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Introduction

Je veux commencer mon exposé en faisant juste une petite remarque sur deux
termes qu’on utilise pour designer plus ou moins la même chose. Selon Hannah
Arendt nous utilisons deux termes « Démocratie » et « République » qui signifie aussi
la démocratie. Or, « République » vient du latin « res publica » qui veut dire « chose
publique ». Elle note alors que nous n’avons pas « Démocratie » nous l’avons
remplacé avec la « République », car dans la « Démocratie » chaque voix est audible,
alors que dans la « République » la seule voix audible est celle du pouvoir.

Le paradigme et l’expérience grecque.

Il y a une discordance flagrante entre la Constitution grecque et les


nombreuses lois votées, imposées par le Mémorandum et les obligations du pays à
l’union européenne et l’FMI, les trois dernières années. Surtout, ce qui est significatif
ce sont les pratiques antidémocratiques suivies par le gouvernement, qui ont constitué
la règle et le fonctionnement du pouvoir législatif et exécutif. Cette discordance
devrait être résolue. Vu sous ce prisme, la révision de la Constitution qui est à
l’horizon (la procédure commencera le mois prochain), semble être un Deus ex
Machina renversé, car au lieu d’imposer l’ordre constitutionnel, en faisant par
exemple plus stricte son application et supprimant ses ambivalences à travers le
prolongement des droits démocratiques, elle la « raccourci » pour s’adapter aux
cadres de notre « démocratie » contemporaine. Il me semble que le but de ceci est
l’annulation de toute plainte sur la constitutionnalité des lois et de recours à la
Constitution comme moyen de défense contre le caractère arbitraire du pouvoir.

Pour mieux comprendre le cadre dans lequel la révision constitutionnelle se


situe il faut voir ce qui se passait les dernières années en Grèce. La clé de voûte c’est
le Mémorandum signé par le gouvernement Papandreou en 2009 entre le pays et ses
créanciers (UE et FMI). L’essentiel, que nous devons tenir, c’est que toutes les lois
imposées par les créanciers et incorporées dans le droit grec sont la condition sine qua
non pour garantir la continuation de l’accord du crédit. Cet « acquis »
antidémocratique désigne une ligne de séparation entre un avant (2009) et un après
(2009) avec des répercussions très fortes dans la vie quotidienne. Voici quelques
unes :

1. L’utilisation continue des décrets-lois (ordonnances) au lieu de la


ratification des lois par l’assemblée de sorte qu’il n’y aura pas des litiges
parmi les députés. Ces décrets concernent parmi d’autres la réduction des
retraites et des salaires (domaine privé et publique), le licenciement des
fonctionnaires publiques, la privatisation des compagnies publiques et la
vente de la propriété de l’Etat (bâtiments, parcelles publiques, îles, etc.). Il
s’agit d’un abus de la constitution qui montre la dégradation du pouvoir
législatif. Voir aussi l’exemple de Chypre.
2. La réquisition des fonctionnaires publiques grévistes (marins, travailleurs
du métro) qui annule pratiquement le droit du travailleur à la grève.
L’intérêt particulier que les trois parties qui forment le gouvernement sur ce
sujet et les mesures qui annoncent contre « l’abus du droit à la grève »
montre leur intention d’interdire les grèves et toute forme d’opposition.
3. La violation flagrante des droits civiques et des droits de l’homme, comme
l’exemple récent des tortures aux jeunes anarchistes par la police et la
projection publique de leurs photos montre. Fait qui réveille des souvenirs
de la guerre civile et de la dictature mais qui annonce aussi le resserrement
des lois sous le prétexte de l’affrontement du terrorisme.
4. La violation de la souveraineté de l’Etat avec la nomination des
commissaires européens aux postes publiques névralgiques, comme par
exemple services du domaine publique (investissements, économie etc.).
5. La priorité de la politique de l’austérité contre les obligations
constitutionnelles de l’Etat à la santé et l’éducation publique mais aussi le
travail. Cette politique de l’austérité acquerra l’armature constitutionnelle
après la révision de la Constitution à travers l’incorporation de la directive
de l’UE sur l’obligation des gouvernements d’avoir des budgets équilibrés.
6. Finalement, le problème de l’immigration et les camps de concentration
pour la détention des immigrants clandestins, ouverts par le gouvernement à
Athènes et ailleurs, pose un vrai problème démocratique et humanitaire. Il
s’agit d’abord, d’un problème légal et politique, car ils n’ont aucun statu (la
vie nue, ex. Agamben) et aussi humaniste (après des tortures policiers les
détenus ont commencé une grève de faim il y a un mois et cela personne ne
l’a appris grâce au silence des médias).

La véhémence avec laquelle tous ses phénomènes ont apparu dans la vie
politique de la Grèce, sous prétexte de la crise économique, imposent une révision
constitutionnelle antidémocratique. Autrement dit, l’adaptation structurelle du droit
constitutionnelle à l’économie. Le but de cette réforme du système politique sera de
faciliter les changements économiques en faveur du Capital et contre les travailleurs.
Voici quelques exemples discutés pour l’instant : permis aux universités privés,
réforme du système fiscal selon le modèle des compagnies maritimes, prévision
constitutionnelle aux budgets équilibrés].
Le paradigme grec ailleurs

L’amputation des garanties constitutionnelles qui est en cours en Grèce ne


constitue pas une exception mondiale. Nous pouvons facilement constater que des
réformes et d’adaptations pareilles arrivent à d’autres pays de l’Europe et du monde.
Les points communs sont : le questionnement des obligations sociales de l’Etat et la
désignation des droits comme la santé et l’éducation comme choix qui s’appuient à
chaque individu.

Je veux finir en citant un passage tiré de la Phénoménologie de l’Esprit de


Hegel (trad. Hyppolite, éd. Aubier, vol.2, p. 136). Il s’agit d’un passage (très peu
commenté d’ailleurs) du chapitre intitulé « la Terreur » et voici comment le
philosophe allemand commente la terreur républicain :

Le gouvernement n’est lui-même rien d’autre que le point qui se fixe ou l’individualité
de la volonté universelle. Le gouvernement, une décision et une exécution qui
procèdent d’un point, veut et exécute en même temps un ordre et une action
déterminés. Il exclut donc d’une part les autres individus de son opération et d’autre
part il se constitue lui-même comme tel qu’il soit une volonté déterminée, et de ce fait
soit opposé à la volonté universelle. Le gouvernement ne peut donc pas se présenter
autrement que comme une faction. Ce qu’on nomme gouvernement, c’est seulement la
faction victorieuse, et justement dans le fait d’être faction se trouve immédiatement la
nécessité de son déclin et le fait qu’elle soit au gouvernement la rend inversement
faction et coupable.

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