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CHAPITRE 1.

DISTILLATION

Gwenola Burgot, Jean-Louis Burgot

Lavoisier | « Hors collection »

2017 | pages 3 à 43
ISBN 9782743020392
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn-sciences.info/chimie-analytique--9782743020392-page-3.htm
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Partie 1

Méthodes
de séparation :
extraction,
chromatographies
et électrophorèses
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Chapitre 1
Distillation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
Chapitre 2
Coefficient de partage : fondements thermodynamiques 45
Chapitre 3
Extraction simple par un solvant non miscible . . . . . . . . . 55
Chapitre 4
Extraction simple et équilibres chimiques
dans les deux phases . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
Chapitre 5
Extractions répétées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
Chapitre 6
Extraction à contre-courant ou épuisement
à contre-courant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
Chapitre 7
Séparation à contre-courant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Chapitre 8
Retour sur la notion de reflux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101
Chapitre 9
Extraction et microextraction sur phase solide . . . . . . . . . 109
Chapitre 10
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Généralités sur les méthodes chromatographiques . . . . . 129
Chapitre 11
Aspects théoriques fondamentaux
de la chromatographie d’élution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137
Chapitre 12
Conséquences pratiques de la théorie
des plateaux : aspects qualitatifs et quantitatifs
de la chromatographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Chapitre 13
Principaux types de séparation chromatographique . . . . 187
Chapitre 14
Chromatographies instrumentales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237
Chapitre 15
Méthodes de séparation électrophorétiques . . . . . . . . . . 289
▬ Chapitre 1 ▬
Distillation

La distillation consiste, à l’aide d’un appareillage convenable, à vaporiser


en le chauffant un mélange liquide et à condenser les vapeurs obtenues. Elle
concerne donc des équilibres liquide-vapeur. En général, les constituants d’un
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mélange liquide ont des volatilités différentes. Il en résulte une composition de la
vapeur différente de celle du mélange liquide initial. La condensation des vapeurs
conduit donc à un liquide de titre différent de celui du liquide de départ.
La distillation est une méthode de séparation et même un procédé de l’analyse
immédiate, car elle permet de résoudre, au moins en partie, une phase liquide en
ses constituants.
L’étude que nous proposons comporte les points suivants :
–– des rappels de chimie physique absolument nécessaires pour bien com-
prendre les « fondements » théoriques de la distillation. Nous en profitons
pour définir déjà quelques paramètres dont la valeur conditionne la réussite
d’une distillation ;
–– une étude de la distillation simple de composés miscibles ;
–– une étude de la distillation fractionnée ou rectification de composés
miscibles ;
–– une étude de l’entraînement à la vapeur de composés non miscibles ;
–– une étude de la distillation moléculaire ;
–– la citation de quelques applications.
Nous nous bornons à étudier la distillation d’un mélange binaire constitué par
deux composés qui, purs, sont des liquides à température ordinaire sous pres-
sion atmosphérique. Enfin, le plus souvent, nous nous plaçons dans le cas où le
mélange binaire forme une solution idéale.
4  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

1. Rappels

1.1. Composé pur

1.1.1. Lois de l’ébullition


La vaporisation est le passage d’un corps de l’état liquide à l’état gazeux. Elle
peut se faire de plusieurs façons dont l’évaporation et l’ébullition.
L’ébullition est la vaporisation tumultueuse par formation de bulles au sein
du liquide.

►►PREMIÈRE LOI

Sous pression constante, l’ébullition d’un corps commence toujours à la


même température et cette température reste invariable pendant toute la durée de
l’ébullition.
La règle des phases, qui se traduit par la relation :
v = c+2−φ
où v est la variance, c le nombre de constituants indépendants, φ le nombre de
phases, conduit à une variance de 1. En effet, c = 1 et φ = 2 lorsque les deux
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phases liquide et vapeur sont présentes. On ne peut donc fixer qu’un facteur. Une
fois celui-ci fixé, tous les autres le sont, par exemple la température d’ébullition.
Dans le contexte de la première loi, le paramètre, qui est fixé arbitrairement et
maintenu constant, est la pression. En conséquence, la température d’ébullition
est constante.

►►DEUXIÈME LOI

Un liquide bout à la température pour laquelle sa pression maximale de vapeur


(pression de vapeur saturante) est égale à la pression exercée sur sa surface libre.

1.1.2. Pression de vapeur


►►PRESSION ATMOSPHÉRIQUE

La pression atmosphérique est égale au poids d’une colonne cylindrique de


mercure ayant 1 cm2 de base et pour hauteur la distance verticale des niveaux de
mercure dans le tube et dans la cuve (figure 1.1).

►►PRESSION DE VAPEUR DANS LE VIDE

Prenons deux tubes barométriques A et B dont un, le tube A, sert de témoin. À


l’aide d’une seringue à bout recourbé, introduisons un peu d’éther dans le tube B
(le choix de l’éther se justifie uniquement par le fait qu’il se vaporise facilement.
L’expérience décrite ici est générale). Tant qu’il y a très peu d’éther injecté, il est
vaporisé totalement et le niveau du mercure baisse dans le tube B. La différence h
Distillation  ■ 5

Figure 1.1. Pression atmosphérique.

en millimètres représente la pression de la vapeur d’éther. Tant qu’il n’y a pas d’éther
liquide à apparaître dans le haut de la colonne, on dit qu’on est en présence de vapeur
sèche. Cette vapeur sèche est censée obéir à la loi des gaz parfaits (figure 1.2).

Vide Vapeur
d’éther
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h

A B

Mercure

Éther

Figure 1.2. Production de vapeur sèche.

►►PRESSION DE VAPEUR SATURANTE

Si on augmente le volume d’éther injecté, il arrive un moment où la hauteur h


ne varie plus. On note en même temps l’apparition d’éther liquide au-dessus de la
colonne de mercure. On dit qu’on est en présence de vapeur saturante. La hauteur
h est dite tension de vapeur saturante. Elle n’est fonction que de la température et
de la nature du liquide (figure 1.3).

1.1.3. Pression de vapeur en atmosphère limitée : loi de Dalton


Si, dans l’expérience précédente, de l’air avait été dans le tube à la place du
vide, on observerait que le liquide (l’éther) se vaporise jusqu’à ce que la pression
de sa vapeur dans le mélange gazeux (éther-air) soit égale à sa pression de vapeur
6  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

Vapeur Vapeur
Vide sèche saturante

h
hm

A
Éther
Mercure liquide

Figure 1.3. Tension de vapeur saturante.

saturante dans le vide, à la même température. Ce fait expérimental est à la base


de la définition de la pression partielle. Plus précisément, supposons que dans un
même récipient on introduise plusieurs gaz sans action chimique mutuelle.
On appelle pression partielle pi de chacun des différents gaz i du mélange
celle qu’il exercerait s’il occupait à lui seul le volume total du récipient, à la
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même température.
La loi de Dalton1 stipule que si le mélange gazeux se comporte comme un gaz
parfait, la pression P exercée par l’ensemble de la vapeur est égale à la somme
des pressions partielles des différents constituants :
P = ∑ pi .
i

1.1.4. Diagramme d’équilibre liquide-vapeur d’un composé pur


La pression de vapeur P d’un composé pur liquide à température ambiante
et à pression atmosphérique normale dépend seulement de sa nature et de la
température.
Si l’on trace l’évolution de P en fonction de la température, on obtient une
courbe du type de la figure 1.4.
Une telle courbe est appelée diagramme d’équilibre liquide-vapeur. On voit
que la pression de vapeur augmente avec la température. Si la pression exercée
sur la surface libre est Ps, on voit que, d’après la deuxième loi de l’ébullition, la
température d’ébullition TE est fixée immédiatement.

1. John Dalton, physicien et chimiste anglais (1766-1844).


Distillation  ■ 7

PS

Liq

Vap

TE T

Figure 1.4. Variation de la pression de vapeur P d’un corps pur en fonction de la


température (K).

La variation de la pression de vapeur d’un composé avec la température est


donnée par la loi de Clapeyron2 qui s’écrit :
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dP / dT = ∆ vap H m / T∆V
où ∆ vap H m est la chaleur molaire de vaporisation du liquide ou chaleur latente de
vaporisation, ∆V est la variation de son volume molaire accompagnant son pas-
sage de l’état liquide à l’état vapeur (∆V = Vg − V).

Remarque
Il ne suffit pas d’être à la bonne température pour qu’il y ait vaporisation. Il faut
de plus apporter au système de l’énergie sous forme de chaleur. C’est la chaleur
latente de vaporisation.

• Si on néglige le volume d’une mole de liquide par rapport à celui d’une


mole de gaz (V  Vg ), ce qui est légitime (par exemple pour l’eau V ≈ 18 cm3
Vg  ≈ 22 400 cm3), et si, de plus, on suppose que la vapeur a le comportement d’un
gaz parfait, on obtient :
Vg = RT / P .

L’équation de Clapeyron devient :


dP / dT = ∆ vap H m P / RT 2.

2. Émile Clapeyron, physicien français (1799-1864).


8  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

• Si, enfin, la chaleur latente ne varie que très peu avec la température (ce
qui constitue une hypothèse légitime lorsque le domaine de variation de la tem-
pérature est réduit), l’équation (différentielle) est immédiatement intégrable. On
obtient :
ln P = −∆ vap H m / RT + C
où C est la constante d’intégration. On peut la fixer en connaissant la température
d’ébullition T1 correspondant à la pression de vapeur P1. Par exemple, à la pres-
sion atmosphérique P1 = 1 atmosphère, ln P1 = 0 . On en déduit C = ∆ vap H m / RT1
et :
ln P = −∆ vap H m / RT + ∆ vap H m / RT1.

1.1.5. Comportement du corps pur au cours de la distillation


En résumé, au cours de la distillation d’un corps pur, on peut prévoir d’après
ce qui précède que :
–– la température reste constante et égale à la température d’ébullition au cours
de la distillation ;
–– la phase liquide provenant de la condensation des vapeurs (le distillat) a
même composition que le composé pur (soumis à la distillation). C’est une
évidence puisqu’il n’y a qu’un seul corps à pouvoir se vaporiser.
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La distillation d’un corps pur ne présente aucun intérêt. Toutefois, le res-
pect des caractéristiques précédentes pour un composé constitue un critère de sa
pureté. Il n’est pas absolu cependant, car les azéotropes (voir paragraphe 1.2.6)
présentent les mêmes caractéristiques.

1.2. Mélange de deux composés miscibles

1.2.1. Diagramme d’équilibre liquide-vapeur


Un mélange liquide de deux composés miscibles se comporte différemment
d’un corps pur, car sa pression de vapeur P est fonction non seulement de la tem-
pérature et de la nature des composés, mais aussi de leurs titres respectifs au sein
du mélange soumis à la distillation.
Le diagramme d’équilibre liquide-vapeur doit être tracé dans un système de
trois coordonnées rectangulaires du type général P = f (T , C ). Nous allons préci-
ser ci-dessous à quels paramètres s’appliquent T et C .
La variance v :
v = C +2−ϕ
(où C est le nombre de constituants indépendants, 2 le nombre de facteurs phy-
siques jouant un rôle dans le processus, et ϕ est le nombre de phases) est de
2 lorsque les deux phases liquide et vapeur sont en présence. En conséquence,
lorsque :
Distillation  ■ 9

–– la température d’ébullition Téb du mélange à distiller et la pression totale


au-dessus du système P sont fixées, tous les autres paramètres définissant
le système le sont. Par exemple, la pression de vapeur de chacun des com-
posants et la concentration instantanée du distillat deviennent fixées ;
–– la pression totale et la concentration du mélange à distiller sont fixées, tous
les autres paramètres le sont. Par exemple, la température Téb du système
est fixée ;
–– la pression totale P et la température du mélange Téb sont fixées, tous les
autres paramètres le sont, en particulier les concentrations dans le mélange
à distiller et celles instantanées du distillat.

Remarque
Des précisions sont données ci-dessous lors de l’étude des diagrammes isobares
et isothermes.

En pratique, la distillation étant le plus souvent réalisée à pression constante


(par exemple à pression atmosphérique), nous allons donc considérer essentielle-
ment les diagrammes dits isobares T = f ( C ). Ils représentent les variations des
températures d’ébullition et de condensation en fonction des concentrations des
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mélanges liquides ou gazeux pour une pression totale donnée (figure 1.5a). Nous
considérons aussi les diagrammes isothermes P = f ( C ) (figure 1.5b).

T P

P = cte T = cte

C C
(a) Isobare (b) Isotherme

Figure 1.5. Diagrammes isobare et isotherme.

1.2.2. Expressions de la composition d’un mélange binaire


Pour exprimer la composition d’un mélange binaire (corps 1 et 2), on peut
utiliser par exemple :
–– les concentrations molaires ;
–– les titres pondéraux (nombres de grammes de substance dans 1 000 g de
mélange).
Il est plus pratique pour l’étude de la distillation d’utiliser les fractions
molaires x. Leur utilisation permet une comparaison plus aisée des valeurs des
10  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

« concentrations » dans les deux phases. Soit n1 et n2 les nombres de moles des
composés 1 et 2 dans la phase liquide. Les fractions molaires de 1 et 2 dans la
phase liquide sont :
x1 = n1 / ( n1 + n2 )   et   x2 = n2 / ( n1 + n2 )

étant donné que pour un mélange binaire :


x1 + x2 = 1.

En fait, il est d’usage de représenter la fraction molaire du composé le plus


volatil par x et celle du composé le moins volatil par 1− x . Dans le mélange
gazeux, il y a à tout moment de la distillation n1′ moles de composé 1 et n2′ moles
de composé 2, les fractions molaires sont symbolisées par les y :
y1 = n1′ / ( n1′ + n2′ )   et   y2 = n2′ / ( n1′ + n2′ ).

Là aussi, il est d’usage de représenter la fraction molaire du composé le plus


volatil dans la phase gazeuse par y, celle du composé le moins volatil étant 1− y.

1.2.3. Définition des solutions idéales


Nous avons déjà dit que, sauf mention spéciale, nous n’allons considérer que
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le cas où la phase liquide est une solution idéale (figure 1.6). Avec cette hypo-
thèse, qui ne représente malheureusement pas la majorité des cas, la théorie de la
distillation est simplifiée.

p1 p2

x
1 et 2 et
1–x

Figure 1.6. Solution idéale.

Considérons un mélange liquide binaire des composés 1 et 2 de composition x


et (1 − x ), et soit p1 et p2 les pressions partielles de ces deux constituants au-dessus
de cette solution. Une des définitions possibles d’une solution idéale est que les
différentes pressions partielles p1 et p2 des deux constituants (dans la forme géné-
ralisée de la loi : les deux fugacités f1 et f 2) suivent la loi de Raoult3, à savoir :
p1 = xP1   p2 = (1 − x ) P2 .

3. François-Marie Raoult, physicien et chimiste français (1830-1901).


Distillation  ■ 11

p1 et p2 sont les pressions partielles des composés les plus et moins vola-
tils. P1 et P2 sont leur tension de vapeur saturante à l’état pur et à la même
température.

Rappel
Les pressions partielles sont proportionnelles à leur tension de vapeur saturante à
la même température. Le facteur de proportionnalité est leur fraction molaire. Ces
relations sont valables pour tout le domaine des concentrations.

Remarque
• On peut retrouver à partir de cette loi une autre expression de la loi de Raoult
relative à l’abaissement relatif de la tension de vapeur du solvant qui, selon elle,
est proportionnel à la masse molaire du soluté.
• La loi de Raoult n’est qu’un cas particulier de la loi de Henry selon laquelle :
pi = ki Pi
avec ki ≠ x i .
La loi de Henry s’applique aux solutions non idéales et, seulement, lorsqu’elles
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sont suffisamment diluées. Elle concerne aussi la solubilité des gaz dans un liquide.

1.2.4. Courbes isothermes (cas idéal)


Ces courbes sont donc les diagrammes P = f ( C ) à température T constante,
où P est la pression totale et C les « concentrations » en fractions molaires x
et y.

►►COURBE P = f ( x )
D’après les lois de Dalton et de Raoult :
P = p1 + p2
P = xP1 + (1 − x ) P2,

il vient :
P = ( P1 − P2 ) x + P2. (1)

C’est l’équation d’une droite appelée ligne d’ébullition (figure 1.7). Cette


droite est la somme en tout point des deux autres droites :
p1 = xP1
p2 = (1 − x ) P2 .
12  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

Pression

n P1 Composé le plus volatil


tio
bulli
e d’é
Lign

Composé le moins volatil P2


p1
p2

0 Compositions x et y 1

Figure 1.7. Ligne d’ébullition (courbe isotherme : cas idéal).

Remarque
P1 > P2 car, par hypothèse, le composé 1 est le plus volatil.
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►►COURBE P = f ( y )
La relation (1) est toujours valable (car les conditions sont exactement les
mêmes que ci-dessus). On en tire donc :
x = ( P − P2 ) / ( P1 − P2 ). (2)

La fraction de la pression totale P due au composé 1, yP, est sa pression par-


tielle p1, soit :
yP = p1.

Il s’ensuit d’après la loi de Raoult :


yP = xP.
1

En remplaçant x par son expression tirée de (2), on obtient l’équation de la


courbe cherchée :
P = P1 P2 / [ P1 + y ( P2 − P1 )]. (3)

C’est l’équation d’une hyperbole équilatère passant par les 2 points y = 0,


P = P2 et y = 1, P = P1. Cette hyperbole s’appelle ligne de rosée. Bien entendu,
la partie qui nous intéresse est la portion de l’une des deux branches située entre
ces deux points.
Étant donné que, pour une même température et une même pression, la vapeur
est plus riche en composé le plus volatil, la ligne de rosée se situe au-dessous de
la ligne d’ébullition (figure 1.8).
Distillation  ■ 13

Pressions
Liquide x
ion P1
llit
bu
d’é
ne
Lig
ey
r osé
P2 de
ne
L ig

Vapeur

0 1
A Compositions x et y B

Figure 1.8. Lignes de rosée et d’ébullition (courbe isotherme : cas idéal).

Examinons ce que donne la règle des phases.


Dans le domaine où il y a les deux phases, le système est bivariant. La tempé-
rature étant fixée par hypothèse, et si l’on fixe de plus, par exemple, la composi-
tion x du liquide, la composition y de la phase vapeur et la pression P sont ipso
facto fixées.
Au-dessus de la ligne d’ébullition, le diagramme correspond au liquide seul
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tandis qu’au-dessous de la ligne de rosée, il correspond à la vapeur seule.

1.2.5. Courbes isobares (cas idéal)


Ce sont les diagrammes T = f ( C ) pour la pression totale P = cte . C est la
« concentration » en fraction molaire x ou y.
Ce sont les diagrammes les plus intéressants pour l’étude de la distillation.
Ils sont aussi les plus difficiles à tracer. Ils sont d’ailleurs calculés à partir des
diagrammes isothermes.

►►DIAGRAMME T = f ( x )
Nous avons démontré ci-dessus que :
x = ( P − P2 ) / ( P1 − P2 ).

Cette relation reste vérifiée puisqu’elle est une conséquence des lois de
Dalton et de Raoult qui restent vérifiées par hypothèse. Mais, pour l’étude des
courbes isobares, la pression P est une constante tandis que les pressions de
vapeur saturante P1 et P2 varient, quant à elles, avec la température. Les varia-
tions P1 = f (T ) et P2 = f (T ) sont accessibles immédiatement par application
de la loi de Clapeyron, que nous représentons dans le cas présent de la façon
simplifiée :
P1 = f (T )   P2 = f ′ (T ).
14  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

En exprimant de la sorte P1 et P2 dans l’expression de x ci-dessus, on conçoit


que l’on aboutisse à une expression du type : T = ϕ ( x ). C’est l’équation d’une
courbe appelée isobare d’ébullition commençante.
►►DIAGRAMME T = f ( y )
On calcule y en fonction de T par la relation déjà rencontrée :
yP = P1x
d’où :
yP = P1 ( P − P2 ) / ( P1 − P2 )

d’où, en se servant encore une fois des équations de Clapeyron pour exprimer
P1 et P2 en fonction de T , on arrive à une expression du type : T = φ ′ ( y ). C’est
l’équation d’une courbe dite courbe isobare de rosée, ou courbe de condensa-
tion commençante.
Les isobares se raccordent aux points de coordonnées :y = 0, x = 0, T = T2 et
y = 1, x = 1, T = T1. Ils correspondent respectivement aux températures d’ébulli-
tion des composés le moins et le plus volatils purs (figure 1.9) :
120
Vapeur
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T2
110 Isobare de rosée

V
T 100 Vapeur
L + liquide

90
Isobare
d’ébullition
80 T1

Liquide
70
0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
x1 y1 x et y

Figure 1.9. Courbes isobares (cas idéal).

Comme précédemment, lorsque coexistent les deux phases, le système est


bivariant. Si la pression est fixée, ce qui est fait par hypothèse, et si de surcroît,
par exemple, la composition du mélange liquide à distiller est fixée, la composi-
tion de la vapeur et la température d’ébullition sont ipso facto fixées.
Les deux courbes délimitent trois domaines, ceux :
–– de la vapeur ;
–– du liquide ;
–– du liquide plus la vapeur.
Distillation  ■ 15

Il faut remarquer que :


–– par rapport aux isothermes, les positions des domaines du liquide et de la
vapeur sont inversées ;
–– pour une même température et une même pression, la vapeur est plus riche
en composé le plus volatil que le liquide avec lequel elle est en équilibre
(y1 > x1). C’est le fondement de la séparation par distillation.

1.2.6. Cas des solutions non idéales azéotropes


Pour les solutions non idéales, la loi de Raoult n’est plus vérifiée. Pour raison-
ner d’une façon analogue, on est obligé de poser les relations suivantes :
p1 = x1 P1γ 1  et  p2 = x2 P2 γ 2.

γ 1 et γ 2 sont appelés coefficients d’activité. Ils peuvent être supérieurs ou


inférieurs à 1. Lorsqu’ils sont égaux à 1, on retombe dans le cas des solutions
idéales. Les valeurs des coefficients d’activité mesurent en quelque sorte l’écart
à l’idéalité. Elles dépendent de la température, de la pression et des « concentra-
tions ». Les coefficients d’activité ne sont donc pas constants lorsque l’on décrit
les isothermes et les isobares en suivant les courbes d’ébullition et de condensa-
tion. En vertu des deux relations ci-dessus, on les détermine expérimentalement
à partir des mesures de pressions partielles.
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La non-idéalité des solutions qui se traduit par l’introduction des coefficients
d’activité variables entraîne des déformations des diagrammes isotherme et iso-
bare par rapport à ceux obtenus avec les mélanges idéaux. Deux cas peuvent se
présenter (pour simplifier nous ne considérons que les isobares).
• Les courbes de vaporisation et de rosée ne présentent ni maximum ni minimum.
Elles se raccordent aux points d’ébullition T1 et T2 des constituants purs. Si les
courbures sont de signes contraires, on se situe dans un cas voisin des solutions
idéales (diagramme de la figure 1.10a). Si elles sont de même signe, on obtient
les diagrammes représentés figures 1.10b et 1.10c.
t°C t°C t°C

EB
EB EB

EA
EA
EA

Bpur Apur Bpur Apur Bpur Apur


Solution idéale Solutions non idéales
(ex. benzène-toluène) (ex. acétone-phénol) (ex. acétone-benzène)
a b c

Figure 1.10. Isobares : cas non idéal : courbes sans maximum ni minimum.


16  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

• Les courbes de vaporisation et de rosée présentent un maximum ou un


minimum qui coïncident.
On est alors en présence des deux types d’isobares (figure 1.11).

t°C t°C

EB EB

EA
EA

Bpur γ Apur Bpur γ Apur


Azéotrope positif Azéotrope négatif
(ex. éthanol-eau) (ex. acide nitrique-eau)
a b

Figure 1.11. Isobares : cas non idéal : azéotropisme positif (a) et négatif (b).

On voit que les mélanges particuliers de composition γ se comportent comme


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des corps purs, puisque les vapeurs ont même composition que les liquides
en équilibre avec elles. À cause de cela, ces mélanges bouillent à température
constante. Ils sont appelés azéotropes ou mélanges azéotropiques. L’azéotro-
pisme est négatif lorsque l’isobare présente un maximum. Il est positif dans le
cas contraire.

Remarque
Le symbole γ ne représente ici qu’une composition. Il n’a, évidemment, rien à voir
avec les coefficients d’activité γ 1 et γ 2.

1.2.7. Volatilité relative


Nous allons maintenant définir le paramètre fondamental de toute distillation,
la volatilité relative α qui est, pour une solution idéale, le rapport des pres-
sions de vapeur saturante des deux constituants purs 1 et 2 à la température
d’ébullition du mélange :
α = P1 / P2.

Une séparation est d’autant plus difficile que ce coefficient est plus voisin de
1 et même impossible pour α = 1.
Par convention, α ≥ 1, car on pose au numérateur la pression de vapeur du
composé le plus volatil.
Distillation  ■ 17

La volatilité relative varie avec la température. En effet :


ln α = ln P1 − ln P2 .

Si on exprime P1 et P2 par leurs valeurs en fonction de la température données


par l’équation de Clapeyron :
ln P1 = − L1 / RT + L1 / RT1
où, rappelons-le, L1 est la chaleur latente de vaporisation du composé, T1 sa tem-
pérature d’ébullition pour une pression de 1 atmosphère et de même pour L2 et T2 .
ln P2 = − L2 / RT + L2 / RT2
ln α = L1 / RT1 − L2 / RT2 + ( L2 / RT − L1 / RT )
ln α = constante + ( L2 / RT − L1 / RT ) .

α est indépendant de la température lorsque L2 = L1. Cela n’a lieu que lorsque
les deux corps 1 et 2 sont très proches l’un de l’autre chimiquement et encore
dans un domaine étroit de température.
C’est cependant ce que nous allons admettre, dorénavant, pour l’étude de la
distillation simple et de la rectification.
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1.2.8. Relation entre α et les fractions molaires x et y
►►CAS IDÉAL
D’après la loi de Dalton :
P = p1 + p2.

Si l’on suppose que les vapeurs de chacun des composants ainsi que leur
mélange se comportent comme des gaz parfaits et s’il y a dans la phase vapeur n1′
moles de 1 et n2′ moles de 2, on peut écrire :
p1 = n1′RT / V   P = ( n1′ + n2′ ) RT / V .

Maintenant, par définition de la pression partielle :


p2 = n2′ RT / V .

Il s’ensuit :
p1V / PV = n1′RT / ( n1′ + n2′ ) RT
p1 = yP

et de la même manière :
p2 = (1 − y ) P .

D’autre part, d’après la loi de Raoult :


p1 = xP1  et  p2 = (1 − x ) P2.
18  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

On tire de la définition du coefficient de volatilité :


α = ( yP / x )[(1 − x ) / (1 − y )]

α = y (1 − x ) / x (1 − y ). (4)

C’est la relation exprimant l’équilibre liquide-vapeur. Elle relie les fractions


molaires y et 1− y en phase gazeuse aux fractions molaires x et 1− x en phase
liquide et au coefficient de volatilité α.
Il est très intéressant de remarquer que la relation (4) présente une analogie
certaine avec celle générale :
K = C1 / C2
qui définit le coefficient de partage K d’un soluté entre deux phases 1 et 2 à
l’équilibre, C1 et C2 étant ses concentrations dans les deux phases à l’équilibre
(voir extractions liquide-liquide et chromatographies).

Remarque
Lorsque α = 1, il vient x = y . Les fractions molaires de chaque composé sont les
mêmes dans les phases liquide et vapeur. Il ne peut y avoir d’enrichissement. La
distillation n’a alors pas d’intérêt.
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►►DIAGRAMME y = f ( x )

Il est commode et utile (voir ci-dessous la théorie de la rectification selon


McCabe et Thiele) de tracer la courbe représentant le valeurs de y en fonction
de x à partir du diagramme isobare. La relation (4) ci-dessus montre que pour
une valeur de α donnée, on se trouve en présence d’une hyperbole d’équation
(figure 1.12) :
y = αx / [1 + ( α − 1) x ].

La simple considération des isobares montre que l’hyperbole se situe au-dessus


de la diagonale du carré y = x .

►►CAS NON IDÉAL

On doit utiliser le coefficient de volatilité relative α réel :


α réel = α idéal γ 2 / γ 1.

α réel dépend maintenant de la température mais aussi des concentrations du


fait de l’intervention des coefficients d’activité γ i.
Pour les azéotropes, on voit bien à partir des isobares que la courbe y = f ( x )
coupe la diagonale y = x pour la concentration γ .
Distillation  ■ 19

1
y

Vapeur
M
y

0 x x 1
Liquide

Figure 1.12. Hyperbole y = f ( α ; x ).

2. Distillation simple des composés miscibles


Pour la distillation simple, nous n’envisageons que la « batch distillation »,
c’est-à-dire une distillation discontinue. On charge une fois pour toutes la chau-
dière avec toute la quantité du mélange à résoudre.
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2.1. Principe et appareillage
La distillation simple utilise simplement un ballon, un réfrigérant et un réci-
pient pour recueillir le distillat (figure 1.13).

Figure 1.13. Appareillage de distillation simple.

Lorsque l’ébullition du liquide se produit, la « bouffée » infiniment petite de


vapeur émise à un moment donné par le liquide et en équilibre avec lui est immé-
diatement et totalement condensée au niveau de la paroi froide constituée par le
réfrigérant, sans qu’elle ait pu subir la moindre variation de composition entre
son émission et sa condensation. Elle donne alors une « goutte » infiniment petite
20  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

de distillat de composition identique à la sienne : cette goutte vient s’ajouter à


celles déjà obtenues auparavant.
Il s’agit là, en fait, de conditions théoriques qui ne sont jamais strictement
réalisées dans la pratique. En effet, la vapeur se condense partiellement sur les
parois du ballon avant d’atteindre le réfrigérant et des échanges ont lieu entre le
liquide formé, qui reflue vers le contenu du ballon, et les vapeurs ultérieurement
produites. La composition de celles-ci varie donc entre le moment de leur émis-
sion et celui de leur condensation au niveau du réfrigérant. Nous verrons que ce
sont là, en fait, des conditions de rectification.
Dans ce qui suit, nous considérerons néanmoins que les conditions théoriques
idéales sont remplies.

2.2. Étude qualitative


Commençons par dire qu’il faut bien distinguer « composition instantanée du
distillat », qui est celle de la goutte qui se forme à un moment donné de la dis-
tillation, de la « composition moyenne » qui est celle de l’ensemble du distillat
obtenu à ce moment.
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2.2.1. Mélange binaire ne donnant pas d’azéotrope
Nous allons suivre sur un diagramme isobare l’évolution des différentes
phases, en partant du mélange liquide de composition x0 (figure 1.14).
L’ébullition commence à la température T0 et la première bouffée de vapeur
émise, donc la première goutte de distillat, a la composition y0 . Une fois cette
première bouffée émise (et condensée), la composition du mélange liquide a
changé, car il s’est enrichi en liquide le moins volatil. Elle devient x1 avec :
x1 < x0.

Tébul

T1
T0
Tébul (liq. le + volatil)

x1 x0 1 x
y1 y0 y

Figure 1.14. Évolution de la composition des phases au cours d’une distillation


simple à pression constante.
Distillation  ■ 21

À cause de ce fait, la pression restant fixe, et la composition de la phase liquide


également fixée (maintenant à x1), la température d’ébullition est aussi fixée
d’après la règle des phases. Elle s’est élevée à T1. De même, la composition ins-
tantanée du distillat s’enrichit également en composé le moins volatil qui prend
la composition y1 avec y1 < y0 .
Et ainsi de suite.
On décrit ainsi les courbes d’ébullition et de condensation jusqu’à la tem-
pérature d’ébullition du liquide le moins volatil pur. On voit donc que la tem-
pérature d’ébullition augmente régulièrement. Quant à la composition moyenne
de l’ensemble du distillat, elle suit une courbe différente. Du fait que la vapeur
est toujours plus riche en composé le plus volatil que le liquide qui lui a donné
naissance (sauf exactement à la fin de la distillation à la température d’ébullition
du liquide le moins volatil), le distillat moyen est donc toujours plus riche en
composé le plus volatil que le liquide qui lui a donné naissance, sauf à la fin de la
distillation. Lorsque la température atteint celle d’ébullition du liquide le moins
volatil, tout a été distillé et tout a été condensé. Le distillat a la même composition
que le liquide initial.

2.2.2. Conclusions importantes


• La première goutte de distillat n’est pas constituée par le composé le plus
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volatil pur. On ne peut donc pas espérer séparer ce dernier du mélange initial, mais
seulement le concentrer dans le distillat, et encore à condition de ne pas tout distiller.
• Il en est de même pour le composé le moins volatil, car c’est seulement la
dernière goutte de liquide, soit une fraction infime de son volume total qui est
théoriquement constituée par ce composé pur.
• Pour obtenir un distillat plus concentré en composé le plus volatil que le
mélange initial, il faut interrompre la distillation bien avant que tout le liquide
ait distillé. En conséquence, il est impossible de concentrer le composé de façon
quantitative.
• On peut isoler la portion de tête du distillat, la plus concentrée en composé
le plus volatil, et la soumettre à une nouvelle distillation simple, en isolant à
nouveau la portion de tête du distillat encore plus concentrée. En renouvelant
plusieurs fois l’opération, on aboutit à un distillat dont la composition est proche
de celle du composé le plus volatil pur, mais au prix d’un rendement quantitatif
faible. Ce sont là des conditions analogues à celles de la rectification.

2.2.3. Mélanges binaires donnant un azéotrope


On effectue le même raisonnement que précédemment. On voit que pour un
azéotropisme positif (figure 1.15a), quelle que soit la position initiale par rapport à
celle de l’azéotrope, on évolue soit vers le liquide le moins volatil pur, soit vers le
liquide le plus volatil pur. Pour un azéotropisme négatif, quelle que soit la composi-
tion initiale par rapport à celle de l’azéotrope, on évolue vers l’« azéotrope pur ! ».
22  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

t°C t°C

EB EB

EA
EA

0% 100 % 0% 100 %
x'L0
x'V0
γ
xV0
xL0

x'V0
x'L0
γ

xL0

xV0
a b

Figure 1.15. a. Azéotropisme positif. b. Azéotropisme négatif.

2.3. Étude quantitative


Nous allons considérer successivement l’équation de Rayleigh4, la détermina-
tion de la concentration moyenne du distillat à un instant donné, la détermination
du rendement de la distillation et, enfin, la notion de courbe de distillation.
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2.3.1. Équation de Rayleigh
Elle relie la composition instantanée du distillat au nombre de moles de
mélange restant dans le ballon à un moment donné. Elle permet de calculer le
nombre de moles restant dans le ballon à partir de la mesure expérimentale de
x D = y (le plus souvent par réfractométrie) connaissant α (voir ci-dessous et
figure 1.16).

S moles S – dS
x x – dx dS
y = xD
xD composition
du distillat
Au temps t Au temps t + dt

Figure 1.16. Symbolisme pour établir l’équation de Rayleigh.

4. Lord Rayleigh, physicien anglais (1842-1919), prix Nobel de physique en 1904.


Distillation  ■ 23

Soit un moment quelconque de la distillation où le ballon contient S moles de


mélange liquide dont la fraction molaire est x. Pendant un intervalle de temps
infiniment petit dt , un nombre dS de moles de mélange est volatilisé en une
vapeur dont la fraction molaire est y. Après condensation au niveau du réfrigé-
rant, elle donne dS moles de distillat dont la fraction molaire est x D = y. Après ce
laps de temps, il reste dans le ballon S − dS moles de mélange dont la fraction
molaire a varié de −dx. Le signe moins rend compte de l’appauvrissement en
composé le plus volatil.
Écrivons l’équation de conservation de la matière appliquée au composé le
plus volatil : les quantités de ce composé sont égales à :
• xS moles avant la transformation ;
• ( x − dx )( S − dS ) moles pour le liquide contenu dans le ballon après la
transformation ;
• x D dS moles pour le distillat obtenu après la transformation :
xS = ( x − dx )( S − dS ) + x D dS .

En développant :
xS = xS − x dS − S dx + dx dS + x D dS .

En négligeant l’infiniment petit du deuxième ordre dx dS  :


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S dx = − x dS + x D dS
dS / S = dx / ( x D − x ).

Entre deux moments quelconques de la distillation, par exemple le temps t0


où l’opération débute, le ballon contenant S0  moles de mélange, dont la fraction
molaire est x0, et un temps t1 où il reste dans le même ballon S1 moles de mélange
dont la fraction molaire est x1, l’intégration de cette équation conduit à l’expression :
x1
ln S1 − ln S0 = ∫x d x / ( x D − x ).
0

Rappelons que la composition instantanée du distillat x D est une fonction


f ( x ) de la composition x du mélange, la relation précédente s’écrit d’une façon
équivalente :
x1
ln S1 − ln S0 = ∫x d x / [ f ( x ) − x ].
0

La solution de ces équations différentielles est plus facilement abordable par


voie graphique. Elle consiste à tracer 1 / ( x D − x ) en fonction de x via la relation
x D = αx / [1 + x ( α − 1)] qui n’est rien d’autre que la relation d’équilibre entre la
composition de la vapeur instantanée et celle du mélange restant à distiller
( y = x D ) (figure 1.17).
On planifie ensuite entre x0 et x1. Remarquons que l’aire est négative puisque
x1 < x0.
24  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

1
xD – x

x1 x0 x

Figure 1.17. Solution graphique de l’équation différentielle.

Remarque
La solution algébrique de l’intégrale est accessible puisque x D est reliée à x et
puisque l’on connaît cette fonction. C’est la courbe d’équilibre. En supposant
constant α dans le domaine de température dans lequel on travaille, il vient la
solution intégrale :
log S1 / S0 = 1 / ( α − 1)[log x1 / x 0 − α log (1 − x1 ) / (1 − x 0 )].

Cette relation permet de calculer S1 si on connaît y = x D via x1, car la connaissance


de x D impose celle de x1. En effet, la condition d’équilibre conduit après réarran-
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gement à l’expression :
x1 = x D / [ α − x D ( α − 1)]

connaissant bien sûr α, x 0 et S0.

Dans le cas des solutions non idéales, on ne peut intégrer que graphiquement
étant donné que α varie pour toute concentration. On construit encore la courbe
1 / ( x D − x ) en fonction de x.
Il ne faut pas perdre de vue que dans les raisonnements qui viennent d’être
suivis, x D est accessible expérimentalement par mesure expérimentale de la
­composition instantanée de la goutte de distillat, par réfractométrie par exemple.

2.3.2. Détermination de la concentration moyenne


du distillat à un instant donné
Soit une distillation simple à partir de S0 moles de mélange dont la fraction
molaire est x0 et interrompue lorsque la concentration instantanée est y = x D1. On
en déduit :
–– d’une part, la fraction molaire x1 d’après l’équation d’équilibre ;
–– d’autre part, le nombre S1 de moles de mélange restant dans le ballon d’après
l’équation de Rayleigh.
Le distillat est alors constitué dans sa totalité par S0 − S1 moles de mélange
dont la fraction molaire moyenne est x DM que l’on cherche à exprimer.
Distillation  ■ 25

Écrivons l’équation de conservation de la matière en composant le plus volatil :


• x0 S0 moles dans la phase liquide du ballon avant l’opération ;
• x1S1 moles dans la phase liquide du ballon après l’opération ;
• x DM ( S0 − S1 ) dans le distillat après l’opération :
x0 S0 = x1S1 + x DM ( S0 − S1 )
x DM = ( x0 S0 − x1S1 ) / S0 − S1.

2.3.3. Détermination du rendement de distillation


Par définition, le rendement ρ est :
ρ = nombre de moles du composé présentes dans l’ensemble du distillat/nombre
de moles du composé présentes au départ.
Par exemple, pour le composé le plus volatil :
ρ = x DM ( S0 − S1 ) / x0 S0.

En remplaçant x DM par la valeur précédemment trouvée :


ρ = [( x0 S0 − x1S1 ) / ( S0 − S1 )][( S0 − S1 ) / x0 S0 ]
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ρ = 1 − x1S1 / x0 S0.

2.3.4. Courbes de distillation


Les courbes de distillation permettent de déterminer la composition instanta-
née du distillat lorsqu’un volume donné de mélange liquide a distillé. Si on a
initialement S0 moles de mélange et si S1 est le nombre restant, le pourcentage de
mélange ayant distillé est égal à ( S0 − S1 )100 / S0. Les courbes de distillation sont
donc représentatives de la fonction :
x D = f [( S0 − S1 / S0 )100 ].

Elles varient d’une part avec la volatilité relative. Ainsi, pour n’étudier rapi-
dement qu’elles, pour une composition initiale x0 donnée, on a un faisceau de
courbes correspondant chacune à une volatilité relative déterminée. Ainsi, par
exemple, pour x0 = 0,5 on obtient la courbe de la figure 1.18.
Pour α = 20 , on lit 0,95-0,90-0,70-0. Pour la première goutte, 30 %, 50 % et
70 %.
On voit que l’on n’a une séparation satisfaisante que pour α ≥ 5.

Remarque
Le point d’abscisse 0 sur le graphique de la figure 1.18 correspond à la composition
de la 1re goutte de distillat.
26  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

y = xD
x0 = 0,5
1,0
α = 20
0,8
α=5
0,6
0,4 α = 1,1
0,2
S0 – S1
0 × 100
S0
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Figure 1.18. Courbes de distillation pour diverses volatilités relatives ( x 0 = 0,5).

2.4. Distillation flash


Il existe aussi le procédé dit de « distillation flash ». En résumé, elle consiste :
–– à vaporiser une fraction bien définie du mélange liquide à résoudre par
abaissement brusque de la pression et d’attendre que la vapeur et le liquide
dans le condenseur soient en équilibre ;
–– à séparer la vapeur du liquide ;
–– à condenser la vapeur.
Cette technique est surtout utilisée pour séparer les composants d’un mélange
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qui bouillent à des températures très différentes.

2.5. Distillation moléculaire


Certains composés à température d’ébullition élevée ou instables à une certaine
température, ne peuvent être distillés sans décomposition importante. On peut uti-
liser alors le procédé de la distillation moléculaire. Le phénomène de condensa-
tion en distillation et en particulier en distillation fractionnée (voir paragraphe 3),
résulte des collisions entre les molécules qui les ramènent à la surface du liquide.
Si les collisions sont évitées, elles quittent cette surface et se déplacent en ligne
droite jusqu’à ce qu’elles atteignent une paroi froide. Le nombre de collisions est
diminué en abaissant la pression. Autrement dit, la distance que doit parcourir
alors une molécule dans la vapeur pour en rencontrer une autre (« libre parcours
moyen ») est augmentée. Pour réaliser une distillation moléculaire, il faut donc :
–– opérer à pression très réduite (de l’ordre de 10–3 à 10–5 mmHg) ;
–– assurer une répartition du liquide à distiller sur la paroi chaude sous forme
d’un mince film homogène de très faible épaisseur (de l’ordre de 10–2 à
10–3 mm). Cela est réalisé sous l’action d’une force centrifuge ;
–– disposer d’une surface de condensation très proche du liquide à évaporer.
Dans ces conditions, les molécules à séparer possèdent une vitesse suffisante
pour s’échapper du liquide et atteindre la paroi refroidie. Il est intéressant de
remarquer que ce type de processus ne dépend plus, en première ligne, de la ten-
sion de vapeur du composé.
Distillation  ■ 27

La distillation moléculaire convient bien à la séparation de composés orga-


niques de masse moléculaire plutôt élevée tels que par exemple : les stérols, les
acides gras, certaines vitamines liposolubles, etc.

3. Rectification ou distillation fractionnée


Nous avons vu au cours de l’étude de la distillation simple d’un mélange
binaire qu’il n’est pas possible de séparer à l’état pur l’un ou l’autre des consti-
tuants. Tout ce que l’on peut espérer, et encore avec un rendement médiocre, est
un enrichissement du distillat en composé le plus volatil. Autre inconvénient, lors
de la distillation simple, le titre du distillat varie continuellement.
La rectification permet, au moins théoriquement, de surmonter ces inconvé-
nients.
Nous ne traitons en détail que la rectification en continu. Nous examinerons
aussi, mais seulement très brièvement, la rectification à alimentation discontinue
ou « batch rectification ».
La rectification peut être assimilée à une distillation répétée. Dans le cas de
la rectification, on ne peut pas récupérer l’ensemble du distillat comme dans le
cas de la distillation. En effet, une partie du distillat retourne, après condensation,
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dans le bouilleur.

3.1. Première approche de la notion de reflux


La rectification fait appel à la notion de reflux. Le reflux est le terme quali-
fiant le mouvement de retour d’un courant de fluide participant à l’opération de
séparation. Comme nous allons le voir, dans la rectification, c’est la fraction de
distillat qui est renvoyée, après condensation, dans la colonne.
L’efficacité notoire du reflux est encore quelque peu mystérieuse. Ce point
sera discuté dans le chapitre consacré à cette notion.

3.2. Appareillage et étude qualitative


3.2.1. Appareillage
On utilise comme pour la distillation simple, un ballon, un réfrigérant et un
récipient destiné à collecter le distillat, mais de plus :
–– on intercale une colonne à rectifier entre le ballon et le réfrigérant ;
–– on place un dispositif de reflux après le réfrigérant afin de permettre au
liquide provenant de la condensation des vapeurs dans le réfrigérant d’être
dirigé, selon des proportions variables, vers le distillat et ou vers la colonne
(figure 1.19).
Une colonne à rectifier, qui est le plus souvent une colonne à plateaux, com-
porte schématiquement une série de diaphragmes munis de rebords permettant
28  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

Figure 1.19. Appareillage pour distillation fractionnée.


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de retenir un certain volume de liquide. Lorsque ce volume est atteint, le liquide
excédentaire reflue par un dispositif de trop-plein vers le plateau inférieur. Des
orifices permettent à la vapeur, qui suit une trajectoire ascendante, de passer
d’un plateau à un autre en barbotant pour chacun d’eux dans le liquide qui y est
contenu.

3.2.2. Étude qualitative


Lorsque la rectification est mise en route, c’est-à-dire lorsque l’on commence
le chauffage du ballon contenant le mélange, il faut un certain temps pour que la
rectification proprement dite débute. Durant cette période, dite d’amorçage, la
vapeur produite par le liquide du ballon se condense au niveau du premier pla-
teau. Ce liquide émet à son tour une vapeur qui se condense dans le plateau sui-
vant et, ainsi de suite, jusqu’au plateau supérieur. La vapeur émise à partir de ce
dernier plateau est alors condensée dans sa totalité au niveau du réfrigérant et le
liquide qui en résulte est dirigé partiellement vers le récipient destiné à collecter
le distillat et aussi vers la colonne, cela grâce au dispositif de reflux. La portion de
liquide refluant vers la colonne arrive au plateau supérieur et lorsque ce dernier
est plein, le liquide excédentaire reflue vers le plateau inférieur et ainsi de suite
jusqu’au premier plateau dont le liquide excédentaire retombe dans le ballon. La
rectification proprement dite est amorcée et l’on dit que l’on est en période de
régime.
La colonne est donc le siège d’un double courant de sens contraire : ascendant
de vapeur et descendant de liquide. À chaque plateau, la vapeur et le liquide se
Distillation  ■ 29

brassent et, à cause de ce fait, des échanges de matière se produisent entre les
deux phases. Il en résulte que le liquide qui entre et celui qui sort d’un même pla-
teau n’ont pas la même composition et il en est de même pour la vapeur. Les équi-
libres successifs liquide-vapeur ont pour effet d’enrichir la vapeur en composé le
plus volatil au fur et à mesure de son ascension. Il en résulte un appauvrissement
du mélange dans le ballon en composant le plus volatil. Si la colonne est assez
efficace, la vapeur s’échappant du dernier plateau n’est plus composée que par
un seul composant.
Au contraire de la distillation simple d’un mélange, la rectification permet
l’obtention d’un des constituants (le plus volatil) pur, ainsi que plus générale-
ment, un distillat de composition x D constante.
Il faut souligner l’analogie qui existe entre la rectification et l’extraction à
contre-courant (voir chapitre 6 et figure 1.20).
B

Figure 1.20. Schéma de principe de l’extraction à contre-courant.

Dans l’extraction à contre-courant, un solvant A contenant le mélange à


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résoudre est extrait par un solvant non miscible B. On conçoit que si l’un des
constituants du mélange, en vertu de son coefficient de partage, se partage préfé-
rentiellement (« reste » plus longtemps) dans le solvant A par rapport aux autres,
il sortira pur si la tour d’extraction est assez efficace.
Dans la distillation, la vapeur joue le rôle de solvant A et le liquide qui reflue
celui du solvant extracteur B. L’analogie peut être poursuivie avec la notion de
plateau théorique d’une colonne à distiller.
Pour une extraction à contre-courant, on définit des étages théoriques qui ont
une longueur telle que les liquides A et B qui en sortent soient en équilibre. Pour
la rectification, on peut définir de même un plateau théorique. Un plateau est
théorique si le liquide et la vapeur qui en sortent sont en équilibre. Nous verrons
que la colonne n’est pas forcément à plateaux construits. Dans ce cas, on appelle
plateau théorique la hauteur de colonne nécessaire pour réaliser cet équilibre.

3.3. Étude théorique


Il s’agit d’étudier les équilibres qui se produisent entre le liquide et la vapeur
dans le ballon et au niveau des plateaux théoriques de la colonne. Comme pour
l’extraction par un solvant non miscible et comme pour la distillation simple,
l’étude est fondée :
–– sur la notion d’équilibre entre les deux phases, en l’occurrence les phases
liquide et vapeur ;
–– sur la conservation de la matière.
30  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

Nous jugeons bon de préciser à nouveau le cadre de cette étude :


–– nous nous bornons à l’étude de mélanges binaires miscibles ;
–– le mélange binaire ne donne pas d’azéotrope ;
–– le mélange liquide se comporte comme une solution idéale ;
–– la vapeur se comporte comme un gaz parfait.
Rappelons que cela implique que les lois de Raoult et Dalton sont utilisables.
La conséquence en est l’expression de l’équilibre liquide-vapeur déjà vue, reliant
la composition instantanée de la vapeur y en composé le plus volatil à la compo-
sition instantanée x du liquide :
y = αx / [1 + x ( α − 1)].
Il convient de noter que nous parlons ici de y et non de x D . Précisons encore
que :
• l’étude est faite pour la période de régime ;
• nous supposons qu’il n’y a aucune perte de matière ;
• la quantité retenue dans la colonne est négligeable par rapport à celle du
ballon (« hold up » négligeable) ;
• nous nous plaçons dans des conditions idéales de travail, c’est-à-dire :
–– que chaque plateau est un plateau théorique (ils fonctionnent tous identi-
quement et les phases qui en sortent sont en équilibre),
–– que le chauffage du ballon et le réglage du dispositif de reflux sont tels que
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les débits de vapeur et de liquide sont constants ;
• nous étudierons deux cas : celui d’une alimentation continue, puis plus
brièvement celui d’une alimentation discontinue (charge unique) ;
• quant aux notations représentatives de la colonne (figure 1.21), on la sup-
pose composée de s plateaux numérotés de 1 à s. Le plateau inférieur a pour
indice 1, le supérieur s. L’indice 0 concerne les phases contenues dans le ballon.
Comme pour l’extraction à contre-courant, chaque phase sortant d’un plateau
aura une composition rapportée à son numéro. Par exemple, les vapeurs sortant
des plateaux 1 à s auront pour fractions molaires y1, y2 , …, ys−1, ys. Le liquide
sortant des plateaux s à 1 auront pour fractions molaires xs, xs−1, …, x1.

3.3.1. Alimentation continue


Nous allons d’abord exprimer mathématiquement la conservation de la matière.
Par hypothèse, les débits de vapeur et de liquide sont constants. On peut donc
dire que durant un temps déterminé, chaque plateau théorique :
–– reçoit et rend une même quantité de vapeur, soit V  moles ;
–– reçoit et rend une même quantité de liquide, soit L moles.
La quantité V est déterminée par les conditions de chauffage du ballon, la
quantité L par le réglage du dispositif de reflux au bas du réfrigérant. Le robi-
net permet de diriger, à volonté, tout ou une partie du liquide condensé vers la
colonne. Si D est le nombre de moles recueillies, on a :
V = L + D.
Distillation  ■ 31

D
V yS
s
V yS–1 xS L
s–1 x
S–1 L

V y2
2 x2 L
V y1
1 x1 L

y0

Figure 1.21. Nomenclature utilisée pour l’étude de la rectification.

On appelle rapport de reflux θ :


θ = L / D.

θ est un paramètre très aisément accessible expérimentalement (par exemple


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en comptant le nombre de gouttes qui vont vers le distillat). Il rend compte du
réglage du dispositif de reflux. Certains auteurs ont proposé un autre paramètre t
appelé taux de reflux défini par la relation :
t = L /V.

θ varie de 0 à l’infini alors que t varie de 0 à 1. Lorsque θ = 0, on a un reflux


nul. Aucun liquide ne reflue dans la colonne. Lorsque θ = ∞, on a un reflux total.
Il n’y a pas de distillation.
• Considérons l’ensemble constitué par le plateau supérieur s, le réfrigérant
et le dispositif de reflux. Exprimons la conservation de la masse en composé le
plus volatil :
Vys−1 = Dx D + Lxs .

Le terme de gauche de l’équation est son nombre de moles arrivant dans le


plateau s sous forme de vapeur.
Le terme de droite est son nombre de moles en sortant, une partie (Dx D ) est ce
qui est recueilli dans le distillat, l’autre (Lxs ) est ce qui reflue.
• Si l’on considère maintenant le plateau s − 1, on peut écrire (toujours en
exprimant la conservation de la matière en composé le plus volatil) :
Vys− 2 = Dx D + Lxs−1.

En comparant ces deux relations, on constate que la quantité dirigée vers le


distillat (Dx D ) est toujours la même. En effet, il faut bien voir que l’intérêt de la
32  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

rectification par rapport à la distillation simple est de pouvoir obtenir un distillat


de composition non seulement désirée mais aussi constante.
• On peut généraliser les relations précédentes et écrire :
Vyn−1 = Lxn + Dx D.

On peut l’exprimer en fonction de θ. En effet :


V = L+ D
car il n’y a pas d’accumulation de matière au niveau de chaque plateau. Comme
θ = L / D, il vient :
V = D (1 + θ )
D = V / ( θ + 1)  et  L = Vθ / ( θ + 1)

d’où :
Vyn−1 = Vθ / ( θ + 1) xn + V / ( θ + 1) x D
yn−1 = θ / ( θ + 1) xn + x D / ( θ + 1).

C’est l’équation d’une droite. Cette droite est représentative de la conser-


vation de la matière (ici du composé le plus volatil). Elle est appelée droite
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opérationnelle.

►►REPRÉSENTATION GRAPHIQUE DES PLATEAUX THÉORIQUES


SELON MCCABE ET THIELE

McCabe et Thiele tracent le diagramme fractions molaires y/fractions molaires


x. Leurs valeurs supérieures sur chacun des deux axes de coordonnées, sont limi-
tées bien sûr à 1.
Le diagramme est constitué de :
–– la courbe exprimant l’équilibre liquide-vapeur d’équation :
y = αx / [1 + x ( α − 1)] ;
–– la droite opérationnelle ci-dessus exprimant la conservation de la matière.
Mais avant de la tracer, nous allons étudier ses caractéristiques. Sa pente est
θ / ( θ + 1). Lorsque le reflux est nul, θ = 0. La pente est nulle et l’équation
se réduit à y = x D . C’est une horizontale. Lorsque le reflux est total, c’est
une droite d’équation y = x  : l’ordonnée à l’origine est nulle. Pour x = x D ,
y = x D . Les coordonnées y = x = x D définissent ce que l’on appelle le point
R (figure 1.22). Ce dernier a un sens physique et correspond à l’ensemble
réfrigérant et dispositif de reflux. En effet, si l’on considère ce qui sort du
dernier plateau s, la conservation de la matière en composé le plus volatil
permet d’écrire :
Vys = Dx D + Lx D .
Distillation  ■ 33

1
θ=0 1 R
xD
3 2
ys–1
4
θ=∞
xD
θ+1

x0 xs–1 xs xD 1 x

Figure 1.22. Positionnements de la droite opérationnelle et de la courbe d’équilibre.

Naturellement, le liquide condensé dans le réfrigérant a la même composition


x D que celui qui est recueilli,
Vys = x D ( L + D )
or,
L+ D =V
d’où :
ys = x D CQFD.
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Pour 0 < θ < ∞, la droite opérationnelle passe par le point R et a pour ordonnée
à l’origine x D / ( θ + 1) .
Traçons maintenant la courbe d’équilibre y = f ( x ). Nous allons figurer sur ce
diagramme les plateaux théoriques (voir figure 1.22).
• Considérons d’abord le dernier plateau s.
On va lui associer un premier point qui va exprimer que la vapeur
qui en part a la même composition que le liquide qui y arrive. C’est ys xD
le point R. On a vu qu’il se situe sur la droite opérationnelle, ce qui = xD s
est normal, car son existence est une conséquence de la conserva-
tion de la matière.
Le plateau s va être également figuré par un autre point. En effet, y
s
il faut maintenant exprimer que la vapeur qui sort du plateau est en = xD
s
équilibre avec le liquide qui en sort, par définition d’un plateau
xs
théorique. Nous avons vu que ys et xs sont reliés par l’équation
d’équilibre ys = αxs / [1 + xs ( α − 1)].
ys et xs sont les coordonnées d’un point 1 se situant sur la courbe
d’équilibre. La fraction molaire xs est aisément déterminée graphi­que­ s
ys–1 xs
ment en abaissant la verticale à partir du point 1. Le plateau s va être
finalement figuré par un troisième point exprimant la conservation de
la matière lors de l’arrivée de la vapeur provenant du plateau s − 1 et
le liquide sortant. C’est le point 2 qui a la même abscisse que le pré-
cédent, même composition xs.
34  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

• Considérons le plateau s − 1.
Comme le précédent, il va être figuré par trois points :
–– le premier est le point 2 précédent qui exprime la conservation
ys–1 xs
de la matière entre la vapeur qui sort du plateau et le liquide qui
s–1
y entre. Il est figuré par le point 2, car entre les deux plateaux,
ce sont les mêmes phases ;
–– le deuxième point exprime l’équilibre entre la phase vapeur et ys–1
s–1
la phase liquide qui en sort. C’est le point 3. Il est sur la courbe
xs–1
d’équilibre et a même ordonnée que le précédent ;
–– le troisième point exprime la conservation de la matière entre la
s–1
vapeur qui entre dans le plateau et le liquide qui en sort. C’est
ys–2 xs–1
le point 4. Il a même abscisse que le précédent. Le plateau s − 1
est représenté par les trois points 2, 3, 4 et ainsi de suite.

►►INTÉRÊT PRATIQUE
• Détermination du nombre de plateaux théoriques d’une colonne
C’est le type même de problème que l’on a à résoudre au laboratoire. Considé-
rons un mélange benzène-toluène que l’on soumet à la rectification avec un rap-
port de reflux θ = 2,1. À un moment donné, le distillat et le mélange contenu dans
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le ballon sont analysés. On trouve x D = 0,93 et x0 = 0,37 (rappelons que la recti-
fication permet d’avoir une composition moyenne du distillat égale à celle instan-
tanée). On demande combien il y a de plateaux théoriques sachant que α = 2,46 .
La connaissance de α et de θ permet de tracer la courbe d’équilibre et la droite
opérationnelle ainsi que de représenter les plateaux théoriques. On trace alors
la verticale d’abscisse x0 = 0,37. On compte alors 4,5 plateaux théoriques (voir
figure 1.23a). Cependant, le ballon doit être compté pour un plateau théorique. La
colonne compte donc 3,5 plateaux théoriques.

POINTS CLÉS
● Le nombre de plateaux théoriques peut être un nombre décimal.
● Tout comme pour les colonnes de chromatographie, le nombre de plateaux théo-
riques dépend du mélange à rectifier via la valeur α qui fixe la forme de la courbe
d’équilibre et donc le nombre de plateaux.
● Bien que cela ne soit pas évident d’après ce qui précède, le nombre de plateaux
théoriques dépend de la longueur de la colonne en fixant la concentration restante
x 0 . Avec une colonne différente, pour un même mélange et une même composition
x D choisie, nous aurions une autre valeur de x 0 .
● Il existe d’autres procédés de détermination du nombre de plateaux théoriques,
notamment sous reflux total et par le calcul selon la méthode de Fenske que nous ne
développons pas.
Distillation  ■ 35

• Détermination des conditions optimales de rectification


Soit un mélange de benzène et de toluène contenant en molécules 40 % de
benzène. On se propose de l’enrichir par rectification à 98 % de benzène. Com-
bien faudra-t-il de plateaux et quel rapport de reflux faudra-t-il adopter pour que
l’opération soit satisfaisante ? On suppose que la composition du liquide contenu
dans le ballon soit x0 = 0,4 tout au long de la rectification (autrement dit, il y a
alimentation continue). On donne α = 2,46 .
Tel est le type de problème qui se pose. Il est résolu d’une façon graphique.
Traçons le diagramme y = f ( x ). La courbe d’équilibre est traçable puisque
l’on connaît α. On peut également tracer la diagonale figurant le reflux infini et
le point R (figure 1.23b).

y y
R
ys 1 1
R 0,98
M’0
0,8

M0
0,6
xD

=

0,4
θ

θl + 1
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0,2

0
M’’0
0,2 0,4 0,6 0,8 1 x 0,4 1 x
xD xD = 0,98
a  
b

Figure 1.23. Choix des meilleures conditions opératoires d’une rectification.

Le problème revient à positionner la droite opérationnelle. Traçons la verticale


d’abscisse 0,40. On voit immédiatement que si la droite opérationnelle coupe la
courbe d’équilibre pour une abscisse supérieure à celle du point M 0 (0,40), la
séparation n’est plus possible. En effet, la composition du mélange restant n’est
pas celle désirée (x > 0,4). Si la droite opérationnelle coupe la courbe d’équilibre
au point M 0 , la séparation sera possible mais avec un nombre de plateaux infini.
On peut s’en apercevoir par construction graphique. Cela n’est pas réalisable
expérimentalement, car il faudrait une colonne de longueur infinie. Lorsque la
droite opérationnelle coupe la courbe d’équilibre entre M 0 et M 0′′, la séparation
est possible. Pour le point M 0′′ proprement dit, la séparation est théoriquement
possible mais il n’y a pas de distillation, car le reflux est infini.
De tout cela, il ressort que le taux de reflux minimal est donné à partir de
l’équation de la droite opérationnelle limite RM 0 . Il est aisé de tracer cette droite
(voir figure 1.23). Son ordonnée à l’origine que l’on peut mesurer aisément est
égale à x D / ( θl + 1), d’où θl (taux de reflux limite). Dans le cas présent θl = 1,65.
36  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

Les taux de reflux utilisables sont compris entre 1,65 et ∞. D’un point de vue plus
pratique, il faut bien se rendre compte que :
–– si l’on choisit θ ≈ 1,65, la rectification sera assez rapide, car le taux de reflux
sera faible mais il faudra un nombre de plateaux très grand, ce qui est peu
pratique à réaliser ;
–– si l’on choisit θ → ∞, il faudra une colonne assez courte de l’ordre de
4,5 plateaux, mais le taux de reflux sera très élevé et il faudra beaucoup de
temps, ce qui n’est pas forcément souhaitable ;
–– on cherchera un compromis entre ces deux exigences. Par exemple, ici,
avec θ = 5,0, il faudra utiliser une colonne de six plateaux théoriques.

• Disposition pratique pour assurer l’alimentation continue


Le mélange est généralement introduit au milieu de la colonne dont la partie
supérieure fonctionne comme une colonne de concentration, c’est-à-dire de rec-
tification, selon les modalités ci-dessus. La partie inférieure fonctionne comme
une colonne d’épuisement (figure 1.24). Un trop-plein permet d’évacuer le résidu
de la rectification constitué par le mélange enrichi en composé le moins volatil.
McCabe et Thiele ont donné également une représentation graphique de l’épui-
sement via, notamment, une droite d’alimentation. L’alimentation en continu est
le plus souvent réalisée en applications industrielles où des grands volumes de
mélanges sont rectifiés dans des tours dans lesquelles l’alimentation en mélanges
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se fait régulièrement de façon continue.

Colonne de concentration
ou de rectification
Alimentation

Colonne d’épuisement

Dispositif de trop-plein

Figure 1.24. Appareillage pour une alimentation continue.

3.3.2. Alimentation discontinue « batch rectification »


Dans l’étude précédente, la concentration du mélange contenu dans le ballon
restait constante et égale à x0. Au laboratoire, on ne dispose généralement que
d’un petit volume de mélange qui est introduit en totalité dans le ballon, au début
Distillation  ■ 37

de l’opération. On est alors dans les conditions de la « batch rectification ». La


concentration du composé le plus volatil dans le liquide contenu dans le ballon
varie au cours de la distillation. Si l’on se reporte au diagramme de McCabe et
Thiele (figure 1.25), on voit :
–– qu’initialement, avec une colonne donnée possédant un certain nombre de
plateaux théoriques (ici 1) et avec le reflux choisi, à partir d’une composi-
tion initiale du liquide x0, x D est trouvé et fixé immédiatement ;
–– avec la même colonne et le même reflux, lorsque la rectification se déroule
depuis un certain temps, la concentration initiale n’est plus que x0′ et le dis-
tillat x D′ , avec x D′ < x D .

R
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1 x
x'0 x0 x'D xD

Figure 1.25. Évolution des compositions x et x D au cours d’une « batch rectification ».

Pour obtenir un distillat qui ait toujours la même composition, il faut au fur et
à mesure que l’opération se poursuit :
–– soit augmenter le nombre de plateaux théoriques pour un même rapport
de reflux, ce qui est quasi impossible (on se voit mal changer sans arrêt de
colonne au cours de la distillation) ;
–– soit augmenter le rapport de reflux pour un même nombre de plateaux
théoriques (même colonne). Nous avons vu qu’augmenter le taux de reflux
revient à rapprocher la droite opérationnelle de la diagonale y = x du
diagramme (figure 1.26).
Pour le reflux initial, les compositions sont x0 et x D . On voit qu’avec le deux­
ième reflux, on a une même composition x D de distillat, un même nombre de
plateaux théoriques (donc on utilise la même colonne), bien que x0′ < x0.
C’est cette solution qui est adoptée. Il est en effet simple de tourner le robi-
net du dispositif de reflux au fur et à mesure de l’avancement de la distillation.
Pour contrôler le processus, on surveille la température au haut de la colonne et
on règle le dispositif de reflux au fur et à mesure de la rectification pour que la
température reste constante.
38  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

x'0 x0 xD x

Figure 1.26. Augmentation du rapport de reflux au cours d’une batch distillation.

Remarque
Si l’on n’y prend pas garde, le remplacement du liquide le plus volatil par le moins
volatil entraîne une augmentation de la température, car il faut augmenter la
tension de vapeur de ce dernier jusqu’à ce qu’il y ait égalité de la somme des pres-
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sions partielles avec celle extérieure. Cela ne peut se faire que par augmentation
de la température.

À titre d’exemple, l’augmentation du taux de reflux peut être notable. Pour le


mélange benzène-toluène à 40 % de benzène, avec une colonne de 10 plateaux
théoriques, on trouve :
–– au début de l’opération x = 0,40 et θ = 1,85 ;
–– à la fin x = 0,10 et θ = 7,10.

3.4. Cas des azéotropes


La théorie précédente est valable pour les azéotropes, mais :
–– c’est l’azéotrope qui est obtenu dans le distillat lorsqu’il y a azéotropisme
négatif ;
–– c’est l’azéotrope qui reste dans le ballon lorsqu’il y a azéotropisme positif.
À propos des azéotropes, signalons qu’il y a au moins deux méthodes qui
permettent de les résoudre :
–– la rectification à une pression inférieure à celle normale. Bien souvent, il
n’y a plus formation d’azéotropes au-dessous d’une pression donnée ;
–– la deuxième consiste à entraîner l’un des constituants de l’azéotrope dans
un azéotrope ternaire (exemple : méthode de Sydney Young avec formation
d’azéotropes ternaires : éthanol-eau-benzène).
Distillation  ■ 39

3.5. Aspects pratiques de la rectification


Nous allons seulement évoquer brièvement les colonnes et la rectification
sous pression réduite.

3.5.1. Colonnes
On distingue plusieurs types de colonnes :
• les colonnes à plateaux construits. Il en existe plusieurs modèles différant
par la forme des plateaux conçus pour permettre un brassage efficace entre le
liquide et la vapeur (colonnes de Bruun, Stage et Sigwart). En réalité, les équi-
libres ne sont généralement pas réalisés à tous les plateaux. On définit ainsi une
efficacité moyenne des plateaux E :
E = n / nc
où n est le nombre de plateaux théoriques, nc le nombre de plateaux construits.
L’efficacité ne peut être qu’inférieure ou égale à 1. Le nombre de plateaux théo-
riques est déterminé comme on l’a vu ci-dessus ;
• les colonnes à plateaux non construits. Dans ces colonnes, les échanges
liquide-vapeur se produisent entre la vapeur et le film liquide condensé sur les
parois. On cherche alors à augmenter la surface utile des parois. On utilise :
–– les colonnes à remplissage, cylindres vides remplis de fragments de verre
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calibrés comme les anneaux de Raschig,
–– les colonnes à éléments fixes dans lesquelles l’augmentation de surface
résulte de la présence dans la colonne de pointes de verre (colonne de
Vigreux) ou de spirale en verre (colonne de Crismer),
–– les colonnes à bande tournante dans lesquelles une mince bande de métal,
de hauteur égale à celle de la colonne, tourne sur elle-même à l’intérieur de
la colonne. Il en résulte une turbulence prolongée des vapeurs et le système
liquide-vapeur est obligé de décrire une trajectoire relativement longue, car
il se forme de très minces films de liquide sur toute la surface de la bande.
De telles colonnes ont un faible volume et sont bien adaptées à la rectifica-
tion de petits volumes de mélanges. Pour toutes ces colonnes, on définit la
hauteur équivalente à un plateau théorique (HEPT) qui est la hauteur d’une
fraction de colonne telle que le liquide et la vapeur qui en sortent soient en
équilibre. On la calcule d’après la relation :
HEPT = H / n
avec H hauteur totale de la colonne et n le nombre de plateaux théoriques.
Le nombre de plateaux théoriques est déterminé comme pour une colonne
à plateaux construits.

3.5.2. Rectification sous pression réduite


En abaissant la pression qui surmonte le liquide, on produit l’ébullition à une
température inférieure à celle obtenue à pression ordinaire. Cette méthode est
40  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

avantageuse aussi bien en distillation simple qu’en rectification, cela à plusieurs


points de vue :
–– les risques d’altération des composés organiques diminuent par suite de
l’abaissement de la température ;
–– la formation d’azéotropes est souvent évitée ;
–– l’efficacité de la rectification est améliorée. L’amélioration résulte de l’aug-
mentation de la valeur de la volatilité relative :
α = P1 / P2.
Pour la plupart des mélanges binaires, on « démontre » approximativement
que α augmente lorsque la pression à laquelle on opère diminue. Cela se traduit
par une courbure plus accentuée de la courbe d’équilibre (figure 1.27).
y

α=2
et
α=4
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xD x
Figure 1.27. Rectification à pression réduite.

Pour α = 2, on compte ici 5 plateaux théoriques. Pour α = 4, on compte 3 pla-


teaux théoriques pour le même reflux (pour la même droite opérationnelle). Le
nombre de plateaux théoriques nécessaires diminue, donc pour une même colonne
ayant le même nombre de plateaux réels, l’efficacité est améliorée.

4. Distillation d’un mélange de composés


non miscibles par entraînement à la vapeur
Soit un « mélange » de deux composés liquides 1 et 2 non miscibles, le com-
posé 1 étant le plus volatil. À l’état liquide, un tel mélange est formé de deux
phases distinctes (figure 1.28) et chaque composé se comporte comme s’il était
seul, c’est-à-dire qu’il conserve sa propre tension de vapeur P1 ou P2 qui dépend
seulement de sa nature et de la température suivant la loi de Clapeyron.
La deuxième loi de l’ébullition reste valable : le mélange entre en ébullition
lorsque sa pression de vapeur P est égale à la pression extérieure qui la surmonte.
On détermine la température d’ébullition en effectuant la construction ci-dessous
(figure 1.29).
Distillation  ■ 41

P2 P 1

2
1

Figure 1.28. Mélange de composés non miscibles.

P tE tE1 t°C
O'
➋ PE2

E
PE
PE1

O
P' tE tE2 t°C

Figure 1.29. Détermination de la température d’ébullition d’un mélange de compo-


sés non miscibles.
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Dans un système de coordonnées rectangulaires T et P, on trace la courbe 1
représentative de la tension de vapeur du composé 1 en fonction de la tempéra-
ture : P1 = f1 ( t ), expression de la loi de Clapeyron. Dans un système de coordon-
nées rectangulaires t′ et P′ d’origine O′ située sur l’axe des pressions du système
précédent et telle que l’on ait OO ′ = PE de même sens que le système précé-
dent pour les températures, mais de sens contraire pour les pressions, on trace
la courbe 2 représentative de la pression de vapeur du composé 2 : P2 = f 2 ( t ).
Considérons le point de concours E de ces deux courbes. Il est évident que :
PE1 + PE 2 = PE.

La somme des pressions de vapeur de chacun des constituants est égale à la


pression extérieure. On est donc à la température d’ébullition. L’abscisse du point
E donne la température d’ébullition t E. On est ainsi amené aux trois constatations
suivantes :
–– la température d’ébullition du mélange ne dépend que de la nature des deux
composés et non de leurs proportions relatives. C’est la grande différence
avec le mélange de liquides miscibles pour lesquels il y a ébullition pour :
PE = p1 + p2
PE = xP1 + (1 − x ) P2 .
42  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

Les fractions molaires interviennent ;


–– la température d’ébullition est inférieure à celles des deux composés purs 1
et 2, TE1 et TE 2  ;
–– la température d’ébullition est constante durant l’ébullition tant que les
deux composés subsistent dans le « mélange » liquide. Lorsque l’un d’eux
a disparu, elle monte brutalement jusqu’à la température t E1 ou t E 2 corres-
pondant à l’ébullition du composé restant.
Quelle est la composition de la vapeur ? Nous allons montrer qu’elle ne
dépend que de la nature du mélange et qu’elle reste constante durant l’ébullition
tant que les deux composés subsistent dans le ballon. Contrairement au liquide, le
mélange des deux gaz (vapeurs) forme une seule phase. On peut donc appliquer
la loi de Dalton :
P = p1 + p2.
p1 et p2 sont les pressions partielles respectives des composés 1 et 2. On peut
toujours exprimer les pressions partielles en fonction des fractions molaires res-
pectives y et (1 − y ) des composés 1 et 2 :
p1 = yP   p2 = (1 − y ) P.

Le rapport des pressions partielles :


p1 / p2 = yP / (1 − y ) P
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p1 / p2 = y / (1 − y ).

Mais nous venons de le voir, les pressions partielles ne dépendent pas des
proportions respectives des composés en phase liquide. Plus précisément, on a :
p1 = P1  p2 = P2
d’où :
y / (1 – y ) = P1 / P2 .

P1 et P2 ne dépendent que de la nature du « mélange » et de la température. Donc


pour une pression extérieure donnée, la composition de la vapeur ne dépend que de
la nature des composés et non de leurs proportions relatives dans le « mélange ».
Cette méthode est aussi appelée en langue anglaise : stripping.

5. Applications de la distillation
Les applications sont innombrables. La chromatographie gazeuse n’a pas
diminué beaucoup son importance. Ces deux méthodes apparaissent en fait com-
plémentaires. Bien souvent, les distillations préparent l’échantillon qui doit être
« injecté » en chromatographie en le « préenrichissant ». Sur quelques applica-
tions ponctuelles, citons :
–– la méthode de Ducloux de dosage de la quantité totale des acides volatils
dans les vins ;
Distillation  ■ 43

–– la détermination des indices d’acides volatils solubles et insolubles des


matières grasses ;
–– le dosage de l’ammoniaque et des bases volatiles ;
–– le dosage de l’acide borique ;
–– le dosage de l’arsenic ;
–– le dosage de l’azote selon Kjeldahl.
Dans les pharmacopées, mentionnons à la rubrique « Méthodes physiques et
physico-chimiques », les essais suivants :
–– la détermination de l’intervalle de distillation ;
–– la détermination du point d’ébullition.
En ce qui concerne la distillation d’un mélange de composés non miscibles,
qui est aussi une méthode recommandée par la pharmacopée, son principal avan-
tage est de se produire à une température inférieure à celle d’ébullition des consti-
tuants, d’où un moindre risque d’altération de ces derniers. Il faut noter par ail-
leurs que la vapeur est d’autant plus riche en composé que la pression de vapeur
de ce dernier est plus grande. Cette remarque explique que l’on puisse séparer
d’un mélange complexe l’un de ses constituants, à la condition que sa pression de
vapeur soit nettement plus grande que celle des autres. La principale application
est l’entraînement à la vapeur d’eau qui permet de réaliser :
–– la distillation de substances fragiles, essences végétales par exemple ;
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–– la séparation de substances de constitutions voisines (o-nitrophénol et
p-nitrophénol, par exemple, respectivement entraînable et non entraînable
– figure 1.30) ;
–– le dosage de l’eau dans les médicaments et les aliments par entraînement
avec divers solvants, glycol, toluène, xylène (méthode de Leymarie).

O NO2

N
O
O O
H
O

OH

entraînable non entraînable

Figure 1.30. o-nitrophénol entraînable et p-nitrophénol non entraînable.

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