié in-
situ (moulage au contact). Les fibres (17 K) de carbone sont unidirectionnelles de
haute résistance avec un grammage par unité de surface de 600 g/m2. La résine est
une époxy bi-composant de viscosité et de température de transition vitreuse 45 °C.

173
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Les méthodes de mise en œuvre du matériau respectent les prescriptions


techniques du fournisseur et les règles de l’AFGC. La caractérisation sous
sollicitations quasi-statiques (chargement piloté en déplacement avec une vitesse de
2 mm/min) est effectuée suivant les paragraphes 1.6 et 1.7 de l’AFGC. Les résultats
obtenus permettent de définir une valeur moyenne de la résistance à la traction
égale à 540 MPa ±23,5 et un module de 69430 ±2415 MPa (Tableau 1). Ces valeurs
permettent de fixer les valeurs des contraintes maximales et minimales des essais
de fatigue variant de 50 % à 85 % de la contrainte ultime en traction du composite et
avec une amplitude de 0,8.

Tableau 1 : Résultats des essais de traction sur composite


Eprouvette Dimensions Vitesse Contrainte à Allongement Module Force
(mm) d’essai la rupture à la rupture d’élasticité
Largeur Epaisseur (mm/min)
(mm) (mm)
ff, u (Mpa) (MPa) (N)

1 15,4 1,38 2 575 0,82 70121 12219


2 15,1 1,38 2 542 0,75 72260 11294
3 15,2 1,38 2 532 0,75 70934 11159
4 15,2 1,38 2 534 0,80 66750 11201
5 15,3 1,38 2 510 0,76 67105 10768
Moyenne 539±23,5 0,78±0,03 69435±2415 11330

Par la suite, un ensemble de dix éprouvettes a été testé en traction cyclique avec
des niveaux de contraintes définis par le tableau 2.

Tableau 2 : Descriptions des conditions de chargement des éprouvettes en fatigue


Eprouvettes Fréquence (Hz) Contrainte maximale (MPa) Contrainte minimale (MPa)
1 1 85 % de ff,u 10 % de ff,u
2 1 85 % de ff, u 10 % de ff, u
3 1 75 % de ff, u 10 % de ff, u
4 1 75 % de ff, u 10 % de ff, u
5 1 65 % de ff, u 10 % de ff, u
6 1 65 % de ff, u 10 % de ff, u
7 1 60 % de ff, u 10 % de ff, u
8 1 55 % de ff, u 10 % de ff, u
9 1 50 % de ff, u 10 % de ff, u
10 1 50 % de ff, u 10 % de ff, u

2.1 - Résultats

Les éprouvettes sont chargées avec une fréquence de sollicitation de un hertz


jusqu’à que la rupture intervienne. Pour chaque essai de fatigue, le nombre de
cycles conduisant à la rupture est noté. Lors du dernier cycle de sollicitation, la
valeur de la déformation maximale est mesurée. L’ensemble des résultats est

174
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

reporté dans les tableaux 3 et 4 et illustré par les figures 1 et 2.

300
Contrainte (MPa)

250

200

150

100

50

0
0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 4000 4500 5000

Déformation (Pm/m)

Fig. 1 - Exemple de courbes contrainte-déformation


en fonction du nombre de cycles

1,20

1,00
Hf / Hf0

0,80

Eprouvette 7
0,60 Eprouvette 4

0,40

0,20

0,00
1 10 100 1000 10000 100000
Nombre de cycles (N)

Fig. 2 - Exemple de variation des déformations en fonction du nombre de cycles

Conformément au bilan bibliographique [2], nous constatons une faible variation de


la rigidité des éprouvettes (inférieure à 5% à 106 cycles) et l’examen des faciès de
rupture (figure 3) montre un mécanisme de rupture par rupture locale d’un faible
nombre de fibres combiné à un transfert de charge par la matrice aux fibres
avoisinantes.

175
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 3 - Photographie d’une éprouvette rompue

Tableau 3 : Résultats des essais de traction composite


Dimensions Fréquence Contrainte Force max Déformation Nombre de
d’essai à la cycles à
Eprouvette (mm) (N/pli) maximale
rupture rupture
(Hz)
(Pm/m)
ff, u (MPa)
1 16,2 1,38 1 460 10283 6430 17
2 16,1 1,38 1 460 10283 6470 182
3 16,2 1,38 1 400 8942 6120 396
4 16,1 1,38 1 400 8887 6050 786
5 16,2 1,38 1 360 8050 5200 4801
6 16,2 1,38 1 360 8050 5160 3611
7 16,2 1,38 1 320 7150 4808 40004
8 16,2 1,38 1 300 6707 4531 64356
9 16,2 1,38 1 275 6147 4160 319650
10 16,2 1,38 1 260 5812 3930 801670

Tableau 4 : Valeurs des déformations maximales en début et fin d’essais


Déformation Module Module
Contrainte Déformation
à la Maximale d’Young d’young % de
rupture Maximale initiale
Eprouvette finale initial Final variation
ff, u (MPa) (Pm/m)
(Pm/m) (MPa) (MPa)
1 460 6430 6685 71540 68810 3,8
2 460 6470 6642 71100 69260 2,6
3 400 6120 6306 65360 63430 2,9
4 400 6050 6250 66115 63995 3,2
5 360 5200 5312 69230 67770 2,1
6 360 5160 5271 69770 68290 2,1
7 320 4808 5070 66555 63115 5,2
8 300 4531 4873 66210 61560 7,0
9 275 4160 4381 66105 62770 5,0
10 260 3930 4249 66160 61195 7,5

176
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

2.2 - Exploitation des résultats vis-à-vis de la rupture

2.2.1 Détermination des courbes de Wöhler

L’exploitation des données expérimentales précédentes permet de construire les


courbes de Wöhler représentant les contraintes ultimes (ff,u) des composites en
fonction du nombre de cycles à rupture (N). La courbe de Wöhler de la figure 4
illustre la fatigue du matériau composite et la diminution progressive de la contrainte
ultime en fonction du nombre de cycles de chargement.

A partir des 10 essais de fatigue, nous proposons d’établir cette variation suivant
une loi de Wöhler de la forme f f ,u ( N rup ) m ˜ ln( N )  n . Les constantes (m,n) sont
obtenues par régression linéaire à partir des dix résultats expérimentaux.

f f ,u ( N rup ) 20,7 ˜ ln( N )  535,5 (1)


f f ,u ( N rup )
0,038 ˜ ln( N )  0,994 (2)
f f ,u , k

0,9

0,8

0,7
ff,u(N) / ff,u

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0
1 10 100 1000 10000 100000 1000000
Nombre de cycle à rupture (N)

Fig. 4 - Evolution de la contrainte à la rupture en fonction du nombre de cycles

2.2.2 Evaluation de la durée de vie en fatigue

Concernant le comportement en traction du composite en fatigue, l’évolution des


contraintes à rupture permet de comparer les valeurs limites liées à
l’endommagement par fatigue à celles proposées par les recommandations de
l’AFGC. Par exemple, pour le matériau suivant de cette étude (Tg<50°, stratifié in-
situ carbone-époxy), l’AFGC recommande de limiter la contrainte dans le composite
à ff, d obtenue par la relation 3.

177
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Df ff
f f ,d vis-à-vis du comportement instantané Df = 1 (3)
Jf
ELS Jf = 1,4 Pultrudé carbone époxy
ELU Jf = 1,25
ELS Jf = 2 Stratifié in situ carbone-epoxy
ELU Jf = 1,4
ELS Jf = 2,5 Stratifié in situ verre-epoxy
ELU Jf = 1,6

Vis-à-vis du comportement différé le coefficient D f est prit égal à 0,65. L’application


numérique pour un calcul à l’ELS permet d’obtenir une valeur de 0,325, soit une
contrainte maximale de 175 MPa.

A partir des résultats expérimentaux nous allons évaluer la durée de vie en fatigue
du renfort composite pour la résistance pondérée. La relation empirique de
Goodman (relation 4) permet à partir des conditions de chargement d’évaluer la
résistance à la fatigue du renfort composite.
Va Vm
 1 (4)
Sa Su

Avec Va : amplitude de la contrainte sinusoïdale imposée


Vm : contrainte statique moyenne
Sa : résistance à la fatigue
Su : résistance ultime à la traction uni-axiale

V max  V min (5)


Va
2
V max  V min (6)
Vm
2

En considérant une valeur minimale de chargement de 10 MPa et une valeur


maximale de chargement de 175 MPa, nous obtenons une contrainte moyenne de
92,5 MPa et une amplitude de 82,5 MPa. La résistance à la fatigue est alors de 68,4
MPa. A partir des courbes S-N expérimentales, une durée de vie en fatigue infinie
(6320 106 cycles ou 200 ans à 1 Hz) est prévisible.

Dans le cas d’une sollicitation en flexion de poutre BA, la contrainte de traction dans
le renfort est limitée par la plastification des aciers (voir recommandation AFGC [1]),
soit pour un acier fe500 correspondant à une limite en déformation de 0,24 %. En
considérant le même niveau de déformation du renfort et un module de composite
de 70 000 MPa, une contrainte limite de 165 MPa est calculée. Cette valeur

178
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

maximale est inférieure à la valeur pondérée proposée par l’AFGC. En conclusion,


dans le cas de la flexion, le comportement à la fatigue du renfort composite ne remet
pas en cause l’efficacité du renforcement.

3 - Comportement au cisaillement d’un joint de colle renfort composite/béton


sous sollicitations de fatigue

3.1 - Caractérisation des propriétés de l’interface composite-béton

L’association composite-béton dans le cas de la réparation et du renforcement des


ouvrages en béton armé est directement dépendante du niveau d’endommagement
du béton à renforcer, des techniques de préparation de surface et des procédures
de mise en œuvre (conditions environnementales, méthodes d’applications,
géométrie du support, épaisseur du joint). En conséquence il est impératif de
prendre en considération le comportement mécanique du joint de colle ou de
l’interface entre le béton et le composite pour juger de la durabilité et de la fiabilité
de la réparation.

3.1.1 Principe de l’essai de traction-cisaillement

Les recommandations de l’AFGC [1] définissent une procédure d'essai de traction-


cisaillement qui permet de justifier de la tenue mécanique d’un assemblage
composite-béton.

Deux blocs de béton sont assemblés par deux bandes de composite de largeur 25
mm, un espace de 20 mm séparant les deux blocs. Pour assurer une sollicitation du
joint de collage par un effort de cisaillement, les deux bandes de composite sont
collées symétriquement sur deux faces opposées (figure 5). Les blocs de béton sont
réalisés deux par deux dans le même moule. Le parfait alignement des surfaces de
collage permet de limiter les effets de flexion dus à une éventuelle dissymétrie. La
longueur d’ancrage du renfort (Ladh) est fixée par les recommandations de l’AFGC à
une valeur de 200 mm. Cette longueur a été établie pour obtenir une rupture de
l’interface avec un taux de travail du composite significatif. Les efforts sont appliqués
sans flexion en utilisant des rotules aux points d’application des efforts de traction.

3.1.2 Instrumentation

L'instrumentation de l'essai doit permettre de mesurer le déplacement différentiel


entre le composite et le béton. L'objectif est donc de pouvoir quantifier le
déplacement se produisant entre les deux blocs de béton ; celui-ci est dû au
glissement différentiel entre le composite et le béton et à l'allongement du composite
non collé en partie centrale. Il s'agit donc de réaliser une double instrumentation
pour mesurer ces variations de déplacement.

179
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

F
140 mm 140 mm Tige filetée

'L

220 m m
'L 1 20 mm
' L2
Ladh = 200 m m

béton
badh=25 mm 140 m m

Fig. 5 - Eprouvettes de traction-cisaillement

3.1.3 Mise en œuvre

Le béton est de type B30, avec une résistance à la traction minimale de 2 MPa. Le
mode de traitement de surface du béton retenu est le ponçage mécanique par
disque abrasif. Une cure de 7 jours à 20 °C est assurée avant toute manipulation de
l’éprouvette.
3.1.4 Exploitation

L’essai permet d’établir la résistance de cisaillement moyen du joint de colle. Cette


valeur de calcul à partir de la valeur de l’effort de cisaillement (ff) et la surface de
collage Sadh.

F Ff
W adh (7)
S adh 2 ˜ Ladh ˜ badh

3.2 - Application au procédé de réparation étudié

Ayant déterminé la résistance à rupture à 20°C, un essai de fatigue sous une


fréquence de un hertz est conduit. Les résultats permettent d'établir le seuil de
contrainte à ne pas dépasser pour éviter la rupture en fatigue du joint de colle.

3.2.1 Essais sous chargement quasi-statique

Les essais sous chargement quasi statique sont pilotés en déplacement avec une
montée en charge de 1 mm/min. Les résultats obtenus (figure 6) permettent
d’obtenir la contrainte de cisaillement moyenne maximale à l’interface (1,2 ± 0,04
MPa) et l’écartement maximal (0,4 ± 0,04 mm) des blocs de béton (traduisant
l’allongement du composite, le cisaillement à l’interface et le décollement du renfort).
Ces valeurs sont données dans le tableau 5. Le mode de rupture est une rupture

180
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

décohésive dans le joint de colle.

Les résultats des essais en statique permettent de déterminer le niveau de


contrainte à appliquer lors des essais de fatigue. Lors de l’essai, les déformations du
composite en partie non collée augmentent linéairement jusqu’à la rupture. La
rupture est de type cohésive par cisaillement dans la couche de béton pour les trois
éprouvettes.

Tableau 5 : Valeurs des contraintes et des déformations à rupture


Eprouvette Ecartement Force à Contrainte de cisaillement
maximal des blocs rupture à la rupture
(mm) (F en kN) W ruptures (MPa)
1 0,45 12,5 1,25
2 0,38 11,7 1,17
3 0,37 11,8 1,18
Moyenne 0,4 ± 0,04 12± 0,4 1,2 ± 0,04

1,4

1,2

1
Contrainte (MPa)

0,8 Eprouvette 1
Eprouvette 2
Eprouvette 3
0,6

0,4

0,2

0
0,000 0,100 0,200 0,300 0,400 0,500
Ecartement des blocs (mm)

Fig. 6 - Courbe contrainte-écartement des blocs

3.2.2 Les essais de fatigue

L’essai de fatigue est contrôlé en force. L’effort maximal de traction appliqué au


béton et transmis aux deux renforts composites est donc constant tout au long de
l’essai de fatigue. Cet effort a pour valeur 6 kN soit 50 % de la charge de ruine sous
chargement quasi-statique. La contrainte de fatigue à l’interface correspondante est
égale à 0,6 MPa. Les essais de fatigue sont réalisés avec une fréquence de
sollicitation de 1 hertz et conduits jusqu’à 106 cycles. Le tableau 6 donne les
principales valeurs issues des essais de fatigue (106 cyles).

181
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 6 : Résultats des essais de fatigue


Eprouvette Ecartement Ecartement Force à rupture Contrainte de
maximal des résiduel des blocs (F en kN) cisaillement à la
blocs maximal à après essais de rupture
106 cycles (mm) fatigue W rupture (MPa)
1 0,250 0,151 6,8 0,68
2 0,255 0,156 7,0 0,70
3 0,257 0,141 7,0 0,70
Moyenne 0,274 ± 0,003 0,149 ± 0,007 6,9 ± 0,115 0,69 ± 0,115

Après les essais de fatigue, les éprouvettes sont testées à rupture. La contrainte
moyenne de cisaillement obtenue lors de ces essais est de 0,69 MPa.

Les modes de ruptures de l’interface composite béton après l’essai de fatigue sont
sensiblement différents de ceux obtenus sous chargement quasi-statique
(cisaillement du béton sur l’ensemble du plan de collage). En effet deux zones de
rupture peuvent être identifiées lors des essais de fatigue. La rupture dans le béton
se localise à la fois dans les extrémités du joint de colle (zone I, III sur la figure 7),
et, en partie centrale la rupture se produit à l’interface. Dans ce cas, l’évolution des
propriétés mécaniques de l’adhésif est suffisamment importante pour provoquer une
rupture prématurée de l’assemblage par décollement du renfort. Le changement de
mode de rupture illustre parfaitement la fatigue du joint de colle. La rupture locale
dans le béton aux extrémités du joint de colle s’explique essentiellement par la
présence de sur-contrainte locale dans les zones de transfert de charge. La fatigue
du matériau béton sous ces sollicitations conduit à cette rupture.

N
Nf
N2

I II III

N1
Ff Ladh

Fig. 7 - Mode de rupture du plan de collage sous chargement cyclique

182
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3.3 - Exploitation des résultats vis-à-vis de la rupture

3.3.1 Détermination des courbes de Wöhler

A partir des trois résultats d’essais une première estimation de la courbe de wölher
est faite (figure 8). Cette évaluation permet de déterminer pour une durée de vie en
fatigue fixée la contrainte de cisaillement à rupture du plan de collage. Les valeurs
des coefficents (m,n) sont conformes à des valeurs déjà établies dans des études
similaires par P. Hamelin et E. Ferrier [3-4] et D. Bizindawi [5] A titre d’exemple,
pour une durée de vie de 10.107 cycles celle-ci est de 0,40 MPa.

fadh ,u (N rup ) 0.037 ˜ ln( N )  1.2 (8)


fadh ,u (N rup ) (9)
0,037 ˜ ln(N )  1
fadh ,u ,k

3.3.2 Evaluation de la durée de vie en fatigue

Concernant le comportement de l’assemblage composite/béton, les contraintes


appliquées à l’interface sont comparées avec celles proposées par les
recommandations de l’AFGC.

1,4

1,2
W,u(N)

Joint de colle
1

0,8

0,6

0,4

0,2

0
1 10 100 1000 10000 100000 1000000
Nombre de cycles à rupture (N)

Fig. 8 - Evolution de la contrainte à la rupture en fonction du nombre de cycles

183
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La contrainte de cisaillement réglementaire de la colle est définie comme suit :

W ad,d D ad *W adh,e (10)


J adh

ELU Jadh = 1,4 Dad = 0,8 si TG > 50°C (température de transition vitreuse)

ELS Jadh = 2 Dad = 0,4 si TG < 50°C (température de transition vitreuse)

La contrainte limite à appliquer est de 0,24 MPa à l’ELS.

Comme pour le composite, nous allons évaluer la durée de vie en fatigue du renfort
composite pour la résistance pondérée. La relation empirique de Goodman permet à
partir des conditions de chargement d’évaluer la résistance à la fatigue du renfort
composite.

Va Vm
 1 (11)
Sa Su

Avec Va : amplitude de la contrainte sinusoïdale imposée


Vm : contrainte statique moyenne
Sa : résistance à la fatigue
Su : résistance ultime à la traction uni-axiale

V max  V min (12)


Va
2
V max  V min (13)
Vm
2

En considérant une valeur minimale de chargement nulle et une valeur maximale de


chargement de 0,24 MPa, nous obtenons une contrainte moyenne et une amplitude
de 0,12 MPa. La résistance à la fatigue est alors de 0,13 MPa. A partir des courbes
S-N expérimentales, une durée de vie en fatigue infinie (3312 109 cycles) est
prévisible.

A titre d’exemple, la contrainte d’entraînement du joint de colle est définie à partir de


la contrainte du renfort composite et de la surface de collage. En considérant une
contrainte maximale du renfort de 175 MPa (ou 8750 N avec une largeur de renfort
de 50 mm et une épaisseur de 1 mm) et une surface de collage de largeur 50 mm
et de longueur d’ancrage de 1000 mm, la contrainte de cisaillement moyenne est de
0.175 MPa. Cette valeur reste inférieure aux valeurs pondérées proposées par
l’AFGC et nous pouvons conclure que sur la base d’un dimensionnement réaliste de
la longueur d’ancrage, le comportement à la fatigue de l’interface ne remet pas en
cause le fonctionnement de la structure réparée.

184
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

4 - Conclusion

Cette étude visait à évaluer le comportement en fatigue de poutres béton armé


renforcées par matériaux composites (carbone-époxy). Nous avons testé en fatigue
des matériaux composites et l’interface composite-béton pour établir dans chaque
cas la courbe de Wölher. Les résultats conduisent à considérer que la matrice joue
un rôle prépondérant dans les mécanismes d’endommagement par fatigue. Une
prévision de la durabilité en fatigue de la structure réparée confirme que les
recommandations de l’AFGC vont dans le sens de la sécurité et que l’interface joue
un rôle prépondérant par rapport au composite.
L’ensemble de ces conclusions est toutefois à revoir dans le cas d’essais en
température ou dans le cas de vieillissement complémentaire (UV, reprise en eau et
cycle de gel-dégel).

Références bibliographiques

[1] AFGC, Recommandations provisoires du groupe de travail concernant :


Réparation et renforcement des structures en béton au moyen de matériaux
composites a matrice organique, Décembre 2003.
[2] FERRIER E., HAMELIN P., Comportement en fatigue d’un composite
carbone/époxy pour le renforcement des structures en béton armé, Rapport
L2MS/LCPC, 2002
[3] FERRIER E., NASSERI H., HAMELIN P., Fatigue behavior of composite
reinforcement for concrete structure, ACI publications, SP-188-48, 1999, p.535-
546
[4] FERRIER E., HAMELIN P., Evolution of bending stiffness of RC beam
strengthened by FRP under fatigue loading, Advanced Composite Material in
Bridges and Structures, Editeur J. Humar, A.G. Razaqpur, Ottawa 15-18 août
2000.
[5] BIZINDAVYI L., Etude expérimentale et analytique du comportement de
l’interface entre les structures en béton armé et les plaques de renfort externes
en polymères renforcées de fibres, ISIS Canada, Université Sherbrooke,
Janvier 2000

185
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ COMPORTEMENT EN FATIGUE DE POUTRES COURTES FISSURÉES ET RENFORCÉES PAR


COMPOSITE

WU Z.Y., CLÉMENT J-L.


Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Un des problème du renforcement des structures de génie civil par matériaux


composites est lié au fait qu’il est impossible de colmater toutes les fissures pouvant
exister dans une structure avant renforcement par matériaux composites. Ainsi,
dans le cas de chargements de fatigue (en service), se pose la question de la tenue
en fatigue d’éléments en béton armé, en l’occurrence des poutres, pré-fissurées
puis renforcées.

Une campagne expérimentale a été menée et les principaux résultats de cette


étude sont présentés dans cet article.

1 - Introduction

La question de la tenue en fatigue d’éléments en béton armé, en l’occurrence des


poutres, pré-fissurées puis renforcées, est essentielle dans le cadre de l’utilisation
de matériaux composites pour renforcer les structures du génie civil.

Dans le cadre de l’opération de recherche sur les composites, des travaux ont été
menés en ce sens au LCPC Paris [1]. La principale question est de savoir si le
composite peut se rompre ou non prématurément au droit d’une fissure non injectée.
Nous présentons ici les principaux résultats de cette étude, avec les conséquences
au niveau du dimensionnement des poutres vis-à-vis de la fatigue.

2 - Campagne expérimentale

2.1 - Géométrie des corps d’épreuve

Les éprouvettes testées sont des poutres courtes. Elles sont longues de 70 cm,
avec une section de 15 cm de largeur et de 20 cm de hauteur (cf. Figure 1). La
portée est de 60 cm. Afin d’étudier l’influence des taux de renforcement des
armatures tendues sur l’efficacité du renforcement par composite, deux types de
ferraillages en partie tendue ont été utilisés : 2HA8 et 2HA10 (le taux de
renforcement est respectivement de 0,39% et de 0,62%). Dans la zone comprimée,
toutes les poutres sont armées par deux armatures HA6. Les cadres sont des HA6
disposés avec un espacement de 12 cm.

186
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

HA6

5x12 HA6

20

HA8
HA8
15
60
5 5

Fig. 1 - Dimensions et ferraillage des éprouvettes (unité: cm).

En utilisant le règlement BAEL91 [2], sans tenir compte des coefficients de sécurité,
la résistance ultime au moment fléchissant et celle à l’effort tranchant correspondant
aux essais ont été calculées. Quel que soit le type de ferraillage (HA8 ou HA10), la
résistance à l’effort tranchant des éprouvettes sans renforcement est supérieure à
celle du moment fléchissant : la rupture statique de poutres témoins sera due au
moment fléchissant.

2.2 - Pré-fissuration

Avant renforcement, les poutres sont sablées sur les faces qui recevront un renfort
composite. Le renfort choisi pour cette étude exploratoire est le TFC de Freyssinet
International.

D’après l’Eurocode 2 [3], pour des structures en béton armé exposées à l’air, une
des conditions concernant l’ouverture de fissure de l’état limite de service est que
cette ouverture maximale soit au plus de 0,3 mm. Compte tenu de la présence des
cadres, deux macro-fissures symétriques par rapport au centre de la poutre sont
systématiquement apparues (Figures 2 et 3). En tenant compte de la différence
d’ouverture de ces deux fissures, la somme des ouvertures des deux fissures doit
être au plus égale à une valeur que nous avons fixée à 0,7 mm.

700

Cadres
200

Deux fissures
Fig. 2 - Schématisation des deux fissures symétriques au niveau des cadres.

187
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 3 - Visualisation des deux fissures symétriques au cours de la pré-fissuration

3.3 - Renforcement par TFC

Après pré-fissuration, certaines poutres sont renforcées par TFC (figure 4).

TFC en fibre tendue

Bande de TFC en
forme de ‘‘U’’
pour la reprise
d'effort tranchant

Fig. 4 - Renforcement par TFC d’une poutre pré-fissurée (vue de dessous)

Quatre modes de renforcement sont utilisés dans nos études (Figure 5) : il s’agit
d’un renforcement sur la face tendue et de renforcements sur les faces latérales.
Pour ces derniers, les bandes latérales en forme de ‘‘U’’ sont de différentes hauteurs
et différentes largeurs. Le composite en face tendue a toujours une largeur de 150
mm et une longueur de 550 mm, avec une distance de 25 mm entre l’extrémité du
tissu et l’appui.

2.4 - Instrumentation

Toutes les poutres (renforcées ou non) sont testées en flexion trois points (figure 6).
Lors des essais statiques et de fatigue, la flèche à mi-portée et l’ouverture des
fissures sont mesurées au moyen de capteurs de déplacement, et les déformations
des armatures au milieu de poutre le sont à l’aide de jauges de déformation. Pour

188
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

les éprouvettes renforcées, trois déformations du composite (au droit des deux
fissures et à mi-portée de la poutre) sont également mesurées. L’instrumentation
des essais est illustrée par les figures 6 à 8.

75 75

150

b
a
75 75 210 210

150

c d

Fig. 5 - Modes de renforcement des poutres courtes.

300 300

Plaque en acier Éprouvette


(40x150x4)
Appui

Bâti de flexion

Vérin

Fig. 6 - Dispositifs de la presse d’essai (unité en mm).

189
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Deux types de jauges sont utilisés. Après une préparation spéciale afin d’obtenir une
surface d’armature la plus plane possible, une jauge (KYOWA) de 20 mm de
longueur a été collée sur une armature tendue pour mesurer la déformation de
l’acier (section centrale). Les mesures des déformations du composite sont réalisées
à l’aide de jauges (KYOWA) de 30 mm de longueur. Des capteurs de déplacement
(type Schlumberger AR5.0) sont utilisés pour mesurer la flèche à mi-portée et
l’ouverture des fissures. Ces capteurs ont une course de 10 mm (-5 ~ + 5). Pour
effectuer les mesures, le capteur de flèche est attaché sur un cadre fixé sur le corps
de poutre, et les capteurs d’ouverture des fissures sont reliés à la poutre par deux
supports collés.
700
120

150

support Capteur
120
Fig. 7 - Capteurs de mesure d’ouverture de fissures (vue de haut).

La charge maximale fournie par le vérin est de 500 kN. Du fait des limitations
imposées par le bâti de flexion, la charge maximale appliquée est limitée à 200 kN
pendant les essais. Les essais statiques sont pilotés par la flèche, et les essais de
fatigue sont pilotés en force.

Fig. 8 - Essai en flexion trois points.

190
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3 - Chargement de fatigue

3.1 - Histoire du chargement

Les essais de fatigue débutent par une rampe jusqu’à une force égale à la moyenne
(Fm) de la charge maximale (Fmax) et de la charge minimum (Fmin). Puis, on effectue
les cycles de fatigue entre Fmin et Fmax jusqu’à la ruine des éprouvettes, ou jusqu’à
deux millions de cycles. Cette procédure de chargement de fatigue est illustrée sur
la Figure 9. La fréquence des cycles, qui dépend de la presse utilisée et de la
raideur des éprouvettes, est fixée à 4 Hz.

force
cycles

Fmax

Fm

Fmin

rampe

temps

Fig. 9 - Histoire du chargement de fatigue.

Les acquisitions pendant les essais de fatigue sont les suivantes : la flèche à la mi-
portée, la déformation de l’armature au milieu de la poutre, l’ouverture des deux
fissures et les déformations du composite au milieu de poutre et au droit des deux
fissures.

Au cours de l’essai, les points de mesures sont sauvegardés tous les 0,5 kN
pendant l’application de la rampe (jusqu’à la moyenne de Fmin et Fmax), lors des
premiers cycles et lors des derniers cycles. Pour les cycles intermédiaires, on
n’enregistre que les pics et les vallées (valeur maximale et valeur minimale) des
différents paramètres à intervalles de cycles réguliers.

La charge moyenne provoquant la fissuration des poutres (HA10 et HA8) sans


renforcement est de 30 kN : une charge de 40%F0,7 est proche de cette valeur :
40%F0,7 = 22 kN pour les poutres HA8 et 40%F0,7 = 29,6 kN pour des poutres HA10.
C’est la raison pour laquelle nous avons choisi 40%F0,7 comme force minimale du
chargement de la fatigue.

191
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Afin d’étudier le mode de rupture de fatigue, plusieurs niveaux du chargement de


fatigue Fmin et Fmax seront utilisés par la suite.

3.2 - Comportement en fatigue des poutres non renforcées

Un exemple de procédure est présenté par la courbe effort / flèche sur la figure 10.

90
Cycle 2500
80

70

60 Cycle 1
Force en kN

50

40

30 prefissuration
rampe
20 premiers cycles
pics
10 vallées
derniers cycles
0
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 1,4
Flèche en mm

Fig. 10 - Procédure des essais de fatigue des poutres témoins.

Les charges de fatigue appliquées sur les éprouvettes et les résultats d’essais de
fatigue sont détaillés dans le Tableau 1. Comme nous ne mesurons que les
déformations d’armatures à mi-portée des poutres, les contraintes des armatures au
niveau des fissures sont calculées en utilisant la méthode analytique.

Les résultats des essais de fatigue sont également illustrés par les courbes flèche /
cycles, déformation de l’acier / cycles et l’ouverture de fissure / cycles (Figures 11 à
13). La rupture de fatigue de ce type de poutre est due à la rupture des armatures
au niveau de la fissure la plus ouverte. C’est une rupture brutale.

Les valeurs de pics et de vallées sont enregistrées à partir de 2500 cycles. La flèche
augmente rapidement pendant les premiers 2500 cycles. L’évolution de la flèche au
cours des cycles de fatigue peut être décomposée en trois phases : une phase de
croissance rapide, pendant environ 20% de la durée de vie, puis une phase de
croissance faible jusqu’à la ruine de structure, et finalement, une rupture brutale
L’ouverture des deux fissures est différente, mais les tendances d’évolution sont
semblables, avec des phases similaires à celles relevées pour la flèche.
La rupture en fatigue des armatures tendues se situe au niveau de la fissure la plus
ouverte.

En ce qui concerne l’évolution des déformations de l’armature tendue à mi-portée,


on note qu’avant rupture, les déformations de l’armature restent constantes.

192
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Autrement dit, il n’y a que deux phases : un palier constant et la phase de rupture.

Pour la poutre courte HA10 n° 20 (taux de renforcement des armatures tendues égal
à 0,62 %), lorsque la force maximale (Fmax ) du chargement de fatigue est égale à
environ 60% de la résistance ultime, il existe un risque de rupture en fatigue due à
l’effort tranchant (figure 14).

Tableau 1 : Résultats des essais de fatigue pour les poutres non renforcées.
poutre Charge de fatigue amplitude de Cycles à la Mode de rupture
(Fmin – Fmax: kN) contrainte d’armature rupture
(MPa)
fissure milieu
(calcul) (mesure)
poutres HA8
n012 (40 % -100 %) F0.7 244 160 511000 Un acier cassé,
= 21.6 - 54 autre en striction
n013 (40 % -100 %) F0.7 235 150 528000 Un acier cassé,
= 20.8 - 52 autre en striction
0
n 21 (5 % -100 %) F0.7 409 320 128997 Un acier cassé,
= 2.9 - 57 autre en striction
poutres HA10
n04 (40 % -100 %) F0.7 203 149 1257130 Deux aciers
= 27.8 – 69.5 cassés
n020 (40 % -100 %) F0.7 221 166 >1000000 Fissures d’effort
= 30.2 – 75.5 tranchant
n05 (5 % -100 %) F0.7 364 247 175000 Deux armatures
= 3.9 – 78.5 cassés

1,4
1,3
1,2 2 3
1
1,1
Flèche en mm

1
0,9
0,8
0,7
0,6 pic
0,5 vallée
0,4
0 100000 200000 300000 400000 500000 600000
Cycles

Fig. 11 - Evolution de la flèche en fonction des cycles


de poutre témoin (n012, HA8).

193
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

0,7

Ouvrtures de fissures en mm 0,6

0,5

0,4

0,3
pic fissure 1
0,2 vallée fissure 1
pic fissure 2.
vallée fisure 2
0,1
0 100000 200000 300000 400000 500000 600000
Cycles

Fig. 12 - Evolution des fissures en fonction des cycles


de poutre témoin (n012, HA8).

3500

3000
Déformation d'armature en

2500

2000
µm/m

1500

1000
vallée
500
pic
0
0 100000 200000 300000 400000 500000 600000
Cycles

Fig. 13 - Evolution des déformations de l’armature à mi-portée en fonction des


cycles de poutre témoin (n012, HA8).

La fatigue est caractérisée par des évolutions de fissures qui sont irréversibles. Sur
les figures précédentes, nous constatons que la réduction de raideur structurale
(croissance de flèche) suit l’augmentation d’ouverture de fissures. En revanche,
l’évolution des déformations de l’armature tendue à mi-portée ne correspond pas à
l’évolution d’ouverture de fissures. Lorsque l’ouverture des fissures s’accroît, la
déformation de l’armature au droit de la fissure augmente sans doute, mais, du fait
de la liaison entre béton et acier, ceci n’induit pas une augmentation de celle des
armatures en section médiane.

194
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 14 - Fissure d’effort tranchant due au chargement de fatigue


(poutre n020, HA10).

Sous une charge de fatigue à l’état de service (40 % - 100 % F0,7) correspondant à
une amplitude de contrainte au niveau des fissures égale à au moins 200 MPa, la
rupture de fatigue de l’armature est atteinte au bout d’environ 520000 cycles pour
les poutres HA8 et au bout d’environ 1200000 cycles pour les poutres HA10. Le
nombre de cycles à la rupture de ces poutres non renforcées est déterminé par
l’amplitude de contrainte au niveau de la fissure : plus l’amplitude de contrainte de
l’armatures est importante, plus le nombre de cycles à la rupture de fatigue est
faible.

3.3 - Comportement en fatigue de poutres courtes pré-fissurées renforcées

Afin d’étudier les comportements des poutres courtes fissurées et renforcées par
matériaux composites à l’état de service, les essais de fatigue sont tout d’abord
effectués avec le même niveau du chargement de fatigue (40 % - 100 %F0,7) que
celui appliqué sur les poutres non renforcées.

La procédure des essais de fatigue sur les poutres renforcées par le TFC est
identique à celle des poutres non renforcées. Nous fixons au préalable l'amplitude
des cycles 'F = Fmax – Fmin ainsi que l'effort maximal Fmin appliqués à la poutre de
sorte que l'état de contrainte dans les aciers reste dans le domaine élastique. La
charge F0,7 de pré-fissuration correspond approximativement à la charge de service
maximale applicable à la poutre, elle est alors prise ici comme référence pour la
borne supérieure des cycles de chargement. La poutre étant renforcée par
composite, la contrainte dans les armatures reste alors dans le domaine élastique,
même si Fmax dépasse F0,7 (un test à Fmax = 1,5x F0,7 a été réalisé).

Un chargement de fatigue à l’état de service (40 % - 100 %F0,7) est appliqué sur
trois poutres dont une armée par deux HA8 (poutre n°8) et deux armées par des
HA10 (poutres n°10 et n°19). Les chargements appliqués et les résultats des essais
de fatigue sont présentés dans le Tableau 2 et sont également illustrés par les
courbes flèche/cycles, déformation de l’armature/cycles, déformation du

195
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

composite/cycles et ouverture de fissures/cycles (cf. Figures 15 à 19). Les


amplitudes de contrainte dans les armatures tendues au niveau des fissures, en
accord avec celles issues d’un modèle éléments finis, sont obtenues par l’emploi
d’un modèle analytique.

Sous un chargement de fatigue à l’état de service (40 % - 100 %F0,7), la rupture en


fatigue des poutres renforcées n’est pas atteinte au bout de deux millions de cycles :
ainsi, la présence du tissu de carbone en faces tendue et latérales améliore
beaucoup la tenue en fatigue de la poutre pré-fissurée. En revanche, sous un
chargement de fatigue plus sévère, qui conduit à une amplitude de contrainte dans
armature au niveau des fissures d’au moins 200 MPa, une rupture en fatigue des
armatures est atteinte.

Les poutres renforcées, quel que soit leur mode de renforcement (mode a, b, c, d),
avant une charge produisant la fissuration d’effort tranchant (environ 140 kN), se
comportent quasiment de manière identique. Comme l’effort maximal du
chargement de fatigue dans les essais présentés est inférieur à cette charge, nous
ne distinguons pas le mode de renforcement pour les poutres renforcées sous
chargement de fatigue pour un niveau de service.

Tableau 2 : Résultats des essais de fatigue sur les poutres renforcées.


poutre Charge de fatigue amplitude de Nombre de Mode de rupture
(Fmin – Fmax: kN) contrainte cycles à la
armatures (MPa) rupture
fissure milieu
(calcul) (mesure)
poutres HA8
n°8 (40 % -100 %) F0.7 = 162 100 >2000000 Pas de rupture
21.2 - 53 en fatigue
n°16 1,5*(40 % -100 %) 250 140 266037 Rupture en
F0.7 = 32,6 – 81,6 fatigue d’effort
tranchant
n°23 1,1*(20 % -100 %) 265 180 / 360003 1er Rupture des
F0.7 = 13 - 65 260 acier 640002 deux armatures
2er acier tendues
n°24 1,2*(10 % -100 %) 321 207 / 280003 1er Rupture des
F0.7 = 7 - 70 274 acier 370003 deux armatures
2er acier tendues
poutres HA10
n°10 (40 % -100 %) F0.7 = 174 91 >2000000 Pas de rupture en
31 – 77.5 fatigue
n°19 (40 % -100 %) F0.7 = 163 85 >2000000 Pas de rupture
29,2 – 73 en fatigue

196
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La comparaison entre les résultats d’essai de fatigue des poutres renforcées et ceux
de poutres témoins (non renforcées) conduit aux remarques suivantes :
- Sous un chargement de fatigue à l’état de service, l’évolution de la flèche des
poutres renforcées en fonction du nombre de cycles est considérablement plus
faible que celle des poutres non renforcées. De plus, la flèche maximale des poutres
renforcées atteint environ 40% de celle des poutres non renforcées.

1,4
vallée
1,2 pic
pic (témoin)
1
Flèche en mm

vallée (témoin)

0,8

0,6

0,4

0,2

0
0 500000 1000000 1500000 2000000

Cycles

Fig. 15 - Evolution de la flèche au cours des cycles de fatigue (n°8)


- comparaison avec la poutre témoin.

- L’évolution de la somme des ouvertures de fissures en fonction des cycles de


fatigue est également plus faible que celle des poutres non renforcées. La somme
maximale des ouvertures des fissures atteint environ 40% de celle des poutres non
renforcées.

1,4
Somme d'ouvrture des fissures en mm

1,2 vallée
pic
vallée (témoin)
1 pic (témoin)

0,8

0,6

0,4

0,2

0
0 500000 1000000 1500000 2000000
Cycles

Fig. 16 - Evolution de la somme d’ouverture de fissures en fonction des cycles (no8)


- comparaison avec la poutre témoin.

197
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

- Pour les poutres renforcées ou non, les déformations dans l’armature au milieu de
la poutre restent constantes pendant l’essai de la fatigue. Par ailleurs, la déformation
(contrainte) maximale correspondante est égale à environ 45% de celle de poutres
non renforcées. Quant à elle, l’amplitude de déformations (contraintes) des
armatures des poutres renforcées est égale à environ 60% de celle des poutres
témoins.
3500
Déformation d'acier en µm/m

3000 vallée
pic
2500 vallée (témoin)
pic (témoin)
2000

1500

1000

500

0
0 500000 1000000 1500000 2000000
Cycles

Fig. 17 - Evolution des déformations dans l’armature (milieu) en fonction


du nombre de cycle (poutre n°8) - comparaison avec la poutre témoin.

Quel que soit le lieu de mesure (au niveau des fissures ou au milieu de la poutre),
l’évolution des déformations du TFC en fonction des cycles de fatigue (figure 18) se
décompose en deux phases : Une phase de croissance rapide et une phase de
croissance faible.

1200
Déformation dans TFC en µm/m

1000

800

600

400
vallée (fissure 1)
200 pic (fissure 1)
vallée (fissure 2)
pic (fissure 2)
vallée (milieu)
0 pic (milieu)
0 500000 1000000 1500000 2000000
cycles

Fig. 18 - Evolution des déformations du TFC en fonction des cycles (n°8).

198
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Dans la première phase, les déformations maximales dans le composite augmentent


d’environ 35% (de 800 Pm/m à 1076 Pm/m au niveau de la fissure 1). Dans la
deuxième phase, cette augmentation est d’environ 5% (de 1076 Pm/m à 1128 Pm/m
au niveau de la même fissure) au bout de 2 millions de cycle. La déformation
maximale (1128 Pm/m soit 0,11%) est très faible par rapport à sa déformation ultime
(1,33%).

Les déformations dans les armatures tendues à mi-portée de la poutre restent


sensiblement constantes pendant les cycles de fatigue (figure 19). Ceci provient
sans doute de la cohésion apportée par le béton entourant les armatures :
l’augmentation probable des déformations dans les armatures au droit des fissures
n’a aucun effet sur les déformations des armatures en section centrale. Par contre,
l’augmentation perceptible des déformations dans le composite en fonction du
nombre de cycles met en évidence le fait que la colle entre le composite et le béton
transmet des contraintes de cisaillement sur une longueur d’au moins 6 cm
(distance moyenne expérimentale entre la position de la fissure et la section
centrale.

En bref, la présence du composite en face tendue diminue la propagation potentielle


de fissure au cours des cycles successifs de fatigue (effet de pontage des fissures).
Pour cette raison, la rigidité des poutres renforcées est augmentée. Par ailleurs, la
redistribution de contraintes entre les armatures tendues et le composite (à un taux
de travail inférieur à 10%) diminue les niveaux et l’amplitude des contraintes dans
les armatures. La conséquence en est l’amélioration de la tenue à la fatigue de
poutres renforcées.

1200

1000
Déformation en µm/m

800

600

400

200 vallée (armature)


pic (armature)
vallée (TFC)
pic (TFC)
0
0 500000 1000000 1500000 2000000
cycles

Fig. 19 - Evolution des déformations du TFC (section médiane) en fonction


des cycles (poutre n°8)- comparaison avec celles de l’armature métallique.

199
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

4 - Conclusion

Sous un chargement à l’état limite de service, la tenue à la fatigue des poutres


renforcées est améliorée par rapport à celui des poutres sans renforcement,
soumises au même niveau de chargement.

La présence du composite en face tendue des poutres courtes fissurées permet de


limiter la propagation des fissures, et la redistribution des contraintes entre les
armatures tendues et le composite permet de réduire les contraintes maximales et
l’amplitude de contraintes dans les armatures tendues. Sous ce chargement de
fatigue à l’état de service, la contrainte de cisaillement entre le béton et le TFC est
relativement faible (moyennement 0,8~1,3 MPa) : la fatigue en cisaillement de la
résine n’est pas un paramètre critique pour le dimensionnement.

La rupture en fatigue des poutres courtes fissurées et renforcées du composite est


tout d’abord due à la rupture des armatures tendues au droit des fissures. La rupture
secondaire est la délamination du béton et le décollement à l’extrémité du
composite. Cela se passe après la rupture en fatigue des armatures, fonction de
l’amplitude de contrainte (dans le domaine élastique).

Que la poutre soit renforcée ou non, lorsque l’amplitude de contrainte dans les
armatures est supérieure à 200 MPa, la rupture en fatigue est probable à 2 millions
de cycles.

Pour le composite, le respect de la valeur limite à l’ELS des recommandations


AFGC [4], qui conduit à une contrainte limitée à environ 32,5% de sa résistance
ultime, permet de s’affranchir des risques de rupture en fatigue du composite.

Références Bibliographiques

[1] WU Ze Yi, Etude expérimentale du comportement des poutres courtes en


béton armé pré-fissurées et renforcées par matériaux composites ous
chargement statique et de fatigue, Doctorat de l’ENPC, 26 novembre 2004.
[2] BAEL91, Règles techniques de conception et de calcul des ouvrages et
constructions en béton armé suivant la méthode des états limites, mars 1992.
[3] EC2, Eurocode 2 : Design of concrete structure - prEN 1992-1-1, April 2002.
[4] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des
matériaux composites, Recommandations provisoires, décembre 2003.

200
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ FRETTAGE D’ÉLÉMENTS EN BÉTON ARMÉ SOUMIS À UNE PRESSION LOCALISÉE

VERÓK K.
Université des Sciences Techniques et Economiques, Budapest, Hongrie
BOULAY C., TAILHAN J-L., CLÉMENT J-L.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Une application potentielle des composites en génie civil concerne le renforcement


d’about de piles de pont en béton armé. Dans ce cas précis, la charge extérieure est
appliquée sur une surface plus petite que la section transversale de l’élément, ce qui
induit alors une pression localisée dans la pile.
L’idée de cette utilisation est issue des résultats obtenus au LCPC lors d’une étude
exhaustive de pressions localisées sur des bétons de différentes résistances
caractéristiques [1], où il a été proposé de déterminer la quantité d’armatures
transversales nécessaire à un comportement ductile d’un élément prismatique
soumis à une charge localisée, puis de comparer la valeur de la charge maximale
admissible à l’effort atteint expérimentalement.
L’objectif de cette étude de dimensionnement était de décrire, dans les conditions
réglementaires et pour une géométrie unique, le mécanisme de ruine de la zone
frettée et son évolution avec la résistance, puis de comparer les résultats
expérimentaux au règlement actuel, sur la base d’essais sur prismes identiques et
de résistances de béton variables : la marge de sécurité s’amenuise lorsque la
résistance augmente (Figure 1).
2,50
Marge de sécurité

2,25
2,00
1,75
1,50
1,25
1,00
0,75
0,50
0 50 100 150 200 250
fc28 [MPa]
Détection par capteur Détection visuelle

Fig. 1 - Marge de sécurité en fonction de la résistance caractéristique.

Cette comparaison est effectuée en considérant que l’état limite ultime des prismes
est atteint lorsque des fissures apparaissent, ce qui correspond à l’apparition d’un
mécanisme de bloc et marque le début d’une zone d’instabilité due à la rupture de
l’enrobage. Pour les bétons seuls, l’apparition des premières fissures témoigne de la
formation d’une pyramide due à un frettage localisé sous le poinçon de chargement

201
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

et pour les prismes armés, l’enrobage se dégrade et les efforts sont


progressivement repris par la section réduite des prismes (surface intérieure aux
cadres). Ce comportement a été observé au cours d’autres études publiées sur des
prismes armés soumis à une compression simple [2].
Un coefficient de correction en fonction de la résistance en compression du béton a
été proposé pour modifier l’impact du coefficient géométrique dans les Règles
technique de conception et de calcul des ouvrage et constructions en béton
précontraint, suivant la méthode des états-limites (BAEL) [3] lorsque cette
résistance dépasse 80 MPa. Cette étude a également mis en évidence que la
rupture des prismes soumis à une pression localisée est brutale et est atteinte dès
l’apparition des premières fissures.

D’où l’idée qui consiste à examiner les possibilités du renforcement d’abouts de


piles en béton et en béton armé à l’aide de tissus à fibre de carbone, dans le but de
modifier, le cas échéant, le comportement fragile en comportement ductile. Une
campagne expérimentale a alors été réalisée et les résultats obtenus ont été
analysés, en partie à l’aide de modélisations numériques. Cette étude fait partie d'un
programme international (thèse en co-tutelle entre l’École Nationale des Ponts et
Chaussées, France, et l’Université des Sciences Techniques et Économiques,
Budapest, Hongrie) géré par le gouvernement français [4].

1 - Les éprouvettes et leurs propriétés

Une formulation du béton « B0 » du LCPC a été choisie. La résistance moyenne du


béton et le module d’Young à 28 jours sont respectivement de 43,5 MPa et de 41,3
GPa.

Fig. 2 - Les types des prismes 200x200x600 mm testés.

La géométrie des prismes est la même que celle citée en [1] afin qu’une
comparaison soit possible entre les résultats. Les dimensions des prismes sont
200x200x600 mm. De cette manière, les mêmes moules sont utilisés et le ferraillage
béton armé, quand il existe, est identique. Au total, 8 prismes 200x200x600 mm ont

202
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

été coulés en 2001 : 2 prismes en béton non armé, 2 prismes en béton armé, 2
prismes en béton non armé renforcés par composite et 2 prismes en béton armé
renforcés par composite (Figure 2).
La géométrie détaillée d’un prisme armé est présentée sur la Figure 3 avec
l’emplacement des cadres et des aciers longitudinaux, la position des jauges sur le
deuxième cadre (en partant du haut) et le poinçon métallique de chargement.

Լ 100
4 x 38 = 152 24

HA 8
134

Լ 200
600

580
132

jauge
134

HA 10
24

20 160 20
200

Fig. 3 - Ferraillage d’un prisme 200x200-600 mm.

Les références des échantillons testés sont données dans le Tableau 1. Elles ont
été choisies en fonction des présences ou non de renforcement (Nue ou TFC) et de
ferraillage (AA : avec armatures, SA : sans armatures). Le matériau de renfort
composite est le TFC de Freyssinet International.

Tableau 1 : Références des prismes 200x200x600 mm.


Armature
TFC
sans avec
sans NueSA NueAA
avec TFCSA TFCAA

Les éprouvettes ont été démoulées 2 jours après le coulage et ont été stockées
dans une salle climatisée à 20°C sous une humidité relative constante de 50%. Les

203
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

cages d’armatures ont été préparées plusieurs mois avant le coulage du béton du
fait de la longue durée de la procédure de préparation des armatures (collage des
jauges sur les cadres, assemblage du ferraillage et mise en place dans les moules
métalliques).
Après le durcissement, les prismes de béton ont été préparés pour les essais. Leurs
faces d’extrémité ont tout d’abord été rodées afin d’obtenir des faces d’appuis
parallèles et perpendiculaires à l’axe longitudinal des prismes. Puis les arrêtes des
prismes destinés à être renforcés ont été rognées par rodage, pour éviter les
concentrations locales de contraintes dans le renfort composite entre deux faces à
90° [5-7]. Enfin, ces prismes ont été sablés sur leur moitié supérieure pour assurer
un meilleur collage entre le tissu composite et le béton.
Après cette phase de préparation, le tissu de fibres de carbone a été mis en place
par une équipe de Freyssinet International. Le tissu sec de fibres de carbone
(TORAYCA T 700SC 12 50C) employé comme renfort collé à l’aide d’une résine
époxy (DURCISSEUR XEP 3935A) constitue le TFC® [8]. Les caractéristiques du
TFC annoncées par Freyssinet sont des caractéristiques minimales garanties :
résistance en traction de 1400 MPa et module d’Young de 105 GPa.
La surface du béton est enduite de résine après mélange des constituants, la bande
est positionnée puis imprégnée par une couche de fermeture. Pour compléter la
polymérisation de la résine, les prismes renforcés ont été stockés durant une
période de 10 jours.
Avant essais, des jauges de déformation ont été collées horizontalement en vis-à-vis
de celles du cadre instrumenté, sur le composite et sur les quatre faces. Deux
jauges verticales ont également été placées au milieu de deux faces opposées sur
l’un des prismes.

2 - Principe des essais réalisés

Les essais ont été effectués à l’aide d’une presse d’une capacité maximale de 5000
kN (MFL) dotée de plateaux circulaires de 320 mm de diamètre.
En plus des jauges de déformation, l’instrumentation des éprouvettes comprend 4
capteurs longitudinaux et 4 capteurs transversaux.
4 capteurs de déplacement (LVDT) longitudinaux (Gréel), d’une course de
r5 mm et calibrés 1 V/mm, sont fixés sur 4 tiges vissées autour du plateau inférieur
de la presse. Leur moyenne est utilisée pour piloter l’essai au début du chargement,
Cette mesure inclue donc les déplacements élastiques de l’éprouvette, du poinçon
et du plateau inférieur, auxquels vient s’ajouter le déplacement anélastique de
l’éprouvette.
Les 4 capteurs de déplacement (LVDT) transversaux sont du même type que les
capteurs longitudinaux. Ils sont fixés sur un cadre spécial positionné à l’aide de
ressorts sur des appuis aluminium collés sur le tissu au niveau du deuxième cadre,
sur les arrêtes verticales du prisme. Leur moyenne est utilisée pour piloter l’essai à
la fin du chargement.
Pour les éprouvettes non renforcées, les mesures sont complétées par un relevé de
fissures effectué sur des transparents maintenus sur les quatre faces des

204
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

éprouvettes.
L’instrumentation complète d’un prisme non renforcé en place est présentée sur la
Figure 4.
Tous les capteurs et jauges de déformation sont connectés à une centrale
d’acquisition (HP3852) et à un ordinateur, qui enregistre également l’effort appliqué
à l’éprouvette d’essai.

Poinçon (100x100x20 mm)


Vérin
Capteur longitudinal (Gv)
(Gréel)

Capteur transversal
(Gt)

Fig. 4 - Configuration des essais statique.

Enfin, tous les essais sont doublés (indices 1 ou 2 après la référence des prismes
par la suite), afin de pouvoir estimer leur dispersion et pouvoir ainsi justifier des
conclusions de notre étude. Il est à noter que l’épaisseur du poinçon de chargement
est de 10 mm, ce qui constitue une limite à nos essais en terme d’enfoncement.

3 - Résultats des essais quasi-statiques

Les courbes expérimentales « effort - enfoncement du poinçon » obtenues sont


représentées sur la Figure 5. Pour une même configuration de prismes, les résultats
sont proches. Les comportements obtenus sont toutefois très différents suivant la
configuration des prismes :
- L’effort des prismes non armés et non renforcés (NueSA) atteint une valeur
maximale puis chute rapidement. La rupture de ces éprouvettes sous pression
localisée est fragile, c’est une rupture du béton en traction.
- Pour les prismes en béton non armé et frettés (TFCSA), un maximum d’effort est
également atteint de manière sensiblement linéaire, mais la chute d’effort est
régulière et tend à se stabiliser à une valeur constante. L’essai s’est terminé à 10

205
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

mm d’enfoncement du poinçon, sans observer de rupture du composite.


- L’effort des prismes en béton armé et non renforcés (NueAA) atteint une valeur
plus élevée de manière non linéaire, et chute ensuite. L’essai est arrêté dès que les
fissures observées sont trop ouvertes et mettent en péril le système de pilotage par
capteurs horizontaux pour, suivant l’essai, 4 ou 6 mm d’enfoncement du poinçon.
- Enfin, le comportement des prismes en béton armé et frettés (TFCAA) est de
même nature que le précédent, avec un niveau de charge atteinte plus élevé, et une
partie descendante très régulière. Là encore, l’essai a été stoppé dès que
l’enfoncement du poinçon atteint 4 ou 6 mm.

1400

1200

1000
Effort [kN]

800
1500
600 1000
500
400
0
200 0 5 10

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Déplacement [mm]
NueSA1 TFCSA1 NueAA1 TFCAA1
NueSA2 TFCSA2 NueAA2 TFCAA2

Fig. 5 - Courbes « effort - enfoncement du poinçon »


des prismes 200x200x600 mm.

La capacité portante des prismes augmente en fonction du niveau de renforcement.


Le prisme le moins résistant est le prisme en béton seul. Le prisme en béton seul
fretté a une grande capacité de déformation. Le prisme béton armé a un
comportement plus ductile. Le prisme en béton armé et fretté supporte la charge la
plus élevée et à la plus grande capacité de déformation.
L’emploi d’un matériau au comportement élastique fragile, le composite en place,
permet ainsi d’augmenter de manière importante la capacité de déformation des
prismes, qu’ils soient initialement armés ou non.

4 - Analyse des résultats

4.1 - Comportement global (effort - déplacement)

Les résultats des essais sont rassemblés dans le Tableau 2.


Les prismes NueSA1 et NueSA2 sont seulement constitués de béton. Leur

206
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

comportement est linéaire jusqu’à environ 600 kN. La charge croit ensuite de
manière non linéaire jusqu’à 851 kN en moyenne. La rupture est brutale, l’effort
chute brusquement, l’éprouvette ne supporte plus de charge. Les relevés des
fissures sur les quatre façes indiquent une fissuration visible à la surface juste
quelques kN avant la rupture, cohérente avec le comportement d’ensemble fragile
obtenu.
Le comportement des prismes en béton non armé fretté (TFCSA1 et TFCSA2) est
similaire au précédent, avec une partie linéaire jusqu’à environ 800 kN et un pic
d’effort mesuré de 1032 kN en moyenne. L’augmentation de la charge ultime est de
20%. Par contre, après le pic d’effort, ces prismes ne sont pas rompus, et ils sont
encore capables de supporter 620 kN en moyenne, jusqu’à 10 mm d’enfoncement
du poinçon. La fissuration du béton, si elle existe, est située derrière le composite
collé et n’est pas accessible.
Les prismes en béton armé (NueAA1 et NueAA2) non frettés sont plus résistants
que les précédents. Leur comportement est différent. La présence des armatures
(armatures longitudinales et cadres) influe sur le comportement des prismes. Un
comportement linéaire a également été observé jusqu’à environ 600 kN, et la
fissuration visible sur les faces débute à partir de 716 kN en moyenne. Les fissures
se propagent relativement vite dans la partie croissante non linéaire des courbes de
comportement. Le pic d’effort est enregistré à 1143 kN quand la zone d’enrobage de
la cage d’armature est presque totalement désolidarisée du noyau du béton, dans la
partie haute des prismes. Le noyau de béton est fretté par les armatures. Après
atteinte de l’effort maximal, il y a une branche adoucissante jusqu’à la fin des
mesures. Au cours de ces essais, on ne maîtrise pas le moment où l’enrobage de
béton va tomber.

Tableau 2 : Résultats des essais pour l’ensemble des prismes.


Ffissure
Fmaximal
Prismes (Faces d’apparition)
[kN] [kN]
NueSA1 795 (F4, F2) 831
NueSA2 855 (F3, F4) 885
sans composite
NueAA1 710 (F1, F4) 1115
NueAA2 722 (F4, F1) 1172
TFCSA1 1037*
TFCSA2 1028*
avec composite N/A
TFCAA1 1275*
TFCAA2 1273*
* Les éprouvettes ne sont pas rompues, les essais ont été stoppés à cause de la limite
d’enfoncement du poinçon (près de 10 mm d’enfoncement).

Enfin, les prismes les plus résistants sont les prismes en béton armé fretté (TFCAA1
et TFCAA2). Au début du chargement, leur comportement est identique à celui des
prismes en béton armé non fretté, ce qui indique qu’il n’y a pas encore d’effet de
frettage. La phase non linéaire croissante est plus longue, grâce à l’effet du frettage

207
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

du tissu. Le pic d’effort est enregistré à 1274 kN. Comme l’enrobage est stabilisé par
la présence du tissu, la branche adoucissante est moins raide et beaucoup plus
longue. Aucune fissure visible n’a été détectée (présence du tissu).

4.2 - Comportement local (déformations armatures et tissus de carbone)

Pour mieux comprendre le comportement des prismes, une analyse des évolutions
des déformations/contraintes dans les armatures métalliques et le composite, en
liaison avec le comportement global observé, est nécessaire.
D’après les mesures, tous les prismes ont le même comportement dans la zone
élastique, jusqu’à environ 500 kN (Figure 5). Après ce niveau de charge, l’effet des
armatures dans les prismes (frettés ou non par composite) apparaît. La raideur des
prismes armés (frettés ou non) semble plus faible que celle des prismes non armés
(frettés on non), ce qui peut paraître a priori étonnant.
Une explication de ce phénomène peut être la suivante : les valeurs de charge
correspondant aux premières fissures observées (tableau 2) indiquent que les
prismes armés se fissurent plus tôt que les prismes non armés.
Dès que l’effort augmente et que l’effort localisé se diffuse dans le noyau du béton,
la cage d’armature essaye de bloquer les déformations du béton dans la direction
transversale. Par contre rien n’empêche la déformation transversale du béton
d’enrobage qui tend à se séparer du noyau de béton, avec vraisemblablement des
déformations d’extension localement élevées à la jonction entre ces deux zones.
Vers 500 kN, la contrainte dans les cadres est toujours faible, autour de 30 MPa
environ, quel que soit le type de renforcement (Figure 6).

700 1400
Contrainte des cadres [Mpa]

600 1200

500 1000
Effort [kN]

400 800

300 600

200 400
Contraintes des cadres dans les prismes armés
Contraintes des cadres dans les prismes armés frettés
100 Prismes armés
200
Prismes armés frettés
0 0
0 2 4 6 8 10 12
Déplacement vérin [mm]
Fig. 6 - Comparaison des contraintes dans le cadre instrumenté.

208
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Avec l’augmentation de la charge, la contrainte dans les cadres augmente


rapidement. Le niveau de contrainte atteint pour les prismes BA non armés est
supérieur à celui atteint pour les prismes BA renforcés.
Le comportement local est différent après le pic d’effort : pour les prismes BA non
frettés, la contrainte dans les cadres augmente jusqu’à plastification. Pour les
prismes BA frettés, la contrainte dans les cadres reste inférieure à la limite
d’élasticité. Dans ce cas, le tissu et les armatures travaillent conjointement. De
même, pour la même valeur de déplacement du vérin, la contrainte dans le
composite est plus élevée en présence des cadres, le composite doit bloquer les
déformations radiales du béton d’enrobage (Figure 7).

1400 1400

1200 1200
Contrainte du TFC [Mpa]

1000 1000

Effort [kN]
800 800

600 600

400 400
Contraintes du TFC dans les prismes frettés
Contraintes du TFC dans les prismes armés frettés
200 200
Prismes frettés
Prismes armés frettés
0 0
0 2 4 6 8 10 12
Déplacement vérin [mm]
Fig. 7 - Comparaison des contraintes dans le composite.

La plus forte augmentation de contrainte dans le composite est observée à partir du


pic d’effort : le composite est sollicité en traction quand la déformation transversale
atteint des valeurs élevées.
Au cours de ces essais, le composite n’a jamais été sollicité au maximum de sa
capacité (800 MPa au maximum) : sa déformation ultime est de 13,7 mm/m qui
correspond à une contrainte de 1440 MPa en traction, d’où une « réserve »
d’environ 600 MPa, car il n’y a pas de risque de rupture locale du composite au
niveau des arrêtes chanfreinées [5-7].

4.3 - Faciès de rupture

Le but de cette étude de renforcement de prismes 200x200x600 mm soumis à une


pression localisée est d’augmenter le niveau de sécurité et de modifier le type de
rupture. Dans les paragraphes précédents, il a été mis en évidence que le
renforcement par composite augmente légèrement la capacité portante des prismes,

209
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

mais sa présence modifie surtout le type de rupture potentielle. A la place d’une


rupture brusque, ruine totale du béton seul ou ruine complète de l’enrobage du
prisme en béton armé, celle des prismes frettés est plutôt ductile.
Le comportement observé ne concerne que l’effet de frettage par composite d’une
section carrée. Dans le cas d’une section circulaire, l’effet de frettage est idéal : le
renforcement sera rapidement soumis à de la traction, de manière uniforme. Par
contre, sous l’action d’un effort normal, une section carrée va se déformer plus ou
moins librement au milieu des faces de l’éprouvette, sans solliciter de suite le
composite, du fait d’une pression radiale non uniforme [9-10].
Quand la déformation devient assez importante aux milieux des faces, le
renforcement extérieur commence à travailler en traction. Le composite reprend de
plus en plus de charge, mais pour des valeurs de déformations transversales du
béton qui correspondent à sa charge ultime. Cela peut expliquer la faible
augmentation de la capacité portante des prismes non armés renforcés par rapport
à celle des prismes non armés non renforcés, dans le cas d’une section carrée.
Néanmoins, le renforcement extérieur employé est assez résistant pour retarder la
destruction totale du béton, sans se rompre, ce qui explique la phase de ductilité
observée pour les prismes renforcés, armés ou non.
Quel que soit le type de prisme, l’effet d’un chargement de pression localisée se
traduit par des ruptures locales particulières du béton, sous le poinçon de
chargement. Sur le périmètre de la surface de contact entre le prisme et le poinçon,
le béton est soumis à de fortes contraintes de cisaillement qui font naître une sorte
de pyramide de frettage. Au cours du chargement, cette pyramide s’enfonce dans le
noyau du béton, ce qui induit des déplacements transversaux élevés dans la partie
supérieure des prismes, d’où une fissuration longitudinale importante.
Les prismes armés et armés frettés ont été sciés en deux dans le sens longitudinal
après essais, pour déterminer l’angle d’inclinaison des pyramides de frettage. Les
résultats obtenus sont donnés dans le Tableau 3. L’angle augmente avec le niveau
de confinement : plus l’effet de blocage transversal est important, plus la pyramide
est courte.

Tableau 3 : Les angles des pyramides de frettage pour l’ensemble des prismes
Prismes Angle de la pyramide de frettage
Prismes non armés, non frettés 30°
Prismes non armés, frettés 36°
Prismes armés, non frettés 37°
Prismes armés, frettés 42°

5 - Calculs numériques

5.1 - Introduction

L’intérêt de la réalisation de calculs numériques est d’avoir la possibilité d’examiner


les effets de différents paramètres sur le comportement d’abouts de piles frettées,

210
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

sans être obligé d’effectuer des essais coûteux. Ceci n’est possible que si les
modélisations ont été validées par comparaison avec des résultats expérimentaux.
Les quelques calculs numériques écrits ici, sont présentés afin de mettre en
évidence la difficulté du traitement numérique d’un problème a priori simple.
Exercer une pression localisée sur un poteau en béton (armé ou non, renforcé ou
non) est en soit un problème mécanique fortement tridimensionnel. Sa modélisation
numérique « rigoureuse » par la méthode des éléments finis va donc être sujette
aux difficultés inhérentes d’une approche tridimensionnelle : lourdeur du calcul, elle-
même conditionnée par un nombre d’éléments plus élevé que dans une approche
bidimensionnelle simplifiée par exemple.
En outre, l’observation expérimentale a montré que les modes de rupture sont de
nature très fortement localisée, et qui plus est, intimement liés aux conditions aux
limites (le frottement entre le poinçon et la surface supérieure du prisme doit jouer
un rôle non négligeable sur l’orientation des facettes du « cône » de frettage).
La modélisation numérique de ce type de problème doit parvenir à prendre en
compte au mieux ce genre de caractéristiques. En ce qui concerne la modélisation
d’une rupture localisée, comme par exemple la fissuration du béton, différentes
méthodes existent actuellement [10-11]. De façon très schématique, on peut
considérer qu’elles se regroupent en deux familles basées soit sur une approche
continue (description de zones à forts gradients), soit sur une approche discrète
(prise en compte explicite de la discontinuité matérielle).
Quelle que soit la méthode utilisée, la fissuration du béton reste un problème de
localisation qui se traduit par une rupture locale du matériau souvent par traction
excessive. Le béton a, par contre, un comportement adoucissant en traction qui
pose certains problèmes dans la modélisation de ce type de comportement. Par
exemple, ce comportement modifie, à l’échelle du matériau, la nature des équations
d’équilibre alors que les conditions aux frontières restent inchangées ou, à l’échelle
de la structure, les pertes d’unicité de la solution et de la stabilité du système
d’équations décrivant l’équilibre global.
La traduction numérique de ces phénomènes souffre d’une forte dépendance de la
finesse du maillage ainsi que de son orientation.
Ainsi, des modélisations bidimensionnelles et tridimensionnelles ont été réalisées.
L’intérêt des calculs 2D est qu’ils sont plus simples et plus rapides, donc moins
coûteux. Cependant, il faut établir des hypothèses permettant d’approcher au mieux
la réalité (l’effet de frettage induit par la présence du tissu composite est pris en
compte par exemple par des éléments de type « ressort »). Ensuite, en 2D, il faut
choisir entre les calculs en contraintes planes et les calculs en déformations planes.
Les calculs élastiques en 3D et les tentatives de calculs non linéaires en 3D ont été
réalisés, mais ils sont longs et n’ont pas encore donné de résultats satisfaisants.
L’intérêt des calculs 3D en élasticité est qu’ils fournissent certaines informations
comme l’endroit probable d’apparition de la première fissuration, grâce à la
visualisation de la contrainte principale majeure.
Les calculs non linéaires 2D permettent d’avoir des informations complémentaires
par rapport à des calculs 3D en élasticité. Dans cette approche, l’effet de frettage du
tissu composite est pris en compte à l’aide de ressorts élastiques entre les deux

211
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

lignes extérieures du maillage, mais l’effet du frettage dans l’autre direction ne peut
être pris en compte qu’en 3D.

5.2 - Résultats des calculs

Les calculs 2D ont été réalisés en contraintes planes et en déformations planes. Les
prismes en béton et en béton armé sont modélisés par des éléments massifs
quadratiques à 8 nœuds MBQ8, et les armatures par des éléments barres BB2.
L’effet de frettage induit par la présence du tissu est pris en compte par des
éléments de type « ressort » qui connectent les nœuds en vis-à-vis des faces
latérales, et permettent d’appliquer ainsi des efforts de rappel, fonctions du
chargement appliqué (enfoncement du poinçon).
Le comportement du béton est supposé être, en compression, élasto-plastique avec
écrouissage [12] et est implanté dans le module MCNL de CESAR-LCPC [13],
dédié aux calculs non linéaires en mécanique statique. Le critère utilisé, dit de
William & Warnke [14] à trois paramètres, est un critère de type Drucker-Prager.
Les armatures métalliques sont supposées rester élastiques.
Le tissu de renforcement présente expérimentalement un comportement de type
élastique fragile.
Malgré les limites des calculs 2D, les modélisations bidimensionnelles permettent de
mettre en évidence :
- l’effet de la présence des renforcements internes ou externes sur le comportement
local,
- les zones plastifiées qui représentent globalement les constatations
expérimentales
- la présence de la forte concentration de plasticité près des extrémités du poinçon,
- l’augmentation de la charge maximale obtenue en cas de frettage, et le gain
notable de ductilité, et même si les ordres de grandeurs ne sont pas ceux de
l’expérience, les tendances sont globalement conservées et vont dans le même
sens, et
- que les mêmes constatations peuvent être faites sur les modélisations relatives au
béton armé et béton armé renforcé, mais dans des amplitudes nettement plus
faibles.

Par contre, la modélisation bidimensionnelle :


- ne peut pas prendre en compte correctement l’effet de frettage, car ce phénomène
est fortement tridimensionnel, (et dépend de la forme de la section droite de
l’élément) et donc,
- surestime l’effort global maximal supporté par les prismes, et
- sous-estime les singularités géométriques dues à la présence d’armatures,

Une comparaison entre les calculs 2D et 3D pour les prismes en béton seul montre
le fait que la modélisation 3D permet de s’approcher un peu mieux du résultat
expérimental, notamment en terme de raideur. L’effort maximal obtenu dans le
calcul 3D est également légèrement plus faible que celui obtenu en 2D. Ces deux

212
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

points illustrent clairement l’impact du caractère fortement tridimensionnel de la


déformation plastique (et donc de la fissuration) sur la réponse globale.
Compte tenu de la lourdeur inhérente à un calcul tridimensionnel, ces simulations
n’ont pas été poursuivies dans les autres configurations (du moins dans le cadre
strict de cette étude).

6 - Conclusions

Une application potentielle des composites en génie civil a été étudiée dans cette
étude, qui concerne le renforcement d’about de piles de ponts en béton armé par
l’emploi d’un tissu composite à base de fibres de carbone. Dans ce cas précis, la
charge extérieure est appliquée sur une surface plus petite que la section
transversale de l’élément, ce qui induit une pression localisée dans la pile.
Constitués de béton armé, de tels éléments ont un comportement relativement
fragile, avec une fissuration importante du béton d’enrobage qu’il est difficile de
maîtriser. Il est montré, qu’avec la présence d’un renforcement extérieur composite,
la charge ultime des prismes renforcés (TFCSA) augmente d’environ 10% par
rapport à celle de prismes en béton (NueSA). Cette augmentation est d’environ 20%
pour un prisme armé et renforcé (TFCAA) par rapport au même prisme seulement
armé (NueAA). Les raideurs initiales ne sont pas modifiées.
L’efficacité du renforcement à l’aide du tissu à fibre de carbone est manifeste dans
la capacité de déformation des éléments. Dans les cas de renforcement par
composite, on a mesuré des déplacements très importants : les prismes renforcés
ont une grande capacité de déformation, et au cours de nos essais, limités en
déplacement, leur rupture n’a jamais été obtenu, même vers 10 mm d’enfoncement
du poinçon de chargement.
Le résultat essentiel de cette étude est que l’on a réussi à modifier le type de
rupture, de brutale et fragile à ductile.
Les analyses numériques effectuées sont qualitatives. Elles mériteraient d’être
approfondie.

Références Bibliographiques

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Etude du dimensionnement des éléments de structure en BTHP soumis à des
forces de compression localisées, BHP 2000, Projet National: Béton à Hautes
Performances, LCPC, Paris, France, novembre 2000.
[2] CUSSON D, PAULTRE P., High-strength concrete columns confined by
rectangular ties, Journal of Structural Engineering, ASCE 120(3), pp. 783-804,
1994.
[3] Règles BAEL 91, « Règles technique de conception et de calcul des ouvrage et
constructions en béton précontraint, suivant la méthode des états-limites »,
Troisième Edition, Edition Eyrolles, p. 333, 2000.
[4] VERÓK K., Renforcement des structures en béton armé à l’Aide de matériaux

213
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

composites : étude du frettage et applications, thèse de l’ENPC, 18 mars 2005.


[5] ROCHETTE P., LABOSSIÈRE P., Axial testing of rectangular column models
confined with composites, Journal of composites for construction, pp. 129-136,
August 2000.
[6] SUTER R., PINZELLI R., Confinement of Concrete Columns with FRP sheets,
Proceedings of the fifth international conference on fibre-reinforced plastics for
reinforced concrete structures, Cambridge, UK, 16-18 July 2001.
[7] COLE C., BELARBI A., Confinement characteristics of rectangular FRP-
jacketed RC columns, Proceedings of the fifth international conference on fibre-
reinforced plastics for reinforced concrete structures, Cambridge, UK, 16-18
July 2001.
[8] “Cahier des Causes Techniques” du TFC - FREYSSINET, Enquête technique
SOCOTEC n° FX3671 d’Octobre 1998.
[9] SAATCIOGLU M., RAZVI S.R., Displacement-based design of reinforced
concrete columns for confinement, ACI Structural Journal, pp. 3-11, January-
February 2002.
[10] JIRÁSEK M., Objective modeling of strain localization, Numerical Modelling in
Geomechanics, Revue Française de Génie Civil, 6/2002, pp 1119-1132, 2002.
[11] JIRÁSEK M., Numerical modeling of strong discontinuities, Numerical
Modelling in Geomechanics, Revue Française de Génie Civil, 6/2002, pp.
1133-1146, 2002.
[12] ULM F.J., Un modèle d’endommagement plastique : application aux bétons de
structure, Etudes et recherches des Laboratoires des Ponts et Chaussées,
OA19, 1996
[13] HUMBERT P., Un code général de calculs aux éléments finis, Bulletin de
liaison des Laboratoires des Ponts et Chaussées, n°160 , pp. 112-116, 1989.
[14] WILLAM K.J., WARNKE E.D., Constitutive Model for the Triaxial Behavior of
Concrete, Proceedings of the International Association for Bridge and Structural
Engineering, Vol. 19, ISMES, Bergamo, Italy, p. 174, 1975.

214
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ DÉVELOPPEMENT D’UN MODÈLE DE FRETTAGE AVEC PRISE EN COMPTE DU


VIEILLISSEMENT DES MATÉRIAUX

VERÓK K.
Université des Sciences Techniques et Economiques, Budapest, Hongrie
CLÉMENT J-L., BOULAY C., Le MAOU F.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris

Résumé

Attachée à l’opération de recherche « Réparation et renforcement des structures de


génie civil par l’emploi de matériaux composites » du Laboratoire Central des Ponts
et Chaussées, une campagne expérimentale exploratoire a été lancée en 1999. Le
plan d’expérience de cette campagne expérimentale a été défini de manière à
répondre à certaines questions qui restent encore ouvertes, après analyse de la
bibliographie.
L’influence du temps sur l’efficacité du renforcement extérieur est étudié sur
éprouvettes cylindriques. Trois séries d’essais ont été lancées : des essais de
frettage d’éprouvettes en béton par tissus de fibres de carbone (TFC) au « jeune
âge », des essais de fluage sur éprouvettes frettées par composites et des essais
de frettage d’éprouvettes en béton « âgé » par tissus de fibres de carbone.
L’étude expérimentale du frettage d’éprouvettes ‡160/320 mm de béton par tissu
sec de fibres de carbone permet d’évaluer la performance des modèles existants, et
surtout justifie le développement d’un modèle qui décrit à la fois les évolutions des
déformations longitudinales et transversales, et dont le domaine d’application et les
limites sont clairement identifiés.
L’étude expérimentale du fluage d’éprouvettes ‡160/1000 mm de béton par tissus
sec à fibres de carbone a été réalisée en parallèle aux essais de frettage. Cette
étude permet d’étudier le comportement des éprouvettes frettées par composite
sous différents niveaux de charges et de vérifier la performance et les limites des
modèles existants dans la littérature.
Toutes les études décrites dans la littérature concernent des éprouvettes renforcées
au « jeune âge ». De manière quasi systématique, le renforcement des éprouvettes
par composite a eu lieu juste après le durcissement du béton. Par contre, les
éléments réels en béton armé qui sont à renforcer sont constitués de béton âgé et
ont déjà été soumis à des sollicitations de fluage. Les études courantes en
laboratoire ne concernent que des bétons âgés de 28 jours à quelques mois et des
éprouvettes qui n’ont jamais été chargées.
L’objectif de notre étude est d’évaluer les performances du frettage par matériaux
composites d’éprouvettes en béton « âgé » et ayant déjà été chargées.
Ainsi, des éprouvettes ‡160/320 mm et ‡160/500 mm ont été réalisées à partir
d’éprouvettes de fluage ‡160/1000 mm âgées de deux ans, et nous avons effectué
une étude complémentaire du frettage. Cette étude expérimentale du frettage
d’éprouvettes ‡160/320 mm et ‡160/500 mm de béton par tissus sec de fibres de
carbone permet de plus d’évaluer la performance du modèle qui décrit à la fois les

215
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

évolutions de déformations longitudinales et transversales à n’importe quel âge du


béton renforcé.
Cette étude fait partie d'un programme international (thèse en co-tutelle entre l’École
Nationale des Ponts et Chaussées, France et l’Université des Sciences Techniques
et Économiques de Budapest, Hongrie) géré par le Gouvernement français [1].

1 - Frettage d’Eprouvettes de béton « jeune » par tissus de fibres de carbone

1.1 - Les éprouvettes et leurs propriétés

Une formulation du béton « B0 » du LCPC a été choisie. La résistance moyenne du


béton et le module d’Young à 28 jours sont respectivement de 43,5 MPa et de 41,3
GPa. 6 éprouvettes ‡160/320 mm destinées à la réalisation d’essais statiques ont
été coulées, quatre cylindres avec renforcement et deux sans renforcement en
variant le type d’enroulement : en spirale ou en bandes parallèles (Figure 1).

sans renforcement enroulement enroulement


en bandes parallèles en spirale

N°2 N°4 N°3 N°5 N°1 N°6


Fig. 1 - Les types des cylindres ‡160/320 mm.

Les éprouvettes ont été démoulées au bout de 2 jours et ont été recouvertes d’une
feuille de papier d'aluminium pour qu’elles gardent leur humidité. Après le
durcissement des éprouvettes de béton stockées à 20°C et à humidité constante,
les cylindres ont été renforcés.
Un tissu sec de fibres de carbone (TORAYCA T 700SC 12 50C) a été employé
comme renfort collé à l’aide d’une résine époxy (DURCISSEUR XEP 3935A). Cette
structure composite est le TFC® [2]. Les caractéristiques du TFC annoncées par
Freyssinet sont des caractéristiques minimales garanties dont la résistance en
traction vaut 1400 MPa et le Module d’Young 105 GPa.
En général, une préparation de la surface est recommandée avant l’application du
tissu sur le béton : nos éprouvettes fabriquées en conditions de laboratoire n’en ont
pas eu besoin.
La surface est enduite avec la résine époxydique préalablement préparée par
mélange des composants, la mise en place du tissu imprégnée par la résine en
fonction du type d’enroulement choisi est réalisée. Ensuite, pour assurer une
adhésion suffisante aux extrémités de la bande de renfort, deux bandes parallèles

216
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

supplémentaires en tissus ont été appliquées sur les parties inférieure et supérieure
des éprouvettes. Enfin, en répétant les étapes précédentes, les différentes
éprouvettes ont été fabriquées en variant le type d'enroulement mais uniquement
avec une épaisseur toujours fixée à deux couches de tissu, obtenue par un
recouvrement d’une demi-largeur de bande. La fin de la pose consiste à appliquer
une couche de fermeture de résine sur l’ensemble du composite.
Pour compléter la polymérisation de la résine, les éprouvettes renforcées ont été
stockées durant une période de 10 jours à 20°C et 50% d’humidité relative.

1.2 - Principe des essais réalisés

Les essais ont été effectués avec une presse d’une capacité maximale de 5000 kN
(MFL), dotée de plateaux circulaires de 320 mm de diamètre.
L’instrumentation des éprouvettes consiste en 2 fois 3 capteurs longitudinaux et
3 capteurs transversaux (Figure 2).

Vérin
(Gv)

Capteur longitudinal (3 pièces)


Capteur longitudinal
(Gl)
(Gréel)

Extensomètre
Capteur transversal (3 pièces)
L’éprouvette (Gt)

Fig. 2 - Configuration des essais statiques.

Tous ces instruments ont été connectés à une centrale d’acquisition (HP3852) et à
un ordinateur qui a enregistré les signaux issus des capteurs et de la presse (effort).

1.3 - Résultats des essais quasi-statiques

Avant de tracer les courbes « déformations - contraintes », les mesures ont été
corrigées pour que les perturbations (faux déplacement quand le vérin touche
l’éprouvette par exemple) au début des mesures soient évitées [3]. Les mesures
effectuées sont présentées sur la Figure 3.
Les courbes « contrainte axiale - déformations » des éprouvettes confinées sont
quasiment bilinéaires en présence du frettage. La première branche correspond au
comportement du béton non confiné alors que la seconde branche se rapproche
d’un comportement plastique et quasi linéaire.
Au début du chargement, il n’y a pas de différence significative entre le

217
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

comportement des éprouvettes frettées ou non, ce qui signifie que le rôle du


composite n’est effectif qu’une fois la contrainte maximale du béton non fretté
atteinte (ou approchée), et les éprouvettes frettées supportent alors plus de charge.

120
Contrainte axiale [MPa]

100

80
Contrainte axiale [MPa]

120
100
6080
60 Eprouvettes frettées
40
40
20
0 Eprouvettes non frettées
20 -15 -10 -5 0 5 10 15

Déformation longitudinale Déformations [mm/m] Déformation transversale


0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]

N1 N2 N3 N4 N5 N2 N6

Fig. 3 - Les mesures sur les éprouvettes ‡160/320 mm.

Il y a alors un changement de comportement du béton en présence du renfort et le


béton fretté semble être ductile. Cette ductilité provient de l’effet du frettage et le
béton est soumis à un chargement triaxial.
La capacité de déformation des éprouvettes frettées augmente fortement par rapport
à celles non frettées. Avec deux épaisseurs de bandes de tissu à fibres de carbone,
cette augmentation atteint en moyenne 400%.

1.4 - Développement d’un modèle de frettage

La plupart des modèles existants peuvent être (re-)identifiés à partir de courbes


expérimentales, mais leur structure ne leur permet pas d’être employés dans des
applications numériques. Pour estimer la résistance ultime du béton fretté, ces
modèles sont basés sur la forme simplifiée et modifiée du critère de rupture de
Mohr-Coulomb :

f cc' D ˜ f c'0  k11 ˜ f "k


12
(1)

où f cc' ҏest la résistance ultime du béton fretté, D est un paramètre (généralement


égal à 1), f c'0 ҏest la résistance ultime du béton non fretté, f " est la pression du

218
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

confinement et k11 ѽҏ k 12 sont les coefficients du modèle.

Il s’agit alors de proposer certaines modifications aux modèles existants. L’équation


(1) n’a pas été formulée pour modéliser la totalité du béton confiné mais plutôt pour
estimer la valeur de la contrainte maximale du composite. Ce n’est pas une loi de
comportement mais l’expression d’un critère de rupture en contrainte. Par
conséquent, les valeurs de contrainte ( f c' ) restent toujours supérieures à la
résistance ultime du béton non fretté ( f c'0 ).
Si bien que pour déterminer la contrainte axiale dans le béton avec frettage au cours
du chargement, la contrainte du béton non fretté doit être remplacée par la
contrainte axiale actuelle, si elle est inférieure à la résistance ultime du béton :

f c' V c  k1 ˜ f "k2 ,

Vc V 1 , si V 1  f c'0
et (2)
Vc f c 0 , si V 1 t f c'0 ,
'

où f c' est la contrainte axiale du béton fretté sous sollicitation triaxiale, V c est la
contrainte axiale du béton fretté et V 1 est calculée à l’aide des équations de la loi
de comportement adoptées par CEB-FIB [4].

Dans la première partie du modèle, les déformations transversales du béton sont


faibles, l’influence d’un faible confinement est néanmoins pris en compte, bien que
le comportement du béton soit, pour nos essais, proche de celui d’un béton non
confiné. Dans la deuxième partie, le comportement est exprimé uniquement en
fonction des caractéristiques et de la géométrie de l’enveloppe composite.
Les paramètres intervenant dans la phase pseudo-plastique sont déterminés à partir
d’une identification. A l’aide d’une base de données, qui contient des publications
relatives au béton confiné par composites disponibles dans la littérature et nos
propres résultats, les propriétés du béton et du composite appliqué avec l’ensemble
des indices de confinement, de l’efficacité du confinement, des coefficients de
confinement et des résistances ultimes du béton fretté, les valeurs des paramètres
k1 , k2 et a , b ont été identifiées :

k1 7,40 , k 2 0,69 , a 380 , b 0,10 . (3)

Après identification, le modèle est prêt à être utilisé. Pour calculer l’évolution de la
contrainte axiale du béton fretté sans utiliser les déformations mesurées, un
processus de calcul permet d’obtenir, à partir des paramètres de départ, toutes les
propriétés nécessaires. La contrainte dans le composite (ensemble du tissu sec de
fibres de carbone et de l’époxy) évolue entre 0 MPa et 1400 MPa (résistance ultime

219
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

du TFC). Les déformations axiale et radiale, la pression confinement et la contrainte


du béton fretté peuvent être facilement déterminées.
Ce modèle bilinéaire permet de reconstruire le diagramme « contrainte -
déformation » du béton confiné par enveloppe composite. Les courbes
expérimentales sont bien décrites par le modèle (Figure 4).

120
Contrainte axiale [Mpa]

100

80

60

40

20

Déformation longitudinale Déformation transversale


0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]
N°3 N°5 Modèle

Fig. 4 - Performance du modèle.

Quelles sont les limites d’études du modèle développé ?


- La performance du modèle est limitée à une zone où la pression de confinement
n’atteint pas la même valeur que celle de la contrainte du béton (indice de
confinement inférieur à 1). L’écart maximal entre résultats d’essais et modèle est
inférieur à 10%.
- Le modèle développé s’appuie sur une étude expérimentale sur cylindres de béton
‡160/320 mm confinés à l’aide d’un tissu sec de fibre de carbone bi-directionnel, à
partir desquels les paramètres du modèle ont été déterminés. Le nombre des
éprouvettes a été très limité.
- Enfin, le tissu a été appliqué sur un béton « jeune », ce qui soulève la question de
la limite d’application du modèle pour obtenir le comportement sous charge dans le
cas d’un béton « âgé », ce qui sera le cas du renforcement de poteaux d’ouvrages
déjà existants.

2 - Le frettage d’éprouvettes de béton « âgé » par tissus à fibres de carbone

L’objectif est d’évaluer les performances du frettage par matériaux composites


d’éprouvettes en béton « âgé » et ayant déjà été chargé. Ainsi, des éprouvettes
‡160/320 mm et ‡160/500 mm ont été réalisées à partir d’éprouvettes de fluage

220
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

‡160/1000 mm âgées de deux ans, puis testées en compression.

La comparaison avec les résultats précédents est possible car il s’agit du même
béton, coulé le même jour, renforcé avec le même tissu, mais qui n’a pas le même
âge et la même histoire de chargement.

2.1 - Les éprouvettes et leurs propriétés

A l’issue des essais de fluage, après une phase de recouvrance, quatre éprouvettes
de ‡160/1000 mm ont été réutilisées. Elles ont été tronçonnées d’après le chéma
présenté sur la Figure 5. Les références des éprouvettes sont TFC0 pour
l’éprouvette non renforcée et initialement chargée à un taux de 30% puis rechargée
à 60%, TFC1 pour l’éprouvette renforcée et chargée de même, TFC2 pour
l’éprouvette renforcée et chargée initialement à 60% et SC pour celle qui n’a jamais
été chargée (il s’agit de l’éprouvette de référence).

TFC0 TFC1 TFC2 SC


‡16/100 ‡16/32 ‡16/10 ‡16/32 ‡16/100 ‡16/50 ‡16/100 ‡16/32

‡16/50 ‡16/50
Ÿ Ÿ Ÿ Ÿ

Fig. 5 - Le plan de tronçonnage des éprouvettes ‡160/1000 mm.

L’historique du chargement des éprouvettes est présenté dans le Tableau 1..

2.2 - Principe des essais réalisés

Les essais de frettage ont été effectués sur la même presse MFL que
précédemment et avec la même instrumentation.

221
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 1 : Références et charges des différents cylindres de ‡160/320 mm et


‡160/500 mm.
Eprouvette Nouvelles éprouvettes
originale Nom Frettage composite Charge précédente
SC32
SC sans
SC50
sans
TFC0132
TFC0 30% et 60%
TFC0150
TFC1132
TFC1 TFC1232 30% et 60 %
TFC1332 avec
TFC2150
TFC2 60%
TFC2250

2.3 - Résultats des essais quasi-statiques

En présence du renfort, le comportement de l’éprouvette fretté (Figure 6) est,


comme dans le cas du béton « jeune », ductile : on retrouve un comportement
globalement bi-linéaire, mais la seconde branche semble démarrer plus tardivement
et sa pente est plus faible.

L’effort maximal atteint est plus faible que celui des essais initiaux : ce qui s’explique
par le mode de renforcement. En effet, pour ces essais, le tissu sec a été positionné
en spirale sur les éprouvettes ‡160/1000 mm, avec un recouvrement réduit, de
l’ordre de 1 cm. Par contre, dans les essais initiaux, qu’il s’agisse de bandes
parallèles ou d’une spirale, le recouvrement a été à chaque fois d’une demie-largeur
de bande. On a donc une épaisseur de renfort double pour les essais de jeune âge
par rapport à ceux présentés ici. Les déformations maximales atteintes dans le cas
du frettage sont également supérieures à celles du béton non fretté, mais moins que
dans les cas des éprouvettes « jeunes ».
Par contre, de fortes dispersions des résultats sont obtenus pour les bétons frettés
ou non. Une question se pose : D’où vient cette dispersion de mesure ?
Une première idée consiste à imputer cette dispersion à la différence de hauteur des
éprouvettes, 320 mm et 500 mm, mais ces dispersions sont similaires dans tous les
cas, ce qui signifie que la solution est ailleurs.

Des éprouvettes ‡160/1000 mm de fluage et de retrait ont été tronçonnées, afin


d’obtenir des indications complémentaires sur les modules d’Young et résistance
moyenne à la compression en fin d’essai [5]. Il a été mis en évidence que la valeur
de la contrainte à rupture d’une éprouvette ‡160/320 mm change en fonction de la
zone de tronçonnage dans l’éprouvette ‡160/1000 mm. Cela provient de la
différence de compacité entre le béton situé en fond de moule par rapport à celle du
haut du moule, le matériau n’est pas homogène sur toute la hauteur de l’éprouvette.

222
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La conclusion de cette campagne d’essais est que les écarts de résistance entre
une éprouvette de 320 mm de haut prélevée en partie haute ou basse d’une
éprouvette de 1 mètre de hauteur (diamètre 160 mm) atteint de 21 à 26%.

a) Eprouvettes de 320 mm

100
Contrainte axiale [MPa]

80

60
100
80
Eprouvettes frettées 60 Eprouvettes non frettées
40 40
20
0
-15 35
20

Déformation longitudinale Déformation transversale


0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]
Sc32 TFC0132 TFC1132 TFC1232 TFC1332

b) Eprouvettes de 500 mm

100
Contrainte axiale [MPa]

80

60 100
80
Eprouvettes frettées Eprouvettes non frettées
60
40 40
20
0
20
-15 -5 5 15
Déformation longitudinale Déformation transversale
0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]
Sc50 TFC0150 TFC2150 TFC2250

Fig. 6 - Les mesures sur les éprouvettes ‡160/320-500 mm, béton « âgé ».

223
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

L’objectif n’est pas, par la suite, d’utiliser des courbes corrigées, mais simplement de
visualiser le fait qu’on parvient à retrouver, grâce à une investigation antérieure, les
mêmes courbes expérimentales (la dispersion obtenue est beaucoup plus faible
qu’initialement).

La dispersion expérimentale est donc expliquée par le fait que les valeurs
enregistrées dépendent de la zone de prélèvement des éprouvettes. On a donc
affaire à deux types de béton, dont les caractéristiques sont données dans le
Tableau 2.

Tableau 2 : Types de bétons « âgés » testés.


Contrainte ultime moyenne Contrainte ultime moyenne
Type du béton du béton renforcée
[MPa] [MPa]
1 58,60 79,70
2 71,58 94,65

Pour effectuer cette comparaison, une éprouvette au comportement « moyen » de


chaque campagne d’essais de 1999 et 2001 a été choisie. Les courbes obtenues
sont présentées sur la Figure 7.

120

100
Contrainte axiale [MPa]

80

60
éprouvettes frettées

40
éprouvettes non frettées
20

Déformation longitudinale Déformation transversale


0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]
N°2 N°3 Sc32 TFC2150 Sc50 TFC1132

fcm=53,80 MPa fcm=58,60 MPa fcm=71,58 MPa


Fig. 7 - La comparaison du béton « jeune » et « âgé ».
(Les traits choisis correspondent à l’âge des éprouvettes ; noir pour le béton « jeune » et gris clair ou
gris foncé pour le béton « âgé ». Les traits gras correspondent aux éprouvettes frettées.)

224
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

La raideur obtenue lors de la seconde phase de comportement est plus faible pour
les éprouvettes en béton âgé. Ce phénomène provient du nombre de couches
appliquées sur les éprouvettes, deux couches pour le béton « jeune » et une seule
pour le béton « âgé » : la valeur potentielle de pression de confinement n’est pas
identique.
Les valeurs de déformations transversales maximales mesurées sur chaque
éprouvette renforcée sont différentes. La rupture des éprouvettes « âgées » survient
avant d’atteindre la déformation ultime mesurée du TFC dans le cas du béton
« jeune ». Les valeurs de déformations transversales de toutes les éprouvettes sont
reportées dans le Tableau 3.

Tableau 3 : Propriétés des bétons testés.


Eprouvettes Ht,max Ht, moyenne V105 GPa Différence
Année N° [mm/m] [mm/m] [MPa] [%]
N°3 12,94
1999 11,7 1233 0%
N°5 10,54
2001 TFC1332 9,28
8,6 908 -26%
(Type 1) TFC2150 7,92
2001 TFC1132 9,70
9,2 962 -22%
(Type 2) TFC2250 8,62

Dans le tableau 3 sont indiquées deux mesures pour chaque type de béton. Si on
prend la moyenne des déformations transversales Ҟ(HW, moyenne) et le module d’Young
du TFC donné par le fournisseur, les contraintes maximales pendant les essais
peuvent être calculées. La dernière colonne dans le tableau indique une baisse de
contrainte de 26% par rapport à celle obtenue lors des essais au « jeune âge ».
Cette constatation est en cohérente avec les recommandations de l’Association
Française de Génie Civil [6] ; dans ce document, la résistance à la traction du
composite est donnée par l’expression :

Df ˜ ff
f f ,d , (4)
J f ,u

où f f , d est la résistance à la traction du composite de calcul, D f est le coefficient


qui prend en compte les effets liés au vieillissement des matériaux organiques et la
diminution de leur caractéristiques mécaniques avec le temps (dans le cas
générale D f 0,65 ), f f est la valeur garantie à rupture et J f ,u est le coefficient de
sécurité qui dépend du type de matériau employé. D’après ces recommandations,
il faut donc prendre en compte 35% de perte de contrainte pour tenir compte le
vieillissement des matériaux.

Dans notre cas, après deux ans, les éprouvettes renforcées ont perdu entre 22% et

225
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

26% de contrainte, valeurs inférieures à celle des recommandations AFGC, mais sur
une durée limitée.

On ne dispose pas d’autres informations expérimentales sur l’effet du temps pour


que l’évolution de cette perte de contrainte puisse être estimée : il faudrait pour cela
réaliser des éprouvettes et les tester dans nos conditions après plusieurs années ou
dizaines d’années.

En première approche, on peut considérer que le coefficient D f 0,65 est


acceptable.

Une dernière remarque concerne le fait que la déformation transversale ultime des
éprouvettes les plus élancées, ‡160/500 mm (TFC2150, TFC2250), est moins
élevée que celle des éprouvette ‡160/320 mm : le mode de rupture (en zone
centrale) est identique quelle que soit la taille de l’éprouvette et ne peut pas
expliquer cela. Une raison est peut être à rechercher du côté de l’hétérogénéité du
béton : il y a plus de chance de trouver une zone de béton moins résistante sur une
éprouvette de 500 mm que pour une hauteur de 320 mm. Néanmoins, ces deux
essais ne permettent pas de conclure, il serait nécessaire d’en réaliser de
complémentaires.

2.4 - Application du modèle dans le cas d’un béton « âgé »

Le modèle de frettage d’éprouvettes cylindriques renforcées à l’aide de matériaux


composites a été développé et présenté. Ici, la possibilité d’application du modèle
est examinée dans le cas d’un béton « âgé », alors que notre modèle a été calibré à
l’aide d’essais sur bétons « jeunes » puis affiné avec la base de données qui
contient un certain nombre de résultats d’essais publiés dans la littérature. La
limitation de la contrainte maximale des recommandations AFGC a été prise en
compte. Les deux types du béton (Type 1 et Type 2) ont été successivement
employés pour tester la performance du modèle, avec une seule couche de
renforcement composite. Les résultas obtenus sont présentés en fonction des types
de béton, sur les Figures 8-a et 8b. Les courbes du modèle appliqué aux essais sur
bétons « âgés » sont représentées en pointillé à partir de 65% de la résistance à la
traction du TFC.
Le béton Type 1 (Figure 8-b) est le béton qui correspond au béton utilisé lors des
essais de 1999. Sans limite sur la contrainte maximale, le modèle développé permet
de décrire correctement le comportement observé au jeune âge. Par contre, il est
nécessaire de limiter la contrainte de traction maximale dans le composite pour
obtenir un niveau de charge et des valeurs de déformations correctes dans le cas du
béton « âgé ».

226
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

a) Béton « jeune »
120
Contrainte axiale [Mpa]

100

80

60

40

20

Déformation longitudinale Déformation transversale


0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]
N°3 N°5 Modèle

b) Béton « âgé » de Type 1


120
Contrainte axiale [MPa]

100

80

60

40

20

Déformation longitudinale Déformation transversale


0
-15 -10 -5 0 5 10 15
Déformations [mm/m]
Sc32 TFC1332 TFC2150 Coefficient=0,65 Coefficient=1

Fig. 8 - La performance du modèle pour le béton de Type 1.

Le coefficient AFGC de 0,65 a été choisi. Les mêmes calculs avec le coefficient
« expérimental » de 0,74 en moyenne conduisent à une charge ultime de 82,8 MPa
par rapport aux valeurs expérimentales de 77,4 MPa et 81,4 MPa, et à une
déformation transversale de 9,9 mm/m par rapport aux valeurs expérimentales de
9,3 mm/m et 7,9 mm/m. Comme la pente de la phase pseudo plastique est
relativement faible, le choix du coefficient de réduction ne joue que peu sur la

227
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

contrainte ultime et plus sur la déformation transversale ultime : le coefficient de


0,65 semble bien adapté à la description des courbes expérimentales.
Notre modèle représente correctement la première branche jusqu’à la résistance
ultime du béton normal, longitudinalement et transversalement, ce qui justifie la
faible prise en compte d’un effet potentiel du frettage tant que la contrainte
extérieure n’atteint pas la résistance à rupture du béton seul.
Dans la deuxième phase le modèle appliqué au béton « âgé » donne une raideur
plus importante que celle mesurée, mais au final il conduit à des valeurs de
contrainte et de déformations acceptables.
L’ensemble des résultats expérimentaux, déformations transversale et longitudinale
maximales, contrainte axiale atteinte, des essais réalisés sur béton « âgé » et les
estimations données par le modèle sont finalement reportés dans le Tableau 4. Les
estimations sont proches des mesures, pour les deux bétons.

Tableau 4 : Comparaison entre les résultats expérimentaux et le modèle.


HƐ,mesurée Ht,mesurée Vappliquée HƐ,modèle Ht,modèle Vmodèle
Type Eprouvette
[mm/m] [mm/m] [MPa] [mm/m] [mm/m] [MPa]
TFC1332 6,77 9,41 74
Type 1 7,84 8,67 77 8,14 8,67 81
TFC2150 8,90 7,92 81
TFC1132 8,01 9,70 95
Type 2 8,51 9,16 93 8,69 8,67 94
TFC2250 9,00 8,62 91

3 - Conclusions

La possibilité d’utiliser le modèle de frettage développé pour des éprouvettes de


béton « jeune » a été examinée afin obtenir une estimation de la réponse contrainte
longitudinale - déformations d’une éprouvette frettée, quel que soit l’âge du béton.
Des éprouvettes de fluage âgées de deux ans et renforcées par un tissu à fibre de
carbone ont été utilisées. Elles ont été coulées en même temps lors des mêmes
gâchées que les autres éprouvettes testées. Après avoir réalisé des éprouvettes
‡160/320 mm et ‡160/500 mm à partir d’éprouvettes de fluage ‡160/1000 mm,
des essais de compression uni axiale ont été effectués.
L’intérêt de ces essais est qu’il s’agit a priori du même béton et du même matériau
composite, mais son âge au moment de la réalisation des essais est différent. Une
comparaison entre les différents résultats est possible, si l’on prend en compte les
variations de résistance moyenne à la compression des éprouvettes ‡160/320 mm
en fonction de leur lieu de prélèvement dans les éprouvettes de retrait/fluage.
Au cours de notre analyse, deux types de béton (Types 1 et 2) ont été identifiés, et
ces valeurs ont été alors employées comme données pour tester la performance du
modèle, avec une seule épaisseur de renforcement.
Pour ces deux cas, les estimations de l’effort maximal sont satisfaisantes si on
utilise le coefficient AFGC qui prend en compte les effets liés au vieillissement des
matériaux organiques et la diminution de leur caractéristiques mécaniques avec le
temps (dans le cas général D f 0,65 ).

228
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Cet effet du vieillissement serait dû aux conditions de conservation des éprouvettes


lors des essais de fluage/retrait (20°, 50% d’humidité relative).
Néanmoins, le nombre d‘essais réalisés est trop faible pour pouvoir tirer des
conclusions définitives, et il serait souhaitable de mettre au point une autre
campagne dont les essais seraient répartis sur un nombre conséquent d’années.
Le modèle développé, de forme bi-linéaire, ne permet pas de décrire parfaitement
les courbes de comportement expérimentales. Seules les tendances sont bien
représentées, avec un faible effet de confinement tant que la contrainte uni axiale ne
dépasse pas la contrainte à rupture du béton non fretté, puis une augmentation
apparente de résistance avec une branche de comportement pseudo-plastique.
Avec la limitation de la contrainte ultime dans le composite pour un béton âgé, des
niveaux finaux de charge et déformations sont finalement obtenus.
C’est ce modèle qui a été appliqué par la suite au cas du renforcement de poteaux
en béton armé par matériaux composites : dans la méthode de calcul proposée, on
posera des hypothèses simplificatrices (excentricité additionnelle, défauts initiaux)
qui justifieront l’emploi de notre modèle de frettage.

Références Bibliographiques

[1] VERÓK K., Renforcement des structures en béton armé à l’Aide de matériaux
composites : étude du frettage et applications, Doctorat de l’ENPC, 18 mars
2005.
[2] “Cahier des Causes Techniques” du FREYSSINET, Enquête technique
SOCOTEC n° FX3671 d’Octobre 1998.
[3] BOULAY C., Le MAOU F., RENWEZ S., Quelques pièges à éviter lors de la
détermination de la résistance et du module en compression sur cylindres de
béton, Bulletin de Liaison des Ponts et Chaussées, pp. 63-74, n° 220., 1999.
[4] CEB-FIB Model Code 1990 : “Design code”, Comité Euro-International du
Béton, Thomas TELFORD, London, UK, 1993.
[5] CLEMENT J-L., Le MAOU F., Comportement incertain et amélioration de la
prédiction du fluage en compression des bétons de structures, Actes de la
3ème conférence nationale JN Fiab 3, Bordeaux, 1 et 2 février, 2002.
[6] Association Française de Génie Civil, Réparation et renforcement des structure
en béton au moyen des matériaux composites, Document scientifique et
technique, p. 148, décembre 2003.

229
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ ESSAIS DE POTEAUX EN BÉTON ARMÉ RENFORCÉS PAR COMPOSITES COLLÉS -


DESCRIPTIF DE LA CAMPAGNE EXPÉRIMENTALE ET PRINCIPAUX RÉSULTATS

QUIERTANT M.
Division Fonctionnement et Durabilité des Ouvrages d'Art, Laboratoire Central des Ponts et
Chaussées, Paris

Résumé

L'opération "Réparation et renforcement des structures de génie civil par l'emploi de


matériaux composites" avait pour objectif de permettre aux maîtres d'ouvrages et
aux maîtres d'œuvre d'employer les techniques de réparation, basées sur l'emploi
de matériaux composites à base de fibres de carbone, en toute connaissance de
cause. Cette opération comprenait notamment une importante campagne
expérimentale sur poteaux, les règles de l'art actuelles n'étant, compte tenu de
l'expérience française, correctement établies que pour les poutres et dalles en
flexion.
Le présent article à pour vocation de décrire cette campagne d'essais menée sur la
plate-forme d'essai des structures du LCPC et de livrer les principaux résultats
expérimentaux obtenus. Le travail d’interprétation ne sera pas évoqué ici.

1 - Objectifs de la campagne expérimentale

Le renforcement de poteaux en béton armé par collage d'un renfort de matériaux


composites est une technique déjà largement employée dans le domaine de la
réparation et plus exceptionnellement du renforcement de structures saines. De
nombreuses entreprises proposent d'ores et déjà différentes solutions de réparation
à base de fibres de carbone, d'aramide ou de verre, conditionnées sous forme de
tissus (uni ou bi directionnels) ou bien encore de lamelles préfabriquées. Ces
différents conditionnements existent aussi pour des combinaisons de fibres (on parle
de produits hybrides). Les techniques de renforcement par matériaux composites
sont généralement proposées par les entreprises chargées de leur mise en œuvre,
avec un mode de dimensionnement spécifique.
La littérature nationale et internationale est riche en publications scientifiques
concernant le renforcement d'éléments élancés (éprouvettes cylindres, poteaux et
colonnes) confinés par des systèmes à base de fibres à haute résistance et/ou haut
module et sollicités en compression simple (i.e. centrée). Le fonctionnement
mécanique du renfort (effet de frettage) peut alors être clairement interprété et
modélisé. On trouve plus rarement quelques études prenant en compte un mode de
sollicitation plus réaliste des efforts auxquels sont soumis les poteaux et piles
d'ouvrages, à savoir la flexion composée (N.B. on ne s'intéresse pas ici aux
sollicitations de type sismique). A l'opposé de cette lacune d'information technique,
certaines entreprises proposent des solutions de renforcement présentées comme
adaptées à de tels modes de chargement. Le principe de ces renforcements couple
l'utilisation de plats collés ou fraisés ou bien encore de tissus placés

230
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

longitudinalement pour le renforcement à la flexion, et un confinement de la colonne


pour le renforcement à la compression. Pour ce type de travaux de renforcement,
une nouvelle fois les modes de dimensionnement sont en général proposés par
l'entreprise responsable de la mise en œuvre. Bien que ces calculs et leurs
hypothèses soient acceptés par certains maîtres d’ouvrages et cautionnés par
quelques bureaux de contrôle, ils ne résultent en aucun cas d'une démarche globale
de validation de la communauté technique et scientifique nationale.
Pour ces raisons, le LCPC à voulu effectuer une importante campagne d'essais sur
des poteaux d'échelle représentative, sollicités en flexion composée et renforcés par
diverses techniques présentes sur le marché national afin d'étayer de façon fiable
une méthode commune de justification des renforcements par composites collés
pour des éléments travaillant principalement en compression. A terme, les résultats
de ces travaux devraient faire partie des recommandations du groupe AFGC
(extension du rapport provisoire). Cette étude majoritairement financée sur fonds
propre du LCPC, a également bénéficié d'une aide financière de la DRAST. Les
renforts ont été fournis et mis en œuvre, à titre gratuit, par les entreprises
partenaires : Freyssinet, GTM Construction, SIKA et VSL France.

2 - Programme expérimental

Les poteaux en béton armé sont de deux types :


‰ type « bâtiment » (béton visé B30 et faible ferraillage),
‰ type « ouvrage d'art » (béton visé B40 et ferraillage plus dense).

Pour chaque type de poteau ont été testées quatre méthodes de renforcement,
jugées représentatives de l'offre actuellement proposée sur le marché national. Les
résultats de ces essais devant être confrontés à ceux obtenus sur des poteaux
témoins (non renforcés par composites collés). Chaque essai a été doublé afin
d’assurer la représentativité du résultat obtenu. Ainsi 21 poteaux ont été testés :
‰ 1 premier poteau pour essai et validation du montage expérimental et de
l'instrumentation (dont les résultats ne seront pas présentés dans ce document),
‰ 10 poteaux type « bâtiment », référencés par la suite comme « de type B. »,
‰ 10 poteaux de type « ouvrage d'art » (type OA).

3 - Corps d'épreuve

La fabrication des poteaux (comprenant le façonnage et l'instrumentation de la cage


d'armature ainsi que le coulage du béton) a été effectuée au LCPC par le personnel
de la Section Fonctionnement et Ingénierie des Ouvrages d'Art. A l’exception du
poteau de calage (figure 1), chaque série de dix poteaux a été coulée à partir d’une
même gâchée, garantissant ainsi l'homogénéité des corps d'épreuve d'une même
série (figure 2).

231
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 1 - Coulage du premier poteau (dit poteau de calage) à partir d'une gâchée
préparée par la section Formulation et Mise en œuvre des Bétons.

Fig. 2 - Coulage d'une série de dix poteaux sur la dalle d'essai.

3.1 - Ferraillage des poteaux

Les plans de ferraillage des poteaux sont donnés sur les figures 3 et 4.

6080

HA
HA 6
160

6 160
20 r=30
20 r=30

HAHA1212
160
160
70
70
252 252

2500
2500
Fig. 3 - Plan de ferraillage des poteaux B.

232
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

60
80

HAHA88

160
20
20 160
r=30r=30

HA 16
HA 16

160
70
70 155
155
160

2500
2500

Fig. 4 - Plan de ferraillage des poteaux OA.

3.2 - Caractéristiques géométriques des corps d'épreuve

Les corps d'épreuve sont des poteaux en béton armé de dimension 2,5 x 0,2 x 0,2
m3 (figure 6) dont les angles sont biseautés afin de ne pas présenter d'angle saillant
susceptible de couper les tissus du renforcement externe (figure 5). Ce biseau est
en fait réalisé dès le coulage grâce à la forme spécifique des coffrages.

2 cm

2 cm

20 cm
2 cm

20 cm

Fig. 5 - Section d’un poteau.

3.3 - Caractéristiques mécaniques du béton constitutif des corps d'épreuve

La caractérisation mécanique du béton constitutif des poteaux (résistances, module


d'Young et coefficient de Poisson) a été réalisée à partir d'essais effectués sur un
ensemble de 52 éprouvettes (type 16 x 32) testées approximativement à la date des
essais poteaux correspondants.

233
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 6 - Série de dix poteaux après décoffrage.

Les moyennes des résultats des essais de caractérisation par série de corps
d’épreuve sont présentées dans les tableaux 1 et 2.

Tableau 1 : Propriétés mécaniques du béton des poteaux OA.

Module d’Young (mesuré en compression) 32,8 GPa


Coeff. de Poisson (mesuré en compression) 0,21
Résistance à la traction 3,5 MPa
Résistance à la compression 55,0 MPa

Tableau 2 : Propriétés mécaniques du béton des poteaux B

Module d’Young (mesuré en compression) 27,2 GPa


Coeff. de Poisson (mesuré en compression) 0,19
Résistance à la traction 3,0 MPa
Résistance à la compression 40,1 MPa

3.4 - Renforcement par composites collés

Après préparation de surface des poteaux par sablage (réalisée en sous-traitance),


le renforcement externe (par composites collés) des poteaux a été effectué sur la
dalle d'essai du LCPC par les entreprises responsables sur chantier de la mise en
oeuvre de leurs propres matériaux de renforcement, afin de garantir une qualité
d’application du renfort représentative de ce qu'elle peut être sur un ouvrage réel
(figure 7).
Le principe des renforcements étudiés (figure 8) couple l'utilisation de plats collés ou
de tissus longitudinaux pour le renforcement à la flexion, ainsi qu’un confinement
pour le renforcement à la compression. Lors de la préparation des corps d’épreuve,
le confinement a été réalisé par un tissu disposé soit en une spirale continue autour
du poteau soit en une série de cerclages (figure 7). Les méthodes de renforcement
mises en œuvre ainsi que les caractéristiques des produits (données fournisseurs)

234
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

sont précisées dans les tableaux 3 à 5.

Renforcement à la flexion

Renforcement par confinement


Recouvrement longitudinal

Recouvrement transverse

Fig. 7 - Exemple de mise en place du confinement et principe de renforcement.

Fig. 8 - Lamelles (1er photo) ou tissus (2eme photo) pour le renforcement latéral.

Tableau 3 : Description des renforcements mis en œuvre sur les poteaux.


Renforcement
Principe de
à la flexion confinement
renforcement
P1 6 plats Type 1 par coté 1 couche de tissus Type 1 (spirale)
P2 1 couche de tissus Type 2 1 couche de tissus de Type 2 (cerclage)
P3 2 plats de Type 3 par coté 1 couche de tissus de Type 3 (cerclage)
P4 1 couche de tissus Type 4 1 couche de tissus de Type 4 (cerclage)

235
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 4 : Caractéristiques géométriques des renforts composites.


Produit de renforcement Epaisseur (mm) Largeur (mm)
Plat de Type 1 1,2 25,4
Tissus de Type 1 0,43 (composite)

Tissus de Type 2 0,117 (tissu sec)


0,334 (composite)
Plat de Type 3 1,2 50
Tissus de Type 3 0,13 (tissu sec)

Tissus de Type 4 1 (tissu sec)


1 (composite)

Tableau 5 : Caractéristiques mécaniques des renforts composites.


Produit Module élastique (GPa) Résistance (MPa)
180 (composite, sens des fibres) 3 000 (sens des fibres)
Plat Type 1
40 (valeur cohésive)
221-240 (fibres, sens des fibres) 4510-4900 (fibres, sens des fibres)
Tissus Type 1
105 (composite, sens de la 1400 (composite, sens des fibres)
chaîne)
240 (fibres, sens des fibres)
Tissus Type 2
84 (composite, sens des fibres) >1050 (composite, sens des fibres)
Plat Type 3 >165 (composite, sens des fibres) 2800 (composite, sens des fibres)
230 (fibres, sens des fibres) > 3500 (fibres, sens des fibres)
Tissus Type 3
Tissus Type 4 235 (fibres, sens des fibres) 3450 (fibres, sens des fibres)
62-70 (composite, sens des fibres) 620-700 (composite, sens des fibres)

4 - Montage d’application de l’effort

Le cadre fermé, permettant d'exercer les efforts sur le corps d'épreuve est fixé à
quatre poteaux de stabilisation par l'intermédiaire de la plaque médiane (figure 9).
Celle-ci se trouve donc immobile, alors que l'effort exercé par les vérins entraîne un
mouvement vertical vers le bas de la plaque inférieure. La sollicitation est engendrée
par un ensemble de quatre vérins (effort max. de 4400 kN). Cet effort est transmis
par l'intermédiaire des tirants à la plaque supérieure qui se déplace ainsi vers le bas
et comprime donc le poteau.
L'effort est transmis au poteau béton par l'intermédiaire de casques métalliques
(figure 9). Ces casques permettent d'excentrer la résultante de l'effort de 2 cm
(excentrement dans une seule direction) et grâce à leur rotule d'appuis, d'assurer un
fonctionnement mécanique bi-articulé contrôlé.

236
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Plaque supérieure
Casque haut

Plaque Corps d’épreuve


supérieure

Rotule

Casque
haut
Casque bas
Axe du Axe de chargement Plaque médiane
poteau 200 mm
Vérins hydrauliques
Excentricité : 20 mm Plaque inférieure

Fig. 9 - Montage expérimental de compression excentrée.

5 - Instrumentation

Un important programme de mesures a été mis en œuvre lors des essais (de 51 à
60 voies selon les essais), comprenant notamment les capteurs liés à
l'asservissement et à la vérification du fonctionnement du montage (capteurs de
force, manomètre de pression d'huile, capteur de déplacement du multiplicateur de
pression d'huile utilisé pour l’asservissement de la phase post-pic, capteur de
mesure du basculement nord / sud du montage).
Cependant, en dehors de cette instrumentation de « pilotage » de l’essai, il était
attendu une mesure du comportement de la structure composite lors de son
chargement. Pour cela, une instrumentation voulue complète a permis d’enregistrer
le déplacement vertical relatif à la déformation longitudinale du corps d'épreuve
(tassement), sa flexion, les rotations des casques (dans et hors plan) et certaines
déformations locales des aciers, du béton ou du matériau composite. On propose
sur la figure 10 un schéma partiel de cette instrumentation.

237
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

FACE OUEST FACE NORD

Face la plus
- SUD comprimée - sud
face comprimé
Face ouest Face nord
24 26 28

25 27 29

29 29
2500 15 16
17

20
9

Face la moins comprimée - nord


face tendu - NORD 1

21
17 20 23
15 16 18 19 21 22

475 775
2

1
2 10
3
Ouest
OUEST

30
31 3

26
475 775

26
Est
EST
14
32 29 29 8 12 13
33
11

Fig. 10 - Schéma (partiel) d’instrumentation des poteaux.

6 - Principaux résultats expérimentaux

La base de données extrêmement riche obtenue lors de cette campagne ne peut


être présentée de manière exhaustive. Cependant il est possible de s’arrêter sur
quelques résultats significatifs qui font l’objet des sections suivantes.

6.1 - Charge de rupture

La ruine des corps d'épreuve béton armé non renforcés par composites collés a été
obtenue par rupture en compression du béton situé au milieu de la face la plus
comprimée, conformément aux calculs de pré-dimensionnement. De plus, l’effort
maximum enregistré lors des essais menés sur ces poteaux dans la série OA
correspond là encore aux prévisions réglementaires. Cependant les corps d’épreuve
de référence (non renforcés par composites collés) de la série B. ont démontré une
résistance supérieure à celle estimée par le calcul. Il en résulte donc une faible
différence entre les efforts de rupture des poteaux de référence des deux séries.
Pour les poteaux renforcés par composites collés, la rupture survient après
déchirure du tissu de fibres de carbone. Cette déchirure se propage sur une dizaine
de centimètres, perpendiculairement aux fibres assurant le confinement. Elle est
immédiatement suivie par le flambement des aciers longitudinaux jusqu’ici retenus.
Le lieu de rupture est identique à celui des poteaux de référence. La déchirure

238
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

révèle une zone dans laquelle le béton largement écrasé à perdu sa cohérence.
Le gain de renforcement obtenu par les différentes techniques est à peu près
constant pour la série OA et se situe autour de 30% si on se réfère à l’effort
maximum (voir tableau 6). Pour la série B, une forte dispersion des résultats a été
observée (tableau 7) et un dépouillement critique et scrupuleux des résultats doit
être effectué pour ne pas conduire à une interprétation erronée. Ce travail
actuellement en cours ne peut donc faire l’objet d’une présentation dans ce
document.

Tableau 6 : Efforts de rupture des poteaux de la série OA.


Effort (kN) Effort moyen Taux d’augmentation
(kN) de résistance *
Référence : OA1 1267 1254
Référence : OA2 1240
Poteau OA3, renfort type 1 1598
1711 1,36
Poteau OA4, renfort type 1 1823
Poteau OA5, renfort type 2 1740 1653 1,32
Poteau OA6, renfort type 2 1565
Poteau OA7, renfort type 3 1740 1689 1,35
Poteau OA8, renfort type 3 1637
Poteau OA9, renfort type 4 1506 1628 1,30
Poteau OA10, renfort type 4 1749
* Effort moyen des poteaux renforcés / Effort moyen des poteaux de référence

Tableau 7 : Efforts de rupture des poteaux de la série B.


Effort (kN) Effort moyen Taux d’augmentation
(kN) de résistance *
Référence B,1 1151 1212
Référence B2 1273
Poteau B3, renfort type 1 1507 1578 1,30
Poteau B4, renfort type 1 1649
Poteau B5, renfort type 2 1262 1194 0,98
Poteau B6, renfort type 2 1125
Poteau B7, renfort type 3 1300 1422 1,17
Poteau B8, renfort type 3 1544
Poteau B9, renfort type 4 1482 1462 1,21
Poteau B10, renfort type 4 1442
* Effort moyen des poteaux renforcés/ Effort moyen des poteaux de référence

6.2 - Ductilité

L’un des points habituellement jugés critiques lors d’une opération de renforcement
concerne la nécessité d’obtenir, non seulement un gain sensible de résistance
structurelle, mais aussi, l’assurance d’un mode de ruine non fragile lorsque la

239
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

pérennité de la structure est définitivement compromise. Or, lors d’essais


homogènes (traction ou compression), le composite carbone / époxy présente une
rupture fragile. On constate cependant qu’au niveau structurel et dans les conditions
de nos essais (figure 11 et 12), le gain en ductilité est généralement important. On
notera cependant que la qualité du comportement post-pic des corps d’épreuve peut
varier de manière significative selon les techniques de renforcement mises en
oeuvre.

2000 2000
1800 1800
1600 1600
Effort total (KN)

Effort total (KN)


1400 1400
1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 OA1 OA2 400 OA1 OA2
200 OA3 OA4 200 OA5 OA6
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flexion (mm) Flexion (mm)

2000 2000
1800 1800
1600 1600
Effort total (KN)

Effort total (KN)

1400 1400
1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 OA1 OA2 400 OA1 OA2
200 OA7 OA8 200 OA9 OA10
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flexion (mm) Flexion (mm)

Fig. 11 - Evolution des flèches des poteaux OA lors du chargement.

240
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

1800 1800
1600 B1 B2 1600 B1 B2
1400 B3 B4 1400 B5 B6
1200 1200
Effort total (KN)

Effort total (KN)


1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flexion (mm) Flexion (mm)

1800 1800
1600 B1 B2 1600
1400 B7 B8 1400
Effort total (KN)

Effort total (KN)

1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 400 B1 B2
200 200 B9 B10
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flexion (mm) Flexion (mm)

Fig. 12 - Evolution des flèches des poteaux B lors du chargement.

Signalons que les résultats obtenus pour les poteaux OA7 et B8 ne sont pas
représentatifs du comportement post-pic des corps d’épreuve. En effet, suite à un
incident au cours de l’essai, le chargement « en déplacement » n’a pas été mis en
œuvre pour ces poteaux, contrairement au protocole de mise en charge
scrupuleusement suivi lors des autres d’essai.

7 - Conclusion

Une importante campagne d'essais sur poteaux renforcés par matériaux composites
collés a été réalisée au LCPC afin de mesurer et mieux comprendre l'apport du

241
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

renforcement composite pour des corps d’épreuve d’échelle représentative et


sollicités de manière réaliste.
Le panel de techniques de renforcement testé, la caractérisation rigoureuse du
béton mis en œuvre ainsi que l'instrumentation assez complète des corps d'épreuve,
ont permis de se doter d’une base de données importante qui permettra par la suite
de valider les méthodes de calcul et de dimensionnement du renforcement.
L’effort de dépouillement de cette base de données doit cependant être poursuivi
afin d’interpréter certains résultats de la campagne sur poteaux de type « Bâtiment »
pour lesquels le renfort n’a pas joué le rôle escompté (effort maximum du test de B6
par exemple).
Bien que les bénéfices des renforts collés dépendent des caractéristiques initiales
des corps d’épreuve et des techniques de renforcement mises en oeuvre, il est
cependant possible de retenir de cette campagne comme premiers résultats
généraux concernant le comportement des poteaux renforcés par composites
collés :
- une augmentation de la rigidité des corps d’épreuve,
- un effort de ruine sensiblement supérieure,
- une ductilité nettement accrue.

Références bibliographiques

[1] ACI Committee 440. (1999), Guidelines for the Selection, Design, and
Installation of Fiber Reinforced Polymer (FRP) Systems for Externally
Strengthening Concrete Structures, ACI.
[2] ACI Committee 440. (2000), Guide for the Design and Construction of
Externally Bonded Systems for Strengthening Concrete Structures, Draft
Septembre 2001 (document under review), American Concrete Institute,
Michigan, U.S.A.
[3] FIB (2001) Design and Use of Externally Bonded Reinforcement (FRP EBR) for
Reinforced Concrete Structures, Final Draft, Progress Report of fib Task Group
9.3, EBR group, International Federation for Structural Concrete, Lausanne,
Switzerland.
[4] AFGC, Réparation et renforcement des structures en béton au moyen des
matériaux composites – Recommandations provisoires (Décembre 2003),
Bulletin scientifique et technique de l’AFGC.

242
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ PROPOSITION D’UNE MÉTHODE DE DIMENSIONNEMENT DES POTEAUX RENFORCÉS PAR


COMPOSITES

CLEMENT J-L.
Division Bétons et Composites Cimentaires, Laboratoire Central des Ponts et Chaussées, Paris
VEROK K.
Université des Sciences Techniques et Economiques, Budapest, Hongrie

Résumé

Une application potentielle des composites en génie civil concerne le renforcement


des poteaux en béton armé, qui, dans beaucoup de cas, sont soumis à de la flexion
composée : effort normal et moment fléchissant.
La rupture d’un poteau en béton armé, même calculé en compression simple,
provient d’un flambement d’ensemble, et ces phénomènes non linéaires
géométriques (grands déplacements) et matériels (comportements non linéaires des
matériaux) sont toujours pris en compte quel que soit le mode de calcul employé.
Ces effets dits du second ordre sont intégrés dans le dimensionnement
réglementaire à l’état limite ultime de stabilité de forme (ELUSF), applicable aux
éléments constitutifs de structures susceptibles de présenter une instabilité sous
sollicitations de flexion composée avec compression.
Dans ces calculs, la géométrie des poteaux et ses liaisons sont supposées non
parfaites : on emploie alors une excentricité additionnelle, qui s’ajoute à l’excentricité
initiale due au chargement extérieur. La justification de la stabilité de forme consiste
à démontrer qu’il existe un état de contraintes qui équilibre les sollicitations de
calcul, y compris celles du second ordre, et qui soit compatible avec les caractères
de déformabilité et de résistance de calcul des matériaux [1].
L’objectif de notre étude est de développer une méthode de dimensionnement
similaire dans le cas de la présence d’un renforcement composite (renforcements
extérieurs longitudinaux et transversaux) de poteaux soumis à de la flexion
composée, en tenant compte de l’effet de frettage du composite et de son
« efficacité » vis-à-vis de la forme de la section droite [2-3]. Il s’agit de prendre en
compte les effets de composites collées sur les quatre faces d’un poteau, et l’effet
de frettage apporté par des tissus collés autour du poteau, avec l’intégration d’un
modèle de frettage développé dans la thèse Krisztián VERÓK (thèse en co-tutelle
entre l’École Nationale des Ponts et Chaussées, France, et l’Université des
Sciences Techniques et Économiques de Budapest, Hongrie, gérée par le
Gouvernement français [4]). Les caractéristiques des composites en compression,
lamelles ou tissus de carbone, seront essentielles.
Un logiciel de calcul a été développé en Borland Delphi 6 [5], qui intègre les non
linéarités géométriques et matérielles, l’effet de frettage du béton par composite,
celui de la forme de la section droite, la présence de renforts composites
longitudinaux.
Pour la validation de la méthode de calcul des poteaux BA, les résultats d’essais de
compression centrée sur poteaux de Christina Claeson ont été employés [6]. Après

243
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

en avoir tiré certaines conclusions, la méthode est validée avec les résultats
d’essais de poteaux BA soumis à de la flexion composée [7]. Cette étude permet de
justifier l’ordre de grandeur de l’excentricité additionnelle pour laquelle les valeurs de
charges ultimes expérimentales sont retrouvées.
Dans le cadre de l’opération de recherche du LCPC « Réparation et renforcement
des structures de génie civil par l’emploi de matériaux composites » à laquelle nos
travaux sont rattachés, ont été effectués des essais de poteaux BA et BA renforcés
par composite, en flexion composée, au cours de l’année 2003, sur la Plate Forme
d’Essais des Structures (PFES) de la division Fonctionnement et Durabilité des
Ouvrages d’Art (FDOA) du LCPC [8].
Un des objectifs de cette campagne d’essais était d’examiner l’effet de frettage de
poteaux renforcés soumis à de la flexion composée, avec une excentricité initiale de
20 mm, qui provient des liaisons particulières développées. Le programme d’essais
a porté sur 21 poteaux en béton armé : un premier poteau pour le test du montage
et de l’instrumentation, 10 poteaux de type « bâtiment » et 10 poteaux de type
« ouvrage d’art », qui diffèrent par leurs ferraillages longitudinaux et transversaux.
Quatre techniques de renforcement par composite ont été employées. Pour chaque
type de poteaux, chaque essai a été doublé.
On dispose alors de poteaux BA de référence, dont les résultats feront l’objet de
l’utilisation de notre logiciel.
Il restera, dans une dernière phase, à définir les hypothèses relatives aux rôles des
composites longitudinaux et transversaux dans le cas des essais sur poteaux
renforcés, afin d’aboutir à l’objectif initial, qui est la proposition d’une méthode de
calcul.

1 - Principe de calcul des poteaux en béton armé

1.1 - Développement d’un logiciel pour le dimensionnement des poteaux BA à


l’ELUSF

Un logiciel de calcul a été développé en Borland Delphi 6 à partir de la méthode de


calcul ELUSF. Ce logiciel permet de calculer les trajets de chargement de poteaux
en béton armé soumis à de la compression centrée ou excentrée. Le domaine
d’application d’aujourd’hui concerne les poteaux à section carrée, chanfreinée ou
non mais d’autres formes de sections sont déjà prévues.
Dans l’ELUSF, où les équations d’équilibre sont écrites en position déformée, les
sollicitations sont calculées à partir des combinaisons d’actions en tenant compte
d’une imperfection géométrique initiale d’un caractère conventionnel, définie de la
façon la plus défavorable en fonction du mode de flambement de la structure ; dans
le cas d’un élément isolé (cas des essais), on prend une excentricité additionnelle
égale à la plus grande des deux valeurs :

í 20 millimètres ou
"
í , où " désignant la longueur de l’élément.
200

244
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Comme l’illustre ces relations, un des problème sera de déterminer le défaut moyen
initial probable d’un poteau testé expérimentalement si on veut obtenir une bonne
estimation de la charge ultime.
Les déformations sont évaluées à partir des hypothèses classiques du béton armé :
les sections droites restent planes, le béton tendu est négligé, les effets du retrait du
béton sont négligés, le diagramme de comportement de l’acier d’armature est
élasto-plastique, le diagramme de comportement du béton est parabole-rectangle.
Par hypothèse, on admet que la déformée d’un poteau BA est sinusoïdale, et que
l’effort normal a la même excentricité aux extrémités du poteau.
Pour vérifier la capacité portante d’un poteau soumis à de la flexion composée, on
détermine l’ensemble des points (N, M) traduisant l’équilibre de la section, lorsque la
droite de déformation varie. C’est le diagramme d’interaction de la section,
représentatif de l’ELU de résistance.
Par contre, pour déterminer la totalité du trajet de chargement d’un poteau
(ensemble des couples (Ni, Mi) au cours de l’augmentation du chargement), il faut
suivre une méthode itérative qui permet de déterminer des états d’équilibres
successifs jusqu’au point de divergence d’équilibre.
La méthode est simple : il faut choisir par exemple une valeur de courbure de la
section droite, puis chercher la déformation de son axe neutre, pour laquelle les
efforts internes correspondent à un état d’équilibre stable [9]. Par répétition de ce
calcul en changeant la courbure jusqu’à N i , max (qui correspond à la divergence
d’équilibre), on obtient les points (Ni, Mi) désirés.
Pour l’instant ne sont traités que les cas de poteaux encastrés à leurs deux
extrémités, et celui de poteaux bi-articulés. On peut choisir une loi de comportement
élasto-plastique parfait ou élasto-plastique avec écrouissage pour les aciers
d’armatures, et différentes formes de diagrammes « déformations – contraintes »
pour le béton : -élastique- linéaire (avec ou sans traction), élasto-plastique (avec ou
sans traction), parabole, parabole-rectangle ou rectangle. L’utilisateur peut choisir
tous les types de béton prédéfinis dans l’Eurocode 2 [10], ou encore définir son
propre béton. Les coefficients de sécurité des matériaux et les coefficients de
combinaisons d’actions sont choisis librement.
Les caractéristiques des armatures françaises et hongroises sont prédéfinies, mais
l’utilisateur peut également définir son propre type d’armature. Le nombre, diamètre
et position des armatures sont des données du calcul, avec la possibilité de prendre
en compte l’effet de frettage apporté par les armatures transversales (si les
conditions nécessaires sont satisfaites). Les sollicitations extérieures sont entrées
sous la forme d’un couple (effort normal, moment fléchissant) ou (effort normal,
excentricité).
Un paramètre ajustable (valeur par défaut de 0,85) permet de modéliser l’effet d’une
rupture d’enrobage de la cage d’armature, qui conduit à une chute prématurée
d’effort normal.
Enfin, l’excentricité totale (excentricité du chargement et excentricité additionnelle)
peut être modifié en jouant sur les différentes valeurs initiales.
Après calcul, on a la possibilité de traiter les résultats en utilisant les outils du logiciel
qui comporte des interfaces graphiques et des tableaux exportables (Excel) :

245
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

diagrammes (effort-courbure, effort-flèche, déformée, déformations ou contraintes


longitudinales dans une section, diagramme d’interaction (N, M) de la section droite
exacte ou approchée, etc.

2 - Validation du logiciel pour les poteaux BA

2.1 - Compression centrée

L’objectif est de valider le logiciel en comparant les réponses obtenues par rapport
aux 18 résultats d’essais publiés dans le cadre de la thèse de Christina Claeson [6].
Il s’agit ici de poteaux courts de 120x120-500 mm et 200x200-800 mm soumis à de
la compression centrée.
Les critères de la fib de prise en compte éventuelle de l’effet de frettage des cadres,
sont intégrés dans le logiciel développé. Deux réponses différentes du logiciel ont
été étudiées. La première est obtenue en utilisant la diagramme d’interaction selon
les recommandations de l’Eurocode 2 : la déformation maximale du béton comprimé
est limitée à 2 mm/m. La deuxième est l’effort maximal obtenu par la méthode
itérative qui permet de déterminer les états d’équilibres successifs jusqu’au point de
divergence d’équilibre.
Jusqu’à 2000 kN, tous les points sont proches des mesures et à partir de 3500 kN,
les points s’en éloignent.
Pour approcher au mieux les efforts maximaux expérimentaux, la valeur de
l’excentricité totale a été déterminée par itérations successives pour chaque poteau.
Les valeurs d’excentricité ainsi déterminées varient entre 0 et 9 mm, et permettent
un bon ajustement des résultats de calculs aux mesures. Ces valeurs proviennent
de défauts géométriques initiaux des poteaux (forme initiale, etc.), de frottements
aux niveaux des liaisons.
La conclusion de cette première validation est, qu’en utilisant une approche ELUSF,
il faut prendre une excentricité initiale inférieure à la valeur limite de 20 mm du
BAEL/BPEL, qui est donc une borne supérieure des défauts réels.

2.2 - Flexion composée

Après une première validation en compression centrée, il s’agit maintenant d’étudier


le cas de la flexion composée. D’autres essais de Christina Claeson [6] sont relatifs
à des poteaux de 120x120-2400 mm et 200x200-3000/4000 mm et soumis à de la
flexion composée.
Cette fois, le chargement est appliqué en excentrant la charge extérieure de 20 mm.
12 poteaux ont été testés expérimentalement, avec différentes configurations de
cadres.
La même démarche que précédemment est appliquée avec un calcul initial ne
tenant compte que de l’excentricité de la charge extérieure, et un second avec la
détermination de la valeur de l’excentricité totale qui permet de retrouver au mieux
les valeurs de charges ultimes.
Ces résultats sont comparés aux résultats expérimentaux. Par rapport à

246
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

l’excentricité initiale de 20 mm, il s’en suit que la correction à apporter varie entre –2
mm et +10mm, du même ordre de grandeur que précédemment, et toujours
inférieure aux 20 mm du BAEL.
La méthode de calcul de calcul ELUSF, intégrée dans notre logiciel, permet
effectivement de déterminer les charges ultimes de poteaux béton armé, en
compression centrée ou excentrée. Il s’agit maintenant de l’utiliser pour les essais
réalisés au LCPC.

3 - Utilisation du logiciel sur la campagne d’essais de poteaux du LCPC

3.1 - Programme d’essais

Un programme d’essais de poteaux armés a été établi au LCPC en 2003 [8].


Deux séries de 10 poteaux ont été réalisées dans le but de tester les performances
de béton armé renforcé par composites. Chaque type de poteau (« B » pour
bâtiment et « OA » pour ouvrage d’art) est défini par un ferraillage spécifique.
Chaque ensemble de 10 poteaux a été coulé le même jour, avec le même béton
prêt à l’emploi.

Quatre méthodes de renforcement par composites industriels ont été employés,


avec quatre types de tissus de frettage (types 1 à 4), et un renfort longitudinal
composé soit de tissus (types 2 et 4) soit de lamelles (types x et y) présentés dans
le Tableau 1

Tableau 1 : Modes de renforcement des poteaux.


Renforts longitudinaux Couches de frettage
Poteaux* (sur chaque face) Type de tissu Enroulement
CC - - -
ES1 6 lamelles « type x » 1 couche de tissu « type 1 » spirale
ES2 1 couche de tissu « type 2 » 1 couche de tissu « type 2 » bandes parallèles
ES3 2 lamelles « type y » 1 couche de tissu « type 3 » bandes parallèles
ES4 1 couche de tissu « type 4 » 1 couche de tissu « type 4 » bandes parallèles
*
CC = référence béton armé, ESi = poteau renforcé

Les propriétés des lamelles et des tissus de fibres de carbone appliqués comme des
bétons (qui dépendent de la série considérée de poteaux) sont disponibles dans [4].

Le renforcement externe des poteaux a été effectué sur la plate forme d’essais du
LCPC par les entreprises qui ont fourni les matériaux composites. Tous les essais
ont été doublés. L’instrumentation de chaque corps d’épreuve comprend 11 jauges
collées sur les armatures métalliques, 3 rosettes et une jauge collées sur le
composite extérieur, et 8 capteurs de déplacement pour la mesure des flèches à
différentes positions au cours d’un essai. L’effort de compression provient de 4
vérins de 1100 kN (effort de compression maximal de 4400 kN). Théoriquement,
pour un poteau de géométrie parfaite, et une liaison parfaite (sans frottement),
l’excentricité totale de la charge appliquée est donc de 20 mm.

247
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3.2 - Cas des poteaux BA « OA » (ouvrage d’art)

3.2.1 Comportement global

Ces poteaux sont supposés bi-articulés, avec une excentricité initiale égale à 20
mm, due aux liaisons (supposées parfaites), et une excentricité additionnelle prise
initialement à 20 mm (excentricité totale 40 mm). Les premiers résultats des calculs
ont été comparés aux courbes expérimentales. Cette comparaison amène les
remarques suivantes : le niveau maximal de charge est relativement bien obtenu,
mais la raideur globale du poteau, même pour des charges peu élevées, n’est pas
satisfaisante ; d’où l’idée de modifier quelques données initiales, à savoir la position
des aciers longitudinaux ou la résistance ultime du béton, qui ont a priori une
influence sur la raideur initiale : c’est en fait la valeur de l’excentricité totale qui a le
plus d’influence sur cette raideur.
Avec des excentricités totales choisies égales à 30 mm et 33 mm L(OA,30mm),
L(OA,33mm) sur la Figure 1, au lieu des 40 mm initiaux, les raideurs des courbes de
comportement global des poteaux « OA1 » et « OA2 » sont les mêmes que celles
enregistrées, mais le pic d’effort est atteint pour une valeur supérieure.
Une explication provient du comportement de certains poteaux en béton armé
soumis à de la flexion composée : avec l’augmentation de la charge normale, le
béton d’enrobage de la cage d’armature se désolidarise du poteau, ce qui induit une
chute brutale d’effort : c’est ce phénomène qui a été observé au cours des essais.
D’après la littérature, ce phénomène (« spalling ») survient environ à 72% de la
contrainte de compression uni axiale maximale obtenue sur cylindre. Si les poteaux
sont soumis à de la flexion composée, ce coefficient est au moins égal à 0,85 selon
Foster [12], d’après des travaux basés sur ceux de Ibrahim et al. [13].
Cette limite expérimentale a été intégrée dans le logiciel, ce qui permet d’obtenir
exactement les courbes mesurées : courbes L(OA,33mm,sp) et L(OA,30mm,sp) sur
la Figure 1.

3.2.2 Comportement local

La réponse du comportement local issue du logiciel est comparée avec les résultats
expérimentaux des jauges collées sur les armatures métalliques et sur les faces de
béton à mi hauteur du poteau.
Dans notre approche, une excentricité initiale constante est prise en compte dès le
début du chargement. Cette hypothèse conduit à une surestimation des
déformations du béton comprimé et le béton le moins comprimé est rapidement
tendu. Cela est amplifié par le fait de négliger le béton en traction. Les allures
globales sont néanmoins correctes.

248
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

1600
1400
1200
Effort [kN]

1000
800
600
400
200
0
0 5 10 15 20 25 30
Flèche au milieu [mm]
OA1 OA2 L(OA,30mm)
L(OA,30mm,sp) L(OA,33mm) L(OA,33mm,sp)

Fig. 1 - Résultats après modifications des excentricités totales.

3.3 - Cas des poteaux BA « B » (bâtiment)

3.3.1 Comportement global

Cette deuxième série d’essais concerne des poteaux moins ferraillés, avec un béton
moins résistant, avec les mêmes liaisons (excentricité théorique du chargement
égale à 20 mm). Les courbes expérimentales effort-flèche sont tracées sur la Figure
2, avec les résultats relatifs aux poteaux « OA » : la raideur des poteaux de type
« B » est plus élevée que celle des poteaux « OA », et le pic d’effort du même ordre
de grandeur.
Comme le taux d’armatures longitudinales est plus faible, l’espacement des cadres
plus important et le béton moins résistant en moyenne, les raisons doivent être
trouvées ailleurs. Vues nos études de validation précédentes, il doit être possible de
décrire ces comportements expérimentaux en choisissant des excentricités totales
plus faibles que les 30 à 33 mm précédents.

Ainsi, différentes courbes ont été calculées avec des excentricités variant entre de 0
à 35 mm. Finalement, des valeurs d’excentricité totale de 10 et 15 mm, avec la prise
en compte de la rupture d’enrobage (« spalling »), permet d’obtenir une description
correcte des courbes expérimentales (Figure 3). Ces écarts d’excentricités peuvent
provenir de la géométrie initiale non rectiligne de ces deux poteaux, et d’un
frottement important au niveau des liaisons.

Pour obtenir une raideur similaire de l’ensemble des quatre poteaux « OA » et « B »,


au rapport des modules d’Young près, il faut choisir des excentricités égales à 30

249
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

mm et de 33 mm pour les poteaux « B » qui correspondent exactement aux


excentricités des poteaux « OA ».

1400

1200

1000
Effort [kN]

800

600

400

200

0
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
Flèche au milieu [mm]

OA1 OA2 B1 B2

Fig. 2 - Comparaison des différent types de poteaux BA : « OA » et « B ».

1400

1200

1000
Effort [kN]

800

600

400

200

0
0 5 10 15 20 25 30
Flèche au milieu [mm]

B1 B2 L(B,10mm)
L(B,10mm,sp) L(B,15mm) L(B,15mm,sp)

Fig. 3 - Résultats après choix des excentricités totales pour les poteaux « B ».

250
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

3.3.2 Comportement local

On a réussi à retrouver avec le logiciel les excentricités totales qui peuvent


correspondre aux mesures expérimentales sur les poteaux « B », d’un point de vue
global. Pour vérifier les comportements locaux, les résultats expérimentaux des
jauges collées sur les aciers et sur les faces du béton au milieu du poteau ont alors
été utilisés.
L’analyse des résultats montre que l’excentricité totale choisie pour les poteaux
« B » donne un comportement bien corrélé avec les mesures relatives aux
déformations du béton et des armatures dans la section centrale du poteau.

3.3.3 Bilan des études sur poteaux BA

Lors de la validation du logiciel par rapport aux essais de compression centrée ou


de flexion composée de Claeson [6-7], nous avons été amené à modifier la valeur
d’excentricité totale d’environ +10 mm pour pouvoir retrouver des niveaux de
charges ultimes comparables. Cette modification est la même pour les poteaux
« OA » du LCPC.
Ce n’est plus le cas pour les poteaux « B », où ces valeurs sont égales à 10 et 15
mm. Par contre, il est montré que la prise en compte de ces excentricités permet de
retrouver les comportements globaux et locaux obtenus expérimentalement.
Par la suite, la comparaison entre poteaux renforcés par composites et poteaux de
référence béton armé ne pourra s’effectuer que si les raideurs initiales sont
similaires. Dans le cas des poteaux « B », nous prendrons comme référence les
courbes modifiées.

4 - Procédure de calcul des poteaux BA renforcés par composites

Il s’agit maintenant de mettre en place des hypothèses de calcul dont l’utilisation doit
permettre d’estimer un niveau de charge ultime correct des poteaux renforcés par
composites et de décrire correctement la courbe de comportement global ou les
courbes de comportements locaux. Ces hypothèses et principes de calcul seront
intégrés dans le logiciel développé.
Cinq hypothèses sont donc posées et prises en compte dans le logiciel développé :
- L’excentricité totale d’un poteau soumis de la flexion composée est la somme de
l’excentricité initiale (e0) due au chargement extérieur et d’une excentricité
additionnelle (ea) de ±10 mm, à adapter en fonction des courbes expérimentales
obtenues.
- Deux coefficients sont insérés dans le modèle de frettage :
x le coefficient de forme k e dépendant de la géométrie de la section droite du
poteau, et
x le coefficient de correction de flexion composée k c 0,50 , prenant en compte
l’effet de l’excentricité sur la distribution de la pression de confinement dans la
section droite (non uniforme).
- Le module d’élasticité des lamelles carbone en compression est réduit de 50% par

251
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

rapport à celui des lamelles longitudinales en traction.


- Les tissus longitudinaux en compression ne sont pas pris en compte dans les
calculs.

4.1 - Cas des poteaux renforcés « OA » (ouvrage d’art)

4.1.1 Comportement global

A l’aide du logiciel, avec les hypothèses précédentes, la réponse des poteaux


renforcés de la série « OA » du LCPC a été reconstruite. Une excentricité totale
égale à 30 mm, qui correspond aux essais sur poteaux OA, a été choisie dans un
premier temps. Les courbes « effort - flèche » obtenues, notées L(ESi,30 mm), sont
présentées sur la Figure 4, ainsi que les résultats expérimentaux (poteaux renforcés
ou non).

La raideur initiale de calcul est correcte au moins pour un poteau de chaque type
(ES1-b, ES2-b, ES3-a, ES3-b et ES4-a) : les poteaux OA1 et OA2 peuvent être
utilisés comme poteaux de référence.

L’estimation du pic d’effort est satisfaisante, sauf pour les poteaux ES1 où la courbe
calculée suit bien ES1-b mais monte trop haut, jusqu’au niveau de ES1-a, qui a une
raideur initiale plus élevée. Le comportement du poteau ES2-b est bien obtenu par
calcul. La raideur de ES2-a est également plus faible, alors, avec 30 mm
d’excentricité totale, on ne peut pas obtenir de résultats satisfaisants. Il en est de
même pour les poteaux ES4. La raideur calculée des poteaux ES3 est légèrement
plus faible que celles des essais, mais l’estimation du pic d’effort de ES3-b est
correcte. C’est le seul type de poteaux où les deux mesures expérimentales sont les
moins dispersées.

Quant au comportement post-pic juste après la chute d’effort, les courbes calculées
ont les mêmes tendances que celles enregistrées expérimentalement, sauf dans les
cas de ES3 où des problèmes de pilotages sont survenus pendant les essais : les
mesures s’arrêtent juste après le pic d’effort.

Théoriquement, il est possible de charger le poteau jusqu’aux déformations ultimes


des matériaux. Les courbes calculées vont donc plus loin que dans la réalité, les
armatures métalliques peuvent être sollicitées au maximum, sans vérification de leur
stabilité. De plus, par hypothèse, c’est la section centrale la plus sollicitée et la
déformée du poteau est sinusoïdale : en réalité, le lieu de ruine n’est pas
exactement à mi-hauteur des poteaux et la déformée après pic non sinusoïdale.

252
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

a) Type ES1 b) Type ES2


2000 2000
1800 1800
1600 1600
1400 1400
Effort [kN]

Effort [kN]
1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flèche au milieu [mm] Flèche au milieu [mm]
ES1-a ES1-b L(ES1,30mm) ES2-a ES2-b L(ES2,30mm)

c) Type ES3 d) Type ES4


2000 2000
Problème de pilotage
1800 1800
1600 1600
1400 1400
Effort [kN]

Effort [kN]

1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flèche au milieu [mm] Flèche au milieu [mm]
ES3-a ES3-b L(ES3,30mm) ES4-a ES4-b L(ES4,30mm)

Fig. 4 - Résultats des poteaux « OA » avec une excentricité choisie de 30 mm.

Dans une deuxième phase de calcul, les poteaux de raideur initiale différente ont été
recalculés en faisant varier la valeur d’excentricité totale. Les courbes après
modification de l’excentricité sont présentées sur la Figure 5.

253
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

a) Type ES1 b) Type ES2


2000 2000
1800 1800
1600 1600
1400 1400
Effort [kN]

Effort [kN]
1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flèche au milieu [mm] Flèche au milieu [mm]
ES1-a L(OA,10mm) ES2-a L(ES2,21mm)

c) Type ES3 d) Type ES4

2000 2000
1800 1800
1600 1600
1400 1400
Effort [kN]

Effort [kN]

1200 1200
1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flèche au milieu [mm] Flèche au milieu [mm]
ES3-a L(ES3,26mm) ES4-b L(ES4,20mm)

Fig. 5 - Résultats des poteaux « OA » avec excentricité modifiée.

L’allure de la courbe de comportement et le niveau d’effort sont globalement


obtenus de manière correcte, sauf pour le poteau ES1, pour lequel on n’est pas
parvenu à retrouver les courbes expérimentales.
Sur la Figure 5/a, la courbe L(OA,10mm) est celle d’un poteau « OA » non fretté
sans lamelle avec une excentricité totale de 10 mm. Avec cette valeur, ce poteau
non renforcé a la même raideur que celle du poteau renforcé (ES1-a), mais l’effort
atteint est plus élevé : les défauts géométriques initiaux de ce poteau ne peuvent
vraisemblablement pas être modélisés de manière globale par le choix d’une

254
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

excentricité totale de valeur fixe, prise en compte dès le début de chargement. Mais
c’est le seul cas (sur huit) où cela se produit.
Dans le cas du poteau ES2-a, la loi de comportement du béton a été modifiée pour
faire chuter l’effort, en limitant la déformation en compression à 2 mm/m.
Sur la figure 5, la courbe expérimentale ES3-a est située exactement sous
L(ES3,26mm). Un bilan des paramètres identifiés est effectué dans le Tableau 2

Tableau 2 : Excentricités identifiées des poteaux « OA » les plus raides.


Type de poteau Paramètres
ES1-a Excentricité totale = 10 mm
ES2-a Excentricité totale = 21 mm, déformation élastique du béton = 2,0 mm/m
ES3-a Excentricité totale = 26 mm
ES4-b Excentricité totale = 20 mm

4.1.2 Comportement local

Dans le paragraphe précédent, il est montré que les hypothèses choisies, en


particulier une valeur d’excentricité totale de 30 mm, permettent de retrouver l’allure
des courbes de comportement global et une estimation correcte des charges de
rupture expérimentales. Il s’agit alors de vérifier que les comportements locaux des
poteaux « OA » renforcés sont globalement bien obtenus.
Pour cela les courbes « déformation - effort axial » ont été reconstruites. Une valeur
d’excentricité totale de 30 mm pour ce poteau ES2-b, qui a déjà permis d’obtenir
une très bonne représentation du comportement global, permet en outre de bien
reproduire les comportement locaux, qu’il s’agisse de celui du béton ou des
armatures métalliques, jusqu’au pic d’effort.

4.2 - Cas des poteaux renforcés « B » (bâtiment)

L’étude des poteaux témoins (B1, et B2) a montré que ces poteaux ne peuvent pas
être utilisés comme poteaux de référence des poteaux renforcés de type « B ».
Néanmoins, notre méthode de calcul sera appliquée à partir des comportements
globaux et locaux expérimentaux.

4.2.1 Comportement global

En ce qui concerne le comportement global des poteaux, les valeurs des


excentricités initiales ont été recherchées de manière à obtenir les résultats les
meilleurs possibles. Ces résultats sont présentés sur la Figure 6 avec les courbes
expérimentales (poteaux renforcés ou non).

Pour chaque type de poteaux deux courbes ont été calculées, correspondant aux
deux courbes mesurées (sauf pour les poteaux type ES4 où les deux mesures sont
identiques). Les paramètres utilisés sont reportés dans le Tableau 3.

255
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Dans les cas de présence de lamelles longitudinales (poteaux ES1 et ES3), l’écart
entre les efforts obtenus est de ±6%. Pour les poteaux seulement renforcés avec du
tissu (poteaux ES2 et ES4), cet écart est encore plus faible.

a) Type ES1 b) Type ES2


1800 1800
1600 1600
1400 1400
1200 1200
Effort [kN]

Effort [kN]
1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flèche au milieu [mm] Flèche au milieu [mm]
ES1-a ES1-b ES2-a ES2-b
L(ES1,15mm) L(ES1,20mm) L(ES2,24mm) L(ES2,30mm)

c) Type ES3 d) Type ES4


1800 1800
1600 1600
1400 1400
1200 1200
Effort [kN]

Effort [kN]

1000 1000
800 800
600 600
400 400
200 200
0 0
0 20 40 60 0 20 40 60
Flèche au milieu [mm] Flèche au milieu [mm]
ES3-a ES3-b
ES4-a ES4-b L(ES4,20mm)
L(ES3,20mm) L(ES3,27mm)

Fig. 6 - Résultats des poteaux « B » avec excentricité modifiée.

256
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 3 : Excentricités identifiées des poteaux « B » renforcés.


Type de poteau Paramètres
ES1-a Excentricité totale = 20 mm, déformation élastique du béton = 2,0 mm/m
ES1-b Excentricité totale = 15 mm
ES2-a Excentricité totale = 24 mm
ES2-b Excentricité totale = 30 mm
ES3-a Excentricité totale = 27 mm
ES3-b Excentricité totale = 20 mm
ES4-a
Excentricité totale = 20 mm
ES4-b

4.2.2 Comportement local

Pour le poteau ES3, où le logiciel donne une courbe de comportement global proche
de celle enregistrée expérimentalement (Figure 6-c), les comportements locaux au
droit de la section médiane du poteau sont bien représentés, toujours jusqu’au pic.

5 - Bilan : extension réglementaire

Le logiciel de calcul développé intègre les non linéarités géométriques et


matérielles, l’effet de frettage du béton par composite, celui de la forme de la section
droite et la présence des renforts composites longitudinaux et transversaux. La
méthode ELUSF a été validée pour des poteaux BA (non renforcés) en compression
centrée et en flexion composée sur poteaux en béton armé. Cette étude de
validation a permis de justifier l’ordre de grandeur de l’excentricité additionnelle,
inférieure aux 20 mm du BAEL, pour laquelle les valeurs de charges ultimes
expérimentales sont retrouvées.
Grâce au modèle de frettage développé et aux observations effectuées dans la
thèse de Krisztián VERÓK [4] et à des résultats et études de la littérature, des
hypothèses de calculs ont été définies liées aux rôles des composites longitudinaux
et transversaux, à l’effet de forme de la section et à celui d’un chargement en flexion
composée, afin d’aboutir à l’objectif initial : la proposition d’une méthode de calcul de
poteaux BA renforcés par composites.
Le principe de l’extension réglementaire de notre méthode de calcul consiste à
effectuer le même type de calculs de dimensionnement, mais en prenant en compte
cette fois les coefficients de sécurité des matériaux [11]. Les coefficients pris en
compte par la suite sont reportés dans le Tableau 4. L’excentricité additionnelle de
dimensionnement est prise égale à 20 mm, ce qui correspond dans le cas des
poteaux renforcés LCPC à une excentricité totale de 40 mm.

Tableau 4 : Coefficients de sécurité des matériaux.


Béton Acier Lamelle Tissu
Coefficients de sécurité 1,50 1,15 1,25 1,40

257
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tous les résultats obtenus sont reportés dans le Tableau 5. Ce tableau est séparé
en trois colonnes principales, qui correspondent aux poteaux BA, aux poteaux
renforcés par composite puis à la comparaison des différents résultats.

Pour les poteaux en béton armé, l’effort maximal mesuré est noté N exp , l’effort
réglementaire est noté N dim .

Pour les poteaux renforcés, l’effort maximal enregistré expérimentalement est noté
renf renf
N exp et l’effort réglementaire (proposé) N dim .
Le quotient des pics d’effort de dimensionnement entre poteaux renforcés et béton
renf renf
armé est appelé N dim / N dim , et celui des valeurs expérimentales est N exp / N exp ,
calculé en fonction du choix du poteau de référence BA.

Pour les poteaux « OA » non renforcés, la moyenne des deux mesures a été
ajoutée comme valeur possible d’effort de référence. Pour les poteaux « B » non
renforcés, du fait de leur excentricité initiale différente, la moyenne n’a pas
réellement de sens et la valeur estimée a été ajoutée aux valeurs individuelles. Elle
correspond à un poteau de référence de même excentricité que les poteaux
renforcés « B ».

D’après le tableau 5, l’efficacité du renforcement des poteaux dépend de leur


capacité portante initiale : plus la capacité portante est faible, plus le renforcement
renf
est efficace (colonne N dim / N dim ). L’augmentation possible de charge varie entre 7%
et 25% pour les poteaux « OA » et entre 11% et 36% pour les poteaux « B ». Les
valeurs obtenues indiquent également que la mise en place de lamelles
longitudinales, même à un taux de travail de 50%, influe fortement sur la valeur
atteinte de charge ultime : rapports de 1,07 à 1,18 dans le cas de tissus, et de 1,15
à 1,36 dans les cas de tissu + lamelles.
Au final, la marge de sécurité N exp / N dim  1 >%@ est de 83% pour les poteaux « B » et
de 62% pour les poteaux « OA »). Celle des poteaux renforcés par composite,
renf
calculée par N exp renf
/ N dim  1 >%@ varie entre 86% et 133% pour les poteaux « B », et
entre 65% et 110% pour les poteaux « OA ».
Avec notre méthode de calcul, les valeurs minimales de marges de sécurité pour les
poteaux renforcés sont à peu identiques à celles obtenues pour les poteaux béton
armé : nos hypothèses vont dans le sens de la sécurité.
Néanmoins, il est nécessaire de prendre en compte l’effet de vieillissement à propos
des essais de frettage sur éprouvettes « âgées ». Pour ce faire, le Tableau 5 a été
reconstruit en employant le coefficient de D f 0,65 des recommandations AFGC
[11] (Tableau 6).

258
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 5: Résultats de mesure et de dimensionnement.


Poteaux non renforcés Poteaux renforcés Comparaison
renf renf renf renf
Série N exp N dim * N exp N dim N dim / N dim N exp / N exp
Nom Nom C
[kN] [kN] [-]
Poteau de référence pour la comparaison ĺ OA1 OA2 M
OA1 1267 ES1-a L+ 1598 1,26 1,29 1,27
970 1,25
OA2 1240 774 ES1-b T 1740 1,37 1,40 1,39
M** 1254 ES2-a 1740 1,37 1,40 1,39
T 828 1,07
ES2-b 1565 1,24 1,26 1,25
OA
ES3-a L+ 1740 1,37 1,40 1,39
889 1,15
ES3-b T 1637 1,29 1,32 1,31
ES4-a 1506 1,19 1,21 1,20
T 845 1,09
ES4-b 1749 1,38 1,41 1,39
Poteau de référence pour la comparaison ĺ B1 B2 E
B1 1150 ES1-a L+ 1506 1,31 1,18 1,51
739 1,36
B2 1272 545 ES1-b T 1650 1,43 1,30 1,66
E*** 995 ES2-a 1262 1,10 0,99 1,27
T 606 1,11
ES2-b 1125 0,98 0,88 1,13
B
ES3-a L+ 1299 1,13 1,02 1,31
662 1,21
ES3-b T 1544 1,34 1,21 1,55
ES4-a 1482 1,29 1,17 1,49
T 645 1,18
ES4-b 1441 1,25 1,13 1,45
*
: La colonne C (Configuration) indique les types de renfort ; L+T = Lamelles comme renfort
longitudinal et Tissu comme renfort de frettage ; T = il n’y a que du Tissu comme renfort
longitudinal et de frettage.
**
: Moyenne des mesures OA1 et OA2. *** : Le Poteau équivalent Estimé pour les calculs.

Dans le tableau 6, l’indice D indique les calculs effectués avec le coefficient de


0,65. Les autres notations sont celles du tableau précédent.
Comme l’indique la dernière colonne du tableau, avec les hypothèses posées
précédemment, la diminution de charge de dimensionnement entre le calcul avec
renf renf
D 0,65 et celui initial où D 1,00 ne dépasse pas 8% (rapport N dim, D / N dim compris

entre 0,92 et 0,99).


En limitant la contrainte de dimensionnement dans les composites, la pression de
confinement maximale est plus faible qu’initialement. Dans le cas de tissus de
frettage, peu sollicités expérimentalement, l’effet du coefficient D est très limité (au
maximum moins de 3% d’écart). Dans le cas de la présence de lamelles, la
contrainte maximale admissible est réduite, et la déformation correspondante est
atteinte (dans le calcul, avec une excentricité initiale de 20 mm), d’où la légère chute
de capacité ultime obtenue.

259
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Tableau 6 : Comparaison des efforts de dimensionnement avec ou sans D 0,65 .


Poteaux non
Poteaux renforcés Comparaison
renforcés
Série N dim renf renf
N dim, renf renf
N dim, renf renf
* N dim D N dim / N dim D / N dim N dim,D / N dim
Nom C
[kN] [kN] [-]
ES1 L+T 970 907 1,25 1,17 0,94

ES2 T 828 818 1,07 1,06 0,99


OA 774
ES3 L+T 889 851 1,15 1,10 0,96

ES4 T 845 829 1,09 1,07 0,98

ES1 L+T 739 678 1,36 1,24 0,92

ES2 T 606 594 1,11 1,09 0,98


B 545
ES3 L+T 662 627 1,21 1,15 0,95

ES4 T 645 628 1,18 1,15 0,97


*
: La colonne C (Configuration) indique les types de renfort ; L+T = Lamelles comme renfort
longitudinal et Tissu comme renfort de frettage ; T = il n’y a que du Tissu comme renfort longitudinal
et de frettage.

Dans le cas de l’emploi de tissus, le gain de charge (réglementaire) est finalement


compris entre 6 et 15%, et entre 10 et 24% avec l’emploi de lamelles et de tissus de
frettage.

6 - Conclusions

Sur la base des calculs ELUSF à effectuer pour le dimensionnement des poteaux en
béton armé soumis à de la flexion composée, nous avons proposé une méthode de
calculs de poteaux renforcés par composites.
La méthode intègre un modèle de frettage du béton par tissus latéral, la présence de
lamelles comprimées (à contrainte axiale limitée) ou tendues, celle de tissus tendus
(les tissus comprimés sont négligés).

Nous avons montré par calcul inverse que l’excentricité additionnelle à introduire
dans un logiciel spécifiquement développé pour cette étude est toujours inférieure à
l’excentricité additionnelle réglementaire de 20 mm, et que les comportements
globaux et locaux sont bien représentés, au moins jusqu’au point de divergence

260
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

d’équilibre.
Nous proposons ainsi de garder la valeur réglementaire de 20 mm, et d’intégrer le
coefficient des recommandations provisoire AFGC D 0,65 dans les calculs de
poteaux renforcés.

Notre méthode doit maintenant être validée sur la base d’autres résultats
expérimentaux.

Références Bibliographiques

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constructions en béton précontraint, suivant la méthode des états-limites,
Troisième Edition, Edition Eyrolles, p. 333, 2000.
[2] ROCHETTE P., LABOSSIÈRE P., Axial testing of rectangular column models
confined with composites, Journal of composites for construction, Vol. 4(3), pp.
129-136, August 2000.
[3] SUTER R., PINZELLI R., Confinement of Concrete Columns with FRP sheets,
Proceedings of the fifth international conference on fibre-reinforced plastics for
reinforced concrete structures, Cambridge, UK, 16-18 July 2001.
[4] VERÓK K., Renforcement des structures en béton armé à l’Aide de matériaux
composites : étude du frettage et applications, Doctorat de l’ENPC, 2004.
[5] Borland Delphi Enterprise : Version 6.0 (Build 6.163), Copyright ©1983,
Borland Software Corporation, http://www.borland.com, 2001.
[6] CLAESON C., GYLLTOFT K., Experiments and finite element analysis of the
structural behaviour of reinforced high strength concrete stub columns, Nordic
Concrete Research, 2/96, pp.1-20., 1996.
[7] CLAESON C., GYLLTOFT K., Slender high-strength concrete columns
subjected to eccentric loading, Journal of structural engineering, ASCE 124(3),
pp. 233-240, March 1998.
[8] QUIERTANT M., TOUTLEMONDE F., CLÉMENT J-L., Combined flexure-
compression loading for RC columns externally strengthened with longitudinal
and transverse CFRP retrofitting, fib Symposium, Avignon, France, April 26-28
2004.
[9] CLEMENT J-L., Cours de béton armé, ENS de Cachan, 1990.
[10] Eurocode 2 (XP ENV 1992-1-1), Calcul des structures en béton et Document
d'Application Nationale - Partie 1-1 : Règles générales et règles pour les
bâtiments, P 18-711, décembre 1992.
[11] Association Française de Génie Civil, Réparation et renforcement des structure
en béton au moyen des matériaux composites, Document scientifique et
technique, p. 148, décembre 2003.

261
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

[12] FOSTER JF., LIU J., SHEIKH S., Cover spalling in HSC columns loaded in
concentric compression, Journal of structural engineering, ASCE 124(12), pp.
1431-1337, December 1998.
[13] IBRAHIM, H.H.H., MAC GREGOR J.G., Modification of the rectangular stress
block for high-strength concrete, ACI Structural Journal, Vol. 94(1), pp. 40-48,
January-February 1997.

262
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

„ DALLES EN BÉTON ARMÉ RENFORCÉES À L’AIDE DE MATÉRIAUX COMPOSITES : ÉTUDE


THÉORIQUE ET EXPÉRIMENTALE

LIMAM O., FORET G., EHRLACHER A.


Laboratoire d'Analyse des Matériaux et Identification, Institut Navier, ENPC/LCPC, Champs-sur-
Marne

Résumé

L’étude réalisée porte sur des dalles en béton armé renforcées par des bandes en
fibres de carbone collées sur la face tendue. La dalle renforcée peut être considérée
comme un tri-couche, la couche inférieure représentant les bandes en matériaux
composites, la couche intermédiaire les aciers et la couche supérieure le béton en
compression. Un modèle membranaire simple est utilisé pour décrire les
mécanismes possibles de ruine dans le cas d’une dalle appuyée sur ses quatre
cotés avec un chargement central. Une approche par l’extérieur par les vitesses est
réalisée en considérant des discontinuités de vitesse dans les couches et aux
interfaces. Enfin, une comparaison entre les résultats théoriques et expérimentaux a
été effectuée.

1 - Introduction

Le renforcement externe des ouvrages d’art par collage de bandes ou plaques en


matériaux composites améliore la rigidité ainsi que la capacité portante de l’ouvrage
[1, 2]. Depuis une dizaine d’années, ces matériaux sont utilisés à grande échelle
pour la réparation et le renforcement. La méthode classique consiste a supposer
une adhérence parfaite à l’interface du collage. Plusieurs modes de rupture peuvent
être décrits à partir de cette méthode tels que : plastification des aciers d’armatures,
rupture du composite et écrasement du béton en compression. Plusieurs modèles
ont été proposés pour décrire les modes de rupture de décollement du renfort ainsi
que le décollement total du béton d’enrobage [3-6]. Nous considérons un modèle
membranaire de plaque [7-8] pour décrire les mécanismes de ruine possibles dans
le cas d’une dalle appuyée sur ses quatre cotés soumis à un chargement central.
Nous ferons une approche de type calcul à la rupture appliquée aux multicouches.
Cette approche a déjà été appliquée dans le cas des poutres en béton armé
renforcées à l’aide de matériaux composites [9].

2 - Modélisation

Nous considérons une dalle en béton armé réparée par collage de bandes en fibres
de carbone dans les directions x et y. Cette dalle est rectangulaire et appuyée
simplement sur ses quatre cotés. La dalle renforcée peut être modélisée par une
plaque membranaire tri-couche: une couche de matériaux composites, une couche
en acier de renforcement et une couche en béton armé (figure 1). Le travail du béton
en traction est négligé devant le travail des autres matériaux. La plaque est

263
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

composée de trois couches d’épaisseur respective e1 , e 2 et e3 de longueur 2l et de


largeur 2L (figure 2). Le plan moyen : de la plaque est muni d’un repère (o, e x , e y ) .
Une charge Q est appliquée au centre de la plaque. Les déplacements verticaux
sont bloqués sur tout le contour et les déplacements horizontaux sont bloqués sur
deux cotés voisins.

(Zone du béton en compression)

(Acier)
(Matériaux composites)

Fig. 1 - Section de la dalle renforcée.

La cinématique du modèle comprend 2n+1 champs sur : , donnés par n champs


i
vectoriels de déplacements membranaires de chaque couche, U (i désignant le
numéro de la couche, i  [1..n] ) et W3 le déplacement normal moyen de toutes les
couches.

Les déformations généralisées relatives à ce modèle sont définies par :


i i
H Sym(Grad U ) , la déformation membranaire de la couche.
i ,i 1
i 1 i e i  e i 1
D (U  U  Grad( W3 )) , la déformation de cisaillement à l’interface i,
2
i+1.

Les efforts généralisés associés aux déformations généralisées sont :


i
N ( x , y) , efforts membranaires généralisés dans la couche i, tenseur d’ordre 2 plan.
i ,i 1
W ( x , y) , cisaillement généralisé à l’interface i, i+1, vecteur plan.

Dans le cas de notre exemple les conditions aux limites se traduisent par :
U13 ( x , y) 0 si x = -L, U 32 ( x , y) 0 si x = -l et W3 ( x , y) 0 sur le contour Z
i
Le critère au niveau de la couche i, avec i  ^1,2,3` s’écrit sous la forme N  G iN et le
i ,i 1
critère à l’interface i, i+1 s’écrit sous la forme W  G iW,i1 , où G iN et G iW,i1 sont des
domaines de résistance supposés convexes.

264
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Dans le cas de notre application nous choisissons des critères de la forme :


i
 N i11c  N i11  N i11 t ,  N i 22 c  N i 22  N i 22 t , N i12  N 12
i ,i 1 i ,i 1 i ,i 1 i ,i 1
W1  W1c , W2  W2c (3)

Béton Composite
l

Z
ey
-L L
ex
Q

-l
3
2 Acier
1

Fig. 2 - Plaque tri-couche appuyée sur 4 cotés.

3 - Mécanismes de ruine

Dans le cas de l’approche par l’extérieur par les vitesses nous considérons des
mécanismes de ruine qui se traduisent par une discontinuité de vitesse dans les
couches et aux interfaces. Comme indiqué sur la figure 3 le domaine : est divisé en
4 domaines :1, :2, :1’ et :2’, qui sont supposés ouverts, dans lesquels le champ
cinématique est constant. Les limites entre ces domaines définissent les charnières
qui apparaissent lors de la rupture de la dalle. Ces charnières représentent les
discontinuités de vitesse relatives aux taux de déplacements généralisés. Le
chargement est à un seul paramètre Q et la vitesse de chargement est
q ( U ) W3 (0) . Un mécanisme de ruine correspond à une vitesse q ( U ) W3 (0) non
nulle.

Mécanismes de couches :

Dans le cas de mécanismes de couches, nous supposons que le taux de


déformation de cisaillement généralisée aux interfaces est nul.

D1, 2 0 et D 2 ,3 0.

265
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Les constantes A et B représentent les discontinuités de vitesse entre :1 et :1’ et


suivant la direction x respectivement au niveau de la couche 1 et 2. Les constantes
A' et B' représentent la discontinuité de vitesse entre :2 et :2’ et suivant la
direction y respectivement au niveau de la couche 1 et 2.
Les champs de vitesses cinématiquement admissibles sont donnés par :
3
U 0 sur :1, :2, :1’ et :2’.

2 ªA º 2 ª A º ª0 º ª0 º
U « 2 » Sur :1 , U « 2 » sur :1’, U 2 «A' » sur :2 et U
2
« A' » sur :2’
«¬0 »¼ «¬0 »¼ «¬ 2 »¼ «¬ 2 »¼

1 ªB º 1 ª B º ª0 º ª0 º
U « 2 » Sur :1 , U « 2 » sur :1’, U1 «B' » Sur :1 et U
1
« B' » sur :1’

¬«0 ¼» ¬«0 ¼» ¬« 2 ¼» ¬« 2 ¼»

:2 n
D

y0
:1 ' :1

:2 '

Fig. 3 - Définition des domaines :1, :2, :1’ et :2’

On écrit alors une condition suffisante pour la ruine c’est-à-dire que Q.q ( U) t Pd ( U) .
Pd ( U) est la puissance maximale dissipée selon le mécanisme U.

266
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Cette condition est ainsi donnée par :

(e 2  e 3 ) 2 L 2 2 L L
Qt ( [ N112 t sin D  N12 cos D  N12 sin D  N 222 t cos D
L cos D l  y0 l  y0
e1  e 2 1 e1  e 2 1 e1  e 2 L
 N111t sin D(1  2 3
)  N 12 cos D (1 
2 3
)  N 12 sin D (1 
2 3
)
e e e e e  e l  y0
e1  e 2 L e1  e 2
 N122 t cos D(1  ) ]  2 y 0
[ N 2
11 t
 N 1
11 t
(1  )])
e 2  e3 l  y 0 e 2  e3

En considérant la discontinuité de vitesse au niveau de la couche 2 et 3 nous


aboutissons à la condition suffisante pour la ruine du même type qui s’écrit en
fonction des critères de rupture portant sur les couches 2 et 3.

D’autre part, en considérant la discontinuité de vitesse au niveau des couches 1 et 3


nous aboutissons à la condition suffisante pour la ruine du même type qui s’écrit en
fonction des critères de rupture dans les couches 1 et 3.

Mécanismes d’interfaces :

Dans ce cas, nous introduisons des discontinuités de vitesse aux interfaces. Le


champ de vitesse est donné par:
i
H 0 sur :1, :2, :1’ et :2’.
3
U 0 sur :1, :2, :1’ et :2’.
2
U 0 sur :1, :2, :1’ et :2’.
1
U 0 sur :1, :2, :1’ et :2’..

1, 2 ªc º 1, 2 ª cº 1, 2 ª0 º 1, 2 ª0 º
D «0» Sur :1 , D «0 » sur :1’, D «c'» sur :2 et D « c'» sur :2’
¬ ¼ ¬ ¼ ¬ ¼ ¬ ¼
2,3 ªe º 2,3 ª eº 2,3 ª0 º 2, 3 ª0 º
D «0» Sur :1 , D «0 » sur :1’, D «e'» sur :2 et D « e'» sur :2’
¬ ¼ ¬ ¼ ¬ ¼ ¬ ¼

Une condition suffisante pour la ruine s’écrit :

e1  e2 1,2 2 1,2 e2  e3 2,3 e2  e3 2 2,3


Qt [4LlW1c  2L W2c  1 2 (4Ll)W1c  2 1 2 L W2c ]
L e e e e

267
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Mécanismes mixtes :

Dans le cas d’un mécanisme mixte, la rupture se produit dans une couche et au
niveau d’une interface. Nous exposons l’exemple de la couche 1 et de l’interface
(2,3). Le champ de vitesse est défini par :
3
U 0 sur :1, :2, :1’ et :2’.
2
U 0 sur :1, :2, :1’ et :2’.

1 ªA º 1 ª A º ª0 º ª0 º
U « 2 » Sur :1 , U « 2 » sur :1’, U1 «A' » sur :2 et U
1
« A' » sur :2’
«¬0 »¼ «¬0 »¼ «¬ 2 »¼ «¬ 2 »¼

2,3 ªc º 2,3 ª cº 2,3 ª0 º 2,3 ª0 º


D «0» Sur :1 , D «0 » sur :1’, D «c'» sur :2 et D « c'» sur :2’.
¬ ¼ ¬ ¼ ¬ ¼ ¬ ¼

D1, 2 0
Nous retrouvons une condition suffisante pour la ruine donnée par :

e1  e 2 2L 1 1 L L
Qt ( [ N111t sin D  N12 cos D  N12 sin D  N122 t cos D ]
L cos D l  y0 l  y0
e 2  e3 e 2  e 3 2 2 ,3
 2 y 0 [ N111t ]  ( 2 Ll  ( l  y 0
) L ) W 2,3
1c
 L W2c )
e1  e 2 e1  e 2

Les autres mécanismes de ruine mixtes nous permettent d’aboutir à trois autres
conditions suffisantes pour la ruine.

4 - Etude expérimentale et comparaison

Deux dalles de longueur 1,7 m, de largeur 1,3 m et d’épaisseur 7 cm ont été testées.
Les dalles sont renforcées par un treillis en acier de diamètre 6 mm, les aciers étant
espacés de 20 cm dans les directions x et y. L’épaisseur du béton d’enrobage est de
17 mm. Une dalle est renforcée par des bandes en fibres de carbone, la deuxième
n’étant pas renforcée. Le béton présente une résistance à la compression à 28 jours
de 30 MPa. Les aciers présentent une limite de plastification de 540 MPa. Un
capteur de déplacement est placé au centre de la dalle. Des bandes ayant une
épaisseur de 1,4 mm, une largeur de 5 cm et une longueur de 150 cm sont collées
dans la direction y et des bandes ayant une épaisseur de 1,4 mm et une largeur de
5 cm et une longueur de 100 cm sont collées dans la direction x. Les bandes sont
espacées de 15 cm. La résistance en traction des bandes en fibres de carbone est
de 2800 MPa.

268
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Nous négligeons le travail de la zone de béton en dessous de l’axe neutre. Une


méthode approximative est utilisée pour calculer la position de l’axe neutre. La
rupture peut se produire dans la couche 1 (compression du béton), la couche 2
(acier) ou la couche 3 (bandes en fibres de carbone). La rupture peut être produite
par une discontinuité de vitesse à l’interface (1,2) : les bandes composites se
décollent du béton. La rupture peut se produire à l’interface (2,3) : le béton
2,3 2,3
d’enrobage se décolle avec les bandes composites qui y reste collées. W1c W2c
représentent la limite en cisaillement du béton et est égale à 2,5 MPa. Nous
supposons aussi que la limite en cisaillement à l’interface 1,2 est aussi égale à 2,5
MPa.

Nous observons dans un premier temps lors de l’essai sur la dalle non renforcée la
présence de charnière à 45°. D’autre part, la courbe force/déplacement présente un
caractère ductile (figure 4).

Si nous considérons que D 45q , nous avons huit mécanismes de ruine possibles
qui incluent trois mécanismes de couches, un mécanisme d’interface et quatre
mécanismes mixtes.

Pour la dalle renforcée, les charges ultimes sont données dans le tableau 1. Ainsi,
lors de l’essai sur la dalle renforcée nous observons que la rupture est obtenue par
décollement des bandes. Selon le présent modèle la rupture se fait par décollement
des bandes et plastification des aciers.

Tableau 1 : Charges ultimes


Mécanismes de Mécanismes mixtes Mécanismes
couches d’interface
Mécanismes 1 et 2 2 et 3 1 et 1 et 3 et 2 et 2 et (1,2) et (2,3)
3 (2,3) (1,2) (1,2) (2,3)

Charges 538 255 344 439 186 123 341 374


ultimes (kN)

D’après la figure 4 nous constatons de plus que la charge de ruine augmente de


110% à l’aide du renforcement par des bandes en matériaux composites. La figure 4
montre aussi une bonne concordance entre la charge ultime théorique et la charge
déterminée expérimentalement.

269
Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

Fig. 4 - Force en fonction de la flèche pour une dalle renforcée


et comparaison avec les résultats théoriques.

5 - Conclusion

Le renforcement des dalles en béton armé à l’aide de matériaux composites


augmente considérablement la charge ultime. Dans notre modèle simplifié, nous
avons fait l’hypothèse que la dalle renforcée se rompt selon trois mécanismes
possibles : un mécanisme de couche, un mécanisme d’interface et un mécanisme
mixte. La rupture est alors obtenue dans deux éléments parmi les trois couches et
les deux interfaces. Nous avons établi huit majorations de la charge de ruine
données par huit types de mécanisme de ruine possibles et cela en fonction des
critères de rupture dans les couches et aux interfaces et les caractéristiques
géométriques de la dalle. Ceci représente un critère de dimensionnement. Enfin,
nous observons dans le cadre des essais réalisés une bonne concordance entre la
charge ultime théorique et la charge obtenue expérimentalement.

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l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, 1997.
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modélisation, thèse de doctorat 1998.
[3] HAMELIN P., VARASTEHPOUR H., Characterisation of concrete-composite
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PLURALIS 1997.
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poutres en béton armé par collage de tissus à fibre de carbone TFC, XVIèmes
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Renforcement des ouvrages en béton par collage de composites
Bilan de deux opérations de recherche du LCPC

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25 mai 2000.
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epoxy-bonded fibre-composite materials, Material and structures, 1992, 25, pp
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d’interface à l’aide de la modélisation multiphasique des matériaux
multicouches M4, Compte rendu des JNC9, 1994.
[8] CHABOT A., Analyse des efforts à l’interface entre les couches des matériaux
composites à l’aide des M4. Thèse de doctorat, ENPC, 1997.
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material: A limit analysis approach and experimental, Composite Structures
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271
Document publié par le LCPC sous le N° C1502453
Impression JOUVE
Dépôt légal 1er trimestre 2006

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