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Novembre 2019 à Janvier 2020 - Terminator Dark Fate, Genndy Tartakovsky, Dark Crystal, The Boyz, Philippe Druillet...

PRIMAL
LE MAKING-OF DE LA NOUVELLE
SÉRIE DE GENNDY TARTAKOVSKY!

T H E B OYS
RENCONTRE AVEC LE SHOWRUNNER !

DARK CRYSTAL
ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC LOUIS LETERRIER

JAMES CAMERON « IS BACK » POUR SAUVER

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INTERVIEWS EXCLUSIVES AVEC

A R N O L D S C H WA R Z E N E G G E R ,
LINDA HAMILTON & MACKENZIE DAVIS !

ET AUSSI
> MARIANNE : RENCONTRE AVEC LE CRÉATEUR DE LA SÉRIE HORRIFIQUE DE NETFLIX
> GAME OF SVOD : LA GUERRE POUR LE CONSO-MATEUR
> PHILIPPE DRUILLET : CONVERSATION INTIME AVEC LE PRINCE DE LA POP CULTURE
> THE ETERNALS : CE QUI S’ÉVEILLE DANS L’ÉTERNEL
> KAZUKO SHIBUYA : LA MAMAN DE FINAL FANTASY
GEEK MAGAZINE / S10E03 / TRIMESTRIEL / NOVEMBRE 2019 À JANVIER 2020

Retrouvez les mésaventures du Super-Zéro sur Instagram : badgam_officiel

TOM & MOS
©

LES MACHINES, AMIES OU ENNEMIES ?

A
vec le retour de la franchise Terminator, c’est un véritable
dinosaure qui revient à la vie… ça aurait même pu s’appeler
Jurassic Terminator à ce stade ! En effet, on avait tous été
bien déçus par les derniers opus, qui n’avaient pas su re-
nouveler intelligemment le thème à l’origine du genre… D’où
une curiosité quasi irrépressible vis-à-vis du petit nouveau
qui pointe le bout de son nez sur tous les grands écrans,
presque en même temps que votre magazine !
Cameron parviendra-t-il à rendre son souffle à cette franchise my-
thique mais très très malmenée ?
Pour anticiper un peu et se préparer au mieux à ce qui s’annonce
comme un défi épique, nous sommes allés rencontrer Linda Hamil-
ton et Arnold Schwarzenegger pour recueillir leurs impressions et
leurs espoirs pour ce film.
Dans un registre tout à fait parallèle, nous n’avons pas pu résister à l’envie
de rencontrer Louis Leterrier pour qu’il nous raconte plus en détail son aven-
ture Dark Cristal. Si vous n’êtes pas encore allé jeter un œil (d’Aughra) sur ce
petit bijou, on ne peut que vous conseiller de vous laisser tenter !
Côté séries, nous avons été également interviewer les showrunners de
Marianne et de The Boys, mais aussi Genndy Tartakowsky et l’équipe du
Studio La Cachette pour Primal, ce qui nous a donné un joli panaché de
toutes les tendances novatrices de la culture pop du moment.
Côté jeux de rôles, nous nous sommes intéressés de près à AracKhan,
avant de passer côté BD avec Captain Biceps, puis côté jeux vidéo avec
une analyse en profondeur de la franchise Personna 5, avant de passer
prendre une mousse chez un prince de la pop culture, Philippe Druillet,
qui nous a tout expliqué quant à son parcours et surtout son retour à
la bande dessinée.
Bien sûr côté dossier de fond, il y a de quoi faire. Un dossier complet
sur la mythique série Evangelion qui vous permettra peut-être enfin de
comprendre cette saga, un petit tour par the Eternals pour se préparer
au meilleur comme au pire, un top 10 des crossovers les plus réussis à
la télévision, une rencontre avec l’APDM (l’agence pour la défense du
monde, rien que ça !), un dossier sur la conquête de l’espace vue par le
prisme du cinéma actuel, un point sur la guerre des plateformes à venir
pour bien choisir son bunker cosy, et enfin une visite qui vous entraîn-
era à la découverte d’une autre facette de Londres…
De quoi vous occuper en attendant la sortie du prochain numéro, non ?
May the Force live long and prosper
Olivier Oltramare

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION DISTRIBUTION MLP Tous droits réservés. À défaut d’indication

est édité par
73 rue Orfila / 75020 / Paris
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DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
Nicolas Forsans
RÉDACTEUR EN CHEF
Olivier Oltramare
ASSISTANT RÉDACTEUR EN CHEF
DIRECTEUR ARTISTIQUE
Christian Ung
CORRECTIONS
Martine Becker
Sylvain Nawrocki
GEEK TRIBE
Antonin Lacomme, Pascal Pinteau,
Sylvain Nawrocki, Marilys Vallet, Nazrie
Djedoui, John Prate, Florent Chastel,
Nathan Darmon, Mélissa Chevreuil,
Pierre-Éric Salard, Cyril Rolland, Alex
Nikolavitch, Marie Carbonnier, Louis
Petre, Rui Pascoal, Romain Caterdjan,
& Fabrice Fadiga
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directeur associé
Fabrice Régy :
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(numéro réservé aux diffuseurs
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merci à Philippe, Cécile D., Romain Y.,
Camille M., Nathalie D., Joël Y., Richard
B., Elisabeth P., Mathieu M. et Guillaume
S. et tous ceux qui nous ont permis
d’arriver à ce Geek Magazine 29
contraire, les textes, photographies,
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sont la propriété exclusive de la société
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P4/GEEK MAGAZINE/SOMMAIRE

Z-IN 20 TERMINATOR DARK FATE

28 PRIMAL
« We’re back ! »

6 à 17

36 ARACKHAN
L’art de Genndy Tartakovsky
DATAS / THÉORIES / MYTHOLOGEEK / CASUAL ADJUST

Z-OUT 40 THE BOYS

Venez découvrir le monde d’AracKhan

44 DARK CRYSTAL
Le passage du comics à la TV !

58

50 MARIANNE
GEEK HEAD Les secrets d’une préquelle exemplaire
LONE SLOANE

102
54 PERSONA 5
Entretien avec Samuel Bodin, le créateur de la série horrifique de Netflix !

TOURISME GEEK
LONDRES
Bas les masques

106 à 111
GUIDE CADEAUX !

112 à 125
64 EVANGELION
72 THE ETERNALS
Ultime Impact

REVIEWS
Les pépites qu’il ne fallait pas manquer

76 SMOKING SOFA
Ce qui s’éveille dans l’Éternel

126 à 129

80 J’AI PERDU MON CORPS

SUPER-HÉROS & COUR DE RÉCRÉ Du spectacle très vivant !
CAPTAIN BICEPS

84 CROSSOVER TV
Un conte fantastique réalisé de main de maître

Les crossovers les plus remarquables dans l’univers des séries TV

90 KAZUKO SHIBUYA
92 L’ULTIME FRONTIÈRE
La maman de Final Fantasy

98 GAME OF SVOD
Ce que les films sur l’espace racontent de nous

La guerre pour le conso-mateur

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NETFLIX
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MERCI À TOUS LES LECTEURS ET LES COLLABO-
RATEURS QUI ONT CONTRIBUÉ À CETTE FOLLE
AVENTURE. RENDEZ-VOUS DANS 10 ANS !
Avril - Mai 2017 - L’actu politique du monde vue par Mike Mignola, Pierre Bordage, Norman Spinrad, Usul...

Juin - Juillet 2017 - Robert Silverberg, les Wachowski, American Gods, Kingdom Death, Suda51, Geek-Art, V, geek contre-culture... DOM : 7 € - BEL/LUX : .7 € - CH : 11.70 FS – MAR : 75 dh - N CAL/S 900 cfp – POL/S 1000 cfp
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 P8 / GEEK MAGAZINE / DATA
TEX TES DE PIERRE-ERIC SAL ARD

CHRONOLOGIE DE LA LICENCE
STAR WARS SUR LES ÉCRANS
La saga Skywalker prenant fin en décembre, peu après la diffusion de The
Mandalorian, faisons le point sur toutes les productions cinématographiques
et télévisuelles issues de l’univers canon de la licence Star Wars.

ÉPISODE IV : UN NOUVEL ESPOIR (A NEW HOPE) ÉPISODE II – L’ATTAQUE DES CLONES
RÉALISATEUR / SCÉNARIO : George Lucas (ATTACK OF THE CLONES)
Il y a longtemps, dans une galaxie RÉALISATEUR : George Lucas
lointaine, très lointaine… SCÉNARIO : George Lucas & Jonathan Hales
Dark Vador n’aime pas le sable.
ÉPISODE V – L’EMPIRE CONTRE-ATTAQUE
(THE EMPIRE STRIKES BACK) STAR WARS: THE CLONE WARS
RÉALISATEUR : Irvin Kershner RÉALISATEUR : Dave Filoni
SCÉNARIO : George Lucas, Leigh Brackett SCÉNARIO : Henry Gilroy, Steven Melching et Scott Murphy.
& Lawrence Kasdan. PRODUCTION : Lucasfilm animation & Polygon Pictures.
L’Empire gagne, Vador est le père de DIFFUSEUR ORIGINAL : Cartoon Network, puis Netflix.
Luke et Star Wars obtient son iden- Suite au succès de Clone Wars, George Lucas décide de développer ce concept en
tité définitive. interne, et en images de synthèse. Il met ainsi sur pied Lucasfilm Animation, et super-
vise de près ce nouveau jouet. C’est la vision des premiers épisodes qui l’incite à les
remonter sous forme de long-métrage à exploiter sur grand écran. Le résultat n’est
malheureusement pas à la hauteur des attentes.
1977
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2000
2001
ÉPISODE I – LA MENACE FANTÔME
(THE PHANTOM MENACE)
RÉALISATEUR / SCÉNARIO : George Lucas STAR WARS: THE CLONE WARS
Toute saga a un commencement. SHOWRUNNER : Dave Filoni
C’est justement l’aube de la seconde SÉRIE D’ANIMATION 3D. SIX SAISONS POUR 121 ÉPISODES.
ère de la licence (même si les produits Si les aficionados rejettent majoritairement, dans un
dérivés ont entamé la renaissance de premier temps, cette série d’animation, The Clone
Star Wars dès 1992). Wars finira par conquérir les cœurs. Et Ahsoka Tano,
jeune apprentie d’Anakin, deviendra un personnage
emblématique de la licence. The Clone Wars marque
aussi l’essor de Dave Filoni, qui deviendra l’un des
personnages les plus importants de Lucasfilm.
ÉPISODE VI – LE RETOUR DU JEDI
(RETURN OF THE JEDI) ÉPISODE III – LA REVANCHE DES SITH (REVENGE OF THE SITH)
RÉALISATEUR : Richard Marquand RÉALISATEUR / SCÉNARIO : George Lucas
SCÉNARIO : George Lucas & Lawrence Kasdan George Lucas le promet : la saga, c’est fini. Il n’y aura plus
En quelques années, la saga passe de 10 à 12 à jamais d’autres films, l’histoire d’Anakin est terminée.
9 à 6 épisodes. Lucas n’en peut plus, et atten-
dra que la technologie ait suffisamment évolué
©
DR
pour concrétiser sa vision de la prélogie.

©
DR
 ÉPISODE VII – LE RÉVEIL DE LA FORCE SOLO : A STAR WARS STORY
(THE FORCE AWAKENS) RÉALISATEUR : Ron Howard.
RÉALISATEUR : J.J. Abrams. SCÉNARIO : Lawrence & Jon Kasdan.
SCÉNARIO : J.J. Abrams, Lawrence Kasdan et Michael Arndt. Sauvé de justesse en cours de production, ce film, sorti cinq mois après
Toute saga a un re-re-commencement (ou un semi-remake). l’Épisode VIII, ne rencontrera pas le succès escompté. Ce qui incitera
Lucasfilm à revoir ses plans, et tant mieux. De nombreux projets de films
ROGUE ONE: A STAR WARS STORY dérivés, consacrés à des personnages de la trilogie originale (Boba Fett,
RÉALISATEUR : Gareth Edwards. Obi-Wan…), sont ainsi abandonnés. Pour le meilleur. La nostalgie ne peut
SCÉNARIO : Chris Weitz et Tony Gilroy et Gary Whitta, d’après pas être l’unique moteur d’une licence.
une idée de John Knoll (ILM).
Si la production de ce premier film dérivé est chaotique, STAR WARS ROLL OUT (TOUJOURS EN COURS)
Rogue One se conclut sur une des plus belles batailles spa- Une série pour très jeunes enfants en animation de papiers décou-
tiales du grand écran. pés, où tous les personnages ont les formes de BB -8. Pourquoi pas ?

ÉPISODE VIII – LES DERNIERS JEDI (THE LAST JEDI)
RÉALISATEUR / SCÉNARIO : Rian Johnson
Rien à ajouter sur le réjouissant épisode qui divise les fans.
STAR WARS GALAXY OF ADVENTURES
COURTS MÉTRAGES D’ANIMATION. (TOUJOURS EN COURS)
PRODUCTION : Lucasfilm animation & Titmouse, Inc
Superbe série d’animation en 2D, Galaxy of
Adventures résume des scènes ou les aven-
tures des personnages de la saga de la plus
belle des manières. Un plaisir pour les yeux.
ÉPISODE IX – L’ASCENSION DE SKYWALKER (THE RISE OF SKYWALKER)
RÉALISATEUR : J.J. Abrams.
SCÉNARIO : J. J. Abrams et Chris Terrio.
42 ans plus tard, la fin définitive de la saga Skywalker. Un
retour aux sources avant d’explorer, enfin, de nouveaux ter-
ritoires narratifs.
STAR WARS: THE CLONE WARS S07
SHOWRUNNERS : Dave Filoni.
DIFFUSEUR : Disney+
Suite aux demandes incessantes des fans, une sep-
tième saison de The Clone Wars racontera en 12 épi-
sodes les derniers jours de la guerre des clones.

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DR
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2024
2025
...
CASSIAN ANDOR
SHOWRUNNERS : Stephen Schiff
DIFFUSEUR : Disney+
Cette préquelle à Rogue One, qui
contera les aventures de Cassian
STAR WARS FORCES DU DESTIN (FORCES OF DESTINY) (Diego Luna) et K-2SO (Alan
SHOWRUNNERS : Dave Filoni, Tudyk), offrira une belle occasion
Carrie Beck & Jennifer Muro de montrer les actes condam-
DESSIN ANIMÉ. DEUX SAISONS POUR 32 ÉPISODES. nables de la jeune Alliance
PRODUCTION : Lucasfilm Animation & Ghostbot. THE MANDALORIAN rebelle. Et de faire apparaître une
DIFFUSEUR ORIGINAL : YouTube. SHOWRUNNERS : Jon Favreau. tonne de personnages issus des
Cette série de très courts métrages d’anima- SÉRIE “LIVE”. UNE SAISON EN 10 ÉPISODES films ou des dessins animés.
tion (2D) met enfin les personnages féminins DIFFUSEUR : Disney+ (début 2020 en France).
de la saga à l’honneur. Il s’agit de conquérir un Pour mieux respirer au cinéma, la licence s’installe sur les petits écrans. Casting et
nouveau jeune public, et évidemment de lui équipe technique prestigieux, hommage à l’ambiance de la cantina de Mos Eisley de
vendre des jouets dédiés. 1977, un « homme sans nom » en antihéros d’une aventure se déroulant quelques
années après Le Retour du Jedi : tous les voyants sont au vert pour le fer de lance du
STAR WARS REBELS nouveau service de streaming Disney +.
SHOWRUNNER : Dave Filoni
SÉRIE D’ANIMATION 3D. 4 SAISONS POUR 75 ÉPISODES. STAR WARS RESISTANCE
PRODUCTION : Lucasfilm Animation. SHOWRUNNERS : Brandon Auman, Justin Ridge & Athena Portillo.
DIFFUSEUR ORIGINAL : Disney XD. SÉRIE D’ANIMATION 3D. DEUX SAISONS POUR 20 À 40 ÉPISODES.
Injustement boudée à sa sortie, Rebels finira elle aussi PRODUCTION : Lucasfilm animation & Polygon Pictures.
par conquérir les cœurs d’une partie des fans. Elle se Sous l’impulsion de Dave Filoni, la première saison de Resistance met en lumière les der-
permettra d’ailleurs un exercice de cross-média, avec niers mois de la Nouvelle République, et se termine en parallèle des Épisodes VII et VIII. La
Rogue One, particulièrement réjouissant. seconde saison fait la jonction avec L’Ascension de Skywalker.
P10 / GEEK MAGAZINE / PÉPITE
PROPOS RECUEILLIS DE ANTONIN L ACOMME

UN DUO
©
DAIKI KOBAYASHI /
SQUARE ENIX CO., LTD.
INFERNAL
Des dragons, des combats titanesques, des pouvoirs incommensurables, une humanité
à sauver, voilà une trame bien connue que le jeune Daiki Kobayashi a pourtant réussi à
assaisonner à sa sauce pour lui donner un entrain, une dynamique et surtout beaucoup de
surprises inattendues ! Ragna Crimson offre une dark fantasy qui casse autant les codes du
genre qu’il emprunte quelques tics à la science-fiction, et son mangaka a bien voulu nous en
dire plus sur les prémisses lors de son passage sur Japan expo.

GEEK MAGAZINE : Quelles ont été les influences qui vous ont
aidé à créer le monde de Ragna Crimson  ?
DAIKI KOBAYASHI : J’ai d’abord tiré des leçons de mes précédentes séries
Skyblue et Satsui no Senki où j’avais tendance à passer trop de temps à
introduire le contexte avant les affrontements, c’est pourquoi je voulais
des ennemis clairement identifiables dès le départ par le lecteur pour
gagner du temps. Je souhaitais aussi quitter les univers contemporains
pour de la fantasy, alors j’étais parti sur des vampires au départ. Mais
il y avait déjà trop de séries qui en usaient, alors en apprenant l’étymo-
logie du mot Dracula, l’enfant du dragon, que j’y ai vu un lien et c’est
ce qui m’a donné l’idée de donner à mes dragons des spécificités de
vampires ! Côté références graphiques, les jeux Monster Hunter ont eu
une grande influence sur mon travail. La documentation à disposition
était énorme et m’a beaucoup servi ! Enfin, je voulais faire une série où
les personnages devaient tuer pour survivre et vu que quand je dessine
des combats, j’ai tendance à faire mourir des gens (rires), alors du coup
mes histoires deviennent vite très sombres et Ragna Crimson est alors
devenu un manga de dark fantasy !
Peut-on encore arriver à surprendre en faisant un shonen manga
après autant de séries et de codes imposés ?
J’ai toujours cherché dans mes histoires à me surprendre moi-même
et à ne pas suivre les chemins habituels tout tracés ! Je n’aime pas
trop les stéréotypes, je devine trop souvent ce qui va se passer avant
de tourner la page d’un manga, alors j’essaye d’éviter cette sensa-
mode, l’isekai, mais avec un héros qui récupère par un dieu des pou-
voirs super-puissants dès le début de l’histoire. Mais je n’aime pas
l’idée de devenir fort grâce à un pouvoir que l’on a reçu. En réfléchis-
sant à tout ça, j’ai vu la diffusion de l’animé Steins;Gate, où à la fin le
héros va développer une machine pour remonter dans le temps et faire
des recherches pour réussir à sauver l’héroïne en retournant dans le
temps et en donnant sa connaissance à lui-même. Là je me suis dit, et
si on faisait ça tout au début de la série, dès le premier chapitre, pour
créer un véritable climax dès le départ, cela donnerait un démarrage
très intéressant à l’histoire ! C’est ce qui a fait que Ragna Crimson est
une espèce de mélange entre de la fantasy et de la SF.
« J’ai toujours cherché dans mes histoires à
me surprendre moi-même et à ne pas suivre
les chemins habituels tout tracés !» - Daiki Kobayashi
SQUARE ENIX CO., LTD.

tion de déjà-vu en créant des dialogues et des situations inatten-

DAIKI KOBAYASHI /

dues qui tranchent de l’ordinaire en piochant dans ce qui m’a déjà

plu. L’arc Chimera ants d’Hunter x hunter m’a beaucoup influencé
avec sa façon de gérer la confrontation, l’animé Stain Gates m’a in-
trigué pour son final avec un retour dans le passé, que j’ai préféré
Ragna Crimson
utiliser dès le début de l’histoire pour créer un véritable climax et
©

prendre le lecteur rapidement à contrepied. Enfin, pour m’éloigner

des stéréotypes du genre, Nobunaga, le personnage pas très gentil
et très manipulateur du manga Drifters m’a donné l’idée de Crim-
son, un personnage sur lequel on ne peut pas trop compter et qui est
générateur de beaucoup d’effets de surprise !
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer un saut temporel au début de l’histoire,
ce qui est très original pour de la fantasy ?
De base je suis plutôt fan de science-fiction et lors d’une rencontre
avec mon éditeur, nous discutions d’un projet dans un genre très à la
Le duo Ragna et Crimson, deux personnages que tout oppose,
pourra-t-il tenir tout le long de l’aventure ?
S’associer avec son pire ennemi pour arriver à ses fins, est aussi le meil-
leur moyen pour apprendre à le connaître et au final, à l’apprécier ! Ragna
et Crimson vont développer un lien très particulier, un certain attachement
même, et vu qu’au départ Crimson a ce désir d’être tué, qui est à la base de
leur association, et encore plus si une grande amitié et compréhension nait
entre eux, Ragna fera tout pour exaucer le vœu de son partenaire. C’est ce
respect de l’autre, qu’importe les choix pris, qui est au cœur de leur amitié !
P12 / GEEK MAGAZINE / MY THOLOGEEK
TEX TE DE NA ZRIE DJEDOUI 

Dark Crystal (1982) ©

DR

DA R K
C RYSTA L
Il est de ces films qui marquent toute une génération d’enfants, des voyages initiatiques divers comme peuvent
l’être Star Wars, l’Histoire sans fin, Le Seigneur des anneaux, ou encore Harry Potter. Des films qui marquent à

la fois les enfants mais aussi les adultes. Proposant un panel de personnages et d’enjeux suffisamment forts

et captivants pour que les personnes de tous âges se laissent happer par le récit d’aventures passionnantes.

C’est ce qu’a fait Dark Cr ystal, mais il l’a fait un peu dif féremment des autres, et a ainsi façonné

un nouveau genre dans le cinéma pour enfants des années 80.

Retour sur le film qui a initié la série Netflix.

L a ge n è s e d e D a rk C ryst a l Contrairement à ce à quoi nous assistons cinématographiquement

©
DR aujourd’hui, Dark Crystal est une œuvre originale. Le scénario n’est nul-
lement tiré d’un livre, d’un personnage, ou d’un jeu vidéo (plus compli-
qué à l’époque). Il s’agit bien là d’un propriété intellectuelle originale.
Jim Henson, le papa de Kermit la grenouille, fut avivé par une illustra-
tion de Leonard Lubin pour le poème Pig-Tale de Lewis Carol. Plus tard,
en février 78, bloqué dans l’aéroport JFK pour cause de blizzard, il écrira
ce qui deviendra Dark Crystal.
Le pitch de Dark Crystal n’a pourtant rien de nouveau, un héros, une
tournée, des rencontres au fil de son aventure. Un voyage initiatique
©
DR comme il en existe des cen-
taines. Cependant, outre le fait
que ce soit le tout premier film
dont le casting est uniquement
composé de marionnettes
(mais nous y reviendrons),
l’univers créé par Jim Hen-
son est bien ce qui va dénoter
du reste de ce qu’on définira
comme la Dark Fantasy.
Les ressemblances avec le
voyage initiatique de Luke
dans Star Wars et le nombre
hallucinant de créatures qu’il
rencontrera, sont évidentes.
Jim Henson avec le casting Ceci provenant potentielle-
au complet de Dark Crystal ment de la participation de
P14 / GEEK MAGAZINE / MY THOLOGEEK
Dark Crystal (1982)
Franck Oz (Yoda en personne) et Gary Kurtz (producteur de Star
Wars jusqu’à L’empire contre-attaque) qui avait renforcé l’aspect
sombre et symbolique de Star Wars.
Et c’est là toute la différence avec les films pour enfants de cette
époque, ce côté sombre. Outre le message autour de la notion d’équi-
libre intérieur, de point de vue non manichéen ou encore d’inter-
connexion Homme/Nature, Jim Henson voulait se rapprocher des
contes originels de Grimm.
Insufflant ainsi à son film un symbolisme sombre, et initiant des films
tels que L’Histoire sans fin, Willow ou encore Labyrinthe. Conte macabre
pour enfants curieux.
Numérologie et contes – Le symbolisme dans Dark Crystal
©
DR
Dark Crystal (1982)
Jim Henson voulait donc se rapprocher des contes de Grimm, sombres
et terrifiants, souhaitant ainsi provoquer la peur chez les enfants. Ne
laissant jamais de côté les notions de dualité mais aussi de complé-
mentarité, que ce soit à travers les personnages mais aussi le Crystal
lui-même, qui peut représenter à la fois la vie et la mort de Thra.
Cependant, le conte n’est pas la seule institution que Jim Henson
inclut dans son film. De nombreuses notions de numérologie inhérente
à la signification des chiffres ou à une part religieuse y sont présentes.
Ainsi le chiffre trois – qui est le nombre de soleils présents à Thra, mais
aussi le nombre de personnages dans la série – représente l’ambiva-
lence de chacun, à la fois symbole de créativité, de sensibilité, de com-
munication, mais aussi d’arrogance, de superficialité ou de dispersion.
Le chiffre 10, qui représente le nombre de survivants de chacune des
espèces, les Skekses et les Mystiques, représente la positivité, la pen-
sée comme un facteur influençant, la fameuse positive attitude, dont
notre héros Jen aura grandement besoin. Mais le chiffre 10 est aussi
le nombre de commandements qu’il faut suivre dans la religion catho-
lique afin d’accéder au paradis, le nombre de personnes pour ouvrir
une synagogue dans la religion juive, mais aussi la fin d’un cycle chez
les mayas. Le chiffres 10 est donc à la fois le début et la fin.
©
DR
Pour finir, les horribles Skekses, à la fois reptiles, rapaces et dragons,
sont la représentation des 7 péchés capitaux (dont certains sont dou-
blés pour atteindre le chiffre 10).
Outre la peur que Jim Henson a voulu insuffler dans son film, il n’a pas
oublié d’y glisser une bonne dose de symbolisme. Tout ça représenté
par des marionnettes…
L’art du marionnettiste et le futur de Dark Crystal
©
DR
Dark Crystal (1982)
Jim Henson est particulièrement connu comme le papa du Muppets show,
quant à son acolyte Franck Oz, il n’est autre que l’homme derrière Yoda.
Ensemble ils décidèrent de créer un film mettant uniquement en
scène des marionnettes. De nombreux films avaient déjà utilisé des
marionnettes, mais aucun d’entre eux n’avait fait d’elles les seuls et
uniques protagonistes.
Mais après 5 ans de travail, allant de maquettes en créatures à taille
réelle, Dark Crystal a vu le jour. Et ce fut une consécration critique plus
que publique. C’est ainsi que le film remporta le grand prix au festival
du film fantastique d’Avoriaz, mais aussi au festival de Madrid, sans
oublier le Saturn Award du film fantasy. Une vraie reconnaissance de
ses pairs pour ainsi dire.
Et pendant plus de 3 décennies l’aventure s’arrêta là… Jusqu’au
30 août 2019 où la plateforme Netflix commanda son propre
prequel. Réalisé par Louis Letterier, connu pour des films assez
médiocres tels que l’Incroyable Hulk ou encore Le Transporteur.
Cependant, il livre un film tellement fidèle à l’œuvre originelle que
personne ne lui en veut maintenant pour ses choix passés.
L’idée du prequel fait toujours un peu peur, puisque tout le monde
connaît la fin, mais Louis s’en sort à travers tout un panel de person-
nages et de créatures, tous plus intéressants les uns que les autres.
Une façon de faire découvrir l’œuvre à une toute nouvelle génération.
À travers son film et la série qui en découle, Jim Henson a réussi à
transformer une œuvre mettant en scène des marionnettes relative-
ment terrifiantes en un conte macabre pour toutes les générations.
 Suite et fi n
Tome 3 disponible au rayon BD
le 6 novembre
© Editions Glénat 2019
P16 / GEEK MAGAZINE / CASUAL ADJUST
TEX TE DE NA ZRIE DJEDOUI 

ADAPTATION AMÉRICAINE
©
DR ©
DR
DE FILMS ASIATIQUES
QUAND LES COW-BOYS PARTENT À LA CONQUÊTE DE L’EST

Depuis maintenant environ une soixantaine d’années, le cinéma américain n’a de cesse de produire de

nouvelles adaptations de films asiatiques. Qu’il s’agisse de réécriture ou de toutes nouvelles adaptations, ces

œuvres envahissent le paysage cinématographique occidental, à travers le cinéma d’horreur, le western ou

encore le thriller. Cependant, il existe un véritable écart culturel entre l’Orient et l’Occident, des enjeux et des

principes complètement différents. Mais ces disparités culturelles n’amènent-elles pas, dans une certaine

mesure, à une perte d’âme, ou encore de convictions, dans les adaptations américaines ?

Partition et explosion - Le poids de l’histoire
« Découverts » en 1492, les États-Unis représentent aujourd’hui la
plus grande puissance mondiale. Cependant, ce pays, particulière-
ment jeune (si l’on ne prend en considération son histoire que depuis
l’arrivé des colons), n’a pas de réel bagage culturel ou encore histo-
rique, autre qu’une conquête de territoire (la fameuse Conquête de
l’Ouest pour ne citer qu’elle).
Les pays du soleil levant sont quant à eux empreints d’histoire, de
traumatismes, dont certains dûs aux États-Unis. On peut en ce sens
citer les attaques menées sur Nagasaki et Hiroshima, ou encore la
guerre contre la Corée.
Avec un tel poids du passé, on peut ainsi se dire que les enjeux cultu-
rels, historiques et politiques de ces pays sont particulièrement forts et
illustrés aussi dans leur cinéma.
La représentation cinématographique la plus forte quant à cette exor-
cisation d’une histoire traumatisante, est Godzilla, qui occupe une place
très différente dans le cinéma occidental que celle qu’elle occupe dans
l’histoire du Japon. Apparu en 1954, il est la personnification du trauma-
tisme causé par les bombes nucléaires lancées sur le Japon, le monstre
représente à lui tout seul un message de paix, de peur et d’écologie.
Cependant ce message perd clairement de sa valeur dans les réécritures
américaines. Bien que rondement menés pour certaines adaptations,
ces films ne portent pas le poids d’une nation abîmée par son histoire.
Mais ce n’est pas tout, à travers un film comme les 7 Samouraïs d’Akira
Kurosawa, le Japon semble vouloir se remémorer que face aux bandits,
l’union fait la force. Sorti la même année que Godzilla il sera non pas
une exorcisation d’un traumatisme mais bien un message de rébellion
quant à l’ordre établi. La version western américaine se voudra une
réappropriation de l’œuvre. Mais nous y reviendrons plus tard…
Du soleil levant au soleil couchant – La différence culturelle
Ce qui semble particulièrement dissocier les pays asiatiques des pays
occidentaux réside dans la notion d’honneur, ou plutôt, la place faite
au déshonneur.
Malheureusement, c’est une notion que nous, Occidentaux, ne possé-
dons pas, et cela se ressent dans certaines réécritures faites du cinéma
asiatique. Comme figure de proue, Old Boy, film coréen réalisé par Park
Chan-Wook, sorti en 2003. Empreint de sujets lourds tels que l’inceste,
les organisations criminelles, le poids de la culpabilité et l’abandon de
la vengeance, Old Boy est un chef-d’œuvre du cinéma coréen. Cepen-
dant, son adaptation américaine, pourtant réalisée par Spike Lee et
comptant de grands noms au casting, tels que Josh Brolin ou encore
Samuel L. Jackson, n’arrivera pas à la cheville du film de 2003. Outre
sa dissociation très forte de l’œuvre originale, le film peine à exister et
manque de cohérence. La faute à une culture trop différente ?
Outre la notion d’honneur, l’Asie regorge de légendes urbaines terri-
fiantes, mais surtout d’une façon différente de faire peur. Leur grande
force réside dans le fait de pénétrer dans notre zone occidentale de
confort, que ce soit avec des esprits aux longs cheveux qui montent
dans notre lit, ou encore qui nous embêtent pendant qu’on se lave.
Le cinéma de genre asiatique regorge de petites pépites mais aussi
d’œuvres particulièrement longues et trop éloignées de notre culture.
Bien que tentant inlassablement, à travers des films comme The
Grudge, Pulse et encore The Uninvited de se réapproprier l’intégralité
d’une œuvre, une partie de son âme semble inlassablement s’accro-
cher à son pays d’origine, sans parvenir à traverser l’océan.
Faire table rase – La réappropriation de l’œuvre
Finalement, est-ce que la meilleure façon de reprendre un film asia-
tique ne serait pas une complète réappropriation de l’œuvre ? Sans
référence au pays d’origine et en y incluant les enjeux occidentaux,
le scénario ne serait qu’un fil d’Ariane, créant ainsi deux œuvres,
deux entités complètement distinctes, et tout aussi complètes
l’une que l’autre.
Nous avons parlé de The Magnificent Seven, qui prend comme base
les 7 Samouraïs, le transformant en western avec tous les codes inhé-
rents au genre. L’exemple d’une réécriture réussie est d’autant plus
transcendante avec Infernal Affairs et The Departed. Chacune des ver-
sions de ce film a su s’ancrer dans la culture de chacun des deux pays.
Le film hongkongais, plus court, va à l’essentiel, sans laisser tomber
toute la poésie inhérente au cinéma asiatique, The Departed, plus long,
plus intense, plus dur, plus américain est son adaptation parfaite.
Le film The Ring a tenté cette réécriture, et bien qu’il y parvienne
dans l’ensemble, il paraît laisser de côté des éléments un peu trop
essentiels à l’histoire.
Et enfin, il y a les tentatives qui semblent tellement scandaleuses
qu’elles n’auraient pas dû exister.
On a déjà parlé d’Old Boy, mais il n’est pas le seul. Spirits, remake amé-
ricain de Shutter se veut plus glossy (se déroulant au Japon plutôt qu’en
Thaïlande), plus politiquement correct tout comme l’a fait le Old Boy de
Spike Lee, et bien moins angoissant, n’apportant ainsi rien à œuvre d’ori-
gine ou au cinéma de genre. Un énième remake sans intérêt.
Bien qu’ayant deux cultures différentes, l’Orient et l’Occident n’ont de
cesse de tenter d’être compatibles et de se comprendre. Le cinéma est
cette représentation de tentative de communication, et comme pour
tout dialogue, parfois, il peut manquer de fluidité.
GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW
18

BEAUTIFUL
FREAK SHOW

20 36
©
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE ©
ARACKHAN

58 28
©
ÉDITIONS GLÉNAT – 2019 ©
ADULT SWIM
 19

Cette rubrique est consacrée aux monstres sacrés qui font l’actualité
de l’univers geek. À travers des rencontres et des enquêtes expertes,
découvrez les facettes cachées des grands mythes du Geekovers !

20 TERMINATOR DARK FATE

« We’re back ! »

28 PRIMAL
L’art de Genndy Tartakovsky

40
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AMAZON PRIME

36 ARACKHAN
Venez découvrir le monde d’AracKhan

40 THE BOYS
Le passage du comics à la TV !

44 DARK CRYSTAL
Les secrets d’une préquelle exemplaire

44 MARIANNE
©
NETFLIX

50
Entretien avec Samuel Bodin, le créateur de la série horrifique de Netflix !

54 PERSONA 5
Bas les masques

58 GEEK HEAD
Lone Sloane

50
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NETFLIX

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ATLUS. ©SEGA. ALL RIGHTS RESERVED. SUBLICENSED TO

54 AND PUBLISHED BY DEEP SILVER, A DIVISION OF KOCH MEDIA, AUSTRIA.

Terminator Dark Fate (2019)
Slowwalk : Natalia Reyes, Mackenzie Davis et Linda Hamilton

« WE’RE BACK ! »
TERMINATOR DARK FATE 
James Cameron, Linda Hamilton et Arnold Schwarzenegger sont de retour
dans la suite directe de Terminator 2, produite et co-écrite par Cameron,
et réalisée par Tim « Deadpool » Miller. Geek Magazine a rencontré les
stars iconiques et les nouveaux visages de la saga.

Propos recueillis et traduits par PASCAL PINTEAU

©
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE

Linda Hamilton
l aura fallu
patienter 28 ans
I pour découvrir
le vrai 3e épisode
de Terminator
écrit et conçu par Cameron,
qui attendait depuis 1991 que
les droits de la saga lui soient
restitués. Mais ce long délai a
profité au film, car les progrès
technologiques annoncés dans
les deux premiers volets sont
devenus bien réels en 2019,
tels le cloud informatique ou
l’intelligence artificielle qui
contrôle sans pilotage humain
des données aussi sensibles
que les opérations boursières.
Bref, un contexte dans lequel un
vrai Skynet pourrait voir le jour,
presque idéal pour découvrir
les conséquences des décisions
prises par Sarah Connor à la fin
2019 PAR. PICS.
©
de T2. Nous avons parlé de tout « Je n’ai jamais imaginé un seul
cela avec Linda Hamilton, aussi
chaleureuse que Sarah Connor
est implacable, avec Arnold
instant que je la retrouverais, et
Schwarzenegger, toujours d’ailleurs, je n’en avais pas particu-
aussi charismatique à 72 ans,
avec Mackenzie Davis, nouvelle lièrement envie... » - Linda Hamilton
guerrière venue du futur, et avec
Gabriel Luna, terrifiant dans le
rôle du Terminator Rev-9.
ENTRETIEN AVEC
LINDA HAMILTON
(SARAH CONNOR)
Vous voilà de retour dans le rôle
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
iconique de Sarah Connor…
LINDA HAMILTON : Oui. Je
n’avais aucune intention de
l’incarner à nouveau après la
sortie de Terminator 2, parce
qu’à ce moment-là, j’avais le
Linda Hamilton fait ses courses
sentiment d’avoir tout dit et
©

ENTRETIEN AVEC ARNOLD SCHWARZENEGGER
©
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
ous ne pouvez rien révéler sur
votre rôle dans Terminator
V Dark Fate, alors parlons de
votre carrière. Vous avez
musclé vos capacités d’acteur
en choisissant des rôles dans différents
registres, parfois plus dramatiques, ou dans
des comédies, mais peu de réalisateurs
vous comprennent aussi bien que James
Cameron. Il a su vous faire jouer un méchant
inoubliable dans Terminator, puis il a surpris
les spectateurs en vous transformant en
héros dans Terminator 2, sans oublier
True Lies, dans lequel il vous a réinventé
en espion drôle et sophistiqué. Comment
décririez-vous votre relation avec lui ?
ARNOLD SCHWARZENEGGER : James me
connaît probablement mieux que quiconque parce
que nous nous voyons très souvent à titre amical,
en dehors du travail. Nous faisons des virées à moto
ensemble certains dimanches. Nous allons voir des
films ensemble et nous parlons de cinéma. Et je
viens toujours lui rendre visite sur ses tournages, où
qu’ils aient lieu. Je l’ai vu tourner Titanic au Mexique,
puis Avatar en Nouvelle-Zélande. Il vient aussi me
rendre visite chez moi, et moi chez lui, et nous nous
invitons aussi à chacune de nos soirées entre amis.
Nous avons une relation privilégiée, et nous nous
connaissons si bien que quand il me donne une
indication de jeu sur le plateau ou qu’il dirige une
scène, il n’a pas à se soucier de me froisser ou quoi
que ce soit de ce style-là, car nous avons dépassé
ce genre de choses depuis longtemps. Nous nous
comprenons vite et nous faisons ce qui doit être
fait pour que tout fonctionne bien, c’est le premier
avantage de cette complicité. Le deuxième, c’est que
Jim connaît énormément de choses différentes. Il
comprend ce que vous pouvez faire physiquement,
il connaît vos points forts, et à partir de quel moment
il vaut mieux faire intervenir une doublure cascade
pour assurer votre sécurité ou recourir à des effets
visuels pour dissimuler les machineries qui vont
vous aider à accomplir une action difficile. Il maîtrise
si bien tout cela qu’il sait comment vous mettre le
plus possible en valeur. Et comme vous parliez de
True Lies, je dois préciser que réaliser une comédie
d’espionnage était un défi à relever pour lui aussi,
car comme Jim le dit lui-même, la drôlerie n’est pas
vraiment l’un de ses points forts. Je crois savoir que
quand il était enfant, il n’avait absolument aucun sens
de l’humour ! (Rires) Je lui dis souvent « Au fond,
tu es un exemple type de scientifique : tu multiplies
les recherches d’informations sur les sujets qui te
passionnent dans l’idée d’en faire des films, parce
que tu es un fondu de science, un vrai geek ! »
Mais il a su trouver les moyens de rendre True Lies
très amusant, et aussi de me mettre en scène pour
que je puisse être drôle malgré mon image de dur
à cuire. Ce n’était pas évident, car s’il avait pris
de mauvaises décisions, le résultat aurait pu être
terrible. Mais comme j’avais déjà joué dans plusieurs
comédies auparavant, je me sentais en mesure de le
23
« Si vous repensez à ce
qui existait en 1984 et en
1991, une grande partie de
ce que James annonçait
et qui était encore de la
science-fiction est devenu
notre réalité. » - Arnold Schwarzenegger
conseiller. C’était la première fois que quelqu’un l’a
mis sur la bonne voie pour aborder la comédie, lui
a montré comment être amusant et comment faire
fonctionner cela pour le bien du film. On l’a un peu
oublié, mais le premier film dans lequel j’ai joué et
qui a dépassé les 100 millions de dollars de recettes
aux USA était une comédie : Les Jumeaux, en 1988.
Ce n’était ni Predator, ni Commando, ni Terminator.
Et Un Flic à la Maternelle a connu un grand succès
aussi en 1990. Donc quand j’ai joué dans True Lies
en 1994, la comédie n’était plus une nouveauté pour
moi. La raison pour laquelle je mentionne cela, c’est
que parmi les autres réalisateurs qui me connaissent
et me comprennent très bien, il y a Ivan Reitman,
qui a dirigé ces comédies ainsi que Junior, et Paul
Verhoeven, qui avait déjà une longue expérience
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW TERMINATOR DARK FATE
24
La première qui rira... aura une tapette...
« Cette nouvelle histoire allait prendre mon
âge en compte, et j’en étais ravie. Dans ce
film, quand je me retrouve à terre, je mets
plus de temps à me relever. » - Linda Hamilton
qu’une reprise ultérieure du rôle
n’aurait plus beaucoup d’inté-
rêt. Terminator 2 était efficace.
Après cette deuxième appari-
tion en tant que Sarah, je me
disais « Je ne veux surtout pas
nuire à ce personnage. Mieux
vaut cesser de la jouer quand
on est au sommet, et la quitter
en championne. » Je n’ai jamais
imaginé un seul instant que je
la retrouverais, et d’ailleurs, je
n’en avais pas particulièrement
envie, parce que c’est difficile
d’incarner cette femme, c’est
douloureux. Elle vit en enfer.
Ce n’est pas tant cet aspect-là
qui me rebutait, mais surtout le
sentiment de n’avoir plus rien
à jouer de nouveau pour faire
vivre ce personnage. Cependant
je n’avais pas encore réfléchi
à ce qui avait pu lui arriver
depuis toutes ces années. Ce
n’est qu’au moment où Jim
a commencé à me parler de
ce projet que j’ai réagi en lui
disant ‘Laisse-moi y songer
pendant un petit moment. Que
pourrait-on dire de plus ?’ Et en
prenant le temps d’y penser, je
me suis rendu compte que le
simple fait que 27 ans se soient
écoulés allait nous donner
l’opportunité de construire une
histoire intérieure passionnante
pour cette femme, qui ne serait
pas une répétition de ce que
l’on a vu auparavant parce que
certains éléments ont changé,
et parce que les événements
qui ont eu lieu depuis ont eu
un impact très important sur
sa personnalité, suffisant pour
que l’on se demande qui elle
est devenue à présent. Et tout
cela a piqué ma curiosité. Sarah
n’est plus le même personnage,
tout comme je ne suis plus la
même femme qui l’a jouée il y
a presque trois décennies de
cela. C’était très intéressant, et
cela m’a amenée à me deman-
der « Comment une femme de
mon âge agirait-elle dans ce
contexte ? » Cette nouvelle his-
toire allait prendre mon âge en
compte, et j’en étais ravie. Dans
ce film, quand je me retrouve à
terre, je mets plus de temps à
me relever. Les années qui ont
passé sont une bénédiction
©
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
pour ce récit, pour nous aider
à décrire de manière encore
plus crédible une vraie femme
de mon âge. Bien sûr, elle est
toujours forte et aussi détermi-
née, et elle continue à se relever
après chaque combat, mais
juste un peu plus lentement. Et
tout cela est merveilleux à jouer
pour une actrice, toute l’ampli-
tude de l’expérience humaine.
Qu’a fait Sarah Connor pen-
dant toutes ces années ?
Comment se débrouille-t-elle
pour vivre quand elle n’est
pas occupée à détruire des
machines tueuses ?
Très bonne question. Elle boit
chaque soir pour trouver le
sommeil. C’est une femme qui
n’a plus de pays, qui n’a plus de
mission à mener, et qui vit en
marginale, en dehors du sys-
tème. Elle ne peut pas travailler
normalement parce qu’elle
devrait indiquer son numéro
de sécurité sociale, ni appa-
raître en public, parce qu’elle
figure toujours sur la liste des
individus les plus recherchés
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
©
en Amérique, et que tous les
services de police essaient de
retrouver sa piste. Elle vit donc
en dehors de tout, s’entraîne
pour rester en bonne forme
physique, se débrouille pour se
procurer des armes, entretient
certains contacts avec des gens
qu’elle essaie de convaincre
que ce qu’elle raconte est bien
réel. J’ai toujours trouvé des
similitudes entre la première
Sarah Connor et Marie, la mère
de Jésus. La Marie qui donne
naissance au sauveur de l’hu-
manité, pardon de faire de telles
références à la Bible, mais c’est
la seule comparaison qui me
semble évidente. Ensuite, dans
Terminator 2, la deuxième Sarah
ressemble à Saint Jean le Bap-
tiste. Une voix qui s’élève dans
la nature sauvage, pour essayer
d’avertir les gens de ce qui va
se produire, et qui semble tenir
des propos complètement fous.
Dans ce film, la troisième Sarah
est comme Lazare, elle a été
comme morte, mais elle revient
malgré tout pour se battre
encore. Voilà mes idées sur

et qui m’a très bien dirigé dans Total Recall. J’ai eu
la chance de travailler avec plusieurs réalisateurs
vraiment excellents.
Les deux premiers Terminator et ce nouveau
volet ont été tournés à des époques où les
gouvernements en place aux USA ne prenaient
pas des mesures fortes pour traiter les grands
problèmes sociaux et les revendications des
femmes. Le contexte social de ce nouvel
épisode – les immigrants mexicains qui
franchissent la frontière, les femmes, la
situation raciale tendue en Amérique – fait-il
partie des raisons pour lesquelles vous avez
décidé de reprendre ce rôle ?
Non, mais je comprends très bien que différentes
personnes puissent avoir des interprétations
différentes du film. Si vous êtes une femme, vous
avez un point de vue particulier. Idem si vous voyez
Dark Fate sous l’angle de la politique, ou si vous
l’analysez en tant que critique cinématographique, ou
si vous l’observez pour décortiquer ses effets visuels
quand vous travaillez dans cette branche de l’industrie
à Hollywood. Chacun a sa manière de recevoir et de
juger les différents aspects d’un film. Pour ma part, et
je crois que c’est aussi le cas pour James Cameron,
ENTRETIEN AVEC MACKENZIE DAVIS / GRACE
omment décririez-vous
votre personnage ?
C MACKENZIE DAVIS : Grace est
une guerrière qui arrive du futur
pour protéger la nouvelle cible des
machines, Dani Ramos, que joue Natalia Reyes.
Grace a été « augmentée » cybernétiquement pour
être capable de prouesses physiques. Mais elle est
humaine et a gardé sa mémoire et ses émotions.
Juste avant Terminator Dark Fate, vous aviez
joué dans Blade Runner 2049. Deux œuvres de
SF avec des personnages féminins puissants…
Oui, je suis attirée par ce genre de rôles. La série Halt
and Catch Fire, consacrée à l’émergence des nouvelles
sociétés d’informatique dans les années 80, m’a
donné de la visibilité et a incité les producteurs à
m’envoyer des projets autour de la technologie et de
l’anticipation. Je crois que si l’on trouve des héroïnes
fortes et des personnages issus des minorités dans
la SF, c’est parce que dans ces mondes, on n’est plus
contraint par les limites de la société actuelle, ni par
des modes de pensée étriqués.
La séquence du combat sur l’autoroute
entre Grace et le Rev-9 est spectaculaire.
Combien de temps avez-vous dû répéter cette
chorégraphie très précise ?
Nous sommes d’abord passés par un mois
d’entraînement et de préproduction avant d’aller tourner
cette scène en Espagne. J’ai commencé par m’entraîner
à lancer des javelots à ce moment-là…
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
©
les deux premiers Terminator et Terminator Dark Fate
sont simplement des films d’action et d’aventure qui
prédisaient de manière extrêmement juste ce qui allait
arriver dans le futur grâce au développement des
technologies. Si vous repensez à ce qui existait en
1984 et en 1991, une grande partie de ce que James
annonçait et qui était encore de la science-fiction
est devenu notre réalité. C’est l’incroyable qualité de
l’écriture de James, la manière remarquable dont il
s’est documenté sur l’évolution des technologies, et
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
©
Pour préparer le moment où votre personnage
lance des tiges de fer sur le Rev-9 et le cloue
sur le siège du camion…
Oui. Et j’ai appris aussi les postures de combat
complexes qu’il fallait adopter. Pendant le tournage,
même si nous avions déjà répété les différentes actions,
la chorégraphie évoluait constamment pour affiner le
résultat. Il arrivait souvent qu’après une journée entière
d’exercice matinaux, de maquillage et de tournage, nous
devions participer en soirée à une répétition de cascade
pour apprendre pendant une heure les chorégraphies
des scènes du lendemain. Donc je dirais que cette
scène a nécessité 4 à 5 semaines de préparation, puis
des entraînements constants et des retouches pour
améliorer le rendu des combats.
25
sa parfaite connaissance de l’univers de la science-
fiction, qui est responsable du succès de cette saga.
Aimeriez-vous travailler
encore avec Linda Hamilton ?
Ce serait génial. Dans le cas de ce film, il était vraiment
important que tout le monde soit de retour. Comme
James le disait au tout début de nos conversations
à propos de Terminator Dark Fate : « Il faut que nous
fassions tout ce que nous pouvons pour protéger cette
franchise, car elle est très importante pour moi. » Je lui
ai répondu aussitôt « C’est une franchise formidable et
très importante pour moi aussi », et il a ajouté « Dans
ce cas, il faut que je songe à faire revenir Linda aussi.
» Je lui ai dit que ce serait formidable. Quand James
lui a expliqué pourquoi elle devait revenir et comment
son personnage allait être intégré à cette histoire, elle a
immédiatement saisi cette opportunité. Et le tournage
a été sensationnel. C’était comme si nous étions
revenus au bon vieux temps, avec les mêmes batailles
spectaculaires, les combats entre Terminators, les
dialogues percutants, les thèmes qui évoquent les
menaces du futur, etc.
Tout le monde était impliqué à fond et quand James
a dit ‘OK, on va y aller à 100 % et bien faire les choses
jusqu’au bout’, il a tenu parole.
Vous avez appris aussi à manipuler des armes…
Notre instructeur était Jack Abels, un vétéran des
Bérets Ver ts qui a reçu la médaille Purple Hear t
pour ses actes de bravoure. Il a commencé à
m’entraîner à L.A. trois mois avant le tournage.
Et puis nous sommes tous par tis dans un camp
militaire au Texas pour apprendre à manipuler
différentes armes, à les recharger, et à tirer
avec, en respectant les règles de sécurité. Nous
avons répété ces exercices sous un soleil de
plomb pendant des semaines. Jack ne laissait
passer aucune erreur. Il voulait que l’on voie
que Grace a été entraînée comme un soldat.
J’espère que les militaires me trouveront
convaincante dans le film !
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW TERMINATOR DARK FATE
26
Tim Miller (réalisateur) et Linda Hamilton
« J’ai connu ainsi plusieurs situations
pendant lesquelles je me disais “Oh
oh… Ça, c’était Sarah qui se manifes-
tait pour agir.” » - Linda Hamilton
l’évolution du personnage. Inté-
rieurement, Sarah a été morte,
privée de vie, privée d’amour,
privée de relations normales
avec les autres, et elle doit reve-
nir à la vie.
Sigourney Weaver et vous
avez été les deux premières
grandes héroïnes d’action
des années 70/80, et Ripley
dans Alien tout comme Sarah
Connor dans Terminator sont
apparues dans des films à petit
budget dont le succès phéno-
ménal a été une surprise. Rid-
ley Scott et James Cameron
ont jeté les bases de ces per-
sonnages de femmes fortes et
indépendantes. Qu’est-ce que
ce rôle a changé dans votre
vie professionnelle ? Avez-
vous puisé dans l’autorité de
Sarah Connor pour agir aussi
dans des circonstances de
votre vie personnelle ?
Le personnage de Sarah a eu
un impact sur moi surtout
au moment du tournage du
premier film. Pendant celui du
deuxième, tout était plus simple
et plus clair. Et quand vous
retrouvez un petit bébé d’un an
le soir à la maison, toute l’éner-
gie agressive du personnage
s’évapore. C’était un remède
merveilleux de revenir dans mon
foyer et d’être à nouveau une
maman tendre et douce avec
mon enfant. Je n’aurais pas pu
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
©
TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
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bénéficier d’un meilleur antidote m’ont regardée, abasourdis, en la survivante, et non plus celle
pour oublier ce que j’avais fait se demandant « Mais qu’est-ce que je suis en tant qu’actrice
pendant toute la journée sur le qu’elle fait ?! » À ce moment-là, quand j’arrive sur un plateau.
plateau. Cependant, pendant le c’est Sarah Connor qui est venue Cela finissait par influer sur
tournage du premier film, il y a s’occuper de ce type et le retrou- mon comportement. Vous savez
eu des moments où la frontière ver. J’ai connu ainsi plusieurs quand vous passez presque
entre moi et le personnage de situations pendant lesquelles je un an et demi à vous entraîner
Sarah se brouillait un peu. Je me disais « Oh oh… Ça, c’était physiquement, et à travailler les
me souviens qu’à cette époque, Sarah qui se manifestait pour émotions d’une femme ravagée
alors que nous venions de ren- agir. » Cette fois-ci, j’ai encore par la vie, animée uniquement
trer dans notre voiture garée sur ressenti une certaine férocité par la rage de vengeance, la
un parking, mon mari, un ami et tapie en moi, sans doute parce colère, la déception, cela finit
moi, un autre véhicule nous est qu’il m’a fallu m’entraîner par déteindre sur vous et sur
rentré dedans, a embouti tout pendant un an, et retrouver votre univers personnel. Tous
le flanc de la voiture et a pris la l’énergie et les souffrances de vos sens subissent une sorte
fuite. Et je pouvais l’entendre ce personnage pour pouvoir d’inflammation, et cela, l’inflam-
s’éloigner parce que sa carros- l’interpréter. J’étais remontée mation, c’est le cœur de toutes
serie défoncée frottait contre à bloc. Mon monologue mental les afflictions. Mais aujourd’hui,
la jante d’une de ses roues quand j’allais faire le tour du je suis très heureuse d’avoir
en produisant un crissement quartier pour promener mon tourné ce film. J’espère que les
strident. Comme on pouvait la chien, c’était « Qui a envie de fans l’aimeront et sentiront que
suivre grâce à ce bruit, j’ai dit se battre ?! » C’était la voix nous avons tous travaillé avec
« Suivons la voiture ! » et nous intérieure de Sarah qui disait une sincérité totale.
avons effectivement fini par la « Je suis prête à en découdre. »
retrouver, immobilisée dans une J’étais un peu sur la défensive,
allée, alors que le conducteur et il a dû m’arriver deux ou trois
tentait de manœuvrer malgré la fois de ne pas être la personne
roue endommagée. Mon mari la plus agréable à côtoyer au
et notre ami pensaient que je début du tournage. Je ne veux
voulais simplement noter le pas dire que j’agressais mes
numéro de plaque d’imma- partenaires, mais qu’arrivée
triculation du chauffard, pour au bout de cette très longue
déposer une plainte, mais pas du préparation, je n’avais pas envie
tout. Je suis sortie de la voiture, d’être la « figure de proue » du
et je me suis jetée sur ce type, tournage. Je suis allée voir Tim
en l’agrippant et en essayant Miller pour lui dire « Il est temps
de l’extraire de son véhicule en pour moi d’arrêter de m’en-
le faisant passer par la fenêtre traîner pour ce rôle, Tim. » À
de la portière ! (Rires) Les deux présent, celle qui s’exprime, ce
hommes qui m’accompagnaient n’est plus que la combattante,

ENTRETIEN AVEC GABRIEL LUNA / LE TERMINATOR REV-9
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TWENTIETH CENTURY FOX FRANCE
vez-vous demandé des conseils
à Arnold Schwarzenegger sur
A la manière d’interpréter
un Terminator ?
GABRIEL LUNA : Absolument.
J’aurais couru au désastre si je ne l’avais pas fait.
Arnold est venu au gymnase pendant l’une de nos
premières sessions d’entraînement. Cela nous a
donné l’occasion de parler, et j’ai tenté de rester
calme, détendu et très respectueux en dépit du fait que
j’étais très impressionné. Je pense que mon attitude
lui a plu. J’en suis venu à lui parler du Terminator, et à
lui demander ce qu’il imaginait dans sa tête pendant
qu’il donnait vie à ce personnage avec cette présence
physique sensationnelle que l’on voit à l’écran. Il a été
très encourageant et m’a incité à aborder ce rôle à ma
manière, sans utiliser ses méthodes personnelles.
Cependant, l’un des conseils qu’il m’a donnés était
que chaque geste, chaque mouvement, devait être
utile. Il fallait faire sentir qu’il avait été planifié dans
un but précis. Et tout devait être fluide, parce qu’à
l’écran les mouvements souples paraissent plus
rapides. Chaque mouvement de combat doit avoir été
répété à fond, jusqu’au moment où cela devient une
seconde nature, pour être en mesure de l’exécuter
parfaitement. Ces conseils étaient excellents, et je les
ai utilisés dans mon approche du rôle.
Vous incarnez un nouveau modèle de
Terminator. Est-il noir parce que basé sur une
nanotechnologie à base de carbone, matière
encore plus résistante que le métal du T1000 ?
Exactement. Ce modèle est un Rev-9. Les différences
de nom et de référence sont dues au fait que nous
nous trouvons dans un futur dont le déroulement a
été modifié par les actions des humains, par leurs
erreurs. Sarah Connor nous a sauvés de Skynet
mais il était inévitable que des gens inventent des
applications néfastes de nouvelles technologies,
et créent une autre entité, une autre intelligence
artificielle hors de contrôle. Les choses sont donc
devenues légèrement différentes. C’est la raison
pour laquelle il ne s’agit plus de la même référence,
ni du même type de réseau global contrôlé par les
machines qui domine le monde futur. C’est devenu
autre chose. Et le Rev-9 est en effet une unité dont
l’exosquelette est composé d’un alliage métallique
à base de carbone qui est plus résistant, mais
aussi plus flexible et plus léger que les précédents
Terminators, tout en conservant l’agilité et la vitesse
d’un T-1000, grâce à sa peau en métal liquide plus
déformable. Le modèle T-800 que jouait Arnold
avait un exosquelette de métal recouvert de chair
humaine qui pouvait être arrachée ou brûlée et
dévoilait ainsi son déguisement. Le T-1000 avait
aussi la capacité d’imiter parfaitement l’aspect et
la voix de quelqu’un pour s’intégrer à un groupe
d’humains, et de changer à nouveau d’apparence
en un éclair. Mais son corps était constitué de telle
manière qu’il était possible de le faire exploser avec
un fusil à pompe, et de projeter des éclaboussures
de métal liquide sur le sol. Et il lui fallait un peu de
temps pour se reconstituer en rassemblant toute sa
matière métallique. Le modèle que je joue possède
la force et la solidité d’un T-800, avec la mobilité
accrue que lui confère cet alliage de carbone et de
métal plus léger. C’est une idée fantastique.
Comment joue-t-on un Terminator ? Quels choix
faites-vous intérieurement en tant qu’acteur ?
C’était une performance très technique. En termes
d’émotions, je n’ai pas voulu trop penser à exprimer
le côté « poupée russe », les différentes couches
extérieures qui cachent ce qui, au centre, est une
machine. Je n’ai pas voulu tomber dans le côté
« je suis un humain qui incarne une machine qui
cherche à se faire passer pour un humain ». Je
joue la scène comme un homme normal parce
que la simulation qui permet à cette machine de
fonctionner est si perfectionnée que l’on ne pourrait
pas sentir le moindre effort pour paraître naturel.
Je pense que ce serait insoupçonnable. Mais je
voulais que ce personnage garde une certaine
étrangeté, et j’ai pu y parvenir en ne clignant jamais
des yeux et en limitant l’amplitude de ma respiration
pour gommer le plus possible ces mouvements
organiques basiques. Ne pas voir de mouvement de
respiration ni de clignements d’yeux, c’est juste ce
qu’il faut pour donner un sentiment d’inhumanité.
S’il vous arrivait de cligner des yeux par
mégarde, l’opérateur devait-il crier « Coupez ! »
et cesser d’enregistrer la scène ?
Non, parce que je ne le faisais jamais pendant une prise.
C’est une question d’entraînement et de concentration
(et en répondant, Gabriel Luna ne cligne plus des yeux
pendant longtemps). Il faut se focaliser sur cela, même
si c’est difficile. J’ai utilisé un truc que quelqu’un m’a
27
« Ne pas voir de mouvement de
respiration ni de clignements
d’yeux, c’est juste ce qu’il faut
pour donner un sentiment d’in-
humanité. » - Gabriel Luna
appris au moment où nous préparions une scène où
mon personnage est censé être détruit. Mackenzie était
sur sa moto, et mon personnage devait mourir dans
une grande explosion, une énorme boule de feu. J’étais
allongé et on m’a dit « Tes yeux doivent être fermés »,
et j’ai répondu « Non, je crois qu’ils seraient ouverts :
le Rev-9 est focalisé sur son but et il mourrait avec les
yeux ouverts, sans éprouver la moindre peur. » Cette
scène était filmée avec la caméra placée sur une grue
immense, et la grue faisait un long mouvement vers
le haut et montait, montait... Comme j’étais allongé, je
devais fixer le soleil et là j’ai pensé que j’avais pris une
très mauvaise décision. Mais j’essayais quand même
de garder les yeux ouverts. Et c’est là qu’un ami acteur
m’a dit « Tu sais que ce tu devrais faire ? Remue l’un
de tes petits doigts de pieds. Et ne pense qu’à cela
pendant toute la durée du plan. » J’ai essayé, remué
mon petit doigt de pied à l’intérieur de ma botte, et ça a
marché. Mais le vrai truc, c’est de rester concentré, de
se choisir une cible visuelle, et de la scruter comme si
votre regard était un faisceau laser.
L’une des nouvelles capacités du Terminator
consiste à se dupliquer… Comment jouiez-
vous les attaques des deux Terminators ?
J’ai bien aimé interpréter à la fois l’endosquelette
sans peau et le double de métal et carbone
liquide à mon image. C’était comme si je jouais
la marionnette et le marionnettiste en même
temps. À l’époque du premier Terminator, le
fantastique Stan Winston avait construit une
marionnette animatronique, et une autre personne
avait fabriqué et animé image par image un
Terminator à l’échelle 1/6e doté d’une armature,
que James Cameron garde encore dans son
bureau. La manière dont l’armature avait été
construite dictait et limitait les mouvements de
ce personnage. Donc si je joue le Terminator qui
possède plus d’articulations, et que je peux porter
le costume de capture de mouvements aussi pour
enregistrer les gestes de l’endosquelette, je peux
donner énormément d’informations à Tim et à
l’équipe des effets visuels. Et tout ce que j’ai fait
se retrouve à l’image dans le film. Au début, je
pensais que je ne reconnaîtrais pas forcément ce
que j’avais fait dans le studio de Mocap, mais
j’ai bien reconnu mon corps et mes mouvements
dans le Terminator en métal et carbone liquide, et
toutes mes intentions de jeu.
Primal

PRIMAL
L’ART DE GENNDY TARTAKOVSKY

Visite des coulisses de l’événement animation de cette fin d’année d’Adult

Swim avec la rencontre de Genndy Tartakovsky (Samouraï Jack) et de
l’équipe d’animateurs du très parisien Studio La Cachette.

Propos recueillis et traduits par JOHN PRATE

 29

Genndy Tartakovsky, himself

« Il y a 15 ans, j’avais fait un dessin d’un

gamin sur le dos d’un dinosaure. Et je
me disais que cela pourrait faire une
série pour enfants mais je n’ai jamais
trouvé d’histoire » - Genndy Tartakovsky

Swim, une série en 10 épisodes trouvé d’histoire et je suis passé

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ADULT SWIM
out fan d’anima- encore Clone Wars. Même si ces
tion connaît le dernières années il s’est surtout
T nom de Genndy
Tartakovsky,
consacré à sa carrière cinéma
avec la franchise Hotel Transyl-
l’homme der- vania, réalisée en 3D, c’est sa
rière des séries comme Le passion pour l’animation clas-
laboratoire de Dexter, Les sique en 2D qui l’a fait revenir
Super-nanas, Samouraï Jack ou à la TV avec Primal (sur Adult
dont les cinq premiers sont dif-
fusés en octobre). Dans sa nou-
velle série, Tartakovsky raconte
l’amitié d’un homme préhis-
torique avec un dinosaure, qui
doivent se battre pour survivre
dans un monde ultra-violent.
Un projet coup de cœur pour
Tartakovsky, qui a fait appel
au Studio La Cachette à Paris
pour l’animation, que l’on a eu la
chance d’aller visiter.
ENTRETIEN AVEC LE CRÉATEUR
ET RÉALISATEUR DE PRIMAL :
GENNDY TARTAKOVSKY
GEEK MAGAZINE : Après
avoir œuvré au cinéma sur la
franchise Hotel Transylvania,
c’est votre grand retour à la
TV. Comment est né Primal ?
GENNDY TARTAKOVSKY : Il
y a 15 ans, j’avais fait un dessin
d’un gamin sur le dos d’un
dinosaure. Et je me disais que
cela pourrait faire une série
pour enfants mais je n’ai jamais
à autre chose. Je n’aime pas
forcer une histoire, il faut que
cela soit organique. Puis, j’ai pu
faire l’ultime saison de Samou-
raï Jack en 2017 pour Adult
Swim. Ce fut une excellente
expérience pour moi, car c’était
pour les adultes, ce n’était plus
du Cartoon Network, donc
je n’avais pas besoin de me
soucier des enfants. Et j’ai pu
expérimenter avec des scènes
d’action pure sans dialogue,
et c’est ça qui a le plus plu aux
gens. Et c’est là où j’ai eu le
déclic, je me suis dit que cela
pourrait être cool de faire une
série qui ne serait que cela, je
voulais voir si je pouvais racon-
ter une histoire juste avec des
séquences visuelles. Puis j’ai
repensé à mon dinosaure, et
je me suis dit que les hommes
des cavernes ne parlent pas !
(Rires) Pendant un moment, je
pensais juste en faire un court
métrage personnel, croyant que
personne n’en voudrait à la

TV. Mais quand on a fini l’ultime
saison de Samouraï Jack, Mike
Lazzo [le boss d’Adult Swim,
NDR] m’a demandé si j’avais un
nouveau projet à lui proposer.
Comme ça s’est bien passé
avec lui, je lui ai proposé Primal
et il m’a dit oui tout de suite. Je
lui ai dit que ça serait une série
sans dialogue, ultra-violente….
Mais avec du cœur ! (Rires)
Qu’apporte selon vous l’ab-
sence de dialogue à l’am-
biance de la série ?
Le fait de ne pas avoir de dia-
logue force les gens à regarder
l’image. Aujourd’hui les gens
envoient des textos, vérifient
leurs mails, tout en continuant
à écouter la TV. Ici les gens
doivent se concentrer, et obser-
ver ce qui se passe. Souvent je
trouve que les séries animées
parlent pour ne rien dire, pour
meubler. Mais il faut avant tout
que cela reste compréhensible,
et non un gadget. Au début,
cela m’a fait un peu peur car
quand j’ai reçu le pilote sans les
bruitages et la musique, je me
suis dit que cela ne marcherait
pas. Mais quand on a mis en
place les différentes couches
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ADULT SWIM
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ADULT SWIM
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ADULT SWIM
de son et la musique, là ça
prenait vie et je savais qu’on
pouvait le faire ! La musique
est super importante car c’est
ça qui crée l’ambiance !
Malgré l’absence de dia-
logue, les personnages
restent très riches…
Une série comme ça ne peut
marcher que si les personnages
sont intéressants. Quand j’avais
fait Le Laboratoire de Dexter,
j’avais 25 ans et je pensais
que le cœur de la série c’était
les gadgets et les aventures
loufoques. Puis on m’a dit que
j’avais bien réussi la dynamique
frère-sœur entre Dexter et Dee
Dee, qui en fait était calquée
sur ma relation avec mon frère.
Et c’est là que j’ai eu le déclic,
que c’était en fait ça le cœur
de la série : la relation entre
Dexter et sa sœur ! Ce qui a
changé complétement l’orien-
tation de la série et le genre

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ADULT SWIM
d’histoires qu’on écrivait. Dans
Primal, c’est la relation entre
un homme des cavernes et un
dinosaure, qui ont un passé
douloureux commun et qui ont
besoin l’un de l’autre. En fait
c’est l’histoire d’un homme et
son chien, devant survivre dans
un monde hostile suite à des
événements tragiques.
Primal se déroule dans un
univers typé « Heroïc fan-
tasy ». Quelles étaient vos
sources d’inspiration ?
Oui, j’ai toujours voulu faire
de l’Heroïc fantasy, et j’adore
Frank Frasetta ! Sa vision du
genre, mélangeant des choses
étranges, est quelque chose qui
m’a toujours séduit. Il y a aussi
Ralph Bakshi (Ice and Fire) et le
magazine Heavy Metal (la ver-
sion américaine du légendaire
Métal Hurlant français) qui nous
ont inspirés… Mais je voulais
aussi rendre hommage aux
Storyboard
Dessin sur TVPaint
Rendu final
romans pulps des années 20 et
30, en particulier les histoires
courtes de Conan Le Barbare.
Les nouvelles allaient droit au
but, avec Conan qui marche
dans le désert, rencontre un
monstre et le tue. Je trouvais
que c’était une structure très
adaptée à la série.
Comment avez-vous décou-
vert le Studio La Cachette ?
C ‘est un peu étonnant de
vous voir travailler avec un
studio d’animation parisien…
« Je suis très impressionné par l’augmen-
tation de la qualité du travail des étu-
diants qui sortent des Gobelins depuis les
15 dernières années. Je suis toujours à la
recherche de sang neuf, donc je suis très
ouvert pour travailler avec des gens du
monde entier. » - Genndy Tartakovsky
En tant que fan d’animation,
j’aime me tenir au courant de ce
qui se fait, tant aux États-Unis
qu’à l’étranger, et en France en
particulier. Je connais très bien
l’école des Gobelins et chaque
année, j’essaie de regarder tous
les films d’étudiants. Moi, je
suis allé à l’école d’animation
de CalArts, qui a monté un
programme d’échange avec les
Gobelins, et je rencontre parfois
les étudiants à Los Angeles
dans les soirées de présenta-
tion aux producteurs d’anima-
ADULT SWIM
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31
©
ADULT SWIM
tion. Je suis très impressionné
par l’augmentation de la qualité
du travail des étudiants qui
sortent des Gobelins depuis
les 15 dernières années. Je
suis toujours à la recherche
de sang neuf, donc je suis très
ouvert pour travailler avec des
gens du monde entier. Dans le
cas du Studio La Cachette, qui
sont des anciens des Gobelins,
je suis tombé sur Internet sur
un petit film qu’ils ont fait qui
s’appelait Kairos et ça m’a tout
de suite plu. Des années après,
quand j’ai voulu faire Primal, j’ai
repensé à eux et je me suis dit
que je voulais les contacter pour
faire le pilote. Je ne les avais
jamais rencontrés alors je leur
ai envoyé un e-mail, ils m’ont
répondu et rapidement les
choses se sont mises en place
pour faire le pilote. J’étais très
content de leur travail, et je me
suis dit qu’on était en train de
franchir une nouvelle étape
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW PRIMAL
32
« J’aime la 3D, mais c’est un genre d’anima-
tion qui ne me donne pas souvent l’occa-
sion de dessiner. » - Genndy Tartakovsky
de l’évolution de l’animation à
la TV, avec une nouvelle géné-
ration d’animateurs adaptés
à des techniques tout aussi
nouvelles. J’ai donc convaincu
mes patrons à Adult Swim
qu’on devait continuer avec
eux et on les a signés pour les
dix épisodes.
Pouvez-vous me parler de ces
nouvelles techniques ?
Le truc qui m’a tout de suite
intéressé c’est que les gens du
Studio La Cachette sont des pros
des nouveaux outils d’animation
et qu’ils travaillent avec TV Paint.
Pendant que je travaillais sur
la dernière saison de Samouraï
Jack, je me suis acheté le logiciel
TV Paint et j’ai commencé à jouer
avec. Vous savez, en matière
d’animation 2D, je suis un peu
old school ! (Rires) Je fais de
l’animation depuis le début des
années 90, je dessine encore sur
du papier, et je fais mes anima-
tions sur des feuilles de papier.
Le plus souvent, je suis le plus
vieux de l’équipe ! (Rires) Mais
tout le monde me disait du bien
de TV Paint, donc je m’y suis
mis : c’était tellement intuitif et
Storyboard
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ADULT SWIM
ça correspondait tellement bien
à ma façon de travailler que je
suis tombé amoureux du logiciel !
Avant, j’avais un tas de feuilles
et maintenant je peux dessiner
directement sur une tablette
graphique. Et comme tout se
passe digitalement, les distances
n’existent plus, je peux travailler
avec des animateurs au bout du
monde comme s’ils étaient dans
la pièce à côté. Mais la chose
importante, c’est que même si
c’est fait avec des ordinateurs,
cela reste une série dessinée à la
main, qui reste totalement orga-
nique, l’outil TV Paint ne fait que
remplacer le papier et le crayon
par une tablette et un stylet.
Julien Chheng dessinant sur TVPaint.
Dessin sur TVPaint
Rendu final
Donc pour vous, qui avez com-
mencé à travailler en animation
sur une série comme Dexter
dans les années 90, la tech-
nologie a beaucoup changé ?
Est-ce pour le mieux ?
Oui, c’est intéressant, car c’est
pareil qu’avant mais en même
temps c’est aussi un peu dif-
férent. Sur une série comme
Dexter, tout était fait sur papier
et je dirais que je passais la
moitié de mon temps à écrire
des légendes aux dessins et à
numéroter les feuilles, vérifier
que tous les aspects techniques
marchaient. Et je trouvais ça
frustrant car j’avais l’impression
que je ne dessinais pas autant
©
DR
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ADULT SWIM
que je le voulais, que je perdais
mon temps avec l’organisa-
tion, en remplissant les feuilles
d’exposition [décrivant pour
chaque plan d’un film, image
par image, les décors, objets
ou dessins et leur ordonnance-
ment, ainsi que les bruitages
et dialogues accompagnant le
plan, NDR]. Et plus on avance,
plus les nouveaux outils nous
simplifient la vie, et éliminent
des étapes. Sur TV Paint par
exemple, plus besoin de numé-
roter les dessins et plus besoin
de feuilles d’exposition. On
gagne beaucoup de temps. Et
faire des corrections c’est telle-
ment plus simple ! Une fois par
semaine le Studio La Cachette
me livre les scènes qu’ils ont
finies, j’ouvre la scène sur mon
poste de travail, je peux faire
mes corrections, sauvegarder et
les leur renvoyer à Paris. C’est
tellement plus facile, et en tant
qu’artiste on peut se focaliser
sur le dessin et l’animation,
sur le côté créatif pour oublier
l’aspect technique et gagner
du temps. Avant, sur Dexter
on envoyait nos storyboards
et nos dessins par la poste

STUDIO LA CACHETTE
Rencontre avec les trois fondateurs du très parisien Studio La Cachette
qui fabrique l’animation de Primal : Oussama Bouacheria (producteur
exécutif), Julien Chheng (producteur exécutif et directeur artistique)
et Ulysse Malassagne (producteur exécutif).
Genndy Tartakovsky au La Studio Cachette
EEK MAGAZINE : Comment est
né le Studio La Cachette ?
G JULIEN CHHENG : En 2010, on
est sortis de l’école des Gobelins
où on a travaillé tous les trois sur
le même film de fin d’études. Puis on a commencé
à travailler à gauche et à droite dans des grands
studios, que ce soit à l’étranger chez Disney ou
à Paris chez McGuff (Les Minions, etc.) ou des
productions françaises comme Le Chat du rabbin.
Au bout d’un moment, on s’est rendu compte que
ça nous manquait de ne plus travailler ensemble,
et nous voulions retrouver l’énergie de cet esprit
d’atelier. Donc en 2013, on a monté notre petit col-
lectif, on s’est installés dans une petite mezzanine
et on a branché trois ordis et c’était parti. Pour
notre premier projet, on a voulu aller à fond dans
l’indépendance, et on a autoproduit un trailer pour
Kairos, la BD que faisait Ulysse à ce moment-là.
ULYSSE MALASSAGNE : Puis le trailer de
Kairos a buzzé dans le milieu de l’animation,
jusqu’aux États-Unis, relayé entre autres par
le site Catsuka. C’est comme ça que Genndy
nous a connus, mais aussi Tim Miller et David
Fincher, qui nous avaient confié un épisode de
Love, death & robots à faire.
Julien : Genndy avait envie de travailler autre-
ment. Avant, il réalisait ses storyboards et les
envoyait à un studio en Asie qui lui rendait un
épisode quasi fini. Parfois, il était très frustré car
il n’avait pas beaucoup de marge de manœuvre
pour modifier les choses quand il n’était pas
content du résultat. Pour ce projet coup de cœur,
il voulait travailler autrement et être plus impliqué.
OUSSAMA BOUACHERIA : Quand on a créé
ce studio, on voulait faire de l’ar tisanat. On
assume d’être un studio français et on a vou-
lu se concentrer sur des pilotes, des cour t-
métrages, des longs-métrages. Donc de la
série, on n’a jamais vraiment envisagé, mais
quand on reçoit un mail de Genndy, on réflé-
chit. Sur tout que Primal allait être autre chose
qu’une série car toon comique habituelle.
Vous êtes une petite structure, ça a été
difficile de prouver qu’il pouvait vous faire
confiance et de vous adapter ?
OUSSAMA : Le truc qui nous a touchés, c’est
qu’ils nous ont uniquement jugés sur notre tra-
vail ar tistique. Donc même si on était jeunes [les
trois fondateurs du studio ont à peine 30 ans, NDR]
et que le studio ne comptait que 5 ou 10 per-
sonnes, ils n’ont eu aucune hésitation, aucun
préjugé, on fait du bon travail donc ils nous ont
fait confiance. Après qu’on ait fait le pilote, ils
ont vu qu’on était des gens sérieux et nous ont
demandé si on voulait faire les dix épisodes.
JULIEN : Avec le démarrage de la série, on a dû
doubler les effectifs. Pendant le pilote on était 15,
et maintenant on est 35 ou 40. Ça a été facile de
trouver du monde car notre studio a une bonne
réputation et quand la rumeur a commencé à cir-
culer qu’on travaillait avec Genndy, alors là on a été
envahis de messages, de portfolios et de démos !
33
« Quand on a créé ce studio, on
voulait faire de l’artisanat. On
assume d’être un studio français
et on a voulu se concentrer sur des
pilotes, des courts-métrages, des
longs-métrages. » - Oussama Bouacheria
Est-ce que ça a été un défi pour vous
de vous adapter au style et au timing de
Genndy Tartakovsky ?
Julien : Ah oui, complètement ! Pour nous, c’était
une première sur un projet cartoon. On vient de
l’animation plus réaliste, tandis que Genndy vient
du Laboratoire de Dexter et Samouraï Jack, des
références ultra cartoon ! Il a sa culture et nous
la nôtre. Notre première collaboration ça a été
directement le pilote de Primal, et je pense que lui
comme nous avons fait un pas vers l’autre pour
trouver ce juste milieu : nous on apporte notre
style et Genndy apporte toute son énergie dans
le timing, dans son découpage et ses brouillons
de personnages. Car au début, les personnages
n’étaient pas si définis que ça…
OUSSAMA : Traditionnellement dans les séries,
lorsqu’on commence à fabriquer l’animation, tout
est déjà prêt : les modèles des personnages et les
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW PRIMAL
34
« Actuellement, il n’y a qu’à la TV qu’on peut
faire de l’animation traditionnelle et moi
j’aime l’animation 2D, j’aime dessiner et créer
du mouvement avec des dessins. J’aime
l’esthétique des dessins. » - Genndy Tartakovsky
dans une boîte en carton à un
studio d’animation en Corée, et
six mois plus tard on recevait
l’épisode fini en couleur, sans
vraiment avoir la possibilité
de faire des changements. On
appelait ça le « blues de la copie
de travail » car autant je pouvais
être émerveillé par certaines
séquences, autant j’avais envie
de me suicider en visionnant
certaines scènes que je voyais
autrement dans ma tête. Et
on ne pouvait faire qu’une
passe de correction, pour une
question de temps et d’argent,
donc ne refaire que certaines
scènes catastrophiques ou
tout simplement les couper et
remonter l’épisode autrement.
Avec les outils d’aujourd’hui,
©
ADULT SWIM
©
ADULT SWIM
je peux directement montrer
sur l’image exactement ce que
je veux changer, sauvegarder
et demander la modification
de l’élément qui me dérange :
décor, couleurs, animation,
etc. On a beaucoup gagné en
contrôle et en qualité.
Vous avez de nombreux
projets de films, avec Fixed,
Black Knight et Hotel Transyl-
vania 4 chez Sony, tout en fai-
sant de la TV avec Samouraï
Jack puis Primal aujourd’hui.
C’est important pour vous de
faire les deux ?
Oui. Les films et la TV c’est très
différent. À la TV, tu dessines
quelque chose et c’est ça qui
se retrouve à l’antenne, tandis
Model sheet 
Rendu final
qu’au cinéma avec la 3D chaque
plan est analysé et discuté pen-
dant des mois. Donc par pure
hygiène mentale, j’ai besoin
de revenir à la TV de temps en
temps. Hotel Transylvania 2
avait été un film très difficile
à faire, très stressant et a pris
plusieurs années. J’aime la
3D, mais c’est un genre d’ani-
mation qui ne me donne pas
souvent l’occasion de dessiner.
Ce qui m’a sauvé la vie, c’est
de pouvoir faire l’ultime saison
de Samouraï Jack, ça a été un
moment de pur plaisir pour
moi ! Actuellement, il n’y a
qu’à la TV qu’on peut faire de
l’animation traditionnelle et moi
j’aime l’animation 2D, j’aime
dessiner et créer du mouve-
©
ADULT SWIM
ment avec des dessins. J’aime
l’esthétique des dessins. C’est
marrant de faire un film en 3D,
on peut faire plein de choses
intéressantes, mais ce sont
les dessins et l’animation faits
main qui m’excitent. Donc je
me suis dit qu’alterner un film
avec un projet TV serait idéal
pour moi. Quand j’ai fini Hotel
Transylvania 3, j’ai pu m’éclater
en faisant Primal, tout en prépa-
rant d’autres projets de films. En
ce moment je finis le scénario de
Fixed qui sera très drôle et qui, si
tout va bien, entre en production
en 2020. Mais dans ce métier
on ne sait jamais, parce qu’on a
souvent des faux départs, c’est
pour cela qu’il faut travailler sur
plusieurs choses à la fois.

Oussama Bouacheria, Ulysse Malassagne, Genndy Tartakovsky et Julien Chheng
au Festival du film d’animation d’Annecy en 2019
décors sont définis, tout est déjà calibré. Là, c’était
beaucoup plus organique, c’était au fur et à mesure
de la fabrication du pilote qu’on a affiné, qu’on a
compris comment les personnages allaient mar-
cher, on cherchait avec lui et c’était ça qui était le
plus intéressant dans cette collaboration.
ULYSSE  : Je suis allé voir un chercheur du CNRS
spécialisé dans la motricité des premiers hommes,
qui m’a expliqué comment ils marchaient et qu’ils
ne pouvaient courir que sur des distances rela-
tivement courtes. Et quand je l’ai dit à Genndy, il
m’a répondu : « ouais, c’est pas grave, on va le
faire courir tout le long de l’épisode. À partir du
moment où il y a un dinosaure et un homme pré-
historique, on a déjà cassé la timeline, donc c’est
intéressant, mais en fait, on fait ce qu’on veut ! »
Pour les mammouths, notre directeur d’animation
a donné un cours sur comment marchent les gros
quadrupèdes. Donc même si au final l’animation est
cartoon, on a apporté une petite subtilité qui fait la
différence avec ce dont il avait l’habitude.
C’est quoi votre processus de travail avec Tar-
takovsky après avoir reçu son storyboard ?
JULIEN  : Ce que l’on reçoit c’est son storyboard
brut, c’est un premier jet, c’est assez brouillon.
OUSSAMA : Ce sont des croquis dans des petites
cases, très détaillés avec beaucoup d’images et on
voit qu’il déplie l’action. Avec ça, on doit préparer
l’animatique [genre de maquette visuelle, la scène
avec que les images clefs, NDR] avec l’équipe : on
prend sa case de board, on place dans le plan, on
met au propre les personnages [donc transformer
le croquis en dessin fini d’après le modèle, NDR] et
on lui envoie. C’est à cette étape-là que l’on peut
être force de proposition. Comme la production
va vite, et qu’il reste encore pas mal de choses
à définir, on peut mettre notre petite plus-value
au plan. Lui il reçoit, il fait : « ça c’est cool, non
ça c’est pas cool ». Puis ça revient vers nous et
on passe à l’animation. Ensuite il voit l’animation
sans la couleur, il dit « OK, changez ci, changez
ça ». Puis on passe à la couleur… Mais au fil des
épisodes, on a eu de moins en moins de retours
vraiment lourds car l’équipe s’est progressive-
ment habituée à son style. Pour donner une idée
de ce que ça représente en matière de travail,
pour l’équipe à Paris, on est une quarantaine pour
l’animation, la couleur, les décors, et on a besoin
environ de quatre mois par épisode !
Julien : Pendant ce temps, aux États-Unis, ils ne
sont que 4 ou 5, et ils travaillent sur le storyboard
[Tartakovsky], les recherches des décors et des
personnages [par le directeur artistique Scott Wills]
et enfin la musique [Tyler Bates, NDR].
Et donc les corrections se passent comment ?
OUSSAMA : Une fois par semaine, on lui trans-
fère les fichiers du travail qu’on a fait. Genndy est
très collaboratif, il a sa vision mais il nous laisse
une certaine marge de manœuvre sur certains
plans, sur certaines séquences. Quand il voit que
ça marche, il dit : « OK, c’est cool ». Mais il est
précis, il sait ce qu’il veut, il dessine sur chaque
plan pour nous demander des modifications. C’est
le process qu’on a mis au point et c’est ce qui l’a
35
« Pour donner une idée de ce que
ça représente en matière de tra-
vail, pour l’équipe à Paris, on est
une quarantaine pour l’anima-
tion, la couleur, les décors, et on
a besoin environ de quatre mois
par épisode ! » - Oussama Bouacheria
séduit : on a dit qu’on ne voulait pas recevoir des
mails, mais qu’il s’exprime sous forme de dessins
pour nous dire ce qu’il veut. On utilise TV Paint, et
à chaque étape, Genndy peut rentrer dans le plan,
aller sur son calque et dessiner en rouge. Ainsi
on gagne du temps, on gagne en précision. Et lui
en tant qu’auteur, il est au plus proche de ce qu’il
veut, il peut mettre sa patte à tous les niveaux et
peut tout checker. Cela marche bien car on est très
réactifs et que lui c’est un gros bosseur.
Est-ce qu’il y a des contraintes techniques
quand vous travaillez pour Genndy ?
JULIEN : Pas vraiment. La seule chose, c’est que
le public américain est habitué à une animation très
fluide. Genre 24 images par seconde ou 50 images
par seconde pour de la 3D, là où nous on était habi-
tués à faire du 10 ou 12 images par seconde voire
moins, donc parfois Genndy nous demandait de
rajouter des dessins, il nous disait : « Là, le mou-
vement est super, mais il manque des images, c’est
un peu saccadé. » Et ça c’est lié à la culture des
États-Unis sur l’animation, qui doit être fluide, tandis
qu’au Japon ils ont l’habitude d’animés avec moins
d’images. Nous, on est un peu métis : on est entre
les deux. En France, on est une génération d’anima-
teurs très hybride, on a été biberonnés au Disney
puis à l’adolescence du côté japonais : on a grandi
avec les deux, c’est notre chance !
Comment voyez-vous l’avenir de votre studio ?
D’autres projets ? Une saison 2 de Primal ?
JULIEN  : On finit la saison un vers mai prochain.
Ensuite c’est le public qui dira s’il y a une saison 2.
Mais, si cela se fait, on est partants !
OUSSAMA : On a beaucoup de projets internes,
donc on veut se servir de l’expérience que l’on a
acquise avec des projets comme Primal ou Love,
Death & Robots comme rampe de lancement pour
faire nos propres productions. C’est le but premier
du studio, d’exprimer notre sensibilité. Comme
Ulysse est auteur de BD, notre but a toujours été
d’adapter ses histoires en animation. On présente en
ce moment un projet de série adaptée des albums
Le Collège noir [26 épisodes de 13 minutes en co-
production avec Bayard Jeunesse Animation, présenté
fin septembre au Cartoon Forum de Toulouse, NDR].
ARACKHAN
Vous aimez la fantasy ? Ça tombe bien nous aussi. Installez-vous
confortablement et venez découvrir le monde d’AracKhan, un univers-concept
décliné sur plusieurs supports transmédias qui justifient tout l’intérêt de ce
projet ambitieux actuellement en cours de développement. Pour le moment
trois œuvres, présentées plus loin dans cet article, existent et ont retenu notre
attention mais ce n’est que le début de l’aventure. Bienvenue à AracKhan !

Textes de CYRIL ROLLAND

 37

LE CO NC EPT
Toutes les créations, livres
audio, albums symphoniques,
jeux, prennent pour cadre,
comme vous venez de le lire, le
monde d’AracKhan, de la fan-
tasy pur jus mais de qualité, soi-
gnée, avec une approche pour
le moins originale. À l’écoute
des supports audio et du jeu
de cartes à venir, on se prend
à rêver à d’autres médias, on
imagine déjà les possibilités :
des romans papier, forcément
déclinés en séries dédiées à
des personnages, des peuples,
des thèmes... mais aussi des
bandes dessinées, pourquoi
pas également un jeu de rôle
sur table, un jeu de plateau,
et soyons fous : un jeu vidéo
ou une série tv (sur le web ?
Soyons raisonnables), sans
oublier les indispensables goo-
dies, bref tout est possible !
À noter toutefois qu’un nou-
veau segment de livres électro-
niques interactifs à la manière de
de l’équipe de développement.
AracKhan est un univers
riche, ambitieux, qui se dévoile
au fur et à mesure des projets
et des créations. De ce qu’on
en sait pour le moment et pour
reprendre l’introduction du
site officiel c’est que l’Arbre de
vie, le créateur et protecteur
d’AracKhan, imagina un monde
juste et équitable, un monde
ou paix et respect étaient les
maitres-mots. Un monde qu’il
estimait être parfait. Mais un
jour cet arbre aux pouvoirs
incommensurables tomba
mystérieusement malade et son
précieux havre de paix se trans-
forma en terre de discorde. Un
mal sournois et puissant ron-
geait insidieusement AracKhan.
Les terres devinrent malades,
les peuples corruptibles et
belliqueux. Pourtant ces évè-
nements étaient prédits...
Mais habilement dissimulés.
Levez le voile sur le funeste

L’UNIVERS
racKhan est un monde
fantastique lointain
qui est menacé en ce
moment même par un
péril global et imminent.
Créé par l’Arbre de Vie, pro-
vince après province, peuple
après peuple, AracKhan
connut des troubles qui ne sont
désormais plus que de vieilles
légendes oubliées, la paix
semble régner désormais.
Depuis quelque temps cepen-
dant, la situation se dégrade
rapidement : les vastes forêts
qui composaient autrefois un
immense ensemble à l’ouest
d’AracKhan se sont réduites
comme peau de chagrin, et le
sud-ouest s’est complètement
transformé en terres maréca-
geuses stériles et nauséabondes.
Au nord, les neiges éternelles
des Terres Blanches fondent et
perturbent dangereusement les
équilibres climatiques, tout en
menaçant ses habitants.
Ailleurs, les peuples se
heurtent à nouveau, l’équilibre
est menacé et, pire que tout,
l’Arbre de Vie semble malade.
Une des clés pour sauver
ce qui est fait pour le livre audio destin d’AracKhan à travers la
est un des axes de travail actuels Légende Orale, le Livre Interdit
et bien d’autres artefacts aux
pouvoirs inestimables !
AracKhan : le Livre Interdit, Oui ça donne envie d’en
manuscrit dont il existe encore savoir plus, c’est le but, l’uni-
quelques exemplaires et qui vers présenté se dévoile par
renferme les connaissances les touches successives et chaque
plus secrètes d’AracKhan. Il a sortie apporte sa pierre à l’édi-
la faculté de révéler la trame du fice. La combinaison des sup-
destin à certaines personnes, à ports fait que tout s’emboîte
celles ou ceux qui savent le lire. progressivement et forme au fil
du temps un tout harmonieux
Nous commençons à suivre les et cohérent. Ce n’est que le
faits au moment où : début, ce nouveau monde
- Davinela, la Reine des Glaces imaginaire vient seulement
des Terres Blanches, à l’aide d’ouvrir ses portes aux
de son Livre Interdit recherche amateurs d’évasion...
l’élu susceptible de stopper la bienvenue à AracKhan !
fonte de son royaume gelé…
- Tim et Elias, deux jeunes
frères téméraires armés de leur
candeur et d’un exemplaire
du Livre Interdit partent à la
recherche de Dame Trude, une
supposée sorcière qui hanterait
l’infâme marais du Myrkour. 
- Dame Trude, la sorcière
rouge ayant pactisé avec
le Mal, et son acolyte mal-
sain Baldir, ourdissent leurs
sombres desseins.
Voici le point de départ de cette
première série bleue, la première
saison qui va désormais rythmer
le destin d’AracKhan.
GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW ARACKHAN
38
L A GAMME
AracKhan est un projet trans-
média développé par une
équipe de vrais passionnés
que nous avons rencontrés
et à qui nous donnerons la
parole en fin d’article. Mais
commençons par le commen-
cement : par quel bout dévorer
AracKhan ? Sous ce nom se
LA PARTIE ÉDITION
Uniquement audio (pour le
moment là aussi) et rebaptisée
pour l’occasion « OdioFilm »,
plusieurs œuvres numériques
existent et sont pour le moins
originales : tout d’abord trois
livres au format MP3 d’environ
trente minutes chacun et for-
mant la série bleue. L’ensemble
narre la légende d’AracKhan
au travers des aventures de
différents personnages cités
plus haut en introduction de cet
cache « l’univers-concept »,
appelons-le comme ça, dans
lequel se déroulent toutes
les histoires et les jeux de la
gamme. Car oui AracKhan est
décliné, pour le moment, sur
deux axes éditoriaux majeurs,
d’un côté l’édition et de l’autre
les jeux.
article, comme Tim & Elias, avec
notamment des dialogues joués
par des comédiens talentueux
et un habillage sonore de haute
volée, on s’y croirait. Fermez les
yeux et laissez-vous transporter.
Je conseille plutôt d’écouter
l’œuvre chez soi, au calme, dans
un contexte apaisant plutôt que
dans les transports, ça serait du
gâchis. À la limite dans la voiture
pourquoi pas, effet garanti avec
des enfants.
Flashez le QR Code
et vivez les histoires d’AracKhan
ŒUVRE NUMÉRIQUE DISPONIBLE
Un album symphonique décliné
en trois mini-albums lui aussi,
de trois à cinq titres chacun
avec des musiques d’ambiance
épiques, idéales pour s’im-
merger dans l’atmosphère du
monde en question. J’ai bien
aimé l’approche « les bandes
originales vous révèleront ce
que les mots vous cachent »,
joliment dit. Au passage, cet
album peut servir également
de toile de fond « ambiancée »
pour vos parties de jeux sur
table (jeux de rôle, jeux de
LA PARTIE “GAMES”
Terme anglophone retenu sur
le site officiel, prochainement
(2020) s’apprête à sortir un jeu
de cartes d’affrontement straté-
gique pour deux joueurs intitulé
AracKhan Wars, que j’ai eu la
chance de pouvoir tester avec
l’équipe de développeurs lors
du PEL 2019 (Paris Est Ludique)
et ce fut une agréable surprise.
Le jeu se compose de plusieurs
factions sous forme de decks de
23 cartes chacun, quatre pour
le moment, mais j’ai cru com-
prendre que d’autres factions
seraient proposées bientôt pour
avoir encore plus de combinai-
sons possibles. Pour le moment
sont proposés : les rouges (pro-
vince du Myrkour, fief de Dame
Trude, la haineuse sorcière
rouge), les bleus (les Terres
Blanches, abritant le mystérieux
et reclus Peuple des Glaces),
les verts (province forestière
de Vestour, constituée d’une
multitude d’âmes qui font bloc
commun en cas d’agression),
et les gris (province de Byar-
tour, royaume des hommes et
des légions grises équipées de
tout l’armement et utilisant les
plateau...) et vous changera
des sempiternelles BO de tel
ou tel film/série forcément
trop connus par vos joueuses/
joueurs. Ici vous serez dans
quelque chose également de
qualité mais surtout d’origi-
nal et pas connu. Ces deux
supports, livre audio et album
symphonique ont été financés
avec succès via Ulule en 2019,
donc gageons que des suites
sont d’ores et déjà prévues et
enrichiront encore davantage
la collection.
Flashez le QR Code
et laissez-vous emporter !
tactiques de commandement
nécessaires pour mener des
sièges victorieux). Toutes ont
leurs caractéristiques et des
sorts spécifiques qui orienteront
forcément vos stratégies. Pour
les habitués de ce genre de
jeux, on reste en terrain connu.
Certaines factions sont plus
agressives, d’autres plus défen-
sives, d’autres plus polyvalentes
et flexibles, etc. Je dois avouer,
comme beaucoup d’après les
retours sur place, que la pre-
mière chose qui a attiré mon
attention, a été le plateau de jeu
original, un sublime champ de
bataille qui au moment où j’écris
ces lignes n’est pas encore
défini sur sa forme finale : tapis
déroulant en néoprène bien
classe mais forcément plus
cher ou plateau cartonné au
prix plus abordable ? La bonne
idée de cette map est l’empla-
cement prédéfini des cartes
sur le plateau qui donne une
vraie fluidité lors de la partie.
Fini les placements aléatoires et
sujets à contestations lors des
affrontements. Chaque carte
se pose ou se déplace sur une

case, ce qui donne un placement
des unités à la manière des jeux
de figurines. Au niveau de la
mécanique, on pose une carte à
côté d’une autre (alliée ou enne-
mie) et on résout les actions
en conséquence, le but étant
au bout des 9 tours, d’avoir le
plus de points de victoires à la
fin de la partie. Pour ce faire
on compte les points de valeur
assignés sur les cartes encore
« vivantes », plus la carte est
puissante et plus son équiva-
lent en points de victoires sera
conséquent donc il faut penser à
éliminer les cartes majeures de
l’adversaire tout en protégeant
les siennes. Simple mais pas
simpliste car toutes les cartes
ont des caractéristiques et des
capacités différentes donc il fau-
dra un temps d’adaptation pour
appréhender les différentes
combinaisons possibles. Cela dit
le jeu est relativement rapide et
reste efficace et fluide.
Nous finirons par ces der-
nières phrases qui résument
parfaitement l’approche et l’état
d’esprit de cette sympathique
équipe créative : « Nous avons
une vision très auditive de l’édi-
tion. Chez Nothing But Dreams,
nous voulons rêver et faire rêver.
Nous avons cherché un moyen
de faire partir les gens dans
un voyage immersif fort, leur
offrir une expérience mémo-
rable et riche en émotions.
Notre passion commune pour
la musique, couplée au talent
d’auteur-compositeur de L.P.
Henz lui ont permis «d’écrire
AracKhan musicalement» ; en
y intégrant tout ce qui faisait sa
diversité (peuples, lieux...) mais
également toute la palette des
sensations, sentiments, émo-
tions portées par l’histoire.
Notre savoir-faire interne
nous a amenés à concevoir
ces livres audio d’un genre
nouveau. Nous les avons bap-
tisés OdioFilms. »
ARACKHAN
SUR LES RÉSEAUX  AracKhan Wars est un jeu hybride facile d’accès, qui conviendra aussi bien aux casual gamers qu’aux tacticiens expé-
Arackhan.com
soundcloud.com/arackhan
FB : Nemesio-dAracKhan
IG : @arackhan
Youtube : Arackhan
fr.ulule.com/arackhan
39
LA PAROLE À L’ÉQUIPE AUX MANETTES DE
CET AMBITIEUX MONDE EN DÉVELOPPEMENT
EEK MAGAZINE : bonjour, avant tout peux-tu te présenter et nous
parler de ton parcours et ton rôle au sein d’AracKhan stp ?
G Bonjour, je suis Lyesse alias L.P. Henz. Je suis l’auteur et le compositeur
de l’univers d’AracKhan. J’ai une formation en musique classique. Je
suis dans le milieu professionnel de la musique depuis près de quinze
ans. J’ai, au fil du temps, étoffé mon style orchestral afin d’élargir ma palette de couleurs
musicales car mon premier amour est la musique symphonique et notamment le courant
romantique si cher au cinéma. Je suis également grand lecteur de littérature de l’imaginaire.
Composer et écrire une saga fantasy coulait donc de source mais ce n’est pas simple
car je ne voulais pas que ce soit une aventure seulement épique. Il y a énormément de
personnages, de ressentis différents dans cette histoire. Certains thèmes sont teintés de
jazz, de r’n’b, d’autres de pop pour coller au plus près à la psychologie des protagonistes.
C’est un vrai bonheur de pouvoir façonner les caractères des héros, leurs sentiments, les
intrigues… Et c’est pour cela que j’ai fondé notre société Nothing But Dreams : pour ouvrir
un maximum de portes sur le monde d’AracKhan. J’ai la chance d’être accompagné par 4 fortes personnalités complémentaires
qui travaillent de concert pour que chaque produit d’AracKhan soit fidèle à notre vision commune.
Pour ton équipe et toi, comment vous est venue l’idée d’AracKhan ? Quel a été le postulat de départ ?
Pourquoi un projet transmédia, vous trouviez qu’un seul type de média c’était trop simple (rires) ?
AracKhan est né de sa musique qui est intimement liée à l’histoire. À ma grande surprise, le tout a rapidement séduit mon entourage.
Le projet a su fédérer une équipe solide et passionnée. La musique a clairement aidé à se projeter plus facilement dans l’univers et à
définir comment chacun pouvait y contribuer. Les choses s’accélèrent depuis quelque temps mais l’équipe est là de longue date.
C’est une superbe aventure humaine et c’est un réel plaisir (et fierté) de voir que chacun prend ses marques et s’approprie le projet.
Une bonne façon de constater la robustesse d’un univers est sa capacité à être décliné sans perdre en profondeur. À
AracKhan, on joue aux cartes, c’est le sport national. Robert Palmer a donc développé avec l’aide de Mickaël Bour le
jeu AracKhan Wars, un jeu de cartes efficace et qui retranscrit parfaitement le ton de l’univers. Axel Allieu m’épaule sur
la partie édition, et enfin Martial Louis nous aide dans le développement musique et business du projet. À vrai dire, on
ne s’est jamais posé la question du transmédia, pour nous ça tombait sous le sens. Notre seul et unique postulat de
départ est la cohérence : on veille scrupuleusement à ce que tous nos produits aient un sens, qu’ils nourrissent l’univers
et qu’ils soient en phase avec notre vision qui est geek mais pop ! Il y a une notion d’universalité à AracKhan qui est très
fidèle à ce qu’est l’équipe qui travaille derrière. On essaye d’éviter les clichés. On peut trouver des petites fées de glace
à AracKhan comme des créatures répugnantes. Tous cohabitent et il existe toutes sortes de légendes : des contes de
fées, des histoires cauchemardesques en passant par des intrigues politiques alambiquées. C’est le reflet de notre monde. 
Aujourd’hui, la fantasy se doit d’être démocratique. On essaye de faire tomber un maximum de barrières.
 
Pourquoi commencer par des livres audio et un album symphonique ?
Des livres sur support papier, des romans, des BD, sont-ils prévus ?
Avec mes tendances audiophiles ;), il fallait vraiment commencer par le son. On a donc creusé dans ce sens et
développé l’OdioFilm. On voulait vraiment mettre au point quelque chose d’innovant afin que l’OdioSpectateur vive
intensément l’action. On pense avoir tenu notre pari, l’impact que le format a sur les auditeurs est juste incroyable. À
mon sens, il n’y a pas de meilleure porte d’entrée pour AracKhan. L’album symphonique était une évidence, c’est un
peu notre bestiaire musical. On y déploie tous les thèmes relatifs à une province, thèmes dont on ne peut pas profiter
en intégralité dans l’OdioFilm car l’intrigue ne le permet pas. C’est aussi l’occasion d’aller plus loin et de proposer
des morceaux inédits. Pour en savoir plus sur un personnage et sur ses motivations, écouter son thème est souvent
plus révélateur que regarder son illustration. Nous travaillons également sur une série de livres électroniques, avec
l’ambition de repousser les limites du format pour enrichir l’expérience de la lecture en y ajoutant d’autres sens :
l’ouïe et aussi le toucher. Enfin, le papier est quelque chose que l’on adore tous. On y réfléchit, pour faire ça bien !
 
La branche jeux de votre structure débute avec la sortie prochaine de AracKhan Wars,
un jeu de cartes d’affrontements, des tournois sont-ils prévus ? D’autres jeux sont-ils
en préparation et si oui quels genres (cartes, fig, JdR, JdP) ?
rimentés, qui y trouveront la profondeur nécessaire pour alimenter leur côté stratège : l’aspect compétitif est claire-
ment dans son ADN. Nous avons conçu AracKhan Wars pour qu’il soit aussi vivant et dynamique que le monde
d’où il vient. Sa conception en saisons, avec l’introduction d’éléments de gameplay novateurs, ainsi que d’autres
modes de jeu passionnants, plus narratifs, vont rythmer sa vie, avec un travail constant sur son équilibrage. Nous
tenons à ce qu’AracKhan Wars trône longtemps sur de très nombreuses tables de joueurs. On travaille donc pour.
Concernant le reste, on est toujours guidés par une chose : s’il y a idée alors il y a développement. AracKhan est vaste et
nous avons quelques pistes à suivre pour ne pas nous perdre dans le marais du Myrkour !
The Boys

THE BOYS
LE PA SSAGE DU COMIC S À L A T V !

C’est beau, c’est malin et c’est trash ! Pas étonnant que The Boys
soit devenue la série originale Amazon la plus vue de tous les temps !
En attendant la saison 2, rencontre avec le showrunner Eric Kripke
(Supernatural), qui nous explique comment il a traduit l’univers de
Garth Ennis à la TV.

Propos recueillis et traduits par JOHN PRATE


Eric Kripke au milieu de ses « boys »
EEK MAGA-
ZINE : Pourquoi
G avez-vous voulu
travailler sur
The Boys ?
Vous étiez fan du comics ?
ERIC KRIPKE (showrunner) :
De longue date, je suis un méga
fan des comics de Garth Ennis.
De The Preacher en particu-
lier, qui fait partie du top 5 de
mes comics préférés de tous
les temps. Je l’ai dit de nom-
breuses fois que quand j’ai
créé Supernatural, Preacher et
Hellblaizer (alias Constantine)
étaient mes sources d’inspira-
tion principales. J’ai commencé
à lire ses comics à la fac quand
j’avais 20 ans et depuis, je lis
tout ce qu’il a écrit. Donc quand
The Boys est sorti en comics,
j’ai dévoré ça et j’ai tout de
suite adoré. Des années plus
tard, j’ai vu qu’une série Prea-
cher allait se faire, et comme
je connaissais Neil Moritz, qui
était l’un des producteurs exé-
cutifs, je suis allé le voir et j’ai
rencontré Seth Rogen et Evan
Goldberg qui produisent aussi
la série. Je n’avais aucun but,
je voulais juste leur dire d’aller
se faire foutre d’avoir donné ce
projet à quelqu’un d’autre que
moi, que j’étais jaloux car j’étais
le plus grand fan du monde de
Preacher et de Garth Ennis !
Chose qu’ils ne pouvaient pas
savoir, mais passons. Alors
Seth et Evans m’ont dit « Euh,
désolé, mais si tu veux on a
aussi les droits de The Boys,
on a essayé de le faire en film
mais on n’y est pas arrivé, donc
on veut tenter d’en faire une
série TV, ça te brancherait ? »
J’ai tout de suite répondu « OK,
©
AMAZON
41
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AMAZON
super, je prends ! » La réunion
s’est vraiment passée comme
ça ! Seth et Evan voulaient pro-
duire The Boys car ils sont très
proches de Garth, c’est une vraie
petite famille. Comme Ennis était
content de ce qu’ils ont fait sur
Preacher, ils ont carte blanche
pour adapter ses autres comics.
Et moi, je suis arrivé au bon
moment en somme !
Quand vous avez rencontré
Garth Ennis, est-ce qu’il avait
des conseils pour vous ?
Quand on s’est vus pour la
première fois, j’étais super
nerveux, car même si je suis
un professionnel, à la base je
suis un gros fanboy ! À chaque
fois que je rencontre quelqu’un
dont je suis fan, je dois faire un
effort surhumain pour rester
cool et pro. Faire semblant que
c’est normal que je sois là et
que je ne suis pas un usurpa-
teur. (Rires) Quand j’ai rencon-
tré Karl Urban ou Elisabeth
Shue pour la première fois par
exemple, j’ai eu du mal à me
contrôler. Je me retenais de
poser des centaines de ques-
tions sur Karate Kid à Elisabeth.
(Rires) Quand j’ai rencontré
Garth, je n’avais pas le senti-
ment de passer une audition,
mais plutôt qu’il voulait voir si
on allait pouvoir s’entendre, si
on était sur la même longueur
d’onde. J’ai trouvé qu’il était
très intelligent et extrêmement
gentil. Puis, il m’a demandé ce
que je pensais de l’histoire de
The Boys. Je lui ai répondu, « je
pense que sous toute cette vio-
lence, il y a une histoire d’amour
touchante, c’est en fait ça et la
relation entre les personnages
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW THE BOYS
42
« La bande dessinée s’exprime
dans l’espace, tandis qu’un film
s’exprime dans le temps. Ce sont
deux formes d’art qui s’expri-
ment très différemment. » - Eric Kripke
qui m’intéresse le plus et que
j’ai envie de mettre en avant ».
Il m’a répondu : « Oui, c’est tout
à fait ça, je ne vois pas pourquoi
tout le monde ne le comprend
pas ! » Donc je pense qu’on
s’est entendus, et qu’on était
d’accord sur l’esprit du projet.
Vous avez des acteurs formi-
dables ! Est-ce que réunir cette
distribution a été difficile ?
Ça a été un enfer ! Comme
pour toutes les séries, c’est un
processus interminable où tout
le monde doit être d’accord, les
producteurs, Sony, Amazon…
Ce qui était curieux, c’est qu’on
a dû commencer par le casting
des super-héros car cela prend
six mois pour créer leurs cos-
tumes ! Donc six mois avant de
tourner la première image on
devait se décider sur un acteur,
le faire accepter par tout le
monde et lancer la production
de son costume de super-héros,
qui coûte en passant plus de
100 000 dollars par person-
nage ! Des délais très longs
pour de la TV. Donc, on a com-
mencé par les antagonistes
avant de trouver nos héros,
le monde à l’envers ! Pour le
rôle de Butcher, Seth, Evan et
moi savions tous qu’on voulait
Karl Urban. Le studio nous a
dit d’accord, mais avant, il faut
qu’on passe des mois pour voir
d’autres acteurs, au cas où.
Donc on a vu tous les acteurs
du monde pendant des mois,
des gens formidables, mais
personne n’a pu nous faire
oublier notre première idée qui
était que Karl Urban est le seul
acteur au monde capable de
jouer ce rôle ! Donc on a enfin
contacté Urban et dieu merci
il était disponible et intéressé.
Pour Hughie, le choix idéal il
y a 20 ans aurait était Simon
Pegg, car c’est lui qui a servi de
modèle au personnage ! Depuis
des années il disait qu’il voulait
bien jouer le personnage, mais
que passé un certain âge ça
ne serait plus très réaliste. Dès
qu’on a eu le feu vert pour la
série, on lui a demandé s’il vou-
lait le rôle du père de Hughie
et il a dit oui tout de suite, que
même s’il était débordé par la
promo de Mission : Impossible
- Fall Out (2018) il trouverait
le temps de le faire. Ça m’a
impressionné sa dévotion au
comics et aux fans à qui il a
dit pendant des années qu’il
voulait être Hughie. Même si au
final, il est son père et qu’il a un
accent américain. Un choix de
dernière minute, en fait, parce
qu’on voulait vraiment que
Butcher soit le seul personnage
avec un accent écossais, pour
mieux le faire sortir du lot et le
rendre unique.
L’adaptation du comics a
dû être un enfer. Comment
avez-vous abordé l’écriture
de la série ?
Le gage c’est que ces 20 der-
nières années, je n’ai écrit
que des scénarios originaux.
La même année, j’ai attaqué
l’adaptation du roman La
prophétie de l’horloge pour le
cinéma et The Boys pour la télé.
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AMAZON
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Je me suis naïvement dit que
ça allait être facile, toutes les
idées étaient là, mais en fait
une adaptation est la chose la
plus difficile que j’aie jamais
faite de ma vie ! J’ai adoré le
faire, mais putain que c’était
difficile. J’ai l’habitude d’avoir
une page blanche et de pouvoir
faire ce que je veux. Mais quand
on adapte, on transplante une
histoire d’un médium à un
autre. Un comics et un film
n’ont rien à voir. La bande des-
sinée s’exprime dans l’espace,
tandis qu’un film s’exprime
dans le temps. Ce sont deux
formes d’art qui s’expriment
très différemment. Il est donc
impossible de faire une adap-
tation fidèle, on ne peut faire
qu’une interprétation. On est
constamment obligé de procé-
der à des petits changements.
C’était comme une partie de
Jenga super stressante, où à
chaque changement que je
faisais, j’avais peur de faire chu-
ter la tour et qu’au final j’aurais
détruit une œuvre que j’adore

et j’aurais été le connard qui
a gâché The Boys. Mais Garth
Ennis a été génial. Quand je lui
ai dit que j’allais être obligé de
faire des petits changements,
il m’a répondu « fais ce que
tu as besoin de faire, la seule
chose qui importe c’est que tu
sois fidèle aux personnages. Du
moment que les personnages
restent complexes et reconnais-
sables, tu peux changer ce que
tu veux, les fans ne t’en voudront
pas. » J’ai trouvé que c’était un
conseil remarquable ! Donc on
a tout fait pour rester fidèle aux
personnages, quitte à changer
un peu l’histoire.
Qu’avez-vous dû changer ?
Dans la BD, The Boys sont
déjà une équipe dès le premier
numéro tandis que dans la
série, elle se constitue au fil de
la saison. Pourquoi ce choix ?
Garth Ennis écrit des histoires
très complexes, avec beaucoup
de nuances. En BD, il peut
faire des flashbacks quand
il veut, avoir de la narration
pour expliquer des choses, et
des monologues intérieurs
pour expliquer les motivations
des personnages, choses que
nous ne pouvons pas toujours
faire à la TV. L’univers de The
Boys est comme une pelote
de laine roulée en boule avec
plein de nœuds, où les origines
de chaque personnage sont
dispersées. C’est à moi de
démêler les fils et de traduire
toutes ces informations sous
forme de scènes filmées,
avec des acteurs qui restent
compréhensibles. Oui, dans
le premier numéro du comics,
les Boys sont déjà une équipe
et tous les personnages sont
en place. Le conseil de Seth
et Evan, qui ont déjà affronté
ça sur Preacher, c’est de tout
ralentir et de commencer
« avant » le premier numéro
du comics. Donc les Boys ne
sont pas encore un groupe et
le monde n’a jamais entendu
parler du « Compound V ». On a
donc le temps de comprendre
les personnages et comment
fonctionne ce monde. Pour la
structure de la saison du coup,
j’ai eu envie de faire une version
trash du Magicien d’Oz ! Au fil
des épisodes, de nouveaux per-
sonnages sont introduits. Vous
réalisez qu’on doit introduire
douze personnages princi-
paux ? C’est énorme ! Dans la
première version du projet, on
avait tenté d’introduire tous les
personnages dès le pilote, mais
c’était nul : on ne prenait pas
assez de temps pour expliquer
le personnage de Hughie, son
drame personnel, et sa relation
avec Starlight. On ne compre-
nait pas non plus qui était But-
cher... Vous savez, j’aime ces
personnages, je veux passer du
temps à les découvrir. Je pense
que cela permet de présenter
tout le monde correctement et
de donner le temps aux specta-
teurs de tomber amoureux de
chaque personnage.
Votre série est trash et inter-
dite aux moins de 18 ans,
pourtant vous êtes très sage
en comparaison du comics !
(Rires) Le souci, c’est que si
on avait montré autant de cul
que dans le comics, on aurait
été classé X ! (Rires) Garth est
un auteur très extrême, super
intelligent mais extrême. Il peut
parfois faire des trucs plus
dingues que nous car c’est de
la BD, c’est du dessin... À la
télé, on ne peut pas montrer
des bites en érection, lui dans
le comics il peut. Et au final, on
veut toucher un large public,
donc on ne peut pas faire du
porno ! La violence, curieuse-
ment, ça va, mais on ne fera
une scène horrifique que si cela
sert l’histoire. On ne veut pas
choquer pour choquer. Comme
point de repère de ce qu’on
peut se permettre, on peut
faire quelque chose de R (inter-
dit aux moins de 18 ans) à la
Deadpool. C’est déjà extraordi-
naire de pouvoir faire ça ! Mais
on ne veut pas balancer des
gags gores juste parce qu’on
peut le faire, mais, encore une
fois, que si cela sert l’histoire
que l’on veut raconter.
C’est une série très drôle.
Mais comment évitez-vous
que les thèmes subversifs
de The Boys ne deviennent
une simple parodie du genre
super-héros, comme on en
voit pas mal en ce moment ?
Dès le départ, on a établi
une règle simple : la série se
déroule dans le monde réel et
ce sont de vraies personnes.
Donc l’humour ne peut venir
que de la juxtaposition de notre
réalité avec les mythes complè-
tement absurdes qui entourent
les super-héros. Depuis des
années, on nous bourre la tête
de conneries sur les super-hé-
ros et on ne remet rien en
question, c’est comme ça.
Quelqu’un qui parle aux pois-
sons, c’est complètement con
43
©
AMAZON
par exemple ; dans un comics
on l’accepte, mais dans la
vraie vie c’est juste con.
Donc l’humour ne vient que
de l’absurdité de mettre un
élément fantastique con dans
le monde réel. On ne voulait
pas perdre notre temps à
écrire des gags idiots sur les
super-héros, on savait que si
les gens pensaient qu’on était
une parodie à la Scary Movie,
on était mort. Du coup, les
motivations des personnages
doivent sonner juste, car
même les super-héros dans
la série sont des vrais gens
et non des clichés comme
Superman ou Batman. La
plupart des gens seraient des
connards, si on leur donnait
des pouvoirs. Donc au final,
on fait la série de super-hé-
ros la plus réaliste du
monde ! (Rires) À travers les
super-héros on veut surtout
se moquer de la culture de
la télé-réalité, du ridicule de
la célébrité, de l’importance
des attachés de presse et des
corporations qui manipulent
l’information et la culture
populaire au profit de leurs
projets politiques. Si les
super-héros étaient réels, ils
seraient avant tout des super
célébrités, dominant les infos,
les magazines people et les
réseaux sociaux. Ce qui fait
peur, c’est qu’aujourd’hui l’in-
fluence d’une célébrité est dif-
ficile à distinguer de celle d’un
homme politique, sauf que l’un
est élu et l’autre pas, et que les
deux peuvent être manipulés
par les corporations. C’est le
monde que Garth Ennis avait
prédit, et on y est.
Le S7 se réunit à Biarritz

LES SECRETS D’UNE PRÉQUELLE EXEMPLAIRE, QUI SE HISSE AU NIVEAU DU FILM ORIGINAL DE JIM HENSON.

DARK CRYSTAL

NETFLIX
©
LE TEMPS DE L A RÉBELLION
La série de Netflix qui remporte un immense succès critique et public
n’est pas une production télé comme les autres. Il aura fallu plus de
huit ans de recherches et de nombreuses versions de l’histoire avant
que ce projet ambitieux soit concrétisé.

Propos recueillis et traduits par PASCAL PINTEAU

S
orti en 1982, Dark et asservi les peuples de Thra « Dark Crystal et Le Retour
Crystal est le chef pour bénéficier des pouvoirs du
d’œuvre de Jim cristal. La grande idée narrative du Jedi sont les deux pre-
Henson, génie de la série est un parallèle avec
des marionnettes, l’histoire de Spartacus, l’esclave miers films qui m’ont amené
créateur des qui défia l’Empire Romain :
Muppets et de comme lui, les Gelflings trop à m’intéresser aux coulisses
Sesame Street, dociles découvrent les abus de
disparu prématu- leurs maîtres, et organisent la du cinéma. » - Louis Leterrier
rément en 1990. révolte pour devenir libres. Geek
Sa fille Lisa s’est battue pour Magazine avait pu accéder au DR
©

explorer à nouveau cet univers tournage l’année dernière…

où les Gelflings affrontent les
cruels Skeksès qui malmènent
le cristal magique, cœur des
pouvoirs mystiques du pays de
Thra. Elle y est parvenue grâce
à Netflix, et en choisissant Louis
Leterrier (L’Incroyable Hulk, Le
Choc des Titans) pour copro-
duire et réaliser les 10 épisodes
de cette préquelle qui raconte
comment les Skeksès ont berné
UN TOURNAGE CONFIDENTIEL
Allez hop ! Petit voyage tempo-
rel et retour au 23 août 2018. Ce
matin-là, nous nous trouvons
dans la banlieue londonienne, et
nous approchons de hangars
anonymes où la série se tourne
en secret. Seul indice que nous
sommes parvenus à destina-
tion : un rocher en résine et Gary Kurtz, Jim Henson et Frank Oz sur le tournage de Dark Crystal (1982)

END. BEGIN. ALL THE SAME.
Entretien avec Louis Leterrier, coproducteur, showrunner et réalisateur
Louis Leterrier bichonne ces acteurs
acontez-nous vos premiers
contacts avec Lisa Henson et
R comment vous en êtes venu
à développer et à réaliser
les dix épisodes de cette
préquelle de Dark Crystal ?
Louis Leterrier : Le premier contact avec Lisa
Henson a eu lieu en 2010, après la sortie du Choc
des Titans, qui avait bien marché. À Hollywood,
quand votre dernier film a du succès, votre agent
vous appelle. Le mien m’a dit « Maintenant,
beaucoup de gens vont vouloir te rencontrer, et
de ton côté tu vas également pouvoir contacter
les personnes que tu aimerais connaître, et avec
lesquelles tu aimerais développer des projets.
Avec qui souhaiterais-tu travailler ? » Ma liste
n’était pas longue, et tout en haut, il y avait la
société de production de Jim Henson. À cette
époque, je ne savais pas qui étaient ses dirigeants,
et j’ai été très heureux de découvrir qu’il s’agissait
toujours des enfants de Jim Henson, Lisa, Brian,
et deux de leurs sœurs qui s’occupent plus de
l’aspect business que de la production artistique
des projets. J’ai donc rencontré Lisa à ce moment-
là, je lui ai expliqué que les créations de son père
faisaient partie de celles qui m’avaient le plus
influencé depuis mon enfance, et nous sommes
devenus rapidement amis.
Diriez-vous que c’est Dark Crystal qui vous a
donné envie de devenir réalisateur ?
Oui. C’est le film culte que je regardais en boucle
quand j’étais tout petit. D’ailleurs, il m’avait fait
très peur à ce moment-là ! (rires) Dark Crystal et
Le Retour du Jedi sont les deux premiers films qui
m’ont amené à m’intéresser aux coulisses du
cinéma. J’avais lu un reportage sur Le Retour du Jedi
dans le magazine Starfix, et on voyait les photos
des marionnettes de créatures, des maquettes de
vaisseaux… En voyant ces films, je sentais que tout
cela était conçu et fabriqué par des artistes. Parfois,
ces marionnettes et ces astronefs ressemblaient
un peu à des jouets, et me rappelaient les films
Super-8 que je tournais avec mes Lego quand
j’avais entre 8 et 10 ans. En lisant ces reportages
sur la création de ces films, je me disais que
c’était la version de luxe hollywoodienne de ce que
j’essayais de faire avec ma petite caméra et mes
jouets ! Et après, quand je revoyais Dark Crystal
en vidéo, je commençais à deviner certains des
45
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NETFLIX
trucages qui étaient employés, alors que d’autres
restaient des tours de magie mystérieux. L’un des
premiers « trucs » que j’ai remarqués concernait la
manière dont les scènes avec Jen le Gelflin étaient
réalisées. Je me rendais compte que dans certains
plans, quand on le voyait courir, il s’agissait d’une
personne de petite taille qui portait un masque,
puis qui passait derrière un rocher, et qu’ensuite,
c’était la marionnette de Jen qui réapparaissait de
l’autre côté pour se rapprocher de la caméra et être
filmée en gros plan. Là je comprenais comment
c’était fait, mais l’astuce était tellement formidable
que j’adorais le résultat. J’ai donc expliqué mon
engouement pour ce film à Lisa Henson, et lui ai
dit que pendant la préparation du Choc des Titans,
je l’avais revu toutes les semaines pour m’inspirer
de sa direction de la photographie, de la qualité
artistique des décors, des créatures, des patines,
etc. Et là, Lisa m’a demandé si j’aimerais réaliser
la suite de Dark Crystal. Je suis tombé des nues,
évidemment, et l’aventure a commencé ainsi.
Le projet de film The Power of the Dark Crystal,
basé sur des notes de Jim Henson et Brian
Froud, avait été annoncé en 2006, mais n’a
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW DARK CRYSTAL
46
Discussions sur le Brexit
« Pouvoir développer à nouveau
cet univers 37 ans plus tard a été
une formidable surprise. Quand
on m’a annoncé la nouvelle, j’ai
eu du mal à y croire. » - Brian Froud
fibre de verre aux formes tour-
mentées, abandonné dehors, et
qui semble crier « J’ai joué dans
Dark Crystal ! » Nous sommes
accueillis dans le département
de conception des décors, aux
murs tapissés d’illustrations
spectaculaires de cavernes
phosphorescentes, d’un désert
de cristaux, de forêts magiques
et de scènes de bataille qui
révèlent d’emblée que dans le
passé de Thra, il y a beaucoup
plus de Gelflings, de Podlings et
de créatures que dans le monde
crépusculaire du film original,
où un seul couple de survivants
Gelflings affrontait les Skeksès.
Sur les tables sont disposées
des maquettes d’arbres géants,
des villages des différents clans
de Gelflings et du char des
Skeksès dont les roues sont des
scarabées géants qui se roulent
en boule pour le faire avancer !
Dans l’atelier des marionnettes,
on est frappé par le réalisme
des yeux d’un Gelfling, par le
grain de sa peau de mousse de
latex, et la finesse des broderies
de son costume. On a l’impres-
sion de voir une illustration du
génial Brian Froud prendre vie,
et cela n’est pas un hasard :
le cocréateur de Dark Crystal
est à l’œuvre un peu plus loin.
Il a signé les designs de tous
les nouveaux personnages de
la série et de leurs costumes.
Pose clope pour les acteurs
Lisa Henson et Brian Froud à l’affût
Froud travaille en famille,
puisqu’il est assisté de son
épouse Wendy, rencontrée sur
le tournage de Dark Crystal,
et de leur fils Toby, qui est le
superviseur créatif de l’atelier
où sont fabriquées les marion-
nettes animatroniques. Il sourit
tout en crayonnant d’adorables
bestioles et des monstres répu-
gnants : « Pouvoir développer à
nouveau cet univers 37 ans plus
tard a été une formidable sur-
prise. Quand on m’a annoncé la
©
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nouvelle, j’ai eu du mal à y croire.
Et tous les jours, j’apprécie ce
privilège et cette joie. »
L’ARMÉE INVISIBLE
DES MANIPULATEURS
Sur les plateaux, la magie opère
aussi. Nous découvrons les cou-
loirs du château des Skeksès
puis le labo du grand savant
aux murs traversés d’engre-
nages et aux cages remplies de
mignonnes petites bêtes. Plus
loin, la sorcière Oghra patiente,
assise sur une chaise au milieu
des maisonnettes d’un village
enchanteur. Un cyclorama – un
immense trompe-l’œil peint
sur toile – entoure le décor, et
donne l’impression de voir le
paysage jusqu’à l’horizon. Les
décors sont surélevés et leur sol
pourvus de trappes ou de tran-
chées. Les manipulateurs des
personnages échappent ainsi

#MarionnetteMetoo
abouti que sous la forme d’une adaptation
en BD parue en 2017. Ce scénario était-il
déjà en place quand vous avez entamé votre
collaboration avec la Jim Henson Company ?
Effectivement, à ce moment-là, il existait un projet de
suite dont le script avait été rédigé par David Odell,
le scénariste du film original, à partir des notes de
Jim Henson et Brian Froud. Nous avons commencé
à travailler sur cette base, mais nous nous sommes
rendu compte assez vite que si la suite pouvait être
intéressante, en tant que spectateur, on se posait
beaucoup plus de questions sur les événements
qui s’étaient déroulés avant, et à titre personnel,
j’avais aussi beaucoup plus envie de voir tout
cela… Comme vous le savez, dans la chronologie
de l’histoire du monde de Thra, Dark Crystal est un
peu comme le point d’exclamation à la fin d’une
très longue phrase. C’est l’histoire de la fin d’une
civilisation, et des deux derniers Gelflings, Jen
et Kira, qui arrivent à se retrouver et à vaincre les
Skeksès, ces créatures venues d’une autre planète.
Le film original est fortement imprégné par ce
thème du crépuscule d’un monde, affaibli par
les méfaits des Skeksès et par leur utilisation
néfaste du cristal…
Oui. Et c’est la raison pour laquelle j’avais envie
de voir comment la civilisation des Gelflings vivait
avant d’être dominée et quasiment exterminée par
les Skeksès. On voit dans le film original que les
Skeksès sont très âgés et bougent lentement. La
légende de Thra dit qu’ils étaient 20 à l’origine, et
qu’il n’en reste plus que 18. J’avais envie de savoir
comment ce petit groupe avait agi pour réussir à
dominer toute la planète. Et de combien de clans le
peuple des Gelflings était constitué, et dans quels
environnements différents ils vivaient. Après en
avoir parlé à Lisa, nous avons retrouvé des notes
de Jim Henson et de Brian Froud qui concernaient
l’origine du monde de Thra. En réalité, plus que
des descriptions écrites, il s’agissait surtout
d’idées graphiques annotées, en vue de créer de
nouveaux personnages. Mais rien n’était vraiment
développé. La Jim Henson Company a donc passé
plusieurs années à constituer l’histoire de l’origine
de Thra, des Gelflings, d’Aughra, la chronologie des
principaux événements, etc. Tout cela a été intitulé
The Creation List, et a été à l’origine de plusieurs
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bandes dessinées et surtout, pendant que j’étais
là, de la série de 4 romans écrits par J.M. Lee, qui
a débuté en 2016 (le premier opus, Les Ombres
du Dark Crystal est paru en avril 2018 chez Seuil
Jeunesse, en deux tomes, et J.M. Lee a travaillé
en tant que consultant et scénariste sur la série
de Netflix, NDLR). Même s’il s’agit de livres pour
adolescents, ils nous ont vraiment aidés à créer les
histoires de la série, à trouver des idées de lieux et
des noms de personnages. Arrivés à ce stade-là,
nous avons compris que, si l’on aurait pu concevoir
une suite de Dark Crystal sous la forme d’un film de
deux heures, il était absolument impossible de faire
de même pour une préquelle. Nous avons donc
pensé à une série et c’est ce qui nous a poussés à
aller voir Netflix en 2013.
Et Netflix vous a tout de suite dit oui ?
Voilà comment les choses se sont passées : nous
avions décidé de ne proposer ce projet qu’à Netflix
et à personne d’autre. C’était un pari risqué, mais
Lisa et moi considérions qu’ils étaient les seuls à
être assez fous et audacieux pour se lancer dans un
tel projet. Nous n’avions qu’une seule chance, un
peu comme quand Luke Skywalker tire son unique
missile dans la tranchée de l’Étoile de la Mort !
(rires) Il faut que je précise que notre contact chez
Netflix, Ted Biaselli, est un fan absolu de l’œuvre de
Jim Henson et de Dark Crystal. Ted a deux comptes
Instagram : sur le premier, il présente les photos
très élaborées de ses compositions réalisées avec
des briques Lego, et sur le deuxième, il publie les
images de sa collection de jouets et de BD. Pour
nous, cette personne a été comme une sorte d’elfe
bienveillant et magique. Ted est vraiment génial, et
il a été aussi à l’origine de beaucoup de séries à
succès de Netflix, et notamment de Stranger Things.
Il les a pratiquement toutes chaperonnées.
Que lui aviez-vous présenté lors de
ce premier contact ?
Nous lui avions remis une bible de présentation
de ce que pourraient être les dix épisodes d’une
série qui menaient à un film. Nous lui avons dit que
nous aimerions la réaliser avec des marionnettes,
mais que si cela leur posait problème, on pouvait
envisager aussi de concrétiser le projet en dessin
animé, sous une forme graphiquement intéressante.
47
«Nous n’avions qu’une
seule chance, un peu
comme quand Luke
Skywalker tire so n
unique missile dans la
tranchée de l’Étoile de
la Mort ! (rires) » - Louis Leterrier
Il nous a dit « OK, bien compris, je vous rappelle. » Il
nous a rappelés deux ou trois jours après en nous
disant : « J’ai une mauvaise nouvelle, mais j’en ai
aussi une bonne. La mauvaise, c’est que comme nous
avons déjà trop de projets d’animation en cours, nous
ne produirons pas une série Dark Crystal en dessin
animé. Mais la bonne nouvelle, c’est que nous allons
produire Dark Crystal avec des marionnettes, et qu’au
lieu de concevoir une série de 10 épisodes menant à un
film, nous aimerions bien développer le concept pour
avoir la possibilité de le raconter en plusieurs saisons.
Pensez-vous que ce soit possible ? » Évidemment,
tout en manquant de nous évanouir, nous avons
répondu que tout était possible ! (rires) La seule
condition était que ce soit la Jim Henson Company
et sa Creature Shop qui conçoive tout cela, en raison
de leur expérience et de leur parfaite connaissance
de cet univers. Nous lui avons expliqué aussi que
vu la quantité de travail que cela allait représenter,
il faudrait que Netflix valide les designs des
créatures et des décors au moins 4 à 5 ans avant
que la série ne soit prête à être diffusée. Pour bien
clarifier les choses, nous avons précisé aussi que
ces travaux de réalisation des marionnettes et des
environnements n’étaient pas plus coûteux que
d’autres méthodes, mais que cela nécessitait plus
de temps de préparation, de tests et de fabrication.
Bref, il fallait donner des réponses dès le lancement
du projet en sachant qu’ils ne verraient pas le
résultat final avant quelques années. Netflix nous a
répondu « il faudra juste que nous validions les scripts,
mais comme nous aimons la Jim Henson Company,
Dark Crystal et le travail de Louis, c’est d’accord,
on y va comme ça ! » Voilà comment nous avons
lancé la série. Je pense que nous avons présenté ce
projet au bon moment, quand toutes les conditions
favorables étaient réunies chez Netflix et de notre
côté pour qu’il puisse voir le jour, mais encore une
fois, le rôle joué par Ted a été déterminant.
Pendant notre visite du tournage, nous avons
vu que les décors sont construits sur des
plateformes et pourvus de trappes ou de
tranchées afin que les manipulateurs puissent
se dissimuler. Est-ce cela vous a obligés à
renoncer à certains équipements de cinéma
comme des travellings ou des dollies pour ne
filmer qu’avec une Steadicam ?
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW DARK CRYSTAL
48
« Mon implication dans les designs
a été totale dès le début du projet,
mais nous avons eu beaucoup de
chance de pouvoir travailler avec
toute la famille Froud » - Louis Leterrier
au regard des caméras. Chaque
Gelfling est manipulé par deux
ou trois personnes. Le marion-
nettiste principal a un bras
levé au-dessus de la tête, qui
lui permet d’animer la bouche,
et son autre bras actionne l’un
des bras du Gelfling grâce à
une tige. Un deuxième manipu-
Session de maquillage pour les Gelflings
©
NETFLIX
lateur actionne l’autre bras de
la marionnette. Et un troisième
actionne les servomoteurs
reliés aux mécanismes des
yeux, des paupières et de cer-
taines expressions grâce à une
radiocommande. Depuis le film
original de 1982, les servomo-
teurs sont devenus plus menus
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©
NETFLIX
et plus puissants, et permettent les personnages, on le sent
d’intégrer plus d’animations heureux de voyager dans
dans les petites têtes des per- le monde de Jim Henson et
sonnages. Mais les choses se Brian Froud qui a marqué son
compliquent pour animer un enfance et son imaginaire. La
grand Skeksès, qui a quatre passion sincère du réalisateur
bras et une queue : on a besoin et de ses équipes imprègne
de trois à quatre manipulateurs chaque image de Dark Crystal,
au minimum, car on voit sou- le Temps de la Rébellion.
vent tous les bras et la queue
en action. Et comme ils doivent
tous bouger en même temps,
Louis Leterrier doit établir une
chorégraphie très précise avec
les marionnettistes quand une
scène implique un, deux ou trois
Skeksès qui marchent côte à
côte. Autant de réglages com-
plexes et pourtant insoupçon-
nables quand on voit le résultat
final sur le moniteur. Leterrier a
choisi de tourner les épisodes à
la Steadicam pour leur apporter
un dynamisme supplémen-
taire. En le voyant manier cet
appareil pour accompagner

Buffet d’entrée au Fouquet’s
Non, ce n’est pas la raison. Et d’ailleurs, les décors
de cinéma sont très souvent construits sur des
supports, à 1,40 m du sol, même quand on ne
tourne pas avec des marionnettes. J’ai choisi de
filmer principalement avec une Steadicam parce
que cette technique permet de partager le regard
de l’opérateur, et donc on sent cette vie, et mes
réactions en fonction des mouvements et des
sentiments exprimés par la marionnette. Cela donne
un sentiment d’humanité supplémentaire. Malgré
la fluidité qu’apporte ce système, il reste quelque
chose du geste et du regard humain pendant que
l’on filme. À l’inverse, les déplacements avec un
travelling ou ceux que l’on peut faire avec des
grues aux têtes gyro-stabilisées produisent des
mouvements trop parfaits. Et moi, je recherchais
l’imperfection humaine, la vie, dans la manipulation
des marionnettes et dans celle de la caméra.
Vous pouviez « danser » avec les personnages
tout en les filmant…
Exactement. Et comme je filmais moi-même, je pouvais
recadrer et m’adapter instantanément à ce que je voyais
pendant une prise. Ou alors j’allais chercher quelque
chose de différent par rapport à ce que j’avais filmé juste
avant. J’avais toujours deux caméras à disposition : une
caméra à l’épaule et une autre montée sur Steadicam,
et je passais de l’une à l’autre rapidement, ce qui me
permettait d’améliorer ce que je cherchais à capter dans
une scène. De plus, ce parti-pris visuel était à mon sens
la seule manière de réussir à tourner dix épisodes d’une
heure d’une série de marionnettes à grand spectacle.
Même si nous avons tourné longtemps, le rythme était
beaucoup plus rapide que celui d’un film. Je tournais en
moyenne de 50 à 100 plans par jour.
Vous avez utilisé aussi un peu de 3D…
Oui, pour créer des plans larges de foules avec des
centaines de Gelflings, ou de nos héros qui courent
au loin, mais j’ai expliqué dès le départ aux équipes
des effets visuels que je tenais à garder toujours
au minimum 75 % d’éléments réels dans l’image.
Le numérique nous a servi à amplifier parfois des
expressions, à ajouter des clignements d’yeux, ou
des mouvements de langues dans les bouches des
Skeksès. Mais c’est tout.
Quelles sont les caractéristiques des caméras
que vous avez utilisées et quel est leur niveau
de résolution vidéo ?
J’ai inventé la caméra que nous avons utilisée, avec
l’aide de nos partenaires de la société RED, que je
suis allé voir au début du projet. À la base, il s’agit
de caméras 8K équipées de capteurs Vistavision,
sur lesquels nous avons placé des feuilles d’or
extrêmement fines. Le rendu obtenu est beaucoup
plus chatoyant, plus riche. Je voulais retrouver
l’esthétique développée par le directeur de la
photographie Oswald Morris pour le film original,
qui avait été tourné sur pellicule 35mm. Nous avons
également réécrit le logiciel de la matrice de la
caméra. Et finalement, même si nous avons filmé
avec des optiques très grand format, nous avons
utilisé le format cinémascope, et c’est formidable
que Netflix nous ait permis de faire cela. Ce sont
les seuls opérateurs de streaming que cela ne gêne
pas, car ils offrent à leurs abonnés la possibilité
de voir la série soit avec le format cinémascope –
ou « Letterbox » comme on dit aux USA – soit en
recadrant dans l’image pour obtenir un format 16/9e
sans barres noires en haut et en bas.
49
©
NETFLIX
Votre série a une tout autre ampleur que le film
original : il y a beaucoup plus de personnages,
de contrées, de décors, de créatures…
il y a pour la première fois de grandes
batailles. Comment avez-vous participé au
développement de tous ces personnages et
environnements inédits ?
Mon implication dans les designs a été totale dès
le début du projet, mais nous avons eu beaucoup
de chance de pouvoir travailler avec toute la famille
Froud : Brian Froud, qui était le designer original du
film, son épouse Wendy, qu’il a d’ailleurs rencontrée
pendant le tournage de Dark Crystal, et leur fils Toby.
Wendy était marionnettiste et c’est aussi une artiste
qui travaille des matériaux comme la feutrine. Elle
avait travaillé sur les Gelflings, et créé beaucoup des
éléments magiques et poétiques du film original.
Toby, lui, a fait ses débuts très tôt dans l’univers de
Jim Henson, puisque c’était lui le petit bébé que l’on
voit dans le film Labyrinthe, et qui s’appelle d’ailleurs
Toby ! (rires) Cet adorable bébé a grandi, et travaille
d’habitude dans les studios Laika à Portland, qui
produisent de beaux films en stop-motion. Et donc,
toute la famille Froud nous a rejoints et nous a aidés
à concrétiser cet univers. En tant que showrunner de
la série, j’ai créé avec les scénaristes de nouveaux
personnages qui ne figurent ni dans le film, ni dans les
romans ou les bandes dessinées, et conçu aussi leurs
descriptions. En analysant le film original scène par
scène, j’ai remarqué des créatures en arrière-plan qui
m’intéressaient beaucoup, et décidé de les réutiliser
dans la série, en les mettant en avant dans certaines
séquences. Il y a donc beaucoup de surprises de ce
type, qui permettent de retrouver des personnages
qui n’ont été qu’entr’aperçus dans le film original.
MARIANNE
Entretien avec Samuel Bodin, le créateur de la série horrifique de Netflix !

Propos recueillis par JOHN PRATE

©
NETFLIX

’ayant pas été
impressionné par
N les précédentes
séries françaises
produites par
Netflix, ni par les tentatives
de séries de genre « made in
France » en général, c’était avec
un peu de méfiance que l’on a
abordé Marianne, diffusée par
Netflix depuis le 13 septembre.
Et là c’est le choc, cette série
horrifique est une réussite,
bourrée de bonnes idées et
visuellement splendide ! On
y suit une jeune romancière
qui retourne dans sa Bretagne
natale à cause d’une sorcière
qui hante ses rêves et ses
romans… Rencontre avec
Samuel Bodin (Lazy Company,
T.A.N.K.), créateur, coscéna-
riste (avec Quoc Dang Tran) et
réalisateur de l’intégralité des
huit épisodes de la saison. Il
nous parle de son travail, de ses
influences ainsi que l’aventure
folle de cette série !
GEEK MAGAZINE : Stephen
King a fait un tweet hier disant
qu’il aimait Marianne et qu’il
se reconnaît dans le ton de la
série. C’est la consécration !
Ça vous fait quoi ?
SAMUEL BODIN : Pour tout
vous dire, je suis comme un
enfant ! (Rires.) De toute façon,
la série était une déclaration
d’amour à Stephen King. Un
message comme ça et savoir
qu’il a jeté un coup d’œil, ça
m’intimide beaucoup. Je suis
comme un enfant, j’ai 11 ans là.
Ah oui ? King a donc eu une
grosse influence sur vous ?
Ah oui, à 100 % ! En créant la
série je ne pouvais pas m’em-
pêcher de penser à lui. Quand
j’avais 11-12 ans, je ne lisais
presque que du Stephen King
et son travail est à l’origine de
mon amour pour les histoires
qui font peur. C’est lui aussi qui
m’a donné l’envie de raconter
des histoires. Donc forcément,
quand j’ai pu faire de l’horreur,
Stephen King n’était pas loin
car il fait tellement partie de
mon ADN depuis tout petit.
Même ses thématiques, que ce
soit l’amitié, l’enfant en nous
que l’on garde ou que l’on perd,
nos peurs enfantines, la peur
des monstres et toutes ces
51
choses-là, je les ai dans mes pardon et du sacrifice qu’elle j’ai fait de manière récurrente,
os. En commençant à écrire demande et que ce n’est pas quasiment toutes les nuits,
Marianne, je savais que ça allait
être une déclaration d’amour
juste de la tendresse. C’est
assez proche de ce que moi je
quand j’avais 10-11 ans. J’étais
poursuivi par une sorcière qui
à l’univers de Stephen King. vis, car j’ai une bande d’amis se cachait dans les gens que
Il y a vraiment deux livres de que je connais depuis que j’ai j’aimais bien et qui ne pouvait
lui qui m’ont marqué. En pre- trois ans et on est toujours pas mentir si je lui demandais
mier lieu : Ça, qui m’a percuté, ensemble malgré des métiers si c’était elle. Je demandais à
notamment à cause de la rela- différents et que l’on vit tous ma mère, par exemple, si elle
tion d’amitié et comment elle dans des endroits différents était la sorcière, elle me répon-
évolue avec le temps, ainsi que de la planète. Beaucoup de dait « ben oui, c’est moi », et
pour la peur infantile pure. Je fois on s’est trahis dans tous je repartais en courant dans
pense vraiment que Ça c’est un les sens du terme et on s’est l’autre sens. Et j’allais me
bijou de culture fantastique... Et fait les pires coups, et si on est cacher avec des amis, et elle
l’autre livre de lui qui m’a terri- toujours ensemble, c’est qu’on était parfois parmi eux. Je me
fié, c’est Simetierre ; j’ai trouvé s’est pardonné ces choses- suis toujours dit qu’un jour je
que la mécanique d’horreur, la là alors que parfois c’était m’inspirerais de ce cauchemar
mécanique dramatique du livre limite… En ça, il y a quelque pour en faire quelque chose. Et
sont imparables. Je crois que chose d’autobiographique tout le reste bien sûr, ce n’est
c’est son livre le plus terrori- peut-être dans Marianne, dans que de l’invention ! (Rires)
sant, humainement. cette dynamique d’un groupe
d’amis. L’autre chose, c’est la Comment est-ce que Netflix
Vous citez aussi Lovecraft et gymnastique de la sorcière, le est arrivé sur le projet ? Ont-
Poe dans la série, ils vous ont fait qu’elle passe d’un corps à ils posé des limites à ce que
également beaucoup influencé ? l’autre, c’était quelque chose vous pouviez faire niveau his-
Oui, mais pas autant que King. dont je rêvais quand j’étais toire ou horreur ?
En fait, j’avais envie que la série plus jeune. Un cauchemar que Ça a été un peu spécial car
parle de livres, et on a voulu
mettre au début de chaque
épisode des citations qui nous « Quand j’avais 11-12 ans, je ne lisais
parlaient par rapport à ce qu’on
voulait raconter dans l’épi- presque que du Stephen King et son
sode. Je voulais des citations
littéraires, pour ouvrir une travail est à l’origine de mon amour
petite fenêtre sur la littérature
fantastique et horrifique. Donc pour les histoires qui font peur.
forcément Poe et Lovecraft
étaient indispensables. J’adore C’est lui aussi qui m’a donné l’envie
la poésie noire de Poe, et Love-
craft pour ses phobies, sa para- de raconter des histoires. » - Samuel Bodin
noïa que je trouve fascinantes.
Mais l’influence la plus impor-
tante, c’était en fait Nathaniel
Hawthorne, dont son livre La
Lettre écarlate est vraiment à
la base de mon envie de faire
une histoire de sorcière. Ce qui
m’a marqué, c’était sa façon de
raconter les sorcières, ça me
plaisait beaucoup, et ça conti-
nue de m’effrayer.
On m’a dit que Marianne
était autobiographique.
C’est vrai ? Vous rêvez vrai-
ment de sorcière ?
(Rires) On me charrie car dans
le personnage d’Emma, il y a un
peu de moi. Notamment parce
qu’elle a un groupe d’amis vieux
de 20 ou 30 ans. C’est ce que
je voulais raconter, et c’est un
peu le secret de la première
saison de Marianne : le rap-
port qu’on a à l’amitié quand
elle dure très longtemps, du ©
NETFLIX
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW MARIANNE
52
« C’est un peu le secret de la pre-
mière saison de Marianne : le rapport
qu’on a à l’amitié quand elle dure très
longtemps, du pardon et du sacrifice
qu’elle demande et que ce n’est pas
juste de la tendresse. » - Samuel Bodin
on a commencé à collaborer
avec eux au tout début du
projet quand j’écrivais la bible
de la série. Et finalement, ils
avaient décidé de ne pas faire
la série, donc on est passé par
d’autres diffuseurs… Puis on a
perdu tous nos diffuseurs, mais
nos producteurs ont continué
à payer le développement,
c’est à dire nous payer tous les
mois pour continuer d’écrire.
C’est une grande confiance
qu’ils nous ont fait, ça arrive
rarement ! Mais ensuite Net-
flix est revenu en disant qu’ils
avaient vraiment envie de faire
la série, mais qu’ils la voulaient
pour assez vite ! À ce stade-là,
on n’avait que deux épisodes
d’écrits ! Mais comme les délais
étaient assez courts, ils nous
ont dit qu’ils allaient nous don-
ner une grande liberté. On s’est
rapidement mis d’accord sur
pas mal de point, mais c’était
toujours de l’ordre de la dis-
cussion et non quelque chose
qu’ils voulaient imposer, c’était
toujours des discussions très
créatives. Au niveau horreur,
ils n’ont pas mis de frein, au
contraire même. Il y avait bien
une ou deux choses qui les
avaient taraudés, comme les
cigarettes par exemple, qui
sont leurs ennemies mortelles,
mais c’est tout… Je n’ai jamais
©
NETFLIX
eu à défendre une image qu’on
a tournée, on ne nous a jamais
dit que quelque chose était trop
violent ou faisait trop peur. Ça
a toujours été très créatif, ils
n’ont jamais posé de limites et
il y a même des moments où
ils nous ont dit qu’on aurait pu
aller plus fort ! Donc ça s’est
très bien passé. Ça a été une
très chouette expérience.
Dans le rythme de la série,
c’est frappant de voir les deux
premiers épisodes super
hard, alors qu’à partir de l’épi-
sode 3 on change de ton et ça
s’adoucit avec plus d’humour
dès qu’elle retrouve ses amis.
C’était voulu ?
Hmm. Oui, c’est vrai, vous avez
L’équipe de Samuel Bodin en plein travail
raison, il y a quelque chose qui
s’adoucit. Quand on a com-
mencé à écrire avec Quoc Dang
Tran, on s’est très rapidement
posé la question du média dans
lequel on allait raconter cette
histoire, c’est à dire la série.
Parce que les histoires d’hor-
reur marchent bien pour un
film d’une heure et demie, mais
nous on s’est posé la question
de savoir comment faire ça
sur huit épisodes. On s’est dit
que les mystères et la peur
n’allaient pas suffire, et on s’est
très vite rendu compte que la
chose qui nous emmènerait
au bout c’était Emma, notre
personnage principal. C’était
en fait son parcours qu’on allait
vouloir raconter sur 8 épisodes.
©
NETFLIX
On s’est donc demandé quelle
place devait prendre l’horreur ?
On s’est rendu compte qu’au
début de l’histoire elle devait
être puissante et violente,
mais que petit à petit on se
rapproche d’Emma et de son
combat et de son parcours à
elle, c’est pour ça qu’elle aussi
s’adoucit pour montrer qu’elle
n’est pas juste la teigne qu’elle
semble être. À partir de l’épi-
sode deux, on s’ouvre en même
temps qu’elle, du coup, l’hor-
reur elle aussi se dilue un petit
peu, et c’est aussi l’arrivée de
l’humour qui reprend sa place.
Le premier épisode devait
marquer les esprits, mais on ne
pouvait pas rester à ce niveau
de tension. C’est donc le traite-
ment de cette histoire en série
qui nous a fait nous dire qu’il
fallait qu’on s’adoucisse un peu
sinon on allait juste serrer les
dents tout du long et ce n’était
pas ça notre objectif. C’est pour
cela qu’il y a plusieurs mouve-
ments dans la série.
Parlons du tournage, ça a
dû être difficile… Pourquoi
avez-vous tenu à réaliser
tous les épisodes ?
En fait, c’est comme ça que
j’ai travaillé sur mes deux
précédentes séries ; je les
ai co-écrites et j’ai réalisé la

totalité des épisodes. Mais
c’est aussi un peu par néces-
sité, car le budget de la saison
1 de Marianne était assez
serré, surtout pour une série
d’horreur, on a dû tourner très
vite. On a fait un sprint de 14
semaines de tournage et à la fin
j’étais sur les genoux ! On a dû
tourner 5 ou 6 minutes effec-
tives par jour (donc images uti-
lisables au montage, ndr) et on
a eu 64 journées de tournage
en tout, je crois. On a tourné
tous les épisodes et les scènes
dans le désordre, en réalisant
toutes les scènes se dérou-
lant dans un lieu donné. On a
commencé par la Bretagne,
tous les extérieurs qu’il y avait
là-bas au mois de décembre, et
après on s’est rapprochés de la
région parisienne. Donc difficile
d’avoir plusieurs réalisateurs,
même si je n’ai rien contre, si
on fait une saison 2.
Au niveau de l’image et de la
musique, on sent l’influence
de John Carpenter…
Bien sûr ! Après la littérature
qui m’a influencé d’un côté,
on ne va pas se mentir, c’est
surtout grâce au cinéma fantas-
tique et d’horreur, dans lequel
je suis baigné depuis l’âge de
11 ans, que j’ai développé le
goût pour l’étrange et la peur.
©
NETFLIX
John Carpenter pour moi, en
termes d’histoires, en termes
d’images et en termes de
musique, sa façon d’avancer
dans un décor, sa façon de
suivre quelque chose qui fait
peur, est juste inimitable, c’est
quelque chose qui est dans mes
veines et qui fait partie de moi.
Quand on parle de fantastique,
Carpenter est un maître absolu.
Avec le compositeur Thomas
Cappeau, avec qui j’ai aussi
travaillé sur mes deux séries
précédentes, on voulait rentrer
dans le côté lancinant de la
musique de John Carpenter.
Je suis fan de cette musique
électronique, et pour certaines
scènes cela me semblait indis-
pensable. Mais il faut faire
attention, car cela lui appartient
complètement, et c’est trop
facile de venir citer des réfé-
rences et étaler sa culture. Mais
il faut rendre au roi ce qui est
au roi. En dehors de Carpenter,
c’est bizarrement surtout les
classiques qui me poursuivent
comme The Shining de Kubrick
ou The Exorsist… Il y a quelque
chose dans ces films-là qui
m’ont toujours marqué et dont
je n’arrive pas à me défaire,
c’est un peu mes abécédaires,
je ne peux pas m’empêcher d’y
retourner, de les regarder et
de les re-regarder, les regarder
53
©
NETFLIX
« J’adore cette scène car j’adore les
récits rapportés à l’image, quand
quelqu’un qui est filmé raconte
une histoire ; ce qui permet à nous
spectateurs d’imaginer une partie
de l’histoire. » - Samuel Bodin
sans musique puis les regarder On est en train de discuter de
avec musique, les décortiquer ça et d’y réfléchir. Il va falloir
dans tous les sens. déjà voir comment la série fonc-
tionne et si on nous commande
Parlant de John Carpenter, une saison 2… (Rires) Mais oui,
son film The Fog (1980) il y a le désir de continuer l’his-
influence certaines scènes sur toire encore un peu, on a des
la plage dans Marianne, non ? pistes de « où on veut aller »,
Oui ! Bien vu ! (Rires) La scène par exemple continuer ce que
que j’adore dans The Fog, qui l’on découvre dans l’épilogue de
m’a le plus inspiré et qu’on la saison 1. Ce qui est sûr, c’est
retrouve un peu dans Marianne, qu’on a envie de se concentrer
c’est la scène où il y a un sur les personnages d’Emma
homme sur la plage autour d’un et de Camille. Dans l’idéal,
feu de camp avec des gens et j’aime bien quand un film ou
il raconte la légende du bateau une série ont une vraie fin, donc
qui a coulé. Et les scènes dans si je devais rêver, j’aimerais
Marianne où la bande de copains bien faire trois saisons, ou trois
est réunie dans l’épave du tomes, et qu’il y ait à la fin une
bateau vient de là, en quelque conclusion définitive.
sorte, inconsciemment. Et
j’adore cette scène car j’adore
les récits rapportés à l’image,
quand quelqu’un qui est filmé
raconte une histoire ; ce qui
permet à nous spectateurs
d’imaginer une partie de
l’histoire. Et dans la première
scène de The Fog, il est minuit
moins cinq, il reste donc cinq
minutes pour raconter une
histoire qui fait peur, et ça, je
trouve ça juste incroyable.
Sans faire de spoilers, la
saison a une fin ouverte.
Vous avez des idées pour
une saison deux ?
Persona 5

BAS LES MASQUES

As-tu conscience de l’image que tu renvoies au monde et de qui tu es au
fond de toi ? C’est sur cet ambitieux questionnement que se développe la
licence de jeux vidéo Persona qui depuis quelques années, jouit d’un succès
international de plus en plus large, chose rare pour un JRPG totalement
formaté pour un public japonais. C’est que l’approche du studio Atlus pour
développer son univers est des plus pointus, et sous un sublime verni pop
aux couleurs acidulées accompagné de musiques hypées se cache en vérité
une réflexion profonde sur la construction de l’identité à l’adolescence,
inspirée de la psychanalyse de Carl Jung. Se déroulant dans une époque
contemporaine, à l’ambiance très portée sur les légendes urbaines et sur
ce qui se cache derrière les apparences, la série Persona veut nous montrer
qu’une approche novatrice sur les maux de notre époque à travers une
simulation de vie étudiante teintée de fantastique peut offrir un réel spectacle
pour le grand public tout en l’amenant à réfléchir sur lui-même. À la veille
de la sortie d’un nouvel opus très attendu, il est temps de se mettre à nu et
rentrer dans la purple room à la rencontre de notre persona !

Texte d’ANTONIN LACOMME


A
GÉRER SON ŒDIPE
u commence-
ment était le
verbe… mais
pour ce qui
nous intéresse à
l’origine Persona
n’est qu’un spin
off d’une autre
série du même
éditeur : Shin
Megami Tensei. C’est en 1987
que se crée le studio Atlus qui
cherche à se positionner sur
le marché des RPG là où Final
Fantasy de Squaresoft et Dra-
gon Quest d’Enix connaissent
un succès fulgurant. Souhai-
tant se démarquer pour leur
premier jeu, les développeurs
de chez Atlus vont chercher
quelque chose de nouveau
et de radicalement différent
en développant leur crédo :
étrange et original. Plutôt que
d’aller vers la fantasy euro-
péenne, Atlus décide à l’inverse
d’être plus japonais et de faire
un jeu bien particulier en adap-
tant les romans Digital Devil
Story : Megami Tensei de l’écri-
vaine japonaise Aya Nishitani.
Les livres racontent comment
un lycéen nommé Nakajima va
mettre au point un programme
BY MURASAKI HISATO / SHÔGAKUKAN
ATLUS. ©SEGA. ALL RIGHTS RESERVED. SUBLICENSED TO AND PUBLISHED BY DEEP SILVER, A DIVISION OF KOCH MEDIA, AUSTRIA.
©
Art Book Persona 5, chez Mana book
C’est assez jubilatoire de voir qu’une série
qui tient son nom d’un concept psycha-
nalytique ayant trait à l’identité, en soit
venue à se forger la sienne !
©
d’invocation de démons afin inspiré du film If de Lindsay
de se venger d’une humiliation Anderson sorti en 1968. Moins
et invoquer un démon du nom sombre que les précédents, le
de Loki qui va mettre le monde jeu veut toucher un public plus
en péril… Se situant dans un jeune, les démons invoqués
univers contemporain et ayant sont alors appelés Persona
leur identité propre, Atlus a et l’histoire s’inscrit dans un
trouvé là tout un univers sur univers parallèle basé sur les
lequel s’asseoir pour dévelop- lycéens japonais.
per ses jeux. L’opus If plaira tellement que
Intitulé Digital Devil Story : l’idée de créer une sous-série
Megami Tensei sur la Fami- tournant autour du lycée com-
com de Nintendo, ce premier mence à germer dans l’esprit
opus d’une longue série des développeurs. Et c’est
est un mélange étrange de ainsi que naît en 1996 la série
science-fiction, d’horreur et de Persona dont le premier volet
fantastique avec un gameplay choisira la Playstation de Sony
inspiré de Donjon Master avec pour faire son entrée sur le
une pointe de tactical. À sa sor- marché. L’histoire se concentre
tie, ce jeu intriguera et rempor- sur un groupe de lycéens qui
tera un beau succès et rapide- se retrouvent confrontés à des
ment alors l’histoire s’éloigne incidents surnaturels. Après
complètement des livres. Atlus avoir joué à un jeu de voyance,
se met à développer son propre chaque membre gagne le pou-
univers, rempli de démons, de voir d’invoquer des Personas,
dieux, de programmes d’in- sorte de manifestations psy-
formations et d’ambiances chiques de son subconscient
apocalyptiques, et renomme et de sa personnalité. Usant
la série Shin Megami Tensei. de ce pouvoir sous la direction
Soucieuse de créer tout un tas de Philemon, un personnage
d’univers et d’ambiances, Atlus représentant le subconscient
va donc chercher à créer divers de l’humanité, le groupe fait
spin-off et c’est en 1994 que face à de multiples forces
sort sur super famicom Shin menaçant le monde… Le cock-
Megami Tensei : If, librement tail qui fera le succès de la série
55
mêlant démonologie et inspi-
rations de la théorie des Per-
sonas de la psychologie analy-
tique de Carl Jung (psychiatre
suisse, 1875-1961) prend ainsi
forme et va devenir autonome
en s’émancipant rapidement
de la série mère pour devenir
aussi beaucoup plus connue !
Quand on y pense, c’est assez
jubilatoire de voir qu’une série
qui tient son nom d’un concept
psychanalytique ayant trait à
l’identité, en soit venue à se
forger la sienne !
QUI SUIS-JE ?
Voulant s’adresser au plus
grand nombre tout en conti-
nuant à avoir de grandes ambi-
tions sur le contenu de ses
jeux, Atlus va choisir de réunir
son univers autour d’une
expérience commune à tous,
d’un âge d’or chargé autant
de nostalgie que de liberté :
le lycée. Cette période clé et
charnière dans la construction
de l’individu, illustre le pas-
sage à l’âge adulte, la perte de
la naïveté enfantine, la nais-
sance d’idéaux, l’émergence
des sentiments, le dévelop-
pement des relations sociales
et la prise de conscience
 GEEK MAGAZINE BEAUTIFUL FREAK SHOW PERSONA
56

Personnages principaux Personnages secondaires Univers Interview

es Univers Interview

Illustration principale Commentaire du créateur

Si je devais définir en un mot le héros de Persona 5, je dirais qu’il

ncipale Commentaire du créateur
Avec le héros et Ryuji, Ann fait partie des person-
nages qui ont été révélés très tôt dans les médias.
Ils avaient pour rôle de montrer à quoi s’attendre
avec Persona 5, et ils ont donc été créés pour repré-
senter le jeu dans sa globalité.
Les collants d’Ann sont l’élément-clé de son
style. Comme c’est le premier personnage féminin
à apparaître dans l’intrigue, j’ai voulu lui associer la
couleur emblématique du jeu et lui ai mis des col-
lants rouges. De plus, Persona 5 traite de l’indivi-
dualisme, dont les dérives néfastes se cristallisent
dans les palais, mais qui peut aussi, pris au sens de
est fascinant. Dans le précédent opus de la série, je voulais faire
en sorte que le protagoniste évoque la loyauté et la sincérité
caractéristiques des chiens. Ici, le héros a plutôt été façonné pour
avoir l’aspect félin et séduisant des panthères noires, avec un
visage double et une aura captivante. Je n’avais, jusqu’à présent,
que rarement eu l’occasion de dessiner des personnages mascu-
lins attirants, mais je voulais pour cet épisode un design esthé-
tique, avec du caractère, c’est pourquoi j’ai conçu un héros sexy et
envoûtant.
Les Voleurs Fantômes sont l’âme de Persona 5, il était donc
important de montrer leur dualité. Ainsi, la coiffure du protago-
niste, qui semble à la fois négligée et d’une simplicité très étudiée,
représente bien l’idée d’ambivalence.

BY MURASAKI HISATO / SHÔGAKUKAN

non-conformisme, être un moteur pour faire chan-
ger le monde. C’est pourquoi, lors de la création des
personnages, je n’ai pas seulement voulu leur
donner une individualité au niveau visuel, mais
aussi une sensibilité particulière, pour en faire des
personnes tout aussi singulières intérieurement.
oublié !
Quand on y pense, les collants rouges ne vont pas
très bien avec un uniforme (rires). Mais Ann les
porte parce qu’elle en a envie, peu importe qu’ils
soient assortis ou non. La jupe est courte pour les
mêmes raisons, et elle n’a que faire du regard des
autres. Je crois que cette façon de penser représente
à merveille son originalité. J’ai voulu faire du héros
et de ses amis un groupe d’individus qui n’appré-
alement absents), et un employé de maison.
cient guère de ne pas pouvoir faire ce qu’ils veulent.
urant (elle a de bons résultats aux tests d’anglais).
en est pas consciente). C’est la raison pour laquelle ils sont capables de
changer le monde. Voilà toute la signification de ces
es quand elle réfléchit.
collants rouges.
Profil
©
ATLUS. ©SEGA. ALL RIGHTS RESERVED. SUBLICENSED TO
Les éléments-clés de ce personnage sont ses yeux et ses
lunettes. J’ai su dès le départ que son regard serait perçant, qu’il
AND PUBLISHED BY DEEP SILVER, A DIVISION OF KOCH MEDIA, AUSTRIA.
exprimerait à la fois son charme et sa force de volonté. Je voulais
créer un héros dont l’aura change suivant son seul regard, qui soit
une personne totalement différente quand il est dans la lune, avec
ses cheveux en bataille, et quand ses yeux s’illuminent de colère.
Son apparence semble réunir ces deux visages. Les lunettes ont
été ajoutées en cours de création, c’est un accessoire qui permet
de différencier les deux facettes du personnage et de cacher son
identité de voleur. Elles sont là aussi pour adoucir son regard
pénétrant et donner l’impression que c'est un gentil jeune homme
sans histoires.
En ce qui concerne l’uniforme, je l’ai d’abord imaginé pour le
héros, avant de l’adapter à chaque personnage. Dans Persona 5, la
tenue réglementaire du lycée a un petit potentiel punk, dont je
sentais qu'il éclaterait au grand jour si les personnages portaient
ce symbole de soumission à l'autorité de manière désinvolte et

©
déo (pas ceux sur Smartphone, mais sur console
La veste que porte Ann rappelle les pom-pom
Sexe : Masculin
girls. Je voulais initialement que tout le jeu s’appa-
décontractée. J’ai alors cherché à lui donner un côté rebelle en
si bien japonaises qu’occidentales. À tel point que
nt remplacer le repas. Elle ne résiste pas aux Classe : rentePremière
à une série occidentale se déroulant au lycée, cassant les codes. D’autant que, le héros étant un Voleur Fantôme,
ément de crème offert. Elle n’aime pas les jus de
Nom de codepour
: éviter une représentation trop réaliste du
JOKER il doit être libre et avoir un caractère indépendant. Toutefois,
Arcane : monde– des malfaiteurs.
comme je voulais que cet aspect reste caché, j’ai décidé
29 de lui
faire porter son uniforme correctement pour feindre sa loyauté
Persona initial : Arsène
envers l’ordre établi.
105

26 27

Art Book Persona 5, chez Mana book

du poids de la société et des développe pour devenir plus

obligations qu’elle fait peser puissante dans les combats,
sur nos épaules. C’est donc mais cela va bien plus loin. Car
au lycée que l’on commence à Persona est autant un RPG
se positionner face au monde avec ses donjons à traverser, un
et que l’on construit notre jeu de collection à la Pokémon
masque social, notre Persona… avec ses démons à affronter ou
Le mot persona vient du avec qui sympathiser (!) pour
latin (du verbe personare, per- finir par se créer une véritable
sonare : parler à travers) où il armée démonique pour com-
désignait le masque que por- battre à ses côtés, et un jeu
taient les acteurs de théâtre. de drague où les interactions
Ce masque avait pour fonction sociales sont omniprésentes
à la fois de donner à l’acteur avec des niveaux d’affinités à
l’apparence du personnage acquérir entre les personnages.
qu’il interprétait, mais aussi de En plongeant le joueur au
permettre à sa voix de porter cœur de la vie lycéenne, les
Persona 5
suffisamment. Dans sa psycho- concepteurs du jeu offrent la
logie analytique, Carl Gustav possibilité au joueur d’analy-
Jung a repris ce mot pour ser et de mieux comprendre BRISE TES CHAÎNES réalité par une société de
désigner la part de la person- comment fonctionnent ces Atlus en concevant la licence plaisir et d’entertainment. La
nalité qui organise le rapport de Personas que chacun se crée Persona a aussi profondément construction sociale dans le
l’individu à la société, la façon dans un univers où les liber- voulu dénoncer l’apathie de la jeu se veut en révolte face à cet
dont chacun doit plus ou moins tés sociales sont très codées société japonaise qui a aban- état de fait. Les personnages
se couler dans un personnage et réglées au Japon pour les donné toute velléité de lutte des différents opus, indépen-
socialement prédéfini afin de lycéens, de prendre conscience depuis les années 70, obnubilée dants les uns des autres, sont
tenir son rôle social. Le moi du poids de la société et de réa- par la recherche d’un confort tous lycéens et chargés de
peut facilement s’identifier à la gir chacun à sa façon. matériel ou d’une fuite de la sauver leur ville d’une menace
persona, conduisant l’individu qu’eux seuls peuvent perce-
©
ATLUS.
à se prendre pour celui qu’il est ©
SEGA. voir, et de cacher leur ‘activité
ALL RIGHTS
aux yeux des autres et à ne plus RESERVED. annexe’ au reste de la société.
SUBLICENSED TO
savoir qui il est réellement. AND PUBLISHED
BY DEEP SILVER,
Dans ces moments d’entre
C’est sur ce paradigme et A DIVISION
OF KOCH MEDIA,
‘deux mondes’, c’est à travers
autour de la question ‘Qui suis- AUSTRIA. la 25e heure de Persona 3 ou
je ?’ qu’Atlus va développer via la mystérieuse émission sur
son gameplay pour sa série la Midnight Channel de Perso-
Persona qui se peaufinera au na 4 ou dans le métaverse de
fur et à mesure des opus pour Persona 5 que nos héros vont
atteindre sa pleine mesure à prendre la pleine mesure de
partir du numéro trois jusqu’au l’état de la société. Là, le reste
cinq qui a fait l’unanimité. de l’humanité qui n’a pas accès
Bien sûr, les Personas dans le à cette autre vision du monde y
jeu sont l’expression directe est représentée sous la forme
Persona 5
des théories de Jung que l’on de Shadow-Self, des coquilles

ATLUS. ©SEGA. ALL RIGHTS RESERVED. SUBLICENSED TO AND PUBLISHED BY DEEP SILVER, A DIVISION OF KOCH MEDIA, AUSTRIA.
Manga Persona 3, chez Mana book, par Atlus et ShujiSogabe, 4tomes parus, série en cours
La licence incarne avant tout une quête de vérité et de
sens où les théories sous-jacentes de Jung permettent
d’éclairer la lutte intérieure de tout héros en recherche de
sagesse, et donc de lui-même.
un emploi du temps scolaire,
avec ses heures de cours, ses
weekends et ses vacances et…
le respecter, ou non, avec les
conséquences qui vont avec) et
des phénomènes inexplicables,
des légendes urbaines ou des
références empruntées à la
culture populaire.
©
À l’intérieur de ces mondes
vides, dépourvues d’ambition. parallèles, les désirs corrompus
L’univers des jeux jongle ainsi des plus pervertis des individus
habilement entre cultures clas- prennent forme. Dans cette
sique et moderne mettant la dimension, les individus en
série à l’intersection du drame quête de révolte contre ces
spectaculaire et de la banalité perversions peuvent invoquer
du quotidien, tout en abordant leur Persona, un double psy-
des thématiques sociétales chique issu de leur inconscient.
profondes – rarement vues Les affrontements dans Per-
dans des jeux vidéo – comme sona sont alors autant d’ordre
le deuil, l’homosexualité ou le physique que psychologique,
suicide... Atlus s’appuie sur ses les héros devant apprendre à
mécaniques de jeu pour accom- voir leurs pires défauts et les
pagner le joueur à chercher ce admettre, les accepter, se rap-
qu’il y a derrière le masque (le prochant ainsi de la Quête du
sien et celui des autres per- Héros. La série d’Atlus se sert
sonnages), tant d’une manière aussi de symboles anciens et
réaliste (par des dialogues et emprunte régulièrement des
des situations) qu’à travers termes renvoyant à différentes
des phénomènes extraordi- mythologies pour amplifier
naires ou fantastiques. Car les sa quête initiatique à portée
ambiances, toutes différentes universelle. Persona n’est pas
d’un jeu à l’autre, jonglent entre qu’un phénomène de mode,
un hyper-réalisme des lieux et une série de RPG atypiques et
du temps (vous devez suivre exigeants ne faisant, de plus,
57
aucune concession à un public tant la barre toujours plus haut,
occidental pourtant de plus en opus après opus, tant dans le
plus fidèle. La licence incarne gameplay que dans l’immer-
avant tout une quête de vérité sion, tout le monde attend
et de sens où les théories sous- maintenant avec impatience
jacentes de Jung permettent le prochain jeu d’Atlus. D’ici là,
d’éclairer la lutte intérieure nous nous contenterons d’un
de tout héros en recherche de re-boot appelé Persona 5 The
sagesse, et donc de lui-même. Royal prévu pour 2020 sur PS4.
Aussi déroutante que surpre-
UNE RÉVOLUTION nante, la licence Persona offre
Alors que le genre du J-RPG un vrai voyage au cœur de la
semble s’épuiser au fil des psyché humaine tout en nous
années, c’est finalement le plongeant dans un scénario
spin-off d’une de ses plus des plus riches. Un pari osé qui
vieilles séries qui semble tenir a emmené encore un peu plus
bon, contre vents et marées. loin les frontières du monde
Avec sa direction artistique vidéoludique vers une maturité
soignée, ses compositions de de plus en plus recherchée par
qualité et ses idées surpre- les gamers.
nantes, la série Persona est
l’un des derniers vestiges du
genre, à la fois créatif et qui ne
ressemble à rien d’autre. Avec
en prime, une fanbase qui ne
fait que s’agrandir à travers
le monde, au point de faire de
l’ombre aux grandes pompes
du genre Final Fantasy et autre
Dragon Quest. Ayant réussi à
engendrer un succès interna-
tional, Atlus a maintenant les
coudées franches et beaucoup
de pression pour continuer à
développer son concept. Met-
 GEEK MAGAZINE GEEK HEAD LOANE SLOANE
58 PROPOS RECUEILLIS PAR ANTONIN LACOMME

ÉDITIONS GLÉNAT – 2019

©

SPACE ODYSSEY
Dantesque, apocalyptique, vertigineux, lyrique et démesuré… les adjectifs et superlatifs ne manquent
pas pour décrire l’univers de Philippe Druillet et la saga de son personnage, Lone Sloane, qu’il dessine
depuis plus de cinquante ans maintenant. Alors comment imaginer continuer cet univers, aussi per-
sonnel graphiquement, à près de 85 ans ? À la Babylone, métaphore des origines de l’émergence en
bande dessinée de la SF incandescente contemporaine – dans Pilote puis de Métal Hurlant, qui doit
tout à Druillet – s’est ensuivie la Carthage du renouveau et l’ouverture à bien des champs artistiques
de la carrière de l’artiste ; pour enfin laisser la place à Babel, la cité universelle des origines et des
mythes, lieu de tous les possibles !
 GEEK MAGAZINE GEEK HEAD LOANE SLOANE
60
LONE SLOANE – BABEL
j’ai su que c’était ça que je voulais faire plus
tard. Mais c’est vraiment Moebius qui a été
mon premier choc. J’ai eu plus de mal à ren-
trer dans l’univers de Druillet, qui m’impres-
sionnait car beaucoup plus sombre, chargé et
bien plus noir, et j’avais du mal à appréhen-
der la lecture. Par contre esthétiquement j’ai
adhéré quasi instantanément, ça a été une
claque car on me montrait que l’on pouvait
faire bien autre chose que les schtroumpfs !
XAVIER CAZAUX-ZAGO : J’ai commencé
à lire les livres de Philippe au moment où je
me suis plongé dans le projet Babel et j’ai
tout de suite réalisé à quel point il avait in-
fluencé toutes les séries que je regardais ga-
min, comme Ulysse 31, Albator ou Musclor.
La folie créatrice qu’a eue Philippe continue
encore de nos jours par voie directe ou par
répercussion à nourrir les inspirations. La
filiation avec le film Fury road est évidente,
et tout le monde connait Druillet, il est rentré
dans le panthéon de l’imaginaire collectif, et
c’est en partie de ça que nous nous sommes
nourris pour concevoir Babel.
PHILIPPE DRUILLET : C’est un personnage
qui a parlé très vite à des gens aux quatre
coins de la planète alors qu’il n’y avait pas
internet ni de réseaux sociaux. C’est tout un
réseau alternatif qui a alors fait diffuser mes
dessins et mes albums jusqu’au fin fond
même de l’Afrique. Cet univers répondait à un
manque et continue encore à attirer de nou-
veaux lecteurs après plus de cinquante ans.
La mise en scène et la composition sont
une des marques de fabrique de l’univers
de Philipe Druillet. Comment avez-vous
appréhendé le travail sur Babel ?
PHILIPPE DRUILLET : C’est avant tout
une création personnelle ; Dimitri n’est pas
mon élève. Il a travaillé seul de A à Z en ne
« C’EST L’HISTOIRE D’UNE BANDE
DE PIRATES QUI PARTIRENT À LEUR
CORPS DÉFENDANT CHERCHER UN
LIVRE QUI N’EXISTAIT PAS POUR
SAUVER UN UNIVERS À L’AGONIE
DONT PERSONNE N’AVAIT PLUS
RIEN À FOUTRE » - BABEL
conservant que certains tics ou marques
de fabrique de l’univers de Sloane. Il n’y
a que Druillet qui peut faire du Druillet, et
pour Babel, ce sont deux artistes qui ont
décidé de collaborer sur un univers. C’est
avant tout une transmission.
DIMITRI AVRAMOGLOU : Je n’ai jamais eu
l’ambition de faire du Druillet, je ne veux pas
faire un travail de faussaire. Ce n’est pas une
école graphique comme Blueberry ou Black
et Mortimer. Babel, ce n’est pas du Druillet,
c’est du Lone Sloane. Cet album ouvre sur
un autre lectorat et la légende continue !
Côté mise en page, avec Xavier nous avons
beaucoup travaillé ensemble sur le décou-
page et le story-board. Les textes définitifs
sont intervenus sur mes esquisses avec des
contraintes de mise en scène, d’encombre-
ment et d’action. Cela s’est fait séquence par
séquence. Ensuite on a cherché à travailler
sur la narration, mais aussi en intégrant des
fondamentaux de Philippe. Alors on n’a pas
forcément des doubles en vitrail, mais les
deux pages se répondent et fonctionnent
ensemble. Aucune page n’est isolée dans cet
ÉDITIONS GLÉNAT – 2019
©
album. Mais ça reste un bouquin qui est fait
avant tout pour être lu, il raconte un propos
et nous avons orienté le dessin et la mise en
page dans ce sens.
Grandiloquent, flamboyant, extravagant…
les superlatifs ne manquent pas pour décrire
les aventures de Lone Sloane. Quels autres
adjectifs pourrait-on associer à Babel qui
marque un tournant dans les aventures du
méta-humain aux yeux rouges ?
XAVIER CAZAUX-ZAGO : Mythologique !
L’idée de Babel était de conclure les aven-
tures de Sloane mais aussi d’ouvrir des
perspectives, quitte à pousser les gens à
relire tous les albums pour voir tout ce qu’ils
n’avaient pas encore vu dedans. C’est donc
une œuvre qui se réinvente en se réappro-
priant toutes ses sources, c’est aussi une
œuvre qui s’interroge sur elle-même avec
une dynamique narrative.
PHILIPPE DRUILLET : Je voulais que tous
les personnages que Sloane avait croisés
dans sa vie se rassemblent et fassent partie
de cette somme cohérente pour la trans-
mettre à de nouveaux créateurs pour qu’ils
l’explosent. Xavier a apporté une matière
qui pouvait être enrichie pour s’offrir une
ouverture et continuer si besoin. Sloane est
désormais comme Dracula et Frankenstein,
un mythe ouvert.
Mais au fond qu’est-ce que Lone Sloane ?
DIMITRI AVRAMOGLOU : Lone Sloane est
une espèce de renégat de l’espace, un type
sans foi ni loi, mais pas sans principe, qui vit
une expérience fondatrice dans la première
nouvelle des 6 voyages de Lone Sloane. Là il
est investi d’une puissance et d’une connais-
sance que n’ont pas ses contemporains et
qui fait de lui une espèce de pirate sorcier.

Mais au fil de ses aventures il va un peu se
désinvestir de la stature qu’il avait acquise
à travers les 6 voyages. Dans Délirious il
assume plus son côté pirate braqueur sans
vergogne, puis dans les albums suivants on
va retrouver ça petit à petit jusqu’à Chaos où
là il devient une espèce de demi-dieu.
XAVIER CAZAUX-ZAGO : Ce qu’on fait
dans Babel, c’est une espèce de synthèse,
où on veut un Sloane total, qui ne renie pas
toutes ses facettes passées. Quand l’Abbé
vient lui proposer de sauver l’univers, il l’en-
voie paître, par contre braquer Babel, ça,
ça le branche ! Et il dispose d’une forme de
stature dont il est investi en tant que person-
nage au sein de cette histoire. On récupère
tout son passif du point de vue de l’influence
qu’il a pu avoir sur une quantité d’œuvres
par ailleurs et qui en fait, de notre point de
vue, un personnage mythologique. Pas sim-
plement dans l’histoire qui est la sienne,
mais à travers les médias qui le concernent.
Lone Sloane ce n’est pas n’importe quoi, ce
n’est pas un personnage parmi d’autres.
Qu’est-ce qui fait que les aventures de
Lone Sloane sont devenues un mythe ?
DIMITRI AVRAMOGLOU : Dès le départ en
fait, dans le premier album Les 6 voyages de
Lone Sloane à travers de courtes histoires on
a déjà l’impression d’avoir parcouru un uni-
vers entier. Ces récits rassemblent touche par
touche, tout un univers dont on finit par com-
prendre une certaine forme de cohérence qui
s’en dégage, ce sont des espèces d’instanta-
nés pris à la loupe sur un truc beaucoup plus
vaste dont on finit par se faire une idée à la
lecture des 8 histoires. Ça offre des possibilités
infinies. Cet univers-là n’est pas de la science-
fiction. Ce n’est même pas dans le futur. On est
dans la démarche d’un Homère qui bâtit une
©
ÉDITIONS GLÉNAT – 2019
« SLOANE, TU NE SAIS PAS RENONCER,
C’EST LA MÊME LA SEULE VERTU QUI
TE SERVE DE COMPAS » - BABEL
mythologie avec des codes fantaisistes et en
même temps, une grande cohérence et une
logique. On se balade dans le temps et dans
l’espace, il n’y a aucune limite. Il y a une liberté
absolument totale et c’est un champ d’explo-
ration et d’invention qui est jubilatoire. Ainsi on
se rend compte que Lone Sloane a vécu des
milliers d’aventures et qu’au fond Druillet n’en
a raconté que quelques-unes. Pour moi c’est
l’album le plus important, il pose les bases de
tout cet univers, et on a en hors-champ des
possibilités infinies qui s’offrent à nous.
Avec Lone Sloane, on est dans une pure
fantasy, une pure invention. Par contre on
transporte des problématiques qui sont ex-
trêmement actuelles, contemporaines, ou
celles de Philippe pour les années 70 ; on les
balance là-dedans et on les interroge sous
un éclairage un peu différent pour se les ap-
proprier, tâcher de mieux les comprendre
et les offrir à un champ d’investigation et de
compréhension un peu dévié. On voit alors
la problématique sous un éclairage différent,
mais c’est tout l’enjeu du récit mythologique
que de déporter des questionnements sur
lesquels on a le nez dans le mur avec un petit
peu plus d’ouverture pour tâcher de mieux les
appréhender, ce n’est pas autre chose. Quand
on se plonge dans la mythologie grecque, ce
n’est que ça et en l’occurrence Lone Sloane a
exactement la même démarche.
XAVIER CAZAUX-ZAGO : Cela peut sem-
bler assez présomptueux, mais c’était déjà
61
BIBLIOGRAPHIE
©
DR
Le mystère des abîmes (1966)
Les 6 voyages de Lone Sloane (1972)
Delirius (1973)
Gail (1978)
Salammbô (1980)
Carthage (1982)
Matho (1986)
Chaos (2000)
Delirius (2012)
Babel (2019)
Flaubert Druillet – Une rencontre (2018)
Salammbô – Les nus (2010)
Salammbô – Intégrale (1989)
contenu dans le projet d’origine de Serge et
Philippe, le thème de la mythologie, on n’a fait
que l’enrichir et le développer. On peut alors
mettre sur le même plan des figures comme
celles de Gilgamesh, d’Ulysse, de Gulliver,
tous ces grands héros mythiques qui ont tra-
versé l’histoire, et on peut facilement intégrer
Sloane à cette famille parce qu’au fond, c’est
la sienne. En parallèle, dès les notes de Serge,
il y avait aussi cette volonté de remettre
tout le travail de Philippe à la place qui est la
sienne, soit en perspective dans l’histoire de
la littérature à laquelle il appartient. Philippe
a réussi à réunir plein de traditions ensemble
à travers ses propres envies et effectivement
il y a quelque chose d’organique qui s’est
créé, il y a un lien entre son travail et la litté-
rature anglo-saxonne, la poésie, la musique,
la science-fiction, et il a définitivement fait
exploser les barrières entre les genres.
GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING
62

DUNGEON
CRAWLING

64
©
GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M
 63

C’est dans cette section que nos valeureux reporters se salissent le plus... Pour aller
Evangelion Chronicle N 18, o

trouver de nouvelles expressions de la geekitude, ils n’ont pas hésité à ramper dans la
feuille tactique : bataille contre le 10 Ange Saraquiel e

fange de donjons obscurs. Vous trouverez donc ici du neuf, de l’inattendu ou simplement
le rappel des grands mythes d’où la culture geek tire ses racines.

EVANGELION
Ultime Impact ©
GAINAX KHARA / PROJECT EVA.

64
©
GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M
©
CHRISTINE COQUILLEAU

E V A N G E L I O N C H R O N I C L E I L L U S T R A T I O N S T AO KM UO YT AA K I E O K I N O S H I T A
101

056 EVANGELION CHRONICLE T03[MAN].indd 101 01/10/10 10:22

THE ETERNALS
Ce qui s’éveille dans l’Éternel
SMOKING SOFA
Du spectacle très vivant !
72 76
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MARVEL
©
DR

J’AI PERDU MON CORPS

Un conte fantastique réalisé de main de maître
CROSSOVER TV
Les crossovers les plus fous dans l’univers des séries TV
80 DR
84
©
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING NEON GENESIS EVANGELION
64

GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M

EVANGELION
©
ULTIME IMPACT
Evangelion Chronicle N o17,
feuille technologique : armes de combat des Eva

Si les mots Eva, Ange, Nerv, Plan de complémentarité de l’homme ou Troisième impact
ne vous disent rien, c’est que vous avez raté le plus gros choc en animé de la fin du
dernier millénaire qui fut ! Mais pas de panique ! Une séance de rattrapage s’impose
grâce à Netflix qui diffuse depuisS cet
H I S été
H I Z la
A Rsérie.
U E V AEn
N G outre,
E L I O N C le
H R quatrième
O N I C L E I L L U et
S T dernier
R A T I O N S film
128
reboot attendu depuis plus de sept ans a vu ses premières minutes diffusées lors
du dernier Japan Expo pour une sortie prochaine en 2020 au Japon ! Bref, trente ans
056 EVANGELION CHRONICLE T03[MAN].indd 128 01/10/10 10:22

après sa création, Neon Genesis Evangelion, cet animé atypique qui a complètement
cassé les codes du genre par la fluidité de ses combats de mechas comme par
son approche psychologique hors norme des personnages, a encore beaucoup de
raisons de plaire et de continuer à rassembler une communauté de fans toujours
plus grande. Alors, prêt pour la fin du monde ?

Textes par ANTONIN LACOMME

 65

Evangelion Chronicle N o28,

feuille de mecha : Eva-02
GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M
©

E V A N G E L I O N C H R O N I C L E I L L U S T R A T I O N S H I R O F U M I I C H I K A W A
GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING NEON GENESIS EVANGELION
66
M
onument
de l’anima-
tion japo-
naise, Neon
Genesis
Evangelion
est LA pierre
angulaire
du kaiju
eiga (film de
monstres
du genre Godzilla) et des films
de mechas s’inspirant des
classiques Goldorak et autres
Gundam, tout en ayant contri-
bué à influencer lourdement
des films comme Pacific Rim et
consorts lors des décennies sui-
vantes. Sorti en 1995, à la veille
de la grande peur du bug de l’an
2000, Evangelion a surfé sur le
courant millénariste pour offrir
une apocalypse animée, pun-
chy et hypée à souhait, jouant
sur des références autant à la
pop culture qu’à la cabale via
un symbolisme chrétien ultra
présent, tout en jouant sur un
climat de conspiration mondiale
pour arriver à une réflexion sur
l’humanité, son devenir et… à
un certain transhumanisme !
Pour comprendre un peu plus
le phénomène, Neon Genesis
Evangelion se déroule quinze
ans après le Second impact
où une catastrophe d’origine
inconnue a secoué la Terre,
éliminant ainsi une grande
partie de l’espèce humaine.
L’humanité est aux abois et
se réfugie dans des bases
souterraines dans l’attente du
prochain impact. Pour faire
face à la future menace, elle
développe le programme des
Eva, des créatures gigantesques
que seuls des enfants peuvent
piloter. L’histoire commence
quand Shinji Ikari, un adoles-
cent introverti, a rendez-vous
à Tokyo avec Misato Katsu-
ragi censée le conduire à
son père qui l’a abandonné
enfant. C’est à ce moment
qu’un « Ange », une créature
inconnue, décide d’attaquer
la ville. Shinji se rend vite
compte que son père l’a invité
dans l’unique but de piloter
une « Evangelion », un robot
humanoïde censé affronter
cette menace. De là on va
découvrir, en même temps que
Shinji, un monde à l’agonie
au bord du chaos où l’arrivée
du premier Ange signifie le
début de l’apocalypse, soit la
fin de l’humanité…
Rapidement, la série est
devenue culte et a marqué à
jamais l’histoire de l’animation
japonaise par ses épisodes
bénéficiant d’une mise en scène
et d’un scénario captivants.
Les dimensions religieuses et
psychologiques intégrées dans
l’intrigue ont aussi fortement
contribué à son succès, même
si la fin a laissé perplexes bon
nombre de fans. Mais Evan-
gelion, c’est bien plus que de
simples combats titanesques
entre une humanité aux abois
face à des créatures gigan-
tesques à la folie destructrice.
C’est d’abord une véritable
réflexion sur le genre mecha et
surtout, sur l’attitude de son
public, les otakus (les geeks
japonais) et notre rapport à
cette société de l’entertainment.
FAIT PAR DES FANS
POUR DES FA N S
Avant d’aller plus loin dans
l’animé, il est nécessaire de bien
comprendre qui est derrière le
studio Gainax à l’origine d’Evan-
gelion pour bien cerner leurs
intentions. Après avoir créé leur
propre magasin à Osaka, Gene-
ral Products, spécialisé dans la
vente de produits dérivés des
séries de science-fiction de
l’époque, un groupe de jeunes
passionnés ayant étudié l’ani-
mation à Osaka crée le studio
Gainax en 1984 à la suite de
l’incroyable succès des courts-
métrages amateurs Daicon III et
Daicon IV qu’ils ont réalisés à la
sortie de leurs études. Le studio
Gainax est rapidement devenu
une référence en matière
d’animation japonaise grâce à
la réalisation et la production
de longs-métrages comme
Les ailes d’Honnéamise, Nadia,
le secret de l’eau bleue ou
l’ultra-vitaminé Furi Kuri et plus
tard la série Gurren Lagann.
Ce qu’il faut bien comprendre, Sous un vernis apocalyptique à grand
c’est que Toshio Okada, Yasuhiro
Takeda, Takami Akai, Hiroyuki spectacle, Hideaki Anno offre donc une
Yamaga et bien sûr Hideaki
Anno, sont des geeks purs et profonde réflexion sur le sens la vie, le rap-
durs qui en ont eu marre de la
production de masse d’animés port aux autres, tout en revisitant aussi les
ultra-stéréotypés par les gros
studios dans les années 80. classiques de la pop culture.
Cherchant avant tout à se
 67

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GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M

EVANGELION ANIMÉS

HIDEAKI ANNO/KHARA/GAINAX/EVANGELION COMMITTEE PRODUCTION

©
Neon Genesis Evangelion TV (1995) : 26 épisodes édités en France par
Dybex et diffusés sur Netflix depuis le 21 juin 2019

HIDEAKI ANNO/KHARA/GAINAX/EVANGELION COMMITTEE PRODUCTION

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Death and Rebirth (1997) : ce film est découpé en 2 parties.

La première, Death, qui résume les épisodes 1 à 24 de la série Evangelion,
est un remontage (assez aléatoire) de la série télévisée.
La seconde, Rebirth, constitue les 15 premières minutes de l’épi-
sode 25 (l’épisode 25 TV remanié, amélioré, complété avec une his-
toire inédite jusqu’alors).

Evangelion Chronicle N o01,

feuille de mecha : Eva-01
GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING NEON GENESIS EVANGELION
68

faire plaisir et à satisfaire leurs un moyen de résistance face à

goûts, la team va révolutionner l’oppression et aux complexes
l’univers de l’animation grâce qu’il ressentent. Pour cela,
à des œuvres à la fois origi- Anno souhaite transmettre aux
nales et expérimentales, allant enfants ses idées telles quelles,
autant vers des productions en sans qu’ils ressentent ce fossé
prises de vues réelles que par entre la réalité et la fiction,
la réalisation plus tard de jeux grâce à l’animation. Pour lui, les
vidéo. Pour arriver à ce niveau jeunes des années quatre-vingt-
d’exigence, l’équipe de Gainax dix ne peuvent rien faire lors-
ne choisit jamais la facilité mais qu’ils vivent en communauté
mise sur l’originalité et une pro- tant ils sont enfermés dans leur
fonde réflexion sur les mœurs monde à jouer tout seuls devant
et les goûts en vogue. Cette la télévision. Ainsi, ils sont
démarche les amènera même à complètement perdus quand ils
produire une série de deux OAV, n’ont pas de guide, fuyant ainsi
Otaku no video, qui mélange la pression que les adultes leur
séquences d’animation et imposent dans le monde réel
(fausses) interviews d’anciens au point d’être complètement
otakus ! C’est ainsi qu’après dépendants et n’arrivant plus à
une longue période de dépres- faire quoi que ce soit tout seuls.
sion, Hideaki Anno, ami et Il souhaite donc que les
collaborateur de longue date enfants se rendent compte de
de Miyazaki, retourne dans les ce que signifie « vivre de sa
années 1990 à la réalisation propre volonté » en regardant
avec Neon Genesis Evangelion « la réalité dans le rêve », c’est-
où il souhaite faire une cathar- à-dire, en regardant Evangelion.
sis de son mal en offrant aussi En mettant les enfants au cœur
une réelle réflexion sur la sym- de sa série, Anno souhaite faire
bolique des mechas, de la SF de son héros Shinji, une incar-
et sur l’état de la jeunesse en nation et un porte-étendard
général, le tout en répondant de cette jeunesse, de ceux qui
à tout le cahier des charges ne sont plus des enfants, sans
tape-à-l’œil du genre très pour autant être adultes. Le
en vogue à l’époque… pour héros est âgé de 14 ans, période
mieux faire passer son mes- de la révolte, de la puberté, et
sage auprès du grand public ! le moment où l’on se forge un
ego. Shinji se voit alors imposer
UN PROJET un pouvoir gigantesque avec
EN TROMPE-L’ŒI L une mission qui mettra sa vie en
Hideaki Anno explique dans ses péril, et est placé dans le monde
notes d’intention que l’animé de des adultes en le forçant à en
mechas est en effet une repré- être un lui-même.
sentation des désirs latents des Pendant les batailles, ce
enfants. Regarder ce genre de garçon indécis et introverti se
programme correspondrait pour laisse influencer et balloter
eux à un acte compensatoire, par l’égoïsme, les opinions et
l’intérêt des adultes. En plus,
Shinji est complètement pau-
mé au début de l’histoire, il ne
connait rien à la situation et les
adultes lui expliquent si peu…
Le spectateur découvre alors
les mystères, les intrigues et
résout les énigmes en même
temps que lui, offrant ainsi une
Evangelion Chronicle N o06,
parfaite identification au héros.
Shinji aura alors pour chemin
feuille de mecha : Eva-01

de croix de prendre conscience

de ne rien pouvoir faire sans
l’aide des autres et que c’est
en gagnant de l’expérience et
en faisant face à la réalité qu’il
grandira petit à petit.
Evangelion est voulu comme
Evangelion Chronicle N o30,
un récit choral, jonglant sur feuille de mecha : Evangelion
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GAINAX KHARA / PROJECT EVA.
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GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M

R OUGH SKE TCH

E V A N G E L I O N C H R O N I C L E I L L U S T R A T I O N S H I
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HIDEAKI ANNO/KHARA/GAINAX/EVANGELION COMMITTEE PRODUCTION

The End of Evangelion (1997) : ce film est également composé de deux parties.
La première, épisode 25 : Air/Love is Destruction, reprend la partie Rebirth du
film précédent avec une dizaine de minutes d’animation en plus.
La seconde, épisode 26 : Magokoro wo, Kimi ni/ /I need you. Ce deu-
xième film est une fin complémentaire à la série télévisée dont le scénario du
film est directement issu du script original prévu pour l’épisode 25 TV, qui avait
été refusé à l’époque pour causes budgétaires et de censure.

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HIDEAKI ANNO/KHARA/GAINAX/EVANGELION COMMITTEE PRODUCTION

Revival of Evangelion (1998) : c’est en fait la compilation finale de Death

and Rebirth et de The End of Evangelion.

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HIDEAKI ANNO/KHARA/GAINAX/EVANGELION COMMITTEE PRODUCTION

Rebuild of Evangelion (en cours) : est une série de quatre films, dont le
but est de présenter une version alternative d’Evangelion, qui répondrait
à toutes les questions laissées en suspens. Le site officiel de Rebuild of
Evangelion indique que les trois premiers films récapitulent le contenu de
la série télévisée (épisodes 1 à 24) : les storyboards des épisodes originaux
sont réutilisés comme base, mais améliorés avec de nouveaux plans, une
toute nouvelle animation utilisant des techniques modernes et des scènes
inédites, ainsi qu’une refonte des décors. Des images de synthèse sont
utilisées pour rendre les actions plus spectaculaires. Le quatrième et dernier
film est une production totalement nouvelle et contient une fin inédite.

Evangelion: 1.0 You Are (Not) Alone (2007)

Evangelion: 2.0 You Can (Not) Advance (2009)
Evangelion: 3.0 You Can (Not) Redo (2012)
Evangelion: 3.0 + 1.0 Shin Evangelion Gekijo-ban Final (2020)

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GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M

R O F U M I I C H I K A W A
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING NEON GENESIS EVANGELION
70
H I R O F U M I I C H I K A W A
plusieurs genres pour faire
001 EVANGELION CHRONICLE T03[MAN].indd 40
passer son message qui va
bien plus loin que de résumer
l’histoire à : des enfants comme
dernier rempart pour sauver
l’humanité. Sous un vernis apo-
calyptique à grand spectacle,
Anno offre donc une profonde
réflexion sur le sens la vie, le
rapport aux autres, tout en
revisitant aussi les classiques
de la pop culture comme le fera
One très longtemps après avec
One Punch Man. Car il faut aussi
bien comprendre qu’au Japon,
le développement du manga
et du dessin animé est indis-
sociable de la science-fiction
et du développement du genre
« robot anime » (dessin animé
avec robot géant). S’éloignant
de l’esthétique des robots
géants généralement imposée
par les fabricants de jouets,
les créatures de Neon Genesis
Evangelion mélangent donc
science, religion et psychana-
lyse dans un genre nouveau.
L’ATTAQUE DES TITANS
C’est donc dans un Japon futu-
riste, que des adolescents tortu-
rés sont envoyés au casse-pipe
pour préserver le reste de l’hu-
manité. À ce titre, Evangelion est
littéralement une tragédie
grecque où nous sommes face
à des personnages qui souffrent
tous, où chacun a son drame
et affronte dans son entourage
des morts brutales. Œdipe
Evangelion Chronicle N o20,
feuille de mecha : Eva-02
E V A N G E L I O N C H R O N I C L E
n’est pas loin non plus dans le
rapport entre Shinji et son père
Gendo, en charge du projet
des Eva, ou à sa mère, morte
pendant le premier impact. À un
autre niveau, il s’agit de la lutte
pour la survie de l’humanité et
de sa justification ! Evangelion
surprend donc véritablement le
public en accordant une grande
place à l’introspection des per-
sonnages et en abordant des
thèmes comme la dépression et
le suicide, sujets jusque-là rares
dans l’animation.
Souhaitant mettre le doigt
sur ce qui est au cœur de
l’humain, loin du déferlement
d’informations et de technolo-
gies qui nous éloigne de nous-
mêmes, Hideaki Anno souhaite
montrer à quel point notre
société est dans le faux en fus-
tigeant les désirs mégalos de
l’humain de se prendre pour
Dieu tout en étant incapable
de s’auto-préserver. Pour cela,
il s’inspire de la Genèse de la
Bible à laquelle il décide d’écrire
une suite, l’évangile de la nou-
velle genèse (neon genesis
evangelion), annoncée par l’ar-
rivée des Anges (littéralement
messager ou apôtre) !
Les humains ont découvert
l’Eden des Anges et les ont
libérés, ils devront alors lutter
contre eux pour survivre. Mais
qui sont les anges ? Que veulent-
ils ? Sont-ils vraiment belli-
queux ? Car dans Evangelion les
GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M
GAINAX KHARA / PROJECT EVA.
©
I L L U S T R A T I O N S
40
ennemis ne viennent pas d’une
autre galaxie mais sont sur
01/10/10 10:10
Terre depuis toujours, tels des
épreuves envoyées par le divin !
Chaque combat rapproche un
peu l’humanité de son salut car
chaque attaque de ces créa-
tures complètement atypiques
et très différentes les unes des
autres a pour but de tester
une Efaculté bien spécifique
V A N G E L I O N
C H R O N I C L E
l’humain
115 (l’adaptation, la com-
préhension, l’entraide…). Mais
c’est
056 sans
EVANGELION compter
CHRONICLE
T03[MAN].indd 115
l’être humain, qui comprend
aussi bien des organisations
secrètes que des individus
égocentriques souhaitant
déclencher la fin du monde
pour servir leurs intérêts per-
sonnels.
En face des Anges se
dressent les Eva, créées
pour se défendre d’un nouvel
impact par la Nerv, un orga-
nisme confidentiel dépendant
de l’Organisation des Nations
unies chargé de défendre
l’Humanité contre les Anges,
qui confia le projet à Gendo
Hikari, le père du héros. Car
oui, les Eva ne sont donc pas
des robots mais des humains
de synthèse à l’origine mys-
térieuse et, à la différence
des mechas géants, elles
fusionnent littéralement avec
leur pilote. Mais ces êtres sont
des coquilles vides, primaires,
auxquelles il faut ajouter un
esprit pur (un enfant) pour les
GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M
©
animer, en l’envoyant directe-
ment au cœur de la créature,
via une entry plug, baignée
dans un liquide quasi amnio-
tique. Le pilote devient alors
l’Eva et ressent ce que l’Eva
ressent. Vif et ultra-rapide, son
autonomie une fois débranché
chute à quelques minutes.
Cependant cette fusion fait
de I
L L
plutôt ressortir
U S T R A T I O N S
l’instinct bes-
NT AA KO UC YH AI K IA O M O R I S H I T A
tial de l’être humain au contact
d’une grande puissance ren-
l’avidité de
dant les Eva instables voir
complètement incontrôlables.
Evangelion met ainsi en avant
l’orgueil des humains à se
prendre pour Dieu en voulant
donner naissance à des créa-
tures semblables aux Anges.
UN PROFOND IMPACT
Même si les héros sont des
enfants, ce n’est pas une série
pour eux et malgré quelques
touches d’humour, les interac-
tions des personnages sont
dramatiques la plupart du
temps et les relations entre les
personnages sont très ambi-
guës, à la limite de l’incestueux.
L’animé prend ainsi soin de
régulièrement montrer leur psy-
ché et leurs conflits intérieurs
alternant scènes de combats
ultra rythmées et longs plans
séquences contemplatifs. Ces
contrastes rythmiques très
marquants sont là pour mettre
en valeur une narration frag-
mentée révolutionnaire pour
 71

E V A N G E L I O N C H R O N I C L E I L L U S T R A T I O N S T AO KM UO YT AA K I E O K I N O S H I T A
101 ©
GAINAX KHARA / PROJECT EVA. ©GAINAX KHARA / PROJECT EVA.M

l’époque qui en perturbera plus minimaliste à l’animation quasi plus compréhensible, et surtout qui aurait pu n’être qu’un ultime
d’un !
056 EVANGELION La démarche
CHRONICLE d’Anno101est
T03[MAN].indd inexistante qui offre une leçon pour profiter de toutes les évo- soubresaut de créativité de
vraiment radicale pour l’époque de vie où aucun robot géant ne lutions techniques disponibles Gainax, va, au contraire, sauver
usant de personnages profon- viendra sauver l’otaku cloîtré de nos jours. Cependant Anno a le divertissement sur celluloïd
dément antipathiques, d’une fin dans sa chambre, résumant toujours d’autres idées en tête, d’un déclin qu’on aurait pu
très cryptique et de nombreux son message à : ‘je ne dois pas et annonce que cette saga est, croire inéluctable.
niveaux de lecture, notamment fuir’! Un final qui ne laissera et doit, rester indépendante de Sans même louer l’intelligence
celui d’un anime qui fustigerait aucun spectateur indifférent ! la série originelle ! Et donc c’est de cette titanesque entreprise
ses spectateurs et les otakus de dès le deuxième film qu’une aux visées psychanalytiques, on
l’époque, et qui entraînera un BOOT ET RE-BOOT histoire parallèle s’installe pour ne pourra que saluer l’aplomb
véritable scandale. Suite au scandale provoqué par se détacher complètement de avec lequel Evangelion bouscule
Car annonçant pourtant une cette fin, Anno et Gainax, sous la la série au troisième volet ! Gros les codes en vigueur, démon-
grandiose apocalypse finale, pression des fans (et financière dérapage côté timing aussi, trant qu’exigence intellectuelle
le studio Gainax souffre d’un aussi) n’auront de cesse de mais nous n’en sommes plus là et légèreté ne sont pas incom-
énorme manque de moyens préciser leurs intentions par et personne n’a les idées claires patibles, et qu’il y a une place
à la fin de sa production, différents supports. Deux ans sur ce qui va se passer dans pour la matière grise dans les
accumulant de plus en plus après la fin de la série, le film l’ultime film que tout le monde œuvres grand public. Ainsi on
de plans fixes et d’animations Death and Rebirth présente un attend depuis sept ans… le sus- ne s’étonnera pas que ce block-
simplifiées sur les derniers remontage de la série télévisée pense est à son comble !  buster en puissance ait autant
épisodes d’Evangelion. C’est remaniée, améliorée, complétée, marqué son époque, tant côté
là que se joue l’énorme coup puis dans la foulée le film The EVANGELION ANNÉE ZÉRO public que côté scénaristes, car
de génie ou la vaste super- End of Evangelion en 1997 (édité Diffusé quelques mois après le sans son exemple pour rassurer
cherie – c’est selon – d’Anno. par Dybex en France, comme tremblement de terre de Kobe de les financiers ou pour ouvrir
Plutôt que d’employer un feu tout le reste de la saga), offre une janvier 1995 et les attentats au les perspectives, nul doute que
d’artifice technique lors d’un fin complémentaire avec l’ultime gaz sarin du métro de Tokyo, en nombre de succès populaires
combat homérique en usant combat tant attendu. Pour soute- mars de la même année, Evange- n’auraient pas vu le jour. Alors
d’une métaphore en fusionnant nir également la série, un manga lion a su faire écho à ce désespoir effectivement la série originelle
l’Humanité en une seule entité est lancé, dessiné par Yoshiuki et ce besoin de quête de sens souffre maintenant quelque
pour résoudre le problème Sadamoto, le chara-designer qui ont marqué les Japonais à peu de son animation datée, de
du vivre ensemble et de com- de l’anime (édité chez Glénat). cette période, c’est dire l’actualité ses dessins sommaires ou de la
munication, Anno joue avec la Suivant scrupuleusement le du propos d’Anno. Evangelion patine vieillotte de l’image, mais
situation économique du studio scénario original de Gainax, est sans doute l’univers le plus les reboot high tech d’Anno sont
et décide d’aller droit au but ! Sadamoto s’offre néanmoins important de ces trente dernières là pour réactualiser le titre. On
En phase avec ses intentions quelques libertés dans le point années, car il incarne toutes aura beau dire, l’intensité du
de départ où il souhaitait grâce de vue de certaines scènes, sortes de transitions sur l’indus- récit est toujours au rendez-vous
à cette série animée, faire res- apportant ainsi de nouvelles trie du dessin animé dont per- et réussit encore à immerger
sentir aux enfants ce que sont informations à la saga.  sonne n’avait imaginé l’impact avec une rare intensité le specta-
‘les liens et les émotions entre C’est en 2007 qu’Anno lance à sa sortie. Dans un contexte teur dans son canapé à la place
les individus’. Laissant en plan une nouvelle tétralogie de films, préoccupant où le média s’avé- de Shinji, baigné dans le liquide
toutes les intrigues et mystères Rebuilt of Evangelion, pour rait incapable de se renouveler LCL au cœur de l’entry plug aux
en cours, il livre un épisode rendre la série plus claire et et ne finissait plus de radoter, ce commandes de l’Eva 01.
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING THE ETERNALS
72

THE ETERNALS
CE QUI S’ÉVEILLE DANS L’ÉTERNEL
La San Diego Comic Con a, comme chaque année, été l’occasion d’annonces
tonitruantes de la part des grands studios. Disney-Marvel n’a pas dérogé à la règle
en détaillant la Phase IV du Marvel Cinematic Universe. Si ces plans sont encore
susceptibles de changer (Spidey, quelqu’un ?), une annonce confirmant des choses
déjà évoquées l’année précédente attire particulièrement l’attention des amateurs :
un film The Eternals. Petit retour sur un pan méconnu de l’histoire super-héroïque.

Textes par ALEX NIKOLAVITCH

L
e début des années velle génération d’auteurs est
1970 est une aux manettes, qui va produire de
époque de boule- nouveaux classiques.
versements pour Mais un des grands anciens
les deux grands n’a pas dit son dernier mot.
éditeurs de comics Fâché de la façon dont Marvel
aux US. Chez Mar- le traite, Jack Kirby passe à l’en-
vel, Stan Lee s’est nemi avec armes et bagages.
éloigné de l’édition, Kirby, c’est le King. Le grand
cédant la place à créateur graphique qui a pro-
Roy Thomas qui posé au monde Captain Ame-
entreprend d’ordonner et de rica, les Quatre Fantastiques,
clarifier un univers de plus en Hulk, Thor, l’homme sur lequel
plus dense. Chez DC, la nouvelle Stan Lee s’est lourdement
direction s’est lancée dans une appuyé pour relancer Marvel à
diversification des styles et une partir de 1961… Le voilà qui va
remise au goût du jour de per- mettre sa créativité au service
sonnages qui ont pour certains de la Distinguée Concurrence,
déjà plus de trente ans. Une nou- l’éditeur DC Comics qui réalise ©
MARVEL

Photo de famille des The Eternals de Jack Kirby
là ce qui devrait être le coup
éditorial de la décennie. Certes,
le King a déjà travaillé pour la
maison, dans les années 40 et
50, mais il revient par la grande
porte. « Kirby is Here », procla-
ment en 1970 les cartouches
sur toutes les couvertures de
l’éditeur. Il doit animer quatre
séries liées entre elles qui pro-
poseront de nouveaux person-
nages et de nouvelles idées.
C’est un magnifique feu de
paille. Entre humiliations stu-
pides et promesses non tenues,
l’éditeur va réussir à fâcher l’au-
teur. D’autant qu’une arnaque
à la distribution va torpiller
les chiffres de vente. En 1975,
Kirby retourne chez Marvel, où
il reprend notamment Captain
America et Black Panther.
Mais si le passage chez DC est
une déception, il aura permis
à Kirby de montrer ce qu’il sait
faire quand il a les mains libres.
Les New Gods et les séries asso-
ciées sont une réussite créative,
réinjectant une pure charge
mythologique dans les comics
de super-héros, et le démon Etri-
gan est devenu un pilier incon-
tournable de l’univers DC.
Chez Marvel, Kirby propose
bientôt une nouvelle série, The
Eternals, qui reprend une partie
des aspects mythologiques
de New Gods. Il obtient qu’elle
ne se déroule pas directement
dans l’univers Marvel. Il s’agit
d’une série indépendante, dans
laquelle il peut développer de
nouveaux concepts de façon
totalement libre, sans se sou-
cier du caractère partagé d’un
monde où ce qui arrive dans
les pages de The Fantastic Four
peut avoir un impact sur Iron
Fist et inversement.
LES DIEUX
SONT DE RETOUR
Alors, ça parle de quoi, the
Eternals ? Du retour des dieux,
tout simplement. Dans une
cité perdue des Andes, un
groupe d’archéologues fait une
73
MARVEL
©
découverte terrifiante : les dieux
responsables de la création de
l’humanité, mais aussi de deux
espèces apparentées, les Éter-
nels et les Déviants, vont revenir
juger leurs créatures. S’ils ne
sont pas satisfaits, ils feront
place nette.
Mais ces chercheurs ont attiré
l’attention des fondateurs de
la cité : des êtres d’une grande
puissance, les Eternals, qui ont
bien conscience de l’urgence de
la situation, mais savent aussi
que leur conflit millénaire avec
les Déviants ne jouera pas en
faveur de notre planète.
Kirby réalise dans cette
série une synthèse de ses
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING THE ETERNALS
74
Présentation du casting 5 étoiles
de Eternals au salon D23 2019
Kirby développe là des idées qu’il avait com-
mencé à mettre en place dix ans plus tôt dans
Fantastic Four et The Inhumans, mais peut ici
les faire jouer librement.
obsessions : les mythes
anciens réinterprétés sous
forme de science-fiction (vers
la même époque, il livre une
adaptation du film 2001: A
Space Odyssey de Stanley
Kubrick, ainsi qu’une série de
suites), l’évolution dirigée et
les influences extraterrestres.
Il fonde une partie de sa cos-
mogonie sur les ouvrages
de Von Däniken, tenant de la
théorie des « anciens astro-
nautes » postulant que les
constructions cyclopéennes
des anciens ont été réalisées
grâce aux apports d’êtres
civilisateurs venus des étoiles.
Tout comme dans The New
Gods, les personnages dotés de
pouvoirs surhumains adoptent
superficiellement l’apparence de
super-héros mais ne sont en rien
des justiciers redresseurs de
torts. Leurs responsabilités sont
ailleurs, et leur nature cosmique
est évidente. Ils dépassent de
très loin nos simples préoccu-
pations humaines, ils ont des
responsabilités face au monde
dans sa globalité.
Inspirés des divinités de
l’Olympe (les noms de Zuras,
Sersi, Ikaris, Ajak, renvoient
directement à ceux de la
mythologie grecque), les Eter-
nals sont de notre point de
vue humain des dieux vivant
cachés parmi nous. Mais,
de façon intéressante, il se
trouvent eux-mêmes soumis
à la volonté de dieux de rang
DISNEY
©
plus élevé, les Celestials, res-
ponsables de leur création,
et accessoirement de la créa-
tion de toute vie consciente
sur terre. Les Celestials sont
gigantesques et reviennent
tous les quelques millénaires
sur les mondes qu’ils cultivent,
pour juger des progrès accom-
plis sur place.
Kirby développe là des idées
qu’il avait commencé à mettre
en place dix ans plus tôt dans
Fantastic Four et The Inhumans,
mais peut ici les faire jouer libre-
Retrouvailles chez les Celestials
ment. Le retour des Celestials,
géants cosmiques qui cultivent
l’univers comme d’autres dés-
herbent des potagers, peut
signifier la fin de notre monde.
Cette menace de destruction
©
MARVEL
MARVEL
©
absolue pèse sur toute la série,
dès son premier numéro.
Par la suite, le récit raconte les
conflits avec les Déviants, ainsi
que la difficulté à réunir des
Eternals dispersés sur toute la
planète et à les convaincre de
faire front commun. Elle distille
au passage des indications sur le
passé de ce petit univers.
En un an et demi à peine, Kirby
a démontré qu’il est encore
capable de proposer deux
concepts nouveaux par épisode,
des nouveaux personnages forts
et les idées folles et grandioses
dont il est coutumier. Mais son
départ définitif de Marvel laisse
l’histoire en plan en 1977.
Roy Thomas va avoir l’idée de
réinjecter le tout dans l’univers
Marvel courant. Cela se déroule
dans les pages de The Mighty
Thor, qu’il écrit à l’époque. Le
choix de ce titre n’est pas ano-
din : à la fin des années 60, c’est
là que Kirby expérimentait le
plus, qu’il a réutilisé Him (le futur
Adam Warlock), qu’il a travaillé
les origines de Galactus et créé
des personnages comme Ego,
la planète vivante. L’astuce de
Thomas, qui travaille à l’époque

Le Célestial Knowhere apparu dans Gardiens de la galaxie (2014)
sur l’idée de Ragnarok, qu’il réin-
terprète habilement de façon à
pouvoir l’utiliser dans les comics
sans pour autant massacrer ses
personnages, c’est de profiter
des aspects purement apoca-
lyptiques de The Eternals et
d’opérer une synthèse. Il va ainsi
réviser une partie de l’histoire
de l’univers Marvel. Plusieurs
éléments de Thor, l’armure
vivante du Destroyer, notam-
ment, sont expliqués comme
des armes destinées à contrer
le retour des Celestials.
Dès lors, plusieurs concepts
sont intégrés de la même façon
rétroactive : les habitants de
Titan, dont Thanos lui-même,
deviennent une branche dissi-
dente des Eternals, et Earth X
tentera d’imaginer un écosys-
tème cosmique dans lequel
Galactus est la force permettant
de limiter les ambitions et la
propagation des Celestials.
Et les Celestials eux-mêmes
deviennent une menace récur-
rente, qu’on retrouve dans Aven-
gers, Fantastic Four, X-Factor et
bien sûr dans une bonne partie
des incarnations successives de
The Mighty Thor. Une partie des
personnages créés par Kirby,
comme Sersi, vont même inté-
grer pendant un temps l’équipe
des Avengers. Si les nouvelles
séries The Eternals, proposées
de temps en temps, ne font pas
forcément date (malgré par
exemple des épisodes écrits par
Neil Gaiman, il y a une douzaine
75
INHUMANS
2014 DISNEY ENTERPRISES, INC. ALL RIGHTS RESERVED.
L’OCCASION MANQUÉE
©
DR
d’années), les idées amenées
dans The Eternals ont été digé-
rées par l’univers Marvel, et le
structurent désormais.
SUR GRAND ÉCRAN
Dans le Marvel Cinematic
Universe, des éléments relevant
des Eternals ont été déjà distil- ©
DR
lés dans le premier Guardians
of the Galaxy. Les héros font
halte dans une gigantesque tête
flottante et évidée servant de
station spatiale, Knowhere. Les
amateurs de comics y auront
reconnu le crâne d’un Celestial,
un des dieux cosmiques. Un
peu plus loin dans le récit, un
flashback montre l’une de ces
créatures gigantesques ravager
une planète à l’aide d’une des ©
DR
pierres d’infinité. À ce stade,
ce ne sont que des éléments ix ans avant de créer les Eternals, Jack Kirby avait développé
de décor, un moyen de donner ce même concept de race cachée et semi-divine créée par
un arrière-plan grandiose aux
aventures de Star Lord et de sa D des extraterrestres avec les Inhumains. Introduits graduelle-
ment dans les pages de Fantastic Four, ces êtres très puis-
joyeuse bande. sants ont eu droit par la suite à une série d’histoires courtes
Mais rien n’est gratuit, quand dans le magazine consacré à Thor (décidément le lieu où Kirby fait sa petite
on s’appelle Marvel Studios et cuisine dans la deuxième moitié des années 1960), puis à des épisodes écrits
qu’on cherche à développer par Roy Thomas, devenu à la suite de Stan Lee le grand manitou de Marvel
sur grand écran un univers de (Thomas sera en dédicace cette année à la Comic Con Paris).
papier appelé à bientôt fêter ses Suite aux démêlés du début des années 2010 avec la Fox, Marvel lève le
quatre-vingts ans de publication. pied sur les X-Men dans les comics et décide de mettre l’accent sur les Inhu-
D’autant que la Phase IV doit mains en les réactualisant. Dans la foulée, le concept d’inhumains est effica-
composer avec l’après Thanos. cement utilisé dans la série télévisée Agents of S.H.I.E.L.D. permettant d’em-
Cette menace ayant été conju- ployer l’hystérie anti-mutante sans avoir les mutants, et un film est annoncé
rée, c’est la ligne narrative lan- en 2014. Les tractations avec Sony concernant Spider-man conduisent à
cée il y a une dizaine d’années en repousser le tournage à plusieurs reprises. Finalement, les personnages
qui se clôt. Il faut de nouveaux arrivent sur le petit écran en 2017, dans une série décevante malgré la pré-
enjeux, et les aspects apocalyp- sence d’Iwan Rheon (Ramsay Bolton dans Game of Thrones). Dommage, ces
tiques de The Eternals semblent personnages méritaient mieux.
parfaits pour ça.
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING SMOKING SOFA
76

SMOKING SOFA
DU SPECTACLE TRÈS VIVANT !
Smoking Sofa est une troupe d’impro(visation) créée en 2011, même si les fondateurs
ne font plus partie de la troupe qui a vu arriver et partir des membres au cours de
son existence jusqu’à arriver à sa formation actuelle. Nous avons rencontré trois des
quatre membres en activité (Muriel, Cécile, Meng et Jonathan), auxquels se rajoutent
ponctuellement d’autres improvisateurs, selon les besoins des spectacles.

Textes de SYLVAIN NAWROCKI

ous les avions
remarqués pour
N leur spectacle
sur le thème des
super-héros :
L’APDM (L’Agence Pour la Défense
du Monde), et voulions profiter
de l’occasion pour aborder la
discipline de l’impro, particuliè-
rement propice au développe-
ment de l’imaginaire.
Jonathan a démarré en 2005,
lorsqu’il était étudiant, en sui-
vant la mode de l’époque qui
consistait à faire des matchs
d’impro entre grandes écoles.
Après ses études, il a continué
à se produire dans des petits
l’impro finisse par prendre le
dessus sur le reste.
Meng était quant à lui le régis-
seur de la troupe au moment
de sa formation, et a fini par
l’intégrer. Il est venu à l’impro
en étant attiré par le one man
show, et n’a cessé de prendre
des cours depuis dix ans. On
dit même de lui qu’il serait
celui qui, en France, aurait
pris le plus de cours d’impro.
Vérité ou légende ? Cela reste
un mystère ! À l’origine game
designer, il s’est aussi peu à
peu laissé envahir par le plaisir
de monter sur scène.
impros qui se passent au moyen aussi un peu comme ça qu’on
âge, ou avec des dragons etc. est arrivés à faire un spectacle
parce qu’on a joué à tellement
de jeux vidéo dans ce domaine
autour des super-héros. Ces
dernières années, j’ai travaillé
qu’on a tous les codes. C’est sur un jeu qui se passe dans
« Du coup, c’est dans les deux
sens. L’impro se nourrit de tout ce
qu’on lit, ce qu’on regarde, et l’im-
pro t’apprend aussi à mieux vivre
avec les autres. » - Jonathan
©
OLIVIER L

spectacles, et l’impro a pris de GEEK MAGAZINE : Vous avez

plus en plus de place dans sa
vie, jusqu’à enseigner lui-même
la pratique de l’improvisation,
au même titre d’ailleurs que les
autres membres de la troupe,
qui organise des stages d’initia-
tion à la discipline.
Muriel a aussi découvert
l’improvisation en école d’in-
génieur, et a continué tout au
long de ses études, puis après
l’obtention de son doctorat en
neuroscience cognitive. Elle a
continué de mener ces deux
vies en parallèle, jusqu’à ce que
chacun commencé à pratiquer
l’impro en parallèle de vos
études et d’un autre métier.
Comment avez-vous utilisé
cette double vie pour nourrir
vos personnages ?
Jonathan : J’ai fait des études
d’informatique, et j’ai passé
environ 8 ans chez Ubisoft en
tant que programmeur Game-
play. Ce qu’on raconte sur
scène lie des éléments de notre
inconscient et notre culture
générale, alors quand on est
APDM
geek, on est très fort pour les
©
CHRISTINE COQUILLEAU
Le Fauteuil
l’espace, et j’ai appris beaucoup
de choses sur l’astrophysique ;
donc en impro, quand ça touche
à ce domaine, je suis tout de
suite à l’aise. Ensuite, faire de
l’impro repose sur des tech-
niques où il faut être à l’écoute,
valoriser l’autre. Même avec
des imaginaires différents, on
va inventer ensemble, et j’ai
remarqué que ça me rendait
meilleur communiquant dans
la vraie vie aussi, et surtout, je
pouvais mieux voir quand les
gens ne savent pas communi-
quer. Quand on fait un brains-
torm au travail, on n’arrive
pas à émettre une seule idée
parce que tout le monde casse
les idées des autres au lieu de
construire dessus. Du coup,
c’est dans les deux sens. L’im-
pro se nourrit de tout ce qu’on
lit, ce qu’on regarde, et l’impro
t’apprend aussi à mieux vivre
avec les autres.
Muriel : L’impro, c’est un truc
qu’on fait tout le temps dans
la vie de tous les jours, à la
différence que nous on le met
sur scène. Donc moi, j’ai étu-
dié les neurosciences (NDLR :
Inférences probabilistes et récu-
pération mnésique dans les lobes
frontaux, une étude en imagerie
cérébrale du cortex préfrontal),
et c’est beaucoup de comporte-
ment humain, ce qui rejoint aussi
l’impro. C’est deux manières,
deux approches d’étudier le
comportement humain, que ce
soit par la recherche scienti-
fique ou la discipline artistique.
Meng : En définitive, l’impro
m’a beaucoup plus appris sur
la créativité que l’école de jeux
vidéo. À l’école, on nous a pas
tellement appris à être créatif,
à gérer un brainstorm, à géné-
rer des idées, et maintenant,
on donne des cours sur ça. Ça
aide aussi pour la confiance
en soi, limite de façon non
consciente, et on s’en rend
compte avec le temps.
Et du coup, qu’est-ce qui a
motivé cette idée de spec-
tacle d’improvisation autour
des super-héros ?
Jonathan : À la base, c’était
Jean-Marc Guillaume et Guil-
laume Bois, qui étaient potes
avec ceux qui ont monté le Der-
nier Bar Avant La Fin Du Monde,
et du coup, autour d’un café, il
ont dû dire qu’ils allaient faire
un spectacle d’impro dans le
bar, avec un thème geek, et ça a
pris tout de suite.
Muriel : C’est aussi comme ça
que j’ai rencontré Smoking Sofa,
parce que j’ai fait la première
régie de l’APDM, et le format a
été créé pour le lieu, en 2012.
Quelle était la réaction du
public ? C’était quoi le genre
de personnes qui venaient
vous voir ?
Jonathan : On peut distinguer
les réactions au Dernier Bar, et
les réactions à la Folie Théâtre,
parce que ce n’est pas du tout
le même public. Le spectacle
a évolué un peu pendant les
années, mais ce qui est resté
constant, c’est qu’on demande
au public de créer un super-
héros original, à partir d’un
super-pouvoir, et on lui crée un
nom. S’il lance de la glace avec
ses yeux, ce sera probablement
un truc comme Ice Eye.
Est-ce que c’est systéma-
tique dans l’impro de faire
participer le public ?
Jonathan : La plupart du
temps, même si pas toujours.
En général, le public a besoin
de se rendre compte si c’est
vraiment de l’impro, et du coup,
en le faisant participer, il se
rend compte que oui, c’est bien
improvisé. Ensuite, les comé-
diens sur place font aussi une
proposition, disant comment
ils joueraient le super-héros en
question, et le public choisit
qui jouera quel super-héros.
Au cours du spectacle, on peut
aussi poser des questions,
pour savoir ce qui doit se pas-
ser ensuite. À une époque, les
membres du public pouvaient
même monter sur scène pour
incarner un super-héros de
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING SMOKING SOFA
78
APDM
« Meng et moi, on est des gros geeks. On
adore Star Wars, Le Seigneur des Anneaux,
Marvel, les jeux vidéo et dès qu’il y en a un qui
part sur ce genre de délires, l’autre sait auto-
matiquement où il veut l’emmene »
passage pour sauver le héros et
partait après. Au « Dernier Bar »,
on jouait vraiment en terrain
conquis, et si les gens étaient là,
c’était parce qu’ils nous avaient
vus sur Facebook, ou bien c’était
des gens très geeks qui ont vu
le truc passer et sont venus voir.
À la Folie Théâtre, c’est un peu
différent, parce qu’on s’exposait
à des gens qui venaient voir
le spectacle sans savoir exac-
tement ce qu’ils allaient voir,
juste parce qu’ils sont habitués
à venir dans ce théâtre, qui ne
connaissent pas forcément l’im-
pro, et à qui les super-héros ne
sont pas nécessairement un truc
qui parle. Mais on a un peu tout
eu. Le plus drôle, c’est vraiment
les enfants.
Meng : Je me souviens, au
« Dernier Bar », ceux qui
venaient étaient plutôt jeunes, et
assez geeks. Ici, c’est un public
un peu plus âgé, mais qui vient
effectivement parfois avec des
enfants, et c’est génial de les
entendre réagir dans la salle. Un
jour une réaction m’a fait vrai-
ment plaisir : il y a un spectateur
qui a fait une BD en une page
de l’histoire qu’il avait vue au
théâtre, et ça c’est très cool !
Muriel : C’est un spectacle qui
est très propice à un public d’en-
©
OLIVIER L
- Jonathan
fants et d’ados, parce que c’est
très coloré, c’est dynamique,
c’est participatif, donc on a
toujours des bonnes réactions
quand on a des enfants ou des
ados dans la salle.
Mais vous jouez aussi d’autres
types de spectacles !
Muriel : L’APDM c’est en effet un
spectacle improvisé d’une heure
dans l’univers des super-héros,
mais on fait aussi des pièces
dans d’autres univers. Par
exemple, avec Le Fauteuil, où
c’est un univers plus vintage. On
entre dans un salon, comme si
on entrait en famille qui allait se
raconter des histoires au coin
du feu, et là, c’est un univers
imaginaire plus large. On a
quatre comédiens sur scène :
un narrateur qui interagit avec
le public, un musicien qui impro-
vise la musique en live. Ça reste
la même mécanique, dans le
sens où c’est le même principe
d’histoires improvisées, et ce qui
change, c’est le décor, l’univers,
et forcément le genre d’his-
toires, même si les gens peuvent
aussi venir avec des idées de
super-héros ou autres.
Cela dit, la culture geek et la
pop culture piochent beau-
Le Fauteuil
coup dans la mythologie, qui
a aussi toujours inspiré le
théâtre et ceux qui voulaient
raconter des histoires. Com-
ment vous exploitez le fond
culturel commun dans ce que
vous produisez ?
Jonathan : On a pas mal bossé
sur une méthode de narration
d’un type qui s’appelle Chris-
topher Vogler ( NDLR, auteur du
Guide du scénariste reprenant
notamment les grands principes
proposés dans Le héros aux mille
et un visages de Joseph Camp-
bell) un « script doctor » de Holly-
wood ; il est venu en France plu-
sieurs fois, et les improvisateurs
se sont approprié ce qu’il a écrit,
parce qu’il donne en quelque
sorte les briques qui vont per-
mettre de construire une histoire.
Quand on regarde Star Wars IV,
le Roi Lion, quasiment tous les
Marvel, ça suit toutes ces étapes.
Quand on passe d’une improvisa-
tion courte de quelques minutes,
à une histoire qui va durer une
heure, forcément, on se pose la
question de comment faire pour
que ça tienne debout et que ce
soit intéressant, alors on repart
sur les recettes de grand-mère :
quotidien, élément déclencheur,
conséquences, rencontres, la
crise, la résurrection, et on arrive
CHRISTINE COQUILLEAU
©
à créer quelque chose autour
de ça. Ça c’est pour le côté
structure invisible, après, surtout
Meng et moi, on est des gros
geeks (même si Cécile aussi). On
adore Star Wars, Le Seigneur des
Anneaux, Marvel, les jeux vidéo et
dès qu’il y en a un qui part sur ce
genre de délires, l’autre sait auto-
matiquement où il veut l’emme-
ner. Le Fauteuil, avec son côté un
peu onirique, salon littéraire, on
part pas souvent sur des histoires
à la Indiana Jones, mais quand ça
part, on a tous les codes.
Meng : Il y a pas mal d’histoires
quand même où il y a de la poésie
et de la magie, ça part bien dans
l’imaginaire quand même. Je me
souviens d’un spectacle qu’on a
joué un 31 décembre, où je jouais
un ange gardien qui descendait
sur terre. Ou une autre histoire
où je me retrouvais babysitter
d’un bébé qui devenait géant, et
il fallait jouer sur les regards pour
créer ce géant qui ne pouvait pas
être « matérialisé » sur scène.
Maintenant qu’on se connait
vraiment bien les uns les autres,
dès qu’il y a l’opportunité de faire
une histoire très originale, qui
sort des sentiers battus et des
univers classiques, nous on y va
à fond, et ça arrive facilement à
des histoires avec de la magie ou

de la fantasy, parce qu’on se met
jamais aucune limite.
D’après vous, pourquoi le
théâtre a une réputation de
divertissement « bourgeois »
ou « élitiste » alors que ça a
très longtemps été de tradi-
tion populaire ?
Jonathan : Je suis d’accord avec
ça. Je me rends compte que dans
mon entourage, il y a des gens
que je peux amener au théâtre,
et ceux que n’arriverai pas à y
amener, parce qu’ils ont trop de
clichés en tête. Peut-être que ça
vient de ce qu’on nous emmenait
voir à l’école. Avec mon filtre à
moi – ma perception très resser-
rée – je me dis qu’effectivement,
quand j’étais ado, j’avais cette
image-là, et ça vient du fait qu’on
me forçait à aller voir des pièces
de Molière où je ne comprenais
rien, dans des beaux théâtres
avec des gens bien habillés, et
on m’a laissé me construire une
image très élitiste du théâtre. Et
il a fallu que passé vingt ans, je
m’intéresse à la poésie et au jeu,
pour me dire que j’irais bien voir
du Shakespeare, rien que pour
ma culture générale, et je me suis
aperçu qu’en fait c’était trop bien,
hyper humain et accessible.
Meng : J’ai un peu le même
Stranger Things S03
ressenti. Quand j’étais petit, je
suis allé voir des pièces de Mari-
vaux, de Molière, mais c’était très
scolaire, toujours avec cette idée
de « on va t’apprendre quelque
chose, tu vas rentrer, tu vas lire le
profil, faire l’étude littéraire » donc
il y a toujours cette image asso-
ciée au travail. Et puis il y a cette
image cliché de ce que tu vois à
la télé, dans le « in » d’Avignon,
t’as des gens à poil qui jouent
pendant trois heures en allemand
(rires), tu comprends rien… Moi-
même je suis allé voir des pièces
où ça joue pendant deux heures,
et comme c’est du texte original,
avec un phrasé très développé,
tu dois lire le programme pour
comprendre la pièce. Moi, si
je dois lire le programme pour
comprendre ce qui est joué, ça
me fait chier ! Mais quand tu vas
voir de l’impro comme Le Fauteuil
ou l’APDM, même si c’est des
pièces de théâtre improvisé, il n’y
a pas ce côté chiant ou indigeste,
parce qu’un des trucs sur les-
quels on travaille, c’est de rendre
ça accessible, ramener des gens
au théâtre, le repopulariser. Par
exemple, il y a des gens qui
n’aiment pas forcément lire, et
qui un jour tombent sur Harry
Potter ou le Trône de Fer, et qui
vont avoir envie de se remettre
79
©
OLIVIER L
APDM
à lire. J’espère que même des sait ce que c’est. Toutes les
gens qui ne vont pas trop au semaines, j’entends parler d’une
théâtre, se diront en voyant une nouvelle troupe qui s’est créée
pièce d’impro que finalement à Paris, et quand j’ai démarré,
c’est pas si cher, c’est un bon on ne savait pas quoi aller voir, il
moment, et qu’ils vont s’ouvrir à n’y avait pas de bouquins, donc
tout un tas de choses. on était un peu autodidactes.
Maintenant, il y a des écoles qui
Est-ce que vous sentez que ça fleurissent partout, et quand
devient de plus en plus popu- on organise un stage, en moins
laire ? À quand un retour en d’une soirée, il est rempli ; et je
force des spectacles vivants ? pense que ce n’est que le début.
Jonathan : L’impro, clairement, C’est peut-être l’idée que je m’en
ça explose depuis dix ans. fais, mais je trouve que l’impro
Quand J’ai démarré il y a quinze c’est vraiment accessible à tous,
ans, il fallait que j’explique ce parce qu’il n’y a pas de « devoirs
que je faisais, ce que c’était à faire à la maison », pas de texte
exactement l’impro. Mainte- à apprendre. Et on se rend vite
nant, quand j’en parle, il y a une compte que le théâtre, c’est
personne sur deux qui en a déjà hyper cool, un peu comme rede-
vu, et l’autre qui en fait. Alors venir un enfant. Il y a plein de
peut-être que je parle trop aux monde qui débarque là-dedans
mêmes personnes, et que je sans trop savoir ce que c’est, et
suis dans une bulle, mais je crois qui viennent ensuite dire que ça
que maintenant tout le monde a révolutionné leur vie !
LE FAUTEUIL se joue toute l’année du 12 septembre 2019 au 28 mai
2020 tous les jeudis soir à 20 h 30 à La Folie Théâtre, 6 Rue de la
Folie Méricourt, 75011 Paris / Prix des places entre 10 et 20 euros
(prix réduit pour ceux qui reviennent !)
SMOKING SOFA sera aussi à l’affiche d’un autre spectacle intitulé
Histoires de famille du 15 novembre au 19 janvier les vendredis,
samedis et dimanches.
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING J’AI PERDU MON CORPS
80
UN CONTE FANTASTIQUE RÉALISÉ DE MAIN DE MAÎTRE
J’AI PERDU
MON CORPS
Cela faisait longtemps qu’un dessin animé ne nous avait autant
émus. Rencontre avec son réalisateur.
Propos recueillis par PASCAL PINTEAU
ibre adapta-
tion du roman
L Happy Hand de
Guillaume Lau-
rant, J’ai Perdu
Mon Corps raconte l’histoire
de Naoufel, un jeune homme
solitaire dont la vie s’éclaire
quand il rencontre fortuite-
ment Gabrielle et en tombe
amoureux. Ailleurs, une main
coupée s’échappe d’un institut
médico- légal, bien décidée à
retrouver son corps, et entre-
prend alors un voyage périlleux
à travers la ville, semé d’em-
bûches et de souvenirs senso-
riels de sa vie jusqu’à un ter-
rible accident. Naoufel, la main,
Gabrielle, tous trois finiront
par retrouver, d’une manière
poétique et inattendue, le fil de
leur histoire. Avec ce premier
long métrage, Jérémy Clapin
s’impose d’emblée comme l’un
des nouveaux grands talents
de l’animation française.
GEEK MAGAZINE : Pour
découvrir votre parcours
d’auteur-réalisateur, on peut
visionner vos trois excellents
courts-métrages sur votre
page personnelle Vimeo.
Pourriez-vous les présenter en
quelques mots aux lecteurs de
Geek Magazine ?
JÉRÉMY CLAPIN : Il y a eu
d’abord Une Histoire Vertébrale
en 2004. On y découvre un
homme qui a une malformation
de la nuque. Elle le contraint à
regarder vers le bas à longueur
de journée, ce qui l’oblige à
adopter une façon de vivre dif-
férente de la nôtre. Il rencontre
une personne qui a elle aussi
un handicap, ce qui me permet
de faire vivre à ces deux per-
sonnages une situation roman-
tique. Le deuxième film qui date
de 2008 s’intitule Skhizein et
narre l’aventure d’un type qui
se fait percuter par une météo-
rite de 150 tonnes, et dont le
corps « physique » est alors
décalé à 90 centimètres de
lui-même. C’est-à-dire que pour
interagir concrètement avec le
monde il va devoir entreprendre
des actions prenant en compte
cette distance invisible, c’est
compliqué à expliquer…
Oui, mais c’est hilarant à voir !
Le troisième film s’intitule Pal-
mipedarium et est sorti en 2012.
J’ai réalisé des courts-métrages
tous les quatre ans, parce c’est
le temps nécessaire pour trou-
ver des financements, tout en
travaillant à côté pour gagner
sa vie. Dans Palmipedarium,
on suit un enfant qui marche
dans les pas de son père qui
est chasseur. C’est une des-
cription du rite initiatique vers
l’âge adulte, très différente de
mes autres courts-métrages.
Un film d’ambiance assez
étrange, avec l’apparition d’un
animal étonnant.
Dans vos courts-métrages
comme dans J’ai Perdu
Mon Corps , vous avez
changé à chaque fois d’ap-
proche graphique…
Exactement, c’est une volonté
de ne pas me répéter, de ne pas
me cloisonner dans un style.
Mais c’est d’abord la manière
de répondre le mieux possible
au sujet. J’essaie d’adapter
mon style en fonction du pro-
pos, en réfléchissant à ce qui
pourrait correspondre le mieux,
en me demandant s’il faut être
schématique ou plus graphique.
Dans J’ai Perdu Mon Corps il fal-
lait être plus réaliste et utiliser
des références anatomiques.
Le film parle précisément d’une
main et je préférais qu’elle ne
soit pas trop transformée par
une stylisation du dessin.
Quel a été le point de départ
du projet J’ai Perdu Mon Corps
et quel potentiel avez-vous
 ©
DR

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DR

J’ai Perdu Mon Corps

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DR
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING J’AI PERDU MON CORPS
82
J’ai Perdu Mon Corps
« On suit deux façons différentes d’ap-
préhender le monde qui sont finalement
du même ordre : sensoriel. » - Jérémy Clapin
vu dans cette histoire en tant
que réalisateur ?
Il a été initié par Marc Du Pon-
tavice, qui produit beaucoup
de séries animées, notamment
Oggy et les Cafards, et qui
possède aussi une société de
production de films en prises
de vues réelles. Il travaillait sur
Gainsbourg (Vie Héroïque) avec
Joann Sfar au moment où je l’ai
rencontré. C’est d’ailleurs pour
ces raisons-là que j’ai eu le sen-
timent qu’il avait pensé à moi
et proposé d’adapter le livre de
Guillaume Laurant Happy Hand,
une longue nouvelle consacrée
à une main coupée qui part à
la recherche de son corps. Et
ce qui m’a tout de suite séduit
dans ce livre c’était ce point
de vue inédit, cette possibilité
d’entrer dans la tête et les
souvenirs d’un être humain par
le biais d’un petit morceau de
son corps. Transposer tout cela
visuellement était un défi, mais
aussi une opportunité de racon-
ter les choses différemment.
Voilà pourquoi j’ai eu envie de
réaliser ce film.
Comment vous êtes-vous
emparé du livre de Guillaume
Laurant pour en faire une
transposition visuelle libre et
plus personnelle ?
©
DR
Nous avons travaillé ensemble
au début, car c’était la première
fois que j’adaptais une œuvre
littéraire. D’habitude je pars
sur mes univers, ce qui est
plus facile. Au départ, j’étais
trop proche du livre, pensant
que le travail narratif avait déjà
été accompli et que je devais
le mettre tout simplement en
image, ce qui a été une grosse
erreur de ma part. J’aurais dû
suivre le conseil de Truffaut qui
disait « Adapter c’est trahir ».
Pour y parvenir, il faut assimiler
le livre et l’éliminer presque
totalement pour n’en garder
que l’essence dans le scénario.
Après une deuxième étape le
script était encore trop proche
du bouquin et ça ne marchait
pas. Marc m’a encouragé à
travailler à partir de mon uni-
vers, et je suis reparti de zéro
ou presque, en prenant pour
point de départ cette main à
la recherche de son corps, et
en reconstruisant tout autour.
Il y a des choses du livre qui
sont restées ancrés dans le
récit mais aussi énormément
de choses que j’ai réinventées
notamment dans l’histoire de
Naoufel, le garçon auquel la
main appartient. C’est ce qui
m’a permis d’apporter une poé-
sie, une sensibilité plus proche
J’ai Perdu Mon Corps
de la mienne, et les moments
nécessaires pour compléter
l’histoire de cette main.
Vous avez notamment ajouté
cette scène de dialogue via
l’interphone qui est un pivot
de l’histoire de Naoufel…
Oui. Elle ne figurait pas dans
le livre. Ce qui reste proche de
l’histoire originale au début,
c’est la main qui revit, sort du
réfrigérateur, et commence
à franchir des obstacles phy-
siques. Bien sûr, je ne prétends
pas avoir tout fait, car sans le
livre de Guillaume, il n’y aurait
pas eu de film. Mais j’ai quand
même beaucoup épuré et réin-
venté ce récit.
Pouvez-vous nous parler de
votre conception graphique
du film et des techniques que
vous avez utilisées, qui mêlent
le dessin à la main et la 3D ?
Dans l’industrie du cinéma
d’animation, on se plie souvent
à ce conformisme qui consiste
à utiliser un trait parfaitement
lisse et des formes pleines qui
sont plus faciles à coloriser
ensuite dans le processus de
fabrication. Je ne voulais pas
que ça devienne une contrainte
pour ma direction artistique. Je
préférais aller vers un aspect
plus brut, avec des accidents
qui permettent de sentir l’in-
tervention de l’animateur. En
tant que réalisateur, je préfère
la spontanéité du tracé à la
perfection, parce que quand
je raconte une histoire, c’est le
mouvement qui compte. Sur le
plan technique, comme j’avais
besoin de 3D, je me suis dit
que l’on pouvait faire un bout
de chemin avec elle et finir en
2D. Donc tous les personnages
ont été modélisés, et les décors
aussi, sommairement. On
passait à la 2D sur le logiciel
Blender, qui permet de dessiner
directement sur les volumes et
« d’accrocher » des dessins sur
les modélisations. C’est à dire
que quand il y avait des mou-
vements, on n’était pas obligé
de redessiner nécessairement
l’animation 3D, on pouvait
suivre globalement le mouve-

ment de la tête puis redessiner
quand cela ne marchait plus.
Bref, ce sont de vrais dessina-
teurs qui s’aidaient de la 3D. Ils
ont apporté ce côté humain au
film, ce qui donne des images
où il y a une alternance de
choses plus abstraites, plus
esquissées, et de précision pic-
turale quand on en a besoin. Le
dessin 2D a la capacité d’ampli-
fier certains détails en quelques
traits. Il peut suggérer des
choses avec le strict nécessaire
alors que la 3D dessine tout, y
compris ce qui est superflu.
Ce qui frappe dans J’ai perdu
mon corps, c’est la sensibilité
avec laquelle vous arrivez
à exprimer les émotions
non verbalisées de Naoufel
quand il tombe amoureux
de Gabrielle, et le ressenti
physique, tactile de la main.
Comment avez-vous conçu la
manière de visualiser ces non-
dits de Naoufel ? Et comment
avez-vous trouvé les images
des sensations de la main qui
vous permettent d’évoquer les
©
DR
©
DR
souvenirs d’enfance du héros ?
Tout passe par le son, et la
mise en scène du toucher. La
musique du film composée par
Dan Levy y est pour beaucoup,
car elle arrive à créer une circu-
lation entre les deux tempora-
lités du récit pour en faire une
seule et même continuité. La
main est toujours filmée de très
près, donc au ras du sol. Les
sons sont entendus de manière
exacerbée parce que ce monde
du sol, cet univers du toucher
de la main, est très différent.
En tant que spectateur, on
découvre ce qui lui arrive à
travers ses doigts et la caméra
reste très proche d’elle. Et
Naoufel a également un rapport
très intime au son, puisqu’il
enregistre ce qui l’entoure avec
un micro et un magnétophone
à cassette depuis qu’il est tout
petit. On suit deux façons diffé-
rentes d’appréhender le monde
qui sont finalement du même
ordre : sensoriel.
Vous parliez de Dan Levy,
et il y a une coïncidence
incroyable entre sa vie et le
récit du film. Dan enregistrait
tout lui aussi quand il était
enfant, et notamment tous les
sons qu’il pouvait produire
avec des objets, quand il
s’amusait dans la cave du res-
taurant de ses parents…
Oui, c’est fou. C’est un peu
bateau de dire cela, mais ce
film a provoqué de belles ren-
contres humaines, comme
celle avec Dan. Au départ, J’ai
Perdu Mon Corps a été fait avec
beaucoup de difficulté — peu de
gens voulaient participer à son
financement — juste avec un
producteur et un réalisateur qui
y croyait. Nous avons compté
uniquement sur nous-mêmes,
puis sur les autres personnes
qui nous ont rejoints après. Et
quand j’ai proposé ce projet à
Dan Levy, il m’a raconté cela,
qu’il faisait des enregistrements
quand il était petit. Et ça m’a
vraiment encouragé à m’impli-
quer à fond dans cette colla-
boration. Nous avons travaillé
longtemps ensemble, cela a
représenté un an de création et
une vraie rencontre artistique.
Après avoir passé tant d’an-
nées sur ce projet, comment
avez-vous vécu l’accueil qui
lui a été réservé au festival
d’Annecy, où il a reçu à la fois
le prix du public et le Cristal
du long métrage ?
Très bien, parce qu’on partage
cela avec toute l’équipe du film.
J’ai toujours été convaincu
qu’un film d’animation pouvait
investir des territoires adultes.
Le processus de fabrication d’un
long métrage est si long qu’on
pense parfois qu’on est allé au
bout de ses capacités, qu’on
a perdu le sens commun en
cours de route… C’est l’accueil
du public qui va dire si l’on s’est
égaré ou pas. Notre récom-
pense, c’est que J’ai Perdu Mon
Corps est bien plus universel
qu’on ne le croyait. Il touche les
gens à de nombreux niveaux
différents. Je n’avais jamais créé
un film qui provoque tant de
réactions après son visionnage.
Voir des spectateurs sortir de
la salle bouleversés, c’était une
expérience nouvelle et intense.
Le film va sortir au cinéma,
et puis plus tard, grâce à
83
son achat par Netflix, il va
être vu sur toute la planète…
et mettre l’animation pour
adultes à l’honneur…
Oui, avec Netflix, tout s’est pas-
sé très rapidement à Cannes.
C’était une offre que l’on ne
pouvait pas refuser et une
grande chance. Nous allons
pouvoir montrer le film à beau-
coup de gens et cela va per-
mettre d’ouvrir une porte à un
cinéma différent, d’éduquer des
personnes qui n’ont pas l’habi-
tude de voir de l’animation pour
adultes, et peut-être même de
créer un besoin, un désir d’en
voir d’autres du même registre.
Valse avec Bachir a été une
étape importante, et montrait
que l’on pouvait aussi investir
le quotidien, le fantastique sans
aller à outrance dans l’onirisme.
Voilà des choses qui sont plus
proches de nous et qui per-
mettent d’aller à la rencontre
des spectateurs adultes.
Quel sera votre prochain projet ?
Je ne sais pas parce que j’en
ai plusieurs en tête. Je ne
m’interdis pas de me lancer
dans la prise de vue réelle,
mais comme j’aime beaucoup
l’animation, je sais que je ne la
quitterai jamais définitivement.
Il faut que je laisse passer la
promo pour retrouver le temps
de travailler et d’écrire…
Donnez-nous la primeur d’une
des directions dans lesquelles
vous voudriez aller…
Eh bien j’aimerais faire un film
avec des extraterrestres. Mais
je n’en dirai pas plus.
Remerciements à Robert Schloc-
koff et à Alexandre Pinteau
 GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING CROSSOVER-MANIA TV
84

CROSSOVER
MANIA TV
LE TOP 10 DES CROSSOVERS LES PLUS REMARQUABLES DANS L’UNIVERS DES SÉRIES TV !

Textes par JOHN PRATE

S
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DR ©
DR
uite de notre Et oui, les crossovers entre
grande enquête une série et son spin-off (donc
sur les crosso- série dérivée) comptent, mais
vers les plus s’avèrent les plus intéressantes,
marquants de comme entre Buffy et Angel ou
tous les temps ! Stargate SG-1 et Atlantis.
Après le monde De manière générale, les séries
des comics (dans de genre sont friandes de cros-
notre numéro sover. Non seulement c’est un
précédent) c’est rêve pour les fans, mais aussi
au tour des un outil de promotion entre les
séries TV ! Seules les séries mains des producteurs et de

« geeks » (donc SF, fantastique,
animation, etc.), sont prises en
compte pour ce classement.
Donc si vous êtes triste que l’on
ne parle pas du crossover entre
Magnum et Arabesque (si, si, ça
existe !) ou celui entre toutes
les séries Les Experts, désolé !
la chaîne aux États-Unis, où le
crossover est vendu comme un
événement à ne pas manquer.
Mais pour les créateurs les plus
malins, cela permet de créer
un univers partagé plus riche,
comme avec l’Arrow-verse,
Stargate, Star Trek ou Buffy.
©
DR
#
10
BATMAN V LE FRELON VERT 
 Kong avec Big Boss (1971). Ainsi,
Suite au succès surprise de Bat-
man (1966-68) à la TV, le produc-
teur de la série, William Dozier,
décide de lancer en parallèle The
Green Hornet (1966-67). Adapté
d’une série radiophonique des
années 30, Britt Reid est un riche
magnat de la presse qui, avec son
chauffeur Kato, expert en kung-fu
(joué par Bruce Lee !) combat
le crime sous le nom du Frelon
Vert. Une série très sympathique,
qui, même si elle n’a duré qu’une
seule saison, a fait de Bruce Lee
une star, qui démarrera par la
suite une carrière cinéma à Hong
c’est dans un épisode double de
Batman, A Piece Of The Action
puis Batman’s Satisfaction
(S02E51-52), que les deux duos
de super-héros s’affrontent.
Batman accuse Le Frelon Vert
d’être un criminel, Kato et
Robin s’affrontent en combat
singulier dans un dojo, la Bat-
mobile fait la course contre
The Black Beauty (la voiture du
Frelon Vert), mais à la fin, tout
s’arrange et ils font équipe pour
mettre fin aux méfaits du Colo-
nel Gumm. Un grand moment
geek des 60’s !

#
THE DEFENDERS
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NETFLIX
Suite à l’alliance de Marvel
Studios et Netflix on a eu droit
à l’excellent Daredevil (2015-18,
3 saisons), les très bons Jessica
Jones (2015-19, 3 saisons) et
Punisher (2017-19, 2 saisons), le
plutôt sympa Luke Cage (2016)
et enfin le pas terrible Iron Fist
(2017). Pour Marvel, après le
succès colossal du crossover de
leurs franchises cinéma dans
Avengers (2012), il semblait tout
naturel de faire de même avec
leurs séries sur Netflix. Ainsi
est né The Defenders (2017),
mini-série en 8 épisodes, qui
réunit tous les personnages du
Netflix-verse (à l’exception du
Punisher) qui devront protéger
New-York de la société secrète
La Main. Une idée très ambi-
tieuse, qui malheureusement
est loin d’être à la hauteur de
l’attente de fans : c’est mou,
un peu chiant même, avec une
intrigue peu compréhensible
et des enjeux quasi inexis-
tants. Bref un résultat très
moyen, mais dont on salue ici
la tentative. Dommage que
les créateurs ne puissent pas
retenter leur chance, vu que
l’alliance Marvel et Netflix a
été dissolue depuis.
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NETFLIX
#
X-FILES
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DR
Roi du mystère des années 90,
Chris Carter régnait en maître
sur la TV avec les X-Files : Aux
frontières du réel (1993-2002,
puis 2016-2018), mais le moins
qu’on puisse dire c’est que ses
autres séries et spin-offs n’ont
pas eu autant de chance. Annu-
lée au bout de 3 saisons, Millen-
nium (1996-1999) s’est termi-
née sur un cliffhanger. Chris
Carter décide alors d’offrir un
« épilogue » à sa série dans l’es-
poir d’offrir une conclusion aux
fans. Ce qui sera chose faite
lors de la saison 7 des X-Files,
dans l’épisode intitulé Millen-
nium (S07E04) où Mulder et
Frank Black s’allient le temps
d’un épisode se déroulant à
quelques semaines de la fin
du siècle. Sans être la fin tant
désirée par les fans, cela a servi
au moins d’adieu à une série
qui méritait bien mieux. Dans
le même ordre d’idée, la série
spin-off The Lone Gunmen
(2001), annulée au bout de 13
épisodes, aura elle aussi droit
à un crossover « épilogue »
dans l’épisode S09E15 des
X-Files intitulé Jump the shark.
Comme quoi, on peut tout faire
avec X-Files !
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DR
#
7
STAR TREK 

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DR
Avec toutes les séries Star Trek
se déroulant dans le même
univers, on aurait aimé des
crossovers qui aillent au-delà
du simple caméo. Certes, Kirk
a rencontré Picard dans Géné-
rations (1994), Spock et Scotty
ont fait des caméos dans la
série Next Generation (1987-
94), mais rien de très grande
envergure ! Pourquoi ne pas
avoir fait un épisode ou un film
avec les cinq capitaines et leurs
équipages respectifs repous-
sant une menace hors-norme ?
Mais il y a bien un épisode qui
rattrape un peu tout ça : Trials
and Tribble-ations (S05E6) de
Deep Space Nine (1993-99), qui
marque le 30e anniversaire de la
franchise : l’équipage du Captain
Sisko remonte le temps et se
retrouve sur la base spatiale où
se déroule l’épisode The Trouble
with Tribbles de TOS (1966-69, la
série originale). Un magnifique
crossover avec recréation des
décors et des costumes de TOS
et l’insertion numérique des
acteurs de DS9 dans l’épisode
des années 60, avec même une
conversation entre Sisko et un
jeune Kirk ! Un crossover vrai-
ment unique dans le genre !
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85
#
6
THE SIMPSONS GUY
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Dans la grande guerre des séries
animées, les fans des Simpson
(1987+) ont toujours détesté la
série Family Guy (1999+, alias Les
Griffin), qu’ils perçoivent comme
un plagiat grossier de leur série
culte. Même South Park a mis
son grain de sel avec l’épisode
Cartoon Wars (S10E03 en 2005),
où ils se rangent du côté des
Simpson, expliquant que Family
Guy n’est qu’une série débile. Il
est vrai que les deux séries, pro-
duites par la FOX, ont beaucoup
en commun, étant toutes les
deux des sitcoms familiales dif-
fusées le même soir sur la même
chaîne. Mais en 2014, la Fox tente
d’enterrer la hache de guerre
avec l’épisode The Simpsons Guy
(S13E01 de Family Guy), où les
personnages des deux séries se
rencontrent. L’histoire suit le pro-
cès en plagiat qu’intente la Duff
à la Pawtucket Patriot (les deux
marques de bière respectives des
deux séries), pendant que Peter
et Homer se battent dans la rue
et que Stewie traîne avec Bart…
Un épisode amusant, mais qui
non seulement ne change rien
à l’opinion des fans, mais va
jusqu’à dire que les Simpson
sont tombés bien bas !
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GEEK MAGAZINE DUNGEON CRAWLING CROSSOVER-MANIA TV
86
#
5 ©
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BUFFY & ANGEL
Joss Whedon, comme on le sait
est un gros geek fan de comics.
Il avait donc annoncé, quand sa
série Buffy contre les vampires
(1997-2003) a donné nais-
sance au spin-off Angel (1999-
2004), que « les deux séries se
déroulent dans le même univers,
et comme dans les comics, on
va faire autant de crossovers
que possible ». Malgré les réti-
cences de The WB (ancêtre de
la CW), il a tenu promesse : avec
les personnages passant d’une
série à l’autre et des intrigues
commençant dans une série
et finissant dans l’autre, ce
qui était très rare à l’époque
(un cauchemar pour les fans
français vu que les deux séries
étaient sur des chaînes concur-
rentes !). Mais le crossover qui
sort du lot c’est I Will Remember
You (S01E08 d’Angel), où le
temps d’un épisode, Angel rede-
vient humain et passe une jour-
née parfaite avec Buffy. Mais
Angel doit renoncer au bonheur
car n’ayant plus ses pouvoirs,
il ne peut plus sauver le monde
et doit donc remonter le temps
pour annuler cette journée. Tou-
chant et puissant.
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STARGATE
Face au succès de Stargate
SG-1 (1997-2007), la MGM lance
le spin-off Stargate Atlantis
(2004-2009), qui se déroule
dans la cité des Anciens dans
une autre galaxie. Au début,
SGA était pensée comme une
série venant remplacer SG-1, qui
devait se conclure à la fin de sa
saison sept. Mais, à la surprise
de la MGM, la chaîne insista
pour renouveler SG-1 pour trois
saisons supplémentaires, ce
qui fait que les deux séries ont
coexisté pendant trois saisons.
Tout comme avec Buffy et Angel,
les scénaristes s’en sont donné
à cœur joie en mettant en place
des crossovers, des caméos, des
team-up, des références dans
les dialogues à des événements
importants, allant même jusqu’à
nommer le personnage de Sam
Carter de SG-1 à la tête du projet
Atlantis pendant la saison 4.
Un bon exemple, c’est l’épisode
The Pegasus Project (S10E03 de
SG-1), où Daniel et Vala visitent
Atlantis pendant que McKay
apporte son expertise à SG-1
dans la guerre contre les Oris.
Un fan service simple et efficace,
qui fait toujours plaisir.
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DOCTOR WHO
En 2005, Russell T. Davies
a eu la lourde tâche de non
seulement créer le reboot des
aventures de Doctor Who, mais,
suite au succès énorme de la
série, de lancer également deux
spin-offs : Torchwood (centré
sur le Captain Jack) en 2006,
puis The Sarah Jane Adventures
(une série pour enfant, centrée
sur Sarah, une ex-compagne du
Doctor dans les 70’s) en 2007.
Il faudra attendre juin 2008 sur
la BBC pour que les trois séries
se croisent le temps d’un double
épisode de Doctor Who : La Terre
volée suivi par La fin du voyage.
Un événement qui marque
non seulement la fin de la sai-
son 4 de Doctor Who, mais aussi
le départ de Russell T. Davies
(showrunner), de David Ten-
nant (donc le dixième Doctor)
ainsi que tous les personnages
secondaires de cette période
du Doctor (en effet, la saison 5
avec Matt Smith est quasiment
un mini-reboot). C’est donc un
grand moment d’émotion, où
on dit adieu à l’un des meilleurs
Doctor ainsi qu’aux personnages
du « Davies-verse » comme
Rose, Donna, Mickey, Jack, etc…
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#
2 ©
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SCOOBYNATURAL
L’un des crossovers les plus
dingues et réussis de ces der-
nières années est certainement
l’épisode de la série Super-
natural intitulé Scoobynatural
(S13E16), diffusé en mars 2018
sur la CW aux États-Unis. Oui,
vous avez deviné, les frères
Winchester, ainsi que Castiel,
font équipe avec la Mystery
Inc, le groupe de détectives
composé de Fred, Daphné,
Véra, Sammy et Scooby-Doo !
L’épisode commence normale-
ment avec Dean et Sam aidant
le propriétaire d’une boutique
qui, pour les remercier, leur offre
une TV, sans savoir que cette
dernière est envoutée. Peu de
temps après, les Winchester se
retrouvent absorbés par la TV et
débarquent dans le dessin ani-
mé de Scooby-Doo, qui se trouve
être la série culte de Dean. Les
deux équipes s’allient, avec
Dean qui fait la cour à Daphné,
pendant que Sam ne laisse pas
Véra indifférente ! Bien sûr, le
tout est la faute d’un promoteur
immobilier… Un épisode formi-
dable avec plus de 30 minutes
d’animation, réalisé par le studio
Warner Animation. Un bijou !
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DR

#
1 ©
L’A R ROW-VERSE
Quelle que soit votre opinion
sur le « Arrow-verse » (un sujet
polarisant parmi les geeks s’il
en est !), ce qui force le respect
c’est la taille de l’univers partagé
des séries DC Comics diffusées
par la CW. La base de l’univers,
ou plutôt du multivers (car il y
a des dimensions parallèles),
sont les séries Arrow (2012-
2020), Flash (2014+), Supergirl
(2015+), Legends of tomorrow
(2016+) et Batwoman (2019+),
à quoi on rajoute rétroactive-
ment Constantin (2014-2015) et
Black Lightning (2018+), sans
oublier les web-séries animées
Vixen (2015-2016), Freedom
Fighters: The Ray (2017-2018)
et Constantine: City of Demons
(2018). À noter qu’à l’exception
de Supergirl qui se déroule sur
la Terre-38 et The Ray sur la
DR
Terre-X, toutes les autres séries
se déroulent sur la Terre-1.
Par contre, les séries du site
de streaming « DC Universe »
comme Titans (2018+), Doom
Patrol (2019+), Swamp Thing
(2019), Harley Quinn (2019+)
ou Stargirl (2020) ne font pas
partie de l’Arrow-verse et sont
un univers partagé à part (mais
ça peut changer, cela dit, car les
deux « univers » appartiennent
à Warner Bros). Et enfin,
Gotham (2014-19) est à part,
toute seule sur la chaîne Fox.
Mais le côté extraordinaire de
l’univers partagé de l’Arrow-
verse ce sont bien les crosso-
vers. Tout a commencé avec
de petits crossovers reprenant
les personnages principaux
comme : Flash vs Arrow (2014),
Worlds Finest (2016) où Flash
rencontre Supergirl, ou encore
Duet (2016). Mais les choses
sérieuses ont commencé quand
ils ont fait se rencontrer plu-
sieurs séries dans des événe-
ments pouvant durer plusieurs
épisodes comme : Heroes Join
Forces (2015), premier grand
crossover avec une dizaine de
super-héros issus d’Arrow et de
Flash : Invasion! (2016), où des
aliens attaquent la Terre, cros-
sover des quatre principales
séries, avec 17 super-héros ;
Crisis on Earth-X (2017), où la
Terre-1 est attaquée par des
nazis venant de la Terre-X (cinq
séries, avec 22 super-héros!) ;
Elseworlds (2018), où le Monitor
inverse les pouvoirs de Flash et
d’Arrow (trois séries, mais près
de 30 héros, plus la première
apparition de Batwoman !). Le
87
prochain grand événement
sera Crisis on Infinite Earths,
qui aura lieu en décembre 2019
et janvier 2020, qui, comme
son illustre aîné en comics,
raconte la crise du multivers
et la fusion des différentes
réalités… En plus de toutes
les séries de l’Arrow-verse,
les personnages et acteurs de
Smallville (dans une version dix
ans après le final de la série),
de la série Flash de 1990, ainsi
que plein d’autres surprises,
sont invités à la fête ! On aura
droit à plusieurs versions des
personnages de Superman, de
Flash et de Batman, avec leurs
interprètes respectifs ! Un évé-
nement d’une taille incroyable,
croisant au moins neuf séries
(peut-être plus !), qui sera pour
longtemps le record à battre !
GEEK MAGAZINE GEEKOLOGIE
88

GEEKOLOGIE
La geekitude est un phénomène en perpétuelle mutation. Pour
comprendre ses spécificités, le replacer dans son écologie et porter
un regard neuf sur ses évolutions du moment, nous avons interrogé
son passé autant que son avenir... Âmes sensibles s’abstenir.

©
NETFLIX
98
 89

Palette de blocs de la carte ( 16 pixels × 16 pixels )

2018 SQUARE ENIX CO., LTD. All Rights Reserved.

Palette de couleurs

90
KAZUKO SHIBUYA
La maman de Final Fantasy
©

FINAL FANTASY III: Ville [ Amur ]

34 blocs × 33 blocs

146 147

FF Pixel Montage.indb 146-147 07/03/2019 22:50:33

92
L’ULTIME FRONTIÈRE
Ce que les films sur l’espace racontent de nous
©
DR

98
GAME OF SVOD
La guerre pour le conso-mateur
©
DISNEY+

102
TOURISME GEEK
©
DR
Londres
©
2018 SQUARE ENIX CO., LTD. ALL RIGHTS RESERVED.

LA MAMAN DE FINAL FANTASY

KAZUKO SHIBUYA
Son nom ne vous évoque sans doute pas grand-chose. D’autant que sa
stature et sa prestance naturelle pourrait la faire passer pour une négociante
en art ou un chef d’entreprise. Pourtant son travail est bien connu de la
grande majorité des gamers, puisque c’est à elle que l’on doit le foisonnant
univers graphique de la saga Final Fantasy.

Te x te s d e M A RILYS VA L L E T
 91

u plus exacte- Même lorsque mon travail était

ment leur genèse, fini je restai avec les autres car
O lorsque les
consoles dispo-
j’aidais au debug jusqu’à la fin où
nous regardions traditionnelle-
saient de peu de ment tous ensemble le générique
couleurs et ne pouvaient afficher de fin du jeu dans sa version
que des animations simples, à finale. Mais après la Playstation,
base de ‘gros’ pixels. Kazuko Shi- les équipes ont grandi, et la spé-
buya a fait ses premières armes cialisation a gagné du terrain,
en 1986 chez un tout petit édi- faisant qu’une fois mon travail
teur japonais – Square – où elle terminé il passait dans les mains
a créé la plupart des graphismes d’une autre division. Lorsque nous
des premiers FF (Square est étions peu nombreux, la société
devenu Squaresoft en 1989, puis était aussi plus petite, donc nos
Square Enix en 2003). Loin des postes de travail étaient les uns à
Amano, Sakaguchi et Nomura, côté des autres et je me souviens
dont les noms résonnent chez aussi que l’on se bagarrait beau-
Kazuko Shibuya
tous les fans de la saga, Mme coup à propos des allocations de
Shibuya met pourtant son talent
©
2018 SQUARE ENIX CO., LTD. ALL RIGHTS RESERVED. mémoire, ou encore de certains
au service de Square Enix – dans bugs. Mais je chéris ces souvenirs.
l’ombre – depuis plus de 30 ans.
Nous avons essayé d’en savoir Aujourd’hui, en quoi consiste
un peu plus sur cette grande votre travail ?
dame plutôt discrète... C’est un secret !

GEEK MAGAZINE : Artiste dans Il y a peu vous avez été invitée

l’âme, comment en êtes-vous en France pour parler de votre
arrivée à travailler dans le sec- travail mais aussi pour recevoir
teur du jeu vidéo ? une récompense pour l’ensemble
MME SHIBUYA : Il y a 34 ans de votre carrière*… vous consi-
c’était très difficile de vivre du dérez-vous comme un modèle à
dessin. Il n’y avait pas d’infor- suivre pour les jeunes femmes qui
FINAL FANTASY VII : Sprites de personnages
FINAL FANTASY [ Cloud
Ver. 2018 VII : Sprites
/ Tifa
de/ Aerith
personnages
/ Barret /Ver.
Red XIII[]Cloud / Tifa / Aerith / Barret / Red XIII ]
2018 FINAL FANTASY VII : Sprites de personnages
FINAL FANTASY [ Cait
Ver. 2018 VII : Sprites
Sith / de
Yuffie
personnages
/ Vincent / Cid
Ver. /2018 [ Cait Sith
Séphiroth / Rufus
/ Yuffie
Shinra ]
/ Vincent / Cid / Séphiroth / Rufus Shinra ]
FINAL FANTASY
FINAL FANTASY VII : Sprites de personnages [ Cloud
Ver. 2018 VII : Sprites de/ Aerith
/ Tifa personnages
/ Barret /Ver.
Red XIII[]Cloud / Tifa / Aerith / Barret / Red XIII ]
2018 FINAL FANTASY
FINAL FANTASY VII : Sprites de personnages [ Cait
Ver. 2018 VII : Sprites
Sith / de personnages
Yuffie / Vincent / Cid
Ver. /2018 [ Cait Sith
Séphiroth / Yuffie
/ Rufus ]
/ Vincent
Shinra / Cid / Séphiroth / Rufus Shinra ]

mations à ce sujet, donc je me 244

« La première fois que j’ai vu un dessin
244 245
démarrent dans le jeu vidéo ?
245

disais qu’en devenant anima- Je l’ai incroyablement ressenti !

244 244 245 245

en pixels, j’ai été surprise » - Kazuko Shibuya

FF Pixel Montage.indb 244-245 FF Pixel Montage.indb 244-245 07/03/2019 22:52:16 07/03/2019 22:52:16

trice je serais employée dans Je n’ai jusqu’à présent pas sou-

FF Pixel Montage.indb 244-245 FF Pixel Montage.indb 244-245 07/03/2019 22:52:16 07/03/2019 22:52:16

un studio, et j’ai visé ce travail vent eu l’occasion de voyager à

en entrant dans une école spé- l’étranger pour ce genre d’évè-
cialisée, mais au bout de deux Passionnée de dessin depuis je pense que c’était aussi un nement, donc je n’avais pas
ans je me suis rendu compte toute petite, ça n’a pas été trop des socles qui m’ont permis de vraiment réfléchi à la manière
que cela ne correspondait pas difficile de devoir vous adapter me construire que d’avoir eu la dont mon travail pouvait être
à ce que je souhaitais. Alors aux pixels et à leurs contraintes ? chance de pouvoir expérimenter perçu dans le monde. J’ai appris
que j’allais être diplômée et La première fois que j’ai vu un toutes ces tâches si différentes l’existence de sociétés comme
commençant à réfléchir à mon dessin en pixels, j’ai été sur- les unes des autres. Women In Games en venant à
avenir professionnel, un ensei- prise, mais je me suis dit que Paris, et avant cela j’ignorais
gnant m’a dit qu’une personne c’était mon travail désormais et Comme vous l’évoquiez lors d’in- l’existence de ce genre d’environ-
d’une société de jeu vidéo était que je devais m’en acquitter du terviews récentes, vous connais- nements pour les femmes travail-
venue dans l’école pour faire un mieux possible, donc je n’ai pas sez Sakaguchi Nomura, Uematsu lant dans le jeu vidéo. Ma carrière
recrutement, et m’a conseillé vraiment trouvé cela difficile. et Amano depuis des années. Pour de designeuse va continuer à se
d’aller passer un entretien chez vous qui les connaissez depuis poursuivre, et j’espère pouvoir
cette compagnie, SQUARE. À Vous avez travaillé 20 ans sur leurs débuts, sentiez-vous déjà à continuer à courir en première
l’époque, SQUARE était une les sprites de Final Fantasy – de l’époque que – comme vous – ils ligne pour être digne des jeunes
petite société d’édition de logi- 1990 à 2010 – c’est bien ça ? allaient laisser leurs noms dans femmes qui m’ont fait l’honneur
ciels sur ordinateur, mais sou- C’est une part non négligeable de l’histoire du jeu vidéo ? de me prendre pour modèle.
haitaient embaucher quelqu’un votre vie professionnelle. Com- Je ne l’imaginais pas un seul
capable de faire de l’animation ment on rebondit après avoir tra- instant, mais je me dis que
car ils avaient l’ambition de vaillé 20 ans sur la même saga ? c’était un destin qui était déjà
développer des jeux pour Non, ce n’était pas difficile. Au scellé il y a 34 ans.
la Famicom de Nintendo, et contraire, c’était très excitant et
étaient pour cela venus démar- stimulant de pouvoir faire des Trouvez-vous que les conditions
cher dans mon école. J’ai immé- choses que je n’avais jamais de travail ont beaucoup changé
diatement pris contact avec eux faites jusqu’à présent. La modé- par rapport aux tout débuts de
et suis allée passer un entretien, lisation, les animations, les Square ? Une anecdote person-
et deux jours plus tard on m’a effets, les interfaces utilisateur, nelle à raconter ? Retrouvez une interview beau-
demandé si je pouvais venir la création de logo, on m’a laissé Jusqu’à l’époque de la Super coup plus complète de Kazuhiko
travailler la semaine prochaine. faire tout ce qui avait trait au Famicom, les équipes étaient Shibuya dans “FF Pixels” aux
C’était en mars 1986. design, et en tant que designer proches les unes des autres. éditions Kurokawa.

* Mme Shibuya a été invitée en France en été 2019, par l’éditeur Kurokawa et l’association
Women in Games, pour recevoir un prix récompensant l’ensemble de sa carrière.
Ad Astra (2019)

©
DR

CE QUE LES FILMS SUR L’ESPACE RACONTENT DE NOUS

L’ULTIME FRONTIÈRE
J’achète mon billet, je rentre dans la salle et m’installe dans un fauteuil de
velours pour m’envoler vers des contrées lointaines. J’espère, dans des endroits
où l’on n’est encore jamais allé. Décollage dans 10…9…8…7…6…5…4…3…2…1…
Puis les lumières s’éteignent, et après quelques publicités parasites, l’écran
devient noir. À moi les étoiles, à moi l’espace…

Te x te p a r S Y LVAIN N AWR O C KI

L
es films sur la ou moins plausibles, ou encore anciens comme Apollo 13, ou allé fouler le sol lunaire. C’était
conquête de l’es- avec Gravity, qui s’inscrit quant L’étoffe des héros, qui sont deux déjà il y a 50 ans ! Attention, on
pace sont presque à lui dans une voie plus contem- petits bijoux (romancés, ce ne n’a pas délaissé l’espace pour
devenus un mar- poraine. Plus récemment, bien sont pas des documentaires…) autant, et on y a même fait pas
ronnier du cinéma. entendu, le documentaire La ou de façon bien plus fantaisiste, mal de choses. C’est surtout la
Et ces dernières Vingt-Cinquième Heure, sur mais toujours extrêmement médiatisation qui a énormément
années, on a été l’aventure de Thomas Pesquet, plaisants les délicieux Space diminué, parce que le grand
plutôt gâtés, que ou Ad Astra, de James Gray. On Cowboys, Les Naufragés de l’Es- public semble s’être lassé. On
ce soit avec First pourrait étendre la liste long- pace, ou encore Mission to Mars. peut d’ailleurs se demander
Man ou Les figures temps et de plein de manières, pourquoi, tant ce que l’on conti-
de l’ombre, qui selon le degré de science-fiction DE LA GUERRE FROIDE nue d’accomplir est spectacu-
revenaient sur le début de la que l’on accepte, mais pour ceux À LA GUERRE COMMERCIALE laire ! La station MIR, puis l’ISS
conquête spatiale, avec Seul qui veulent revenir sur le début D’un autre côté, on a vu la et toutes les expériences que
sur Mars, Interstellar, qui explo- de la conquête spatiale, jetez- course à l’espace franchement l’on a pu y mener ; les satellites ;
raient des futurs proches plus vous aussi sur des films plus ralentir depuis que l’humain est l’observation de corps célestes

dont il est presque impossible
d’appréhender la taille gigan-
tesque. Mais les choses pour-
raient bien changer. En effet, les
programmes ont depuis quelque
temps repris de leur vigueur,
notamment grâce à l’entrée
dans la course d’entreprises pri-
vées comme SpaceX, Blue Ori-
gin ou Virgin Galactic. L’Agence
Spatiale Européenne a réussi
à accomplir des prouesses
incroyables, comme en 2014,
lorsque la sonde Rosetta a
atteint la comète… 67P/Tchou-
rioumov-Guérassimenko, et que
l’atterrisseur Philae est parvenu
à se poser, après plus de dix ans
de voyage dans le vide de l’es-
pace, à environ 510 millions de
kilomètres de la Terre ! La Chine
a elle aussi posé un appareil
sur la Lune, au début de l’année
2019, et sur sa face cachée qui
plus est, grâce à l’utilisation d’un
satellite relais. Il est clair que la
compétition qui a cours est tout
aussi politique qu’avant, et qu’il
est important pour les nations et
groupes de nations de montrer
©
DR
qu’on a tous des fusées vraiment
très grosses ! Peut-être pas tout
à fait comme au début de la
conquête spatiale et le bras de
fer entre Russes et Américains,
mais pas loin. Les premiers à
marquer des points avaient été
les Russes avec Spoutnik, pre-
mier satellite artificiel, puis avec
la chienne Laïka en 1957, alors
que la NASA n’existait même
pas encore ! Le premier humain
dans l’espace sera russe, lui
aussi. En 1965, la Fance devient
la troisième puissance spatiale
mondiale, en envoyant dans
l’espace son premier satellite,
Astérix. Mais il aurait fallu bien
plus pour rattraper le retard sur
la Russie et les États-Unis, qui
avaient depuis longtemps pour
objectif, de décrocher la Lune.
Ce sera chose faite le 21 juillet
1969, avec les premiers pas de
Neil Armstrong et Buzz Aldrin
sur la Lune, lors de la mission
américaine Apollo 11, où les
accompagnait aussi Michael
Collins. C’était donc il y a 50 ans
tout rond, raison pour laquelle
©
DR
Apollo 11 (2019)
Il y a fort à parier qu’on n’ira pas sur Mars
avant d’avoir refait un certain nombre
d’expériences moins coûteuses et moins
risquées sur le sol de notre satellite naturel.
on a tant entendu parler des
missions Apollo en cette année
2019. Un documentaire intitulé
sobrement Apollo 11 a d’ailleurs
été visible en salles entre le 4
et 8 septembre uniquement,
et réalisé à partir d’images
d’archives. Espérons une sortie
prochaine en Blu-ray ! Flamma-
rion a aussi édité un livre Apollo,
écrit par Olivier de Goursac, qui
retrace toute l’Histoire des mis-
sions Apollo en présentant des
images d’archives exception-
nelles. Si la compétition entre
agences nationales et internatio-
nales est bien réelle, celle qui fait
rage en ce moment concerne
surtout, comme nous le disions
plus haut, des acteurs privés qui
se battent pour les vols com-
merciaux, qui devraient aboutir
d’une part au tourisme spatial,
et à l’exploitation de ressources
extraterrestres d’autre part.
PLANÈTE STARBUCKS ?
Pour ce qui est du tourisme spa-
tial, il semble que Virgin Galactic
ait pris une sacrée longueur
93
d’avance. Selon le Wall Street
Journal, la société de Richard
Branson sera bientôt cotée en
bourse. 800 millions de dollars
devraient y être investis par
Capital Social Hedosophia Hol-
ding, pour une participation à
hauteur de 49 %, ce qui devrait
suffire à financer Virgin Galactic
jusqu’à ce que des vaisseaux
soient opérationnels. De son
côté, Elon Musk s’est surtout
illustré par le développement
des fusées réutilisables, et son
plan de colonisation de Mars.
Ou plutôt ses plans, car il y a
encore beaucoup de scénarios
envisagés dont certains font
assez peur. En effet, Mars devrait
être terraformée pour devenir
habitable ; en d’autres termes, il
faut la rendre similaire à la Terre.
En l’état, Mars n’a qu’une atmos-
phère très ténue, et pas du tout
chargée en oxygène. Le fait que
la planète n’ait que peu d’atmos-
phère expose sa surface à des
rayonnements particulièrement
nocifs, et empêche la stabilisa-
tion de la température. Le plan
 GEEK MAGAZINE GEEKOLOGIE L’ULTIME FRONTIÈRE
94
Space Cowboys (2000)
L’humanité aime les défis. C’est sans doute
même notre raison d’être. D’autant que
l’immensité mystérieuse de cet espace
recèle peut-être la trace de nos origines, ou
de lointains cousins intelligents.
le plus « Terrifiant » de Musk,
serait donc de faire fondre le per-
mafrost situé principalement sur
les calottes polaires de la planète,
et ainsi libérer une grande quan-
tité de gaz à effet de serre. En
conséquence, une atmosphère
devrait se former, retenir la cha-
leur, et protéger la surface des
radiations. Seulement il y a deux
petits soucis : premièrement,
Elon Musk voudrait utiliser des
bombes nucléaires pour faire
fondre d’un coup toute cette
glace… et ensuite il ne semble
pas avoir été pris en compte une
autre absence importante : celle
d’une magnétosphère. En effet,
sans cette protection magné-
tique, générée sur Terre par
son noyau de métal en fusion,
l’atmosphère ne peut pas être
stabilisée. En revanche, qui dit
atmosphère ténue, dit vents vio-
lents, ce qui risquerait de dépla-
cer le nuage radioactif un peu
partout sur la planète (du moins,
sur de grandes étendues).
UNE SACRÉE MISE EN SCÈNE
Ce qui est intéressant avec la
conquête de l’espace dirigée
par un État, c’est que, coûtant
extrêmement cher, il faut que
le contribuable soit d’accord.
C’est un peu le problème qu’il y
a eu avec le programme spatial
américain. Les présidents vou-
lant être élus, ont cru bon de
limiter les fonds attribués au
©
DR
programme spatial, voyant que
les électeurs avaient d’autres
priorités. Mais les entreprises
privées aussi doivent commu-
niquer et intéresser le public,
d’où la stratégie complexe de
Musk avec le développement
de voitures électriques, de
panneaux photovoltaïques de
nouvelle génération, et autre
Hyperloop, qui permettent à la
marque « Musk » de rayonner,
et d’avoir une assise suffisante
pour proposer d’autres pro-
jets. Il en va de même avec les
coups de pub comme le fait
d’envoyer une de ses voitures
électriques en orbite…
Le fait est que Mars est une
©
DR
SpaceX prototype MK1
Gravity (2013)
destination d’intérêt pour tout
le monde depuis un moment
déjà. Ceux qui ont lu la trilogie
martienne de Kim Stanley
Robinson ne seront pas à
convaincre (on peut ajouter
aussi que la première sonde
mise en orbite autour de Mars
date de 1971, et que le premier
atterrissage sur Mars date de
1976, avec la sonde Viking-1).
Plus récemment, le projet Mars
One a été développé dans le but
d’installer une colonie humaine
sur Mars et de l’occuper à partir
de 2032. Mais pour financer une
telle opération, la société suisse
ayant acheté l’idée avait imaginé
un programme de télé-réalité,
©
DR
qui aurait suivi l’avancée de
l’expédition. La société n’avait
donné que peu de détails sur la
mise en place réelle du voyage,
et avait eu un certain écho
médiatique, mais n’a pas réussi
à convaincre. Le programme de
télé-réalité aurait dû commencer
à être diffusé en 2019, mais Mars
One Venture AG a été mise en
redressement le 5 février 2019,
puis en liquidation le 5 mars
2019. Néanmoins, il paraît assez
impensable qu’un tel programme
eut pu se faire sans le concours
d’une véritable médiatisation,
comme l’avait été finalement le
premier pas sur la Lune.
D’ailleurs, les agences se
tournent à nouveau vers la
Lune, et il y a fort à parier que
malgré certains effets d’an-
nonce, on n’ira pas sur Mars
avant d’avoir refait un certain
nombre d’expériences moins
coûteuses et moins risquées
sur le sol de notre satellite
naturel. Il est même envisagé
par l’ESA (European Spatial
Agency) d’installer un village
lunaire pour succéder à l’ISS
d’ici le début des années 2030,
si le projet se concrétise. Bref,
on n’y est pas encore, mais
pour ceux qui s’intéressent
vraiment au sujet, il y a plein de
chaînes sur YouTube qui vous
parleront d’espace, de ce qui
se fait actuellement, de l’His-
toire de la conquête spatiale,

Interstellar (2014)
ou d’astronomie. On peut citer
au moins les chaînes Stardust,
Astronogeek, ou Techniques
Spatiales, toutes trois passion-
nantes. Rendez-vous sur Geek
Tribes, avec l’article L’espace
sur YouTube pour retrouver
une série de liens qui devraient
satisfaire votre curiosité.
Et au delà de YouTube, un des
meilleurs moyens de se mettre
la tête dans les étoiles, c’est d’al-
ler au cinéma voir les films qui
abordent la question… ou alors
sur un bel et grand écran, avec
une bonne qualité de son, parce
que l’immersion dans ce genre de
films est quand même une des
premières sensations que l’on
cherche. Interstellar sur un smart-
phone, c’est quand même un peu
moins foufou qu’en Imax…
QUE NOUS RACONTENT TOUS
CES FILMS SUR L’ESPACE ?
« Bah… des trucs d’astronautes »
oui, mais pas que. En même
temps, ce qui fait généralement
l’intérêt d’une bonne histoire,
c’est justement qu’elle en raconte
plus que ce qu’elle semble pré-
senter au premier abord. Sauf
qu’il y a quelque chose de parti-
culier avec l’espace, qui semble
tout réunir pour que nous nous
posions des questions sur ce que
nous sommes.
En premier lieu, si la Terre
regorge d’environnements hos-
tiles, et d’adversaires naturels
redoutables – de la lave des
volcans aux plaines enneigées
les plus froides, en passant
par les déserts, les océans, les
forêts tropicales et leurs ani-
maux sauvages ou venimeux –,
l’immensité vertigineuse de l’es-
pace et l’impossibilité à ce que
l’on y survive plus de quelques
minutes dans le meilleur des
cas en fait le boss de fin de tous
les ennemis que l’on puisse ren-
contrer. Pire encore, il semble
qu’on ne puisse pas faire grand
chose contre lui, à moins de se
trouver une planète douillette,
ou prier pour que le vaisseau
dans lequel on se trouve n’ait ni
avarie, ni perforation… L’espace
Seul sur Mars (2015)
est vide, l’espace est grand,
l’espace est puissant, en ne
faisant rien d’autre qu’être.
Sauf que l’humanité aime les
défis. C’est sans doute même
notre raison d’être. D’autant
que l’immensité mystérieuse
de cet espace recèle peut-être
la trace de nos origines, ou de
lointains cousins intelligents,
qui se seraient développés
sur d’autres mondes. Comme
en plus l’herbe est toujours
plus verte ailleurs, certains
sont persuadés (contre le
consensus scientifique) que
l’on aurait plus de chances de
faire survivre l’humanité si l’on
arrivait à coloniser et terrafor-
©
DR
95
©
DR
mer une autre planète. Disons
Mars, au hasard, parce qu’elle
n’est pas loin et que dans une
certaine mesure, ça a l’air
vaguement jouable. Enfin, vu
la manière qu’on a de gérer la
Terre, est-il bien raisonnable en
l’état actuel des choses d’aller
mettre les pieds ailleurs ? Ou
de rencontrer une forme de vie
intelligente, alors que l’on n’est
pas capable de vivre correcte-
ment avec notre biosphère, ni
même avec d’autres gens, des
humains, qui ont seulement un
aspect ou des croyances un peu
différentes des nôtres ?
Cela dit, on pourrait aussi se
dire que des perspectives meil-
leures ne peuvent être atteintes
qu’en poursuivant des rêves, et
que l’on n’arrivera sans doute
pas à la perfection, mais qu’on
peut essayer de s’améliorer.
J’ai évoqué Gravity, Inters-
tellar, ou Seul sur Mars, mais
le fait est que ces films sont
loin d’avoir fait l’unanimité,
pour des raisons diverses. Un
manque de réalisme par ci, un
détachement vis à vis des per-
sonnages par là, ou une narra-
tion trop linéaire… On trouve
toujours une raison de ne pas
aimer un film, tout comme
certains préfèrent souvent
voir le verre à moitié plein,
quand il s’agit de sujets qu’ils
aiment. Le film dont il va être
question à présent – et qui a
 GEEK MAGAZINE GEEKOLOGIE L’ULTIME FRONTIÈRE
96
©
DR
Ad Astra (2019)
Comme un appel qui sonnerait
aussi fort qu’une corne de brume
en pleine mer de la part de James
Gray, nous invitant à sortir de notre
zone de confort, à repousser nos
limites, car la vérité est ailleurs.
motivé l’écriture de cet article –
n’est pas non plus sans défaut,
même s’il est à mon sens le plus
réussi et le plus prenant de ceux
qui sont sortis ces dernières
années. Notamment parce qu’il
parle de tout, sauf d’espace,
mais que sans l’espace, on ne
pourrait pas parler de ce tout. Il
s’agit, vous l’aurez sans doute
compris, d’Ad Astra de James
Gray sorti en France le 18 sep-
tembre dernier. Alors si vous ne
l’avez pas vu et que néanmoins
vous en êtes arrivé à cet endroit
de l’article, c’est que vous aurez
sans doute envie de le voir,
alors allez-y avant les spoilers
qui vont suivre, à moins que les
spoilers ne vous dérangent pas.
SPOILERS
Sans blague, vous ne direz
pas qu’on ne vous a pas pré-
venu, même si à mon sens un
bon film se voit plusieurs fois,
et que donc la notion de spoi-
ler est toute relative – et je
ne crois pas spoiler plus que
la bande annonce, mais au
moins, je préviens. D’ailleurs,
Ad Astra fait bien partie de
ces films à voir plusieurs fois !
Le film se situe dans un
futur pas tellement lointain.
Du moins, il se raccroche
parfaitement à notre présent,
et ne sort pas du système
solaire. On a colonisé la Lune
et Mars, mais ce ne sont pas
des colonies gigantesques.
On ne se sent pas totalement
perdus dans cet environne-
ment à taille humaine, même
s’il est parfaitement dépay-
sant. On y retrouve donc les
enjeux commerciaux dont on
a parlé plus tôt, avec « Virgin
Galactic » en compagnie de
transport interplanétaire,
mais aussi l’implantation de
grandes marques comme
« Starbucks » ou « DHL » sur
la Lune, et des enjeux d’image
et de réputation auprès du
public de la grande agence
spatiale « SpaceCom ». Brad
Pitt incarne Roy McBride,
un astronaute idéal, méti-
culeux, froid, « conscient de
son environnement » pour
le citer, mais de ce fait en
©
DR
Ad Astra (2019)
décalage avec les gens qui
l’entourent. On est catapulté
dans son quotidien où il fait
partie d’une équipe d’en-
tretien d’une gigantesque
antenne spatiale servant à
communiquer avec… plein de
trucs… mais symboliquement,
le contact est rompu, à peine
arrivé (serait-ce le thème du
film ?) C’est une très grosse
antenne, si grosse, si haute,
qu’elle flirte avec l’espace. On
perdra donc dès ce moment
ceux qui considèrent que les
lois de la physique devraient
s’appliquer de manière systé-
matique en termes de fiction,
puisqu’une antenne de cette
taille ne peut pas exister à
la verticale de la Terre. Si
vous faites partie de ceux qui
peuvent suspendre ce genre de
considérations pour des rai-
sons esthétiques ou narratives,
on peut continuer tranquilles,
parce qu’il y aura pas mal
d’autres coups de canif dans la
physique fondamentale, bien
que certaines critiques que
j’ai pu entendre me semblent
injustifiées, car n’entrant
jamais en contradiction avec le
propos essentiel du film.
Et c’est là qu’on entre dans
le vif du sujet. Je ne vais pas
dire que l’espace est filmé
comme un personnage à part
entière. Même lorsque c’est
justifié, je trouve ça bizarre
à énoncer de la sorte, et en
l’occurence, ce n’est pas vrai.
En revanche, on sent tout de
suite que Roy fait entièrement
corps avec l’espace, ce vide
infini. Car oui, il y a en Roy un
vide immense, celui du père
qu’il n’a connu que trop peu.
Et tout va graviter autour de
ça, à l’image de ce que l’on
avait pu voir auparavant dans
la filmographie de James
Gray, et en particulier dans
The Lost City Of Z, son film
précédent auquel celui-ci
semble tellement faire écho.
En effet, dans The Lost City Of
Z, on suivait le père, et cette
fois on suit le fils, et les deux
traitent d’exploration, d’in-
novation, de recherche d’un
ailleurs. Car la motivation

Ad Astra (2019)
d’un sacrifice aussi immense
que celui de ne pas voir gran-
dir sa propre progéniture
ne peut qu’être la volonté
de voir s’élever l’humanité
tout entière. C’est pour cette
raison qu’est parti le père
McBride (Tommy Lee Jones)
dans l’espoir de trouver une
autre vie intelligente à travers
le cosmos, en allant jusqu’aux
confins du système solaire, à
quelques encablures de Nep-
tune. La version officielle veut
que le projet LIMA ait fait nau-
frage, emportant tout l’équi-
page. Seulement après un
incident survenu sur l’antenne
où travaillait Roy, on découvre
que la mission n’a peut-être
pas tout à fait échoué.
On va donc suivre le voyage
intérieur de Roy qui tente de
se rapprocher de son père,
probablement encore en vie,
et dont il devra découvrir
la part d’ombre. Pour cela,
il devra suivre plusieurs
étapes, qui symboliseront à
chaque fois un jalon de sa
progression vers une accep-
©
DR
tation de ce qu’il est devenu,
et de ce qu’il pourrait être.
Il est fait un parallèle parti-
culièrement intéressant car
totalement vertigineux, entre
ce voyage intérieur, qui va
amener Roy de plus en plus
près des fondamentaux de
sa psyché, et le voyage qui
va le mener aux confins de la
galaxie. Comme un appel qui
sonnerait aussi fort qu’une
corne de brume en pleine
mer de la part de James Gray,
nous invitant à sortir de notre
zone de confort, à repousser
nos limites, car la vérité est
ailleurs. Et quand on est ail-
leurs, on arrive à se recentrer,
et à comprendre le message
qui était là, sous notre nez
depuis le début, sans trop
savoir ce que c’était, parce
que c’était trop près et
qu’on ne pouvait pas le voir.
Comme si l’humain était
intrinsèquement presbyte, et
qu’il était intimé par quelque
loi de l’Univers de s’éloigner
de tout pour comprendre où
il doit être. Ce voyage, on le
97
QUELQUES DÉTAILS TECHNIQUES
©
DR
Ad Astra (2019)
Comme je le disais dans l’article, certains éléments risquent
de choquer. Mais en l’occurence, il semble que James Gray ne
O soit pas tout à fait parvenu à faire le film qu’il voulait (je vous
invite à lire l’entretien passionnant qu’il a donné à Libération).
D’autre part j’ai entendu des critiques, particulièrement sur la
scène de combat sur la Lune, et pour avoir vu le film deux fois au moment
d’écrire cet article, j’ai eu largement le temps d’essayer de comprendre pour-
quoi on entend certaines explosions et pas d’autres (alors que nous sommes
sur la Lune, et donc sans atmosphère, et donc sans propagation possible du
son, en théorie). Il se trouve que la physique est globalement respectée en ce
qui concerne le son, et qu’en réalité, on n’entend que les explosions proches (il
me semble), qui peuvent avoir été transmises par contact direct de la matière.
Elle auraient peut-être dû être plus étouffées, mais en tout cas, il y a une certaine
logique, et les ajustements avec la physique sont vraiment mineurs dans cette
scène. Et au passage, les gens qui pourraient faire la fine bouche avec cette
séquence ou quelques autres ne se sont jamais plaints des étrangetés d’un Star
Wars. Alors pourquoi le faire dans un film comme celui-ci ? Parce que la frontière
avec la réalité n’est pas aussi franche ? Certes, il incombe au réalisateur de bien
poser les limites, mais comme je le disais à propos de l’antenne tout à l’heure, il
me semble qu’il y a suffisamment d’éléments dans ce film, dès le départ, pour
indiquer où l’on se trouve et ce qu’on doit y chercher. Et clairement, pas une
concordance sans faille avec les lois de la physique ! Les éléments symboliques
sont somme toute rares, mais primordiaux, et quand on regarde le film dans son
ensemble, aussi bien que dans quelques détails, on se rend compte qu’on a
affaire à un grand réalisateur. Je vous laisse réfléchir par exemple, à cette scène
tout à fait hors du réel où Roy est plongé dans un liquide presque amniotique, en
filant un cordon presque ombilical, vers une renaissance prochaine…
suit avec Roy, et c’était préci- nos amis, nos collègues. Et
sément le but de celui de son j’ai bien conscience que ça
père, tout comme c’était la peut paraître un peu moisi,
tâche de Percy Fawcett dans dit comme ça, mais le fait est
The Lost City Of Z. que pour un certain nombre
d’entre nous, cette place n’est
DONC, QUE NOUS RACONTENT pas si évidente que ça à trou-
LES FILMS SUR L’ESPACE ? ver. Et quelle meilleure com-
Non, pas que des trucs d’as- paraison que celle d’un petit
tronautes… Peut-être même caillou bleu perdu dans l’infini
pas grand chose sur les de l’univers à la recherche
astronautes, mais plutôt sur d’autres petits cailloux bleus
nous, sur notre place dans semblables, pour parler de ce
l’univers. Et l’univers, parfois, que nous essayons de voir en
ce n’est pas si grand. L’univers, l’autre et que nous peinons à
c’est notre famille, ce sont trouver en nous-même ?
Disenchantment (Netflix)

LA GUERRE POUR LE CONSO-MATEUR

GAME OF SVOD
Il y a encore 10 ans, c’était une niche à peine embryonnaire, un Service
par Abonnement Non Identifié pour les technophiles. Il y a cinq ans,
©
NETFLIX

c’était un marché quasi uniquement américain, avec déjà à sa tête ce

N rouge et ce TOU DOUM devenu iconique. Aujourd’hui, le secteur de la
SVoD (Subscribed Video on Demand), venu révolutionner l’industrie du
cinéma et du divertissement est déjà à maturité. Tous les majors veulent
leur part de ce marché pesant près de 20 milliards de dollars à travers le
monde. Selon Françoise Benhamou, professeure d’université spécialiste
d’économie de la culture et des médias : « C’est à la fois une industrie en
plein développement, il y a une demande très forte de consommation, et en
pleine rupture aussi puisque cette demande implique un bouleversement
des modèles d’affaires. C’est une expansion mais aussi une transformation ».

Te x te s p ar NATH AN DARMON

C
ette multiplication des à voir et revoir les mêmes titres. le prix. La question n’est pas Sur ces trois éléments, les deux
services contribue Mais avant tout, il est important seulement la comparaison des premiers vont faire la décision, et
à la diversification de savoir quoi attendre d’un tarifs mais aussi la relation entre le troisième la fidélisation. »
des programmes service SVoD. la perception du catalogue et le À l’heure où l’engagement
mais entraîne aussi tarif. Il faut que le consommateur contractuel n’a plus la cote, le
un surcoût pour le SVOD, MODE D’EMPLOI s’y retrouve. Enfin, le troisième consommateur n’a pas peur
consommateur. Pas Pour Françoise Benhamou, un élément, moins visible mais tout à d’aller voir ailleurs. « Le com-
question pour lui de se service de SVoD repose sur fait essentiel, c’est la recomman- portement du consommateur
laisser berner par un choix quasi trois piliers : « Le premier qui dation et sa qualité, la manière est très erratique, on va vers ce
illimité de programmes alors me semble le principal, c’est le dont le consommateur va pouvoir qui vous parle plus. La logique
qu’il n’y a jamais rien à regarder. catalogue, son importance en comprendre l’offre, sa diversité et de la SVoD, c’est le robinet,
Il préfèrera s’en tenir à ce qu’il nombre de titres, et la variété de ce qu’on va lui proposer à partir c’est trouver de manière conti-
est sûr de voir et d’aimer, quitte ses formats. Le deuxième, c’est de ce qu’il a déjà consommé. nue quelque chose de nouveau

Disney+
à chaque fois que l’on va sur
le service et qui correspond à
quelque chose que vous avez
envie de consommer. Si vous
trouvez ça, vous êtes fidèle. »
Sur cette base, une multi-
tude de services s’offrent au
téléspectateur. Mais lequel va
nous assurer de répondre à
cette question qu’on se pose
tous, tous les soirs : Qu’est-ce
qu’on regarde ?!
NETFLIX, COLOSSE
AUX PIEDS D’ARGILE
C’est le numéro 1, la référence
quand on parle de SVoD. Net-
flix c’est Vidéo-Futur qui a su
évoluer avec son temps et se
développer. Cela dit, malgré
130 millions d’abonnés et un
chiffre d’affaires à hauteur
de 16 milliards, Netflix et son
PDG Reed Hastings doivent
aujourd’hui faire des choix.
Leur stratégie jusqu’alors de
monter une série ou un film par
les algorithmes ne convainc
plus. Ce n’est pas parce qu’on
aime Harry Potter, Transformers
et Mamma Mia ! qu’on a envie
de voir un film où Emma Watson
fait équipe avec un robot dans
une comédie musicale. Les
licences sur lesquelles Netflix
capitalisait arrivent toutes à
terme (La Casa de Papel, Stran-
ger Things, Orange is The New
Black, House of Cards etc.), les
autres n’ont pas un potentiel
assez fort pour frapper autant
les spectateurs.
Couplé à ça, les majors d’Holly-
wood commencent à monter
leurs propres petits Netflix cha-
cun de leur côté, ce qui entraîne
le retrait de leurs productions
chez Hastings, et donc petit
à petit son échec. Pour notre
professeure d’économie de la
The Mandalorian (Disney+)
Ce n’est pas parce qu’on aime Harry Potter,
Transformers et Mamma Mia ! qu’on a envie de
voir un film où Emma Watson fait équipe avec un
robot dans une comédie musicale.
culture, « on peut arriver à une
situation de silo, où l’on va avoir
des plateformes détentrices
de droits, et des droits que les
autres plateformes n’ont pas.
Est-ce que les consommateurs
vont suivre, vont ils s’abonner
à deux plateformes ou vont-ils
rester dans leur silo ?»
Si Netflix ne veut pas
connaître une chute fatale, les
solutions sont réduites : en
proposant moins de contenus
des autres, Netflix doit baisser
ses prix, ou s’allier à des parte-
naires. Sans cela, alors qu’elle
est actuellement surpuissante,
Netflix risquerait le désaveu
de ses fans, et perdrait gros
au point de risquer l’OPA par
une major qui n’attend que ça,
surtout depuis l’avènement de
Disney sur le marché.
DISNEY+ ET HULU,
LE RETOUR DU JEDI
À son lancement, Hulu fait très
vite pâle figure face à Netflix.
En 2010 l’espoir renaît avec
son introduction en Bourse.
Rachetée, divisée en plusieurs
parts (30 % partent chez
Disney, 30 chez Fox, 30 chez
Comcast et 10 chez Warner),
Hulu devient le bac à sable des
studios, leur permettant d’ex-
périmenter le fonctionnement
99
©
DR
d’un service de streaming.
Mais en 2017, fini de jouer.
Bob Iger, PDG de Disney,
annonce le rachat de Fox et
devient actionnaire majoritaire
du service. Hulu doit alors deve-
nir une marque forte et recon-
nue, capable de concurrencer le
mastodonte Netflix. Les autres
majors, refusant de faciliter
le travail de la concurrence,
quittent peu à peu le navire.
Iger met alors en place une
nouvelle stratégie. Avec deux
catalogues réunissant à eux
seuls des milliers de titres, la
compagnie aux grandes oreilles
frappe un grand coup en 2019,
en annonçant un second ser-
vice de SVoD, Disney+. Son
cœur de cible : les familles et les
fans. Au programme : tous les
titres Disney, Marvel, Star Wars,
Pixar et Fox qui pourront plaire
à toute la famille, pour 70 $ par
an. Cerise sur le gâteau : tout ce
qui ne rentre pas dans la ligne
éditoriale de Disney+ pourra
se retrouver sur Hulu. Les deux
services seront même proposés
ensemble, avec le service des
sports ESPN+ aux USA pour un
prix négocié à 13 $ par mois. Un
tarif égal à celui de Netflix mais
plus attrayant par les licences
iconiques proposées.
Pour Hastings, « ce n’est
 GEEK MAGAZINE GEEKOLOGIE GAME OF SVOD
100
Le Morning Show (Apple TV+)
pas un problème ». Après avoir
salué l’arrivée et la refonte de
ces concurrents, les respon-
sables de Netflix ont déclaré
ne pas craindre d’impact sur
leur croissance. Le service
n’étant pas encore lancé, c’est
le calme avant la tempête mais
la concurrence est autant à
craindre du côté d’Hollywood
que de la Silicon Valley.
APPLE TV+, VOTRE TV
EST COMPATIBLE ?
Apple est elle aussi entrée dans
la danse en mars dernier en pré-
sentant son futur service, Apple
TV+. La firme de Cupertino a su
préparer le terrain en rendant
son service accessible sur toute
nouvelle tv connectée ou sur les
boîtiers TV de ses concurrents.
La firme n’a également pas
caché la dimension premium
qu’elle veut donner à son ser-
vice. Un parterre de stars a défilé
pour la première fois au sein
d’une entreprise informatique.
Steven Spielberg, Oprah Winfrey,
J.J. Abrams, Jennifer Aniston,
Steve Carrell, et beaucoup
d’autres sont ainsi montés sur la
scène de l’Apple Park pour pré-
senter leurs projets respectifs.
Si le service a longtemps laissé
des questions sans réponses, Tim
Cook a su mettre fin aux interro-
gations lors de sa traditionnelle
keynote de rentrée. Annoncé à
5 $/mois et même gratuit pen-
dant un an pour tout nouvel achat
d’un produit pommé, le service
est actuellement le moins cher
de tous mais ne semble pas
avoir d’autre contenu que ses
productions originales. À son
©
DR
lancement le 1er novembre,
le service devra faire ses
preuves, tant sur le plan tech-
nique que qualitatif, pour ne
pas convaincre que les adora-
teurs de la marque. Une autre
GAFA s’y est déjà essayée et
son rodage est encore com-
pliqué.
AMAZON PRIME VIDEO,
LE GADGET OFFERT
Pour Amazon, la SVoD est
secondaire. Si elle ne s’em-
pêche pas d’investir dans son
service, elle ne compte pas
dessus pour rapporter des
consommateurs ou élargir son
parc de clients. Amazon Prime
Video est un cadeau bonus aux
utilisateurs qui ont souscrit au
service Prime pour se faire livrer
plus vite ou moins cher.
Néanmoins, pas question de
laisser tranquilles les principaux
acteurs du marché. Amazon
Prime Video était jusqu’à
présent une force tranquille
et endormie, mais Jeff Bezos,
patron de l’énorme société, a
décidé de réveiller la bête.
Dès 2016, les séries originales
ont commencé à affluer. L’ob-
jectif : fournir peu de contenu
mais assurer une qualité supé-
rieure. Amazon Prime Video sort
peu de saisons par an, mais ses
séries raflent les récompenses
américaines. American Gods,
The Man in the High Castle, The
Marvelous Mrs Maisel sont de
véritables phénomènes. Plus
fort encore, en 2019 a commen-
cé la production tirée du Sei-
gneur des Anneaux au budget
monumental d’un milliard de
The Boys (Amazon Prime)
dollars. Un futur hit quasi assu-
ré alors que rien n’a été montré.
Pour autant, il ne faut pas
confondre vitesse et précipi-
tation. Le hic d’Amazon Prime
Video se retrouve dans la lisibilité
de son offre et sa praticité. Mal-
gré un prix attractif (moins de
50 €/an en France), beaucoup
d’abonnés Prime ne savent pas
qu’ils y ont accès. Les autres le
délaissent suite à une applica-
tion trop en retard par rapport
à ses concurrentes et un sous-
traitement de l’offre (titres du
catalogue sans la langue ou les
sous-titres du pays hôte, désyn-
chronisation des pistes, doublage
amateur par Alexa, l’assistant
vocal d’Amazon). Additionné à
un catalogue mal mis en valeur,
trop peu fourni et la présence de
pubs, même les plus intrépides
sont rebutés. Espérons qu’avec le
réveil provoqué par Bezos, ce hic
ne soit bientôt plus qu’un mau-
vais souvenir.
FRANCE : SALTO,
MOLOTOV, ET CIE
Avec un marché de la SVoD
principalement américain, la
France a voulu ajouter son grain
de sel. Le 13 mai dernier a été
annoncée la mise à disposition
d’un fonds d’investissement
de 225 millions d’euros afin de
contribuer au développement
du secteur culturel européen
et à la création d’une offre de
SVoD européenne. Une initiative
approuvée par Françoise Ben-
hamou : « Étant donné l’impor-
tance et la force de la concur-
rence, on atteindrait une masse
critique plus importante avec
une plateforme européenne qui
permettrait de mieux résister. »
Pourtant, en France, la télé-
vision linéaire refuse de laisser
son trône, malgré l’arrivée des
prétendants. Molotov en 2016
a voulu donner un coup de
fouet novateur. Forgé par des
géants du paysage médiatique
français, le service se veut OTT
« Over the Top », c’est à dire
disponible à partir du moment
où l’on a une connexion internet
et un appareil. La télévision
pour tous, quand on veut, où
l’on veut, comme on veut.
Avec un premier modèle
gratuit et avantageux, Molo-
tov s’est vite installé dans
les foyers français, mais son
modèle économique n’était
pas fait pour un tel succès. La
demande croissante des clients
a forcé le service à rationner
son offre gratuite au profit
d’offres payantes diverses mais

infructueuses, les services pro-
posés par Molotov étant pour
la plupart disponibles ailleurs.
L’uniformité est perdue au pro-
fit de ce qui est déjà payé.
Après des négociations
échouées avec Altice et TF1,
Molotov est aujourd’hui au bord
du gouffre. Son seul espoir
avant la banqueroute tient en
Xavier Niel pour racheter les
parts majoritaires de la société
et pouvoir ainsi continuer de
montrer l’évolution que doit
prendre la « télé de papa ».
Inspirés par ce service et
celui des SVoD, les principaux
groupes de chaînes françaises
TF1, M6 et France Télévisions
ont allié leurs forces pour créer
Salto, un service à mi-chemin
entre Molotov et Netflix. Au
programme : la diffusion des
chaînes, un accès au replay et
au rattrapage, mais aussi un
catalogue de toutes les proprié-
tés de chaque groupe. Séries,
fictions, émissions, magazines,
documentaires, cinéma et
sports seraient ainsi disponibles
sur une plateforme centrale.
Cependant, depuis son
annonce en juin 2018, Salto est
passée sous le crible de l’Auto-
rité de la Concurrence et s’est
vu imposer des contraintes
©
DR
dénaturant totalement le ser-
vice. L’alliance de chaînes veut
encore y croire mais, vidé de sa
substance, le projet risque de
finir mort dans l’œuf.
Avec l’échec de Molotov et le
projet Salto mort-né, il ne reste
à la France qu’une seule solu-
tion pour exister sur ce marché.
 possible de souscrire à tous les
ET SI L’AVENIR ÉTAIT CRYPTÉ ?
Impossible d’imaginer il y a
dix ans ce marché de la SVoD.
Les géants du cinéma et de la
télévision étaient trop réfrac-
taires face à l’innovation et trop
attachés à leur petit confort.
Aujourd’hui c’est une nouvelle
mouvance à laquelle ils doivent
adhérer mais qui essuie des
plâtres : le conso-matteur est
toujours partant pour plus de
films et de programmes à regar-
der, mais n’a pas un portefeuille
sans fond. Les spectateurs
vont alors se focaliser sur un,
deux, maximum trois services
auxquels s’abonner et abandon-
neront le reste par manque de
moyens. Sauf qu’il y a un sauf.
Encore à la croisée des che-
mins aujourd’hui, des alter-
natives pour le marché sont
possibles. Lors de la conférence
pour son service Apple TV+, la
marque a également présenté
Sauvages (Canal+)
« On est actuellement dans des
stratégies de tâtonnement, on tente
des offres et on voit la réaction des
consommateurs. » - Françoise Benhamou
son application TV, consistant
à proposer au spectateur les
programmes les plus adaptés
à ses goûts et à son profil. Ces
programmes, disponibles sur
différentes chaînes sont tous
accessibles sur la même app,
sur laquelle il est également
abonnements requis. Une seule
app, réunissant de nombreux
services, mais reste encore le
problème des abonnements
multiples. Il faut se tourner vers
la France pour une alternative
plus viable qu’elle n’en a l’air :
aujourd’hui axée sur les chaînes
TV, le modèle de MyCanal pour-
rait très bien s’adapter à celui
des SVoD et de leurs catalogues.
Mise en place dès 2013, cette
offre réunit toutes les qualités
des services précédemment
cités. On y retrouve donc des
chaînes linéaires, le replay
et le catch-up, mais aussi un
catalogue de SVoD fourni de
différents studios ainsi que
des programmes originaux,
un grand nombre de chaînes,
une accessibilité partout et
multiplateforme, un algorithme
de recommandation et enfin
la possibilité de regarder des
programmes hors connexion, le
tout sous un seul abonnement.
101
©
DR
Alors, on le tient le rêve ? Il
faut le croire. Après l’avoir
longtemps combattu, Canal+
a finalement embrassé son
ancien ennemi Netflix, et ils
vont bientôt proposer une
offre couplée et avantageuse
à 35 €/mois. Sur cette offre,
tout le monde est gagnant,
client comme fournisseurs.
Néanmoins, si c’est un pre-
mier pas, le modèle MyCanal
est encore trop tourné vers la
télévision linéaire. Les acteurs
de la SVoD pourraient s’inspi-
rer de cet exemple si tant est
qu’ils en veuillent bien. Sont-
ils prêts à y venir ? « On est
actuellement dans des straté-
gies de tâtonnement, on tente
des offres et on voit la réaction
des consommateurs » nous
répond Françoise Benhamou.
Il faudrait donc que les
acteurs du marché se rai-
sonnent, comprennent qu’une
plateforme de streaming
proposée par leurs services
devient une obligation, et
acceptent de conclure des par-
tenariats entre eux pour finale-
ment s’entendre sur un service
global européen assez grand
pour concurrencer les masto-
dontes d’outre-Atlantique. Vous
y croyez ? Moi non plus.
 GEEK MAGAZINE TOURISME GEEK LONDRES
102 TEXTES PAR MARIE CARBONNIER

La cathédrale Saint Paul

LON DRES
GEEK
Croiser un Tardis, enquêter au 221 Baker street, marcher dans les pas de James
Bond… Trouverez-vous dans cet article de bonnes adresses pour réussir un
séjour geek à Londres ? Elémentaire, mon cher Watson !
italien, le Granaio (218-223 Piccadilly, sur Baker Street, propose des cocktails
SHERLOCK HOLMES St. James’s) qui permet de visiter encore « Sherlock » et « Watson ». L’établisse-
ce bâtiment de toute beauté (pour les fans ment organise aussi des murder parties.
LE MUSÉE  de Downtown abbey, c’est là qu’Edith a
Les holmésiens se rendront au 221 Baker échangé son premier baiser avec Greg- LIEUX DE TOURNAGE DE LA SÉRIE SHERLOCK
Street, où se trouve le musée Sherlock son). Le Simpson’s in the strand est • L’APPARTEMENT DE HOLMES : le 221B Baker
Holmes. Il consiste en un appartement un bar où Sir Arthur Conan Doyle aimait Street de la série se trouve 187 North
avec de nombreux objets qui font réfé- se rendre, tout comme ses héros dans Glower Street.
rence à différentes aventures de Sher- L’illustre client et Le détective agonisant. • L’HÔPITAL SAINT BARTHOLOMEW : Watson y
lock Holmes. Mieux vaut avoir révisé ses Si vous préférez l’adaptation de la BBC, rencontre Sherlock pour la première fois
classiques pour reconnaître toutes les c’est au Tapas Brindisa (46 Broadwick (dans la série, mais aussi sa version lit-
références ou alors prendre l’audioguide. St., Soho) qu’il faudra vous rendre. C’est le téraire). Le toit duquel Sherlock se jette
Avant d’y aller, ne manquez pas la statue restaurant où Sherlock et Watson dînent pour son faux suicide est aussi là (W
de Sherlock Holmes, à la sortie de la sta- dans le premier épisode « Une étude en Smithfield, London).
tion de métro Baker Street ! rose » (où le patron pense qu’il s’agit d’un • LE QUARTIER CHINOIS  : nos héros y
dîner romantique !). Notez qu’il existe aussi enquêtent dans Le banquier aveugle.
RESTAURATION un Sherlock Holmes Pub (10-11 Nor- • LE SAINT JAMES’S PARK : dans Le signe des
C’est au bar Le Criterion que Watson thumberland Street, St James’s Greater). trois, Sherlock et Watson se posent sur
rencontre l’infirmier qui lui présentera Le bureau du détective y est reconstitué un banc pour réfléchir à leur affaire.
Sherlock Holmes. Le restaurant du même et on peut y manger des plats aux noms • LA BRITISH ACADEMY : ses façades ont servi
nom était donc très visité des holmésiens. évocateurs comme le Moriarty’s beef bur- pour incarner le mythique club Diogène,
Il a fermé et été remplacé par un restaurant ger ! Enfin, le Park Plazza Hotel, situé fondé par Mycroft, le frangin de Sherlock.
 103

The Void

SORTIES GEEKS
• MELTDOWN BAR : le bar des gamers, qui fait la part belle à l’e-sport (342 Caledonian Road)
• MADAME TUSSAUD : l’équivalent de notre musée Grévin avec des statues de stars et franchises
ciné comme Star Wars, Marvel, Kong Island, Alien…
• DOTDOTDOT : un mélange de théâtre et de réalité virtuelle. En ce moment, le thème de « l’ex-
périence » est La guerre des mondes de H.G. Wells. (www.dotdot.london/)
• THE VOID : The Void utilise la réalité virtuelle pour vous faire voyager au cœur de vos films
préférés et en être acteur (Star Wars, Ghosbusters…). (www.thevoid.com)
• THE SECRET CINEMA : depuis 10 ans, Secret cinema recrée l’univers des films. Il faut venir dé-
guisé pour revivre des scènes culte d’un film grâce à un décor époustouflant, des comédiens
et figurants. Le lieu est toujours dévoilé au dernier moment… The secret cinema a déjà traité
Blade Runner, 28 jours plus tard, L’empire contre-attaque, Alien… (secretcinema.org)

LIEUX DE TOURNAGE DU FILM tournage de la série de la BBC : Daleks investissent la place dans Les Daleks
SHERLOCK HOLMES  (GUY RITCHIE) www.visitbritainshop.com/france/sher- envahissent la Terre et le Tardis y arrive par
• LA CATHÉDRALE SAINT PAUL : ses escaliers lock-holmes-walking-tour-of-london/ hélicoptère dans Le jour du docteur), Cana-

en spirale sont aperçus quand Holmes
part à la poursuite de Lord Blackwood (ils
sont aussi dans Harry Potter).
• LE CIMETIÈRE DE BROMPTON : son ambiance
gothique se prêtait bien à la scène où
Holmes et Watson visitent une tombe.
• Des scènes d’action ont été tournées
au musée ferroviaire Didcot Railway
Center dans le deuxième volet, Sherlock
Holmes, Jeux d’ombres.
VISITES ORGANISÉES  Saint Paul (apparue dans Mort au para-
L’ offi ce du tourism e d e G r an d e -
Bretagne organise des visites des lieux de
©
DR
DR WHO
LE TARDIS
Une réplique du Tardis se trouve à Earl’s
court station (jetez-y un œil sur Google
map, ça vous permettra de vous balader
à l’intérieur !). Il en existe une autre dans
le Hendon police training college, mais
des barrières empêchent d’en approcher.
THE WHO SHOP
Un magasin avec de nombreux objets
dérivés de la série. Le Tardis ayant servi
sur le tournage de Les Daleks envahissent
la Terre est même exposé ! Pour 3 livres,
on vous donne une clé pour ouvrir un
autre Tardis, qui permet d’accéder à un
petit musée. Vous y verrez des costumes,
des Daleks, un Cybermen, un ange pleu-
reur, le masque d’un Ood… Si vous êtes
un tant soit peu à l’aise avec la langue
anglaise, le propriétaire connaît beau-
coup d’anecdotes (39-41 Barking Road).
ry Wharf (où a lieu la guerre dans l’épi-
sode Adieu Rose), Shad Thames (une rue
historique qui apparaît dans La résurrection
des Daleks), le pont de Westminster (les
Daleks le longent quand ils envahissent la
Terre, plus tard le Dr et Rose le traversent
dans l’épisode Rose) ou encore Big ben
(dans En apnée). Autre lieu important, la
tour de Londres : c’est le bureau de Kate
Stewart (dans Le jour du docteur et dans
Vérité ou conséquences), la cathédrale
dis, où l’on découvre qui est Missy), le Globe
Theatre ou théâtre de Shakespeare
©
DR
©
DR

LIEUX VUS DANS LA SÉRIE ET LES FILMS

La plupart des lieux touristiques de Londres
font une apparition à un moment ou un autre
Le musée dans la série : Trafalgar square (les Big Ben
Sherlock Holmes envahi par les Daleks
 GEEK MAGAZINE TOURISME GEEK LONDRES
104
Trafalgar Square
(Le Dr et Martha s’y retrouvent dans Peines
d’amour gagnées), Buckingham Palace
(un vaisseau spatial ressemblant au Titanic
s’y écrase dans Une croisière autour de la
Terre). Le 10 Downing Street, qui est la
résidence du premier ministre du Royaume-
Uni, est l’un des lieux marquants de l’épi-
sode Troisième guerre mondiale. La Natio-
nal Gallery est censée avoir une galerie
souterraine où sont cachées des œuvres
dangereuses comme le tableau La chute de
Gallifrey dans l’épisode Le jour du docteur…
VISITE ORGANISÉE
L’office du tourisme de la Grande-
Bretagne organise des visites guidées,
incluant plus de 15 lieux de tournage, tout
en racontant des anecdotes sur la série :
www.visitbritainshop.com/france/doctor-
who-walking-tour-of-london/
©
DR
Invasion de la
cathédrale Saint Paul
©
DR
JAMES BOND
• Plusieurs monuments célèbres de
propose d’escalader le dôme. (https://
tickets.aegeurope.com/upattheo2/
climbs.html)
Londres apparaissent dans les films, • LA BRITISH LIBRARY : parmi les manuscrits
notamment dans Spectre : le Millenium littéraires exposés, on trouve quelques
Bridge (quand Moneypenny et James pages de Ian Fleming.
Bond se rencontrent sur un pont), le • NATIONAL GALLERY : c’est dans la salle 34,
London Eye, le City Hall ou encore devant la peinture de Turner « The fight-
Westminster Bridge et Big Ben en ing temeraire », qu’a été filmée la scène
arrière-plan à la fin de Spectre. où James Bond, assis sur un banc, attend
• RULES :  situé près de Covent Garden, Q (Skyfall).
ce restaurant serait le plus ancien de
Londres. C’est le lieu où Moneypenny et LE MAGASIN DES ESPIONS 
Q rejoignent M dans Spectre. À noter que Des gadgets à la James Bond sont ven-
Ian Fleming, le créateur de la saga James dus au magasin Spymaster (3 Port-
Bond, y avait ses habitudes. man Square, derrière le grand magasin
• MI6 : même s’il ne se visite pas, le bâti- Selfridges). On y trouve des mini-caméras,
ment que l’on voit dans GoldenEye, et des enregistreurs de communica-
qui explose dans Skyfall, fait son effet ! Il tions téléphoniques... 
est surnommé Legoland à cause de son
architecture évoquant des briques de
Lego (situé au bord de la Tamise, à proxi-
mité de la station de métro Vauxal et face
au Chelsea College of art).
• SOMERSERT HOUSE  : dans GoldenEye, la
cour de ce bâtiment a été transformée en
place centrale de Saint-Petersbourg !
• LA STATION DE MÉTRO DE CHARING CROSS  :
elle a été vue dans Skyfall lorsque James
Bond part à la poursuite de Silva dans le
métro de Londres.
• O2 ARENA : appelé aussi Dôme du millé-
naire, il apparait dans la scène d’ouverture
du film Le monde ne suffit pas où James ©
DR
le descend après avoir sauté d’une mont-
golfière. L’attraction Up at the O2 vous Daniel Craig
surplombe Londres
 105

SHOPPING
• FORBIDDEN PLANET : un temple de la consommation geek avec des comics, jouets, t-shirt, gad-
gets et goodies Dr Who, Harry Potter, Star Wars, Marvel… (179 Shaftesbury Ave.)
• MAGASIN HAMLEY : le plus grand magasin de jouets de Londres ! (188-196 Regent St., Soho)
• LEGO STORE : le plus grand magasin de Lego au monde (Leicester square)
• GOSH ! COMICS : l’adresse incontournable pour les fans de comics depuis 30 ans (1 Berwick St., Soho)
• ORC NEST : un magasin de jeux de cartes et de plateau (6 Earnham St.)
• THE NOBLE COLLECTION : boutique spécialisée dans les objets de collection officiels dérivés de films.
• ORBITAL COMICS : librairie spécialisée dans les comics (8 Great Newport St., Covent Garden)
• DARK SPHERE : magasin de jeux de cartes et de plateau avec un grand choix de figurines War-
hammer (186 Hercules Rd., Lambeth)
©
LEGO

& Asser au n° 71 et Hackett au n° 87, les

chausseurs John Lobb au n°88, Crockett
& Jones au n°68, Church’s aux n° 108 et
110, l’armurier Beretta à l’angle avec Saint
James St. Les boutiques de Savile Row,
une petite rue non loin de Bond Street,
sont également une référence pour un
costume sur mesure. C’est d’ailleurs là
que se trouve Huntsman, au n°11, où ont
été tournées des scènes de Kingsman :
Services secrets.

VISITES ORGANISÉES
©
DR

©
DR
George Lazenby
surplombe aussi
EN ZODIAQUE SUR LA TAMISE
Envie d’une course sur la Tamise comme
dans Le monde ne suffit pas ou Spectre ?
Vous apercevrez différents monuments
et rentrerez à toute allure sur fond de la
B.O. de James Bond !  (www.thamesri-
bexperience.com )
LA MODE SELON BOND
Le dressing de Bond a évolué selon les
acteurs. Terence Young et Sean Connery
avaient leur tailleur personnel. Pierce
Brosnan choisit Brioni, le tailleur atti-
tré du Vatican, et il porte des Presley de
Church’s. Daniel Craig préféra l’Amé-
ricain Tom Ford. Dans Skyfall, il porte
les Tetbury chukka boots de Crockett
& Jones. Jermyn Street est la rue pour
être aussi élégant que James Bond. On y
trouve les boutiques de chemises Turnbull
Celles de BritMovie Tours vous per-
mettent de visiter les studios Pinewood,
où ont été tournés quasiment tous les
James Bond.
EN VRAC
• HARRY POTTER : la voie 9 ¾, les studios
Harry Potter, le zoo de Londres, la maison
d’Harry, le chaudron baveur, Gringotts…
Nous vous renvoyons à la rubrique Tou-
risme Geek de notre numéro S09E04/
février-avril 2019 pour un itinéraire sur les
traces du sorcier.
• SHAUN OF THE DEAD  : la maison de
Shaun se trouve au 83 Nelson Road,
Weston Park. Le Pub, qui se trouvait
à Newcross, sur Monson Road, a mal-
heureusement disparu et laissé place
à des appartements.
• 28 JOURS PLUS TARD  : Jim traverse des
lieux touristiques déserts, comme le
pont de Westminster, les Duke of
La voie 9 ¾
York’s Steps, la bourse du commerce
royal exchange ou Piccadilly Cir-
cus. La chapelle où il est agressé par
un prêtre est la Saint Anne’s church,
à Limehouse. Plus tard, avec Mark et
Selena, il passe par les escalators de la
station Canary Wharf.
• WONDER WOMAN  : quand elle arrive à
Londres, on voit le Tower Bridge. Les
scènes de shopping chez Selfridges
ont été tournées à la Australia House,
qui ne se visite pas (les scènes de Grin-
gott’s dans Harry Potter et du Kremlin
dans X-men : first class y ont aussi été
tournées). La scène avec la porte tam-
bour a été filmée à Victoria House,
dans le Bloomsbury square. Notez que
la salle de réception du bâtiment a été la
chambre de Fisher, le milliardaire mou-
rant, dans le film Inception !
 GEEK MAGAZINE GUIDE KD0
106 textes de MARILYS VALLET en collaboration avec le Magic Bazar*

GreedFall

LES JEUX DE NOËL !

JEUX DE SOCIÉTÉ, JEUX VIDÉO, JEUX DE PLATEAU, JEUX DE CARTES, ETC… VOUS CHERCHEZ
DES IDÉES DE CADEAUX POUR OFFRIR DE BONS MOMENTS D’AMUSEMENT À VOS PROCHES ?
EH BIEN VOUS DEVRIEZ TROUVER VOTRE BONHEUR ICI, À SAVOIR LES NOUVEAUTÉS INCON-
TOURNABLES DE CETTE FIN D’ANNÉE, DU STAR WARS, DU FALLOUT, DU HARRY POTTER, DU
ZELDA , DU HELLBOY... ET UN JOYEUX NOËL LUDIQUE À TOUS !

*Le Magic Bazar est un bar à jeux/boutique de cartes et jeux de société, située dans le 12e à Paris. Lieu phare pour les joueurs de Magic, vous pouvez
aussi y acheter/louer ou passer une soirée à jouer à des jeux de société, jeux de cartes et jeux de plateaux en vogue.
 107

PA L M I S L A N D
Joueur(s) 1 à 4 • temps ±20 MIN • 12+ • Ed. Nuts Publishing • env. 11 €

SANS HUILE DE PALME

Palm Island c’est le jeu des longs trajets, des
attentes interminables, ces moments où l’ennui
vous guette. Sous la forme d’un petit jeu de cartes,
vous allez devoir optimiser votre main pour obtenir
un max de ressources, pour votre village de rêve

DINOSAUR ISLAND 
sous les cocotiers (soupir). On tourne, on retourne
et on re-retourne les cartes dans sa paume (palm !)
pour relever des défis et parvenir à optimiser son
petit bout de plage. Sympa à 2, Palm Island trouve
Joueur(s) 2 à 4 • temps ± 2 H • 10+ • Ed. Pandasaurus Games • env. 72 € vraiment son intérêt seul, où on se prend vite au jeu
de vouloir sans cesse battre son propre score. Parce qu’on est souvent
“J’AI DÉPENSÉ SANS COMPTER !” son pire adversaire, n’est-ce pas !?
On aime tous les dinosaures, non ? Franchement, qui n’a jamais rêvé d’en
avoir un ? Et maintenant, imaginez-vous dans la peau d’une société très
riche qui a décidé de jouer avec l’ADN de ces bestioles disparues pour
les faire revivre et construire un parc d’attractions autour (toute ressem-
blance avec une licence très connue serait totalement… bon ok !). Pour
ceux qui auraient joué au jeu vidéo Jurassic World, c’est à peu le même
système, mais avec des plateaux, des pions et des dés de PARTOUT !
Et pour les autres, c’est un GROS jeu de société avec PLEIN de choses
à faire… mais il fait aimer les dinosaures (minimum 2 heures la partie).

ASTRAL CHAIN
Genre(s) : Action-aventure / Plateforme(s)• Switch • env. 65 €

PAS BAYONETTA
On dit souvent que les Dark Souls font partie des jeux les plus exigeants,
de ceux qui découragent 80 % des joueurs et révèlent les gamers les
plus pugnaces. Astra Chain fait aussi partie de cette famille, celle des
jeux qui vous donnent parfois envie de jeter votre console par la fenêtre,
mais aussi d’embrasser les pieds de leurs créateurs. Ne pouvant pas
vous dévoiler une miette de scénario sans vous spoiler horriblement, je
vous dirais juste ceci : en dehors de son histoire assez ‘convenue’ pour
une production japonaise, Astral Chain a surtout misé sur son gameplay,
majoritairement à base de combats tactiques effrénés. Une exclu Switch

F A L L O U T 
qui n’a pas fait grand bruit à sa sortie, mais un excellent titre SF de fin
d’année, pour les vieux joueurs en manque de challenge.

NOUVELLE CALIFORNIE
Joueur(s) 1 à 4 • temps ± 2 H • âge 14+ • Ed. Edge • env. 36 €

EN MANQUE D’UN BON FALLOUT ?

NOCTILUCA
Joueur(s) 1 à 4 • temps ± 45 MIN • 8+ • Ed. Z-Man Games & Edge • env. 32 €

Pour les adeptes du jeu de plateau SOUS L’OCÉAN

narratif éponyme (et adapté de la
saga vidéoludique), voici une exten-
sion qui sent bon la plage, le soleil… et
les déchets radioactifs. Nouvelle Cali-
fornie c’est une nouvelle extension
avec de nouvelles tuiles pour pousser
plus loin l’exploration, de nouveaux
compagnons (dont 5 nouvelles figu-
rines qui déchirent !), objets, quêtes
et un nouveau scénario en coop ! De
quoi prolonger l’expérience du super
jeu de société Fallout... et essayer
d’oublier Fallout 76. #troll
Avec ses dés colorés, son approche
un peu écolo et ses illustrations
mignonnes, Noctiluca se positionne
plutôt comme un jeu familial. L’objec-
tif : récolter des créatures sous-ma-
rines minuscules – les Noctiluca – et
les ranger dans des bocaux. Malgré ses
nombreux dés le jeu n’est pas vraiment
basé sur le hasard, mais plutôt sur les
choix stratégiques que vous allez faire
pour récupérer ces (choupi) petites créatures phosphorescentes. Le
joueur-pêcheur qui marque le plus de points en livrant des bocaux et en
réussissant des défis remporte la partie.
GEEK MAGAZINE GUIDE KD0
108
INCUBATION    
Joueur(s) 2 à 5 • temps ±3 0 MIN • âge
8+ • Ed. S ynapse s G ame s • env. 28 €
“OÙ SONT MES DRAGONS ?!???”
Choisissez judicieusement vos œufs, réunissez
les ressources pour les faire éclore et vos bébés
dragons vous rendront fiers… et riches ! Dans
Incubation, il va falloir contrer le hasard par de
la prise de décisions, et optimiser la couvaison
de vos dragons tout en surveillant vos adversaires. Un jeu très simple et
familial, où vos enfants pourraient bien vous battre !
GREEDFALL    COMANAUTS   
Genre(s) : Action-RPG / Plateforme(s) • PC / PS4 / One • env. 50 €
DU JEU VIDÉO FRANÇAIS, MADAME !
Dans la famille “jeu Double A qui aurait mérité un
peu plus de budget, parce qu’en Triple A ça aurait
été une tuerie !” je demande : Greedfall. Se dérou-
lant dans un XVIIe siècle façon coloniale avec filtre
baroque, voyage, bastonnades et recherche de
compagnons sont au centre d’une quête pour la
survie. On y incarne De Sardet, neveu ou nièce (au
choix) du big boss des marchands du coin, mais
votre avenir tout tracé va dévier, et vous devrez
partir pour tenter d’endiguer un horrible fléau.
Greedfall lorgne un peu du côté des Assassin’s
Creed pour sa ‘furtivité’ et sa manière d’explorer,
mais aussi des classiques du RPG avec ses plé-
thores de compétences à optimiser (combat, magie, talents, équipement,
etc, etc). Pour les joueurs qui aiment les contextes historiques (avec des
libertés) et passer du temps en recherches et explorations.
CAP SUR LA CONFIANCE  
Joueur(s) 2 à 8 • temps ±60 MIN • âge 8+ • Ed. Helvetiq • env. 25 €
SERIOUS GAME
Parfois on croise des jeux à la fois ludiques et utiles. Cap sur la Confiance
fait partie de cette catégorie. Son objectif : aider à surmonter ses diffi-
cultés, trouver des réponses pour avancer dans la vie. Sous le prétexte
de construire un phare et ralentir la progression d’une vague déferlante,
les joueurs vont devoir se livrer, discuter, coopérer et tenter d’atteindre
ensemble un même but : trouver un début de réponse à leurs problèmes.
Un jeu qui vous veut du bien.
CALENDRIER DE
L’AVENT LEGO
Lego.com • Prix 24,90 euros
LA PATIENCE EST
UNE VERTU
Vous vous souvenez des calen-
driers de l’avent d’antan, avec des petits
chocolats (pas toujours très bon d’ailleurs) ? On est bien loin de cette
époque, puisque désormais les enfants peuvent se plonger dans l’am-
biance Star Wars ou Harry Potter en attendant Noël. De retour dans leurs
versions 2019, les calendriers de l’avent Lego gardent le même principe :
derrière chaque case, un personnage ou des pièces pour, jour à après
jour, constituer une scène entière. Je ne sais pas si ça marche bien avec
les enfants ce truc d’une case par jour... mais moi j’y arrive jamais ^^’
Joueur(s) 2 à 4 • temps ±90 MIN • 14+ • Ed. Plaid Hat Game • env. 63 €
COMA WHITE
Le Dr Strobal a trouvé un moyen
de sauver l’humanité, mais pro-
blème : il est tombé dans le
coma (#nospoil). Pour connaître
son secret et sauver l’humanité,
vous allez devoir parcourir les
méandres parfois terrifiants de
son subconscient. Une approche
originale entre “Livre dont vous
êtes le héros” et jeu de plateau,
aux règles ambitieuses mais à
l’ambiance vraiment atypique.
Les comanautes que vous incar-
nez devront se serrer les coudes pour atteindre la psyché du docteur,
combattre ses angoisses incarnées et trouver le moyen de le sortir de
sa prison onirique… un sacré challenge !

HELLBOY, LE JEU DE PLATEAU
Joueur(s) 1 à 4 • temps ± 2 H • âge 14+ • Ed. Edge • env. 81 €
  LOVE LETTER
“ÇA M’GONFLE !”
Pour les fans de Mike Mignola et
des comics en général, Hellboy
c’est LE jeu de plateau à avoir.
Après avoir séduit par son système
de jeu et ses superbes figurines, le
titre – localisé pour la France par
Edge – a tout de même été pledgé
par plusieurs dizaines de milliers de
contributeurs sur Kickstarter ! Incar-
nez un agent du B.P.R.D. – Hellboy,
Liz, Johann ou Abe – et allez explorer
des lieux super glauques, choper des
artefacts et botter les fesses de Ras-
putin et ses sbires. Du beau matos,
une ambiance géniale et un système
de jeu ambitieux entre bastons contre des monstres cauchemardesques
et enquêtes à l’ancienne… comme dans les comics vous me direz. Du
bon, du lourd, du percutant !
PARIS : NEW EDEN 
Sortie le 1e nov • Joueur(s) 2 à 4 • temps ± 45 MIN • 8+ • Ed. Matagot • env. 45 €
HUMANITY REBOOT
Parfois lorsqu’on en a ras-le-bol des
conflits incessants, de la famine, des
catastrophes climatiques, on se dit
qu’on retournerait bien aux sources,
sans internet ni smartphone. Dans
Paris : New Eden, l’apocalypse a ravagé
notre société moderne, ne reste désor-
mais qu’une poignée de survivants dans
un Paris où la nature a repris ses droits.
De façon assez logique, il va falloir déve-
lopper son refuge en faisant évoluer sa
petite communauté avant que l’hiver
revienne. Une mécanique à base de
jets de dés, mais avec une bonne dose
de tactique et de gestion autour, le tout avec des règles assez simples.
Et en bonus un p’tit côté écolo qui donne envie d’aller construire une
cabane dans un arbre et faire pousser des patates…
109
Joueur(s) 2 à 6 • temps ±20 MIN • âge 14+ • Ed. Zman Games • env. 11 €
À LA CONQUÊTE DE LA PRINCESSE… ENCORE
Lover Letter n’est pas une nou-
veauté, ça fait même quelque
temps que le jeu de cartes fait
le bonheur des apprentis cour-
tisans. Mais voici le classique
de retour dans une nouvelle
édition. Alors on redessine les
cartes, on fait un peu évoluer les
règles (avec entre autres l’arrivée
d’un nouveau personnage : l’Es-
pionne), mais on garde le même
objectif : attirer l’attention de la prin-
cesse. Servez-vous de personnages plus
ou moins influents pour tenter de faire parvenir vos lettres parfumées à la
gente demoiselle avant vos adversaires et surveillez bien ce que font vos
rivaux. Très peu de cartes, des règles simplissimes et un gameplay qui
reste indémodable, pour des parties enfiévrées !
BORDERLANDS 3
Genre(s) : Shooter-looter • PC / PS4 / One • env. 70 €
RETOUR (EN ARRIÈRE) À PANDORE
Probablement jamais préquel vidéoludique n’aura
autant été aussi attendu que ce Borderlands 3
(c’est qu’en général, c’est bof un préquel). En
même temps, on nous avait promis du lourd : les
origines de la saga ! Et même si cette vieille his-
toire semble moins épique, et ses héros moins
charismatiques, c’est bien du Borderlands pur
jus. On retrouve ses marques en moins de 2 et
des arbres de compétences plus développés per-
mettent de vraiment personnaliser son Chasseur
de l’Arche. Du loot à gogo (et mieux réparti : fini le
‘ninja loot’ !), des planètes aux ambiances et décors vraiment différents,
un gameplay plus nerveux, voilà le menu. Alors ok, Borderlands 2 reste le
meilleur épisode de la série à ce jour, mais le petit nouveau (ancien ?) se
défend plutôt bien, bordel (pardon, pardon, c’est l’effet Borderlands ^^’) !
S U P E R C AT S
Joueur(s) 3 à 6 • temps ± 30 MIN • âge 8+ • Ed. Grrre Games • env. 12 €
ET SI LES CHATS ÉTAIENT
DES SUPER-HÉROS EN VRAI ?
Vous pensiez que nos matous se
contentent de chat-parder de la nour-
riture et répandre de la litière partout ?
Que nenni, ils ont tous un super pou-
voir caché et combattent le crime !
Le petit éditeur français Grrre Games
– après les géniaux Dany et Octorage
– revient avec ce jeu inspiré du Shifu-
mi, où vous devrez transformer vos
matous en super-cats le premier pour
les envoyer chat-botter le Robodog des autres joueurs… chat-hut et chat-
mailles garantis !
GEEK MAGAZINE GUIDE KD0
110

KNOW!  
Joueur(s) 3 à 6 • temps
LIBRE • âge 10+ • Ed.
Ravensburger • env. 32 €

TXT
Les jeux de société
à base de questions,
ça a tendance à vieillir.
Regarder ce pauvre Tri-
vial Pursuit offert au lycée, il ne
connaît ni les montres connectées, ni la VR et encore moins Instagram !
Avec kNOW! ça n’arrivera plus, puisque les réponses vous sont données
par l’Assistant Google, en fonction du contexte où vous vous trouvez.
“Quelles sont les fiches à l’affiche cette semaine ?”, “Quelle est la tempé-
rature actuelle à la Havane ?”, “Citez des auteurs de romans policiers”...

OBSCURIO
Un plateau de jeu, des cartes avec plus de 1500 questions (sans cesse
mises à jour) et un buzzer, de quoi habiller les immenses connaissances
du moteur de recherche coloré (compatible Assistant Google, Google
Home, Google Mini) et jouer au plus malin… sans tricher svp !

Joueur(s) 2 à 8 • temps ±45 MIN • âge 10+ • Ed. Libellud • env. 36 €

“J’AI OUBLIÉ MA CARTE DE BIBLI !”

Obscurio est un jeu coopératif où l’on incarne des
mages perdus dans une bibliothèque étrange, qui
tentent d’échapper aux illusions d’un mage hostile
cherchant à les garder prisonniers. Mélange entre Dixit
(pour les énigmes à base d’images) et Mysterio (pour le

 
côté recherches et enquête), avec une lichette de Sha-
dow Amsterdam (autre jeu Libellud… forcément). Jeu de déduction et
de bluff dans un univers fantastique avec une ambiance à la Poudlard...
SUSHI ROLL  
Joueur(s) 2 à 5 • temps ±2 MIN • âge 8+ • Ed. Cocktail Games • env. 23 €

LE JEU QUI DONNE FAIM

Vous connaissez Sushi Go!, ce petit jeu où vous devez judicieusement
choisir vos cartes pour former des familles de mets asiatiques ? Eh bien
Sushi Roll c’est la même base, sauf qu’on rajoute une couche de stratégie.
Vous démarrez avec des dés colorés sur un simili tapis roulant (comme
dans ces restos jap où on paye à l’assiette) et vous allez devoir les choisir
et parfois les relancer pour créer vos familles de sushis, makis, raviolis et
autres petites bouchées. Le but restant de coiffer les autres convives au
poteau… on dit que le score le plus bas paye l’addition, ok ?

THE LEGEND OF ZELDA:

BATTLE QUIZ FULL JAPANIME  
Sortie le 23 oct • Joueur(s) LIBRE • âge 12+ • Ed. Ynnis Editions • env. 16 €
 
L I N K ’ S AWA K E N I N G   
GEEKS INCOLLABLES
Tu te crois calé en japanimation ?
Prouve-le ! Battle Quiz Full Japa-
Genre(s) : Action-aventure / Plateforme(s) • Switch • env. 65 € nime c’est plus de 500 questions
mangas, OAV, animes et même
RETOUR À COCOLINT ! Club Dorothée comme «Dans One
Vous voulez vraiment que je vous résume Link’s Awakening, vous Piece, quelle organisation cherche
rigolez ? Bon, en gros, ce nouinouille de Link se retrouve tout seul à enlever Nico Robin ?», «Quel lien
sur une île et comme par hasard il va falloir… non mais non, je réunit les deux Nana dans la série
me refuse à ça ! En gros, The Legend of Zelda: Link’s Awakening éponyme ?», «Qui interprète le
mouture 2019 c’est rien de moins que le remake d’un des meil- générique de la série Les Samou-
leurs Zelda jamais créé ! Mais bon, comme il était sorti en 1993 raïs de l’Eternel ?” Y’a de quoi faire.
(sur Game Boy), il a pris un coup de vieux c’est indéniable. Donc Et si les japoniaiseries c’est pas
gros coup de polish, mais aventure épique identique ! Certains diront que trop ton truc, dans la même collection y’a aussi Le dernier quiz avant la
c’est une hérésie d’avoir remaké ce grand classique, moi j’ai été contente fin du monde, Le quiz des dragons, Le quiz des répliques culte, Le quiz jeux
d’y rejouer (en couleur !) et de le faire découvrir aux mômes de maintenant vidéo, Le quiz super-héros. Et le petit dernier pour les ‘initiés’ : “Ceci n’est
(parce que leur prêter ma vieille Game Boy, no way !). pas un quiz porno quoique”, écrit par Davy Mourier… croustillant !

DEATH STRANDING 
Sortie le 8 nov • Genre(s) : Action-aventure / Plateforme(s) • PS4 • env. 70 €
VIENS MON B.B. !
Votre servante n’a malheureusement pas encore pu mettre la main
dessus, mais il semblerait que le nouveau B.B. de Kojima soit présagé
comme l’un des titres phares de cette fin d’année. Déjà, parce que le
soft est hyper ambitieux, on a pu s’en rendre compte entre autres via les
vidéos postées, mais aussi, par son casting hollywoodien : Norman Ree-
dus, Léa Seydoux, Mads Mikkelsen, Guillermo Del Toro, Nicolas Winding
Refn, Troy Baker, Lindsay Wagner… du lourd ! Autant dire qu’on a hâte
de jouer les ‘livreurs’ dans son monde post-apo totalement flippant, ren-
dez-vous le 8 novembre pour le verdict.
STAR WARS : BORDURE EXTÉRIEURE 
Joueur(s) 1 à 4 • temps ± 3 H • âge 14+ • Ed. Fantasy Flight Games • env. 60 €
WANTED !
En attendant le prochain jeu
vidéo Star Wars (ou pas), les
chemins ne manquent pas
pour parcourir notre univers
étendu préféré. Dans la Bor-
dure Extérieure, on incarne
un mercenaire – contreban-
dier et chasseur de prime
à ses heures – et notre but
ultime sera de se faire un
nom dans cette partie recu-
lée de la galaxie. Incarnez
Han, Lando, Boba, Jyn et
d’autres, et à bord de votre
carlingue des débuts accep-
tez un maximum de mis-
sions rémunérées. Livrai-
sons de cargaisons, trans-
ports de personnes, missions plus ou moins licites et dangereuses : des
crédits à amasser, mais aussi des alliés ou des ennemis à se faire… et
pourquoi pas un nouveau vaisseau à se payer ! Pour les fans, les vrais !
#fanserviceinside
111
HARRY POTTER : HOGWARTS BATTLE
Joueur(s) 2 à 6 • temps ±45 MIN • âge 11+ • Ed. USAopoly • env. 50 €
UNE ‘TITE BELOTE HARRY ?
ENCORE un nouveau jeu adapté de la licence Harry Potter… mais pour-
quoi j’en parle alors ? Pour une raison très simple : il est très bon ! Harry
Potter: Hogwarts Battle est un jeu de cartes qui repose sur un système de
deck-building scénarisé, où les fans de la saga pourront retrouver leurs
petits. Le système démarre de façon assez simple puis va se complexi-
fier au fur et à mesure de votre avancée, en rajoutant de nouvelles cartes
(personnages, sorts, règles avancées, etc.). Pour faire simple c’est un peu
comme un jeu vidéo de baston : on doit vaincre des méchants pour avan-
cer, on évolue, mais eux aussi et ils sont de plus en plus difficiles à battre.
En très gros c’est ça. Mais là où c’est fort, c’est que c’est hyper accessible,
on se prend vraiment au jeu et on baigne dans le lore H.P. d’une manière
plutôt originale et amusante. Et le matos est bien fichu.
GEARS 5
Genre(s) : Action-TPS / Plateforme(s) • PC / One • env. 70 €
“TIENS, VOILÀ DU BOUDIN”
On croyait la saga Gears mourante, c’est donc un plaisir de découvrir ce
5e opus et toutes ses évolutions ! Le principe reste globalement le même
que dans les autres épisodes de la saga – bourrinage à toutes les étapes –
mais la déception de Gears of War 4 semble avoir servi de leçon aux déve-
loppeurs. On hérite ainsi d’un épisode plus dense, à tous niveaux. Déjà côté
Campagne, un scénario plus fouillé, ou après une intro classique dans les
boots de JD (le fils de Marcus), on incarnera Kait durant le reste du jeu. Une
héroïne qui n’a pas sa langue dans sa poche et va évoluer tout du long. Des
chapitres en semi-mondes ouverts grisants, des graphismes sublimés par
les Xbox One (équipement 4K de rigueur) et en ‘bonus’ le drone Jake, qui va
vite devenir votre compagnon d’arme préféré. Idem pour le multi, qui sans
révolutionner la formule, a bénéficié du même soin et apporte même un
nouveau mode intéressant – Fuite – où il faudra s’échapper d’une zone en
un temps limité. En bref, même si on joue dans la peau d’une ‘gonzesse’, ce
nouveau Gears sent toujours autant le sang, le métal et les boyaux d’aliens.
Un must de la console au logo vert.
TA P E S T R Y
Sortie nov • Joueur(s) 1 à 5 • temps ± 2 H • âge 12+ • Ed. Matagot • env. 90 €
CONSTRUIS TA CIVI !
Je ne pourrais pas vous en dire énormément
car nous n’avions pas encore eu le jeu en main
au moment du bouclage de ce numéro, mais
une chose est certaine : il vous faut Tapestry !
Tu as le complexe de Dieu ? Tu veux faire évo-
luer toute une civilisation depuis ses balbutie-
ments jusqu’à son apogée ? Mais t’as pas trop
envie de bûcher 50 pages de règles pendant
2 mois et avoir 3 doctorats pour comprendre les règles ? Et tu aimes le
beau matos et les meeples bien fichus ? Tapestry est pour toi ! Placement
de tuiles, gestion de cartes et prises de décisions sont les bases d’un titre
qui va vous offrir de longues parties (parfois plus de 3 heures) passion-
nantes, à monter votre petite civilisation chérie.
GEEK MAGAZINE REVIEWS   CINÉMA
112 textes de JOHN PRATE
STAR WARS, ÉPISODE IX : L’ASCENSION DE SKYWALKER
En salle le 18 décembre • De J.J. Abrams • Avec Daisy Ridley, Adam Driver, Oscar Isaac, Mark Hamill, Domhnall Gleeson, Kelly Marie Tran...
LA CONCLUSION DE LA SAGA SKYWALKER !
Depuis le reboot de la franchise en 2015 avec le Réveil de la Force, on a
eu droit en moyenne à un film Star Wars par an. Après les relativement
inutiles Rogue One (2016) et Solo (2018), c’est surtout le déconcertant
Les derniers Jedi (2017) de Rian Johnson qui a mit en péril la franchise
en décevant les spectateurs au point de pousser les puristes à lancer
une pétition pour le retrait du film du canon de Star Wars ! Dans ces
conditions, difficile de s’enthousiasmer pour le prochain film qui sort
à Noël. Appelé à la rescousse, J.J. Abrams est de retour à la réalisation
pour mettre le point final à la trilogie qu’il avait commencée. Il aura
la lourde tache de non seulement conclure les arches narratives des
personnages de Rey, Kylo Ren, Finn et Poe, mais aussi celle de la saga
©
2019 ILM AND LUCASFILM LTD. ALL RIGHTS RESERVED.
de famille Skywalker. En effet, la prochaine trilogie, prévue pour 2022
et conçue par David Benioff et D.B. Weiss (le duo responsable de Game
of Thrones) sera complétement indépendante, adaptant l’univers des
comics et des jeux vidéo The Old Republic, se déroulant plus de 300 ans
avant la naissance de Darth Vader. On sait peu de choses sur L’Ascension
de Skywalker pour le moment, sauf que la présence de l’Empereur Palpa-
tine (alias Dark Sidious) et de Lando Calrissian (Billy Dee Williams) a été
confirmée par Abrams, et que malgré sa mort, Luke (Mark Hamill)
aura un rôle clef à jouer. Bref, Lucasfilms joue gros sur ce dernier Star
Wars, qui aura la tâche quasi impossible de satisfaire tout le monde !
Ça passe ou ça casse !
 113

GEMINI MAN ©
DR

En salle le 2 octobre • De Ang Lee

Will Smith joue un tueur à gages vieillissant qui doit

affronter un clone de lui-même, 25 ans plus jeune
que lui, qui a pour ordre de le tuer. Une super pro-
duction SF relativement oubliable. À réserver aux
fans de Will Smith.

MALÉFIQUE 2
©
2019 DISNEY ENTERPRISES,

JOKER
INC. ALL RIGHTS RESERVED.

En salle le 16 octobre • De Joachim Ronning

Suite de l’exploration de la relation complexe entre

Aurore (Elle Fanning) et la sorcière Maléfique
(Angelina Jolie) alors qu’elles doivent faire face à
En salle le 9 octobre • De Todd Philips • Avec Joaquin Phoenix, Robert DeNiro, Zazie Beetz... une nouvelle menace. Un film en famille pour les
fans de Disney !
THE KILLING JOKE VS TAXI DRIVER
À contrepied de la mode des films de super-héros, Joker est une interprétation du personnage
de comics à la mode du film d’auteur plus ou moins calqué sur les films Taxi Driver (1976) et La
valse des pantins (1983), tout deux de Martin Scorsese avec Robert DeNiro, qui sont ici copro-
ducteurs du film. Certains crient au chef-d’œuvre, d’autres à l’apologie de la violence… Au-delà
de la polémique une chose est sûre : Joaquin Phoenix donne la performance d’une carrière et
mérite un Oscar. Un film d’une noirceur incroyable, à voir absolument pour se faire un avis ! LITTLE MONSTERS ©
DR

En salle le 16 octobre • De Abe Forsythe

©
DR ©
DR
Miss Caroline, une maîtresse d’école qui fait une
sortie avec sa classe, doit non seulement survivre
à une zombie apocalypse, mais aussi cacher aux
jeunes enfants la vérité de la situation ! Une comé-
die WTF australienne.

THE IRISHMAN ©
NETFLIX

Sur Netflix le 27 novembre • De Martin Scorsese

Une biopic sur Frank « The Irishman » Sheeran,

RETOUR À ZOMBIELAND JUMANJI : NEXT LEVEL

soupçonné d’avoir fait tuer le dirigeant syndicaliste
Jimmy Hoffa en 1975. Un film prestige pour Netflix
En salle le 30 octobre • De Ruben Fleischer En salle le 4 décembre • De Jake Kasdan avec Robert DeNiro, Al Pacino et Joe Pesci. À voir
Avec Jesse Eisenberg, Woody Harrelson... Avec Dwayne Johnson, Jack Black, Kevin Hart... absolument !

UN NOUVEAU NIVEAU POUR LE ROCK

LA ZOMBIE APOCALYPSE, DIX ANS APRÈS !
Il y a dix ans, quand Bienvenue à Zombieland
(2009) est sorti, le film est non seulement
devenu culte pour toute une génération, mais
a fait de Jesse Eisenberg une star, a redoré
le blason de Woody Harrelson, et a fait des
scénaristes Rhett Reese et Paul Wernick
(Deadpool) des valeurs sûres. Après un pilote
en 2013 pour une série TV qui n’a pas vu le jour,
les deux scénaristes revisitent leur univers, et
explorent les nouvelles crises de cette famille
recomposée qui continue à survivre pendant
la zombie apocalypse ! Un film fun et WTF !
Après le succès surprise du reboot du film
Jumanji (1995), qui a transposé le jeu de pla-
teau dans le monde des jeux vidéo, un second
volet semblait inévitable. Retour donc dans la
jungle de Jumanji, mais cette fois la console est
cassée et les joueurs ont en partie changé. Les
personnages de Dwayne Johnson et Kevin
Hart sont désormais contrôlés par deux
petits vieux, interprétés par Danny DeVito et
Danny Glover. Ne boudons pas notre plaisir, si
le film est aussi amusant que le premier volet,
un grand moment popcorn nous attend.
©
DR
DOCTOR SLEEP
En salle le 30 octobre • De Mike Flanagan
Dans cette suite de The Shinning, Ewan McGregor
joue Danny, devenu adulte, qui doit protéger une
petite fille de gens qui en veulent à ses pouvoirs psy-
chiques. Un film intéressant mais qui a du mal à faire
oublier l’œuvre de Kubrick !
GEEK MAGAZINE REVIEWS   SÉRIES
114 textes de JOHN PRATE
WATCHMEN
OCS - Showrunner : Damon Lindelof • Avec Jeremy Irons, Regina King, Don Johnson...
ALAN MOORE VS DAMON LINDELOF !
Adapté du comics culte d’Alan Moore et Dave Gibbons, Watchmen est
une série HBO, dont la saison un, constituée de neuf épisodes, sera dif-
fusée en France sur OCS à partir du 21 octobre 2019. Créée par Damon
Lindelof (showrunner de Lost et de The Leftovers), la production a rapide-
ment été sujette à controverse car Alan Moore est contre l’adaptation de
ses œuvres au cinéma et à la TV. Pour rassurer les fans, Lindelof a publié
une lettre ouverte où il explique que « la série ne serait pas une adapta-
tion du comics mais une histoire nouvelle, avec certains éléments d’ori-
gine qui seront légèrement remixés, tout en respectant le comics qui est
notre bible ». La série se déroule à Tulsa, dans l’Oklahoma, dans une réa-
lité alternative en 2019, 34 ans après les événements qui se sont dérou-
lés dans les comics. Un monde similaire au nôtre, mais sans Internet ni
©
HBO
Smartphone et où l’acteur Robert Redford est le président des États-Unis
depuis 1992. Les super-héros et autre justiciers masqués sont toujours
interdits en raison de leurs méthodes violentes, mais certains d’entre
eux militent pour leur légalisation alors que d’autres veulent maintenir
le statu quo. Mais, suite à des attaques simultanées sur les maisons de
membres des forces de l’ordre par « La Septième Cavalerie », un groupe
de suprémacistes blancs se réclamant de Rorschach et portant des
masques lui rendant hommage, la police à son tour commence à porter
des masques… D’après ce que l’on sait, les seuls personnages familiers de
confirmés pour le moment sont le Dr Manhattan et un vieux Ozymandias
(Jeremy Irons). Une série qui a tout pour être passionnante et qui semble
vouloir jouer sur les peurs de l’Amérique de Trump.
 115

©
HBO

SILICON VALLEY ©
HBO

OCS • Showrunner Mike Judge

La sixième et dernière saison de l’excellente série

HBO, qui se moque des excès de la Silicon Valley et
du monde des multinationales High Tech. Une série
essentielle, à suivre à partir du 27 octobre sur OCS.

HIS DARK MATERIALS

OCS - Showrunner : Jane Tranter • Avec James McAvoy, Dafne Keen, Ruth Wilson...

ET VIVE LES OURS POLAIRES DE COMBAT ! THE SPY ©

DR

Inspiré de la trilogie de romans fantastiques de Philip Pullman, connu en France sous le titre OCS • Avec Sacha Baron Cohen
À la croisée des mondes, His Dark Materials est une coproduction entre HBO et la BBC, qui
sera diffusée à partir du 5 novembre prochain sur OCS. Le pitch : Lyra, une jeune orpheline, Une mini-série française, avec Sacha Baron Cohen
vit dans un monde parallèle dans lequel la science, la théologie et la magie tiennent une place dans un rôle dramatique où il joue un agent du
primordiale. Suite à l’enlèvement de ses amis, Lyra va découvrir l’existence d’un vaste complot. Mossad qui doit infiltrer le ministère de la défense
Commence alors une quête incroyable à la recherche de réponses concernant un phénomène vue pendant la guerre de 1967 entre Israël et la
étrange appelé « la poussière ». Syrie. Puissant !

©
NETFLIX ©
DISNEY+

BOJACK HORSEMAN ©
NETFLIX

Netflix • Showrunner Raphael Bob-Waksberg

Ultime saison de la série animée WTF de Net-

flix, qui suit la descente en enfer de BoJack (Will
Arnet), un acteur en pleine dépression mentale,
©
DISNEY+
qui tente de survivre à Hollywood. Une série bril-
lante et essentielle !

THE WALKING DEAD S10 ©

DR

OCS • Showrunner Angela Kang

THE WITCHER THE MANDOLORIAN

NETFLIX - Showrunner : Lauren Schmidt
Hissrich • Avec Henry Cavil, Freya Allan...
CHASSE AUX MONSTRES ET SORCELLERIE
Adaptée de la saga littéraire polonaise du
Sorceleur de Andrzej Sapkowski, The Wit-
cher est une série médiévale fantastique
américano-polonaise, diffusée à partir de
décembre prochain. Dans les plaines arides
des Royaumes du Nord, Geralt of Rivia
(Henry Cavil, Man of steal) est un sorceleur,
un mercenaire initié à la magie qui chasse
les monstres. Le destin l’unira à une puis-
sante sorcière et une jeune princesse, avec
qui il devra survivre dans un monde où les
hommes sont les vrais monstres. Une série
que Netflix ambitionne comme étant le pro-
chain Game of thrones !
DISNEY+ - Showrunner : Jon Favreau
Avec Pedro Pascal, Nick Nolte, Gina Carano...
LA SÉRIE TV QUI RELANCERA STAR WARS ?
On est impatient de voir la première série
Star Wars, prévue pour le lancement amé-
ricain le 12 novembre prochain, du nouveau
service de streaming vidéo Disney+. Créée
par Jon Favreau (Iron Man), l’histoire se
déroule cinq ans après la chute de l’Em-
pire, vue dans Le Retour du Jedi (1983), et
vingt-cinq ans avant la création du Premier
Ordre que l’on a pu voir dans Le Réveil de la
Force (2015). La série se présente un peu
comme un western et suit un chasseur de
prime surnommé le Mandalorien dans un
territoire qui se situe en dehors du contrôle
de la Nouvelle République.
Diffusée depuis le 6 octobre, les fans fidèles de
The Walking Dead pourront découvrir la saison
10 de la série, marquée par le départ de Rick la
saison dernière et l’affrontement avec les Whis-
perers ainsi qu’avec Alpha.
©
APPLE TV+
SEE
Apple TV+ • Avec Jason Momoa
Dans un monde post-apocalyptique où les rares
humains qui ont survécu sont devenus aveugles,
Baba Voss doit défendre ses enfants qui sont nés
avec le don de la vision. À découvrir sur le service
de streaming d’Apple.
 GEEK MAGAZINE REVIEWS   COMICS
116 Propos recueillis par ANTONIN LACOMME
TALLI, fille de la lune
ENTRETIEN AVEC SOURYA
TALLI, FILLE DE LA LUNE
a création de manga français
regorge décidément de bien
L belles surprises ! Avec Talli, fille
de la Lune qui nous offre une
épopée fantastique au cœur
d’une fantaisie aux douces résonances de RPG
japonais où la magie est là (mais bannie) et où
les seules à pouvoir manier ce savoir sont… des
femmes. C’est donc une héroïne forte au cœur
d’une intrigue bien sombre que le dessinateur
Sourya a bien voulu nous présenter !
ÉPIQUE ET MAGIQUE !
GEEK MAGAZINE : Comment en êtes-
vous arrivé à devenir dessinateur de
BD et à travailler sur la série Rouge,
spin-off de Freaks’ Squeele, puis sur
Talli, fille de la Lune ?
SOURYA : Je venais de finir mes études
en cinéma d’animation à l’époque, et j’avais
intégré une résidence d’artistes basée à
Angoulême, quand un beau matin, Florent
Maudoux, qui recherchait un dessinateur, m’a
contacté pour travailler avec lui sur le spin off
Sourya
de Freaks’ Squeele. C’était inattendu ; depuis
mon adolescence, dessiner des bandes des-
sinées était un rêve qui m’était très cher !
J’ai accepté sans hésiter, c’est ainsi que mon
aventure en tant que dessinateur de BD a
commencé. Depuis j’ai enchaîné les projets et
aujourd’hui je sors ma toute première série en
tant qu’auteur.
©
ANKAMA 2019
D’où est venue votre inspiration pour
Talli, et votre envie de réaliser cette
histoire de fantasy qui semble très ins-
pirée des RPG japonais ?
Quand j’étais adolescent, j’étais un grand
joueur de ce type de jeux, ils m’ont inspiré à
créer mes premières pages de manga. Après
les devoirs, je passais mes soirées à dessiner
et imaginer des aventures dans ma chambre.
C’était une époque presque magique dans
mes souvenirs et donc pour mon premier
projet personnel, ça me tenait à cœur de
démarrer par une histoire qui rendrait hom-
mage à cette période-là.
Talli est votre premier scénario. Comment
s’y prend-on pour relever le challenge
d’écrire sur un univers de fantasy ?
Pour dire la vérité, je ne suis pas du tout dans mon
élément avec l’univers fantasy. Certes j’adorais
et j’adore toujours les JRPG, mais la plupart des
histoires que j’écris et les personnages que j’ima-
gine aujourd’hui sont plus orientés vers les man-
gas type « tranche de vie » ! C’est donc un vrai
défi, mais j’avais vraiment envie de revenir à la

TALLI, fille de la lune
fantasy, comme une sorte de premier amour.
Je pense que le plus compliqué pour moi, c’est
d’inventer un univers cohérent et crédible, et
pour cela, j’ai voulu simplifier au maximum
son univers pour m’y sentir plus à l’aise et me
permettre de me concentrer sur l’histoire du
personnage principal. En vérité, rien qu’avec
l’histoire et le pouvoir des invocatrices, je me
sens déjà débordé, avec tellement de matière
à exploiter, mais l’écriture est une partie de la
production que j’adore et que j’espère perfec-
tionner au fil du temps.
Vos héroïnes dans Talli comme dans
Rouge sont des femmes fortes à ten-
dance badass plutôt que des princesses
midinettes. Qu’est-ce qui vous inspire
chez ce type de personnage à l’image ?
C’est vrai que j’ai une préférence pour illustrer
des héroïnes, j’adore dessiner les filles. Mais dans
le fond, ce qui m’apporte le plus c’est d’essayer
de créer des personnages intéressants, avec de
la profondeur, et une belle évolution. Talli est au
cœur d’un voyage initiatique qui l’amènera à tra-
verser des étapes clés de son développement,
comme affronter l’indépendance, la recherche
de soi, la transition de l’adolescence à l’âge
adulte. Ensuite, c’est certain que le mouvement
féministe actuel est important et inspirant pour
moi, je serais ravi d’apporter, à mon échelle, une
contribution au combat !
117
ANKAMA 2019
TALLI, fille de la lune
©
«TALLI EST AU CŒUR D’UN
VOYAGE INITIATIQUE QUI
L’AMÈNERA À TRAVERSER
ANKAMA 2019
DES ÉTAPES CLÉS DE SON DÉ-
VELOPPEMENT,(...) LA TRAN-
©
SITION DE L’ADOLESCENCE À
L’ÂGE ADULTE. » - Sourya
Plus qu’une simple quête pour sauver personnes qui soutiennent le mouvement. J’ai
le monde ou l’humanité, Talli cherche eu droit à de superbes posts, des photos, et de
avant tout à vivre avec un pouvoir qui magnifiques fanarts !
s’est imposé à elle dans un monde où
elle est condamnée d’avance. Vers quoi
la quête de Talli va-t-elle l’amener ?
Le message est sûrement personnel à chacun,
l’aventure qu’on doit traverser pour découvrir qui
on est, s’accepter, la place qu’on peut avoir ou
qu’on voudrait avoir dans le monde, et ce qu’on
a à lui offrir. Talli traverse ces étapes-là durant
son voyage, avec cette malédiction qu’elle rejette
depuis le début de son adolescence, qui lui rap-
pelle chaque jour qu’elle est différente. Mais au fil
de l’histoire, ce périple lui apportera des solutions
qui lui permettront de s’épanouir. 
Il y a eu récemment toute une cam-
pagne de soutien pour Talli, menacée
d’un arrêt de la série. Où en est-on de ce
côté-là, car vous annonciez la série en 4
ou 5 volumes à l’origine ?
Oui, l’histoire de Talli est à l’origine en 5 tomes. Mais
les ventes du premier volume l’année dernière ont
été trop mitigées et Ankama Éditions va devoir
arrêter la série au 3e livre si les ventes ne s’amé-
liorent pas. Avec le tome 2 qui est sorti récem-
ment, j’essaie de me battre jusqu’au bout, et
de motiver tous ceux qui aimeraient voir la fin TALLI, FILLE DE LA LUNE
de l’histoire pour relancer la série avec le hash- De Sourya Sihachakr • Éditions Ankama
tag #savetalli ! Je remercie d’ailleurs toutes les Prix 9,95 euros • 2 tomes parus, en cours
GEEK MAGAZINE REVIEWS   LECTURES
118 textes de ANTONIN LACOMME, MARILYS VALLET & NICOLAS FORSANS

AMOUR, LUXE ET CAPITALISME APHORISMES SUR LA SAGESSE DANS LA VIE

De Hiromi IWASHITA, Team BANMIKAS • Éd. Kurokawa • Prix 6,80 euros

LES GRANDS PHILOSOPHES EN MANGAS !

Lancée en septembre dernier, voici KuroSavoir, chez Kurokawa. KuroSavoir propose une série de mangas didactiques dans lesquels les grands cou-
rants de pensée philosophiques sont repris et adaptés en scénarios originaux. Après “Le Capital” de Marx, Nietzsche et «Ainsi Parlait Zaratousthra»,
«Psychologie des foules» de Gustave Le Bon et «Crime et Châtiment» de Dostoïevski, 2 nouveaux tomes arrivent le 14 novembre : «Amour, luxe et
capitalisme» de Werner Sombart et «Aphorismes sur la sagesse dans la Vie» de Arthur Schopenhaueur. MV

©
MITOKON PERESTROIKA © GATARO O MAN 2014 / SHINCHOSHA

MITOCHON ARMAGEDDO TINY BLACK N’ WHITE

DRAGONBALL
De Man Gataro • Éd. Akata • Prix 8,5 euros De P. Biesse • Éd. Faralonn • Prix 34,50 euros

MAIS #WTF ! LA GRANDE ÉVASION

Parfois il y a des mangas qui
trouvent leur public malgré
leur graphisme... Mitochon
Armageddon fait partie de
ceux-là. Un titre hors-norme
comme tous ceux de la nou-
velle sélection “What the
Fuck” de chez Akata. Synop-
sis : “C’est en la date funeste
du 10 juillet 310 du calendrier Mito que le sort
de l’Humanité a basculé : une arche venue d’ail-
leurs a débarqué sur Terre, libérant des nués
d’extraterrestres lubriques…” Des viols par
des extraterrestres insectoïdes, d’implacables
enfants ninjas, des hommes qui jouent avec
leurs déjections… voilà ce qui vous attend. MV
Vous avez peut-être déjà croisé Patrick Biesse
LES RECETTES LÉGENDAIRES dans une convention, nous c’était à la conven-
De T. Villanova • Éd. Glénat • Prix 20 euros tion de Cusset/Star Wars il y a quelques années.
Ce Roannais tatoué est un illustrateur qui s’est
SUPER MIAM ! constitué un sacré réseau de fans à la force du
Quand vous voyez San- poignet et de sa gentillesse légendaire.
goku s’empiffrer ça vous Au fil du temps Patrick Biesse a développé un
donne faim ? Eh bien univers graphique autour du concept des ‘tiny
vous pourrez désormais characters’, une manière bien à lui de représen-
manger comme lui ! ter les plus grands héros en version réduite/
Puisque Glénat sort Les écrasée. Une jeune maison d’édition qu’il est bon
Recettes Légendaires, d’encourager a eu l’excellente idée de publier un
un livre de cuisine qui recueil de toutes les illustrations accumulées
va vous apprendre entre au fil du temps. Un bel ouvrage qui donne un
autres le Curry de Chichi ou la Soupe Wan- aperçu de la générosité de Patrick Biesse qu’il
tan de Tortue Géniale… miam ! MV exprime parfaitement avec le dessin. NF
 119

L’ingrate ! Me faire
LES 5 TERRES
jeter à la mer, Magnifique début d’une très
longue saga chapeautée par
David Chauvel, 5 terres pro-
met de grands moments et

ÉDITIONS DELCOURT, 2019 

la simple lecture de ce tome
introductif laisse déjà en-
trevoir toute la richesse et
la complexité de l’intrigue.
Laissez-vous porter par les

©
intrigues d’une succession au sein d’une cour ani-
malière qui n’a vraiment pas à pâlir devant les intri-
gues de Game of Thrones !
moi qui l’avais tirée
du ruisseau !
©
ÉDITIONS DELCOURT, 2019 – AYROLES, GUARNIDO HEART GEAR

LES INDES FOURBES

Amateur de SF qui va plus
loin que des mechas et des
Hélas ! combats titanesques, Heart
La vie des gueux
est une gueuse. gear propose aussi une plon-
De Ayroles & Guarnido • Éd. Delcourt • Prix 34,90 euros gée dans la psyché humaine à
travers un road trip post-apo-
MICMAC AU NOUVEAU MONDE calyptique à travers les aven-
On en a rêvé, les Éditions Delcourt l’ont fait ! Réunir dans le On même al-
croit avoir tures d’un duo aussi touchant
prise sur elle,
bum Juanjo Guarnido, dessinateur réputé de Blacksad, spécialiste de que dynamique. Tsuyoshi
la couleur directe, et Alain Ayroles, scénariste de Garulfo et De cape et Takashi, déjà grand maître de l’action, dévoile ici
de crocs à la plume truculente ! Ce duo incomparable a composé une son côté sensible avec une série vraiment à part. PS
folle et truculente aventure amérindienne au temps des conquistadors
où sous le prétexte de la recherche d’Eldorado on nous offre le périple
extraordinaire de l’arnaqueur et filou don Pablos de Ségovie ! Magnifique SHADOWMAN
fresque humaniste à l’humour qui part tous azimuts, on se laisse balader Le super-héros le plus torturé de
entre périls et jacasseries avec un Ayroles à la barre qui n’a pas son pareil l’univers Valiant débarque enfin
pour brouiller les pistes et un Guarnido au dessin enchanteur... Les Indes chez nous avec Shadowman !
fourbes est incontestablement l’œuvre de la rentrée 2019. PS
mais c’est elle qui, Hanté par les loas, des esprits
toujours, garde la main.
vaudou qui ont l’art de tourmen-
ter leurs hôtes, Jack Boniface de-
©
URBAN COMICS, 2019 ©
ÉDITIONS DARGAUD, 2019
15 vra autant affronter les spectres
malfaisants qui hantent notre monde que ses dé-
mons intérieurs qui le rongent… PS
INDES FOURBES_FR.indd 15 25/04/2019 12:51

LE VAGABOND DES ÉTOILES

Dans cette magnifique adapta-
tion du roman de J. London par
le grand Riff Reb’s, le condamné
à mort Darrell Standing attend
l’heure de son exécution. Il se

MÉCANIQUE CÉLESTE projette dans ses existences an-

BARRIER
térieures et revit les épisodes clés
De Merwan • Éd. Dargaud • Prix 24,99 euros de l’Histoire, en témoin de l’injustice du destin et
de la folie des hommes… Un sublime procès contre
De Brian K. Vaughan & Martin Marcos LA GRANDE ÉVASION l’univers carcéral et un très bel hommage à la puis-
Éd. Urban comics • Prix 22,50 euros À quoi ressemblera de- sance de l’imaginaire. PS
main ? Les auteurs de
RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE bande dessinée imaginent
Ça y est, le duo mythique qui a révolutionné la l’avenir depuis longtemps, RECORD OF
création numérique par son pamphlet contre suivant les enjeux de leur GRANCREST WAR
la société 2.0 remet le couvert ! Après The pri- époque ! Merwan nous Vous vous souvenez
vate eyes, Brian K. Vaughan et Marcos Martin propose une vision du fu- des Chroniques de la
nous offrent avec Barrier une réflexion sur la tur où la société de l’en- Guerre de Lodoss ?
xénophobie en pleine psychose trumpienne. tertainment aurait pris le Eh bien le créateur
À la frontière entre le Texas et le Mexique, pas sur… la raison ! Au lendemain d’un effon- de cet univers – Ryo
la rencontre à bout portant entre Oscar, un drement généralisé, le destin des nouveaux Mizuno – a repris
wetback hondurien, et Liddy, la propriétaire peuples se joue à la Mécanique Céleste, où les la plume pour nous
d’un ranch, vire au fantastique quand une jeux du cirque ont remplacé la diplomatie… offrir une nouvelle
troisième entité intervient et… les kidnappe. Mécanique Céleste explore ainsi les aspects série de light novels
Nos deux Terriens vont réaliser peu à peu que les plus héroïques comme les plus mesquins toujours dans un
ce qui les séparait n’est rien face à cette ren- des grandes compétitions sportives. En un univers heroic-fantasy épique : Record of
contre… du troisième type ! PS mot, jubilatoire et… effrayant. PS Grancrest War. À suivre absolument ! MV
 GEEK MAGAZINE REVIEWS   JEUX VIDÉO
120 Propos recueillis par FABRICE FADIGA
Blacksad : Under the skin
QUAND LE CHAT N’EST PA S L A S, LES SOURIS (ET MANET TES) DANSENT
BLACKSAD
A
nnoncé à l’origine par Microïds pour
une sortie fin 2018, le jeu Blacksad :
Under the skin se sera montré aussi
insaisissable que son félin de héros,
esquivant même sa dernière échéance du
26 septembre pour tranquillement se pelo-
tonner au mois de novembre, le 5, plus pré-
cisément. Enfin, pas si insaisissable que cela.
En juillet dernier, le studio de développement
francilien ouvrait ses portes à une poignée de
journalistes pour une session de test du jeu et
surtout – c’est ce qui va nous intéresser – une
rencontre avec Nouredine Mohamed-Saad,
producer du jeu chez Microïds, et Carlos
Colomé Garcia, senior programmer du
studio espagnol Pendulo, spécialisé dans le
point & click. Nous pourrions en effet consa-
crer ce papier à la retranscription du game-
play, mais nous sommes certains que les sites
et magazines de jeux vidéo de qualité le feront
bien mieux. Nous allons plutôt vous immerger
au cœur de l’« interrogatoire » de ces mes-
sieurs et vous distiller les indices glanés sur
le jeu, qui a depuis remporté le prix du meil-
leur jeu d’action-aventure lors de la dernière
Gamescom, en Allemagne. Rien que ça !
©
PENDULO STUDIOS, YS INTERACTIVE
LES MOYENS
DE SES AMBITIONS ARTISTIQUES ?
Microïds et Pendulo appartenant au
groupe Média Participation – dont Dar-
gaud l’éditeur de la bande dessinée Black-
sad fait partie, soit dit en passant – depuis
son intégration au portefeuille de marques
de l’éditeur de jeux vidéo Anuman Interac-
tive en 2009, nous avons affaire à un choix
de développement de la licence en interne.
Pour plus de maîtrise et de fidélité au maté-
riau d’origine en ayant des bureaux situés
à quelques cloisons de ceux de Dargaud ?

Blacksad : Under the skin
Peut-être. Pour le statut de profession-
nels chevronnés du jeu vidéo de l’équipe et
pour sa passion pour la BD ? Certainement.
Nouredine Mohamed-Saad a ainsi indiqué
qu’il était déjà fan et qu’il s’agissait donc
une aubaine de travailler sur ce jeu. Carlos
Colomé Garcia, quant à lui, ne connaissait
pas la bande dessinée mais l’a depuis lue et
adorée, aidé dans son appropriation de l’uni-
vers par ses collaborateurs, pour la plupart fans
de la première heure.
Dans la quête d’une fidélité optimale, les
auteurs de Blacksad ont été rencontrés dès le
début du projet et c’est même Juanjo Guar-
nido – le dessinateur attitré de la série – qui a
validé le design de tous les personnages du jeu,
qu’il s’agisse de ceux issus de la bande dessi-
née ou de ceux créés spécialement pour le jeu
vidéo. Juan Díaz Canalès – le scénariste de la
série – a quant à lui vérifié les scripts et s’en est
même imprégné pour le futur tome 6, avec un
personnage de boxeur qui servira plus de clin
d’œil que d’élément transmédia à proprement
parler, l’intégration du jeu au canon étant plutôt
compliquée. À ce sujet, en termes de chronolo-
gie, Under the skin se situe entre le tome 2 et le
tome 3 de la bande dessinée.
©
DR
Nouredine Mohamed-Saad ©
DR
121
©
PENDULO STUDIOS, YS INTERACTIVE
Carlos Colomé Garcia ©
DR
Blacksad, ce sont aussi et surtout des PREMIERS PAS VERS
gueules, des expressions et des postures UN FILM BLACKSAD ?
qui sautent aux yeux et percutent le cervelet Avec son ambiance léchée et son emprunt
des lectrices et lecteurs, leur donnant par- des codes cinématographiques, rares sont
fois autant d’informations – voire plus – que les licences du paysage des propriétés intel-
les dialogues et descriptions dans la bande lectuelles franco-belges aussi idéalement
dessinée. Il fallait donc qu’il en soit de même taillées que Blacksad pour une adaptation sur
dans le jeu vidéo, avec des dialogues et des grand écran. La question a donc été évoquée
phases d’observation des réactions des per- avec Nouredine qui a malheureusement
sonnages représentant la majeure partie des indiqué que cela n’était pas d’actualité mais
phases de gameplay. Un intérêt tout parti- non exclu pour autant. En tant que pionnière
culier a donc été porté à la motion capture dans l’exploitation multimédia du personnage
qui a été réalisée à l’extérieur de Pendulo de Guarnido et Canalès, Microïds aura son
au début pour ensuite être internalisée. Les mot à dire et donnera probablement le ton
principales difficultés, de l’aveu même de pour les futures déclinaisons sur d’autres sup-
Carlos et Nouredine, venaient de l’an- ports. Concrètement, cela signifie qu’il serait
thropomorphisme des animaux : comment par exemple possible de reprendre le cast
caler une synchronisation labiale lors d’une d’acteurs du jeu dans le cadre de la réalisation
phase de dialogue d’un fourmilier ? Il a d’une série animée. Pour ce qui est de celui du
donc fallu donner des briefs bien précis aux film, rien n’est moins sûr, mais dans le doute,
acteurs et prendre en compte les gabarits le nom d’Idris Elba, pour la motion capture
des animaux au niveau du jeu des acteurs. d’un John Blacksad en CGI, aura au moins été
De l’aveu des interviewés, la présence d’un glissé à Nouredine au cours de la rencontre
acteur dans l’équipe des programmers a par un forceur dont on taira le nom.
aidé à fluidifier les échanges.
Toujours à propos des acteurs, les auteurs de
la bande dessinée ont eux-mêmes choisi les voix
qui incarneraient au mieux les personnages de
leur univers et c’est ainsi qu’en version française,
notre cher John Blacksad s’exprime avec le
timbre rocailleux de Jérémie Covillault, voix
de Tom Hardy depuis Batman : The Dark Knight
Rises, tandis qu’en Espagne, il s’agit de la voix
ibérique de Hugh Jackman. Eh non, ce n’est
pas encore pour cette fois, le détective dur à
cuire avec une voix de chaton. Aux États-Unis –
pays dans lequel se déroule l’action de la licence
–, c’est Barry Johnson, la voix du commis-
saire Jeffrey Fowler dans Detroit : Become
Human, le dernier jeu narratif en date de Quan-
tic Dream qui prête ses puissantes cordes
vocales au détective. Toujours pour le plaisir des
oreilles des joueuses et joueurs, Inon Zur, le
compositeur des musiques de la saga Syberia BLACKSAD : UNDER THE SKIN
et de Dragon Age a été appelé pour poser l’am- D e Pe n d u l o S t u d i o s , Y S I n t e r a c t i v e
biance sonore jazzy et polar du jeu. Sur PS4 / Switch / One/ PC / OS • 49,99 euros
GEEK MAGAZINE REVIEWS   JEUX VIDÉO
122 textes de PIERRE-ÉRIC SALARD
THE SINKING CITY CONTROL
Frogwares/Big Ben interactive
PC/PS4/ONE/SWITCH • 44,99 euros
À L’OMBRE DE LOVECRAFT
Après avoir déve-
loppé une série
de jeux d’enquête
(plutôt réussis)
basés sur la licence
Sherlock Holmes,
Frogwares s’est
attaqué à l’œuvre
de Lovecraft. Et
c’est justement
un ancien soldat
traumatisé par
©
DR les horreurs de
la Première Guerre mondiale que l’on incarne
dans ce jeu qui nous invite à enquêter au sein du
(petit) open world de la ville côtière d’Oakmont,
précédemment victime d’une inondation. Si le
jeu pâlit techniquement (il ne s’agit pas d’un
jeu à très gros budget), l’ambiance pesante
rend plutôt brillamment hommage aux univers
effrayants imaginés par H.P. Lovecraft. Mal-
heureusement, de piètres séquences d’action
viennent handicaper une série de mécaniques
d’enquêtes qui nous incitent à progresser dans
l’histoire. Au final, le résultat est, malheureuse-
ment, en demi-teinte. The Sinking City possède
toutefois un charme parfaitement adapté aux
festivités d’Halloween. À petit prix.
©
DR
H E AV E H O
Cartel/Devolver Dig. • PC/SWITCH • 99,99 euros
À MOURIR DE RIRE
Ce jeu porte particulièrement bien son nom : Oh
Hisse ! Et il va falloir en grimper, des obstacles,
pour voir le bout des niveaux proposés, tous plus
fous les uns que les autres. Dans ce jeu en 2D,
vous incarnez une tête dotée de deux bras parti-
culièrement élastiques. Chaque joystick contrôle
un bras, et les gâchettes permettent de faire
adhérer les mains aux différentes surfaces. À
mi-chemin entre le jeu de plateforme et le puzzle
game, Heave Ho prend tout son sens en multi-
joueur (jusqu’à 4 joueurs, en local). Vous voilà à
former des chaînes humaines au-dessus de pics
acérés, tout en agrippant un joyau. Les situa-
tions deviennent soudain hilarantes, et Heave
Ho rejoint immédiatement les valeurs sûres de
la coop’ en local aux côtés d’Overcooked, Rocket
League, Nidhogg ou Broforce. Une pépite.
Re me d y/5 0 5 G ame s • PC/ PS 4/O N E /
SWITCH • 49,99 euros
HISTOIRES FANTASTIQUES
Si leur projet trans-
média Quantum
Break nous avait
laissés sur notre
fa i m , Re m e dy
retrouve enfin la
grâce d’Alan Wake
pour une aven-
©
DR ture marquante,
de bout en bout. Dans ce TPS fantastique dont
les combats deviennent graduellement spec-
taculaires, Jesse Faden, une jeune femme à
la recherche de son frère disparu, se retrouve
enfermée dans le dédale du Bureau fédéral de
Contrôle, à New York. Elle en devient soudain la
directrice, en lutte contre l’invasion d’une espèce
transdimensionnelle. Visuellement magnifique et
doté d’une direction artistique tirant vers le style
architectural du brutalisme, Control marie parfai-
tement un gameplay énergique et une narration
captivante, nimbée de mystères. On prend un
grand plaisir à parcourir cet immense complexe,
et à l’explorer à nouveau lorsque l’on débloque un
pouvoir. Car Control transpire le fantastique par
tous ses murs, que les adversaires refaçonnent
pour mieux nous perdre dans un dédale transdi-
mensionnel. Remedy signe ainsi l’un des jeux de
l’année. À ne pas rater.
©
DR
C RY IN G S U N S
Alt Shift • PC/MAC • 20,99 euros
LES FONDATIONS D’UN SPACE OPERA
Séduit par la promesse de la fusion entre le
jeu FTL : Faster than Light et les romans Fon-
dation d’Isaac Asimov promis par l’équipe du
studio français Alt Shift, j’avais participé à sa
campagne de financement participative, il y a
quelques années. À l’arrivée, Crying Suns ne
dispose pas de la durée de vie de FTL, les ren-
contres aléatoires… ne l’étant pas assez. S’il
pêche par un aspect « rogue-like » qui n’a pas
trouvé sa forme définitive (ce qui peut être
modifié lors d’éventuelles mises à jour), le jeu
est cependant très solide. Haletants, les com-
bats spatiaux, sous forme de jeu de stratégie
en temps réel (que l’on peut mettre en pause),
représentent le point fort du jeu. L’histoire,
qui dissimule mal l’amour des auteurs pour
les œuvres d’Asimov ou Frank Herbert, est un
pur récit de space opera. Au final, nous vous
recommandons chaudement ce jeu, dont une
démo est disponible.
©
DR
SUBNAUTICA: BELOW ZERO
Unknown Worlds Ent • PC/Mac • 16,79 euros
L’ÂGE DE GLACE Son développement ne sera
terminé qu’en 2020, mais cette « extension
standalone » de Subnautica dispose déjà de
tous les atouts de son excellent prédécesseur.
De nouveaux biomes, outils, créatures, véhi-
cules enrichissent l’expérience originale – men-
tion spéciale pour le « train sous-marin » que l’on
peut équiper selon les besoins de chaque mis-
sion. N’hésitez pas à replonger !
©
DR
THIS WAR OF MINE
STORIES FADING EMBERS
De 11 bit Studios • PC/Mac/Linux • 3,99 euros
(season pass à 6,99 euros pour 3 épisodes)
SA PLACE N’EST PAS DANS UN MUSÉE
Cinq ans après sa sortie, This War of Mine
obtient une nouvelle extension axée sur
la narration. Cette fois-ci, l’histoire tourne
autour de la sauvegarde du patrimoine cultu-
rel en temps de guerre. Avec les traditionnels
choix terribles que ce jeu nous a toujours
contraints de faire. À ne pas rater si vous
aimez le jeu original.
©
DR
NO MAN’S SKY BEYOND
Hello Games • PC/PS4/One • 54,99 euros
UN RÊVE DEVENU RÉALITÉ Trois ans plus
tard, No Man’s Sky atteint enfin la matu-
rité, et réalise les promesses qui avaient
précédé sa sortie. Non seulement la mise à
jour Beyond facilite-t-elle l’accueil des nou-
veaux joueurs, mais elle ajoute le support
de la VR et un hub social permettant de se
retrouver entre amis. Sans compter des
dizaines de mécaniques qui permettent de
donner libre cours à notre imagination. Le
ciel n’est plus une limite.
©
DR
STAR WARS PINBALL
Zen Studios/Nintendo • Switch • 29,99 euros
L’ÉTOILE NOIRE DANS LA POCHE Vous
souhaitez retrouver la saga dans les trans-
ports malgré tous les produits Star Wars
sortant en cette fin d’année ? Ce jeu a été
pensé pour vous. Comme à son habitude,
Zen propose 19 tables très réussies, dont les
décors sont tirés de tous les films et séries
d’animation. On ne s’en lasse pas.

TOLKIEN, VOYAGE EN TERRE DU MILIEU 
Du 22 octobre 2019 au 16 février 2020 • BNF.FR
L’EXPOSITION PRÉCIEUSE
À paris, la BNF consacre une exposition à J.R.R.Tolkien. Avec près de
300 pièces, c’est la plus grande jamais organisée. Elle mettra en valeur
les paysages, peuples et langages inventés par l’auteur du Seigneur
des anneaux et du Hobbit à travers des manuscrits calligraphiés, notes
de travail et dessins originaux. On y verra notamment des cartes dessi-
nées, des aquarelles ou encore des poèmes en langue elfique. Montée en
étroite collaboration avec la famille de Tolkien, le Tolkien Estate, et diffé-
rentes bibliothèques universitaires, c’est un véritable voyage en Terre du
Milieu qui nous est proposé. MC
IRL REVIEWS   GEEK MAGAZINE
textes de MARIE CARBONNIER & OLIVIER OLTRAMARE 123
PARIS GAMES WEEK 
Du 30 octobre au 3 novembre 2019 •PARISGAMESWEEK.COM
10 ANS DÉJÀ !
La grande messe des gamers revient du 30 octobre
au 3 novembre à Paris et même plus précisément
à la Porte de Versailles ! Comme à chaque fois
c’est une excellente occasion de se tenir au jus
de toutes les nouveautés vidéoludiques, voire
même de les tester un brin avant de casser sa
tirelire. C’est bien sûr le grand rendez-vous de
tous les éditeurs de jeux, des plus grands aux plus
modestes, l’occasion pour eux de rivaliser d’in-
ventivité pour créer des stands de toute beauté aux couleurs de leurs
licences fétiches. Bref, le rendez-vous geek qui supplantera peut-être
même halloween cette année ! OO
VAMPIRES, DE DRACULA À BUFFY  
Du 9 octobre au 19 janvier 2020 • CINEMATHEQUE.FR
TOURISME LONDONIEN...
À Paris, la cinémathèque organise
une exposition, doublée d’une série
de projections et rencontres, autour
du thème du vampire. Tout y sera
passé en revue, du roman de Bram
Stoker aux nombreuses adaptations
cinématographiques, en passant par
les séries tv, la littérature, la peinture
et la photographie. Avec une centaine
d’extraits de films, l’exposition met en
valeur la fascination que le vampire
exerce sur la pop culture. MC
LA TAPISSERIE GAME OF THRONES À BAYEUX
Actuellement et jusqu’au 31 décembre 2019 • BAYEUXMUSEUM.COM
UN CHANT DE LIN ET DE COTON
Retraçant les 8 saisons de la série, une tapisserie Game of Thrones a été
créée à l’initiative de l’office du tourisme d’Irlande. Pour cause, beaucoup
de scènes de la série ont été tournées là-bas ! (cf, la rubrique tourisme
geek de notre numéro S10E01/mai–juillet 2019). Comme elle s’inspire de
la tapisserie de Bayeux, elle ne pouvait avoir un premier lieu d’exposition
plus symbolique. En plus, c’est gratuit ! MC
GEEK MAGAZINE REVIEWS   JEUX DE RÔLE
124 textes de CYRIL ROLLAND

RES ARCANA
Ed. Sand Castle Games • 35 euros

8 ARTEFACTS, 8 OBJETS MAGIQUES... ET PAS UN DE PLUS

La bonne surprise ludique du moment se

nomme Res Arcana, un jeu de cartes créé
par Tom Lehmann. On y incarne un mage,
parmi 10 disponibles, qui devra combiner
ses 8 cartes artefacts (tirées aléatoirement
à chaque partie sur un ensemble de 40, ce
qui donne une bonne rejouabilité) avec les
8 objets magiques disponibles pour chaque
session de jeu. Au fur et à mesure de la par-

7  MER
E
tie il sera possible d’acquérir monuments et
autres lieux de puissance, le but étant d’être le premier à obtenir 10 points
de victoire. Le jeu repose sur une mécanique de gestion et d’opportuni-
©
DR tés, il faudra donc se débrouiller et optimiser avec ce dont on dispose
Ed. studio Agate • environ 35-45 euros par livre comme artefacts et comboter au maximum. Fluide et facile à prendre en
main, le jeu devient vite addictif.
AVEC PANACHE SACREBLEU !
La gamme 7e Mer, l’excellent jeu de rôle de cape et d’épée, continue de ©
DR
s’étoffer en VF avec les sorties respectives de Héros & Scélérats ainsi que
les deux volumes Nations de Théah. À noter que chaque ouvrage est dis-
ponible en deux versions : l’édition classique et l’édition Montaigne, au
contenu identique mais avec des couvertures alternatives superbes et
spécifiques à chaque pays où le jeu est sorti. Héros & Scélérats apportera
au MJ tout un ensemble de personnages (80 au total) divisés en sous-
catégories (indomptables, virtuoses, stratèges, braves, filous pour les
Héros et sanguinaires, caméléons, conspirateurs, fléaux, déments pour
les Scélérats). Récurrents ou non, les PNJ présentés seront utiles pour
« habiller » les parties. En ce qui concerne les deux volumes de Nations
de Théah, tout est dans le titre mais ces livres sont des indispensables de
la gamme 7e Mer tant ils enrichissent et apportent un éclaircissement sur
les contextes où se passent les aventures du jeu.

LA FIN DU MONDE :
INVASION EXTRATERRESTRE
ED. Edge • environ 35 euros

TOUS AUX ABRIS !

WARHAMMER
Ed. Khaos Project • Prix 55 euros

Après Apocalypse Zombies et la Colère RETOUR DANS LE VIEUX MONDE

des Dieux, le Jeu de rôle La Fin du
Monde continue sur sa lancée avec
ce troisième opus consacré cette fois
aux invasions extraterrestres. L’ori-
ginalité de cette gamme tient au fait
que les joueurs ne joueront pas un
personnage fictif comme dans la plu-
part des JdR sur table mais s’incar-
neront eux-mêmes dans un contexte
imaginaire et... ça change tout ! Ima-
ginez-vous dans ce genre de situation,
que feriez-vous ? Non vous n’avez pas
de super-pouvoirs, non vous n’avez pas
d’équipement digne d’un commando
d’élite, vous êtes vous, mais confronté
à une situation apocalyptique. Cette
fois les extraterrestres débarquent et l’ouvrage reprend le schéma de la
gamme à savoir : une introduction, les règles, des conseils pour diriger
la partie et surtout des scénarios (apocalypse/post-apocalypse) avec
contextes, scènes et bestiaires associés. Simple et efficace, on attend
La Révolte des Machines qui devrait clore la série.
Ce bon vieux Warhammer et son uni-
vers de dark fantasy revient pour une
quatrième édition de haute volée. Après
la destruction du Vieux Monde voulu
par les auteurs et l’éditeur du jeu de
figurines éponyme (mais contesté par
de nombreux fans justement attachés
au Vieux Monde) et qui a donné lieu à
Age of Sigmar, plus hight fantasy, voici
que revient en jeu de rôle Warhammer
fantasy et son univers sombre peuplé,
entre autres, de Nains tueurs de Trolls,
de dieux du Chaos (Khorne le dieu du
sang et seigneur des batailles, Tzeentch
le dieu du changement et des sorciers, Nurgle le dieu de la déchéance
et des maladies, Slaanesh le dieu des plaisirs et des excès), de cultistes
dévoués, de démons, de Skavens (les fameux hommes-rats embléma-
tiques), d’hommes-bêtes, de vampires et autres joyeusetés. La couver-
ture fait référence à la v1, qui a marqué toute une génération de rôlistes.
On attend désormais le reboot en sauce v4 de la mythique Campagne
Impériale, une des plus connues en JdR sur table.
A B O N N E Z- V O U S P O U R L A S A I S O N 1 1
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P126 / GEEK MAGAZINE / CAPTAIN BICEPS
PROPOS RECUEILLIS PAR SYLVAIN NAWROCKI

©
ZEP & TEBO

SUPER-HÉROS &
COUR DE RÉCRÉ
Captain Biceps est de nouveau dans les rayonnages avec un tome 7 ! Cela faisait cinq ans
qu’il ne s’était plus mesuré à la galaxie de super-héros qui peuplent les pages de comics.
Zep et Tebo, créateurs du personnage pour le magazine Tchô au début des années 2000,
ont accepté de nous parler de ce super-héros pas comme les autres.

003 C
 GEEK MAGAZINE : Avant tout, histoire de ne pas être perdus, pouvez-vous nous
indiquer précisément où se place ce nouvel album de Captain Biceps au sein des
chronologies Marvel, DC et autres ?
ZEP : Dans le multivers !
TEBO : Avec Captain Biceps, on s’est dit « On veut mettre des super-
héros, il va péter la gueule à des super-héros », et là, on avait envie de
remettre des super-héros qu’on avait utilisés dans les tomes 1 et 2,
avec des héros mythiques comme Spider-Man, Batman ou Iron Man,
qui depuis, ont repris le devant de la scène.
ZEP : De toute façon, Captain Biceps, c’est le plus grand multivers
du monde des comics, parce qu’à la fois il se bat dans le monde
des Avengers, Dragon Ball, Harry Potter, donc il fait vraiment tout le
monde. Il est œcuménique, il casse la gueule à tout le monde, il ne
fait pas de discrimination.
Du coup, c’est pas vraiment un anti-héros, ni tout à fait un héros, est-ce
que c’est un non-héros ?
TEBO : Oui et non, parce que quand on regarde les comics, il y a souvent
eu des crossovers, et quand deux héros se rencontrent, au début, ils
vont pas se battre directement contre un méchant. Il se croisent, ils se
demandent ce que l’autre fout là, et ils se démontent un peu la gueule,
et après quand le méchant arrive, ils lui pètent la gueule à deux.
ZEP : Ils sont d’une nature assez violente, de base. Il faut qu’ils tapent.
TEBO : Ça part toujours d’un malentendu. Comme cet épisode où Spider-
Man poursuit Electro, qui a kidnappé un enfant qui a la peste, je crois. Et
Captain America est là pour dire à Spider-Man « Dégage, t’as rien à faire
là, parce que t’es pas immunisé comme moi », et au lieu de lui dire de s’en
aller, il lui pète la gueule ! Et c’est seulement après dix pages de baston qu’il
lui dit que le gamin a la peste et que c’était pour le protéger. Biceps, c’est
un peu la même chose. C’est un peu la cour de récréation, en plus violent.
ZEP : Et il doit affirmer qu’il est le plus balèze des super-héros, donc ça
peut passer qu’en écrasant la tronche de tous les autres.
Plus sérieusement, c’est donc le
septième opus de la série, com-
ment le personnage a évolué
au sein de la série, et est-ce que
vous imaginiez que ça donne-
rait ça au bout de 15 années ?
ZEP : Intellectuellement, il n’a
pas beaucoup évolué, mais
graphiquement, pas mal ! Le
design du personnage, il se
trouve sur le premier album,
après il trouve son look de
croisière, et c’est vrai que
©
ZEP & TEBO graphiquement, ton dessin,
il a pas mal évolué, d’ailleurs, si je peux me permettre, j’ai toujours
trouvé que sur la couverture du premier album, Captain Biceps a une
énorme paire de seins !
TEBO : Oui, c’est vrai ! (rires) Je sais pas s’il faudrait que je refasse la première
couverture ! Quand je regarde les premiers albums, je me dis que je ne ferais
plus mes dessins comme ça, mais à l’époque, ça me prenait du temps ! Il y a
Biceps contre Spider-Man dans le tome 1, j’ai dû mettre 15 jours pour la faire,
alors que maintenant je la ferais en même pas deux jours !
Quand vous avez commencé en 2004, les super-héros n’avaient pas du tout la
même popularité que depuis quelques années, en tout cas en Europe. Comment
ça a commencé Captain Biceps, 003 CAPTAIN BICEPS T07[BD].indd 40
quelle était l’impulsion ?
ZEP : Fred (Tebo, pour les
intimes), il a toujours dessiné
du super-héros. Quand je l’ai
connu, on avait vu des pages
que tu avais faites pour un
concours, et tu avais envoyé
plein de projets, au moment
où on était en train de mon-
ter le magazine Tchô, et dans
CAPTAIN BICEPS T07[BD].indd 25
©
ZEP & TEBO
« Pour Captain Biceps, on voulait
tous les deux exploiter le potentiel
comique des super-héros, et en
plus créer des super-héros » - Zep
tes projets, il y avait des parodies de super-héros, plein de trucs mar-
rants avec des super-héros. Mais on voulait de l’histoire contemporaine
autour de la vie scolaire, et de la vie des enfants, et puis quand on est
passés à un format plus grand du magazine, tout à coup il a fallu qu’on
trouve d’autres rubriques parce qu’il y avait beaucoup plus de pages,
il y avait eu le Spider-Man de Sam Raimi, donc je voulais qu’on ait une
rubrique mensuelle où on présenterait chaque fois un super-héros que
les enfants ne connaissaient pas, pour savoir qui est Daredevil, qui est
Iron Man, et la manière de le présenter serait de le voir se « fritter » avec
le super-héros de la maison, qu’on ait un super-héros local qui pète la
gueule à chaque fois en trouvant le point faible de ces super-héros
classiques. Et ce qui m’amusait surtout, c’était cette petite bande « Le
saviez-vous ? » sur le côté, où on racontait les origines. Donc j’en ai fait
deux ou trois, et comme je savais que Fred était LE super spécialiste
des super-héros et qu’il voulait raconter ça, je les ai montrés à Fred, qui
m’a dit, « C’est moi qui le fais ! ».
TEBO : Parce qu’au début, il voulait le faire lui-même ! Il m’a juste montré
en me demandant ce que je pensais de cette rubrique, et j’ai répondu
«  Eh oh, c’est pour moi un truc comme ça ! » (rires). J’étais dégoûté
quand il m’a montré un truc de super-héros alors que ça faisait des
années que j’en proposais pour Tchô et qu’on me disait non. Et finale-
ment, c’est parti comme ça.
Vous vous connaissiez un peu avant ? Il y a des similitudes dans vos travaux
individuels respectifs, j’imagine que ça n’a pas été difficile de vous rassembler.
ZEP : On était en train de monter le magazine Tchô, et on cherchait du
monde ! Parce que même si tout le monde cherchait des magazines,
c’était pas si facile de trouver une équipe.
TEBO : Surtout que vous cherchiez surtout des débutants.
ZEP : Oui, l’idée, c’était aussi de créer un laboratoire, et je voulais pas
reprendre des séries existantes. Au début, en plus, c’était un format
un peu étrange, une sorte de grande carte routière, et on ne pouvait
pas forcément mettre des pages de BD ; c’était du strip, c’était des
pages en hauteur et des formats un peu bâtards, donc il fallait des
gens qui acceptent de jouer le jeu et de mettre des personnages dans
tous les sens, d’illustrer des rubriques. Donc d’abord, j’ai demandé à
mes copains comme Buche, Mix & Remix, Tom Tirabosco, et comme le
journal n’existait pas encore,
on ne recevait pas de proposi-
tions. Chez Glénat, il n’y avait
pas de tradition de BD humo-
ristique ou jeunesse, donc ils
recevaient peu de dossiers.
Alors chaque fois que j’allais
en festival, on parlait du pro-
jet, et au festival de Sierre,
en Suisse, on est tombé sur
les pages de Tebo et on
©
ZEP & TEBO
04/07/2019 13:32
P128 / GEEK MAGAZINE / CAPTAIN BICEPS

ZEP & TEBO

©

l’a contacté. Et donc la première fois qu’on s’est rencontrés, c’était à

Genève, avec Jean-Claude Camano, qui était mon éditeur et qui a été « Quand on se balade dans les magasins,
après l’éditeur de Tchô, Buche, et toi.
TEBO : Et moi, c’était la première fois que je rencontrais un auteur de BD on voit des figurines Marvel dans tous les
avec qui discuter. Je l’avais bien fait une fois en dédicace à 13 ans, mais
après, j’habite à Caen, en Normandie, et je ne rencontrais personne qui sens, et si j’avais vu ça quand j’avais dix
dessinait de manière professionnelle. J’aimais bien ses BD, je connais-
sais déjà un peu Titeuf que j’avais découvert grâce aux cartes postales, ans… À l’époque, j’avais des Playmobil
que j’avais trouvées hilarantes, et je me disais que c’était ce que j’avais
envie de faire, avec ce genre d’humour. que je déguisais en super-héros » - Tebo
ZEP : Pour Captain Biceps, on voulait tous les deux exploiter le poten-
tiel comique des super-héros, et plus de créer des super-héros,
parce qu’à ce moment-là, on pouvait pas trop parodier, parce que je peux effectivement faire des couilles arrachées. Un de mes person-
Iron Man, à l’époque, les enfants qui lisaient Tchô savaient pas for- nages peut finir en bouillie, il n’est pas vraiment mort… Il est juste en
cément qui c’était, donc dans les premiers Biceps, on a vraiment mauvais état… Bon, il a les tripes à l’air, mais ça va !
inventé beaucoup de personnages, et on s’est bien marrés à faire ça. ZEP : D’ailleurs, on a tout un public adulte, fan de Captain Biceps.
Glue Man, Pacific Man…
TEBO : Là, dans le tome 7, il y a Merde Molle Man (rires). Il y a un style très particulier dans Captain Biceps, du dessin à la mise en
ZEP : On voulait jouer avec la limite de la transgression parce qu’on est page, l’absence fréquente de cases définies, les doubles pages, jusqu’aux
quand même dans une revue jeunesse, et on s’amusait à faire des his- encarts un peu partout, qu’est-ce qui vous a inspiré cette façon de mettre
toires où Biceps peut même faire un fist fucking à un Yéti, et là, il y a en images ces aventures ?
Stan Lee qui a des personnages qui lui sortent du rectum ! Ça marche ZEP : En fait, ça s’est dessiné comme ça tout de suite, et c’était plus
avec le dessin de Fred ; les gamins sont pétés de rire, même quand il du théâtre que du cinéma ; on partait sur un forum dans le journal.
dessine un personnage qui s’est battu, qui a une couille arrachée qui «  Aujourd’hui, nous accueillons Spider-Man » et paf on lui bousillait la
traîne par terre, ça les fait rire, c’est pas dégueulasse. C’est toujours tronche par Captain Biceps, qui repart après en disant « Captain Biceps ».
marrant et ça pose pas de problème ! C’est quasiment toujours comme ça qu’est construit le gag. Et ce qui est
TEBO : Personne s’est plaint de Captain Biceps ! marrant, c’est de trouver ce qui va se passer entre les deux. Donc on a
ZEP : Avec un autre dessin, c’est vrai qu’on pourrait avoir des problèmes cette histoire où on est « comme sur une scène de théâtre », avec des per-
avec ce genre de choses, mais là, son dessin fait que ça passe. sonnages en pied, de temps en temps un petit gros plan, mais la plupart
du temps, Fred doit se fader toutes les scènes avec les deux personnages
Qu’est-ce qui vous plaît dans la bande dessinée avant tout destinée en pied. Alors de temps en temps on fait une histoire en 3 à 5 pages, où on
à un jeune public ? peut faire du vrai cadrage comics avec des gros plans, des décors, mais
ZEP : On s’est rendu compte qu’on a un dessin qui plaît aux enfants. Quand autrement on est toujours dans cette unité de mise en scène.
j’ai commencé à faire Titeuf, il n’y avait pas de bande dessinée jeunesse
chez Glénat, et pour moi c’était pas non plus de la BD jeunesse. Avec
Biceps, on fait de la BD qu’on aime, nous, mais on se dit jamais « Qu’est-
ce qu’on va raconter aux enfants ? » Dessiner c’est un truc enfantin, et
nous, on est des adultes qui dessinons. S’amuser, raconter des histoires,
il y a un côté tour de magie. Maintenant on le fait avec plus de sérieux
et plus de métier parce qu’on est vieux, mais je le fais toujours avec le
même moteur que quand je dessinais à l’école pour mes copains.
TEBO : À la base, j’avais ce style de dessin très cartoon, et on m’a pro-
posé de bosser pour Tchô, pour la jeunesse, je me suis dit que j’allais
devoir faire gaffe. Mais en fait, il y a Titeuf en locomotive, et on voit que
Titeuf ose plein de choses, au niveau du sexe, du caca, etc. Même si
avec Samson et Néon je faisais gaffe, je ne mettais pas de gros mots,
parce que ça ne s’y prêtait pas, ça marchait bien avec Titeuf, et on a
monté ça d’un cran avec Captain Biceps, en osant des trucs encore
plus cons, plus débiles ou plus crades, et avec mon dessin très cartoon,
ZEP & TEBO
©

TEBO : Et c’était surtout une rubrique dans Tchô à la base,
et Zep avait tout de suite trouvé cette idée de « Le saviez-
vous » qui aurait pu être une rubrique à elle toute seule,
mais c’était marrant d’intégrer ce truc-là à des combats.
Dans les premiers tomes, j’avais aussi proposé des ban-
deaux pour accompagner les titres, avec le numéro et
précédé du petit hashtag, comme dans les comics.
3 CAPTAIN BICEPS T07[BD].indd 10
Comment vous travaillez ensemble, pour créer les aventures
de Captain Biceps, comment fonctionne votre binôme ? Vous
avez chacun des routines, des habitudes de travail ?
ZEP : On bosse vraiment ensemble, c’est un projet qu’on
monte ensemble. On se voit, et c’est aussi ça le plai-
sir. En fait on fait un album de Captain Biceps parce
qu’on a envie de bosser ensemble et passer du temps
ensemble. Il habite Caen et moi Genève, donc on se voit
assez peu autrement. J’ai l’impression que le premier
truc qu’on fait, c’est le casting. On se demande qui on aura envie de
fritter dans cet album. Alors on le fait beaucoup quand on doit fabri-
quer des super-héros « Tiens, on va faire Pacific Man, on va faire Table
Man ». Là on l’avait plus trop fait depuis des années, avec tous les
films qui sont sortis. On a fait une sorte de casting idéal où on avait
trente ou quarante noms, et on se demande ce qu’on pourra faire avec
eux. Si on rigole bien à cette étape, déjà, on est bien partis.
Parmi les histoires que vous imaginez, il y a beaucoup de déchet, ou bien à peu
près tout ce que vous mettez sur la table finit par se retrouver dans les albums ?
TEBO : Non, il y a du déchet quand même ! Et puis il peut y en avoir qui
se ressemblent trop. Quand il y en a trop qui sont axés sur le pipi et le
caca, on les enlève, même si ça nous fait marrer. Ou alors quand on
fait des super-héros qui ont des super-pouvoirs trop proches, et on
se dit qu’on les garde pour le tome suivant. Il y a comme ça quatre ou
cinq histoires qui sont prêtes. Il y a aussi des perso qu’il avait envie
de mettre, mais moi pas trop, comme Deadpool, que je trouve déjà
trop humoristique dans sa façon d’être. Ou des « Le saviez-vous ? »
qui sont trop longs, et que je n’arrive pas à caser, même si certains
sont tordants !
Quelles sont les plus grandes influences de votre jeunesse en termes de comics, de
jeux vidéo, de films ou autres, ce qui a forgé votre imagination, et en particulier
ce que vous avez envie de faire ressortir dans les aventures de Captain Biceps ?
TEBO : Moi, c’était Kirby, au niveau de la dynamique des personnages.
ZEP : J’ai lu des comics, mais pour moi la grande découverte, c’est
Gotlib, notamment avec ses parodies de contes de fées, cette espèce
d’humour dévastateur, où à la fois on apprenait plein de trucs, mais en
même temps il se permettait d’être ultra transgressif, comme cette
histoire du Surfer d’argent, parodié en Patineur d’argent.
TEBO : Bien sûr, Gotlib, Margerin, Liberatore, les vieux dessins animés de
Mickey en noir et blanc, Tex Avery… On a même écrit des remerciements
©
ZEP & TEBO
au début de ce tome 7 ; enfin surtout moi, et j’ai mis les
noms des dessinateurs que j’aimais bien, et qui m’ont
vraiment marqué en tant qu’ado.
Et parmi les influences d’aujourd’hui ? D’ailleurs, quel est votre
regard sur les productions actuelles de la pop culture, que ce soit
au cinéma, en bande dessinée, à la télévision, ou même le mer-
chandising qu’il y a autour ? 04/07/2019
TEBO : Au début j’étais vraiment content, et quand on se
balade dans les magasins, on voit des figurines Marvel
dans tous les sens, et si j’avais vu ça quand j’avais dix
ans… À l’époque, j’avais des Playmobil que je dégui-
sais en super-héros, ou des personnages de Star Wars,
avec Dark Vador qui devenait Daredevil, et je créais un
peu mes personnages avec mes Lego etc. Maintenant
il y a les jeux vidéo, les films, et même si tu vois venir
les histoires à des kilomètres, quand t’as 10 ans, c’est
tout nouveau pour toi, donc c’est formidable ! Si j’avais une machine
à voyager dans le temps, j’amènerais bien mon moi de dix ans ici, et
repartirais dans les années 80’ avec tout ça.
ZEP : Je me rappelle, quand j’étais gamin, il y avait un journal qui s’ap-
pelait Télé Junior, et qui publiait des histoires de super-héros dessi-
nées par des Français, et ils avaient inventé des super-héros un peu
celtiques ou autres. Mais ils faisaient aussi des pubs pour des séries
télé, et notamment, on pouvait commander la figurine de Hulk, mais
il fallait la commander, envoyer un chèque, et l’impression en qua-
drichromie était tellement moche, on n’arrivait pas bien à voir, mais
il avait l’air d’avoir une cage, et il cassait sa cage. Et mes parents
« Jamais on n’achètera une chose pareille » (rires). Maintenant tu vas
au rayon jouets du BHV, t’en as 30 différents !
ZEP & TEBO
©
Voilà donc le secret de la recette Captain Biceps : deux visions différentes
de ce qu’offre la pléiade des super-héros, liées par des références et un
amour communs de la bande dessinée, ainsi qu’une bonne dose de
plaisirs simples qui fait que nous resterons sans doute à jamais des grands
enfants. Car comme le soulignait Zep, Captain Biceps est autant fait pour
les adultes que pour les plus jeunes ; et on sait que chez Geek Magazine,
les œuvres transgénérationnelles ont une place de choix !
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