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Paul FUSTIER
FICHE DE LECTURE
Réalisée par A L
Promotion des éducateurs spécialisés 1999-2002
Mars 2000
PRESENTATION DE L’OUVRAGE
Paul FUSTIER est un professeur de psychologie clinique. Il travaille d'une part sur
l'émergence de l'irrationnel en institution et d'autre part sur les différentes modalités de
prise en charge qu'elles proposent. Auteur en 1993 du livre Les Corridors du Quotidien,
il intervient aussi dans les institutions psychiatriques, médico-légales et sociales, afin
d'aider à l'analyse des dispositifs d'accueil ou pour favoriser l'apparition de nouvelles
dynamiques institutionnelles.
Ce livre de 215 pages, relativement récent puisque paru en mai 1999 aux
éditions DUNOD, est un ouvrage de la collection « Action sociale».
Il propose une analyse clinique du travail d'équipe en institution médico-sociale ou
psychiatrique et développe les sources de conflits qui peuvent apparaître dans ce milieu
clos entre les différents membres d'une équipe. Il s'attache ainsi à observer le domaine
de l'inconscient et ses répercutions sur la prise en charge institutionnelle. Par cette
étude il tente de "lever le voile" sur les dysfonctionnements institutionnels et sur ce qui
est source de souffrance pour les usagers.
CONTENU DE L’OUVRAGE
Dans cet ouvrage, Paul FUSTIER, développe 3 axes principaux en trois parties
distinctes. Il propose une analyse des fonctionnements psychiques mis en jeu dans une
relation d'équipe en institution d'éducation spécialisée ou psychiatrique. Ainsi, il tente de
prouver l'importance d'un travail psychique d'équipe sur ces sujets.
LE POIDS DE LA FONDATION
Pour l'auteur l'origine même de l'institution (c'est à dire ce pour quoi et par qui
elle a été fondée) tient une place fondamentale dans l'évolution de celle-ci et dans ce
qui sera la source de conflits entre les membres de l'équipe soignante et/ou éducative.
L'auteur constate, en écoutant les membres d'une équipe que les allusions à
l'origine de la fondation sont fréquentes et capitales. La fondation se concrétise en effet
lorsque des personnes sont liées par une même utopie, un même objectif, qui irait dans
le sens de leurs valeurs personnelles identiques. La passion, l'engagement et la
nécessité de réussir est un lien unissant extrêmement fort. Pour lui, la volonté de
création d'une telle fondation relève du contrat narcissique : avoir besoin de faire
quelque chose de "bien", quelque chose d'humain et de l'ordre du don de soit. Cela
tient dés lors au sacré. Le sacré serait, par exemple pour une fondation religieuse, le
fait de se dire inconsciemment :" je vais m'engager dans ce projet car c'est le bien et
que quelqu'un là-haut juge de ma faculté à le faire." "Je fais quelque chose de bien" "Je
suis une personne respectable". La fondation n'est du coup pas seulement fondée pour
les usagers, elle devient un outil de valorisation individuelle. On comprend ainsi
aisément que la force magnifique du lien qui unit les membres fondateurs soit
inébranlable et ne supporte pas quelque modification de valeur que ce soit. Dans ce
cas, cette force magnifique et puissante devient source de crise institutionnelle dans
laquelle chacun des membres fondateur s'y voit perdre la reconnaissance tant
recherchée au moment de la fondation. Ce type de crise arrive généralement avec la
venue d'un nouveau membre de l'équipe (stagiaire, nouveau professionnel diplômé...).
Il est de celui qui agit non pour répondre à une bonne action de l'ordre du sacrée mais
pour mettre en pratique des théories apprises et qui fait de plus l'objet d'une
contractualisation lui assurant en retour un salaire. Il n'a pas participé à la force
collective qui a fondée l'institution qu'il se permet de juger, de modifier et le plus
souvent d'ignorer. Il est le profane.
NOTION DE TRANSFORMATION
Il existe encore de nombreux exemples a puiser même dans la vie courante hors
institution.
En fait, A' est l'opposé ou le complémentaire de A qui permet la compatibilité avec B. A'
peut être de l'ordre de l'humain (adulte transformé en enfant) ou de l'ordre du non-
humain (adulte ou enfant transformé en monstre).
Ces transformations sont observables directement dans l'organisation de l'institution.
Nous observerons par exemple dans un établissement accueillant des adultes
handicapés que les professionnels (adultes) ont accès à certains privilèges interdits aux
usagers (les enfants) : le café et le vin sont autorisé aux professionnels qui
revendiquent des raisons médicales pour l'interdire aux usagers. Dans les Centres
d'Aide par le Travail, le salaire des travailleurs devient peu à peu l'argent de poche
contrôlé par les adultes professionnels...
L'auteur compare cette nécessité de transformer avec l'élimination de la caractéristique
humaine incompatible avec les compétences de même humain. Il l'explique par
plusieurs raisons :
Les soignants, humains, ont comme tout être humain une peur de la différence et du
handicap. Ils tiennent donc à préserver leur identité et pour cela, le psychisme
utilisera ce qui l'a construit à l'origine : "L'enfant que je suis est différent de mes
parents qui eux sont adultes".
L'histoire du handicap entre en jeu aussi à ce moment là. Les premières études et
définitions du handicap sont élaborées sur le fait que les personnes handicapées
sont des personnes dépendantes d'autres personnes et n'ayant pas dépassé le
stade de l'enfance.
LE NON-HUMAIN
On retrouve ce même type de difficulté dans une équipe confrontée à un public violent.
Cette équipe s'accordera à dire qu'elle perçoit la violence des usagers comme la
violence fondamentale définie par BERGERET. Cette violence est caractérisée par le
manque de destinataire bien précis. Celui qui reçoit la violence n'est pas considéré par
le violent comme un autre mais plutôt comme un objet dangereux. La violence est
déclenchée par protection : "Je dois détruire cet objet avant qu'il ne me détruise".
BERGERET différencie ce type de violence de l'agressivité qui elle, a un objet individué
et bien précis.
Dans une ambiance et une perception telle, l'équipe soignante s'en trouve forcément
perturbée. Elle transforme sa mission qui est éduquer et rendre sociable en ne pas
déclencher cette violence. Là encore nous retrouvons cette notion de transformation
pour parer à une difficulté d'acceptation psychique. Ainsi, certaines institutions parleront
de leur mission comme étant organisée autour de la sécurité voire de la survie des
professionnels.
Cet organisateur particulier est en fait caché sous la forme d'un type de réglementation
particulier. Dans toute institution accueillant des personnes violentes, il existe 2 types
de réglementation :
Répondre aux objectifs de l'hébergement (exemple : trouver un travail, un
logement...)
Eviter le déclenchement de la violence (exemple : interdire l'alcool, les sorties
nocturnes...)
Les organisations institutionnelles oscillent entre ces 2 types de réglementation. Le
premier type s'attache à la mission sociale de l'institution et par-là aux respect des
règles fondatrices. Le deuxième, lui, est élaboré suivant les mécanismes défensifs
déclenchés par l'angoisse des professionnels et de l'institution. Ce dernier type est
dirigé par une équipe soudée, solidaire et qui fait bloc face à la violence. Les attitudes
qui en découlent renforcent les mécanismes d'auto conservation de l'équipe. Ce
mécanisme n'est pas forcément négatif tant il implique une solidarité d'équipe et une
protection donnée à tous ces membres, ouvrant ainsi le champ du soutien dans l'action
ou dans la prise en charge.
Cette situation entraîne deux scénarios : "Les soignants volent mon enfant" d'un coté et
"ces parents ont tué leurs enfants, ils ne peuvent plus être parents". Ces 2 phrases
expriment le fantasme du vol d'enfant. A ce stade, le sentiment de culpabilité entre en
jeu : "Je me suis approprié cet enfant à l'encontre de ma fonction" et "Je suis un
mauvais parent".
Ici, l'institution doit proposer une solution. Son rôle est dés lors de :
1. Permettre le fantasme
2. Le canaliser en le contractualisant
3. La contractualisation atténuera la culpabilité
Aujourd'hui, de plus en plus, nous entendons les institutions travaillant auprès d'un
public inadapté dire fièrement :"On travaille AVEC les parents". Ce "AVEC" implique ce
que l'auteur appelle la "minorisation". Les parents sont toujours pour les
professionnels ceux qui sont la cause du placement. Ils pensent travailler AVEC alors
qu'inconsciemment ils se disent : "Nous allons AUSSI éduquer les parents".
Les institutions se frottent à un autre type de conflit avec les parents et découlant à
encore de l'inconscient. Les parents désirent d'un coté que les professionnels soignent,
c'est à dire qu'ils réparent la maladie de leur enfant. Les professionnels de leur coté
interviennent sur l'éducation de cet enfant et sur sa relation avec ses parents.
Enfin, Paul FUSTIER analyse les différences et les discordances qui peuvent
régner au sein d'une même équipe.
Ce sont ces situations d'écart qui sont le plus souvent discutées en réunion d'équipe.
Lors de ses débats, elle recherchera le moyen d'inscrire le désir et le ressenti de
l'individu dans une démarche et un objectif professionnel. Cette contractualisation du
désir permettra sa canalisation.
Mais l'écart d'un individu dans une équipe intervenant dans une institution mal
organisée est généralement sanctionné. L'auteur prend exemple sur une réunion qu'il a
observé et durant laquelle une soignante se plaignait que son projet accepté par tous
lors de la dernière réunion n'ait pas pu se mettre en place tant l'organisation ne le
permet pas.
La forme la plus violente de disqualification est le déni (dans le sens de Laing et non de
Freud), c'est à dire que la personne est jugée, critiquée au-delà de ses actes ; quoi
qu'elle fasse, la personne est mauvaise.
Paul FUSTIER prend l'exemple d'une équipe comprenant des psychologues et des
soignants non-inscrits dans une culture institutionnelle. Les psychologues sont
reconnus naturellement grâce à la relation privilégiée et intime qu'ils ont avec les
patients. Dés lors, les soignants se donnent pour mission d'accomplir, comme ils s'en
plaignent eux-mêmes, le "merdique", en ce sens qu'ils ne prennent aucun plaisir à
accomplir leur tâche. Celui d'entre eux qui va se différencier en proposant une activité
qui lui procurera du plaisir sera immédiatement disqualifié ("Pourquoi l'aider à prendre
du plaisir dans son activité alors que notre boulot n'est pas plaisant?"). Celui qui veut se
différencier n'a pas lieu de faire partie cette équipe qui ne doit faire que le merdique.
Cette différenciation est disqualifiante au sein d'une équipe mais elle est capitale entre
les professionnels et les usagers.
Sans elle, il régnerait une confusion totale dans l'institution. La relation de soin se doit
d'être asymétrique. Le soignant n'est pas le soigné. Nous en revenons ici à une autre
explication de la transformation adulte/enfant. Elle permet aussi de rendre compatible
la relation de soin.
Le soignant va donc se différencier du soigné par ses privilèges. La perte d'un de ces
privilèges (par exemple: faire la pause café désormais avec les patients) est vécue
comme une "irruption bordélique" dans l'organisation. Pour l'équipe, c'est un élément de
la différentiation qui disparaît et c'est un début vers l'anarchie.
Pourtant , l'auteur observe que ce privilège disparaît comme demandé par les
supérieurs. Les patients sont acceptés pendant la pause café et cela, par culpabilité. Ce
privilège désigné comme tel devient dés lors une injustice et refuser la justice entraîne
la culpabilité.
L'auteur montre encore une fois que cette différentiation s'attache à opposer: