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Gynécol Obstét Fertil 2001 ; 29 : 192-9

© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés


S1297958900000746/FLA
ARTICLE ORIGINAL

Comparaison de deux stratégies thérapeutiques dans


les endométrioses sévères, chez des femmes jeunes
consultant pour stérilité ou douleurs. II. En cas
d’infertilité, intérêt des stimulations ovariennes avec
inséminations intra-utérines après la chirurgie
R. El Amrani1, J. Henry-Suchet2*, E. Cornier2, K. Sarjdine1, J.M. Mayenga1, T. Loysel1,
J. Belaisch-Allart1
1
Service de gynécologie-obstétrique et reproduction humaine, hôpital Jean-Rostand, 141, Grande Rue, 92311,
Sèvres, France ; 2 centre hospitalier Trocadéro-Muette, 131, avenue de Versailles, 75016, Paris, France
(Reçu le 21 décembre 1999 ; accepté le 11 septembre 2000)

Résumé
But de l’étude – Définir la meilleure stratégie en cas d’infertilité liée à une endométriose sévère (stade III-IV de la défi-
nition AFS).
Matériel et méthodes – Deux groupes A (26 cas) et B (37 cas) de patientes consultant pour infertilité ou infertilité et dou-
leurs pelviennes, atteintes d’endométriose sévère (stades III et IV de la classification AFS), ont été comparées. L’endomé-
triose a été traitée de façon voisine par chirurgie (cœlioscopique le plus souvent), avec résection des lésions importantes,
en particulier des endométriomes et des nodules de la cloison rectovaginale et destruction des petites lésions superficielles
par vaporisation au laser CO2 (A) ou coagulation bipolaire (B). La stratégie a été différente : groupe A, pas de traitement
préopératoire, mais chirurgie partielle dans 40 % des cas et deuxième temps opératoire après trois à six mois d’analogues
de LHRH, aucun traitement postopératoire ; groupe B, blocage ovarien par trois à six semaines de pilule DianeT (AndrocurT
plus éthinyl estradiol), intervention en un temps suivie de deux mois d’analogues, puis si les trompes étaient fonctionnelles,
soit stimulations ovariennes (SO) avec inséminations intra utérines (IIU) (22 cas), soit expectative chez les patientes de
moins de 30 ans (sept cas) soit FIV d’emblée (cinq cas) ou après échec de SO + IIU (trois cas), une patiente a refusé les
traitements, deux patientes à FSH élevée ont été inscrites pour FIV avec don d’ovocyte.
Résultats – Aucune persistance ni récidive à deux ans d’endométriome n’a été observée. Le taux de grossesses évo-
lutives a été significativement meilleur dans le groupe B que dans le groupe A : à deux ans, 59 % contre 23 %, p < 0,01.
Dans ce groupe B, un taux supérieur de grossesses évolutives à deux ans a été obtenu par SO + IIU (15/22, 68 %) que
par FIV (5/9, 55 %), ou de façon spontanée chez les moins de 30 ans (3/7, 43 %).
Conclusion – Les résultats similaires obtenus chez les femmes souffrant de douleurs pelviennes chroniques (voir partie I
de l’étude) suggèrent que les deux stratégies sont également efficaces pour traiter l’endométriose. Le taux de grossesses
plus élevé du groupe B confirme l’intérêt d’une AMP précoce après la chirurgie et montre que les stimulations ovariennes,
moins coûteuses que la FIV, peuvent être utilisées parallèlement à celle-ci dans des indications judicieusement choisies,
après traitement chirurgical d’une endométriose sévère. © 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

assistance médicale à la procréation (AMP) / endométriomes / endométriose sévère / stérilité / traitement


chirurgical

*Correspondance et tirés à part.


Adresse e-mail : jachen@club-internet.fr (J. Henry-Suchet).
Endométriose sévère et stérilité 193

Summary – Comparison of two therapeutic strategies associated with surgery in severe endometriosis. II. In women
requiring for infertility, interest of ovarian stimulation plus intracorporeal insemination.
Aim of the study – Define the best medico surgical strategy in infertile women with stage III-IV endometriosis.
Material and methods – Two groups, A (N26) and B (N 37), treated for infertility associated or not with pelvic pain, due
to stage AFS III or IV endometriosis, were compared. They had similar surgical procedure : operative laparoscopy includ-
ing resection of endometriotic lesions, more particularly endometriomas and rectovaginal septum nodules. Associated
medical strategy was different: group A, operative laparoscopy without preoperative treatment and in 40 % a second
laparoscopy taking place after 2-3 months of LHRH analogues ; no post operative treatment; group B, operative lap-
aroscopy taking place after ovarian blockage with 3-6 weeks of DianeT (AndrocurT + ethinyl estradiol), then 2-3 months
of analogue postoperative treatment immediately followed by ovarian stimulation (OS) + intrauterine insemination (IUI)
in women more than 30 years old with operative tubes (N 22), no treatment for six months in similar cases less than 30
(N 5), and IVF in women with damaged tubes (N 5) or after OS + IUI failure (N 4). One patient refused two patients with
high FSH level had oocyte donation.
Results – Two years evolutive pregnancy rate was significantly higher (p < 0,01) in group B (59 %) versus group A
(23 %) and was higher after OS + IUI (68 %) than after IVF (55 %) or without any treatment in women < 30 (43 %). The
difference is equally significant by age (p < 0,05), for endometriomas (p < 0,01) and for recurrences (p < 0,01).
Conclusion – Similar results obtained for pelvic pain (see chapter I) suggest that both strategies are similarly successful
in treating endometriosis. These results confirm the interest of an ART after surgery for stage III-IV endometriosis and
show that OS + IUI, a less costly than IVF technique, can be used successfully in selected cases with operative tubes.
© 2001 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS

ART / endometriomas / infertility / severe endometriosis / surgical treatment

L’endométriose sévère, correspondant aux stades III et MATÉRIEL ET MÉTHODES


IV de la classification AFS [1], est caractérisée par des
lésions ovariennes et péritonéales profondes importan- L’étude, rétrospective, non randomisée, concerne 101
tes, génératrices de douleurs et d’infertilité. Le traite- cas d’endométriose de stade III ou IV, opérés de janvier
ment est souvent difficile en raison de la grande tendance 1992 à juin 1997 par deux chirurgiens A et B, expéri-
de l’endométriose à la récidive. Il peut être médical, chi- mentés en technique de traitement de la stérilité, de
rurgical ou mixte. microchirurgie et de cœliochirurgie et opérant de façon
– parmi les traitements médicaux, les plus utilisés sont minutieuse et comparable mais utilisant une stratégie
les analogues de la LHRH, dont la remarquable effica- médicale différente. Les patientes opérées pour endomé-
cité est malheureusement limitée à la période d’admi- triose sévère sans infertilité ni douleur, pour endosalpin-
nistration [2] ; giose ou pour adénomyose n’ont pas été prises en
– les lésions de stade III et IV sont le plus souvent trai- compte. Sur les 101 femmes étudiées, 33 consultaient
tées de façon chirurgicale, même en cas d’infertilité, de pour infertilité, 38 pour douleurs et 30 pour les deux
nombreuses études et leur méta-analyse ayant démon- associées. Toutes souhaitaient une intervention conser-
tré que la destruction des lésions importantes est un vatrice.
temps essentiel du traitement [3-7] et que l’association La deuxième partie de l’étude conmpare le résultat des
d’un traitement médical à la chirurgie est préférable à la deux séries chez les 63 femmes consultant pour inferti-
chirurgie seule, tant en ce qui concerne l’effet sur la dou- lité. Les 30 patientes consultant pour les deux motifs y
leur que sur la stérilité. sont intégrées.
Différents points de stratégie sont à débattre. Faut-il La technique chirurgicale, voisine dans les séries A et
prescrire le traitement médical avant ou après la résection B, a été décrite avec la première partie, ainsi que les résul-
chirurgicale ? Faut-il opérer en un ou deux temps ? En cas tats en cas de douleurs pelviennes. Les deux opérateurs
d’infertilité, est-il préférable de proposer une assistance ont réséqué les lésions importantes, les petites lésion
médicale à la procréation (AMP) d’emblée ou après un superficielles ont été détruites au laser CO2 50 Watts
délai d’attente ? Cette étude comparant les résultats de dans le groupe A et par coagulation bipolaire dans le
deux stratégies, cherche une réponse à ces problèmes. groupe B.
194 R. El Amrani et al.

Figure 1. Stratégies.

La stratégie a été différente (figure 1) : – des stimulations d’ovulation (SO) avec insémination
– la série A (26 cas dont 15 consultant pour stérilité iso- intra-utérine (IIU) ont été faites, selon la technique de
lée et 11 pour stérilité et douleur), a été opérée sans trai- J. Belaisch-Allart [9], aux 23 patientes chez lesquelles la
tement préalable. Les patientes étaient réopérées éven- chirurgie paraissait avoir rétabli une morphologie pel-
tuellement, après trois à huit mois de blocage ovarien, vienne fonctionnelle (22 ont accepté, une a été perdue
selon le principe de la chirurgie en deux temps [8]. de vue) ;
Aucun traitement n’a été proposé par la suite, la pres- – une FIV a été proposée et réalisée soit d’emblée chez
cription éventuelle d’une AMP n’ayant lieu qu’après un cinq patientes dont les trompes ne paraissaient pas fonc-
délai d’un an : stimulations ovariennes (trois cas) ou tionnelles (quatre cas) ou dont le conjoint avait un
fécondation in vitro (FIV) (six cas), les autres patientes sperme justifiant une FIV avec ICSI (un cas), soit après
ayant soit été enceintes, soit abandonné les traitements ; échec de trois tentatives de SO + IIU (trois cas) ;
– la série B (37 cas dont 18 consultant pour stérilité iso-
– un délai d’attente court (six mois), avant stimulation
lée et 19 pour stérilité et douleurs) a été opérée en sui-
a été observé de façon plus classique pour sept patientes
vant un protocole précis et original. Les ovaires étaient
de moins de 30 ans, opérées pour la première fois et aux
bloqués par la pilule Diane 35t (Androcurt 2 mg. +
conditions physiologiques correctes après l’interven-
éthinyl estradiol 35 microg.) pendant trois à six semai-
tion ;
nes avant l’opération et la chirurgie, faite en un temps, a
été suivie d’un traitement d’analogues de deux à trois – deux patientes à FSH élevée après une opération ité-
mois. Dès les premières règles suivant le traitement rative sur endométriome ont été éliminées et sont comp-
d’analogues, une évaluation de la fonction ovarienne par tées comme des échecs. L’une a eu par la suite une gros-
dosages hormonaux (FSH et E2) à j2 a été faite et une sesse avec don d’ovocyte, l’autre est en attente d’un don.
assistance médicale à la procréation a été proposée Les dossiers ont été revus de façon rétrospective. Les
comme suit aux patientes de plus de 30 ans ou opérées patientes non revues ont été contactées par téléphone et
de façon itérative, dont la FSH était inférieure10 UI/L : interrogées sur leur devenir.
Endométriose sévère et stérilité 195

Tableau I. Endométriose stades III-IV et stérilité. Comparaison des deux séries.


Groupe
A B
(âge moyen : 32,8) (âge moyen : 31,4)
NB % NB %
Chi. Ant. 7 27 17 46*
Stade IV 14 54 20 54
Douleur 13 52 18 50
Lésions
Endométriome 18 69 29 78*
Idemrécidivé 3 11 15 41*
Idem bilatéral. 8 31 11 30
Nodule cloison 11 42 15 40
Nodule U. sacré 13 62 19 51
TOTAL 26 37
* p<0,05.

Chez les femmes infertiles, il a été évalué par tran- RÉSULTATS


ches de six mois le taux de grossesses utérines (une gros-
sesse par femme étant prise en compte seulement), de Sur les 63 femmes consultant pour infertilité, 24 soit
grossesses évolutives, de grossesses multiples en com- 38 % avaient été opérées auparavant sans succès de une
parant les deux groupes de deux façons : les chiffres à quatre fois pour endométriose. Des traitements médi-
étant rapportés d’abord au nombre total de femmes caux, dont des cures d’analogues, des stimulations ova-
opérées, puis à celui des femmes suivies pendant au riennes (sans IIU) ou des FIV avaient été utilisées sans
moins un an. La date de départ a été soit celle de la pre- succès dans la moitié des cas.
mière, soit celle de la deuxième intervention pour les
patientes ayant eu une chirurgie en deux temps. Étude comparative des deux séries
Une comparaison des caractéristiques cliniques et des
résultats des deux séries a été faite pour les données Les deux séries ont des caractéristiques presque sembla-
importantes avec étude statistique selon la méthode du bles (tableau I) : les âges extrêmes sont respectivement
x2 plus correction de Yates pour petits échantillons. 23 et 41 ans (A), 23 et 42 (B), les âges moyens 33 et 31

Tableau II. Endométriose stades III-IV et stérilité. Gestes chirurgicaux.


Groupe
A B
(âge moyen : 32,8) (âge moyen : 31,4)
NB % NB %
Laparotomie 1 4 9 24
Chi. 2 temps 11 42 2 5***
dont laparo. 2 8 1 3
Res. cloison 4 15 12 32**
Coag. laser cloison 7 27 3 8*
Res. U. sacré 9 35 13 35
Coag. laser U. Sacré 7 27 6 16
Plastie T. 6 23 8 22
Lysis 3 12 11 30
TOTAL 26 37
* p < 0,05 ; ** p < 0,01 ; *** p < 0,001.
196 R. El Amrani et al.

Tableau III. Endométriose stade III-IV. Grossesses en trois ans. Comparaison des deux stratégies post-opératoires.
Groupe
A B
NB % NB %
G. totales 9 35* 25 70*
FC 2 8 2 6
G. Évol. 7 27* 23 62*
GEU 1 4 1 3
Total 26 37
Groupe A : attente 1 an avant AMP ; groupe B : stimulation ovarienne + IIU ou FIV d’emblée ; résultats sur le total des opérées.

ans, une patiente sur deux dans chaque série avait des IIU (toutes évolutives) et six après FIV (un avortement).
douleurs pelviennes chroniques, des antécédents de chi- Six grossesses étaient gémellaires. Dans ce groupe B, un
rurgie pour endométriose sont notés moins souvent dans taux supérieur de grossesses évolutives a été obtenu par
le groupe A (27 %) que dans le groupe B (46 %, SO + IIU (15/22, 68 %) que par FIV (5/9, 55 %), ou
p < 0,02). Les taux de stades III (46 %) et de stades IV de façon spontanée (3/7, 43 %).
(54 %) et le taux de nodules de la cloison rectovaginale Le taux cumulatif de grossesses évolutives, rapporté au
sont identiques. Le taux d’endométriomes est plus élevé total des femmes opérées, les perdues de vue étant consi-
dans le groupe B (78 % contre 69 %, p < 0,05) celui des dérées comme des échecs, est respectivement de 19 %
endométriomes bilatéraux est le même (31 % et 30 %), (A) et 51 % (B) après un an (p < 0,02), 23 % (A) et 59 %
mais trois (11 %) seulement étaient des récidives dans (B) après deux ans (p < 0,01) (figure 2).
le groupe A, contre 15 (41 %, p < 0,02) dans le groupe Si l’on rapporte ces chiffres aux seules patientes sui-
B. vies pendant un an ou plus, les taux sont majorés, la dif-
La stratégie chirurgicale a différé par le nombre férence restant significative : en trois ans, 7/21 (33 %)
d’interventions itératives et la voie d’abord (tableau II) : grossesses évolutives pour la série A et 23/33 (69 %) pour
dans le groupe A, une seule laparotomie sur 26 cas (4 %), la série B (p < 0,01).
mais 42 % interventions en deux temps. Dans le groupe La différence reste significative bien que les chiffres
B, 9 laparotomies sur 37 cas (24 %) et seulement deux soient petits si l’on étudie les grossesses évolutives sur
interventions en deux temps (5 %). On note le même deux ans par tranches d’âge : moins de 25 ans, A : 2/6
taux de plasties tubaires et moins d’adhésiolyses
annexielles pour A que pour B.

Étude comparative des résultats

En raison, soit du suivi, soit de l’interrogatoire télépho-


nique, le devenir des patientes est connu au minimum à
un an (un à quatre ans) pour 21/26 (81 %) du groupe A
et 33/37 (89 %) du groupe B.
Grossesses : dans le groupe A 9/26 femmes (35 %) ont
eu en trois ans, une ou plusieurs grossesses utérines, sept
(27 %) des grossesses évolutives (tableau II). Sur les neuf
grossesses, cinq étaient spontanées, une après SO (un
avortement) et trois après FIV (un avortement), toutes
les trois gémellaires.
En contraste, dans le groupe B, 25/37 femmes (70 %)
ont obtenu en trois ans une ou plusieurs grossesses, 23 Figure 2. Taux cumulatif de grossesses évolutives.
(65 %) des grossesses évolutives, la différence est signi- Groupe A : attente 1 an avant AMP. Groupe B : stimulation ovarienne +
IIU ou FIV d’emblée.
ficative (p < 0,01) (tableau III). Sur les 25 grossesses, Résultats sur le total des opérées. À 12 mois, p<0,02. À 24 et 36 mois,
trois étaient spontanées (un avortement), 18 après SO + p<0,01.
Endométriose sévère et stérilité 197

Tableau IV. Endométriose stade III-IV. Taux de grossesses à deux ans.


Auteur Chirurgie seule Chirurgie+FIV
Total NB % NB %
Kodama [19]
Total 118 58 47 60 66
+ 31 ans 29 59*
stade III IV 74 37 27 37 50*
Canis [20]
tous stades 269 22 44
Alam [21]
stade III IV 26 26 55
* p < 0,01.

(33 %) B : 10/13 (85 %, p < 0,05), 30–35 ans : A : 4/10 Dans chaque série, deux femmes ont été réopérées
(40 %), B : 11/16 (69 %, p < 0,05), elle n’est pas signi- après trois et quatre ans pour stérilité persistante (trois
ficative pour les plus de 35 ans, A : 1/10 (10 %), B : 2/8 cas) ou secondaire (un cas).
(38 %).
La différence du taux de grossesses évolutives est éga-
lement significative (p < 0,05) si l’on ne tient compte COMMENTAIRES
que des patientes opérées pour récidive : à deux ans, A :
1/7 (14 %) et B : 10/17 (59 %) et pour les endométrio- Ce travail rétrospectif montre l’intérêt dans le traitement
mes : à deux ans, A : 5/17 (29 %), B : 21/28 (75 %). Elle de l’infertilité associée à une endométriose sévère, d’une
est significative en cas d’endométriome récidivé, une attitude active et agressive, adaptée à chaque cas, tenant
grossesse sur trois cas dans le groupe A et dix sur 15 cas compte particulièrement de l’âge et de la gravité des
dans la groupe B. lésions et comportant une AMP sans délai chez les
La différence reste significative chez les femmes patientes de plus de 30 ans ou opérée de façon itérative.
consultant à la fois pour stérilité et pour douleurs, à deux L’association systématique de l’IIU à la stimulation
ans, A : 4/11 (33 %) et B 11/19 (58 %, p < 0,05). même si le conjoint a un sperme normal augmente signi-
Il n’y eut aucune grossesse multiple autre que gémel- ficativement les chances de grossesse [9] et cette techni-
laire dans aucun des groupes et aucune complication que se justifie car moins coûteuse et plus facilement répé-
néonatale mais une grossesse du groupe B a été inter- titive que la FIV et parce que l’endométriose respecte
rompue pour syndrome de Budd Chiari. Une grossesse dans la plupart des cas la muqueuse tubaire, permettant
extra-utérine est survenue spontanément dans chaque une fécondation naturelle ?
groupe. Le fait que les deux séries ont obtenu des résultats com-
Il n’est survenu aucune complication de la chirurgie parables sur les douleurs (voir première partie) montre
dans aucun des deux groupes, mais dans le groupe B, que des techniques chirurgicales légèrement différentes
une complication du traitement d’analogues : hépatite mais également minutieuses obtiennent des taux voisins
médicamenteuse de guérison spontanée après l’arrêt de de guérison dans les endométrioses sévères, quelle que
l’effet du traitement, déjà signalée dans la première par- soit la stratégie médicale associée. C’est donc bien le
tie. recours à la stimulation ovarienne précoce qui parait res-
Aucune des patientes traitées pour douleurs pelvien- ponsable du taux élevé de grossesses du groupe B.
nes et stérilité, dans les deux séries, n’a signalé de persis- Dans les endométrioses sévères, les taux de grossesses
tance des douleurs obtenus après chirurgie varient de 20 -40 % [10-13] à
Sur les 17 endométriomes uni ou bilatéraux du groupe 50-60 % [8, 14, 15]. Plusieurs auteurs [16-18]
A, un seul a persisté et aucun sur les 29 cas du groupe B. (tableau IV) utilisant chirurgie seule ou chirurgie suivie
Aucune récidive d’endométriome n’a été notée à deux de FIV dans les stades III-IV, obtiennent des taux de
ans. Une seule récidive a été observée, après quatre ans, grossesses meilleurs en ce dernier cas (20-30 % contre
dans le groupe B. 40-50 %). Notre travail montre que des résultats du
198 R. El Amrani et al.

même ordre peuvent être obtenus par stimulation + IIU mauvais résultats en FIV des femmes porteuses d’une
si les trompes paraissent fonctionnelles. endométriose avancée, ce qui s’expliquerait par un endo-
La comparaison entre les différents temps et techni- mètre plus épais et non favorable à l’implantation, des
ques de la chirurgie a été faite dans la première partie du ovocytes de mauvaise qualité [33-35] ou par la présence
travail. La conclusion qui ressort de la littérature et de d’auto-anticorps [36].
notre étude est que la résection est plus efficace que la Peu d’auteurs se sont intéressés aux endométrioses
vaporisation et que l’on obtient de meilleurs résultats sévères et récidivées. Pagidas [13], sur une série de 51
non seulement sur les douleurs mais encore sur la stéri- cas, compare 33 cas traités par FIV d’emblée et 18 cas
lité en associant un traitement d’analogues à la chirur- réopérés et obtient en 9 mois, par chirurgie, 24 % seu-
gie, les taux de grossesses étant selon l’auteur de 40 à lement de grossesses contre 69,6 % pour les couples
50 % avec ce traitement, contre 20 à 30 % si on ne ayant eu deux FIV. Notre série B obtient, dans les réci-
l’utilise pas [6, 10, 15, 16-22], la chronologie de ce trai- dives, les mêmes résultats par chirurgie et AMP.
tement a peu d’importance pourvu que la chirurgie soit On peut par ailleurs regretter que la plupart des
minutieuse et aussi complète que possible. auteurs donnent leurs résultats par FIV et non par
On peut reprocher à la kystectomie de diminuer le femme et que le nombre de tentatives acceptées par la
patrimoine ovocytaire, ainsi que l’ont montré des étu- moyenne des couples ne soit pas précisé. Les résultats de
des histologiques [23]. Ceci est particulièrement impor- l’enquête nationale française FIVNAT en 1996 [37]
tant en cas d’endométriome récidivé. Il est regrettable pour l’endométriose, tous stades confondus, montrent
que dans notre étude, les patientes n’aient pas eu un que 50 % des couples ont deux ponctions et 20 % seu-
dosage systématique de FSH et E2 à j2, avant l’opéra- lement, trois tentatives. Pour les auteurs qui l’indi-
tion, puisque deux d’entre elles avaient un taux élevé lors quent [28, 30, 33], la moyenne des ponctions faites en
du dosage post-opératoire. deux ans en cas d’endométriose sévère est de 1,5 par cou-
ple, ce qui restreint les chances totales de grossesses par
Une stratégie très différente consiste, dans les endo-
cette méthode.
métrioses sévères associées à la stérilité, à utiliser la FIV
sans chirurgie, après avoir ponctionné un ou des endo-
CONCLUSION
métriomes sous échographie, ponction éventuellement
suivie d’injection intra-kystique d’éthanol, voire de Cette étude rétrospective et comparative souligne l’inté-
danazol [24, 25]. On tente ensuite la FIV soit d’emblée, rêt chez les patientes souffrant d’infertilité associée à une
soit après un traitement d’analogues de trois à six mois. endométriose sévère, d’utiliser la chirurgie suivie rapi-
En cas d’endométriose, les taux de grossesses par FIV dement d’AMP et de programmer, soit le plus souvent
varient selon les équipes, entre 15-20 % [26, 27] et plus une IIU en cycle stimulé, soit une FIV, les indications
de 35 % [28-30]. Beaucoup d’auteurs insistent sur le fait étant nuancées en fonction de l’âge et de l’état du pelvis.
que l’endométriose donne les mêmes résultats que les Cette attitude est particulièrement intéressante chez les
autres indications de FIV [26-29], d’autres obtiennent patientes associant douleurs pelviennes chroniques et
de moins bons résultats [31, 32]. Les meilleurs résultats stérilité. La FIV sans chirurgie est également une bonne
sont obtenus par les auteurs qui font précéder la FIV soit indication, particulièrement chez les patientes ayant une
de chirurgie, soit d’un traitement d’analogues de plu- récidive d’endométriome et à condition d’être précédée
sieurs mois. Marcus et Edwards [28] obtiennent ainsi de plusieurs mois d’analogues.
dans les endométrioses sévères 38 % de grossesses évo- La meilleure stratégie dépendra de l’estimation du
lutives par FIV après six à 12 mois d’analogues, contre capital ovocytaire, en tenant compte des antécédents
8 % en cas de FIV sans ce long traitement préalable. Pour personnels, des antécédents familiaux et surtout des
les autres auteurs précisant le stade de l’endométriose, dosages hormonaux à j2, (FSH, E2), nécessaires avant
les résultats sont parfois les mêmes dans les stades III-IV toute décision.
que dans les endométrioses légères [30]. Parmi eux,
Kodama [16], obtient dans uns série randomisée RÉFÉRENCES
d’endométrioses sévères, de meilleurs résultats par chi-
rurgie suivie de FIV que par chirurgie seule, particuliè- 1 American Fert Soc. Revised american fertility society classification
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