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CHAPITRE 2.

COEFFICIENT DE PARTAGE : FONDEMENTS


THERMODYNAMIQUES

Gwenola Burgot, Jean-Louis Burgot

Lavoisier | « Hors collection »

2017 | pages 45 à 54
ISBN 9782743020392
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn-sciences.info/chimie-analytique--9782743020392-page-45.htm
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▬ Chapitre 2 ▬
Coefficient de partage :
fondements thermodynamiques

1. Extraction et séparation
Il est d’usage de distinguer l’un de l’autre les processus nommés extraction et
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séparation, étant entendu qu’il s’agit là de deux méthodes analytiques fondées sur
l’extraction d’un ou plusieurs solutés d’une solution par un solvant non miscible
ou très peu miscible à celle-ci. On réserve :
–– le terme d’extraction à l’étude de la méthode générale qui a pour but de
faire passer dans le solvant extractif, sélectivement et quantitativement, une
substance présente dans le mélange initial. Lors de cette étude, on ne s’in-
téresse qu’à l’extraction d’une seule substance ;
–– le terme de séparation est moins général que le précédent. Il qualifie la
méthode qui a pour but d’isoler séparément chacune des substances consti-
tuant le mélange initial en se fondant sur l’extraction différentielle des
divers solutés hors de celui-ci dans des phases extractives qui peuvent être
différentes. La séparation concerne donc un mélange initial d’au moins
deux solutés. Dans la littérature, le terme de fractionnement (d’un mélange)
est employé pour signifier séparation.
En réalité, ces définitions peuvent être considérées comme correspondant à des
méthodes quasi identiques, car extraction et séparation sont souvent des proces-
sus qui se produisent simultanément. Ainsi, par exemple, il n’est pas rare qu’une
extraction simple appliquée à un mélange conduise à un début de séparation.
46  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

2. Énergie de Gibbs molaire partielle


Soit une phase liquide constituée par le solvant (composé 1) et plusieurs solutés
(composés 2, 3, …, i). Par définition, on appelle énergie de Gibbs1 molaire partielle
G i du composé i la quantité :
( ∂G / ∂ ni )T ,P,n j
= Gi.

G est l’énergie de Gibbs de l’ensemble du système, T la température absolue


du système, P sa pression et n j le nombre de moles des composants du système
autres que j (mais incluant le solvant). L’énergie de Gibbs molaire partielle est
donc, au sens mathématique, une dérivée partielle (figure 2.1).

Remarque
L’énergie de Gibbs avait encore récemment pour nom l’enthalpie libre.

G
solution
∂G
∂ni nj, T, P
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ni

Figure 2.1. Énergie de Gibbs molaire partielle.

La signification physique de cette grandeur peut être appréhendée de la façon


suivante. Prenons l’exemple d’une solution aqueuse d’un seul soluté M. On a :
G M = ( ∂G / ∂ n M )T , P ,n .
H 2O

D’après ce que nous savons des dérivées partielles, nous pouvons dire que G M
est la variation d’énergie de Gibbs de l’ensemble de la solution (pris comme sys-
tème) lorsqu’une mole de soluté M est ajoutée à une quantité infiniment grande de
solution, de telle sorte que l’addition de cette mole ne change pas, d’une façon
appréciable, la concentration de M dans la solution. Une autre façon de voir les
choses, équivalente à la précédente, est de considérer que l’énergie de Gibbs molaire
partielle G M est la variation d’énergie de Gibbs de l’ensemble lorsqu’on lui addi-
tionne un nombre infinitésimal (une différentielle) de moles, soit dn M moles, de
telle sorte que la concentration de M puisse être considérée comme inchangée.

1. Josiah Willard Gibbs, physico-chimiste américain (1839-1903).


Coefficient de partage : fondements thermodynamiques  ■ 47

On démontre que l’énergie de Gibbs totale du système est donnée par


l’expression :
Gsyst = n1 G1 + n2 G 2 + ...

Il y a évidemment autant d’énergies de Gibbs molaires partielles qu’il y a de


composants. À l’examen de cette dernière relation, on constate que G i joue bien
le rôle d’une énergie de Gibbs molaire. Il convient cependant de noter que, dans
la grande majorité des cas, les énergies de Gibbs molaires partielles G i varient
avec la composition de la solution, d’où la notion d’énergie de Gibbs molaire
partielle définie par usage des dérivées partielles.

3. Potentiel chimique
L’énergie de Gibbs molaire partielle porte un autre nom : le potentiel chimique,
introduit par J.W. Gibbs sous le vocable « escaping tendency ». Il est symbolisé
par µ. Dans le cas précédent de la solution aqueuse du soluté M, on voit qu’il
existe deux potentiels chimiques à considérer, ceux de M et de l’eau, soit µ M et
µ H 2O . Au contraire de l’énergie de Gibbs d’un système qui est une grandeur
extensive, le potentiel chimique d’un composé est une grandeur intensive.
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Rappelons que le potentiel chimique d’une substance est la tendance d’une
substance à quitter son état thermodynamique présent par un processus physique,
chimique voire biologique à température et pression constantes.

4. Différence de potentiel et courant électrique


Nous savons que lorsque les deux compartiments d’une cellule électrochimique
portés à des potentiels (électriques) différents sont reliés par un fil conducteur, on
observe le passage d’un courant (figure 2.2). Les électrons remontent le potentiel,

e–

A i=0 A i i=0

EA EC E’A E’C E’’A E’’C


EC > EA E’C > E’A E’’A = E’’C
E’C < EC et E’A > EA E’’C < E’C et E’’A > E’A

1 2 3
À un moment donné Équilibre

Figure 2.2. Différence de potentiel et courant électrique.


48  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

allant de l’électrode la moins positive à la plus positive. Ce processus spontané


s’arrête lorsque, sous l’effet du passage du courant, les deux électrodes se trouvent
au même potentiel. On dit que l’on a atteint l’état d’équilibre.
Ainsi, c’est la différence de potentiel qui est à l’origine du courant, c’est-
à-dire du déplacement des électrons.

5. Équilibre d’un soluté entre deux phases liquides


Reprenons l’exemple de la solution aqueuse contenant le soluté M. Mettons-la
en présence d’un solvant organique pur non miscible à l’eau (par exemple, en les
considérant en première approximation, strictement non miscibles à l’eau : le
toluène, le benzène, le tétrachlorure de carbone). On conçoit que le soluté M va
se partager entre les deux phases. Comme dans le cas de la cellule électrochimique
ci-dessus, on peut imaginer trois temps dans le processus d’équilibration :
–– au temps 1, tout le soluté M est encore en phase aqueuse ;
–– au temps 2, on assiste au passage d’une partie de M dans la phase organique ;
–– enfin, au temps 3, le soluté est partagé. On n’assiste plus (au moins du point
de vue macroscopique) au transfert du soluté. On dit que l’équilibre de
partage est atteint (figure 2.3).
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org org org

aq aq aq

M
1 2 3

Figure 2.3. Établissement de l’équilibre de partage d’un soluté entre deux phases.

La traduction de l’état d’équilibre 3 du soluté vis-à-vis des deux phases se


traduit par la condition (il s’agit ici d’un équilibre physique et non chimique) :
G M aq = G M org
ou d’une façon équivalente :
µ M aq = µ M org .

Le potentiel chimique du soluté est le même dans les deux phases. En revanche,
les stades 1 et 2 pour lesquels il n’y a pas encore équilibre, se traduisent par
l’inégalité :
G M aq ≠ G M org .

Plus précisément, G M aq > G M org . Le potentiel chimique est supérieur en phase


aqueuse. C’est le transfert du soluté qui conduit à l’égalité des potentiels chimiques
du soluté dans les deux phases.
Coefficient de partage : fondements thermodynamiques  ■ 49

L’énergie de Gibbs molaire partielle joue un rôle identique au potentiel d’élec-


trode vu ci-dessus. L’analogie entre différence d’énergie de Gibbs molaire partielle et
différence de potentiel électrique est parfaite. Ce sont ces différences qui imposent
spontanément les déplacements respectifs des solutés et des électrons. D’où le nom de
potentiel chimique. Plus ils sont élevés, plus la tendance du soluté à passer dans une
autre phase est grande. Il en est de même pour sa tendance à réagir par voie chimique.

6. Coefficient de partage thermodynamique


En thermodynamique, pour pouvoir raisonner avec les solutions non idéales
comme avec les solutions idéales ou comme avec les gaz parfaits, on introduit la
notion d’activité de chacune des espèces constituant le système. Pour l’espèce i,
son activité est ai et son potentiel chimique est µ i. Ce dernier est relié à l’activité
par la relation :
µ i = µ i + RT ln ai.

µ i est le potentiel chimique de i dans son état standard. R est la constante des
gaz parfaits et T la température (absolue) du système. Le potentiel chimique stan-
dard est une constante pour une espèce donnée à une température et à une pres-
sion données, dans une solution donnée.
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L’activité ai est reliée à la concentration Ci de l’espèce i (quelle que soit son
échelle retenue) par une relation du type :
ai = γ iCi
où γ i est le coefficient d’activité. Il faut savoir que :
• γ i = 1 pour les solutions idéales. Le cas est rare. Il survient lorsque les com-
posants de la solution sont très proches chimiquement ;
• γ i = 1 pour les solutions très diluées.
Sinon, γ i varie avec la concentration Ci de l’espèce. La relation linéaire entre
activité et concentration est donc fallacieuse. Ce n’est pas une relation affine.
Revenons au soluté M à l’équilibre avec les deux phases aqueuse et organique
(stade 3). La condition d’équilibre s’écrit :
µ M org = µ M aq
soit :
µ M + RT ln a M aq = µ M + RT ln a M org
aq org
ou :
µ M − µ M = RT ln a M org / a M aq .
aq org

Finalement, d’après ce que nous venons de voir concernant les potentiels


chimiques standard :
a M org / a M aq = constante
a M org / a M aq = P .
50  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

P est le coefficient de partage thermodynamique.

Remarque
Il ne semble pas qu’il y ait de symbole normalisé pour cette quantité. On trouve
aussi dans la littérature les symboles K, KD , K ′, λ, etc.
Tel qu’il vient d’être introduit, on voit qu’il ne dépend que de la température, de
la pression, de la nature du soluté et de celle des solvants.
Il est intéressant de situer ce résultat par rapport à la règle des phases. La variance
V (ou le nombre de degrés de liberté) est donnée par la relation :
V = C +2−φ
où φ est le nombre de phases et C le nombre de composants. Dans le cas présent,
φ = 2, C = 3 . 2 est le nombre de facteurs susceptibles de jouer un rôle sur l’équi-
libre. Dans le cas présent, le partage se fait usuellement à température et à pres-
sion constantes. 2 doit être remplacé par 0. Dans ces conditions, V = 1. Cela signifie
que si l’on fixe le nombre de moles total du système, tous les autres paramètres
sont fixés, en particulier les concentrations à l’équilibre du soluté dans les deux
phases.
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7. Coefficient de partage
Le coefficient de partage thermodynamique peut encore s’écrire :
P = γ M org C M org / γ M aq C M aq
ou :
C M org / C M aq = Pγ M aq / γ M org .

On introduit le rapport K écrit en termes de concentrations :


C M org / C M aq = K .

K est appelé simplement coefficient de partage (en anglais : distribution coef-


ficient). Ce n’est une constante, à une pression et une température données, que
lorsque les deux phases à l’équilibre sont des solutions idéales (cas très rare) ou
des solutions très diluées. Les coefficients d’activité dans les deux phases à
l’équilibre deviennent alors égaux à l’unité et :
K = P (solutions diluées et idéales).

La relation précédente se traduit alors graphiquement par une droite appelée


isotherme de partage (figure 2.4).
Il est clair qu’au-delà de certaines limites de concentrations, l’isotherme de
partage devient une courbe. Lorsque l’isotherme est une droite, on dit que la dis-
tribution est régulière.
Coefficient de partage : fondements thermodynamiques  ■ 51

Corg

tan α = K

Caq

Figure 2.4. Isotherme de partage.

Il va de soi que les coefficients de partage K et P prennent des valeurs numé-


riques différentes suivant les échelles de concentration (molarités, molalités ou
fractions molaires) adoptées pour les chiffrer ou pour chiffrer les activités.

8. Coefficients de partage et solubilité


À une température et à une pression données, lorsque la solubilité du soluté
dans les deux solvants est atteinte à l’équilibre de partage, leur rapport est égal au
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coefficient de partage. Lorsque les solubilités sont faibles, il s’agit du coefficient
de partage thermodynamique.

9. Loi de Berthelot-Jungfleish
La relation C M org / C M aq = K porte le nom de « loi de Berthelot2-Jungfleish3
(1872) ». Elle a été établie de nouveau sur d’autres bases, quelques années plus
tard par Nernst4 (1881).
Elle s’énonce ainsi : « quelle que soit la solubilité d’un corps à partager, quel
que soit le volume des solvants, le corps se répartit à l’équilibre de manière à ce
que les concentrations soient dans un rapport constant ».

10. Non-validité de la loi de Berthelot-Jungfleish


Le respect de la loi souffre de bien de vicissitudes qui s’expliquent aisément à
la lumière des explications précédentes :
• exprimée telle qu’elle vient de l’être en termes de concentrations alors
qu’elle devrait l’être en termes d’activités, elle n’est pas rigoureuse d’un point

2. Marcellin Berthelot, chimiste français (1807-1907).


3. Émile Jungfleish, chimiste français (1839-1916).
4. Walther Nernst, physico-chimiste allemand (1864-1941), surnommé le père de l’électrochimie
moderne, prix Nobel de chimie en 1920.
52  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

de vue thermodynamique. Elle ne l’est que pour le cas où les deux phases sont
suffisamment diluées ou pour celui où elles sont idéales ;
• pour qu’elle soit vérifiée, il faut que la pression et la température soient
constantes ;
• il faut aussi que le soluté soit dans les mêmes états physique et chimique dans
les deux phases. Cette condition est moins anodine qu’elle n’en a l’air. Par exemple :
–– les acides carboxyliques, lorsqu’ils sont en phase organique de faible permit-
tivité relative, sont sous forme de dimères, alors qu’en phase aqueuse ils sont
sous forme de monomères. Du point de vue de la thermodynamique, il ne
s’agit plus de la même espèce. Les raisonnements précédents ne tiennent plus :
O HO

2RCOOH  R C C R

O H O

–– en phase aqueuse, certains composés peuvent être ionisés. Les formes ioni-
sée et non ionisée ne constituent plus la même espèce (nous revenons sur ce
cas deux chapitres plus loin) ;
• il n’y a pas d’émulsion à l’interface. L’émulsion, due à des phénomènes de
surface, se comporte comme une troisième phase dont il n’est pas tenu compte
dans les raisonnements précédents ;
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• les solvants ne doivent pas être miscibles. Si tel est le cas, il faut considérer
que l’on est en présence d’une troisième phase.
L’existence de ces entorses à la loi entraîne une distribution irrégulière qui se
traduit par une courbe isotherme qui n’est plus une droite.

11. Cas où les deux solvants sont partiellement


miscibles – Diagramme ternaire
Le cas le plus simple que l’on puisse rencontrer dans l’extraction liquide-­
liquide est celui dans lequel :
–– il n’y a qu’un seul soluté à extraire ;
–– le solvant de la solution à extraire, appelé quelquefois le diluant, n’est abso-
lument pas miscible au solvant extracteur.
Bien que les études suivantes se situent dans le cadre de la stricte non-miscibilité
des deux solvants, il est intéressant de se pencher quelque peu sur celui où il y a
miscibilité partielle du diluant et du solvant extracteur, et sur les conséquences qui en
résultent. Cela est d’autant plus vrai qu’en principe, le partage du soluté entre les deux
liquides entraîne une variation de leur miscibilité partielle et l’apparition de phases de
compositions variables. Il s’ensuit que l’étude théorique du partage, qui a pour but,
essentiellement, l’obtention du rendement de l’extraction et donc la connaissance des
concentrations dans les deux phases après équilibre, devient compliquée. Il est cepen-
dant facilité par l’examen du diagramme ternaire correspondant décrit maintenant.
Coefficient de partage : fondements thermodynamiques  ■ 53

Diagramme ternaire
Le système constitué par le mélange ternaire A, B, C est représenté par le triangle
équilatéral de la figure 2.5. A et C sont les deux solvants (diluant et extracteur) mis-
cibles et B est le soluté :
– chacun des trois sommets du triangle représente un des composants pur sous la forme
de 100 % du poids total de l’ensemble des composants. Par conséquent, il représente
0 % des deux autres composants ;
– les trois côtés du triangle représentent les trois mélanges binaires possibles AB, BC,
CA. En divisant chacun de ces côtés en 100 unités, on lit directement la proportion de
chacun des 2 membres du mélange binaire ;
– chaque point M à l’intérieur du triangle représente toutes les possibilités de concen-
trations des trois composants. Chaque ligne horizontale parallèle à AC correspond à
0 % de composé B (ligne AC elle-même) jusqu’à 100 % au point B lui-même. De la
même façon, au point M, le système contient 60 % de composé B. Il en est de même
pour les parallèles aux côtés AB et BC. Au point M, il existe 10 % de C et 30 % de A ;
– sur chaque ligne issue de chacun des sommets jusqu’à un point quelconque du côté
opposé, tous les points correspondent à des pourcentages identiques des deux com-
posés opposés à l’origine de la ligne (voir ligne DC proportion : 1/3) ;
– chaque point appartenant à une ligne parallèle à un côté correspond au même
pourcentage du composant situé à l’opposé.
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100 % B

B C
M

100 % A 100 % C
A

Figure 2.5. Propriétés d’un mélange ternaire représentées par un diagramme


triangulaire.

Le cas intéressant nous concernant est celui dans lequel deux des trois compo-
sants du système forment deux phases de compositions différentes qui ne sont
que partiellement miscibles. Le cas classique est celui du ternaire eau A, étha-
nol B et benzène C (figure 2.6). On sait que l’eau et le benzène ne sont que très
54  ■  Méthodes de séparation : extraction, chromatographies et électrophorèses

peu miscibles. Un système constitué par ces deux composants conduit à deux
phases. L’une est de l’eau saturée en benzène et l’autre du benzène saturé en eau.
La ligne AC décrit les mélanges binaires d’eau et de benzène. a et c sont respec-
tivement la solubilité limite du benzène dans l’eau et celle de l’eau dans le ben-
zène (à la température de travail).
B

f E
D
A C
a c
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Figure 2.6. Système ternaire eau-éthanol-benzène.

L’éthanol étant complètement miscible à l’eau et au benzène, il n’est pas éton-


nant que son addition en quantités croissantes au système composé par de l’eau et
du benzène, conduise finalement à une seule phase. L’aire grisée de la figure 2.6
représente la zone de non-miscibilité ou zone d’hétérogénéité. La courbe qui
sépare les deux zones (de miscibilité et de non-miscibilité) s’appelle courbe bino-
dale. Considérons les systèmes représentés par les points D et E. Ils donnent lieu
à deux phases non miscibles de compositions f et g. Plus précisément, le sys-
tème D donne lieu à deux phases qui sont en poids dans le rapport Dg / fD. On
note que les lignes de lien fg ne sont pas nécessairement parallèles à un côté.
Elles sont appelées aussi droites de saturation ou de partage. Les points f et g
sont dits conjugués. Le point O qui se situe au sommet de la courbe binodale est
conjugué à lui-même. Il est appelé point critique.
Maintenant, si l’on considère que A est le diluant, C le solvant extracteur et
B le soluté, on conçoit aisément que connaissant la composition de la solution
à extraire (en poids) et le poids de solvant extracteur, on en déduit les pourcen-
tages des deux phases non miscibles, la composition de celle extractive et donc,
finalement, le rendement à une température donnée. Il va de soi qu’il convient
de se situer dans la zone de non-miscibilité, sinon l’extraction est évidemment
impossible. Il est clair qu’après extraction, la phase extractive contient encore du
solvant diluant.

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