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M 01154 - 1211 - F: 4,20 € Grèce 5,20 € - Italie 5,20 € - Luxembourg 4,80 € - Maroc 48 MAD - Maurice Ile 7,20 € - Portugal 5,20 € N° 1211 DU 13 FÉVRIER 2019
Royaume Uni 7,20 GBP - Suisse 7,80 CHF - TOM 1200 XPF – Tunisie 7,80 TND
dancehall
surdouée du
RODRIGUEZ
THE SPECIALS
cinéaste caméléon
come-back miracle
LE 20 FÉVRIER
www.pyramidefilms.com
Intro En Avant !
Blade MC Alimbaye
Ce rappeur, slammeur et acteur joue sur le plateau de Retour à Reims,
mis en scène par Thomas Ostermeier.
EN UNE p. 8
Benoît Poelvoorde
Rencontre avec l’exubérant acteur,
père à la dérive dans Deux fils
INTROS
Emmanuelle Corne
En avant ! p. 3
Blade MC Alimbaye
Recommandé p. 6
28
Quoi de neuf cette semaine ?
Boby Allin pour Les Inrockuptibles
MAGAZINE
Compte rendu p. 18
Victoires de la musique
Story p. 32
Robert Rodriguez
Caméléon, multicasquette et partner
de choc, il réalise Alita: Battle Angel
Story p. 36
Resident Evil 2
Retour sur un mythe vidéoludique
dont le remake cartonne
Josh Cheuse
Couverture
Benoît Poelvoorde
20 24
par Boby Allin
pour Les Inrockuptibles
STYLE
Où est le cool ? p. 38
Les indispensables au rayon sexo
Enquête p. 40
Nabilla Benattia se lance dans
le business de la french touch
CAHIER CRITIQUES
Musiques p. 42
Cinémas p. 52
Salina Ladha
42 40
Long Way Home, Les Recrues…
Séries p. 62
The Magicians, Lorena, Nightflyers…
Livres p. 66
Amy Goldstein, Isabelle Marrier,
Joe Dunthorne
BD p. 70
Noah Van Sciver, Andi Watson,
Scènes p. 72
Il primo omicidio,
Cléopâtre in Love, J’ai pris mon père
sur mes épaules
Expos p. 76
Twentieth Century Fox
Médias p. 80
Otage(s), le documentaire
52 78
bouleversant de Michel Peyrard
Best Of p. 82
Les Inrockuptibles Edité par la société les Editions indépendantes, société anonyme au capital de 326 757,51 € - 10-12, rue Maurice-Grimaud, 75018 Paris Siret 428 787 188 000 21 Tél. 01 42 44 16 16, lesinrocks.com Mail inrocks@
inrocks.com ou prenom.nom@inrocks.com Abonnement : société Ediis, tél. 03 44 62 52 35 cppap 1221 c 85912, dépôt légal 3e trimestre 2018
Actionnaire principal, Président Matthieu Pigasse Directrice générale et directrice de la publication Elisabeth Laborde Directeur financier Hadrien Allix
Rédaction Directeur de la rédaction Jean-Marc Lalanne Rédacteurs en chef David Doucet, Azzedine Fall Rédacteurs en chef adjoints François-Luc Doyez, Carole Boinet Société David Doucet, Mathieu Dejean, Julien Rebucci,
Fanny Marlier, Cyril Camu Musiques Azzedine Fall, François Moreau Cinémas Jean-Baptiste Morain Livres Nelly Kaprièlian Médias David Doucet Scènes Fabienne Arvers Cool Alice Pfieffer Secrétariat de rédaction – Secrétaire
général de la rédaction Christophe Mollo SR Laurent Malet,Thi-Bao Hoang, Thibault Monereau, Juliette Savard, Florianne Segalowitch Directrice artistique Jeanne Delval Maquettistes Nathalie Petit, Nathalie Coulon,
Camille Roy Photo – Chef de service Aurélie Derhee Iconographes Valérie Perraudin, Julie Delaittre-Vichnievsky Retouche images Amankaï Araya Photographe Renaud Monfourny Illustrateurs Timothy Durand
Compilations François Moreau Ont collaboré à ce numéro : Ludovic Béot, Léonard Billot, Vincent Brunner, Alexandre Büyükodabas, Maxime Delcourt, Bruno Deruisseau, Marilou Duponchel, Maud Gautier, Valentin Gény,
Jacky Goldberg, Salomé Grouard, Erwan Higuinen, Murielle Joudet, Olivier Joyard, Noémie Lecoq, Gérard Lefort, Ingrid Luquet-Gad, Yann Perreau, Jérôme Provençal, Manon Renault, Théo Ribeton, Patrick Sourd
Partenariat et Publicité Publicité culturelle Directrice des régies Géraldine Quintard Directrice Cécile Revenu (musiques), tél. 01 42 44 15 32 Simon Delpirou (cinéma, vidéo, médias), tél. 01 42 44 16 17
Benjamin Cachot (livres, arts, scènes), tél 01 42 44 18 12 Publicité commerciale Directeur de clientèle Fabien Caby, tél. 01 42 44 16 69 Publicité web Caroline Deshayes, tél. 01 42 44 19 98,
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distribution Presstalis. Imprimé sur papier produit à partir de fibres issues de forêts gérées durablement, imprimeur ayant le label “imprim’vert”, brocheur et routeur utilisant de “l’énergie propre”. Origine papier :
Allemagne, taux de fibres recyclées : 100%, certification : PEFC 100%, P tot = 0.008kg/to couverture origine papier : France ; fibres issues de forêts durablement gérées, certification : PEFC, P tot = 0.01kg/to
Abonnement Les Inrockuptibles, B1302, 60643 Chantilly Cedex abo.lesinrocks@ediis.fr ou tél. 03 44 62 52 35, Tarif France 1 an : 115 €
Fondateurs Christian Fevret, Arnaud Deverre, Serge Kaganski © Les Inrockuptibles 2019. Tous droits de reproduction réservés.
Bernadette
Lafont dans
Noroît
Trois films de
Jacques Rivette
Figure tutélaire de la Nouvelle
Vague, rédacteur en chef des
Cahiers du cinéma entre 1963
et 1965, Jacques Rivette a marqué
sa génération par son audace
expérimentale. Carlotta nous
propose de redécouvrir en version
Hicham Berrada, Les Augures mathématiques,
Un amour impossible
au Centquatre
Est-il possible d’aimer malgré le temps qui file,
les tabous et la blessure d’un inceste paternel ?
L’écrivaine Christine Angot lance l’adaptation
au théâtre de son roman Un amour impossible,
autofiction dévorante et parfois cruelle dans
laquelle elle analyse sa relation avec sa mère.
Avec Célie Pauthe à la direction, Bulle Ogier
et Maria de Medeiros sur scène, le résultat est
éminemment bouleversant et colle au plus
près du roman. Ceux qui assisteront à la
représentation du vendredi 15 février
pourront rencontrer l’équipe du spectacle.
Elisabeth Carecchio
Bulle Ogier
F.A.M.E 2019
Pour sa cinquième édition,
le festival international de films
sur la musique investit la Gaîté
Lyrique autour d’un événement
transdisciplinaire, à la croisée
du son et de l’image. Consacrée
à des films mettant en récit la
musique, la compétition officielle
proposera de découvrir un essai
documentaire sur Daniel Darc,
chanteur torturé de Taxi Girl
(Daniel Darc : Pieces of My Life),
une enquête intime sur l’artiste
folk Karen Dalton (A Bright Light :
Karen and the Process), ou
encore un portrait de la rappeuse
M.I.A. (Matangi/Maya/M.I.A.).
Un programme défricheur
prolongé par des conférences
et des DJ sets.
Cinereach
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En Une Benoît Poelvoorde
je n’ai pas envie de tourner, un premier film en plus. clairsemée avec ses fils, quelques curieux, et tout est nul. Le public
Mais je le lis, et là, je ne comprends pas pourquoi il pense à moi. est assez médusé, gêné pour lui. C’était difficile à écrire parce
J’imagine qu’il y a beaucoup de son père dedans, mais qu’il fallait qu’on sente que c’est nul, tout en imaginant que lui
je ne comprends pas. Je vais le voir et je lui dis : “Je crois que puisse y croire, prendre sa prose pour de la bonne littérature.
c’est une erreur de casting.” On est en caleçon quand on parle de Et le résultat est un peu grotesque, mais pas dans le pathos pour
ça, hein ! Il me dit : on finit l’entraînement à quatre heures, autant. On est à deux doigts d’une scène de comédie.
si tu veux ce soir je te mets à côté de Vincent, pour vous
imaginer, etc. Qu’est-ce que vous auriez aimé être ?
Quelqu’un de calme et de posé. Je ne peux pas rentrer dans
Donc faire une lecture. une pièce sans pétarader. Indépendamment de la notoriété, hein.
Oui. Et Gilles Lellouche, que je ramène en bagnole, me Même dans les pays étrangers, ma femme me dit : tu siffles dans
propose qu’on fasse ça chez lui. Evidemment Moati et Vincent les endroits publics, tu ne t’en rends même pas compte. Il y a en
arrivent en retard, ils sont toujours en retard. Entre-temps, moi une propension à l’agitation permanente. C’est problématique,
Gilles appelle un autre pote, puis un autre : il ne peut pas rester on peut dire des conneries. Ce que je dis toujours : si tu veux être
tout seul. Le truc était devenu un apéro, pendant lequel mystérieux, ferme-la. Rien de plus facile que de se taire et faire
arrivent Vincent et Félix avec trois copains, et à un moment son ténébreux. Mais je dis aussi tout le temps, pour m’en tirer : si
c’était devenu une soirée avec une soixantaine de personnes. tu ne veux pas qu’on t’entende, parle beaucoup. Avec ma logorrhée
On n’a pas dit un mot du film. La seule phrase dont perpétuelle, maintenant, on a l’impression qu’il y a un mystère.
je me souviens qui touche le sujet, c’est Lellouche qui m’attrape Mon mystère n’est plus dans mon silence mais dans mon bruit.
à un moment, complètement pété, et me dit : “Si tu ne fais pas
le film de Félix, t’es un con !” Et c’est le temps de l’accolade, alors Pourquoi parlez-vous ?
je dis : “Bien sûr, je le fais !” Le lendemain mon agent m’appelle : Parce que je me fais chier. C’est la peur du vide. Et puis
“La lecture c’était comment ?” Je réponds : “On n’a pas fait j’aime ça aussi, j’aime le verbe, j’aime parler comme j’aime lire.
une lecture, on a fait une fête, et du coup je crois que c’est oui.”
Vous jouez un père dans le film. Avez-vous des enfants ?
Et vous êtes restés assez à distance de tout le processus ? Non, et je ne souhaite pas en avoir. Je ne sais pas combien
On a l’impression que vous vous sentez assez de fois j’ai joué un rôle de père au cinéma, ces deux ou
périphérique au projet. trois dernières années. Là, Vincent est mon plus grand fils quand
Oui, je pensais même qu’il m’aurait oublié… mais il m’a même. Il a 25 ans…
retrouvé. J’ai dû faire dix jours, ou finalement quinze, étalé sur
deux mois. Et je n’ai pas vu le film, si ce n’est quelques passages Vous avez eu un rapport paternel à lui, ou à Félix,
en postsynchronisation avec moi. Mais j’insiste, c’est un petit rôle. sur le tournage ?
C’est difficile à dire, Félix et Vincent ils sont marrants…
Mais non ! C’est presque le rôle central ! Ils sont jeunes mais ils sont si raisonnables. C’est une autre
Ah bon, ah bon… génération. Ils sont plein de force, de vitalité, d’énergie,
de créativité, alors que nous, Gilles et moi par exemple,
Le rôle est celui d’un médecin qui aurait voulu être on est crevards. On ne peut pas boire un coup sans que ça
écrivain et tente sur le tard de reconquérir ce destin non se termine en eau de boudin. Eux, ils sont clean, il y a une sorte
vécu. Ce serait quoi ce destin, vous concernant ? de légèreté. La nouvelle jeunesse est comme ça. Ils n’ont pas
Le dessin. C’est mon métier en l’occurrence, j’ai fait des de méchanceté ou de cynisme. Je suis d’une génération
études pour ça, ici (à Bruxelles – ndlr) à l’Ecole de recherche de l’ironie, du fiel. Eux ont quelque chose de l’ordre de la pureté.
graphique. J’ai vécu de ce diplôme, pour peu qu’il faille avoir C’est pour ça que je n’ai aucun mal à jouer le père de Vincent,
un diplôme dans les écoles artistiques, qui sont des écoles de parce que j’ai, je crois, la bonne manière de ne pas tout à fait
branleurs. J’ai bossé un peu dans la pub, dans le dessin. Mais le comprendre.
je ne dessinais pas… bref. C’est marrant parce que je les ai
encore : l’autre jour, je me suis surpris à trier de vieux dessins. Vous avez déjà joué avec Vincent Lacoste dans
Aujourd’hui, ça me sert pour les autographes, pour les livres Saint Amour de Benoît Delépine et Gustave Kervern,
d’or, les gens sont contents d’avoir ça plutôt qu’un mot. Et puis en 2016. Vous le connaissez bien ?
quand j’ai appris qu’avec le cinéma je pourrais gagner énormément Oui et non : Vincent, c’est une énigme. Mais Félix aussi
sans rien foutre, je me suis dit bon, je dessinerais après. à sa manière. On a tourné au pied de son appartement et
je n’ai jamais rencontré sa copine, qui étudiait juste au-dessus.
Joseph, ton personnage, est aussi quelqu’un qui est Ils restent sur leur quant-à-soi, sont assez insaisissables.
un peu pathétique avec cette tentative de renouer avec
son rêve de vie d’artiste. Qu’est-ce que vous pensez de l’envergure qu’est en train
C’est très bien si le film fait passer ça. On vit tous avec ce de prendre Vincent ? Il est nommé à nouveau au César
genre de frustrations, de regrets, et c’est être adulte de savoir du meilleur acteur pour Amanda de Mikhaël Hers.
les garder en soi sans se ridiculiser à essayer de les dénouer quand C’est un excellent acteur. Il ne me fait penser à personne
le train est déjà passé. On le trouve quand même gentiment – d’ailleurs, je pense que c’est plutôt lui qui va faire école.
ridicule, je crois… Il y a une scène que j’ai revue en postsynchro Je dis même au sujet d’autres acteurs qu’ils peuvent avoir un côté
qui fait bien passer ça, c’est la lecture dans la librairie. Il est là, Vincent Lacoste, c’est dire… Il est assez bluffant de naturel
il lit des extraits de ses tentatives littéraires devant une assistance sans être dans les stéréotypes du jeu naturel. C’est un
antiréalisme qui devient authentique. C’est une nouvelle école, et la bagnole passe dessus. Ça ne sera jamais fini. Il n’aura jamais
une nouvelle énergie qui est un peu celle d’Anaïs Demoustier, le plaisir d’avoir accompli un travail définitif.
aussi, qui joue sa petite amie dans le film.
Vous vivez loin de la ville ?
Comment Félix Moati s’est-il comporté avec vous ? J’habite à Jambes. C’est le nom le plus ridicule pour une ville.
Il m’a dirigé avec beaucoup de prévenance et de précautions, C’est à côté de Namur. D’ailleurs, je n’ai jamais vu autant de
parce que je fais peur aux gens, comme toujours. Mais en gens avec des problèmes de hanches que là. C’est ma femme qui
sachant très précisément ce qu’il voulait. Après, je le trouve me l’a fait remarquer : “Tu as vu le nombre de gens qui boitent ?!”
paresseux : on a parfois fait en cinq heures des choses Heureusement que je n’habite pas à Foix (rires). Mais je suis bien,
qu’on aurait pu faire en deux. Je trouve qu’il ne faut pas donner là-bas : je suis tranquille.
trop de temps à un jeune réalisateur, il faut le contraindre…
Mais peut-être qu’il s’est justement permis des pratiques de La notoriété, ça vous ennuie ?
réalisateur âgé. Il attend des lumières… Il m’a offert Pas du tout. Ce matin, il m’est arrivé un truc incroyable,
L’Ecclésiastique comme cadeau de fin de tournage, tu parles j’avais oublié que j’étais connu. Je suis à la pompe, pour le plein,
d’un jeune ! Gilles Lellouche m’avait offert un calendrier du foie, et sept mecs fondent sur moi. Je me dis : “Oh, vous, vous volez des
lui. On en revient à mon bilan sanguin… bagnoles !” Et tout à coup ils me demandent des photos,
des autographes : ça m’était complètement sorti de la tête !
On vous sait fêtard, avec les risques que ça implique. Mais la notoriété non, je la vis très agréablement. Ça peut être
Est-ce que vous envisagez de changer de mode de vie ? embarrassant pour la personne qui t’accompagne : les gens
Je me suis posé la question dans la bagnole. Oui, il va falloir. parfois manquent de délicatesse, interrompent une conversation,
Je ne suis pas fêtard, en vérité : je me couche et me lève très tôt, ignorent mon épouse, ou l’ami qui me parlait. C’est le seul
je vis assez reclus. Je ne suis plus un “sorteur”, ce que j’ai été plus inconvénient : il y a des personnes mal élevées.
tôt. Mais je n’aime pas la tiédeur. J’aime l’abandon, l’ivresse.
Vous avez un regard sur ce qui se passe en France ?
J’évite soigneusement de m’exprimer dessus. Je trouve
indécent de s’exprimer, il y a un truc de la star qui condescend à
“Je suis un buveur social. se préoccuper des petites gens… Le problème est que justement
Je suis un pochetron, voilà. Et si on synthétise les choses, c’est une révolte de la France contre
si je n’en étais pas un, si ses élites. Et les acteurs, du moins les acteurs comme moi, qu’ils
le veuillent ou non, ils en font partie. Ça ne nous rend pas
Gilles Lellouche n’en était pas un, coupables. Mais ça nous dispense de nous exprimer. C’est
je n’aurais pas fait ce film” obscène de s’exprimer parce qu’il n’y a rien de plus facile. Tu
connais quelqu’un qui est contre les pauvres ?
Est-ce que vous renonceriez à l’ivresse ? Et quand des amis acteurs s’engagent, vous leur dites quoi ?
Je n’en sais rien. Je dois me calmer depuis longtemps. Que ça me rend fou. J’ai eu une grande discussion avec
C’est sûrement comme mon aspiration au calme et au silence : Gilles Lellouche, qui avait publiquement insulté Nicolas Dupont-
j’ai ma nature, elle est là, ma capacité à agir contre elle est limitée, Aignan qui s’était rallié à Marine Le Pen lors de l’entre-deux-
voire condamnée à l’échec. Je suis un buveur social. Je suis un tours et avait été officialisé comme son éventuel Premier
pochetron, voilà. C’est le vrai mot : je suis un pochetron. Et si je ministre. On préparait Le Grand Bain et je lui avais dit : “Ça ne
n’en étais pas un, si Gilles Lellouche n’en était pas un, je n’aurais sert à rien de faire ça. On se fout de l’avis d’une vedette. Tu as raté
pas fait ce film, et je ne serais pas là en train de te parler. On résout une occasion de te taire.” Je savais très bien que ça venait d’un bon
bien des problèmes avec l’alcool ! On en crée d’autres, certes. sentiment, mais je pense que ça n’est pas sa place – ou alors
il s’investit, il combat. Mais ça, c’est une autre paire de manches.
Est-ce que vous trouvez que le monde qui vous entoure
est trop sérieux ? Qu’est-ce que vous voudriez faire que vous n’avez encore
Evidemment. Et puis trop convaincu de son sens, de son jamais fait ?
intelligence. Moi je voudrais faire ce que Houellebecq appelle M’intéresser à quelque chose.
un “pas de côté” : ne rien lire, ne rien entendre, ne rien savoir.
S’arrêter, regarder. Vous ne vous intéressez à rien ?
M’intéresser vraiment. On ne finit pas les choses. Ce qui me
C’est quoi votre quotidien quand vous ne travaillez pas ? fait peur pour l’avenir, c’est qu’on ne termine plus rien.
Je range. Et je ne travaille presque jamais, donc c’est mon Un peu comme le type qui peint les autoroutes et qui ne termine
quotidien tout court. Là, c’est la première fois depuis quatre jours jamais… On avait imaginé un système qui ferait qu’on ne pourrait
que je sors de chez moi. Je suis maniaque, je suis vierge ascendant pas commencer la lecture d’un texte sans le terminer.
vierge, tu imagines… Je frotte, je frotte, je frotte. Le moment que C’était compliqué à mettre en place… J’avais proposé que si
je savoure le plus dans ma journée, c’est quand le soir est tombé, tu t’interromps, on t’envoie du jus. Un peu de gégène pour aller
ma femme est couchée, les chiens sont au panier, j’ai tout remis au bout du texte. Au bout de cet entretien, par exemple !
en ordre, les objets sont à leur place, la table reste propre, j’ai
une ou deux heures de répit où je dis : c’est propre. J’ai une Lire la critique de Deux fils p. 54
obsession, c’est le type qui peint les autoroutes : il a à peine fini, Merci à l’hôtel Le Berger, à Bruxelles, pour son accueil
Damso et
Orelsan
“ÇA TE DIRAIT D’ÉCRIRE DEUX PAGES SUR LES VICTOIRES de la musique” ? Terminologie qui refuse la zone – pourtant
DE LA MUSIQUE ?” La proposition relève d’un challenge à peu passionnante – séparant la victoire de la défaite, comme
près équivalent au ramassage de champignons pour faire la pluralité de la “musique” ici envisagée dans un dangereux
une bonne omelette, sans amanite donc, mais sans se souvenir singulier. Mais bon, l’être humain adorant la compétition
précisément comment les différencier des coulemelles. et les idoles des temps modernes, passons sur l’absurdité
Nous voici embarquée dans un drôle de périple, bottes aux pieds de l’exercice pour nous concentrer sur son fonctionnement.
mais bonne odeur de sous-bois dans les narines, avec le risque Une académie des votants composée de six cents personnes
de se perdre dans cet environnement, sans réseau ni boussole. réparties en trois collèges : les artistes, les producteur.trice.s
D’emblée, le schéma ne tient pas (et d’autant moins dans de musique et de spectacle vivant, et les acteur.trice.s de
le contexte actuel de remise en question des verticalités l’industrie. L’enjeu est grand, les yeux – moqueurs – sont malgré
assommantes) : pourquoi organiser une grande cérémonie tout rivés sur leur écran le soir même (pour les plus fous),
de distribution de médailles à des musicien.ne.s (qui n’ont, par ou le lendemain (pour celles et ceux ayant une vie, une vraie,
définition, rien de sportif), sous le nom pompeux de “Victoires avec des vendredis alcoolisés entre ami.e.s).
Terry Hall,
Nelville Staple et
Horace Panter
Story
ON RENCONTRE TERRY HALL À de décrypter ce qui s’est passé...Voilà ce qui accompagne leur nouvel album,
DEUX PAS DE CHEZ LUI, À LONDRES. qui arrive quand je parle de ma dépression.” Encore. “J’ai eu une enfance compliquée,
EN ARRIVANT, IL NOUS PRÉVIENT Depuis la formation du collectif explique Terry Hall. J’avais un peu
QU’IL A LA GRIPPE, mais on constate à la fin des années 1970, Terry Hall a l’impression de vivre sur une autre planète.
que son cerveau bouillonnant se défend déjà démontré plus d’une fois la force Personne n’écoutait ce que j’avais à dire,
à merveille, au point d’accomplir une de son esprit à travers ses morceaux. que ce soit à l’école, ou plus tard à l’agence
prouesse inexplicable : après dix minutes Certains sont même devenus des hymnes pour l’emploi. Ça m’a poussé à faire entendre
d’entretien, il prononce le mot “maniaco- pour plusieurs générations, évoquant ma voix. La chose la plus simple pour y
dépressif” et la table basse s’effondre, avec éloquence le désœuvrement, la jungle arriver, c’était de faire partie d’un groupe.
sans qu’on l’ait effleurée, dans un fracas urbaine, le chômage ou la révolte sociale. Quand tu es sur scène, on t’écoute.
mêlant café, débris de verre et carafe C’est le cas, par exemple, de Ghost Town, Aujourd’hui encore, c’est la seule chose
d’eau renversée. Le chanteur des Specials Gangsters, Nite Klub, leur relecture de qui compte à mes yeux. Certains jaugent
sort de son flegme : “Ça, c’était vraiment A Message to You Rudy ou encore Friday le succès au nombre de disques vendus,
étrange, comme un tour de passe-passe ! Night, Saturday Morning, lesquels figurent pour moi c’est quand j’arrive à écrire quelque
Je vais y penser pendant une semaine et essayer tous, en version live, sur le CD bonus chose, à l’enregistrer et à être entendu.”
ATO M I C
KO F F E E DE L’AVIS DE TOUS, KOFFEE EST PROMISE À UN BEL
AVENIR. SONY VIENT DE PLACER SES BILLES, des figures
respectées du dancehall (Protoje ou Walshy Fire de Major Lazer)
la chapeautent, Usain Bolt a relayé un de ses morceaux.
La presse anglo-saxonne se passionne, persuadée de tenir
“le futur de la musique jamaïcaine”. “Tout cela me dépasse un peu”,
explique-t-elle, avec un sourire timide. “Je ne m’attendais pas
à un tel accueil, c’est au-delà de mes espérances.” Mikayla “Koffee”
Simpson, après tout, n’a que 18 ans. On l’entend à sa voix.
On le ressent à l’enthousiasme de ses réponses, qu’elle débite
telle une adolescente emportée par sa fougue juvénile, le sac
à dos bien accroché sur ses épaules. Surtout, on le perçoit
dès qu’elle aborde son histoire et évoque sa mère, “mommy”,
dont elle semble très proche.
Son parcours, Koffee le chante avec éclat dans Toast, où elle
revient sur ses premiers pas dans l’industrie musicale et remercie
son producteur, son entourage et tous ceux qui ont très vite cru
en elle. Le morceau, véritable tube en puissance, vu plus de je peux profiter des studios d’enregistrement et d’équipements
9 millions de fois sur YouTube, a beau tourner en boucle sur professionnels. C’est plus simple de composer ici, c’est là que tout
nos platines ces derniers temps, on reste convaincu que sa vie se passe.” A l’entendre, elle n’a pas pour autant perdu le sens
ne peut être totalement résumée dans ces trois minutes d’énergie des réalités. “Je retourne souvent à Spanish Town, voir maman”,
pure. “Quand j’avais 12 ans, j’ai voulu apprendre la guitare et précise-t-elle, visiblement pas encore prête à prendre totalement
connaître les possibilités de cet instrument”, raconte-t-elle, sans son indépendance. “C’est surtout que j’ai besoin de m’enfermer
cligner des yeux cette fois, l’air déterminé. “Quatre ans plus tard, dans ma chambre, de regarder le monde par ma fenêtre et de réfléchir
grâce à mon prof de musique, j’ai pu chanter pour la première fois pour composer. Je ne suis pas quelqu’un qui aime beaucoup traîner
en public lors d’un concours de jeunes talents. Ça m’a galvanisée, dehors, j’aime l’intimité de ma chambre ou d’un studio.”
il fallait que je continue d’écrire des chansons.” Dans ses réponses comme dans ses morceaux, Koffee dit
pourtant être influencée par son environnement direct. “Rien que
A Spanish Town, sa ville natale, située à une vingtaine là, le fait de donner des interviews à Londres, Paris ou Berlin,
de kilomètres du centre-ville de Kingston, Koffee passe ça me donne de nouvelles idées”, confirme-t-elle. Avant d’évoquer
son adolescence à écouter en boucle les grands classiques de son une nouvelle fois Toast, un titre qu’elle a écrit lors d’un voyage
pays. Il s’agit d’en comprendre les codes, de capter le moindre en Haïti et qui, avec sa rythmique héritée de l’Afrique noire
détail des innovations stylistiques apportées par les Upsetters ou et ses velléités proches d’un certain hip-hop US, prend illico
les Wailers, mais aussi d’apprendre à faire sonner les mots, à leur ses distances avec le catéchisme dancehall, sa cadence
confier une ampleur mélodique. Car, si Koffee revendique une élevée comme ses paroles tour à tour sexuelles ou politiques.
culture reggae et ragga assez solide, citant notamment Protoje et Il serait d’ailleurs juste de dire que Koffee ne se mouille
Chronixx parmi ses principales influences, impossible d’imaginer pas. Elle semble même composée de sucre quand elle évite un
sa rencontre avec ces genres musicaux comme quelque chose sujet qui pourrait l’éclabousser ou nuire à son image gentillette.
de cadré. “Ce qui m’a fait aimer la musique, rappelle-t-elle, c’est Comme celui des problèmes sociaux en Jamaïque :
l’église ! Maman m’y a toujours emmenée. J’y entendais ces chansons “Je suis consciente des problèmes sur l’île, mais je ne suis pas là
formidables, très harmoniques. Ça m’a beaucoup marquée.” pour en rajouter une couche. Je ne veux chanter que des choses
Au moment de composer ses premiers morceaux, Koffee positives, donner de la force aux gens.” Il n’y a, au fond, peut-être
a donc ces différents schémas mélodiques en tête. Ceux qui lui rien d’autre à attendre d’une artiste de 18 ans qui, elle le dit,
permettent d’enregistrer un tribute en hommage à Usain Bolt. elle le répète, n’est pas en mission. Ou alors, simplement
“Ce qu’il fait pour notre pays, c’est extraordinaire. C’est une contre l’inertie. Car si son premier ep, Rapture, ne bouscule pas
légende !” Ceux, surtout, qui lui permettent de mettre au point les codes du reggae, il rafraîchit le genre et l’ouvre à d’autres
Burning. On est alors en 2017, et tout s’accélère : en parallèle perspectives. Ça peut paraître peu, c’est déjà beaucoup.
à la sortie de ce premier single, Koffee donne ses premières
interviews, termine ses études et, quelques semaines plus tard, ep Rapture (Columbia/Sony), sortie le 15 mars
s’installe à Kingston. Par envie. Par nécessité aussi : “A Kingston, Concert Le 30 juin à la Maroquinerie (Paris XXe)
“Le féminisme
a été kidnappé par
le capitalisme”
Emmanuelle Corne
13ème Salon
ART CAPITAL
Depuis 1884, les Artistes exposent au Salon des Indépendants
LE DEUXIÈME
HOMME
IL SE DÉGAGE DE LA CARRIÈRE DE ROBERT RODRIGUEZ ne sont a priori pas des plus compatibles. L’un est amoureux
UNE DRÔLE D’ANTINOMIE. Surnommé the one-man film crew d’une esthétique lo-fi, de série B et de second degré, l’autre brille
(l’homme-équipe de tournage) en raison de sa capacité au contraire par son obsession pour la grande forme finement
à occuper à peu près tous les postes possibles sur un plateau ouvragée et pour la crédibilité de ses univers : “Dans mes films,
de tournage, il a pourtant réalisé une bonne partie de ses films un mec prend un étui à guitare et lance un missile avec. Faire ce genre
en en partageant la parentalité. Que cela soit avec son ami de chose est un caprice qui m’amuse mais qui va complètement
Quentin Tarantino dans Une nuit en enfer (1996) et Grindhouse à l’encontre de l’approche de James. Avec lui, il aurait fallu tester
(2007), avec son fils, scénariste des Aventures de Shark Boy et la vraisemblance de mon arme, de sa portée, parce que toute
Lava Girl (2005), avec Ethan Maniquis, coréalisateur de Machete invraisemblance le sort du film et il déteste ça. Il veut profondément
(2010), avec Frank Miller, coréalisateur des deux Sin City croire dans les images. Je pense avoir une position plus postmoderne
(2005, 2014) et avec James Cameron, producteur et scénariste face à elles. Moi je m’en amuse, je les détourne. Le cinéma a pour moi
d’Alita: Battle Angel (2019), Rodriguez est attaché à ce partage profondément à voir avec l’artifice.”
du rôle de réalisateur. Cet attrait pour l’artifice lui vient d’une admiration
En 2005, il avait même démissionné de la Directors Guild inconditionnelle pour New York 1997 de John Carpenter (1981)
of America pour que Frank Miller puisse être crédité comme et pour Terminator de James Cameron (1984). A l’époque
coréalisateur de Sin City. Avec Alita: Battle Angel, cette logique adolescent, le jeune Robert est fasciné par l’ambition de
va encore plus loin puisque Robert Rodriguez semble avoir visé ces deux films, à savoir faire croire à une épopée à gros budget
une sorte d’effacement de sa signature d’auteur au profit de celle avec très peu d’argent : “Quand j’ai vu que John Carpenter
de James Cameron : “Alita est le bébé de James. Cela fait vingt ans avait fait la réalisation, le scénario et la musique de New York 1997,
qu’il y travaille. Je suis fan de son travail. Nous sommes amis depuis je me suis dit que je voulais faire pareil. Je trouve que c’est une vraie
vingt-cinq ans et je me suis toujours demandé comment il construisait preuve d’intelligence et une inépuisable source d’amusement que
ses films. Je n’ai pas hésité lorsqu’il m’a proposé de réaliser Alita. de devoir composer avec peu de moyens. J’aime être libre de fabriquer
Faire un de ses films était une façon d’apprendre sa méthode, mon propre monde. Un jour, Guillermo del Toro m’a dit que
qui est très différente de la mienne. Après, il y a forcément de moi les films de la trilogie El Mariachi, ne ressemblaient pas assez
puisque je réalise, je dirige les acteurs, etc., mais je voulais que au vrai Mexique. Mais je m’en foutais ! Je me sens proche de mecs
le film ressemble plus à un film de James Cameron qu’à un film de comme Michel Gondry là-dessus. Faire un drame strict et réaliste
Robert Rodriguez.” Il est vrai que les univers des deux réalisateurs ne m’intéresse pas du tout.”
A Paris,
en février
IL SE PASSE QUELQUE CHOSE Ces dernières années, on a certes vu les et de plantes vertes (qui servent ici
D’ASSEZ INHABITUEL remakes de Crash Bandicoot et de Spyro, à se soigner quand on approche les morts
DANS LE MONDE VIDÉOLUDIQUE autres icônes des années PlayStation 1, vivants d’un peu trop près), le phénomène
traditionnellement shooté à la nouveauté. se vendre comme des petits pains alors semble ne pas devoir grand-chose
L’un des grands succès (et des meilleurs que l’éditeur japonais Square Enix n’en à la nostalgie. Dans l’ensemble, c’est en
jeux) de ce début d’année, écoulé à plus finit pas de peaufiner celui de Final effet plutôt comme un nouveau
de trois millions d’exemplaires dès la Fantasy VII. L’affaire est entendue : après blockbuster qu’est accueilli Resident
semaine de sa sortie, est une vieillerie de avoir longtemps oscillé entre l’amnésie Evil 2, et non comme un visiteur venu du
1998. Ou presque, car, si Resident Evil 2 sélective et les compilations de “classiques” passé. A la limite, il aurait presque pu
signe son retour au sommet du inégalement soignées, l’industrie du jeu s’appeler “Resident Evil 8” : si retrouvailles
box-office, ce n’est pas sous la forme vidéo a compris, à l’instar des maisons de il y a, c’est moins avec le jeu de 1998
stylistiquement indémodable mais disques ou des éditeurs de DVD, tout le qu’avec la saga Resident Evil elle-même,
techniquement datée de sa version parue bénéfice qu’elle pouvait tirer de ses succès dont le destin est sans pareil.
à la fin du siècle dernier, mais sous celle passés. A fortiori quand, l’âge moyen Son premier épisode, paru en 1996,
d’un luxueux remake. Il n’empêche : des gamers ne cessant d’augmenter pour qui était très influencé par le français
l’engouement pour cette histoire lâchant dépasser allègrement la trentaine, parier (et lovecraftien) Alone in the Dark (et, plus
le joueur dans les rues (et le poste de sur l’attrait des jeux du “bon vieux secrètement, par Sweet Home, adaptation
police) d’une ville américaine, Raccoon temps” devient une stratégie commerciale parue en 1989 chez le même éditeur,
City, infestée par les zombies, dans très raisonnable. Capcom, d’un film d’épouvante de
la peau successivement du flic débutant Sauf que si Resident Evil 2 Kiyoshi Kurosawa), a marqué un
Leon Kennedy et de la jeune Claire (re)passionne aujourd’hui le public tournant dans la folle histoire des jeux
Redfield, a bien quelque chose d’inédit. des amateurs de sueurs froides et qui font peur. Bien que ses héros
Mais Resident Evil 2 n’est pas un cas d’ambiances pesantes, de grognements soient des membres des forces spéciales
isolé, se récrieront les plus attentifs. inquiétants dans des couloirs obscurs ultra équipés, l’œuvre du japonais
Le long
des broderies
érotiques de
Dulce Embroidery
Grinder, Tinder… Brodeur ?
Les artistes Cécile Davidovici
et Coralie Gomez proposent
des pièces unisexes et
fabriquées sur commande,
sur lesquelles sont
minutieusement brodés
des corps dénudés. Intitulé
Dulce Embroidery, le projet
vise, selon ses fondatrices,
à décloisonner la vision
passéiste de leur pratique,
et aussi à “célébrer la nudité
sans nécessairement la
dulce embroidery
sexualiser”.
dulceembroidery.bigcartel.com
@mac_coco
IL Y A ENCORE PEU DE TEMPS, UNE La Parisienne, elle, passe des heures de se réinventer, et l’idée d’une beauté
RECHERCHE GOOGLE SUR NABILLA à parfaire l’art de l’effortless. Mais Nabilla figée, fruit d’un héritage. Un duel entre
BENATTIA vous dirigeait invariablement fait le contraire. Aux manettes de sa toute la liberté de naviguer dans les “looks” et
vers des titres racoleurs au sujet de nouvelle marque de produits de beauté, une exigence de conformité au “naturel”.
sa plastique, ou raillant son fameux “Allô ! Nab Cosmetics – inspirée par les multiples Le philosophe Michel Foucault expliquait
Non mais allô, quoi !”, prononcé lors de franchises de la famille Kardashian –, que la recherche des discours de vérité
sa participation aux Anges de la téléréalité. elle vend du french chic, mais avec était un moyen de découvrir les dispositifs
Mais ça, c’était avant. Image ci-contre un savoir-faire américain. Elle est à la fois de pouvoir. La mise en beauté a souvent
à l’appui. Celle qu’Orange Is the New Black sa propre égérie, une femme d’affaires, été analysée comme une tromperie
a décrit comme “la Kim Kardashian féminine justifiant la domination
du pauvre !” (aïe) est en pleine masculine. L’artifice travestirait l’exigence
métamorphose. Ici, elle pose avec de vérité, ainsi le look “naturel” serait
autodérision pour la marque d’accessoires Nabilla devenant celui des femmes dominantes.
ultra branchée amélie pichard. Ses lèvres parisienne En l’occurrence, Nabilla devenant
sont fardées de rouge et ses cheveux parisienne à l’aide de longues heures
impeccablement décoiffés. Après avoir
à l’aide de longues de maquillage est une sorte de trahison.
défilé pour Jean Paul Gaultier, Nabilla heures de maquillage C’est ce discours moralisateur, reflet
apparaît sur la couverture de Playboy est une sorte de de la prégnance de cultures nationales
France, sous la direction artistique du très et religieuses, qui biaise notre rapport
en vogue styliste Nicolas Dureau, mêlant
trahison au corps et à l’invention de soi.
labels pointus parisiens et haute couture “La Parisienne” n’est pas une proposition
modernisée. Sur son compte Instagram multiple faite à des femmes plurielles, mais
– qui compte près de 4 millions de la pdg de son entreprise et manie les un concept unique imposé à des femmes
followers –, elle poste des photos d’elle réseaux comme jamais. Elle entretient multiples. Cette opposition relève aussi
tout de béret, marinière et trench-coat une proximité avec les fans, elle affiche de deux conceptions antagonistes
vêtue. Vous l’avez reconnue ? Nabilla ses avant et après, ne se cache pas, ne du dire vrai, du souci d’être soi et
s’est métamorphosée en Parisienne propose pas une idée vague de la beauté, d’une transparence nivellant la société.
telle que le monde entier la fantasme… mais une approche pragmatique avec Nabilla est-elle le symbole d’une
sauf les Parisiens eux-mêmes. une gamme de teintes très diversifiée intolérance à un parisianisme hermétique
(encore rarissime chez la majeure partie à la pluralité des femmes ? En 2019,
LE MAQUILLAGE PERFORMATIF des marques). “J’ai envie d’offrir à chaque les gender studies expliquent que le monde
jeune fille, à chaque femme, la possibilité de la beauté reste une barrière
L’assimilation du mode de vie parisien d’essayer, la liberté d’être elle-même tout de différenciation sociale et raciale tout
passe plutôt par une mise en conformité simplement”, dit-elle de façon candide en devenant un outil d’émancipation.
à un ensemble de critères de beauté qui au sujet de son label. Le maintien de la figure de la Franco-
correspondent aussi à la grille de lecture Parisienne et son hédonisme moral
des goûts d’une classe sociale dominante : MAIS QU’EST-CE QU’UNE sur la beauté deviennent anachroniques.
mince, grande, cheveux raides, frange et “VRAIE” PARISIENNE ? Et si l’on devait renvoyer Nabilla à son
poitrine de pré-adolescente. Les Sophia passé de téléréalité, on pourrait s’avancer
Loren pulpeuses restent en Italie, et La fascination pour Nabilla d’une avant- à dire qu’elle est la plus authentique
les Dolly Parton aux brushings bien garde modeuse montre la dualité entre des candidates pour incarner la post-
trop laqués se contentent du Texas. le maquillage comme art, qui permet Parisienne.
Envolée nouvelle
Contemplatives et singulières, les compositions
d’HOMESHAKE flottent toujours un ciel ou deux
au-dessus de la pop et du r’n’b actuels.
De rouille et d’or
bassiste de Talk Talk traversait
le disque sans laisser présager que,
dix-sept ans plus tard, Rustin Man
répondrait à Rustin Man d’une
manière aussi grandiose.
On avait laissé RUSTIN MAN en 2002 aux côtés de
Albums
Ojoz
Briard est l’une des figures
les plus attachantes de la
LE LOUP, LA RACINE, LA VOIX CANINE.” à sa manière, elle délivre également Coração Louco, aventureux
Retentissant comme l’hymne de ce disque, des compositions bien plus pop avec ep concocté avec le groupe
c’est sans aucun doute cet extrait du titre Forgiveness ou encore des morceaux ultra brésilien Boogarins, arrive
Bienveillance qui résume au mieux l’essence dansants comme la chanson-titre de l’album, maintenant Un peu plus
et l’identité du premier album de Canine. qui se prête parfaitement au dancefloor. d’amour s’il vous plaît,
Porté par sa voix grave, soul et dominante, Alors même que le chant et les différentes son troisième album.
par moments troublante d’androgynie, Dune voix ont toute leur place sur ce disque, Pour l’enregistrer, Laure
s’entend comme l’aboutissement de tout Dune laisse aussi la parole aux instruments, Briard a réuni autour d’elle
le travail, la méticulosité et les efforts de et plus particulièrement aux cordes, que Vincent Guyot (claviers),
Canine. Il faut dire qu’après un premier ep l’on découvre renversantes dans des titres Camille Bénâtre (guitare),
sorti l’année dernière et une poignée de singles comme Jardin ou encore dans le puissant Thomas Pradier (basse)
plus que prometteurs, le premier disque Ventimiglia. Un morceau électrisant et Raphaël Léger (batterie).
de cette ambitieuse chanteuse d’origine et fort, qui s’entend comme un combat. Ce dernier porte très bien
niçoise se faisait attendre. Car si certaines compositions sont portées son nom et le groupe dans
Oscillant entre français et anglais, c’est par d’envoûtantes mélodies oniriques, son ensemble déploie un jeu
en treize titres que Canine délivre Dune. d’autres se voient menées par des rythmes aérien, souple et dynamique,
Passionnée par le chant, Magali, de son vrai bien plus saccadés, exaltés et fougueux. créant un idéal tapis
nom, fait de son inclassable voix qu’elle Sans oublier que, pour une artiste instrumental sous la voix
travaille rigoureusement un des principaux qui a longtemps cultivé le mystère autour gracile de Laure Briard.
rouages de ce disque. Mais cette artiste de son identité en dissimulant son visage A la fois vaporeuses et
dominante est loin d’officier seule. Sur scène derrière une grande coiffe de plumes, radieuses, tantôt languides
comme sur ce premier album, elle est entourée le premier disque de Canine se veut tantôt alertes, les dix chansons
de son habituel cortège de musiciennes, très personnel. Elle parvient à nous funambulesques évoluent
ou devrait-on dire de ses “louves”. Elles plonger dans un autre monde, un univers sur le fil d’une enjôleuse pop
sont une dizaine à œuvrer entre chœurs fantastique dont elle seule a le secret. en apesanteur, aux mélodies
et instruments, pour accompagner Maud Gautier cristallines et aux paroles
la chanteuse et parfaire ce premier lp. mutines. Effervescente
Un disque à la soul moderne teintée fantaisie cosmique,
de gospel, accompagné par sept choristes la chanson-titre conclut
et un ensemble d’instrumentistes allant de parfaite manière cet
du violon à la contrebasse, en passant album exquis de bout
par le clavier et la batterie. Car si Canine en bout. Jérôme Provençal
INROCKS
En hautes sphères
à l’époque de Mangy Love (son
album précédent, sorti en 2016
Albums
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Tout Ça/Que Ça
The trapeze singers
Une BO funambule pour un spectacle-ovni : VIMALA PONS
Albums
et TSIRIHAKA HARRIVEL ont pressé sur vinyle la musique de Grande,
entre chanson sous acide, cabaret déglingué et electro extraterrestre.
ŒUVRANT TOUS DEUX DEPUIS de lui donner une existence autonome. Par son minutieux travail de mise en
UNE DIZAINE D’ANNÉES DANS LE Notre désir a croisé celui de François, son, riche en détails et en strates,
DOMAINE DU SPECTACLE VIVANT, le responsable du label Teenage Menopause, Olivier Demeaux a su conférer un relief
à mi-chemin entre le nouveau cirque et qui est venu voir le spectacle et nous intense à l’album, accentuant encore
le théâtre performatif, Tsirihaka Harrivel a dit qu’il aimerait beaucoup faire quelque la singularité funambulesque de la musique
et Vimala Pons – par ailleurs devenue chose avec nous. Le projet de l’album du duo. Ludique et lunaire, songeuse
l’une des égéries du cinéma d’auteur s’est concrétisé comme ça.” S’il sort bien sûr et frondeuse, gaie et mélancolique,
français – ont décroché le jackpot scénique aussi en digital, l’album a été d’abord cette musique se déploie ici via douze
avec Grande. Conçu et (allègrement) pensé pour le vinyle, avec les contraintes comptines douces-dingues qui semblent
interprété en binôme amoureux, ce show que l’objet implique, notamment au niveau jaillir d’une fanfare ivre en goguette
rend un hommage distancié au monde de la durée et de l’ordre des morceaux. dans l’espace. Sur l’ensemble, drôlement
du music-hall sous la forme de saynètes “Nous avions plein de matière à disposition, poétique, flottent souvent les ombres
détonantes, pleines de facéties et ouvrant une multitude de pistes possibles. vives de Brigitte Fontaine et
d’acrobaties. La contrainte du vinyle nous a aidés Areski Belkacem. “Vimala et moi les
Depuis sa création à l’automne 2016, à structurer et mettre en forme cette matière”, adorons. Ils nous ont beaucoup inspirés
Grande suscite une jubilation à la mesure précise Tsirihaka Harrivel. dans la façon d’appréhender les chansons”,
de son titre. Seule ombre au tableau : En charge de la production et du confie Tsirihaka Harrivel. Plus ou moins
le 4 octobre 2017, lors d’une représentation mixage, Olivier Demeaux (Cheveu, trafiquées, les voix se croisent ou
au Centquatre à Paris, Tsirihaka Harrivel Heimat) – qui joue aussi de plusieurs se superposent, flottent sur des nuages
a fait une chute de huit mètres – dont il est instruments sur l’album – a joué un rôle mi-acoustiques mi-synthétiques
heureusement, et assez incroyablement, majeur dans la réalisation de Victoire chose, et nous entraînent loin, très loin :
sorti indemne. Arrivant à présent sur Terre, au point d’apparaître comme le troisième de la chanson du futur, ici et maintenant.
Victoire chose, album ovniesque en membre du projet. “Début 2018, nous avons Jérôme Provençal
provenance directe de la planète Grande, fait écouter à Olivier une première maquette,
apparaît ainsi d’autant plus miraculeux. avec une idée générale de l’album, et il Album Victoire chose
“La musique occupe une place très a tout de suite été partant, raconte Tsirihaka. (Teenage Menopause/Differ-Ant)
Release party Le 15 février, Paris (Pardon)
importante dans Grande, explique Tsirihaka Il s’est énormément investi, en étant Spectacle Reprise de Grande, du 19 février
Harrivel. Petit à petit, nous avons eu envie très à l’écoute, et il a fait un super boulot.” au 2 mars, Paris (Le Centquatre)
The Rapture
“Parfois il y a un homme,
comme diraient les frères AFTERSHOW
Coen dans le long
monologue d’introduction
Lust For Youth
du film The Big Lebowski,
au Supersonic (Paris), le 1er février
qui colle parfaitement dans Après un début de soirée sous le signe de l’indie à tendance shoegaze/
new wave, le Supersonic se pare de ses habits de nuit. Il est aux alentours
le paysage de son temps.” d’une heure du matin et une foule ultra impatiente se presse devant la
François Moreau
On parle ici de Marc salle du quartier Bastille, qui fête aujourd’hui son troisième anniversaire.
Rebillet, dans tout ce qu’il Une fois à l’intérieur, on se rend d’ailleurs compte qu’on a rarement,
voire jamais, vu l’endroit aussi bondé. Pour cause : Lust For Youth
Blah Blah Blah
a de plus grotesque et de génial. S’il fallait reprendre est sûrement une des formations les plus intéressantes à avoir émergé
les Mythologies de Barthes là où le sémiologue ces dernières années. Le projet, initialement débuté en solo par
français les a laissées, à quelques encablures le Suédois Hannes Norrvide, s’est ensuite mué en duo, puis en trio.
Dès son entrée sur scène, il comble les attentes du public : les mélodies
seulement des interprétations gnostiques d’un synthétiques du groupe, signé chez Sacred Bones Records, ont toujours
Pacôme Thiellement, on dirait de Rebillet, pape cette mélancolie solaire, cette douce fièvre qui avait fait le succès
d’une musique lo-fi et DIY poussée au paroxysme de Lust For Youth dès ses débuts. Tout au long de la soirée, les titres
de la débilité la plus sacrée, qu’il est l’Antéchrist s’enchaînent comme autant de tubes : Running, Chasing the Light,
Sudden Ambitions… On est ici en pleine ambiance 80’s, boucles
que la pop n’attendait plus. Comme beaucoup de synthés et boîte à rythmes à l’appui, mais avec ce petit quelque
de kids par les temps qui courent, Rebillet s’est fait chose de l’eurodance des années 2000, rapidement devenue la marque
connaître grâce à YouTube, plate-forme sur laquelle de fabrique des groupes du nord de l’Europe. Devant la scène, là où
les rockeurs tapent d’ordinaire du pied, le parterre s’est quasiment
il balançait des vidéos tournées dans sa piaule, transformé en dance-floor et des effluves de sueur et de bière
où il improvisait des mini-tubes boostés par des renversée envahissent la salle. Emportés par les vagues synthétiques
productions principalement composées de boucles du duo, on a à peine le temps de remarquer qu’en concert, la guitare
remplace en grande partie les claviers du studio ; et Lust For Youth
répétitives. Simple comme bonjour, mais à mourir
quitte la scène, en laissant les DJ du Supersonic balancer le Blue Monday
de rire, comme quand, en maillot de bain devant de New Order. Ne reste plus qu’à espérer un retour sans attendre du
son clavier et son sampler, il pète un plomb et groupe en France, et la parution prochaine d’un nouveau disque,
ordonne à qui veut l’entendre de sauter dans puisqu’ils n’ont rien sorti depuis le superbe Compassion, en 2016.
Xavier Ridel
la “goddamn’pool”. Le mec a depuis entrepris
une tournée mondiale, avec une date complète
à Paris et n’en finit plus de faire parler de lui.
Marc Rebillet est ainsi un symptôme bien connu
des rouages de la culture underground : un courant
se crée (en l’occurrence la bedroom pop,
sur les cendres de la synthpop lo-fi late 70’s et
de l’anti-folk), des kids en définissent les contours
(entre autres Elvis Depressedly), tandis que
d’autres viennent ensuite rendre le truc caduc
en faisant rentrer tout ce beau monde dans
le système (Gus Dapperton). Et c’est à cet instant
de l’histoire, comme Mac DeMarco à l’époque,
Emilie Mauger
Rosa
Salazar
Sorties
Abandonné, Alita a finalement été Alita est un film à fleur doux. Sa conquête est celle d’un bout
récupéré par tonton Rodriguez d’épiderme. D’un point de vue technique,
qui a accepté de faire le film en désirant
de peau, qui explore Alita réalise la prouesse de mélanger
qu’il ressemble le plus possible à ce le lien et les oppositions à chaque image un masque hybride fait
qu’en aurait fait Cameron. entre une enveloppe de grands yeux numériques posés sur un
Alita: Battle Angel ressemble de fait visage de chair bien réel (celui de l’actrice
à un film de James Cameron plutôt qu’à
agressive et son Rosa Salazar, vue dans les dystopies teen
un film de l’auteur de Sin City (2005). contenant plus doux Divergente 2 et Le Labyrinthe). Son récit
De ce dernier, il ne subsiste qu’une est tendu par ce même souci épidermique.
jouissance à chorégraphier de ludiques Mais où se situe la conquête ? Il s’agit pour Alita d’être bien dans
scènes de combat où les membres – la Car les films de Cameron sont toujours sa peau, de trouver la bonne enveloppe
plupart du temps cybernétiques et non le lieu d’une conquête, technique de synthèse, celle qui sera en accord
humains – sont découpés à tour de bras. et narrative. Dans Avatar, le récit d’une avec l’image qu’elle se fait d’elle-même,
Le reste des thématiques et l’esthétique colonisation résonnait avec l’exploration celle qui lui permettra d’exprimer
de grande fresque épique du film sont de zones jamais atteintes au cinéma, tant tant sa douceur relationnelle que ses
purement cameroniennes. Elles étaient en termes de box-office que de techniques aptitudes guerrières. La scène où elle
déjà à l’œuvre dans Avatar ; l’hybridation de prises de vues. Alita se déploie sur investit pour la première fois un corps
3D entre prises de vues réelles et un terrain plus délicat, plus sensible. de combat qu’elle a connu dans une vie
numériques, le transhumanisme comme En revenant à la vie, la première antèrieure est à ce titre sublime. On y voit
solution aux contingences humaines, chose que fait Alita est de croquer sa peau se reconfigurer, sa silhouette se
un visiteur prenant la défense du monde dans une orange sans l’éplucher. redessiner sous l’action de sa pensée.
dominé contre le monde dominant Le fait qu’elle ait senti l’amertume de L’image de synthèse n’a jamais approché
d’où il vient, et l’amour comme force de cette peau et la douceur sucrée de ce la sensualité de la chair d’aussi près.
dépassement des diffèrences et comme qu’elle contient réjouit Ido qui en déduit Bruno Deruisseau
ressort tragique (le final d’Alita cite que ses capteurs sensoriels fonctionnent
d’ailleurs explicitement la terrible scène à merveille. A l’image de cette séquence, Alita: Battle Angel de Robert Rodriguez
où DiCaprio disparaît dans la pénombre Alita est un film à fleur de peau, qui avec Rosa Salazar, Christoph Waltz,
Jennifer Connelly, Mahershala Ali, Ed Skrein
glacée de l’Atlantique Nord en la explore le lien et les oppositions entre une et Keean Johnson (E.-U., 2019, 2h02)
projetant dans le ciel). enveloppe agressive et son contenant plus Lire la story Robert Rodriguez pp. 32-35
Deux fils
pullule et se recouvre d’intrigues. Il
butine de l’une à l’autre au point
parfois de les survoler en toute
insouciance, sans forcément les
Sorties
de Félix Moati
conclure. Avec le soin de coudre en
arrière-fond de l’ouvrage tout un
paysage de vie parisienne, Moati
travaille surtout à faire proliférer
Un ado fait l’apprentissage écorché de la faiblesse le film, et à le suivre où
de son père dépressif et de son frère sonné par un chagrin il l’emmène, papillonner dans les
égarements affectifs post-rupture
d’amour. Un émouvant portrait-triptyque. du frère aîné, s’amuser dans
l’étrange teen movie du plus jeune,
APPEL AUX CINÉMATHÈQUES : lui-même assoiffé de vie, se mettant surveiller le pouls dépressif
IL Y AURAIT UN BEAU CYCLE pêle-mêle au latin, à la passion et pathétique du père (que vient
THÉMATIQUE à consacrer aux amoureuse, à la foi et à la bibine délester la drôlerie de Poelvoorde),
films de frères. Les piliers seraient : (oui). au fil des passages aléatoires par
Le Parrain, Rocco et ses frères. Les Le style se veut aérien, le cœur du foyer familial – salon
héritiers récents : Les Berkman tressaillant, mêlant les touches parisien et petit-bourgeois, où les
se séparent (un des films favoris véristes et les saillies plus garçons et leurs secrets se croisent
de Moati), Good Time et sans doute littéraires : on sent qu’on a revu un la nuit, où ils cachent leurs doutes,
Deux fils, qui pourrait aussi bien peu de Cassavetes, pas mal échangent des conseils contre
s’intituler Deux frères. de Desplechin aussi, et qu’on des cigarettes. Oui, il y a un côté
Car Félix Moati, dont c’est cherche une forme dans leur “traité sur la masculinité à fêlures”.
le premier long métrage de voisinage, parfois avec une vraie Mais on a bien le droit de s’en
réalisateur, y filme un père en crise, réussite, parfois aussi en perdant amuser : que le tragique puisse
Joseph (Benoît Poelvoorde, aussi haleine, en cachant moins bien prêter à sourire n’est pas la moindre
colossal que vulnérable), toubib l’effort. L’ensemble garde des qualités de ce film trop vivant
médiocrement reconverti cependant un tonus assez épatant. et mobile pour s’alourdir d’excès
en écrivain et KO debout depuis Mais si Deux fils fait mouche, de sérieux. Théo Ribeton
la mort de son frère. Mais surtout ce n’est pas pour sa surface de
ses enfants : Joachim (Vincent comédie dramatique, son rythme, Deux fils de Félix Moati, avec
Lacoste), thésard en surplace, son charme : c’est pour ce qui Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde,
cœur brisé courant tristement palpite en son cœur, à savoir une Mathieu Capella, Anaïs Demoustier
(Fr., 2018, 1 h 30).
les jupons ; et Ivan, préado atterré authentique tragédie fraternelle et Lire l’interview de Benoît Poelvoorde
par le tableau dépressif de ses aînés, familiale, qui noue et dénoue entre p. 8
Je m’appelle
Pourquoi donc investir un territoire Accrochée aux visages et aux corps
exotique si c’est pour que celui-ci de Vincent et Charlie, la caméra ne cesse
ne soit qu’au service de la de chercher abusivement dans leurs gestes
Ismaël
fabrication d’une esthétique inquiets les signaux de leur agitation. On
occidentale ? Un Club Med discerne bien quel cinéma – un peu
aurait suffi. Ludovic Béot de Xavier Dolan, un peu de Terrence
Malick – et quelles images ont pu nourrir CRÉATION AU TNS
l’appétit de ce réalisateur en herbe et
instillé en lui son goût pour ce réel âpre, Lazare
à la frontière du rêve. Mais citer ses pères
ne suffit pas et, à force de démonstration
27 fév | 9 mars
Stephan Vanfleteren/Wayna Pitch
Le “vaïce” en question, c’est Dick Cheney, Will Ferrell, dont il fut quinze années rôles secondaires dans des séries
vice-président des Etats-Unis pendant durant le meilleur complice, Adam McKay (Ozark ou The Good Wife), Jordana
les deux mandats de George W. Bush, n’a jamais cessé de railler l’arrogance des Spiro s’était fait remarquer avec
qui bénéficia – c’est en tous cas ce petits mufles en uniforme, qu’ils évoluent Skin, sorte de version plus réaliste du
que cherche à démontrer le réalisateur – dans les médias (Ron Burgundy 1 et 2), Gummo d’Harmony Korine. La
des pouvoirs les plus importants la course auto (Ricky Bobby), ou la police réalisatrice s’est à nouveau plongée
jamais associés à ce poste habituellement (Very Bad Cops). Avec son précédent film, dans l’Amérique des laissés-pour-
symbolique. Tel un Iznogoud parvenu The Big Short, il s’attaquait à Wall Street compte, en travaillant cette fois avec
à ses fins, Dick Cheney fut ainsi, mais s’éloignait de la pure farce pour Angelica Nwandu, une
entre 2001 et 2009, le véritable se rapprocher du pamphlet, où le rire était instagrameuse baptisée “l’Oprah
décisionnaire à la Maison Blanche, plus rare, et ouvertement conscientisé. Winfrey des millennials” par la presse
du moins pour ce qui concerne Désormais drapé dans les oripeaux américaine. Long Way Home est porté
la politique étrangère, énergétique de “grand cinéaste politique”, il enfonce par ses deux actrices très
et judiciaire (c’est-à-dire l’essentiel, le clou avec Vice, mais en oublie du même convaincantes, une photographie
en ces années de guerre au Moyen-Orient coup sa grammaire, jadis si brillante, léchée et une mise en scène qui brille
et de lutte antiterroriste), tandis que pour y substituer un infernal sabir. par sa pudeur et une certaine forme
son idiot de n+1 se contentait de manger Lorsqu’il prend la peine de construire de grâce. Mais tout cela reste bien
des cuisses de poulet en signant une scène, de la laisser se déployer convenu et calculé. Ce type de film à
des documents à peine lus… dans la durée, d’en laisser tranquillement la tonalité douce-amère est un lieu
Qu’importe si Adam McKay poindre le grotesque, sans réaliser commun du cinéma indépendant
grossit le trait, diminuant à l’envi toutes les dix secondes un effet de manche, américain. De Long Way Home
la responsabilité d’un Bush en récent il fait mouche. Mais trop souvent, n’émerge aucune singularité qui l’en
retour de hype (incarné, très bien, il se contente d’enchaîner les gimmicks démarquerait. Bruno Deruisseau
par le truculent Sam Rockwell) pour et clins d’œil à Scorsese (avec
accroître celle de Cheney (joué, ou plutôt Les Affranchis dans le viseur : contre-
imité à la perfection par Christian Bale, plongées et ralentis sur des pourris, scènes
avec toutes les prises de poids, postiches, clipées, récit déconstruit), qui émoussent
accents et tics que l’on attend ses flèches davantage qu’ils ne les affûtent.
Condor Distribution
Les Recrues
de Bernardo Bertolucci
Sorties
Un premier film aux influences multiples qui plonge dans les
bas-fonds de l’Italie des années 1960 et augure un réel talent de cinéaste.
A redécouvrir dans une magnifique version restaurée.
“LA COMMARE SECCA” (L’ÉQUIVALENT abstraits, un délinquant, un proxénète, les personnages renforce le contraste entre
DE LA “GRANDE FAUCHEUSE” un militaire en permission et dragueur l’univers pauvre décrit et ce qu’on dépeint
EN FRANÇAIS) est le tout premier long raté, et un jeune homme qui a volé encore avec naïveté comme la “dolce vita”
métrage réalisé par Bernardo Bertolucci le briquet en or d’un homosexuel pour (cliché sur l’Italie toujours vivace).
(BB) en 1961 alors qu’il n’a que 20 ans. pouvoir payer un bon repas à sa copine. Le jeune Bertolucci compose
Le sujet a été écrit par Pier Paolo Pasolini Les ressemblances avec l’univers énormément ses plans (également sous
(PPP), dont Bertolucci a été l’assistant de Pasolini sont évidentes. Bertolucci influence antonionienne dans sa façon
sur Accattone, le premier film de l’écrivain filme les mêmes faubourgs de banlieue de filmer les architectures, notamment
et poète, et le scénario a été coécrit par BB romaine, les barres de HLM aux extrêmes modernes), quasiment comme des tableaux
et Sergio Citti, le frère de Franco Citti, limites de la ville, peuplées de jeunes gens baroques (qui font davantage penser
interprète principal du film de PPP. C’était pauvres, au visage d’ange mais capables aux films de Visconti) dans un noir et blanc
la partie Wikipédia ou Cinéma de minuit de devenir des démons à la moindre sublime rehaussé par la restauration récente
de cet article. occasion, à la moindre tentation, de La Commare secca. Ce tout jeune cinéaste
Venons-en au film : La Commare secca pour se sortir de leur misère sociale, filme aussi, au plus près des visages (dans
raconte l’histoire d’une enquête policière. ne serait-ce que l’espace d’une journée. des extrêmes gros plans pas du tout à la
Une prostituée a été retrouvée assassinée L’enquête policière n’est que prétexte mode à l’époque), la pauvreté, le malheur,
dans un terrain vague. La police (qui reste à décrire une société qui abandonne l’irruption soudaine de la violence et du
hors-champ du début à la fin) enquête et une partie de sa population, la plus crime. Avec une attention accrue, et pour
interroge des témoins présents ce soir-là miséreuse, socialement mais aussi le coup très personnelle, dans la description
dans le parc Paoloni, où l’on a aperçu sexuellement, aux abords de la cité et de la jeunesse, du désir, de la gêne.
la victime pour la dernière fois. Le film, du boom économique italien des années Un cinéaste important naît sous nos yeux.
tel Rashômon d’Akira Kurosawa ou 1960. Loin du bonheur aseptisé, Jean-Baptiste Morain
Le Bruit et la Fureur de William Faulkner, climatisé, certes, que propose la société
décrit donc la même soirée de différents de consommation, mais loin aussi de tout Les Recrues (La Commare secca)
de Bernardo Bertolucci, avec Francesco Ruiu,
points de vue. Défilent dans le bureau progrès intellectuel ou moral. La musique Giancarlo de Rosa, Alvaro d’Ercole
de l’inspecteur aux murs nus, presque de variété des années 1960 qu’écoutent (It., 1962, 1 h 33, reprise)
Les Acacias
les soixante films les plus terrifiants
de l’histoire – selon la rédaction
des Inrocks – ne laissait aucun
AUTOUR DU DOCUMENTAIRE, il y a Dans les chambres tapissées son Eurostar lui a fait manquer
celle du sujet. Doit-il traiter d’un sujet d’affiches, les jeunes se demandent, l’enterrement. Pour décider du sort
comme le feraient des étudiants studieux avec la maladresse liée aux premières fois, de la maison familiale, l’homme
en pleine composition d’une dissertation ? comment déclarer son amour à quelqu’un. d’affaires doit cohabiter, le temps
Ou doit-il, au contraire, fondre ses images Dans d’autres, deux amies s’interrogent sur de quelques jours, avec un frère
à ce qu’il ambitionne de montrer, leur avenir et un garçon en fauteuil excité, une sœur déprimée,
de raconter, pour que ce ne soit pas interprète, avec beaucoup d’humour, la une autre alcoolique et une mère
un film “sur” mais un film “avec” ? chanson Les Bêtises. Dans le jardin, un drôle revenue d’entre les morts. Mais
C’est précisément parce qu’il penche de super-héros vadrouille ; plus loin, une une fois les retrouvailles passées
pour la seconde hypothèse que Dans la jeune fille rêve au grand amour ; tandis et la petite troupe bien installée
terrible jungle de Caroline Capelle et qu’une autre, la bouleversante et petite entre les quatre murs de la bâtisse,
Ombline Ley, présenté à l’Acid au dernier prodige musicale Ophélie Lefebvre, s’écrit que se passe-t-il ? Hormis un flot
festival de Cannes, réussit à éviter le avec tout l’enthousiasme qui la caractérise : discontinu de cris monocordes,
traitement convenu et policé qu’il pouvait “Ombline ! Caroline ! J’ai fait le rap !” pas grand-chose. En hystérisant
présager. Devant ou derrière la caméra, qui à outrance ses personnages
Ici, ce n’est pas le handicap, ce grand s’immisce avec distance et bienveillance et en les traitant comme de simples
mot intimidant, que sont venus filmer dans l’intimité de ces adolescents, archétypes, la comédie de
les cinéastes mais le quotidien d’enfants l’amusement règne. De leur côté, Christophe Le Masne réduit sa
et d’adolescents particuliers. Coupée les apprentis acteurs se prêtent volontiers réunion de famille à un règlement
du monde, la bande vit dans une petite au jeu du filmage documentaire, qui n’a de comptes téléguidé, sans
société parallèle appelée la Pépinière, nul besoin d’être au ras du réel pour faire véritables enjeux, ni âme. Même
un institut médico-éducatif implanté éclore des morceaux de vérité. Dans pas peur. Marilou Duponchel
quelque part dans les Hauts-de-France. ce petit théâtre fait de chamailleries, de
Mais qu’elle soit protégée du monde doutes existentiels et de questionnements
extérieur n’y change pas grand-chose car, amoureux, chacun interprète son propre
dans la jungle de l’adolescence, rôle, et fiction et réalité ne font qu’un. Pour
les rapports apaisés ou ombrageux entre en découvrir les coulisses, ne ratez surtout
les uns et les autres subsistent. C’est en pas le générique. Marilou Duponchel
Takami Distribution
JEUDI 21 ET
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DANSE SUR UNE MUSIQUE DE TERRY RILEY
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contre tous les républicains furent le film ou les témoins : ils ne veulent pas
permanentes et sans pitié. se venger, ils veulent que justice soit
Le documentaire de Carracedo et Bahar, rendue, que la vérité soit dite, que les
au travers de témoignages, rappellent ces
faits connus, et d’autres, souvent méconnus :
morts puissent avoir une vraie sépulture,
avec leur nom dessus. L’un des moments
de Bernardo
même au début des années 1980, donc les plus forts du Silence des autres est celui Bertolucci
après la mort de Franco, à une époque où où une dame très âgée se voit présenter
l’avortement était encore prohibé, certains
médecins faisaient “disparaître” ou bien
le crâne d’un homme enterré dans
une fosse commune. On lui dit alors
-30 %
jusqu’au
plaçaient dans des familles “convenables” que l’on sait, grâce à l’ADN, qu’il s’agit 19 février
les enfants nés sans père… Aujourd’hui, de son père. Elle s’exclame, en larmes :
à cause de la loi d’amnistie imposée “Il a passé toute sa vie ici...”
au sortir du franquisme, les exactions Si nous savons aujourd’hui que l’être
des policiers et militaires franquistes humain n’est pas la seule espèce animale
sont prescrites. Des gens âgés doivent, à se soucier d’ensevelir ses morts,
ultime humiliation, se battre contre l’Etat il n’en demeure pas moins que ce besoin
espagnol pour obtenir le droit de récupérer est l’un des actes humains les plus
les restes de leurs parents, jetés dans impératifs et mystérieux, que les arts ont
des charniers cachés, et dont le nombre toujours décrits (d’Antigone de Sophocle
est estimé à 100 000… au Fils de Saul de László Nemes,
Le passé ne passe pas. Alors Le Silence par exemple). C’est ce qui fait la force
des autres montre que les victimes et leurs de ce documentaire bouleversant sur
descendants s’unissent et utilisent une des fantômes qui continueront à hanter La vaste fresque
technique juridique éprouvée, le principe l’Espagne tant que l’on ne leur aura pas du regretté Bernardo
dit de la “compétence universelle”. De rendu la justice et la paix qu’ils méritent. Bertolucci couvrant
même que le général chilien Pinochet fut Jean-Baptiste Morain
condamné par la justice espagnole, les
quarante-cinq ans
victimes se tournent vers la justice argentine Le Silence des autres d’Almudena Carracedo
d’histoire italienne
pour qu’elle inculpe les tortionnaires et Robert Bahar (Esp., 2018, 1 h 35) Wilde Side,
version restaurée collector,
59 13.02.2019 Les Inrockuptibles
3 Blu-ray + 3 DVD + 1 livre
Faisons un rêve : “Nous avons
mieux que toute la vie. Nous avons
deux jours.”
Le premier film-rêve s’arrête là,
le second commence : Maria Barker
aime son diplomate de mari,
Frederick (Herbert Marshall).
Mais trop occupé par ses affaires,
ce dernier la néglige. Dans une
scène merveilleuse où ils prennent
le petit déjeuner, leur valet les
désigne comme un couple idéal
qui ne se querelle jamais. Alors
les Barker cherchent un motif
de dispute. Maria lui demande
ce qu’il ferait si elle lui annonçait
Paramount Pictures
Ange
filmer cette scène aujourd’hui.
Car la morale amoureuse du
cinéaste français rencontre celle de
Lubitsch. En amour, c’est d’abord
Sorties
d’Ernst Lubitsch
la liberté de l’autre qu’on aime
et qu’on respecte, même si
cette liberté fait mal. Dans Ange,
les personnages deviennent des
Cette comédie dramatique basée sur un triangle êtres, parce qu’on les sent libres.
amoureux révèle la puissance secrète En partant d’un simple
des sentiments. Reprise sur grand écran en version canevas vaudevillesque,
Lubitsch réalise une œuvre d’une
restaurée du chef-d’œuvre de 1937. complexité vertigineuse sur la
liberté en amour, sur les différentes
“L’AVENTURE AMOUREUSE (Melvyn Douglas) qui, au premier versions de nous-mêmes, sur
EST UNE ENCLAVE DANS LE regard, brûle de désir pour elle et les rêves qui se rejoignent.
SÉRIEUX PROSAÏQUE de la l’invite à dîner – au diable le Le film pourrait se voir comme une
quotidienneté, comme la principauté Louvre, la tour Eiffel ou Notre- succession de vérités étincelantes
de Monaco, avec son casino, Dame, Paris est faite pour qu’une et d’idées poétiques : les objets
ses zouaves et ses palmiers, est une rencontre amoureuse nous expriment ce que la parole tait
enclave dans le département des empêche de la visiter. Le soir, ils (un cendrier plein, une assiette
Alpes-Maritimes.” Cette phrase sont déjà fous amoureux, sans rien à laquelle on n’a pas touché, un air
merveilleuse, tirée de L’Aventure, connaître l’un de l’autre. L’homme de piano). Ceux qui rêvent
l’Ennui, le Sérieux, de Vladimir surnomme “Ange” cette femme l’un de l’autre sont amenés
Jankélévitch, commente idéalement qu’il aime déjà et qui disparaît sans à se retrouver. L’amour doit rester
le cinéma de Lubitsch, et plus prévenir au milieu de la nuit. un secret pour être encore l’amour.
particulièrement Ange, qui en est Il faudrait pouvoir chronométrer Troisième film : Qui est Ange ? Une
sa plus éclatante illustration. Dans et compiler les rencontres femme-fantôme, une fiction qui
ce film, les passions amoureuses amoureuses hollywoodiennes. permet à Frederick d’éprouver une
sont des villes (Paris, Vienne), Celle de Lubitsch semble obéir nouvelle fois la liberté de Maria,
le mariage aussi (Londres) ; et une à une malicieuse exigence c’est-à-dire de retomber amoureux
femme, Maria Barker (Dietrich), de rapidité : un premier regard est de sa femme. Murielle Joudet
les traverse toutes, s’en souvient, déjà une invitation à dîner,
jusqu’à ne plus savoir où se poser. un deuxième promet la passion
Ange de Ernst Lubitsch, avec Marlene
Maria Barker se rend incognito amoureuse – on repense à cette Dietrich, Herbert Marshall, Melvyn
à Paris, rencontre un homme phrase définitive de Guitry dans Douglas (E.-U., 1937, 1 h 31, reprise)
Les articles
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Un bijou fantasy
Pour sa saison 4, THE MAGICIANS s’émancipe
des livres de Lev Grossman pour renouveler avec brio
l’éternelle quête de justice de ses héros et héroïnes.
Séries
en évoquant maladie mentale, suicide,
avortement, et en prenant de face
les questions LGBT+, la sexualité de
ses personnages étant toujours envisagée
avec bienveillance et complexité.
Hale
Appleman Pour cette quatrième saison,
les scénaristes ont été forcés de dépasser
les intrigues des livres de Grossman,
désormais épuisés. Ce qui a valu “quelques
The CW, apparue au milieu des dans l’université secrète de Brakebills. nuits sans sommeil” à Sera Gamble.
années 2000, a remplacé la chaîne Le héros, Quentin Coldwater, a passé Au regard des premiers épisodes, le pari
The WB, autrefois responsable un certain temps en hôpital psychiatrique. est réussi. Interrogée par le site Collider,
de Buffy contre les vampires, et même Ce qu’il tente de faire avec ses acolytes, Gamble a résumé la singularité d’une
si The Magicians est diffusée sur Syfy, c’est rendre au monde un peu de série qui se permet tout, y compris des
on y trouve quelques restes de son sa fantaisie – jeu de mots conscient – épisodes musicaux – comme dans Buffy,
goût pour les costumes et les effets en luttant contre des forces obscures encore : “Je m’inquiète toujours qu’on
spéciaux démodés. Surtout, on y sent qui veulent éliminer la magie se casse la figure, mais je suis exaltée par
la même ambition dénuée de prétention ou s’en servir pour régner sur la masse. les risques que nous prenons.
derrière les boums et les bangs, Toute comparaison avec la situation Depuis les premiers jours, le mood parmi
celle de construire une série haletante, politique américaine ne pourrait être que les scénaristes a été d’essayer tout ce qu’on
inclusive et totalement hors des modes. volontaire, Gamble et McNamara ayant pouvait. On a trouvé un monde avec lequel
The Magicians, qui entame même admis s’être inspirés de Donald jouer, qui offre de nombreuses possibilités
sa quatrième saison, est une série Trump durant la deuxième saison. tonales et structurelles. Nous avons tous
à l’ancienne, comme une espèce Le décor et le mode de récit de et toutes fait de la télé ‘normale’ avant
en voie de disparition qui aurait décidé The Magicians ont été comparés à ceux The Magicians, et nous mesurons
de faire de sa précarité une force, voire du Monde de Narnia ou de Harry Potter. notre chance d’être là.” Olivier Joyard
une raison essentielle de s’amuser Mais il s’agit avant tout de fantasy
et de griffer. C’est à peu près ce qu’elle pour adultes, sur des geeks qui auraient
raconte, d’ailleurs, à travers un groupe mal tourné. Ici, les glissements entre The Magicians de Sera Gamble et
John McNamara, avec Jason Ralph,
de personnages qui ont découvert leurs les mondes abondent, comme dans Legion, Stella Maeve, Hale Appleman. Saison 4
pouvoirs de magie et se sont rencontrés sa cousine beaucoup plus chic mais aussi sur Syfy chaque mardi à 22 h 30
DEPUIS LE SUCCÈS PUBLIC ET de l’affaire – il a fallu fouiller les poubelles des effets spéciaux solides, la série
CRITIQUE DE “GET OUT”, JORDAN pour retrouver le pénis avant les éboueurs s’affaisse sous une profusion
PEELE MULTIPLIE LES PROJETS avec et déployer des trésors d’ingéniosité artificielle de rebondissements
une énergie débordante. En attendant Us, chirurgicale pour le raccorder à son et souffre de l’interprétation
son long métrage d’horreur prévu pour propriétaire –, le doute s’installe : approximative de son casting.
le mois de mars, The Hunt avec Al Pacino obnubilée par ses ressorts tragi-comiques, Une belle idée subsiste néanmoins,
ou encore le reboot de La Quatrième l’opinion publique a-t-elle manqué consistant à dérégler la perception
Dimension, on le retrouve en tant que l’occasion d’un vrai débat sur les violences des personnages à mesure
producteur sur Lorena, une série conjugales ? qu’ils cheminent vers le trou noir
documentaire en quatre parties qui revisite Le malaise grandit quand est mis de l’altérité totale, comme si
l’affaire Bobbitt sous un angle post-MeToo. en lumière le caractère masculino- la rencontre avec celle-ci
En 1993, dans une ville-dortoir de la centré du spectacle médiatique qui nécessitait une reconfiguration
banlieue de Washington, Lorena Bobbitt a étranglé le drame judiciaire. Lorena est mentale. Irradié par des visions
tranche le pénis de son mari John à l’aide qualifiée d’hystérique quand elle n’est pas de cauchemar, le voyage s’effectue
d’un couteau de cuisine avant de jeter le objectifiée (cf. les photographies en maillot dans une obscurité grandissante,
membre par la fenêtre de sa voiture. Elle de bain qui accompagnent ses confidences à la boussole d’obsessions
expliquera aux enquêteurs que son époux à un grand journal), et les frères de John scientifiques aux contours
ne voulait pas lui donner d’orgasme alors sont applaudis lorsqu’ils déclarent leur de chimères spatiales.
qu’il se masturbait régulièrement. L’enquête intention de tuer la jeune femme. Alexandre Büyükodabas
révélera qu’elle était victime de violences Le bénéfice du recul historique permet
conjugales, mais les deux parties seront de recentrer l’attention sur le cœur Nightflyers de Jeff Buhler,
avec Eoin Macken, David Ajala,
acquittées de toutes les charges. de l’affaire et la notion de viol conjugal, Jodie Turner-Smith. Saison 1
Côté pile, Lorena arbore la panoplie mal dégrossie à l’époque et toujours actuellement sur Netflix
convenue du documentaire de prestige, difficile à prouver comme à juger. Lorena
entrelacs tempéré d’images d’archives, n’est alors plus l’objet de ricanements
de fragments reconstitués et d’entretiens gênés mais le sujet d’un drame personnel
face caméra. Son côté face est pourtant aux contours hélas beaucoup plus larges.
Jonathan Hession/Syfy
Jann Gallois
Artiste associée
Compact
Diagnostic F20.9
19 – 22 février 2019
danse, théâtre
Livres
qu’il n’a jamais visitée. Il n’existe rien qu’il Le seul écueil de l’exercice,
la ville. Ces protagonistes sont présentés ait moins envie de faire, rien qu’il aurait c’est que la conversation se mue
en quelques lignes en préambule de davantage besoin de faire.” très vite en interview de Sollers
l’ouvrage, comme les personnages Cette “histoire américaine” comme par Savigneau. Peu importe,
d’une tragédie classique. l’indique le sous-titre est enfin, aussi, leur amitié forme aujourd’hui
Pendant six ans, elle suivra de près écrite comme un roman. Son auteure fait une sorte de camp où l’on sera
plusieurs familles, chacune incarnant appel à son imagination, se projette nombreux à se retrouver.
un choix différent face à la crise, une dans la psyché de ses personnages, décrit Car pourquoi sont-ils amis ?
façon distincte de réagir aux événements. les événements de leur point de vue. “Parce que nous sommes des
Jerad Whiteaker, employé treize ans Au sujet de Paul Ryan, figure du Parti camarades de combat”, répond
à l’usine d’assemblage, refuse la mutation républicain très concerné par le sort de Sollers. “Parce qu’on déteste
qu’on lui propose à des milliers de sa ville natale, elle écrit : “La Janesville le mensonge social. Ça suffit.
kilomètres : que deviendraient où il rentre toutes les semaines est un endroit Ce n’est même pas une question
sa femme Tammy et leurs jumelles ? où, enfant, il ne prenait pas la peine de d’opinion ou de positionnement
Chez les Vaughn, on est ouvrier et mettre un antivol à son vélo.” C’est bien politique. Quelqu’un qui
syndiqué à chaque génération. Mike est l’American Dream qui est laissé sur le bord a bien identifié la façon dont
même le président local du plus grand de la route avec la débâcle General la société l’empêcherait d’être libre,
syndicat de cette branche, tout comme Motors, cette “foi américaine en la capacité ça se fait très tôt, j’allais dire au
son père Dave le fut avant lui. Une scène de se réinventer” que cite l’auteure. berceau. Alors ceux-là, ou celles-là,
bouleversante montre le fils honteux Une foi qui se meurt à petit feu à force s’ils tiennent bon sur leur désir,
avouant au père qu’il accepte de travailler d’espérance vaine, de diplômes ou de deviennent automatiquement
pour “l’ennemi”, le patronat, car c’est réinsertion ne débouchant sur rien. des camarades de combat.”
la seule solution pour mettre sa famille Yann Perreau Le combat aujourd’hui ?
à l’abri du besoin. Le marché, la littérature ou
Au fil du livre, le cauchemar se fait de plutôt le livre de plus en plus
Janesville, une histoire
plus en plus suffocant. Les années passent, américaine (Christian réduit à son contenu contre
pourtant l’usine reste fermée. Bourgois), traduit de l’anglais le style, et puis le puritanisme,
Les habitants ne peuvent y croire, leur (Etats-Unis) par Aurélie la simplification à outrance de
Tronchet, 336 p., 23 €
entreprise ayant toujours, tel le phénix, tout, l’amnésie, l’hypocrisie.
su renaître de ses cendres. “Passer Comment ne pas continuer
à autre chose serait pour eux une hérésie, la conversation ?
CARTE
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Les aventures
de Fante Bukowski,
insupportable
auteur dilettante
Ecrivains
se vendre, enfin de vendre Sans K,
son dernier roman.
A première vue, le dessinateur
britannique Andi Watson semble
de la folie ordinaire
avoir voulu montrer la solitude
de l’auteur lors des dédicaces.
Mais, plutôt que de donner
à son album une épaisseur
clairement autobiographique,
Pour leur dernière parution respective, NOAH VAN il a construit son récit en forme de
SCIVER et ANDI WATSON ont imaginé des personnages spirale mystérieuse. Car la tournée
d’écrivains normalement névrosés. Quand la satire et
BD
BD
des découpages tendus,
chaque page amène EGOCENTRIQUE, GROSSIER, DÉPOURVU A la trame quasi classique du récit
son émotion, sa surprise, et DE VALEURS MORALES OU DE PITIÉ, de hors-la-loi, les trois auteurs greffent
l’épopée se vit sur un rythme GUY EST UNE ORDURE, prêt à tout des éléments surréalistes et métaphoriques
haletant. Après Le Mystère du pour une bouteille de rhum. Il ferait passer qui viennent semer la zizanie, créent
monde quantique (2016), le Gros dégueulasse de Reiser pour un être des fausses pistes ou des trappes sous
Mathieu Burniat change sympathique, c’est dire. Quand il ne commet nos certitudes. Œuvrant à la fois comme
résolument de registre : exit pas de menus larcins, il n’hésite pas à sortir chorégraphes, dialoguistes trash et peintres,
la physique théorique, son couteau pour suriner les imprudents ils malaxent leur matière première pour
place à l’action pure, sans qui ont le malheur d’être sur son passage. en tirer des formes surprenantes. La manière
bulles, avec des couleurs Mais Guy a une excuse, celle de devoir même avec laquelle leurs traits se mêlent et
pétaradantes. L’auteur survivre à l’époque des flibustiers et des se complètent influe sur la mise en scène.
dessinateur belge offre brigands de grand chemin. Ruppert et Mulot, par exemple, s’éclatent
avec Trap une odyssée pop, Se consacrer à un antihéros dans les scènes de combat, tandis que
inquiétante, sanglante, si repoussant constitue un défi osé que le soin apporté aux couleurs par
mais lumineuse. le Belge Olivier Schrauwen (aka Arsène Olivier Schrauwen donne à certaines pages
François-Luc Doyez Schrauwen à L’Association) et le duo d’inattendues teintes mélancoliques.
français Ruppert & Mulot relèvent A la fois art book, livre d’humour, réflexion
ensemble. Si on suit avec plaisir les déboires narquoise sur la mort et l’aventure,
de leur jean-foutre sans cesse assoiffé, c’est Portrait d’un buveur est un délire graphique
que, de par son comportement outrancier, pour lequel il faut être prêt. Une fois
il se montre drôle, souvent volontairement, l’embarquement effectué, le voyage n’est
parfois non. Le début de cet album ressemble que plaisir. V. B.
à celui d’une hilarante comédie musicale
décalée : Guy y interprète sa chanson fétiche,
Portrait d’un buveur (Dupuis),
absurde et entêtante comme du Katerine. 184 p., 28,95 €
Ensuite, l’histoire se corse, il quitte la terre
ferme pour gagner les flots. Mais Portrait
d’un buveur ne marche pas dans les pas
d’Isaac le pirate, ici le souffle de l’aventure
se trouve mêlé à une brume étrange.
Frères de sang
Donné pour la première fois à l’Opéra de Paris,
Il primo omicidio de Scarlatti est la seconde incursion
de ROMEO CASTELLUCCI dans la Genèse.
Il se concentre sur la figure de Caïn qu’il réhabilite.
AVEC CET ORATORIO DE SCARLATTI, de l’agneau offert par son frère Abel.
“IL PRIMO OMICIDIO”, où le librettiste Qui est responsable de ce meurtre inspiré
Antonio Ottoboni reprend le récit du par Lucifer à un Caïn désemparé ?
meurtre d’Abel par Caïn au chapitre 4 “Par cet acte, relève Romeo Castellucci,
de la Genèse, Romeo Castellucci retrouve il inaugure une tradition qui traverse
un thème qui lui a déjà inspiré un spectacle toute l’histoire hébraïque : il fait le procès
inoubliable, Genesi, en 1999. Innocence de Dieu en lui demandant des comptes
et culpabilité font du jugement de Dieu à propos de son choix arbitraire.” Six voix
une question à double tranchant. Qui juge se font entendre : Adam et Eve, Abel et
qui, dans l’histoire du premier meurtre Caïn, Dieu et Lucifer, vêtus avec austérité
de l’humanité ? Caïn s’en rend coupable, dans des tons ternes qui renvoient aux
parce que Dieu refuse son offrande années 1950, lorsque le monde se relevait
– la moisson des fruits de la terre qu’il difficilement de la boucherie de la
cultive –, lui préférant le sacrifice Seconde Guerre mondiale.
Scènes
nul ne s’étonne que la pièce
commence par une fausse
conférence où sont compilées les
ultimes trouvailles d’une poignée
d’internautes-archéologues ayant
repéré sur Google Earth les traces
de son mausolée en plein désert,
non loin de ce qu’ils désignent
Dans la première partie, les interprètes Castellucci prend le parti de l’innocence comme une piste d’atterrissage
sont placés en avant-scène devant une intrinsèque. Chaque chanteur, placé pour engins extraterrestres. Passant
toile opaque derrière laquelle l’espace de dans la fosse d’orchestre, est doublé d’une moisson de fake news aux
la création se donne à voir dans des effets par un enfant qui mime le chant contradictions des diverses versions
de lumière mouvants. Des masses de sans proférer de son, tout en caracolant de sa vie rapportées par l’histoire,
couleurs ondoyantes se lèvent et s’abaissent, parmi les herbes folles ou construisant Christophe Fiat joue le technicien
laissant apparaître une ligne de feu, un mur de pierres, sur le plateau de plateau ou le scribe assis en
ou s’estompent dans des teintes bleutées transformé en vaste champ. tailleur tandis que Judith Henry en
qui s’accordent aux paroles des chanteurs. Bientôt, une nuée d’enfants envahit profite pour s’en laver les pieds. Au
Pendant que le drame se joue sous nos la scène : l’innocence recouvre le péché rappel de la multitude des noms
yeux, l’espace s’offre alors comme “une et renverse la notion de culpabilité. d’oiseaux la désignant en méchante
référence à l’expérience de la contemplation Pour Romeo Castellucci, c’est clair, reine et ciblant cette amoureuse
que nous connaissons face aux tableaux “Caïn était l’innocent, la véritable proie impénitente des têtes couronnées
de Rothko”, indique le metteur en scène. capturée en un piège victimaire”. de laurier, la belle en prend pour
A la direction musicale, René La beauté de la musique et la clarté son grade sans perdre un grain de
Jacobs partage cet état, mains des voix s’accordent à cette vision d’un sable de son charme. A l’heure de
caressantes et bouche murmurant pour homme dont la douleur nous est proche MeToo, cette vision, qui fleure bon
lui-même les paroles qui touchent et s’offrent alors comme un réconfort, le clownesque, prêche pour la
par l’étendue de la douleur qui se répand un apaisement puissant. Fabienne Arvers liberté d’une femme ne rentrant
sur toute la création. D’ailleurs, dans aucune case. Patrick Sourd
la punition de Dieu envers Caïn sera Il primo omicidio d’Alessandro Scarlatti,
de vivre et de ne pouvoir échapper livret Antonio Ottoboni, direction musicale Cléopâtre in Love un projet de
René Jacobs, mise en scène Romeo Christophe Fiat et Judith Henry,
au souvenir de son crime. Changement Castellucci. Jusqu’au 23 février, Opéra avec eux-mêmes. Jusqu’au 22 février,
de registre à la seconde partie, où Romeo de Paris, Paris IXe Nouveau théâtre de Montreuil
SEULE ET POURTANT CHORALE, Enée, Roch, Grinch, Bakou, Céleste, émouvantes mises en scène (notamment
RACHIDA BRAKNI AVANCE EN BORD Mourad, Betty. Le fantôme de Filip aussi. une scène de fête déjà culte dans un
DE SCÈNE. Elle est la scène, le théâtre, L’immense tour de béton tourne appartement-mouchoir de poche), sont
le lieu de la réalité et de l’imaginaire sur elle-même – impressionnante et juste absolument, tragiquement remarquables :
le plus fou. La scène, dit-elle, représente scénographie de Nicolas Marie – et Philippe Torreton, que l’on a peu
son cœur. Ainsi, d’emblée, dès dévoile l’un après l’autre les appartements l’habitude de voir affronter le répertoire
les premiers mots de l’actrice, on bascule et la vie des gens qui l’habitent. Au cœur contemporain et qui y excelle pourtant ;
dans cette étrange réalité partagée de la cité, au cœur de la tour, il y a Roch Rachida Brakni, le cœur et le chœur
qu’est la fiction. On y plonge d’autant (Philippe Torreton) et son fils. Roch vient de ce spectacle ; et le fils, Maurin Ollès,
plus qu’immédiatement, par ses paroles, d’apprendre qu’il a un cancer. Il demande le bien nommé Enée, celui qui portera
elle est totalement d’aujourd’hui. à son fils de lui cuisiner un civet de lapin. d’un bout à l’autre de cette épopée
Pas d’hier. Pas de demain. Elle est là, Au fil de la maladie, de la chimiothérapie, son père sur ses épaules, est une révélation.
dans un présent en tout point pour nous toute la vie ardente et intense qui lie Ce théâtre du peuple redonne toute
reconnaissable. Derrière elle, un immense les personnages entre eux va se déployer : leur dignité à ceux auxquels il s’adresse.
cube de béton brut s’élève dans le fils et le père qui aiment la même Ni populaire, ni populiste, ne cédant
les cintres, et ce n’est pas un nouveau femme, les kebabs partagés en bas en rien aux trompettes de la facilité
don de Jeff Koons à la nation française. de l’immeuble, les incompréhensions ou de la référence télé, ne pratiquant pas
Ce n’est ni brillant ni acidulé, mais le mur amicales, les tatouages intempestifs le clin d’œil complice, mais s’imposant
d’une caverne sur laquelle, bientôt, vont pour se prouver que l’on est vivant, dans toute sa sincérité, le théâtre que
se projeter les ombres des vies réelles des les rêves d’amour et les désirs d’envol… viennent d’inventer ensemble Melquiot
habitants de la cité dont elle barre l’accès. Ouvragée, puisant à la source et Meunier réjouit comme une fête
Sur les traces de l’Enéide, Fabrice géographique ses mots d’aujourd’hui, à la vie célébrée. Hervé Pons
Melquiot, l’auteur de J’ai pris mon père sans qu’elle soit documentaire ou
sur mes épaules, emprunte la voie épique folklorique, la langue littéraire de Melquiot J’ai pris mon père sur mes épaules
et mélodramatique pour dire sa porosité est bouleversante. Il trouve les mots justes de Fabrice Melquiot, mise en scène Arnaud
au monde qui l’entoure. Magnifiquement et leur confère une légitime beauté. Meunier, avec Rachida Brakni, Philippe
Torreton, Maurin Ollès. Jusqu’au 10 mars,
architecturée, son épopée s’élance entre Les acteurs réunis par Arnaud Meunier, Théâtre du Rond-Point, Paris VIIIe.
les tours d’une cité où vivent Anissa, qui signe là une de ses plus inventives et En tournée jusqu’au 24 mai
Les images
maudites
L’exposition de LAUREN HURET se penche
sur le nouvel esclavage subi par les modérateurs
sous-payés pour cacher ces contenus internet
que l’on ne saurait voir. Et pose la question de l’image
et de son irreprésentabilité.
LAUREN HURET EST UNE ARTISTE des pratiques internet. Il y a eu les glitches
QUI NE FAIT PAS CONFIANCE cinétiques (sons ou visuels déformés
À INTERNET. Tel est, pour le dire vite, par un bug) puis l’euphorie de la
le message d’accueil qu’elle a choisi dématérialisation. Depuis une poignée
de poster sur son site – peu achalandé, d’années, nous nous retrouvons les deux
on s’en doute. Internet constitue pourtant pieds dans un réel tout aussi trouble
la matière première de son travail. Mais qu’avant : parler d’internet, c’est aussi
l’artiste franco-suisse ne pratique ni le parler du monde, c’est-à-dire de rapports
net.art des années 1990 ni le post-internet de production et d’écologie, de société,
des années 2000. Elle participe de ce qu’il d’oppression et de colonialisme. Cette
convient d’appeler la “troisième vague” “troisième vague”, composée d’artistes
totale” est fausse, tout comme les progrès concernée par le sujet, comme nous
de l’intelligence artificielle (IA) reposent tous. Et cela d’autant plus qu’elle
surtout sur une savante opération est artiste, puisque s’y entremêle
marketing. Derrière besogne en effet étroitement la question de ce qu’elle
toute une main-d’œuvre invisibilisée. Ces qualifie d’ “image maudite” : ces images
“turkers” qui reproduisent non seulement violentes ou dérangeantes dont la vision
une fracture de classe mais également nous est épargnée car d’autres yeux
de domination coloniale – faisant résonner que les nôtres les ont vues auparavant.
le racisme latent du terme lui-même. Si Souffrance et traumatismes ont été
Lauren Huret ne fait plus confiance délocalisés. Maudites, ces images
à internet, c’est qu’elle a vu l’envers le sont car une fois vues, on ne peut
du décor. Depuis deux ans, elle conduit les “dé-voir”. Elles brûlent la rétine
une investigation autour de l’un des pires et meurtrissent les chairs.
Expos
de ces nouveaux métiers : les modérateurs Face à cette terrible matière,
de contenus (“content managers”). comment faire œuvre ? Cette question,
“Lorsque Facebook supprime une photo Lauren Huret se l’est posée. Au Centre
de nu, l’acte est accompli par des individus culturel suisse, elle inaugure la nouvelle
sous-payés qui appliquent une grille qu’on programmation de la curatrice Claire
mais aussi de théoriciens tels que Yves leur a fournie lors de leur embauche. Ils sont Hoffmann avec une exposition autour
Citton, Tiziana Terranova, Nick Srnicek en contrat de sous-traitance, ne savent pas de ses recherches. Praying for My Haters
et Alex Williams, inverse la manière pour qui ils triment, sont soumis à des clauses se prend cet irreprésentable de plein fouet,
de conceptualiser les choses : non pas de confidentialité drastiques et, surtout, et l’artiste n’y montre en réalité pas
par ce que produisent l’ordinateur ne bénéficient pas d’aide psychologique”, grand-chose. Une maquette et un plan
ou la connexion wifi, mais par qui explique Lauren Huret. La censure de vidéo de l’immeuble de Manille abritant
les produit, comment, où et avec quels tétons n’est pour ainsi dire que la pointe les travailleurs (photo). Des petites vidéos
effets sur les humains qui, mine de rien, émergée de l’iceberg. A longueur relativement anecdotiques, des stories
n’ont pas encore quitté la partie. de journée, les modérateurs visionnent Instagram de son séjour ou encore
Dans l’ombre des Gafa (Google, des dizaines de milliers de contenus des projections de nus dont les parties
Apple, Facebook, Amazon) et autres traumatisants postés par les internautes sensibles sont masquées par des GIF.
géants du web, triment des tâcherons sur les réseaux sociaux. Ils ont huit En réalité, le bégaiement impuissant
du clic. L’exemple le plus connu est secondes par image pour décider de de la forme en dit long, et l’oppression
sans conteste la plate-forme Amazon la signaler ou non. “Le job n’est pas près ressentie sous la verrière du Centre
Mechanical Turk (AMT) qui propose d’être remplacé par l’intelligence artificielle culturel suisse est réelle. Pour finir,
l’exécution de microtâches non qualifiées car seul un humain qui ressent physiquement toute une tonalité mystique, à l’instar
et encore moins gratifiantes que de cette douleur peut l’effectuer. Récemment, d’un portrait transposant à notre époque
nouveaux esclaves du numérique réalisent Mark Zuckerberg déclarait avoir embauché maudite l’iconographie de sainte Lucie
le plus souvent chez eux, en sus de leur 30 000 modérateurs supplémentaires (portant ses yeux sur un plateau),
job diurne sous-payé. Le cas d’AMT dans la Silicon Valley. Au niveau mondial tente de manière désespérée d’adoucir
est également le plus parlant, puisque cependant, il est impossible d’estimer leur un tant soit peu la condition de ces
la plate-forme tire son nom d’un canular nombre tant il ne cesse de croître.” Aux martyrs de la civilisation de l’image.
du XVIIIe siècle où un automate se révélait Philippines, à Manille, ancienne colonie Ingrid Luquet-Gad
être manipulé par un humain américaine, on estime qu’ils sont 150 000.
caché à l’intérieur. Aujourd’hui encore, Agée d’une trentaine d’années, Praying for My Haters Jusqu’au 28 avril,
la promesse d’une “automation l’artiste franco-suissesse Lauren Huret est Centre culturel suisse, Paris IIIe
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(Guernica),
Damien
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70ème ANNIVERSAIRE
600 ARTISTES CONTEMPORAINS - 1 000 ŒUVRES SOUS-VERRE
dont 400 petits formats « collectionneurs » 20x26 cm
Dessin de
La vie d’après
En donnant la parole à sept ex-otages, le reporter
MICHEL PEYRARD leur permet de reprendre la main
sur leur histoire et d’en révéler les non-dits.
Un documentaire bouleversant sur la résilience.
Vasarely
– Le partage Travis Strikes Again :
Tout ce qu’il me reste Retour à Reims des formes No More Heroes
de la révolution Sarkozy-Kadhafi : de Didier Eribon, Centre Switch
James Blake de Judith Davis des billets et des mise en scène Pompidou, Ce jeu d’action très
Assume Form La crise existentielle drolatique bombes Thomas Ostermeier, Paris IVe pop multiplie les
James Blake s’ouvre d’une jeune fille très politisée. Cinq journalistes Théâtre de la Ville Des hommages à la scène
au monde et propose Un premier film bouillonnant Joe DiMaggio d’investigation – Espace Cardin, compositions vidéoludique
un superbe album et féroce. de Jerome (dont Fabrice Arfi) Paris VIIIe géométriques indépendante
de pop moderne. Charyn et un dessinateur Ostermeier vise aujourd’hui à travers une mise
La légende racontent une à l’universel et crée reconsidérées. en scène travaillée.
du baseball affaire qui mêle un protocole
en héros argent, pouvoir et d’introspection qui
solitaire fou de morts suspectes. concerne chacun.
Marilyn Monroe.