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CAP’BARREAU

E.F.B 2022

DROIT SOCIAL

CORRIGE DU SUJET n°5

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EPREUVE DE CAS PRATIQUE

Seront successivement analysées, les interrogations relatives à la filiale de Rennes (I), et


celles relatives à la filiale de Paris (II).

I. A propos de la filiale de Rennes

Seront successivement analysés les ruptures conventionnelles et les licenciements économiques


envisagés

a. Sur les ruptures conventionnelles

Rappel : Art. L. 1231-1 Code du travail : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut
être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord, dans les
conditions prévues par les dispositions du présent titre.

Ces dispositions ne sont pas applicables pendant la période d’essai. »

Nous partirons du principe que les ruptures conventionnelles envisagées le sont avec des salariés en
contrat à durée indéterminée.

(i). Sur la procédure encadrant la conclusion d’une Rupture conventionnelle

Les parties doivent convenir de la rupture conventionnelle de leur contrat au cours d'un ou
plusieurs entretiens (C. trav., art. L. 1237-12).
Possibilité de se faire assister. — Le salarié peut se faire assister :
– soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise (représentant du
personnel ou non) ;
– soit, en l'absence d'institution représentative du personnel dans l'entreprise, par un conseiller
du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative (C. trav., art. L. 1237-12).

Cass.soc., 29 janv. 2014, n° 12-27.594, (P+B)- le défaut d'information du salarié d'une entreprise
sur la possibilité de se faire assister n'a pas pour effet d'entraîner la nullité de la convention de
rupture en dehors des conditions de droit commun

Lors du ou des entretiens, les parties doivent négocier non seulement le principe de la
rupture conventionnelle, mais également les conditions de celle-ci. À l'issue de ces négociations,
elles doivent conclure une convention de rupture écrite (C. trav., art. L. 1237-13) qui doit préciser le
montant de l'indemnité de rupture versée au salarié et la date de la rupture du contrat.

Cass.soc., 8 juillet 2015, n°14-10139 (P+B) : la stipulation par les deux parties d'une indemnité
dont le montant est inférieur à celle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail et si l'erreur
commune de date fixée par les parties antérieurement au lendemain de l'homologation n'entraînent
pas, en elles-mêmes, la nullité de la convention de rupture, mais ouvre droit à une indemnité
différentielle

Cette convention, signée par chaque partie, doit être établie en trois exemplaires originaux
(dont un exemplaire destiné à la Direccte qui doit homologuer la rupture conventionnelle et un
exemplaire pour le salarié). En l'absence de remise d'un exemplaire de la convention de rupture
conventionnelle (et éventuellement du document annexe opérant convention entre les parties) au
salarié, ladite convention encourt la nullité (Cass. soc., 6 févr. 2013, n° 11-27.000).
À compter de la date de signature de la convention, chaque partie dispose d'un délai de 15 jours
calendaires pour se rétracter (C. trav., art. L. 1237-13)
Au cas présent, il est précisé dans l’énoncé que le montant prévu par l’indemnité de rupture
est quasiment équivalente à celle due en cas de licenciement. Par conséquent, une indemnité de
rupture inférieure à celle prévue par l’article L. 1237-13 Cd.trav. n’est pas, en soi, susceptible de
remettre en cause la rupture conventionnelle dès lors que l’ensemble des autres conditions de forme
sont satisfaites. Seule l’existence d’un vice du consentement serait à même de pouvoir remettre en
cause la convention de rupture.

Question : la menace d’un licenciement économique est-elle de nature constituer une violence vice
du consentement ?

Une réponse négative semble devoir s’imposer :


Cass.civ. 1re., 3 avril 2002, ( n° 00-12.932) : « Attendu cependant, que seule l'exploitation abusive
d'une situation de dépendance économique, faite pour tirer profit de la crainte d'un mal
menaçant directement les intérêts légitimes de la personne, peut vicier de violence son
consentement ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, sans constater, que lors de la cession,
Mme X... était elle-même menacée par le plan de licenciement et que l'employeur avait exploité
auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à
sa décision »

En l’espèce, rien n’indique dans l’énoncé que l’employeur a abusé de la situation de péril à
laquelle il a confronté ses contractants. Il faut donc exclure la nullité de la rupture pour vice du
consentement. Envisager également l’hypothèse de violence morale (Cass.soc., 16 septembre 2015,
n° 14-13.830, cf. fasc.) pour l’exclure également.

(ii). Sur la possibilité de conclure une rupture conventionnelle avec des salariés dont le
contrat est suspendu pour AT/MP et maternité

Cass.soc., 30 sept. 2014, n° 13-16.297 (P+B) - possibilité de conclure une rupture


conventionnelle au cours de la période de suspension consécutive à un ATMP

« Mais attendu que la cour d'appel a retenu à bon droit que, sauf en cas de fraude ou de vice du
consentement, non invoqués en l'espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue
en application de l'article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension
consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ; que le moyen n'est pas
fondé »

Cass.soc., 25 mars 2015, n° 14-10.149 (P+B) - possibilité de conclure une rupture


conventionnelle au cours de la période de suspension consécutive à la maternité :

« Mais attendu que sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l'espèce, une
rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du
code du travail au cours des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles la salariée a
droit au titre de son congé de maternité, ainsi que pendant les quatre semaines suivant l'expiration
de ces périodes ; que le moyen n'est pas fondé » ;

En l’espèce, sous réserve d’un vice du consentement, rien ne fait obstacle à la possibilité de
conclure une Rupture conventionnelle avec des salariés dont le contrat est suspendu pour maladie
professionnelle ou maternité.

A noter : l’article L. 1225-4 Cd.trav prohibe la rupture du contrat à l’initiative de l’employeur,


d’une salariée en état de grossesse médicalement constaté
Art. L. 1226-9 Cd.trav interdit quant à lui la rupture du contrat à l’initiative de l’employeur en
cours de la période de protection attachée à la maladie
Rien ne s’oppose donc - comme le confirme la jurisprudence récente - à la possibilité de conclure
une rupture conventionnelle avec un salarié dont le contrat de travail est suspendu pour maladie
professionnelle ou en raison de la maternité.

b. les licenciements économiques

La filiale de Rennes compte 320 salariés. La direction a récemment consulté le comité d’entreprise
en vue d’un projet de réduction des effectifs. Seuls 9 licenciements sont envisagés. Mais comme
nous venons de le voir, les ruptures conventionnelles doivent également être prises en compte pour
déterminer les obligations de l’employeur en matière d’information-consultation et d’élaboration du
PSE.

Seront successivement analysés la motivation du licenciement et la procédure à respecter.

(i). Le motif économique invoqué

Rappel : Art. L. 1233-3 Cd.trav

« Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un


employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant
d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié,
d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au
moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre
d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent
brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que
la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente,
au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins
de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et
de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et
plus ; 2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa
compétitivité ; 4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification
d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail
à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants,
résultant de l'une des causes énoncées au présent article ».

En sus de l’élément matériel (suppression, transformation ou refus de modification), la


présente disposition fait également référence à des causes justificatives du licenciement pour motif
économique. Sont expressément visées les difficultés économiques, les mutations technologiques, la
réorganisation de l’entreprise nécessaire à sa sauvegarde et la cessation d’activité.

Au cas présent, la restructuration est envisagée en raison de l‘arrivée de nouveaux


concurrents. Le motif invoqué pourrait être celui de la réorganisation de l’entreprise. Par le passé
déjà, la jurisprudence jugeait que « la réorganisation, si elle n’est pas justifiée par des difficultés
économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la
compétitivité » (Cass.soc., 16 déc. 2008). Dans le prolongement, la loi El Khomri du 8 août 2016
retient que la réorganisation de l’entreprise ne constitue un motif valable de licenciement
économique que lorsque cette « réorganisation est nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité ».

Dès lors que l’entreprise appartient à un groupe, le bien-fondé de la réorganisation, qu’elle


soit justifiée par des difficultés économiques ou par la nécessité de sauvegarder la compétitivité,
s’apprécie au niveau du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient (Cass.soc., 1er mars
2006, n° 04- 46261); v. égal. Cass.soc., 16 nov. 2016, n° 14-30.063,).

Il faut donc prendre en compte le secteur d’activité du groupe pour déterminer si les
licenciements économiques envisagés sont justifiés. L’énoncé précise deux éléments, d’une part que
le groupe a dégagé des bénéfices et d’autre part que les difficultés économiques dans le secteur du
numérique se résorbent. Autrement dit seul le secteur de l’argentique subirait de plein fouet
l’arrivée de nouveaux concurrents.

Question : Que recouvre cette notion de secteur d’activité ? le secteur de l’argentine et du


numérique sont-ils distincts ? Autrement dit des licenciements économiques sont-ils justifiés dans le
secteur de l’argentine alors que le secteur du numérique se porte mieux ?

Cass.soc., 24 oct. 2012, n° 11-23418.


« Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que la technologie numérique appliquée aussi bien
à la prise de vue qu'au traitement de l'image (impression, visualisation sur écran, archivage)
remplaçait progressivement la technologie traditionnelle argentique dans la photographie grand
public, dans l'imagerie médicale et dans l'imagerie cinématographique et qu'elle était fondée sur
des technologies différentes nécessitant des outils de production différents, a pu décider qu'elle
constituait un secteur d'activité distinct de celui de la technologie argentique et apprécier de
façon spécifique la situation de ce secteur traditionnel au sein du groupe ; que le moyen n'est pas
fondé ; »

En définitive, la réorganisation entraînant 9 licenciements dans la filiale de Rennes peut se


justifier au regard des difficultés économiques dans le secteur de l’argentique alors même que le
secteur du numérique se porte bien.

(ii). La procédure du (grand) licenciement pour motif économique.

- Le nombre de ruptures envisagées

D’après l’énoncé, la filiale de Rennes n’envisage de procéder qu’à 9 licenciements. Il ne s’agit


donc pas a priori d’un grand licenciement pour motif économique. L’employeur n’a donc pas à
établir de PSE :

Art. L. 1233-61 Cd.trav: « Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le
projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente
jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter
les licenciements ou en limiter le nombre.

Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés


dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou
présentant des
caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion
professionnelle particulièrement difficile ».

Toutefois, V. Cass.soc., 9 mars 2011 (n° 10-11581)

« Attendu que lorsqu'elles ont une cause économique et s'inscrivent dans un processus de
réduction des effectifs dont elles constituent la ou l'une des modalités, les ruptures
conventionnelles doivent être prises en compte pour déterminer la procédure
d'information et de consultation des représentants du personnel applicable ainsi que les
obligations de l'employeur en matière de plan de sauvegarde de l'emploi ; ».

Dès lors, et en dépit de la lettre de l’article L. 1233-3 al. 2 Cd.trav. qui exclue expressément les
ruptures conventionnelles de l’application des dispositions du chapitre sur le licenciement
économique, celles-ci doivent être comptabilisées.
Il n’y a donc pas 9 licenciements mais potentiellement 66 ruptures pour motif économique (9
licenciements et 57 ruptures conventionnelles).

L’employeur doit donc respecter la procédure applicable au grand licenciement pour motif
économique.

- Les obligations de l’employeur : Elaboration du PSE et information du comité


d’entreprise (renvoi aux textes)

Cd.trav. art. L. 1233-61 : « Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le
projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente
jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter
les licenciements ou en limiter le nombre.
Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés
dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou
présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion
professionnelle particulièrement difficile (...) ».

Ce PSE peut depuis la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 avoir pour source un
accord collectif majoritaire, c’est-à-dire un accord signé par plus de 50% des organisations
syndicales représentatives ; exigence majoritaire qui constituera le droit commun de la
négociation collective à compter du 1er septembre 2019. Elle ne concerne pour l’heure que les
accords collectifs relatifs à la durée du travail, les accords de maintien de l’emploi, les accords de
développements ou de préservation de l’emploi et les accords PSE. Cet accord majoritaire qui
constituera la source du PSE (Cd.trav. art. L. 1233-24-1) devra être communiqué au DIRECCTE
pour validation.

En l’espèce, l’employeur nous a fait savoir que dans l’hypothèse où l’élaboration d’un PSE
s’imposerait, il privilégierait la voie négociée. Il convient toutefois de lui faire savoir qu’il pourra
également élaborer unilatéralement le PSE dans le cadre d’un document unilatéral ; une telle faculté
n’est en rien subordonnée à l’échec des négociations et ceci malgré la mention « à défaut d’accord
collectif » mentionné à l'article L. 1233-24-1. La préférence pour la voie négociée impacte l’objet
de la consultation du comité d’entreprise. En effet, alors que dans le cadre d’un PSE ayant pour
source un document unilatéral, la consultation du comité d’entreprise est double (v. Cd.trav. art. L.
1233- 30), elle porte non seulement sur l’opération projetée et sur le projet de licenciement ; dans
l’hypothèse d’une PSE négocié, le comité d’entreprise n’est consulté qu’une fois sur l’opération
projetée (et non sur le projet de licenciement). Toutefois, conformément aux dispositions de l’article
L. 1233-32 du Code du travail, le comité d’entreprise se voit communiquer le PSE mais cela ne
donne pas lieu à une information-consultation. Concrètement, le comité d’entreprise n’a pas « son
mot à dire sur le contenu du PSE ».

Au cas présent, si le PSE a pour source accord collectif, il doit satisfaire à l’exigence
majoritaire. Or en l’espèce, seul le syndicat CFE-CGE qui représente 33% des salariés de
l’entreprise a fait savoir qu’il n’était pas fermé à la négociation. En l’état, le syndicat CFE-CGE ne
peut signer seul l’accord, car le seuil requis de plus de 50% des OSR ne serait pas atteint. Il faudrait
qu’une organisation syndicale représentative rassemblant au moins 17, 01% des voix viennent se
joindre à la CFE-CGC.

Par ailleurs, on en vient à se poser la question de savoir, si la CFE-CGC peut signer un


accord collectif PSE alors que le projet de licenciement ne concerne pas les cadres ; cette catégorie
étant celle représentée par ledit syndicat. Un syndicat catégoriel peut- il signer un accord collectif
majoritaire relatif au PSE alors que le projet de licenciement ne concerne que des non-cadres ?

Récemment, dans un arrêt du Conseil d’Etat en date du 5 mai 2017, la haute juridiction est
venue prévoir que l’accord collectif PSE doit être conclu à la majorité des syndicats
représentatives dans l’entreprise, sans que la catégorie professionnelle des salariés concernés par
l'accord ne soit prise en considération (CE, 5 mai 2017, n° 389620). Autrement dit, contrairement
au droit commun de la négociation collective, en matière d’accords collectifs PSE, le fait que le
syndicat soit catégoriel n’est pas pris en considération et ceci, alors même que le projet de
licenciement ne vise aucun cadre.

Attention, si l’employeur ne respecte pas son obligation qui tient notamment en


l’élaboration d’un PSE qui doit être validé ou homologué par le DIRECCTE dès lors que plus de
dix licenciements sont envisagés sur une même période de trente jours, la procédure de
licenciement collectif est nulle, et cette nullité s’étend aux licenciements économiques notifiés sur
le plan individuel. Les salariés concernés pourront être réintégrés et percevoir des rappels de salaire
pour la période couverte par la nullité. Si leur réintégration s’avère impossible ou s’ils s’y opposent,
ils percevront, en sus des rappels de salaire, une indemnisation d’un montant spécifique qui ne peut
être inférieure aux salaires des douze derniers mois (Cd.trav. art. L. 1235-11).
II. A propos de la filiale de Paris

Seront successivement analysés les conditions de validité de l’accord de maintien de l’emploi et les
conséquences pour les salariés d’un refus d’application (a). Les interrogations relatives aux
différences de traitement instituées par l’accord collectif seront abordées dans un second temps (b).

A. Sur l’accord de maintien de l’emploi (renvoi aux dispositions législatives L. 5125-1


et svts Cd.trav)

Les accords collectifs de maintien de l’emploi s’inspirent des fameux accords controversés
de compétitivité-emploi. Ils ne peuvent être conclus qu’en cas « de graves difficultés économiques
conjoncturelles dans l’entreprise » (et non dans le groupe). Ils ont pour objectif de garantir l’emploi
dans l’entreprise en contrepartie d’un « aménagement » du temps de travail et de la rémunération
des salariés concernés (Cd.trav. art. L. 5125-1 et s.). Le temps de travail et les salaires sont ainsi
des variables d’ajustement afin d’assurer une sécurité de l’emploi. Aujourd’hui, la durée de
l’accord ne peut excéder cinq ans.

En dépit d’une volonté de sécurisation par des dispositions légales, un contentieux risque de
porter sur la validité de l’accord autour de l’exigence forte de « graves difficultés...conjoncturelles
». Ce, en dépit du fait que d’abord le diagnostic à l’appui de la négociation est analysé avec les
organisations syndicales représentatives, assorti le cas échéant du recours à un expert-comptable, et
qu’ensuite la validité de l’accord donnant-donnant suppose une adhésion majoritaire des
organisations syndicales représentatives dans l’entreprises (Cd.trav. art. L. 5125-4). Durant
l’exécution de l’accord, l’employeur doit respecter ses engagements.

Au cas présent, l’accord de maintien de l’emploi conclu en juin dernier dans la filiale de
Paris répond bien à l’exigence majoritaire ; il a en effet été conclu par 51% des organisations
syndicales représentatives. Il s’étale sur une durée de cinq ans ce qui correspond à la durée
maximale autorisée. Quant à son contenu, l’accord collectif augmente la durée hebdomadaire de
travail tout en maintenant la rémunération des salariés. Concrètement, ces derniers travaillent 36
heures payés 35heures. En contrepartie l’employeur s’est engagé à de na pas procéder à de
licenciements. On s’interroge sur la possibilité de négocier un tel accord dans l’entreprise
parisienne. En effet, les propos tels que rapportés ne permettent pas de déterminer si la filiale de
Paris est confrontée à « de graves difficultés économiques conjoncturelles ». En effet, ce n’est qu’en
cas de « graves difficultés économiques conjoncturelles » que la conclusion d’un tel accord est
rendue possible. L’énoncé précise cependant que le secteur de la confection d’appareils photo «
décline au niveau européen ». Toutefois dans le cadre de l’accord de maintien de l’emploi, le
périmètre d’appréciation des graves difficultés économiques est cantonné à l’entreprise (non au
groupe). On partira du postulat que de telles difficultés économiques « conjoncturelles » existent au
niveau de l’entreprise. A défaut de celles-ci, il est permis de penser que les organisations syndicales
n’auraient pas signer l’accord à la majorité absolue. Toutefois, il convient de noter que le président
du Tribunal Judiciaire statuant en la forme des référés au cours de l’exécution de l’accord peut,
indépendamment de la clause de suspension, en suspendre l’application ou même, en définitive, le
résilier, notamment si la situation de l’entreprise évolue de manière significative en mieux ou en
pire (Cd.trav. art. L. 5125-5).

Tachons désormais de nous intéresser au refus des salariés de se voir appliquer


l’accord de maintien de l’emploi.

Question : Quelles sont les conséquences du refus par le salarié de se voir appliquer
les stipulations de l’accord de maintien de l’emploi ?
Art. L. 5125-2 al. 3 Cd.trav: « Lorsqu'un ou plusieurs salariés refusent l'application de
l'accord à leur contrat de travail, leur licenciement repose sur un motif économique, est
prononcé selon les modalités d'un licenciement individuel pour motif économique et il
repose sur une cause réelle et sérieuse. L'employeur n'est pas tenu aux obligations
d'adaptation et de reclassement prévues aux articles L. 1233-4 et L. 1233-4-1. Le
salarié bénéficie soit du congé de reclassement prévu à l'article L. 1233-71, soit du
contrat de sécurisation professionnelle prévu à l'article L. 1233-66. »

Il convient d’attirer l’attention de la direction sur le fait que lorsque des salariés refusent de
se voir appliquer l’accord de maintien de l’emploi, l’employeur doit mettre en oeuvre la procédure
de licenciement pour motif économique individuel et non la procédure disciplinaire. Par ailleurs, le
texte précise que le refus du salarié de se voir appliquer l’accord de maintien de l’emploi (c’est un
droit !) préconstitue la cause réelle et sérieuse du licenciement et libère l’employeur de son
obligation d’adaptation et de reclassement.

B. Sur les différences de traitement instituées par la voie conventionnelle

Le principe d’« égalité de traitement » impose à l’employeur de traiter de manière identique


des salariés placés dans des situations similaires. Corrolaire du principe « A travail égal, salaire
égal » dégagé dans l’arrêt Ponsolle (Cass.soc., 29 oct. 1996, n° 92-43.688), la différence de
traitement oblige l’employeur à faire état de raisons objectives la justifiant ; raisons dont le juge
appréciera la pertinence. Ainsi, la Cour de cassation a récemment admis que la disparité du coût de
la vie entre des zones géographiques constitue un critère objectif et pertinent propre à justifier une
différence de rémunération entre salariés d’une même entreprise (Cass. soc. , 14 sept. 2016, n° 15-
11.386 PBRI).

Toutefois, depuis les revirements de jurisprudence en date du 27 janvier 2015, le régime de


la justification change lorsque la différence de traitement résulte, non d’une décision de
l’employeur, mais d’un accord collectif. En effet, dans certaines circonstances, les différences de
traitement instituées par la négociation collective peuvent être présumées justifiées.
« Vu le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, le principe
d'égalité de traitement et l'article 17 de l'annexe IV ingénieurs et cadres de la
convention collective des transports routiers du 21 décembre 1950 ;

Attendu que les différences de traitement entre catégories professionnelles, opérées par
voie de conventions ou d'accords collectifs négociés et signés par des organisations
syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à
l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées
justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont
étrangères à toute considération de nature professionnelle » ( Cass.soc., 27 janv. 2015,
P+B+R+I).

A l’origine, cette présomption de justification ne concernait que les différences de traitement


conventionnelles instituées entre des salariés relevant de catégories différentes. Quid des différences
de traitement conventionnelles entre des salariés qui, au sein d’une même catégorie, exercent des
fonctions distinctes ?
Dans un arrêt du 8 juin 2016, la Cour de cassation a étendu le domaine de la présomption en
jugeant que :

« Mais attendu que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre
des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions
distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs (...) sont présumées
justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont
étrangères à toute considération de nature professionnelle » (Cass.soc., 8 juin 2016, n°
15- 11.324 ; confir. Cass.soc., 15 mars 2017, n° 15-28.577).

Voir toutefois sur les limites de la présomption (Cass. Soc. 3 avril 2019, n°17-11.970) (cf.
fascicule).

En l’espèce, l’accord collectif institue une différence de traitement entre les cadres
ordinaires et les cadres de direction. Seuls ces derniers se voient attribuer le bénéfice de la prime de
logement. Or cette différence de traitement fonctionnel, parce qu’elle figure dans un accord
collectif, est présumée justifiée. Il appartiendra alors aux salariés qui invoquent une violation du
principe d’égalité de traitement de démontrer que cette différence est étrangère à toute considération
de nature professionnelle. Ce qui, en pratique, est difficilement envisageable.

A noter, il ne faut pas étendre à l’excès le domaine de la présomption. En effet, n’est pas présumée
justifiée, et ceci alors même qu’elle résulte de la négociation collective, la différence de traitement
entre des salariés qui, au sein d’une même catégorie, exercent des fonctions identiques (en ce sens,
v. CE, 17 mars 2017, n° 389559).

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