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: CHV4030 V1
Production industrielle de
Date de publication :
10 février 2017 microalgues et de
cyanobactéries
Cet article est issu de : Procédés chimie - bio - agro | Chimie verte
Mots-clés Résumé Cet article traite des procédés de culture des microalgues et cyanobactéries,
microalgues | photosynthèse | dont l’usage industriel est croissant dans nombre d’applications. La croissance par
photobioréacteurs |
cyanobactéries photosynthèse implique cependant le besoin de fournir de la lumière. L’article présentera
comment cela conditionne la conception des systèmes de production. Les règles
d’ingénierie propres au dimensionnement et à l’optimisation seront ainsi données.
L’ensemble sera illustré par des exemples de technologies, montrant comment la
diversité d’applications et des contraintes associées résulte en un panel technologique
varié allant du système rustique peu performant et peu coûteux aux technologies
intensifiées à très haute productivité.
Keywords Abstract This article discusses the methods for cultivating microalgae and cyanobacteria,
microalgae | photosynthesis | whose industrial use is increasing in many applications. Growth through photosynthesis
photobioreactors |
cyanobacteria needs light. This article shows how this requirement impacts the design of production
systems. Engineering rules for the design and optimization of such systems are given.
This is illustrated by examples of technologies, showing how the diversity of applications
and associated constraints leads to a varied range of technical solutions, from inefficient
though inexpensive rustic systems, to intensified technologies enabling very high biomass
productivity.
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Production industrielle
de microalgues et de cyanobactéries
par Jérémy PRUVOST
Professeur à l’université de Nantes
GEPEA – UMR 6144 CNRS/Université de Nantes
École des Mines de Nantes/ONIRIS, Saint-Nazaire, France
Jean-François CORNET
Professeur à SIGMA Clermont
Institut Pascal – UMR CNRS 6602, Campus Universitaire des Cézeaux
Bâtiment Polytech, Aubière, France
François LE BORGNE
Docteur
Chef de Projets et Ingénieur de Recherche, AlgoSource Technologies, Saint-Nazaire, France
et Jean JENCK
Docteur
Directeur Innovation, AlgoSource Technologies, Saint-Nazaire, France
Note de l’éditeur
Parution : février 2017 - Ce document a ete delivre pour le compte de 7200034122 - universite de pau pays de l'adour // 194.167.156.15
Cet article est la réédition actualisée de l’article IN200 intitulé « Production industrielle de
microalgues et cyanobactéries » paru en 2011, rédigé par Jérémy Pruvost, Jean-François
Cornet, François Le Borgne et Jean Jenck.
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1. Culture
des micro-organismes
on
Lumière
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(PFD q)
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photosynthétiques
nh
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J
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Ph
es
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AC AS
1.1 Potentiel applicatif
Lumière absorbée
Capables de synthétiser la plupart des éléments organiques par les cellules
Profondeur
de culture
essentiels comme les protéines, les glucides et les lipides, les (Vitesse d’absorption
microalgues et cyanobactéries présentent une biochimie très de photons, A)
variée en comparaison d’autres micro-organismes. C’est d’ailleurs
l’identification de métabolites particuliers qui a fortement encou-
Profondeur
ragé la recherche, et notamment sur les molécules prisées des
de culture
industries, comme les pigments, les polysaccharides ou divers
composés biologiquement actifs [IN201]. La diversité taxono-
mique des micro-organismes photosynthétiques étant énorme, les
applications possibles se sont alors révélées dans des domaines
Activité
aussi variés que l’alimentation, la pharmacologie ou la cosmétolo-
photosynthétique
gie. Le choix de souches adaptées, et leur mise en culture dans
(P)
des systèmes adéquats permet et permettra de répondre à de
grands enjeux de notre planète en termes de production de molé-
cules renouvelables : agroalimentaire (source de protéines, de
lipides d’intérêts type oméga-3), production propre d’énergies,
dépollution d’effluents et recyclage de l’eau (fixation de nitrates, AC AS Lumière absorbée
de phosphates, de CO2). par les cellules
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(Vitesse d’absorption
de photons, A)
1.2 Croissance
Figure 1 – Atténuation de la lumière dans une culture de microalgues
La dénomination « micro-organismes photosynthétiques » et réponse photosynthétique associée
regroupe les organismes microscopiques dont la croissance
s’effectue par photosynthèse. Cela regroupe les microalgues et les
cyanobactéries (cellules végétales, globalement nommées ici non-linéarité de l’atténuation lumineuse conjuguée à la réponse
« microalgues ») ainsi que certaines bactéries (règne animal). La biologique rendent complexes les outils d’ingénierie pour dimen-
croissance des microalgues est basée sur le même principe que sionner et contrôler les systèmes de culture. L’atténuation mène
celle des plantes supérieures. En milieu aqueux, la lumière leur ainsi à distinguer une zone éclairée (vitesse spécifique d’absorp-
permet de croître par absorption des minéraux nécessaires et du tion reçue A > Ac), une zone sombre (A < Ac) et une zone poten-
carbone inorganique. Les systèmes de culture nécessitent un tiellement photoinhibée (A > As) (la photoinhibition étant
maintien de conditions physico-chimiques adéquates (pH, tempé- également fonction du temps d’exposition, donc du mélange
rature, force ionique…) et les apports suivants : hydrodynamique).
– lumière solaire ou artificielle, dans la gamme de longueurs
d’onde actives pour la photosynthèse : 0,4–0,7 μm,
– carbone dissous (inorganique en mode de production 1.4 Minéraux et source de carbone
autotrophe),
– nutriments minéraux : azote sous forme nitrate ou ammonium, La croissance photosynthétique est dépendante des nutriments
sulfate, phosphate, traces métalliques (Mg, Ca, Mn, Cu, Fe, etc.). (carbone inorganique dissous et minéraux) dont la nature varie
selon la souche cultivée (sachant qu’il y a une grande biodiversité).
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méthodologie complexe. En ce qui concerne les systèmes de type mobile définissant l’angle solide et la luminance (ou intensité) à
photobioréacteurs dont le niveau élevé de contrôle facilite la partir desquels on peut bâtir toutes les définitions du rayonnement
utiles à la description des systèmes de production de microalgues
modélisation, les grandes lignes ont été publiées par les auteurs
sous la forme d’un schéma représentant la « route royale » vers
un modèle prédictif [10] [11] [12]. Les développements qui suivent de cette surface par l’aire de la projection orthogonale de cet élé-
n’ont pour ambition que d’en résumer, de façon très simplifiée, ment, sur un plan perpendiculaire à la direction donnée :
les principaux aspects et de proposer sur la base des connais-
sances actuelles des relations simples et utiles à l’ingénieur (rela-
tions valables dans un cadre restreint qui sera précisé).
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surface du système de culture. Elle est souvent mesurée par des 3.2 Aspects stœchiométriques
capteurs plans [13] [14].
La seconde grandeur d’intérêt est utilisée pour décrire le champ Contrairement aux stœchiométries des micro-organismes aéro-
de radiation au sein du mélange réactionnel, et donc son bies qui nécessitent de connaître le rendement de conversion du
couplage avec les vitesses de réaction (donc la croissance). Il substrat (glucose par exemple) pour leur établissement (car ce
s’agit de l’irradiance sphérique scalaire G définie par l’intégrale substrat est à la fois source de carbone et d’énergie), il est aisé de
sur toutes les directions de l’énergie rayonnante en un point formuler la stœchiométrie pour un micro-organisme photosynthé-
donné : tique, sans aucun degré de liberté, une fois connue sa formule C-
molaire moyenne. Cette formule moyenne est susceptible de
varier assez fortement en cas de limitations minérales mais si seul
le transfert de rayonnement limite la culture (cas optimum pour la
production de biomasse), les variations liées au champ de radia-
tion au sein du réacteur sont suffisamment faibles pour pouvoir
Cette grandeur est mesurable par des capteurs sphériques (qui retenir une formule moyenne unique en première approximation.
mesurent en réalité des débits de fluence énergétique, mais que De même, cette formule dépendra relativement peu du micro-
l’on peut assimiler à des irradiances lorsque la taille du capteur organisme considéré, comme cela a déjà été démontré sur des
est petite en regard de l’échelle de variation du champ de rayon- bactéries [17]. On pourra par exemple utiliser, en fonction de la
nement [13]). Elle est cependant souvent prédite grâce à des source d’azote du milieu, la formule et les stœchiométries sui-
modèles radiatifs qui offrent la possibilité de prédire l’évolution vantes (que l’on peut également écrire en faisant apparaître les
du champ de rayonnement en fonction de l’évolution des proprié- charges des ions considérés) :
tés radiatives de la culture (concentration en biomasse, pig-
ments…) [10] [15]. L’irradiance G permet ensuite de calculer la – si la source d’azote est le nitrate :
vitesse volumétrique d’absorption des photons (ou du rayonne-
ment) en la multipliant par le coefficient linéique d’absorption (1)
a = Ea.CX faisant intervenir la concentration massique en micro-
organismes CX ainsi que le coefficient massique d’absorption du
rayonnement Ea par ces micro-organismes : – si la source d’azote est l’ammonium :
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(2)
La distribution angulaire du champ de radiation est une donnée
extrêmement importante à connaître pour une bonne description L’utilisation de stœchiométries biochimiquement structurées
car elle définit directement les relations qui relient densité de flux, [17], c’est-à-dire faisant apparaître dans les équations précédentes
intensité et irradiance. Cette distribution angulaire peut être de des bilans en cofacteurs et en ATP [11] [18] [19], peut permettre
nature très variable selon qu’il s’agit de rayonnement artificiel ou de déterminer le rendement quantique molaire qui est une don-
solaire (fonction alors du temps et de la localisation, voir [16] pour née importante de la modélisation cinétique et qui apparaît donc
plus de renseignements), mais évolue toujours entre deux ici couplée à la stœchiométrie et à l’énergétique cellulaire par le
extrêmes : schéma en « Z » de la photosynthèse. Ce rendement (qui tient
compte uniquement des photons ayant donné lieu à la photolyse
– un champ de radiation collimaté (parallèle) pour lequel l’inten-
de l’eau au photosystème II (PSII) et de la phosphorylation cycli-
sité lumineuse n’existe que dans une seule direction ; on a alors le
que du photosystème I (PSI) dépend assez peu du champ de
lien suivant pour les conditions aux limites :
radiation dans le réacteur et peut être considéré constant en pre-
mière approximation et égal à :
– si la source d’azote est le nitrate :
(3)
– un champ de radiation isotrope (lambertien) pour lequel
l’intensité lumineuse est la même selon toutes les directions – si la source d’azote est l’ammonium :
(rayonnement aussi appelé diffus isotrope) ; on a alors le lien sui-
vant pour les conditions aux limites : (4)
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fert de photons (ou de rayonnement) ne peut être bien compris tique (en excès de rayonnement) ; une grande partie de l’énergie
que si l’on est capable de résoudre dans chaque cas l’équation est perdue ce qui conduit à des performances médiocres. Dans le
des transferts radiatifs ou ETR [15] [20] qui permet de déterminer cas n° 3 (figure 4) au contraire, on a γ < 1, ce qui signifie que le
l’irradiance G en tout point du réacteur (pour chaque longueur rayonnement est atténué rapidement sur une fraction du réacteur.
d’onde considérée dans le PAR) et par suite la vitesse d’absorp- Cette situation n’est pas bonne non plus (excepté pour des cyano-
tion du rayonnement (exprimée en volumique ou spécifique A). bactéries qui respirent peu si leur temps de séjour dans la zone
La résolution de cette équation nécessite à son tour de connaître sombre est suffisamment court) car si tout le rayonnement inci-
au préalable les propriétés radiatives des micro-organismes culti- dent est bien utilisé (on parle là réellement de limitation physique
vés qui sont des paramètres d’entrée de l’ETR. Il s’agit en particu- par la lumière), une partie du volume du réacteur est peu ou pas
lier des coefficients d’absorption et de diffusion des micro- éclairée (en dessous de la vitesse d’absorption de compensation),
organismes ainsi que leur fonction de phase (la distribution angu- ce qui se traduit par des pertes de productivité par respiration.
laire de l’énergie lumineuse sur 4π stéradians), qui peuvent être Finalement, on comprend que seul le cas n° 2 (figure 4) corres-
obtenus soit expérimentalement [21] [22], soit théoriquement [23] pond à une situation optimale où tous les photons utiles incidents
[24] [25]. Ces modèles de connaissance sont bien sûr réservés à sont convertis et où il n’existe aucune zone sombre (on est bien
des spécialistes du domaine, mais cette difficulté théorique réelle en limitation physique par le transfert de rayonnement). Cette
ne doit en aucun cas occulter la possibilité de développer un dis- situation optimale qui se traduit par l’équation simple γ = 1, devra
cours simple et pragmatique qui peut aider les ingénieurs dans la donc être privilégiée pour le fonctionnement optimum d’un réac-
compréhension des phénomènes observés ou dans la conception teur (ou γ ≤ 1 pour le cas particulier des cyanobactéries). À noter
de nouveaux photobioréacteurs plus performants [26]. En effet, que cela nécessitera le contrôle du champ de rayonnement (et
dans le cadre particulièrement simple d’un photobioréacteur plan donc la résolution précise de l’ETR). On remarquera au passage
éclairé d’un côté, il est relativement aisé de comprendre qu’il l’intérêt du fonctionnement continu pour réaliser cette condition
existe seulement trois modes de fonctionnement du réacteur en d’optimalité. Le fonctionnement discontinu d’un photobioréacteur
fonction du profil d’atténuation de l’énergie lumineuse (figure 4). dans lequel la concentration en biomasse varie continûment sera
Ces trois cas se définissent à partir de la connaissance de la néfaste aux performances puisque la situation idéale γ = 1 n’est
vitesse d’absorption de compensation AC (spécifique d’un micro- atteinte que pendant quelques heures sur toute la durée de
organisme donné, voir précédemment). On peut alors définir la culture [27].
longueur réduite d’extinction du rayonnement (adimensionnelle)
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ment interne. Ainsi, dans le cas d’usage classique où le flux inci- – ρM est le rendement énergétique maximum de conversion de
dent est totalement absorbé par la culture (γ ≤ 1), on obtient : l’énergie lumineuse en énergie physico-chimique ;
– est le rendement quantique molaire de la photosynthèse
(5) dont les valeurs, en fonction de la source d’azote, sont données
par les équations (3) et (4) ;
où Sécl est la surface éclairée du système de culture, – α est le module de diffusion linéaire qui caractérise la partie
réfléchie de la lumière à l’interface avec la culture en fonction des
VR le volume de culture propriétés radiatives des micro-organismes. Si l’on ne connaît pas
alight est la surface spécifique éclairée, paramètre ces dernières, on prendra comme valeur moyenne α = 0,9 ;
d’ingénierie dont l’importance sera détaillée par – alight est la surface spécifique éclairée du réacteur, c’est-à-dire
la suite. alight = surface éclairée / volume du réacteur (voir équation (5), soit
À partir de cette grandeur, il est possible de contrôler l’intensité pour un réacteur plan alight = 1/L. Il s’agit du principal facteur de
du stress lumineux pour par exemple conserver une production conception et d’intensification des photobioréacteurs ;
stable sous éclairement élevé [8] ou optimiser la synthèse d’un – K correspond à une constante de demi-saturation de la photo-
métabolite de réserve comme les lipides [29]. Il est aussi possible de synthèse qui dépend du micro-organisme étudié, mais dont la
définir rigoureusement l’efficacité thermodynamique d’un photobio- valeur moyenne pourra avantageusement être choisie à
réacteur ηth (ou en première approximation son rendement exergé- ;
tique) si l’on sait calculer avec suffisamment de précision les – correspond au degré de collimation moyen du rayonnement
potentiels chimiques impliqués dans la réaction [30]. Cette approche
incident (sa distribution angulaire) et devra être choisi entre
peut être simplifiée si l’on se contente d’une approximation d’ingé-
nierie ; on utilisera alors pour une estimation la relation : (rayonnement isotrope) et (rayonnement collimaté), soit
où xd est la fraction diffuse du rayonnement de la source ;
(6)
– est la densité de flux hémisphérique incidente (souvent
dans laquelle est la variation d’enthalpie libre molaire de la appelée PFD dans la littérature) moyenne sur la surface du photo-
biomasse produite qu’il est possible par exemple d’estimer à partir bioréacteur (en μmolhν.m–2.s–1), qui est généralement assez simple
de l’enthalpie standard de combustion de la biomasse [17] ou de à estimer ou à mesurer en éclairage artificiel (capteur dédié).
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son pouvoir calorifique inférieur (PCI). La relation (7) montre que les principaux paramètres d’ingénie-
rie pour la conception de photobioréacteurs à productivités volu-
miques élevées consistent à minimiser par construction la fraction
3.5 Performances maximales des volumique non éclairée fd, à augmenter la densité de flux inci-
dente (qui est une donnée par contre subie en solaire) et sur-
photobioréacteurs – règles tout à augmenter autant que possible la surface spécifique
d’ingénierie éclairée alight. Ce dernier paramètre se doit bien sûr de respecter
le critère d’optimalité γ = 1, ce qui veut dire que toute augmenta-
Si les développements précédents traduisent une certaine com- tion de surface spécifique s’accompagne d’une augmentation de
plexité dans l’élaboration des modèles de connaissance des pho- la concentration nominale en biomasse (intensification). Il appa-
tobioréacteurs, il est néanmoins possible d’établir des règles raît donc très clairement qu’il y a potentiellement une très grande
d’ingénierie permettant d’estimer (à environ 15 % près) les perfor- variabilité possible des performances volumiques des photobioré-
mances maximales de photobioréacteurs en surface ou volume acteurs en fonction de leur design ; en effet, les surfaces spéci-
(et par suite les performances énergétiques). En effet, dans le cas fiques des systèmes de production classiques varient de 1 m–1
d’un fonctionnement optimal défini précédemment où la fraction (étangs) à 40 m–1 (photobioréacteurs clos plans ou tubulaires),
volumique éclairée du réacteur est contrôlée autour de la valeur mais les auteurs ont montré, dans le cadre du projet ANR Biosolis
idéale de 1 (γ = 1 pour les microalgues, γ ≤ 1pour les cyanobacté- qu’il était possible de concevoir et faire fonctionner des réacteurs
ries), et si le réacteur n’est l’objet d’aucune autre limitation carbo- intensifiés à surface spécifique alight ≥ 400 m–1 (voir parties sui-
née ou minérale, les auteurs de cet article ont montré [1] [18] vantes).
qu’alors, pour de nombreuses géométries simples, il était possible
d’utiliser une relation intégrale permettant d’estimer la vitesse Dans le cas de photobioréacteurs fonctionnant en éclairage
volumétrique molaire moyenne de croissance de la biomasse, solaire, la densité de flux incidente moyenne à l’année s’obtient
indépendamment du champ de radiation, par : en sommant la contribution diffuse et la contribution
collimatée (directe) , à partir de la connaissance de
la fraction annuelle de rayonnement diffus xd notamment, ainsi
que de l’orientation de la normale du photobioréacteur spécifiée
par . Les informations nécessaires en un lieu donné sont
(7) accessibles à partir de bases de données (type Météonorm®) pour
un photobioréacteur solaire (voir [16] [27] pour plus de détails). La
relation (7) peut alors être ré-écrite de façon légèrement différente
pour obtenir à nouveau une relation très simple et pratique don-
nant les performances maximales accessibles en un lieu donné
pour un photobioréacteur solaire [11] :
Connaissant la masse C-molaire de la biomasse (environ
24 gX.mol–1), cela permet d’obtenir la vitesse massique, aussi
appelée productivité volumique en biomasse Pv pour un réacteur
fonctionnant en continu (Pv = <rx> en fonctionnement continu [10]
[31]). On a donc accès ici à une grandeur essentielle pour caracté- (8)
riser la performance du système de culture.
Dans cette équation robuste et pratique pour l’ingénieur :
– fd est la fraction volumique non éclairée par conception du Les auteurs ont montré récemment que, comparée à des simu-
réacteur (fd = 0 si toute la surface du réacteur est éclairée, ce qui lations annuelles complètes, cette relation s’avérait parfaitement
est d’une façon générale la condition à rechercher) ; fiable et prédictive pour des photobioréacteurs solaires [32].
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Concernant les vitesses molaires de croissance de la biomasse pour comparer les procédés solaires entre eux. Il apparaît que ces
ramenées à la surface de captation , il est possible de les valeurs sont par exemple beaucoup plus faibles que le photovol-
déduire des relations (7) et (8) en remarquant qu’il suffit de diviser taïque industriel (environ 15 % en exploitation), mais la biomasse
la vitesse volumétrique par la surface spécifique éclairée : obtenue est beaucoup plus « noble » que de l’électricité (sauf si
l’on ne pense qu’à l’utiliser comme source d’énergie) et contient
une diversité de molécules complexes qui devront dans l’avenir
(9) être séparées dans des bioraffineries et valorisées par filières.
L’ensemble des approches et performances surfaciques (direc-
De la même façon que pour les performances en volume, cela tement liées à l’efficacité thermodynamique de conversion du
permet d’obtenir les productivités surfaciques en biomasse PS à rayonnement) discuté dans ce paragraphe, combiné à des calculs
partir de la masse molaire de celle-ci (Ps = <sx> en fonctionnement approchés sur l’ensoleillement idéal à la surface de la terre, per-
continu). On s’aperçoit alors que le principal facteur d’ingénierie met de positionner la hiérarchie des différentes technologies pos-
alight disparaît de la relation obtenue et qu’en conséquence, toute sibles, des plus simples (mares et étangs) jusqu’aux plus évoluées
technologie de photobioréacteur, quelle qu’elle soit, et recevant (photobioréacteurs intensifiés à dilution), ainsi que leur place par
un flux incident identique, conduira aux même performances sur- rapport aux valeurs thermodynamiques idéales (figure 5). Le gain
faciques puisque les autres paramètres des équations (7), (8) et (9) relatif constaté sur les productivités surfaciques par le passage
sont parfaitement déterminés. La seule possibilité pour augmen- aux systèmes clos est de ~ 3 à 6 par rapport aux raceways, de
ter les productivités surfaciques à flux incident donné consiste en ~ 20 à 50 par rapport aux lagunages. À noter que même si les
un découplage technologique entre la valeur de captation de et limites théoriques de productivité en surface sont connues, une
son utilisation à des valeurs beaucoup plus faibles au sein du marge de progression importante existe encore dans l’optimisa-
réacteur, dans des conditions où l’efficacité thermodynamique de tion technologique pour leur obtention (notamment pour les sys-
la photosynthèse est bien supérieure. Cette réflexion est à l’ori- tèmes les plus performants, comme ceux à dilution).
gine du concept de photobioréacteur à dilution du rayonnement
En plus de la productivité surfacique qui détermine les surfaces
[33] qui définit la limite thermodynamique absolue des perfor- de culture à mettre en œuvre pour atteindre un but donné de pro-
mances d’un photobioréacteur. duction, il est également important de considérer la productivité
Finalement, en associant les relations (6), (7), (8) et (9), et en volumique du système mis en jeu. Cela joue en effet directement
considérant toujours le cas idéal avec le critère γ = 1, il est pos- sur des éléments opérationnels majeurs, comme le volume de
sible de proposer des valeurs maximales pour l’efficacité thermo- culture mis en jeu pour une production donnée de biomasse, mais
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dynamique de photobioréacteurs, en particulier solaires. Si l’on également les besoins énergétiques pour la régulation thermique ou
ramène le calcul à la partie visible du rayonnement solaire (le l’agitation (besoins liés au volume de culture), ou la capacité des
PAR), on obtient alors environ des efficacités thermodynamiques installations d’alimentation en eau ou de traitement de la biomasse
maximales sur source d’azote ammoniacal pour (centrifugeuses, pompes de transferts…). L’ingénierie du système
de culture peut amener ici une intensification importante. Les para-
des réacteurs à captation directe et pour des réac- mètres influençant cette productivité sont connus, avec en premier
teurs à dilution. Ces valeurs deviennent respectivement environ chef le besoin de grandes surfaces spécifiques éclairées et de capta-
et si l’on ramène le calcul sur tion de flux incidents élevés (équation (7) et figure 6). La plupart des
l’ensemble du spectre du rayonnement solaire comme il se doit systèmes développés cherchent à respecter ces conditions comme
Raceways
Estimation de la limite thermodynamique
de conversion photosynthétique
Lagunes
Sans dilution
Avec dilution
Plantes terrestres de lumière
de la lumière
(productivité moyenne Europe) (captation directe)
70 200
1 10 30 100 400 1 000
Figure 5 – Positionnement des productivités surfaciques massiques en tonnes de biomasse.ha–1.an–1 de différentes technologies de systèmes
de production ou photobioréacteurs par rapport aux limites théoriques en captation directe de l’énergie solaire ou en dilution (d’après [26] [27])
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[g.m–2.jour–1]
1 q0 = 400 μmolehν.m–2.s–1 ment : la captation directe, où la lumière pénètre dans la culture
–30 par la surface exposée, ou l’éclairage interne avec immersion des
sources lumineuses. Le second principe, né à la fin des
années 1980, vise à concevoir des systèmes aux productivités
q0 = 200 μmolehν.m–2.s–1 –20
extrapolables en volume (contrairement à l’éclairage externe qui
0,1 s’extrapole en surface).
–10
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■ Systèmes plans
Une mise en culture originale consiste à faire ruisseler la
Figure 7 – Marais salant à Guérande, Loire Atlantique, France culture sur des plans inclinés (figure 9) [36]. Ce système déve-
loppé en République tchèque est aujourd’hui exploité par l’entre-
prise AlgoFuels. À Trebon, les productivités de Chlorella vulgaris
sont 23 g/(m2.j) en juillet, 11 g/(m2.j) en septembre et à Kalamata,
4.2.1.2 Technologies existantes de 32 g/(m2.j). Conséquence directe de la forte surface spécifique
(> 100 m–1), une concentration en biomasse très élevée est obte-
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des échanges gaz-liquide est également obtenu. Enfin, l’évapora- hétérogénéités de comportement biologique. En photobioréacteur
tion y est quasi nulle. Étant des technologies plus avancées que exposé à un flux lumineux élevé (cas de l’éclairage direct), des
les systèmes ouverts, les inconvénients sont le coût et la com- temps d’exposition trop longs peuvent mener par photoinhibition
plexité d’extrapolation sur des grandes surfaces. Le fonctionne- à des pertes de rendement. Il est alors nécessaire de mélanger
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ment clos a également tendance à mener à un échauffement de la suivant l’épaisseur, pour provoquer un renouvellement des cel-
culture, en particulier du fait de la captation solaire élevée souvent lules au droit de la source lumineuse, ce qui n’est pas aisé dans
recherchée, le rayonnement solaire contenant une part élevée des tubes droits longs, où l’écoulement tend vers l’axialité.
d’infrarouges (~ 55 %). Les photobioréacteurs intègrent donc sou- L’accumulation d’O2 est aussi une préoccupation, surtout en
vent des systèmes de refroidissement, soit par aspersion d’eau, tubes horizontaux. L’accumulation de poches d’O2 quasi pur mène
qui peut provoquer des dépôts minéraux sur les faces optiques, à une teneur en O2 dissous élevée. Les effets ne sont cependant
soit par immersion en bassin thermorégulé. L’hydrodynamique du pas clairs, mais une tendance à un impact négatif est recensée en
système a aussi un rôle majeur, en particulier pour éviter la for- particulier lors d’une exposition intense au soleil (midi).
mation de biofilms sur les parois optiques.
■ Exemples de technologies tubulaires à captation directe
4.2.2.2 Technologies existantes Au début des années 1950, Tamiya et al. [37] ont développé un
photobioréacteur en serpentin de 40 l avec tubes en verre de
4.2.2.2.1 Les photobioréacteurs tubulaires et cylindriques 3 cm, immergés dans un bain d’eau thermostaté, produisant Chlo-
■ Principe général rella ellipsoidea et révélant le principal inconvénient, l’échauffe-
ment des cultures.
Les géométries cylindriques et tubulaires se prêtent bien aux
contraintes des photobioréacteurs, avec une bonne circulation et Le début des années 1980 a vu l’apparition de réacteurs à gros
tenue en pression, et une courbure exposée favorable à la surface volumes. Au CEA de Cadarache [38] [39], un photobioréacteur
éclairée. horizontal en serpentin de 100 m2 pour un volume total de 7 m3 a
été utilisé de 1986 à 1989. Composé de 5 unités de 20 m2, regrou-
Les photobioréacteurs cylindriques reprennent le principe des pant chacune 20 tubes en polyéthylène de 20 m de long et 6 cm
colonnes à bulles ou intègrent une zone ascendante d’aération et de diamètre, le contrôle thermique était assuré par immersion
une zone descendante, sur le principe « airlift ». Ils sont générale- dans un bassin thermorégulé (figure 10). La mise en circulation
ment placés verticalement avec une injection de gaz en bas de était réalisée par un système d’airlift adopté pour limiter les dom-
colonne. Le concept est simple mais peu favorable aux productivi- mages cellulaires et assurer un bon transfert de gaz (apport de
tés élevées car les diamètres importants (≥ 10 cm) mènent à des CO2, dégazage d’O2). Plusieurs réalisations ont repris depuis cette
surfaces spécifiques éclairées faibles. La disposition verticale n’est base technologique. On retiendra ainsi les exemples académiques
également pas idéale pour la captation du flux solaire. Le dimen- de l’université d’Almeria en Espagne (figure 10) (système simi-
sionnement est cependant facilité par l’abondante littérature laire à celui du CEA) et de l’université de Florence qui a développé
éprouvée sur de nombreuses autres applications. de nombreuses variantes de conception (système incliné, basé sur
Une alternative permettant une installation de grande taille une connexion parallèle de modules…).
consiste à réaliser une boucle de circulation à partir de tubes Une des premières unités de production industrielle mettant en
droits disposés en série. Une partie (souvent placée horizontale- œuvre des photobioréacteurs tubulaire (figure 10) a été construite
ment au sol) collecte la lumière, l’autre assurant la mise en circu- en 2000 près de Wolfsburg en Allemagne par l’IGV (Institut für
lation (pompes, airlifts), les transferts de gaz et l’apport en Getreideverarbeitung) [40]. Elle totalise une longueur totale de
nutriments. Les tubes de petits diamètres (quelques centimètres) 500 km, un volume de 700 m3 et une surface de 12 000 m2. Com-
utilisés augmentent la surface spécifique éclairée mais aussi la posé de 20 unités de 35 m3 avec tubes en verre, diamètre 48 mm,
possibilité de biofilms et les pertes de charge. Le système de mise le photobioréacteur est agencé en panneaux verticaux de 3 m de
en circulation doit être puissant sans toutefois générer de cisaille- haut (figure 10), sous serres. Le mélange est effectué par des
ments néfastes, ce qui limite la longueur de tubes. Dans le cas de pompes centrifuges. Ce photobioréacteur a été exploité par la
longueurs élevées, le comportement hydrodynamique se rap- société B. Braun Biotech International puis acquis par la société
proche du réacteur piston, avec une régulation complexe et des Roquette Frères.
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Récemment, la société Algatech a construit une unité de pro- du phosphore ainsi que la chaleur fatale) est en pleine émergence
duction industrielle d’astaxanthine mettant en œuvre 300 km de car il offre une solution pertinente aux questions environnemen-
tubes en verre sur 4 hectares en cultivant la microalgue Haemato- tales et de réchauffement climatiques liés à l’activité humaine.
coccus pluvialis (figure 11). La production de ce pigment à très
haute valeur ajoutée nécessite une maîtrise du procédé de culture 4.2.2.2.2 Les photobioréacteurs plans
et un niveau de contrôle élevé pour réaliser une étape dite de for-
çage physiologique. Les fortes intensités lumineuses constituent ■ Principe général
l’un des facteurs prépondérants induisant la synthèse de La géométrie plane s’impose comme une possibilité de concep-
l’astaxanthine. L’implantation de cette usine de production dans le tion par analogie au panneau photovoltaïque. Pour une surface
désert de l’Arava en Israël permet ainsi de bénéficier de condi- spécifique d’éclairement élevée, ces photobioréacteurs ont une
tions très favorable car le climat y est stable et les intensités lumi- épaisseur de 1 à 10 cm. Ils sont orientables, avec une inclinaison
neuses élevées. Pour éviter la montée en température des ajustable suivant les saisons (ce que peut difficilement faire une
cultures, un dispositif de pulvérisation d’eau a été installé. Cette technologie tubulaire). Pour des raisons pratiques, les systèmes
société s’efforce à réduire son impact environnemental et son solaires sont souvent placés verticalement, avec un encombre-
empreinte carbone en recyclant ses eaux de refroidissement mais ment au sol alors réduit. Ce fonctionnement vertical est adapté
également en produisant sa propre source d’énergie électrique via aux latitudes élevées car une bonne captation moyenne en cours
des panneaux photovoltaïques. de journée est alors conservée.
Sur le même principe technologique, la société AlgaFarm Augmenter la taille d’un photobioréacteur vertical ou incliné est
(figure 12) a été pionnière dans les concepts dits « d’écologie problématique à cause de la pression hydrostatique, sauf ajuste-
industrielle ». Cette joint-venture entre la société A4F spécialisée ment de l’épaisseur du matériau avec risque de diminuer sa trans-
dans la production de microalgues et le cimentier portugais Secil
mission optique, et/ou ajout de structures de maintien (barres de
produit dans une unité de production d’un hectare présentant un
renfort). L’utilisation de géométries planes passe donc le plus sou-
volume de culture de 1 300 m3 la microalgue Chlorella vulgaris.
vent par la duplication d’unités de base, fonctionnant en série ou
Les cultures sont alimentées par les effluents gazeux riches en
en parallèle, et donc modulaires.
CO2 de la cimenterie permettant ainsi de s’affranchir de la limita-
tion carbone à moindre coût mais également de convertir un Un autre inconvénient est la présence de zones à faible
déchet industriel en biomasse valorisable sur les marchés. Cette mélange (coins). Le principe est sensible au problème des bio-
intégration industrielle permet ainsi de réduire les coûts de pro- films, problème accentué ici par le besoin d’une faible épaisseur.
duction (OPEX) des microalgues et de réduire les émissions en La géométrie plane se trouve donc parfois sous forme de sacs
gaz à effet de serres liée à l’activité de la cimenterie. Ce concept jetables souples, simples ou thermoformés alvéolaires, accrochés
d’intégration industrielle et de valorisation des effluents indus- sur des structures. Ces systèmes à usage unique ont une durée de
triels (fumées riches en CO2, eaux usées contenant de l’azote ou vie de quelques mois.
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thermoregulation pipe
gas inlet
gas outlet/culture inlet
probes
pneumatic cylinder
inclined +40°
culture outlet
Figure 14 – Photobioréacteur plan solaire à inclinaison variable (Green Wall Panel) commercialisé par la société Fotosintetica & Microbiologica
(F&M)
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Growth System » (AGS), destiné à la production de biocarburants USA, 40°N) [48]. Dans le même esprit, la technologie commerciali-
[46] [47]. L’AGS est constitué d’une série de panneaux verticaux sée par la société Proviron (Belgique) peut être citée (figure 17).
réalisés à partir d’un film plastique souple soudé, lesquels sont
Dans une logique différente des sociétés commercialisant des
immergés dans une « piscine » qui permet d’apporter un support
photobioréacteurs plans verticaux mettant en œuvre des
structurel à l’ensemble et un contrôle de la température
(figure 16). De l’air enrichi en CO2 est injecté pour réguler le pH, chambres de culture dite jetables, la société AlgoSource, en par-
évacuer l’oxygène et agiter les cultures. Le système met en œuvre tenariat avec la société Jouin Solutions Plastiques, commercialise
un nombre élevé de panneaux par unité de surface afin de réduire un photobioréacteur plan horizontal réalisé à partir de matériau à
l’intensité lumineuse reçue par les cultures. Sur la base d’un durée de vie élevée. Le développement de ce procédé, le raceway
modèle prédicitif développé suite à des essais sur la microalgue clos, repose sur les fondements et les travaux d’optimisation réa-
Nannochloropsis oculata, la productivité maximale en huile avec lisés sur le raceway conventionnel (système ouvert). L’innovation
une teneur de 50 % en lipides dans les cellules est annoncée à ici repose sur la conception d’une couverture amovible qui per-
hauteur de 44 000 L/(ha.an) dans la région de Denver (Colorado, met de maîtriser les conditions de culture et ainsi d’élargir la pro-
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Figure 18 – Photobioréacteur plan horizontal (dit raceways clos) commercialisé par les sociétés AlgoSource Technologies et Jouin Solutions
Plastiques
duction aux espèces sensibles (figure 18). Elle permet également peuvent pivoter verticalement). La biofaçade est constituée de
de contrôler la composition de la phase gazeuse dans l’enceinte 129 modules ayant pour dimensions : 70 cm de large, 270 cm de
et donc de s’affranchir de la limitation carbone (réduction de la hauteur et une épaisseur totale de 8 cm (l’épaisseur effective de
désorption du carbone inorganique dissous). Le raceway clos culture étant de 1,7 cm). Ces modules sont montés sur une struc-
permet ainsi d’atteindre les rendements de production hors limi- ture en acier dans lesquelles les réseaux électriques et fluidiques
tation carbone et est approprié pour le traitement des effluents sont dissimulés. D’un point vue opérationnel, les fondements de
industriels. la régulation et du contrôle sont appliqués (apport de CO2 ou de
Dans un tout autre genre, des projets intégrants des photobioré- fumées de chaudière, milieu nutritif, gestion de la température).
acteurs en façade de bâtiments ont été imaginés au cours des Pour éviter la sédimentation des cultures et la formation de bio-
années 2000. Cultivées dans des panneaux de verre disposés en films, points sensibles de ces concepts en raison d’un accès com-
façade, les cultures de microalgues participent à la régulation pliqué pour le nettoyage et la maintenance, les cultures sont
thermiques des bâtiments, mais servent aussi à produire des agitées en permanence par injection d’air comprimé. Un effort de
biocarburants, des compléments alimentaires ou encore, après recherche a donc été réalisé sur la définition des flux et séquences
bioraffinage, des actifs pour les secteurs pharmaceutiques, cos- optimales d’injection d’air comprimé et l’impact sur les productivi-
métiques et médicaux. Les biofaçades mettent ainsi à profit de tés [49].
vastes surfaces éclairées jusque lors inexploitées pour la produc-
tion de biomasse. Ces concepts d’algoculture urbaine et de biofa- Lorsque la biofaçade est opérationnelle, les photobioréacteurs
çades sont passés du statut d’innovation futuriste à la réalité au sont connectés en série et le milieu de culture circule ainsi entre
cours des années 2010. Quelques exemples sont donnés ci-après. chaque module. Durant la journée, la température des cultures
peut atteindre 35 °C fonctionnant de ce fait comme un capteur
Inaugurée en 2013 à Hambourg (Allemagne), l’immeuble passif
solaire (accumulateur de chaleur). Les cultures sont alors transfé-
« BIQ » est le résultat d’une collaboration entre l’agence d’archi-
tecte Splitterwerk, SSC Strategic Science Consult et le bureau rées vers la zone technique située à l’intérieur du bâtiment. La bio-
d’ingénierie ARUP (figure 19). Son enveloppe est l’élément cen- masse y est alors récoltée par filtration tandis que l’énergie
tral des échanges énergétiques grâce à sa gestion active des flux thermique est récupérée sur un échangeur. Cette énergie est par
d’énergie et de matière (fluides) permise par une instrumentation la suite utilisée pour différents usages collectifs tels le chauffage
performante. des habitations ou le préchauffage de l’eau. La biomasse produite
est quant à elle convertie en biogaz utilisé pour alimenter en éner-
Les photobioréacteurs de biofaçade sont positionnés sur les
gie la ville.
faces orientées sud-ouest et sud-est du bâtiment. Ils sont utilisés
pour cultiver des microalgues mais aussi pour contrôler la lumière En France, le consortium SymBIO2 (regroupant XTU Architects,
et l’ombrage dans le bâtiment en modifiant leur orientation (les le laboratoire GEPEA de l’université de Nantes, AlgoSource Tech-
photobioréacteurs ne sont pas solidaires de la structure, ils nologies, OASIIS, Séché Environnement, Viry et le CSTB) a tra-
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Figure 20 – Première génération de photobioréacteurs de biofaçade (SymBIO-BOX à Saint-Nazaire), projet pilote à Champs-sur-Marne (2016)_Al-
goHouse-Projet In Vivo-Paris 13e arrondissement (livraison en 2020)
vaillé au développement industriel du concept inventé par XTU En 2016, le projet pilote de biofaçade implanté à Champs-sur-
Architects de symbiose entre des bâtiments et des systèmes de Marne au CSTB met en œuvre une biofaçade de 200 m2 dont
production contrôlés et régulés de microalgues. 40 m2 de surface effective de captation pour la production de
microalgues répartis sur 4 étages et 16 photobioréacteurs (l × H :
Le projet SymBio2 propose une solution originale basée sur
1,04 × 2,28 m). Afin d’intensifier la production, l’épaisseur de
l’intégration au bâtiment d’un système de production de biomasse culture a été réduite à son maximum, soit 4 cm. En 2020, l’Algo-
algale pour réduire les coûts de production en valorisant tous les House (projet In Vivo) mettra en œuvre un biofaçade de 1 000 m2,
échanges thermiques, chimiques et massiques avec celui-ci. Le dont environ 350 m2 de surface effective de production, dans le
caractère innovant du projet réside dans son approche « symbio- 13e arrondissement de Paris (figure 20).
tique » qui permet en outre d’améliorer les performances énergé-
tiques du bâtiment grâce à une biofaçade active assurant une 4.2.2.2.3 Les photobioréacteurs solaires à éclairage interne
régulation thermique en extérieur du bâtiment [50]. En effet, fer-
mée l’hiver et maintenue à 25 °C, la biofaçade agit comme une Le concept de photobioréacteur à éclairage interne est né à la
serre en accumulant l’énergie solaire, et crée un tampon ther- fin des années 1980 [51] [52], sur la base de l’utilisation de tubes
fluorescents, en vue de concevoir des systèmes extrapolables en
mique qui améliore l’isolation du bâtiment. Ouverte et ventilée
volume (ce qui n’est pas le cas des réacteurs à éclairage externe
l’été, elle fait de l’ombre à la structure.
qui s’extrapolent en surface), suivis de nombreux autres concepts
Contrairement au concept BIQ, les photobioréacteurs de biofa- de laboratoire (voire de brevets) dans les années 1990 à 2000 [53]
çade sont solidaires de la structure constituant ainsi une serre ver- [54]. Les fibres optiques à diffusion latérale (FODL) sont aussi uti-
ticale. Dans cette approche, les cultures sont maintenues dans lisées pour conduire la lumière solaire à l’intérieur de premiers
chaque module de production afin d’éviter l’apparition d’une zone prototypes de quelques litres [55] [56]. Les développements
sombre imposée par le circuit de recirculation (terme fd dans actuels se portent sur la captation solaire [57] [58] et sur des diffu-
l’équation (7)) et ainsi maximiser les productivités. Cela permet seurs plans en photobioréacteur pouvant atteindre 40 L [59] [60]
également de réduire les risques de stress ou de destruction cellu- sur l’idée originelle de Janssen et al. [61].
laire lors des passages dans la pompe de recirculation. Le Ces systèmes à éclairage solaire en volume n’en sont qu’à leurs
contrôle en température des cultures dans la plage optimale à la balbutiements. Le seul résultat expérimental probant a été obtenu
fois pour la cinétique de croissance des micro-organismes ainsi surChlorella pyrenoïdosa [55] dans un photobioréacteur de 3,5 L
que pour le bâtiment est assuré par un échangeur thermique dis- et de surface de captation solaire de 0,173 m2 (miroirs de Fresnel),
posé sur la face arrière (en acier inoxydable) de chaque photobio- avec une productivité volumique de 0,12 t/(m3.an). Il reste un tra-
réacteur. vail considérable de développement pour estimer la rentabilité de
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de faibles productivités, les contaminations, les besoins élevés en menter la surface spécifique du réacteur (18,2 m–1) et de contrôler et
main d’œuvre ainsi que la formation de biofilms. moduler aisément le flux lumineux. Conçu en acier inoxydable
Le PBR 120 L (figure 24) consiste en une succession de modules 316 L, le réacteur Hector est stérilisable à la vapeur permettant ainsi
élémentaires chacun composé de deux tubes verticaux connectés de réaliser des cultures axéniques.
par des brides. La mise en circulation des cultures est assurée par À noter que la société PSI (Photon Systems Instruments) com-
l’injection contrôlée d’air comprimé à la base d’une des colonnes mercialise un système de production de microalgues, le Pilot Plant
(mouvement ascendant). Pour limiter la formation de biofilms PBR Unit (figure 25), se rapprochant des caractéristiques du pho-
dans la seconde colonne non aéré (mouvement descendant), un tobioréacteur Hector.
mouvement tourbillonnaire est imposé à la culture grâce au
design spécifique des brides (création d’une circulation tangen-
tielle). À noter que l’agencement des tubes et de l’éclairage per- 4.4 Plateformes françaises de recherche
met d’obtenir un éclairage homogène en surface des tubes. Pour
un flux incident et un taux de dilution identique, la productivité
et développement
volumique est donc reproductible d’un module à l’autre. Ainsi, ce Les exemples précédents montrent une diversité importante
photobioréacteur peut être décliné en plusieurs versions avec un des solutions technologiques pour la culture de microalgues. Ceci,
volume de production ajusté en fonction des quantités de bio- combiné à une forte activité de recherche et développement ame-
masse à atteindre. nant régulièrement de nouvelles solutions et améliorations, rend
Le PBR 120 L s’adresse donc principalement au secteur de difficile le choix du système de culture à utiliser, sachant que
l’aquaculture car il permet des cultures en mode continu dans un l’optimisation même du système est une problématique en soit
environnement clos et robuste, d’obtenir des productivités éle- (notamment à grande échelle).
vées avec une biomasse de qualité constante, un encombrement Dans ce contexte, et afin de répondre à la demande des indus-
au sol réduit et un nettoyage simple. triels et accélérer le développement industriel de la filière microal-
Le photobioréacteur Hector (figure 25) est un système de culture gues, il existe de par le monde plusieurs plateformes publiques ou
développé par le laboratoire GEPEA dédié à la production indus- semi-publiques offrant la possibilité de tester ou mettre au point les
trielle de microalgues (volume 130 L) offrant une forte valeur ajou- technologies de culture de microalgues. En France, on citera en par-
tée et nécessitant un niveau de contrôle élevé des conditions de ticulier la plateforme AlgoSolis de l’université de Nantes-CNRS
culture. L’éclairage bilatéral par un dispositif à LED permet d’aug- (figure 26) et la plateforme HelioBiotec du CEA Cadarache.
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Figure 25 – Photobioréacteur Hector (GEPEA, AlgoSource Technologies) – Pilot Plant PBR Unit (PSI)
Halle
Conditionnement
technologique
Halle R&D de et stockage Photobio-
de production
récolte et de biomasse réacteurs
sous serre
bioraffinage intensifiés
Souches,
analyses
Biofaçade Technologies
microalgale « low-cost »
production
Production extérieure solaire extensive
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Ces deux plateformes offrent les infrastructures et les équipe- différents exemples de photobioréacteurs, utiliser une géométrie
ments nécessaires pour élaborer des solutions techniques fermée fait cependant franchir un palier technologique, vers des
d’exploitation jusqu’à une échelle préindustrielle. Elles intègrent installations plus onéreuses et plus délicates à mettre en œuvre.
pour cela la sélection, la caractérisation et l’optimisation des On note néanmoins actuellement un essor industriel important de
souches, les différentes technologies de culture et de traitement/ cette technologie, comme en témoignent les exemples d’installa-
bioraffinage de la biomasse, et s’appuient sur des compétences tions de grande taille récemment réalisées de par le monde et uti-
scientifiques des laboratoires supports de ces plateformes, leur lisant des photobioréacteurs.
permettant de couvrir les différents enjeux de la filière, allant du Malgré ces quelques conseils, les avantages et inconvénients
choix des souches, à leur culture et à l’extraction des composés intrinsèques des systèmes ouverts et clos, combinés à la diversité
d’intérêt. Les secteurs industriels couverts sont variés (production de tailles et de modes d’exploitation possibles (voir [IN201]), font
de molécules à haute valeur ajoutée pour des applications dans que la technologie idéale de production de biomasse microalgale
les secteurs de la santé, de la cosmétique ou de l’alimentaire, pro- n’existe pas, et n’existera certainement jamais. Le choix est en
duction de biocarburants de 3e génération, bioconversion effet étroitement lié à l’usage voulu, et que ce soit en termes de
d’effluents). marché ou de technologies de production, le domaine de la valo-
risation des microalgues est en évolution rapide. Au niveau aca-
démique, des progrès importants ont été obtenus ces dernières
années. Des informations essentielles comme les potentiels de
5. Conclusion et perspectives production ou les règles de dimensionnement, d’intensification et
de contrôle sont aujourd’hui accessibles sur des bases scienti-
fiques éprouvées. Cet ensemble d’outils d’ingénierie (quelques
La production industrielle de biomasse microalgale répond à
éléments ont été donnés ici), associé à une connaissance de plus
des contraintes propres menant à des systèmes de culture spéci-
en plus fine de la ressource microalgale et de sa production, appa-
fiques. Contrairement aux bioréacteurs conventionnels utilisés
raît aujourd’hui essentielle pour proposer et développer des solu-
pour les levures ou bactéries, où la technologie de fermenteur
tions adaptées aux nombreux débouchés possibles et attendus
s’est imposée, la culture de micro-organismes photosynthétiques
des microalgues.
est réalisée dans un panel technologique diversifié, sans qu’un
système ne puisse être privilégié. Ceci s’explique en grande partie
par le besoin d’un apport optimisé de lumière qui s’impose
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P
O
U
Production industrielle R
de microalgues et de cyanobactéries
E
N
par Jérémy PRUVOST
Professeur à l’université de Nantes
GEPEA – UMR 6144 CNRS/Université de Nantes
École des Mines de Nantes/ONIRIS, Saint-Nazaire, France
S
Jean-François CORNET
Professeur à SIGMA Clermont
A
Institut Pascal – UMR CNRS 6602, Campus Universitaire des Cézeaux
Bâtiment Polytech, Aubière, France V
François LE BORGNE
Docteur
Chef de Projets et Ingénieur de Recherche, AlgoSource Technologies,
O
et
Saint-Nazaire, France
Jean JENCK
I
Docteur
R
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Patent
Annuaire
E
Bureau d’études – Constructeurs – Fournisseurs Plateforme de recherche et développement
N
AlgoSource Technologies Plateforme de recherche et développement AlgoSolis
http://www.algosource.com http://www.algosolis.com
Plateforme HelioBiotec
http://www-heliobiotec.cea.fr/
S
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V
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I
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