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HERITAGE

QUESTION :
IL S’AGIT DE QUOI ?
DE L’EDUCATION NATIONALE
ET
DE NOS ECOLES
Rappelons-nous
D’abord l’histoire de l’école
Tout part de là…
Ensuite
De nouveaux visiteurs
Et encore,
De nouveaux visiteurs
Malheureusement !
Guerres, guerres, et finalement
occupation !
L’administration coloniale
s’implante et s’étend
Les intermédiaires qui connaissent aussi
bien la langue du colon que celle de la
population locale.

L’administration coloniale est obligée, pour s’implanter et s’étendre, de s’appuyer sur des
intermédiaires qui connaissent aussi bien la langue du colon que celle de la population
locale. Dans les territoires occupés par la France, les autorités se servent dans un
premier temps d’interprètes indépendants. Il s’agit en majorité d’individus originaires des
régions côtières où la scolarisation et les contacts avec les Européens ont déjà produit
une petite élite indigène plus ou moins occidentalisée.

L’utilisation des interprètes indépendants, dont la plupart sont par ailleurs des
commerçants établis, s’avérera insuffisante à la longue.

Les autorités administratives s’aperçoivent très tôt du rôle stratégique que peuvent jouer
les interprètes dans l’œuvre coloniale.
Formation de nouveaux interprètes et
fonctionnaires

Parallèlement au recrutement des interprètes indépendants dans l’administration, des


efforts sont déployés pour former de nouveaux interprètes fonctionnaires.

En Afrique-Occidentale française (A. -O.F.) et en Afrique-Équatoriale française (A.E.F.)


la situation d’analphabétisme générale est telle que l’attention doit être davantage portée
sur la formation effective des futurs interprètes.
Dans le territoire du Haut-Sénégal et Niger, une circulaire du directeur des Affaires
indigènes demande aux administrateurs de choisir, parmi les élèves les plus intelligents
des écoles de leurs circonscriptions, des jeunes gens à envoyer à l’« école des fils de
chefs et des interprètes », pour en faire des interprètes « toujours dans la main et prêts à
être envoyés où les circonstances l’exigeraient».

Créée en 1856, cette école — aussi connue sous le nom d’« école des otages » — a
pour vocation de former deux catégories essentielles d’agents auxiliaires de
l’administration, à savoir les chefs indigènes et les interprètes.
En 1861 un arrêté organise définitivement l’école dont le personnel, désormais
permanent, se compose d’un instituteur, d’un répétiteur, d’un interprète et d’une
cuisinière-blanchisseuse.

Les élèves, au nombre de 30, sont des fils de chefs et de notables désignés par le
gouverneur, ainsi que des jeunes gens « paraissant assez intelligents pour devenir
Interprètes ».

Le programme est également amélioré et comprend le français, l’arithmétique, la


géographie et l’interprétation. Par rapport aux autres écoles publiques, l’« école des fils
des chefs et des interprètes » se distingue par les traits suivants : ses élèves sont des «
otages », c’est-à-dire, dans le langage courant de l’époque, des pensionnaires titulaires
d’une bourse de l’État ; le recrutement s’effectue à la discrétion des administrateurs ; le
programme d’étude est accéléré ; un interprète expérimenté y initie les élèves à
l’interprétation dans les principales langues de la région.

La grande majorité des élèves étant d’origine aristocratique, les autorités coloniales
s’efforcent de les ménager, souvent aux dépens de la qualité du programme scolaire : il
n’existe ni concours d’entrée ni examen de sortie ; selon les besoins de l’administration,
les élèves peuvent être nommés sur le terrain à tout moment, qu’ils aient ou non fini leur
formation.
Les anciens élèves de l’« école des otages » servent principalement dans le territoire du
Haut-Sénégal et Niger.

Dans les autres territoires de l’A.O.F et de l’A.E.F., ainsi que dans les territoires sous
mandat que sont le Cameroun et le Togo, les interprètes sont d’anciens élèves des
écoles publiques. Dans ces écoles, l’enseignement du français souffre de l’absence de
méthode, générale à cette époque. Il s’agit d’un enseignement livresque et mécanique.

Au début, le programme scolaire des écoles publiques est des plus élémentaires. Par
exemple, en 1816 au Sénégal, les matières enseignées sont la prière chrétienne, la
lecture, l’écriture et l’arithmétique.
Mais les difficultés inhérentes au recrutement en France de candidats pour les postes
subalternes dans l’administration coloniale, ainsi que l’expansion de cette dernière, vont
amener les autorités à accorder plus de soins à la formation des agents indigènes.
C’est ainsi que le niveau des études est rehaussé et le programme scolaire rendu plus
complet et plus pragmatique. On y retrouve la grammaire française, l’histoire ancienne et
de France, la géographie de France et d’Afrique, l’arithmétique, des éléments de
géométrie, le dessin linéaire et l’arpentage, des notions de sciences physiques et leurs
applications usuelles, l’histoire naturelle.
La mise en application de ce programme est très souvent compromise par le manque
d’enseignants qualifiés. Cette pénurie est attribuable en grande partie au fait qu’en
métropole, il y a une vive opposition contre l’envoi d’instituteurs brevetés en colonie, ce
qui priverait l’ouest de la France d’enseignants qualifiés.
Malgré ces difficultés, le système scolaire parviendra à fournir une éducation
fonctionnelle à des générations de jeunes Africains qui serviront dans les divers corps de
l’administration, y compris celui des interprètes.

En 1894, se référant à ces interprètes, un haut responsable colonial déclare :

« Nous nous trouvons en relations directes avec des populations auxquelles il importe
d’inspirer confiance pour les attirer à nous d’une façon définitive. Il nous faut, pour nous
aider dans cette tâche, des agents zélés, connaissant suffisamment notre langue et en
qui nous puissions avoir une confiance absolue. La première condition pour arriver à
recruter ces agents est de leur faire une situation sortable et de leur allouer un traitement
supérieur à celui qu’ils pourraient trouver dans le commerce ».
Faisons un point très important avant de
continuer…
Dans l’administration coloniale, la méfiance et la suspicion envers les interprètes auront
diverses répercussions sur leur carrière, voire sur leur vie. En A.E.F beaucoup d’entre
eux ne désirent pas qu’un Européen entre en contact direct avec des indigènes
susceptibles de révéler des faits qu’ils entendent dissimuler.
Ils s’efforcent alors de troubler les investigations et d’écarter des témoignages gênants.

À la méfiance s’ajoutent souvent la condescendance, l’hypocrisie et le mépris. Bien que


l’interprète soit très utile et parfois indispensable au « commandant », ce dernier se
garde de l’avouer publiquement, car ce faisant il perdrait la face. Pour maintenir son
standing devant d’autres Européens, il lui faut ridiculiser l’interprète et prouver que celui-
ci ne vaut rien :

Devant [le public européen], il brutalisait l’Écrivain [-interprète], l’accablait de grossières


injures : « idiot, bête, stupide, cochon, incapable de faire la moindre chose », et se
demandait d’où sortait l’Écrivain, qui est-ce qui l’avait engagé, comment avait-il passé
son examen, son concours, etc. [...] L’Écrivain restait calme, souffrait mais ne devait pas
sourciller [...] pour la sauvegarde de sa solde. Mais au fond, le «Commandant » ne
pouvait pas se passer de lui [...] ».

Il serait pourtant erroné d’affirmer que cet état de choses caractérise l’ensemble des
relations entre l’administration et les interprètes.

Le rôle des interprètes dans la réussite de l’entreprise coloniale est souvent souligné et
même récompensé, comme en témoignent les rubriques «Avancement » et « Légion
d’honneur » des journaux officiels des diverses colonies.

On peut expliquer le caractère ambivalent des relations entre l’interprète et


l’administrateur par les contradictions inhérentes à l’entreprise coloniale : d’une part, les
indigènes lettrés représentent « les premiers produits de l’ effort de civilisation» dont
chaque colon a toutes les raisons d’être fier ; d’autre part, les plus «éveillés » parmi les
élites indigènes sont perçus comme une sérieuse source de menace, car on craint qu’ils
ne se servent de leur « science » nouvellement acquise pour se livrer à de la subversion,
ce qui remettrait en cause non seulement la suprématie proclamée du colon, mais aussi
le bien-fondé de sa présence et de son action.

Dès lors, on comprend pourquoi, « vu par le «Commandant », l’Écrivain était au fond,


l’élément le plus dangereux de la politique indigène. Il évoluait trop vite. Ainsi, « il
devenait le levain qui faisait monter toute la pâte ». Il était « à surveiller ».
Enfin, en tant que collaborateur le plus proche du chef de la circonscription, l’interprète
indigène exerçait dans l’administration une influence supérieure à celle des agents
européens subalternes (les « petits commandants »), ce qui à cette époque était
proprement scandaleux et source d’animosité.

Dans la communauté indigène, l’interprète est officieusement installé au sommet de la


nouvelle hiérarchie sociale, bien au-dessus des autorités traditionnelles (chefs et
notables). Quelles que soient ses origines familiales, il se trouve propulsé à l’avant-
scène de sa société, par le seul fait de posséder la science de l’homme blanc, laquelle
lui donne entre autres la capacité d’entendre « avec les yeux ».

En tant que groupe, la communauté compte sur l’interprète pour veiller à ses intérêts et
pour faire contrepoids le cas échéant à toute action néfaste des autorités.

Bien que l’interprète ne soit qu’un agent auxiliaire de l’administration coloniale, il est
l’Africain qui se rapproche le plus du centre du pouvoir. En tant que collaborateur
indigène le plus proche du commandant, il assume vis-à-vis des siens des
responsabilités qui vont nettement au-delà de ses modestes fonctions officielles.

C’est probablement ce qui explique pourquoi la communauté indigène tend à accorder


une importance en apparence démesurée au rôle de l’interprète dans l’appareil
administratif. Cette perception est parfois encouragée par l’interprète lui-même. Dans
L’étrange destin de Wangrin, l’interprète Racoutié rappelle régulièrement à tout indigène
qui veut l’entendre l’importance de ses fonctions :
« Je suis [...] l’interprète du commandant. Je suis son œil, son oreille et sa bouche.
Chaque jour, je suis le premier et le dernier auxiliaire qu’il voit. Je pénètre dans son
bureau à volonté. Je lui parle sans intermédiaire. Je suis Racoutié qui s’assied sur un
banc en beau bois de caïlcedrat devant la porte du commandant blanc. Qui parmi vous
ignore que le commandant a droit de vie et de mort sur nous ? Que ceux qui l’ignorent
sachent que ma bouche, aujourd’hui, Dieu merci, se trouve être la plus proche de l’oreille
du commandant

Si le statut enviable de l’interprète lui vaut respect et admiration au sein de la


communauté africaine, il y suscite également des ressentiments et de la jalousie, que ce
soit de la part des chefs et des notables dont il « usurpe » pour ainsi dire le pouvoir, que
de la part des élites lettrées qui occupent des postes moins prestigieux dans
l’administration.

Il en résulte que l’interprète fait l’objet de fréquents rapports et dénonciations dont le but
est visiblement d’obtenir son licenciement ou sa mutation. Lorsque l’interprète n’est pas
originaire de la région où il travaille, il est un indésirable aux yeux de la population locale
qui ne voit en lui qu’un vendu, un traître et un « délateur salarié »
Ses moindres gestes sont alors épiés, il est souvent accusé de corruption et de trafic
d’influence, et « son zèle auprès de tiers passe facilement pour tentative d’exaction ».

Force est de reconnaître, néanmoins, que certaines de ces accusations sont justifiées et
aboutissent même à la condamnation de l’agent indélicat.
La « promotion » de l’après-guerre
L’après-guerre en Côte d’Ivoire fut une période d’effervescence politique, d’expansion
économique et d’essor urbain. A cette époque, les différentes fractions d’une moyenne
bourgeoisie africaine – les « évolués », selon le vocabulaire colonial s’accroissaient.
Pierre Kippré a décrit pour la période de l’entre-deux-guerres, la diversité de ce milieu de
notables africains, formé de fonctionnaires, de commis de factoreries, de grands
commerçants, d’entrepreneurs et de planteurs citadins – c’est dans ce milieu que se
recruteront les futurs éléments dirigeants de la société ivoirienne.
Pour la première fois,
Dès 1946
On a gagné, youpi !
La proclamation de l’indépendance
Un instant s’il vous plaît ! encore un
point très très important pour introduire
ce qui va suivre!
Parler et écrire aisément le français, posséder au moins les savoirs dispensés par l’école
primaire représentait des compétences alors rares parmi les ivoiriens. Ainsi – cela tenait
à l’histoire colonial – des africains d’autres nationalités (en particulier des Sénégalais et
des Dahoméens) les devançaient souvent dans l’administration et les maisons de
commerce et occupaient les postes les plus convoités. De sorte que, à plusieurs reprises
les tensions sociales, avant comme après l’indépendance, prirent un caractère
xénophobe. Durant la première décennie de l’indépendance, les membres ivoiriens de la
moyenne bourgeoisie recueillirent les bénéfices d’un statut conquis par des
apprentissages exigeant un ensemble de ruptures avec la culture d’origine.

Les « évolués »
L’école dès l’indépendance,
Dès l’indépendance, le gouvernement ivoirien engageait un programme de
« scolarisation à 100% » auquel il consacrait une part important du budget national.
Cette politique fut poursuivie de 1960 à 1980.
Pour former des fonctionnaires et des
employés de …
A partir de 1980.

Conditions économiques défavorables


et pressions internationales :

Réduction de la population du cycle secondaire et de


l’enseignement supérieur.
A partir de 1980, un ensemble de conditions économiques défavorables et de pressions
internationales oblige les gouvernants à réduire tous les budgets, y compris celui de
l’éducation nationale.
A la rentrée 1981, le président Houphouët-Boigny fait un discours annonçant le
revirement de la politique d’enseignement : la « sévérité » sera le principe d’un ensemble
de mesures qui visent explicitement la sélection.
Ainsi, entre 1980 et 1986, plusieurs reformes visent à créer des mécanismes efficaces
de réduction de la population du cycle secondaire et de l’enseignement supérieur. La
plus draconienne concerne les bacheliers. Jusqu’en 1983, tous les titulaires du
baccalauréat étaient « orientés » vers des établissements de l’enseignement supérieur et
tous recevaient des bourses. Ce système est aboli lors de la rentrée 1984 ; cette année-
là, 1238 bacheliers sur 3743, l’année suivante, 1980 sur 5217 ne sont pas « orientés ».
Ceci signifie pour le plus grand nombre que leurs études s’achèvent, qu’ils le veuillent ou
non.
Malgré tout ça,
C’est
« L’école à tout prix »
Or, même après 1980, les parents appartenant aux classes moyennes ont continué à
s’acharner, comme par le passé, à prolonger les études de leurs enfants, malgré la
répétition des échecs, malgré l’inutilité, sur le marché du travail, d’enseignements payés
au prix fort, malgré la dévaluation accélérée des diplômes. Sans doute leur trop grand
attachement à l’école tient-il à leur expérience passée ; en effet, cette génération de
parents avait, elle-même, été scolarisée à une époque où des individus non diplômés,
mais pourvus d’un savoir scolaire de départ leur permettant de se qualifier
progressivement, pouvaient s’élever dans la hiérarchie des positions professionnelles et
sociales et s’intégrer aux classes moyennes.
Mais…pourquoi tout ça ?
Faisons un lien pour comprendre !
Analyse critique de l’école et son
institution du point de vue de tout ce qui
précède.

La conquête
La première caractéristique de l’école est la nécessité de conquête. Les missionnaires,
les explorateurs et les colonisateurs visaient, dans leur relation aux indigènes africains, à
les conquérir, ce de manière croissante et par tous les moyens, des plus durs aux plus
raffinés, des plus répressifs aux plus conciliants (paternalisme).
Chaque action de conquête implique un conquérant et quelqu’un ou quelque chose à
conquérir. Le conquérant impose ses objectifs aux vaincus et en fait sa possession. Il
impose ses propres contours aux vaincus, qui intériorisent cette forme et deviennent des
êtres ambigus en “hébergeant” un autre. Dès le départ, l’acte de conquête, qui réduit les
personnes au rang de choses, est perversion.
Le désir de conquête (ou plutôt la nécessité de conquête) est toujours présent dans
notre système éducatif. À cette fin, les gouvernants essaient de détruire sa qualité de
“considération” du monde chez le citoyen lambda. Comme les gouvernants ne peuvent
pas totalement parvenir à cette destruction, ils doivent mythifier le monde. Afin de
présenter à la considération des individus gouvernés et des subjugués un monde de
mensonge et de tromperie afin d’augmenter leur aliénation et leur passivité, les
dirigeants développent toute une série de méthodes empêchant toute présentation du
monde en tant que problème en le montrant plutôt en tant qu’entité fixe et établie,
quelque chose de donné, quelque chose dont les gens ne sont en fait que de simple
spectateurs devant s’adapter.

Diviser pour mieux régner

Ceci est une autre dimension fondamentale de l’école et du système éducatif qui est
aussi vieille que la domination dans le monde. Alors que la minorité dirigeante et
oppressante subjugue et domine la majorité, elle doit la diviser et la maintenir divisée afin
de demeurer au pouvoir. La minorité ne peut pas se permettre le luxe de tolérer
l’unification des gens, ce qui sans nul doute signifierait une trop sérieuse menace à leur
domination ou à leur supériorité sur les autres membres de la population.
Le contenu et les méthodes de conquête et de division varient historiquement, ce qui ne
varie pas en revanche (aussi longtemps qu’existent et existeront des élites dominantes)
est cette passion nécrophile de diviser pour mieux régner.
Exemple : de l’ « école des fils des chefs et des interprètes » en 1856, on a de nos jours
les écoles « d’excellence » qui sont des moyens pour la classe dominante de diviser les
membres une société.
La réalisation du potentiel des individus très motivés et reconnus comme doués, mais
issus de milieux défavorisés, exige, selon le sens commun de l’excellence et de la
promotion, qu’ils puissent se trouver séparés, matériellement et culturellement, de leur
milieu familial, d’habitat ou d’origine ethnique, et qu’ils soient mêlés aux intelligents de
naissance, pour en apprendre les mœurs et les valeurs.

Or si ce partage scolaire, aux conséquences sociales et politiques aussi puissantes et


inflexibles, est reconnu comme valable, bénéficiant d’une légitimité qui la plupart du
temps ne pose pas de problème, c’est qu’il repose sur un présupposé largement
partagé, pré - supposé à caractère politique, celui de l’inégalité des intelligences et des
capacités devant le savoir.
Ce présupposé – ou plutôt cette présupposition, dirons-nous pour mieux en marquer le
sens actif – est comme l’ombre portée de l’école et se déploie dans l’institution scolaire
et ses pratiques à l’insu de leurs acteurs, persuadés de ne s’occuper que de la
distribution des capacités, et non de celle, qui en est comme l’envers, des incapacités.

L’école et l’université s’accommodent ainsi parfaitement du principe de l’égalité des


chances, qui ne leur est contraire qu’en apparence puisque, c’est précisément parce que
« les chances sont égales » devant la leçon, l’examen, voire le savoir en général, que
l’inégalité des résultats ne peut s’expliquer que par l’inégalité des dons ou des capacités,
autrement dit des intelligences. En fait, ce sont même ces institutions qui consacrent
socialement la légitimité de cette présupposition, la reconduisant et lui conférant ainsi
une effectivité institutionnelle, car c’est en elles, c’est par elles que se décide
principalement qui est capable du savoir, aussi bien de sa jouissance (par une fonction
supérieure – et supérieurement rémunérée – dans une division sociale du travail) que de
sa production (qui donc peut faire de la science, sinon celui ou celle qui s’en est
préalablement montré capable ?). La présupposition de l’inégalité des intelligences et
des capacités est ainsi à la base d’un principe d’impuissance (certaines personnes sont
capables de science et de savoir, d’autres non) et d’un principe d’exclusion (certaines
personnes ont droit à la science, à en jouir comme à en produire, et d’autres en sont
exclues, sinon à titre d’objet de science).

Il est de l’intérêt des gouvernants ou dirigeants d’affaiblir toujours plus avant les
populations opprimés, de les isoler, de créer et de creuser de profondes fractures parmi
eux. Ceci est fait par des moyens divers, des méthodes répressives des gouvernements
bureaucrates aux formes d’actions culturelles avec lesquelles ils manipulent les gens en
leur donnant l’impression, l’illusion, d’être aidés.
Toutes les actions de la classe dominante manifestent le besoin de diviser afin de
faciliter la préservation de l’état de dominant. Sa promotion d’individus qui révèlent des
capacités au leadership et qui pourraient vouloir être ou devenir une menace s’ils
n’étaient pas “assouplis” de cette façon ; sa distribution de bénéfices à certains et de
pénalités à d’autres ; tout cela n’est que manière de diviser afin de préserver le système
qui favorise l’élite.
Diviser afin de préserver le statu quo est alors un objectif fondamental de l’école. De
plus, les dominants essaient de se présenter comme les sauveurs des femmes et des
hommes qu’ils déshumanisent et divisent. Ce messianisme quoi qu’il en soit, ne peut pas
masquer leur véritable intention : se sauver eux-mêmes. Ils veulent sauver leurs
richesses, leurs biens, leur pouvoir, leur mode de vie : toutes ces choses qui leur
permettent de subjuguer et de dominer les autres.

La manipulation

La manipulation est une autre dimension du système scolaire et, comme toute stratégie
de la division, est un instrument de conquête : l’objectif autour duquel tourne toutes les
dimensions de cette institution.
Par la manipulation, les élites dominantes essaient de conformer les masses à leurs
objectifs. Plus l’immaturité politique des gens (en zones rurales et urbaines) est grande
et plus il est facile pour ceux qui ne veulent pas perdre le pouvoir, de les manipuler.
Les gens sont manipulés par toute une série de mythes et par essentiellement ce
mythe : le modèle que la bourgeoisie présente d’elle-même aux gens pour la possibilité
de leur montée dans la hiérarchie. Mais, pour que ces mythes fonctionnent, les gens
doivent accepter la parole de la bourgeoisie.
Par la manipulation, les élites dominantes peuvent mener les gens vers une forme
inauthentique d’organisation et peuvent ainsi éviter l’alternative menaçante : la véritable
organisation de ceux qui ont émergés et des gens qui émergent. Ces derniers ont alors
deux possibilités alors qu’ils entrent dans le processus historique : soit ils s’organisent de
manière authentique pour parvenir à leur libération ou ils seront manipulés par les élites.
L’organisation authentique ne va évidemment pas être stimulée par les dominants ; elle
est la tâche des leaders révolutionnaires.
La manipulation, tout comme la conquête dont elle sert l’objectif, tente d’anesthésier les
gens de façon à ce qu’ils ne pensent pas ou plus. Car si les gens se joignent par la
pensée critique au processus historique, la menace de leur émergence se matérialise en
la révolution.
Une des méthodes de manipulation est d’inoculer aux individus un appétit bourgeois
pour le succès personnel. Cette manipulation est parfois menée directement par les
élites et parfois indirectement, au travers de leaders populistes.
L’antidote à la manipulation se trouve dans une organisation révolutionnaire consciente
de manière critique, qui posera aux gens en tant que problèmes leur position dans le
processus historique, la réalité nationale et la manipulation elle-même.

L’invasion culturelle
L’école ou le système éducatif possède une dernière caractéristique fondamentale :
l’invasion culturelle, qui à l’instar des tactiques de la division et de la manipulation, sert
les buts de la conquête. Dans ce phénomène, les envahisseurs pénètrent le contexte
culturel d’un autre groupe, en total irrespect des potentiels de ce dernier ; ils imposent
leurs propres vues sur le monde sur ceux qu’ils envahissent et empêchent la créativité
des envahis en étouffant leur expression.
Qu’elle soit douce ou rude, l’invasion culturelle est toujours un acte de violence contre
les personnes de la culture envahie, qui perdent leur originalité ou doivent faire face à la
menace de la perdre. Dans l’invasion culturelle, les envahisseurs sont les auteurs et les
acteurs dans le processus, ceux qu’ils envahissent en sont les objets. Les envahisseurs
façonnent, ceux qui sont envahis sont façonnés. Les envahisseurs choisissent, ceux
qu’ils envahissent suivent ce choix ou sont attendus de le suivre. Les envahisseurs
agissent, ceux qui sont envahis n’ont que l’illusion de l’action, au travers des actions de
l’envahisseur.
Toute domination implique une invasion, parfois physique et évidente, parfois sous
couvert, l’envahisseur assumant alors le rôle d’un ami venant en aide. En dernière
analyse, l’invasion est une forme de domination économique et culturelle. L’invasion peut
être pratiquée par une société métropolitaine sur une société dépendante, ou cela peut
être implicite dans la domination d’une classe sur une autre au sein d’une même société.
La conquête culturelle mène à l’inauthenticité culturelle de ceux qui sont envahis ; ils
commencent à répondre aux valeurs, aux standards et aux buts des envahisseurs. Dans
leur passion absolue de dominer, de façonner les autres à leur image et à leur mode de
vie, les envahisseurs désirent savoir comment ceux qu’ils ont envahis appréhendent la
réalité, mais seulement afin de mieux pouvoir les dominer de manière plus efficace.
Dans l’invasion culturelle, il est essentiel que ceux qui sont envahis voient leur réalité du
point de vue des envahisseurs et non pas du leur, car plus ils imitent les envahisseurs et
plus stable devient la position de ces derniers.
Pour que l’invasion culturelle réussisse, il est essentiel que ceux qui sont envahis
deviennent persuadés de leur infériorité intrinsèque. Comme chaque chose a son
opposé, si ceux qui sont envahis se considèrent comme inférieurs, alors ils doivent
nécessairement reconnaître la supériorité de leurs envahisseurs. Les valeurs de ces
derniers deviennent alors la routine des premiers. Plus l’invasion est accentuée et ceux
envahis aliénés de l’esprit de leur propre culture et d’eux-mêmes et plus ceux-ci voudront
être comme les envahisseurs : marcher comme eux, s’habiller comme eux, parler
comme eux.
L’invasion culturelle est d’un côté un instrument de domination et de l’autre, le résultat de
la domination. Ainsi, l’action culturelle d’un caractère dominant, en plus d’être délibérée
et planifiée, est d’un autre sens simplement un produit de la réalité oppressive.

L’invasion culturelle, qui sert les objectifs de la conquête, la préservation de l’oppression


et du rapport dominant/dominé, implique toujours une vision étriquée de la réalité, une
perception très statique du monde et l’imposition d’une vision du monde sur une autre.
Elle implique la “supériorité” de l’envahisseur et l’”infériorité” de ceux qui sont envahis,
ainsi que l’imposition des valeurs du premier cité, qui possède le second et a peur de le
perdre.
De plus, l’invasion culturelle signifie que le siège définitif de la décision en regard de
l’action de ceux qui sont envahis ne réside pas avec ceux-ci, mais avec les
envahisseurs. Lorsque le pouvoir de décision est localisé hors de ceux qui devraient
décider, alors ces derniers n’ont que l’illusion du pouvoir décisionnaire. C’est pourquoi il
ne peut pas y avoir de développement socio-économique dans une société de la dualité
envahie. Pour qu’un développement se produise, il est nécessaire :

a) qu’il y ait un mouvement de recherche et de créativité ayant son siège


décisionnaire au sein de ceux qui recherchent et

b) que ce mouvement se produise non seulement dans l’espace, mais aussi dans le
temps existentiel du chercheur conscient.

Il est essentiel de ne pas confondre la modernisation avec le développement. La


première, même si elle peut affecter certains groupes dans la “société satellite”, est
presque toujours induite et c’est la société métropolitaine qui tire les véritables bénéfices
de ceci. Une société qui est à peine modernisée sans se développer va continuer, même
si elle reprend quelque pouvoir décisionnaire minimum, à dépendre du pays extérieur.
Ceci est le sort de toute société dépendante, aussi longtemps qu’elle demeure
dépendante.
Afin de déterminer si oui ou non une société se développe, on doit aller au-delà des
critères fondés sur des indices de revenus (qui, exprimés sous forme statistique, sont
totalement erronés et induisent en erreur), ainsi que ceux qui se concentrent sur une
étude des revenus bruts, comme le PIB. Le critère de base et élémentaire est de savoir
si une société est un “être par et pour elle-même”. Si elle ne l’est pas, les autres critères
ne font qu’indiquer une modernisation et non pas un développement.
Pour conclure cette tentative d’analyse de l’école et de l’institution scolaire, je désire ici
affirmer que les leaders révolutionnaires ne doivent pas utiliser ces mêmes procédures
antidialogiques des oppresseurs, mais au contraire, les leaders révolutionnaires doivent
suivre le chemin du dialogue et de la communication.
PROBLEME
ET
PROPOSITION DE SOLUTION
ALTERNATIVE

Le besoin trop impérieux d'une instruction généralisée a, dans le passé, caché les
véritables buts de l'éducation.
Il fut admis que les écoles devraient former de bons employés, de bons fonctionnaires,
parce qu'à l'époque la société en avait un besoin urgent; mais on a oublié que les
conditions changent. L’école s’est alors fondée sur la présupposition de l’inégalité des
intelligences qui structure les institutions scolaires et scientifiques et ensuite exerce des
effets transversaux à toute une série de rapports sociaux de domination, de dynamiques
oppressives et de figures du mépris.

La distribution scolaire des capacités et des incapacités a pour corollaire et pour suite
évidente la distribution sociale des tâches et des compétences – tâches supérieures de
la cognition et de l’intellect, « conception », « direction », et tâches inférieures des mains,
des yeux et de la répétition mécanique, « exécution », « application ».

La présupposition d’inégalité des intelligences est un principe transversal à la société en


ce qu’elle se déploie implicitement au sein d’une majorité de relations de pouvoir
économiques, culturelles et institutionnelles. Elle peut alors y jouer un rôle de légitimation
de ces relations de pouvoir.
Cette légitimation par la présupposition de l’inégalité des intelligences a une logique qui
lui est propre. Ainsi, si nous désirons penser une solution alternative, nous devons tout
d’abord réfléchir aux mécanismes sociaux qui relèvent de cette logique inégalitaire et qui
distribuent la légitimité à savoir et à produire du savoir. Ces mécanismes sont autant de
phénomènes exacerbés par la place centrale du savoir dans nos sociétés et qui ne
deviennent pleinement compréhensibles que mis explicitement en relation à la
présupposition d’inégalité des intelligences. Nous proposons d’examiner succinctement
quatre de ces mécanismes, sans réduire complètement la présupposition d’inégalité des
intelligences à ceux- ci : le racisme de l’intelligence, la subordination épistémologique, la
société du mépris et l’intériorisation de l’inégalité.

Premièrement, le racisme de l’intelligence, concept développé par Pierre Bourdieu,


désigne la justification de l’occupation d’une position sociale privilégiée par une
prétendue supériorité intellectuelle. Il s’agit donc, à partir d’une hiérarchie sociale
préexistante, d’instaurer une hiérarchie intellectuelle venant s’y superposer et en
expliquant a posteriori l’existence. Ainsi, pour Bourdieu, le racisme de l’intelligence
répond au besoin, pour les membres d’un groupe social dominant, « de se justifier
d’exister comme ils existent » :

[Dans ce cadre ] le racisme [de l’intelligence] est propre à une classe dominante dont la reproduction
dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, […] le racisme de l’intelligence est la forme
de sociodicée caractéristique d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession
de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d’intelligence et qui ont pris la
place, dans beaucoup de sociétés, et pour l’accès même aux positions de pouvoir économique, des
titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse.
C’est donc l’affirmation explicite ou implicite de sa propre intelligence comme étant
source et légitimation de l’accès à certains privilèges sociaux et à des positions de
domination qui constitue le racisme de l’intelligence. On peut ainsi se servir de diplômes
scolaires, de postes haut gradés, de titres honorifiques, de rôles institutionnels et de bien
d’autres étiquettes pour introduire une inégalité des intelligences qui devrait alors
prendre le caractère de l’évidence.

Deuxièmement, la présupposition de l’inégalité des intelligences pourrait être repérée


dans des rapports de domination que l’on pourrait qualifier de subordination
épistémologique, c’est-à-dire des relations de pouvoir dans lesquelles l’enjeu est la
capacité et la légitimité de certains individus ou de certains groupes à penser pour les
autres. Ce rapport de pouvoir a une consistance propre, qui se démarque des autres
formes de domination traditionnellement thématisées. Ainsi, Jean-Pierre Darré écrit à ce
sujet :

L’asservissement économique reste au centre de la plupart des luttes des opprimés – salariés, petits
paysans d’ici et d’ailleurs – mais il s’y ajoute aujourd’hui, de façon croissante, la conscience de
l’existence des formes d’asservissement intellectuel, c’est-à-dire des relations sociales qui reposent sur
l’attribution à certains, au moins pour certaines circonstances, de la qualité de penseur pour les autres

Ce qui est central à cette dynamique (d’un « asservissement intellectuel »), c’est le
mécanisme de dépossession par lequel certains et certaines en viennent à être jugés
impropres ou incapables de penser par eux-mêmes – disqualifiés quant à la possibilité
même de penser ou de savoir, ce qui vient légitimer en retour qu’on le fasse à leur place.

Si, chez Bourdieu, l’incapacitation intellectuelle d’autrui provient de l’affirmation de sa


propre intelligence comme justification de la domination, chez Darré, elle repose plutôt
sur un asservissement de celui qui se voit ainsi dépossédé de sa capacité et de sa
légitimité à penser.

Troisièmement, si ces deux mécanismes montrent bien l’efficacité du principe


d’inégalité des intelligences dans le rapport dominants/dominés, il ne faudrait pas pour
autant penser que la présupposition d’inégalité des intelligences ne se déroule qu’à
l’intérieur de celui-ci. Il s’agit plutôt d’un principe général de l’expérience sociale, d’une
croyance qui n’en épargne aucune strate. Jacques Rancière en thématisera l’universalité
comme celle d’une société du mépris, c’est-à-dire une société où chaque groupe se
rapporte aux autres sur le mode du mépris et de la « passion de l’inégalité »

La notion de supériorité des inférieurs, par laquelle chaque groupe social s’arroge le
pouvoir de mépriser tous les autres par le double jeu de la reconnaissance de sa
supériorité sectorielle et de sa disqualification partout ailleurs, montre bien que le
principe d’inégalité des intelligences ne se vit pas que dans le rapport unidirectionnel
dominant/dominé, mais dans tous les sens à la fois. Ainsi, le mépris devient une logique
de méconnaissance entre groupes sociaux, facilement illustrée par des préjugés
populaires.

Quatrièmement, cette logique inégalitaire, tournée jusqu’ici vers les autres, fait aussi
l’objet d’une internalisation à l’échelle personnelle, psychique et collective. Selon sa
position sociale, l’individu ou le groupe périodiquement ou constamment soumis aux
effets décapacitants de ces mécanismes finit par intérioriser ces effets, même en
l’absence des mécanismes qui les produisent. Ainsi, on reconnaît comme légitime la
prétention inégalitaire de ces mécanismes lorsqu’ils nous placent dans une position
d’infériorité intellectuelle, ce qui produit alors un effet limitant nos capacités et entravant
une construction identitaire de soi incluant la reconnaissance de son propre potentiel.

Si ce phénomène inhibiteur, qu’on pourrait appeler un mépris de soi, se rencontre à tous


les échelons de la hiérarchie sociale consacrée, il est particulièrement aigu chez ceux et
celles que toutes les modalités institutionnelles de classement ont systématiquement
classés du côté des « inférieurs ».

Le mépris de soi est donc une autre caractéristique des individus opprimés, qui provient
de l’intériorisation de l’opinion que les oppresseurs ont d’eux. Ils entendent si souvent
dire qu’ils ne sont bons à rien, qu’ils ne savent rien et ne peuvent rien apprendre, qu’ils
sont malades, paresseux et improductifs, qu’ils finissent par se convaincre de leur propre
inadaptation.

La mise au jour des relations de pouvoir et des mécanismes fondés sur la croyance en
l’inégalité des intelligences permet de comprendre que nous les populations sommes à
la fois non reconnues et décapacitées : non reconnues à travers un racisme de
l’intelligence nous plaçant aux derniers échelons de la hiérarchie intellectuelle et par un
mépris servant de logique de reconnaissance sociale entre groupes, décapacitées par
une confiscation de notre pensée dans des relations de subordination intellectuelle et par
l’intériorisation de ces mécanismes dans le rapport à soi-même.

À la lumière de ces effets politiques oppressants attribuables à la présupposition de


l’inégalité des intelligences à travers l’institution scolaire, la question survient, inévitable :
est-il possible de s’en défaire et, si c’était le cas, quel type de formation, quels outils,
quelle méthode mettre au point et pratiquer avec les adolescents et les adultes des
milieux populaires pour développer leur potentiel cognitif et leurs possibilités de création
socio-économique et technique ? étant donné que le but fondamental de la solution à ce
problème qui vient d’être formulé, serait d’aider des groupes d’adolescents et d’adultes à
échapper de façon constructive, au poids des idées et des modes de pensée dominants,
à critiquer, dans leur pratique, la raison du plus fort.
Quel type de formation, quels outils, quelle méthode mettre au
point et pratiquer avec des adolescents et des adultes pour
développer leur potentiel cognitif et leurs possibilités de
création socio-économique et technique ?

Présentons d’abord les éléments constitutifs de notre solution alternative.


La coopération

Dans le système scolaire, la conquête (en tant que sa caractéristique primaire) implique
un sujet qui conquiert une autre personne et la transforme en une “chose”. Dans notre
proposition de solution, les sujets se rencontrent en coopération afin de transformer le
monde.
Notre proposition n’implique pas un sujet qui domine par vertu de conquête et un objet
dominé ; au lieu de cela, il y a des sujets qui se rencontrent pour nommer le monde afin
de le transformer.
Ceci ne veut pas dire que dans la tâche dialogique il n’y ait pas de rôle pour nous les
animateurs. Cela veut simplement dire que nous, malgré notre rôle important,
fondamental et indispensable, ne possédons pas les gens et n’avons absolument aucun
droit de piloter, guider les gens aveuglément vers leur salut.
La coopération, comme caractéristique de notre solution, qui ne se produit que parmi des
sujets, ne peut seulement se faire que par la communication. Le dialogue, comme
communication essentielle, doit être sous-jacent à toute coopération.
Dans notre solution alternative, il n’y a aucune place pour la conquête des gens au nom
d’une cause révolutionnaire, mais seulement pour obtenir l’adhésion des personnes. Le
dialogue n’impose pas, ne manipule pas, ne domestique pas, ne vocifère pas de
slogans.

Union pour la libération

Alors que dans le système traditionnel de l’éducation nationale les dominants sont
obligés par nécessité de diviser les apprenants pour préserver plus facilement l’état
d’oppression, dans notre solution, nous les animateurs devons nous dédier à un effort
sans relâche pour obtenir l’union chez les adolescents et ainsi que l’union entre nous et
les adolescents, ce afin de parvenir à la libération.
Pour que les adolescents et le s adultes s’unifient ils doivent d’abord couper le cordon
ombilical de la magie et des mythes qui les relie au monde actuel de l’oppression ;
L’union qui les lie entre eux doit être de nature différente. Pour parvenir à cette union
indispensable, le processus révolutionnaire doit être, dès le départ, une action culturelle.
L’action culturelle dans de telles situations a pour objectif : clarifier pour nos
interlocuteurs la situation objective qui les lie à l’oppresseur, qu’elle soit visible ou pas.
Seules des formes d’action qui évitent le simple discours et blablabla inefficace d’un côté
et l’activisme mécanique de l’autre, peuvent aussi s’opposer à l’action de division des
élites dominantes et faire bouger vers l’unité des opprimés.

L’organisation

Dans le système scolaire traditionnel, la manipulation est indispensable à la conquête et


à la domination ; dans notre solution alternative, l’organisation des gens présente
l’opposé antagoniste de cette manipulation. L’organisation n’est pas seulement
directement liée à l’union, mais elle est un développement naturel de cette union. Ainsi,
la poursuite de l’union de nous les animateurs est aussi nécessairement une tentative
d’organiser les gens ayant pour témoignage le fait que la lutte pour la libération est une
tâche commune à tous.
Dans le système scolaire, la manipulation anesthésie les gens et facilite la domination ;
dans notre solution, la manipulation est dépassée et remplacée par l’organisation
authentique. Dans l’action le système scolaire, la manipulation sert les buts de la
conquête ; dans notre solution alternative, le témoignage de prise de risque et d’amour
servent les buts de l’organisation.
Place maintenant au processus
révolutionnaire de notre proposition
alternative

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