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Master professionnel d’épileptologie

Février 2020

Bilan pré-chirurgical de l’épilepsie


pharmaco-résistante

Pr ag Ines BEDOUI
Service de Neurologie- Hopital
Militaire Tunis
Objectifs éducationnels :

1-Définir l’épilepsie pharmaco-résistante.

2-Réunir les éléments cliniques et paracliniques en faveur d’une


épilepsie chirurgicale.

3-Hiérarchiser les examens complémentaires à demander devant une


épilepsie pharmacorésistante.
Introduction

L’épilepsie est une affection neurologique fréquente, touchant près de


1% de la population. La forme partielle représente 60% des cas dont 15
à 20% sont pharmaco-résistantes. L’épilepsie pharmacorésistante est
définie par la persistance de crises invalidantes au bout de 2 ans de
traitement bien conduit par au moins 2 antiépileptiques majeurs en
monothérapie ou en combinaison.

I. Principes du bilan préchirurgical de l’épilepsie partielle


pharmacorésistante

L’exploration pré-chpirurgicale des épilepsies partielles


pharmacorésistantes (EPPR) passe par deux étapes :

1- Localiser la région responsable de la genèse des crises appelée


zone épileptogène (ZE)
2- Déterminer sa fonctionnalité, les possibilités de suppléance afin
d’éviter autant que possible, lors de son ablation l’installation d’un
déficit.

II. Quels patients candidats à la chirurgie de l’épilepsie ?

 Epilepsie pharmaco-résistante
 Epilepsie partielle suspectée par l’interrogatoire du patient ou par
les explorations électrophysiologiques (Eléctro-encéphalogramme
(EEG), EEG-video…)
 Présence d’une lésion supposée épileptogène avec corrélation
clinico-radiologique
 Epilepsie associé à un retentissement social et psycho-moteur
 Bénéfice/risque acceptable.

Ne sont pas candidates à la chirurgie de l’épilepsie:

 Epilepsie généralisée génétique


 Crises épileptiques mineurs n’interférant avec la qualité de vie
 Pathologie médicale ou neurologique progressive
Troubles du comportement ou psychose active sans relation avec
le per-ictal
 Trouble de la Mémoire ou du langage du coté controlatérale

Points essentiels: une étape essentielle avant d’entrer dans un


protocole préchirurgical est d’apprécier le retentissement et la gravité de
l’épilepsie. Ce sera toujours une appréciation individuelle à faire entre le
patient et son neurologue. Cela dépend de la clinique, de la fréquence
des crises, des signes végétatifs associés, du retentissement
psychologique de la maladie et de la nécessité de conduire.

III. Le bilan préchirugical d’épilepsie

Il est classique d’opposer les moyens non invasifs aux moyens


invasifs. Avec les progrès de l’imagerie, on peut maintenant ajouter à
cette première distinction une seconde, entre les moyens “statiques”
et les moyens “dynamiques”, c’est-à-dire entre les moyens
permettant de découvrir les lésions figurées ou fonctionnelles cérébrales
et les moyens permettant d’imager la crise elle-même dans toute sa
dynamique temporelle et spatiale de début, de propagation et de
terminaison.

III.1. Outils non invasifs de localisation de la ZE

Statiques, ils permettent de rechercher une lésion figurée ou


fonctionnelle ; ils sont utilisés en dehors des crises :

 Examen clinique à la recherche d’un déficit focalisé.


 Examen neuropsychologique, très utile dans les épilepsies
temporales, car il existe des déficits assez spécifiques de la mémoire
verbale dans les épilepsies du lobe temporal de l’hémisphère majeur
et de la mémoire visuo-constructive dans les épilepsies du lobe
temporal de l’hémisphère mineur.
 Des EEG répétés pour apprécier la stabilité des anomalies et
apprécier l’activité cérébrale dans des zones éloignées de la ZE
supposée.
 L’IRM cérébrale est l’instrument clé de la recherche d’une lésion. Il
ne faut pas hésiter à renouveler cet examen au bout de quelques
années, d’autant plus si, on a la conviction de crises partielles
stéréotypées. Il n’est pas rare qu’une épilepsie considérée comme
cryptogénique devienne symptomatique.

Certains protocoles sont maintenant établis pour rechercher dans


certaines pathologies dont la sclérose hippocampique qui n’est visible
qu’en T2 dans un plan saggital passant par les lobes temporaux.

Les outils de localisation dynamiques non invasifs sont :

 EEG-vidéo avec enregistrement des crises : cette étape est


indispensable. Parfois, un sevrage du traitement est nécessaire en
hospitalisation pour enregistrer les crises du patient, ce qui permet de
décrire les signes des crises et de rechercher un déficit neurologique
ou neuropsychologique per et post-critique. L’interprétation de
l’EEG-vidéo doit permettre d’établir des corrélations anatomo-électro-
cliniques.
 Tomographie par émission de positons (TEMP) ou encore
appelé en anglais Single Photon Emission Computed
Tomography (SPECT) ictal : Il s’agit d’une étude du débit sanguin
cérébral régional (DSCr) au moment de la crise permettant de
localiser la zone d’origine de la décharge ainsi que ses propagations.
Son association au SPECT interictal augmente la sensibilité de cet
examen.
ZE est visualisé
SPECT ictal: région d’ hyperperfusion surtout en fin de crise
SPECT interictale: hypoperfusion ou perfusion normale

 Tomographie par émission de positons au


18
Fluorodesoxyglucose (TEP au FDG): elle permet l’étude du
18

métabolisme cérébral et du débit sanguin. Il est démontré que les


épilepsies temporales sont associées à un hypométabolisme
ipsilatéral à la ZE dans 70 à 90 % des cas en post ictal : il s’agit
même d’un élément de bon pronostic. Au cours des épilepsies
extra-temporales, elle permet de découvrir des anomalies non vues
ou douteuses sur l’IRM.

La supériorité du TEP par rapport au TEMP:

 Résolution spatiale (8 mm en TEMP versus 2 mm en TEP)


 Visualisation d’anomalies non vues ou douteuses sur l’IRM au
cours des épilepsies extra-temporales.
 Métabolisme pas exactement perfusion en INTERICTAL !

TEP Perfusion Métabolisme


Ictal
Inter-ictal
Au terme de ce bilan, et si la concordonance clinico-radiologique est
obtenue, la chirurgie est proposée, pourvu que le risque fonctionnel
post opératoire est bien évalué. L’examen clinique
et neuro-psychologique per et post critique est celui qui apporte le plus
de renseignements.

Si la ZE paraît être en rapport avec des aires fonctionnelles, le


recours à d’autres techniques est utile :

 IRM fonctionnelle ou magnéto-encéphalographie (MEG) :


elles permettent la localisation précise des aires primaires et des
aires du langage.
 Le test de Wada pour apprécier les performances mnésiques
et la latéralisation des centres du langage. Il permet d’explorer l
hémisphère par hémisphère. Ce test consiste à cathéteriser la
carotide interne d’un coté pour injecter un anesthésique à courte
durée pour bloquer l’hémisphère ipsilatéral et tester le langage du
coté controlatéral.
 Tractographie et l’étude du champ visuel pour évaluer le
risque fonctionnel post opératoire.

Le bilan non invasif peut aboutir à une contre indication de chirurgie si le


handicap fonctionnel est important.

II.2. Outils invasifs de localisation et d’étude de la fonction

Stéréo-EEG (S-EEG) et Eléctrocorticographie (EcoG) : ces deux


techniques reposent sur des hypothèses solides faites lors du bilan non
invasif. Dans le cas de S-EEG, des électrodes intracérébrales sont
introduites sous anesthésie par de très petits trous de trépan, et
traversent le cerveau. Dans le cas d’EcoG, on a recours à des trous de
trépan plus gros ou à un volet pour insérer, à la surface du cortex, des
plaques ou des bandes d’électrodes. Si la ZE est superficielle, l’ECO-G est
recommandée et si la ZE est profonde, le S-EEG est préconisé. Le
raisonnement est ensuite exactement le même : en enregistrant des
crises, on établit des corrélations anatomo-électrocliniques permettant de
déterminer la ZE et son extension. On définit la fonctionnalité de cette
région par des stimulations électriques appliquées par les électrodes.

Stéreo-EEG Eléctrocorticographie

Conclusion

La chirurgie de l’épilepsie a beaucoup bénéficié des techniques


d’imagerie et la maîtrise des techniques de la neurochirurgie. Dans
certaines localisations telles que le lobe temporal, le taux de succès est
maintenant de l’ordre de 80 % et de 60 à 75 % dans le lobe frontal. La
réussite passe par un bilan minutieux et adapté au cas par cas en
commençant par les investigations non invasives. L’évaluation du
risque/bénéfice doit être prudente.

Références bibliographiques :

1- Biraben A. Bilan préchirurgical d’une épilepsie partielle. La Lettre du Neurologue.


2002.
2- Baumgartner C et al. Presurgical epilepsy evaluation and epilepsy surgery.
Research. 2019.
3- Duncan JS et al.Brain imaging in the assessment for epilepsy surgery. Lancet
Neurology. 2016.

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