Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
HISToIRE CIVILISATION
v.-1200 : Les Doriens (cle donr. « chône, . Les palais s'écroulent, tant sur le conti-
hampe de 1ance, lance ,), venus du nel1t qu'en Crète. Disparition cle la civiii-
Pincle. écrasent cle leurs car.aiiers aux sation mycénienne et du lineaire B : le
glaives c1e [er 1es guerriers aux armes de grec ne s'écrira plus avant le -vttt" siècle.
bronzel. I1s envahissent les ro,vaumes La Grèce entre dans le chaos et 1a barba-
rnl'céniens et l'Ernpire hittite en Anatolie, rie. Pourtant, connaîtra l'innovation
e1le
détruisant tout de pârt et d'autre de Ia de la céran'rique dite « géométrique » en
3. Desauteurscontestenll'h,vpothèsedeIinvasiondorienne,pourlaraisonquelesDoriensétaientdéiàsurplacectsounlis
atix Âchéens qu'ils auraient renvetsés en profitant de leurs dissensions internes. La conquête est ainsi reniplacée par une
prépor.rdérance acquise par degrés. Les (lrecs de l'époque classique croyaient à Ia réalité de finvasion. Matthieu de Durand,
op. cir., p. 44-'16.
144 CRtroN pE PltroN
HlSTOIRE CIvILISATION
Syracuse en -733 et Tarente en -706 ; Platon. On venait c1e tout lieu l'er-rtendre
Paestum est fonclée en -700. réciter.
v.-730: Début de I'armetnent hrlplitique . ;;, i:,r,, (paysan ilrclépendant) com- -717 : Délrut de ia
(casque, corselets en métai et en lin. bou- pose Les Travaux et lesJours et une fhéo- periode tnonarchi-
clier, épieu-javelot à lancer. épée courte). gonie , poèn-res qui ordonnent le monde que à Rome, sous
Pa,vsans et artisans pou\rant acheter cles dieux et des pa,vsans dans le cosntos. Nunra Pompilius.
1'équipenient. Ies nobles cessent d'être Ies II voit I'elf itenrent cle l'ancienne société
seuls combattanls de la cité et perdent agrairc ct lc despoti>ttt.'tler toit.
ainsi leurs privilèges politiqr.res. La tac- ll c1énonce leur avidité, f iniustice et la
tique ch-r cornbat en rangs serrés (pha- guerre , recommanclant le labeur e t la
langes) der,ient en usage vers "'650. piété. 11 délaisse les exploits héroiclues
. Sparte est 1â capitale musrcale de la
Grèce. La musique se répand clans l'Asie
grc! qtlc.
v.-700 : I-'homnte clevie nt Ic thème prin-
. ipal dc. pcintrer cttr ccratttiqtt.'
4. Le terme grec pour colonic est apoihîa: il suggère l'iclÉe cle trânsporter son domicile ailleurs;le terlne latin exprime ltr
quelqries cas' les
recherche cle terres à cultiver. L'augmentation cle Ia populirtiotl expliqne ie besoin de terres ou vivre' En
Naucratis. Les colonies gardent un lien plus alfectif et religieur que politicpe
buts étaient commercianx. tel le coinproir cle
avcc 1a métropole.
5. En 391 cle notre ère. un édit cie Théodose ir.rterdit 1a clivinatiolr et lesJcttx olvulpicllres
De jeunes Phocéens [...J con-
duisant leurs uaissea.otx uers
I'extrémité de la mer des Gaules
[...J arriuèrent au gctlfe qui
borde l'embouchure du Rbône.
Le cba.rme d,u paysage les
séduisit. Ils retournèrent chez
eux, y rapportèrent ce qu'ils
auaient uu et ramenèrent une
troupe plus nombreuse. [...J lls se
d.irigèrent cl'abord. uers le roi des
Ségobrigiens, nomm.é Nann, sur
le territoire d.uquel ils uoulaient
bâtir une uille et lui d,eman-
dèrent son amitié. [...J Marseille
"fut ainsi éleuée, près de
I'emboucbure d.u Rbône [...J. Les siècles obscurs (-1200 à -S00). Là, durant les siècles qui suivent, et que les
Ce fut des Marseillais que les
historiens appellent les siècles obscurs, naîtront de nouvelles cités : Phocée,
Gauktis, abandonnant et ad,ou-
Éphèse, Milet, Smyrne, Samos O et bien d'autres qui, mises en relation avec les
cissant leur ba.rba.rie, apprirent à
tnener une uie plus ciuilisée, à Mésopotamiens et les Égyptiens, se nourriront de ces civilisations plus vieilles et
hzbourer ld terre et à entourer plus riches. Par ailleurs, elles deviendront des foyers d'hellénisme et des
leurs uilles de mura.illes. Ils métropoles commerciales. C'est dans cette Grèce d'Asie que va naîüe lentement
s'babituèrent alors à uiure sous la ciülisation grecque proprement dite. C'est là que, vers le -\'tII" siècle,
des lois etnon sous le seul empire s'élaborera [a poésie d'Homère. Dans cette Ionie active, des hommes s'efforceront
des armes, à tailler kz uigne et à
de coordonner et d'organiser les connaissances pratiques élaborées par les peuples
pla,nter l'oliuier. Les bommes et
orientaux. C'est là, avec Thalès de Milet, Pythagore de Samos, Hécatée de Milet
les cboses prirent un tel éclat
qu'il semblait que ce n'était pas et bien d'autres, que vont naltre la science et la philosophie.
la Grèce qui était uenue en
Gaule, tnais la Gaule qui s'était
...,: :.r,.rt.i:tt..,t.ja.t::,j:1., Ir:..:: I .,. . -
transportée en Grèce.
I , ,. : " , ' :: . Au seuil du -vIII' siècle, Iorsqu'elle émerge des temps
lustin
Histoire universelle,
obscurs, la Grèce apparaît comme un pai/s morcelé politiquement en
une
Livre xur. poussière de petites entités indépendantes qu'on appelle des cités-États. Chacune
de ces cités comprend une petite agglomération urbaine établie autour d'un
;ia D'après lustin, guelle a été
monticule servant d'acropole et entourée d'une plaine qui lui assure une
l'influence des Grecs de Marseille
sur les Gaulois ? subsistance minimale, le tout forrnant un ensemble politique souverain .r.t Ét"t.
'
Du -uII" âu -ve siècle, ces cités uessaiment,
il Hetlénisme tout autour de la Méditerranée dans un
(n. m.) Ensembte de la mouvement de colonisation qui
civilisation grecque. constitue un phénomène capital
b Acropole dans l'histoire grecque.
(n. f.) Butte servant de citadelle
et de sanctuaire à de nombreuses
cités grecques.
§!§ffi
La colonisation grecque. Décidés à partir, les habitants d'une cité ont pris la mer 11 0rigine de la monnaie
sous l'égide d'un magistrat, emporranr avec eux le feu sacré qui devra protéger la selon llristote
nouvelle cité. Ils sont en quête d'un endroit oir s'établir. layant trouvé, ils s'y
installent. Puis d'autres émigrants arrivent, une bourgade se bâtit, des relations se
il n'était pots cornrnocle de
transporter au loin cles d,enrées
nouent avec les autochrones, des liens économiques avec la cité mère. Une pour en rapporter d'autres, sans
nouvelle cité ou « colonie, est née. être sûr el'y trouuer celles qu'on
Qui sont ceux qui parrenr? Des déshérités, caders de grandes familles quun y cbercbait, ni si celles qu'on y
régime de propriété indivisible dépouille au bénéfice de l'aîné, des hommes nlibres, portait conuiendraient. [...J On
que la rareté des bonnes rcrres réduit au srarut d'ouvriers agricoles au service dune conuint donc d.e se donner et de
noblesse qui les pressure, des vaincus des luttes politiques qui entraînent leurs receuoir en écltange quelque
partisans, ou
encore des individus épris d indépendance er, plus ard, des autre cbose qui, outre sa ualeur
conrmerçants avides de matières premières et de débouchés pour leurs produis. Propre, eîtt la cctrnmod.ité cl'être
plus maniable et d'un transport
Plusieurs cités grecques ont leurs colonies. Et lorsqu une colonie est bien assise, plus facile, tel que du métal, soit
elle fonde à son tour une sous-colonie. Agde est fondée par Marseille, elle-même du fer, soit d.e I'argent, soit toute
fondée par Phocée O. Par ce processus d'essaimage, la colonisation fait tache autre matière semblable, dont la
ualeur fut définie cl'abord uni-
d'huile dans toute la Méditerranée et sur les côtes de la mer Noire oir se développe
quement par les dimensions et
la culture du blé, de la vigne et de l'olivier. le poids, et enfin pdr I'appo-
Une Méditerranée grecque. Les conséquences de ce mouvemenr sont immenses. sition d'une empreinte pour éui-
La colonisation du bassin méditerranéen agrandit le monde grec er fait s'épanouir
ter I'embarras eles mesures
continuelles; l'empreinte fut
dans les cités nouvelles les lois, les dieux, les courumes, la langue des Grecs. Car le
mise comme signe cle la quan-
Grec introduit partout son mode de vie, apporre ses dietx. On honore Apollon à ttté de ruétal.
Crotone, à à Târente. Nymphes et dietx ornenr de nombreuses
Syracuse,
monnaies coloniales O. En découvrant le vin, les populations du Languedoc Aristote
Politique, trad. I. Aubonnet,
adoptent Dionysos. Déméter, parrronne de [a Sicile, est vénérée à Agrigente, qui Les Belles Lettres, 1968.
lui consacre un temple et derrx sanctuaires.
Révolution économique. Par ailleurs, la colonisation grecque engendre dans route
la Méditerranée une véritable révolution économique. Elle tisse un réseau de routes
commerciales sur lesquelles Grecs, Égyptiens, Phéniciens et Étrusques se livrent
une concurrence acharnée (E. Les échanges se multiplient, favorisés par la diffirsion
de l'alphabet phénicien auquel les Grecs ont ajouté des voyelles, et par l'apparition
de [a monnaie (9 d'abord en Lydie autour
du -uI" siècle, mais que les cites grecques
sont les premières à ,utiliser comme
monnaie d'échange international.
pttÉttrctr
Mer
lüétropoles grecques
o o a colon es grecques ASIE
*"F
V
Itr\
Courants d'mpoftation
Exponations AFRIQ UE Esclaves noirs Padums
Fondations Or
ffi
L/
.-I
t-l'. ',
.'\lL
'+-]'-r§
ï
c'§
Cnerrrnr 2
40 \
if'
La mythologie grecque
À cle nombreux égarcls, les crol,ances religieLlses et les
mt'thes des anciens (irecs ne diffèrent pas sensibleûrent cle
celrx cles Bab,vloniens et cles Egrpticns. Leut représentation
Le dieu Atlas supportant cle l'univers physique est semblable. Comme eux, ils croient
la voûte céleste que la Terre est une espèce de galette plate. L'intérieur cle
Selon le poète Hésiode, celle-ci renlerme le royaume d'Haclès, seigneur des enfers
Atlas avait été condam- oùl \.ont les âmes des mofts. Le dôn-re céleste clui recouvre Ia
né à supporter lê voûte 'I'erre est renrpli d'eau, c'est pollrquoi il est bleu et nous
cJu ciel. lVlais on a pris envoie parfois cle la pluie. LIn géant, Atlas, c|"ri avait osé
l'habitude de le repré-
senter portânt le monde.
s'opposer à Zeus, le plus puissant cles dieux. a été con-
clamné à solltenir cette Yoûte pour l'éternité. Les sept
planètes visibles à l'cril nu, le Soleil er la l-Llne sonr poLrr les
(irecs comme pour les autres pellples des êtres clir.ins. En
fait, toute la z<-tne clu ciel est un domaine clivin et si les
clier.rx grecs ont l'Ol).mpe ponr demeure, c'est que ce massif
montaÉanellx est le pllrs har.rt de Grèce et clonc le lieu le plus
près clu ciel qu'ils connaissent.
P"'
:L 0
41
(î:: ^--"q
Par ailleurs, aucun dieu n'est tout-puissant. Il y en a bien un, Zeus, le plus puis
sant, qü peut imposer sa loi aux autres, mais s'il réussit à le faire, c'est le plus sou-
vent grâce à des stratagèmes, à des ruses où il s'allie à tel autre dieu plus rusé, plus
doué dans tel ou tel domaine. Pas plus qu'un de ces dieux ne représente à lui seul
toute la force et la puissance, aucun î'est pafiaitement bon, parfaitement iuste, par-
faitement raisonnable. En fait, ces dieux diffèrent des humains surtout par leur
immortalité et le caractère grandiose de tout ce qu'ils font. Pour le reste, ils ont tous
les défauts et les qualités des humains.
Les Hellènes de la Grèce ancienne ont tout autaît le respect du sacré que leurs
voisins babyloniens et égyptiens. Pour eux, le surnaturel est présent dans toute la
nature, dans toutes les actions humaines, les plus quotidiennes et celles qui sortent
de l'ordinaire. La foudre est lancée par Zeus, les profondeurs mystérieuses et
menaçantes de Ia mer sont le domaine de Poséidon, le grondement des volcans et
les tremblements de terre sont l'æuvre d'Hadès, dont le domaine se situe à l'in-
térieur de la galette terrestre. Le foyer et la famille sont protégés par Hestia, qui a
son petit autel dans chaque maison qui en a les moyens. Que le blé pousse bien, ou
Édifiés au cours du
-Ve siècle, les temples de
I'Acropole célébraient la
gloire d'Athènes. Les
divinités qui y étaient
honorées avaient, selon le
mythe, joué un rôle dans
l'établissement de la cité
et garantissaient le main-
tien de sa puissance. En se
promenant sur l'Acropole,
c'est l'histoire de son peu-
ple que le citoyen contem-
ple. En faisant acte de
piété envers les dieux,
c'est à sa collectivité qu'il
porte respect.
à
,-\* t
v-l\ !A
Cuarrnr 2
42 \(
Ç
t='--.t
que la récolte soit mauvaise, on le doit à Déméter. Les femmes mariées ont leur
divine protectrice en Héra, épouse de Zeus. Les champs sont parsemés de petits
tumulus de pierres qui symbolisent Ia présence de la divinité et implorent sa protec-
tion. En plus des dieux, il y a des demi-dieux (enfants de dieux et d'humains) et des
héros, humains légendaires l,u leurs qualités exceptionnelles, qui ne sont pas
immortels, mais qui ont une communication étroite avec les dieux12.
La présence des dieux et des héros est aussi visible dans la vie des cités. La pre-
mière divinité que l'on remarque est sans doute la divinité poliade, le dieu ou la
déesse à qui la ville doit sa naissance ou tollt simplement sa puissance et sa
prospérité ; c'est le cas d'Athéna pour Athènes. Cette divinité a évidemment un
temple majeur et de nombreuses statues. Elle a une importance spéciale, mais elle
n'est pas la seule à incarner les qualités pafticulières de la cité et son histoire : ainsi,
l'Érechthéion d'Athènes abrite bien sûr le culte cle la déesse Athéna, mais aussi celui
du héros Érechthée, roi légendaire d'Athènes, celui de Cécrops, premier roi
d'Athènes selon la légende, et celui d'autres héros athéniens. Chaque cité a ainsi un
certain nombre d'édifices consacrés à son histoire. Cela va de pair avec un certain
nombre d'activités religieuses publiques, de grandes fêtes rituelles inscrites sur le
calendrier qui reviennent chaque année et qui durent parfois plusieurs jours, des
sacrifices rituels qui saluent un événement politique particulier, le départ d'une
expédition guerrière par exemple, ou tout simplement l'ouverture de l'Assemblée.
En résumé, les dieux grecs sont plus humains qlre ceux de leurs voisins et ils
sont partout, dans toute la nature et dans tous les moments de la vie . Entre les
Grecs et leurs dieux, il y a presque une fraternité.
12. Àinsi, dansL'Iliade d'Homère, Achille est protégé par la déesse Athéna qui lui prodigue ses con-
seils. Ulysse, au cours de sa longue odyssée, rencofltre de nombreuses divinités bienveillantes
comme malveillantes.
à
§\ ï
L'ÉÀaERcENcr DE t RATroNArrrÉ, EN GRÈcE )à\o !(
r\ 0
4s
t:îJl
Dans un tel scénario, i n'y a pas d'auteur à proprement paier, sauf le peuple lü-
même. Mais cet auteur est inconscient de son actiorr créatrice. En effet, puisqu'il
n'y a pas de texte auquel on pouffait comparer les différentes versions, les gens
n'ont iamais l'impression d'inventer les histoires que l'aède leur raconte, ils n'ont
même pas conscience de transformer l'histoire, alofs que c'est pourtant bien ce qui
se passe. C'est en ce sens qu'on dira de la mlthologie grecque qu'elle est une « tra-
dition populaire élaborée par les aèdes », ce qui pourrait s'appliquer en fait aux
mythes de toutes les sociétés sans écriture.
C'est ce trait qui permet de comprendre pourquoi les mlthes revêtent une si
grande importance pour les peuples qui les racontent et pourquoi ils ont toujours
une profonde signification, même pour les observateurs étrangers. C'est que,
comme l'écrit un spécialiste de la Grèce ancienne , « les paroles transmises et les
récits connus de tous sont fondés sur l'écoute pafiagée; ils ne retiennent, ils ne
peuvent retenir que des pensées essentielles, ironiques ou grarres, mais toujours
façonnées par l'atiention prolongée d'un groupe humain, rendu homogène et
coflrme présent à soi-même parlamémoire des générations confonduesl3 ».
13. trIarcel Detienne. L'inuention de lct nt.1'tltologze. Paris, Gallifirarcl, 1987, p. 86.
t:
Lr.
î
Criarrrnr 2
44
4a
(-a' *a
1,i. \lircea lllia(jc. .1.ÿecls du mythe. Paris, Gallimarcl. " Idées NRF,. 196J, p. 1 5.
I5. Voir Claucle Lér'i Stmuss, I.dpel?sée sauuage, Paris, Pfesses l,ockct. 1990, chap. I ct p. 119--120.
B;:.
par.- I
§'i:-l
-:
1 !]:
L'ÉulRcrNcr DE LA RATroNeurÉ. rN GnÈcE §:t-l'ü( ", j
§1;
ffi\ ,i;
fi
Rien c1e tel clans les cités grecqlles de I'Antiquité. Toute la vie sociale y sen.rble
imprégnée cle religion. Ainsi que nclus l'avons c1éjà mentionné, tous les actes pu-
blics cle cluelclue importance sont soulignés par des sacrifices et des rituels. Les
grancles fêtes sont cles fêtes religieuses. On cr«rit communément que la cité a été
fonclée grâce à une clivinité particulière, clue celle-ci continlre à la protéger. et on
I'honore clonc en conséquence, solennellement et régulièrement.
t:^.;::A
dialogue intérieur entre le croyant et son dieu est inconnue des Grecs. La religion
s'adresse à chaque individu non pas en tant qu'individu, mais en tant que citoyen
de la polis, en tant que membre de telle famille, en tant qu'homme ou femme,
jeune ou adulte, c'est-à-dire en tant que pefsonne ayant un statut social. Cette reli-
gion s'intéresse si peu aux préoccupations personnelles qu'elle ne senttua iamais la
nécessité de s'interroger profondément sur ce qui arive après la mort, sur la nature
de l'âme16, etc., questions qui pour nous sont une partie essentielle de l'intérêt
religieux.
C'est l'assemblée du peuple qui a la haute main sur l'économie des biera, des
choses sacrées, des affaires des dieux, comme sur celle des hommes. Elle fixe
les calendriers religieux, édicte des lois sacrées, décide de l'organisation des
fêtes, du règlement des sanctuaires, des sacrifices à accomplir, des dieux nou-
veaux à accueillir et des honneurs qui leur sont dus.
16. Les Clrecs se contefltent cle perpétuer [a cro_vance qu ils a\.aient déià à l'épocpre cl l{omère. Les inn-
tômes des morts vivent une existence d'ombres sous terfe . Aucune notion de r'écompense ou cle
pUniIi(rr't n esl rts:ocicc I cc \(ioUr \uUtcrrâin.
<3:\
T
là\. Crmprnr 2
32 -r-
\(
0
t3:-'vq
)nrrrn es Eqvptiens ?
Au VI. siècle avant notre ère, à l'époque où Thalès de Milet, Anaximandre2, Aîaxi-
mène* et Héraclite* se mettent à penser « à notre façon », il existe ailleurs sur la
planète plusieurs ciyilisations florissantes, plus anciennes que la grecque, plus puis-
santes, et plus savantes. Que ce soit sur le plan des techniques (bronze et fer, agfï
culture et irrigation, architecture, etc.) ou des connaissances plus abstraites
(écriture, arithmétique, observation du ciel, etc.), c€s civilisations ont des traditions
plus longues et plus sayantes que celle des Grecs. Or, en moins de deux siècles, les
Grecs effaceront cet écart et même lorsque leur puissance politique et firilitaire sera
yaincue par les Romains, leur culture sera en grande partie reprise par ceux-ci, et
plus tard par l'Europe chrétienne. Même les philosophes et les scientifiques appaf-
tenant à la civilisation islamique se nourifont de la culture de ce petit peuple.
Commellt celir se fait-il i' C'est dans Lur examen comparatif de ces autres civilisa-
tions ert cle la civilisation grecqlle qlre nous trouverons des explications à cette nais-
sance « miraculeuse ,.
l. Dans son Llsage le plus général. Ie mot . llliraclc , clésigne un phénomène qui déroge aux lois de la
nllturc ct clni cst donc inexplicable.
2. 'l'halès et Annximauclrc scront étucliés au chapitre J.
*
L'Éurncrrucr DE LA RATIoNÀLITÉ EN GRÈcE
33
(â^
]
,r
PÉN NSULE IBÉRIOUE
ASIE
Troie MINEUHE !
ONE
§
. i.i
cRÈrE
Le monde méditerranéen
Les civilisati«)ns avec lescluelles les Grecs ont eu le plus cle contacts sont ccllcs cle
Ilab-vlone et cle 1'Égypter. Ce sont des civilisations très ar.ancées clui clcmer-treront
cl'ailleurs longtemps ponr les Grecs cles images de sagesse et de savoir. C'est dans la
plaine du Tigre et cle l'Euphrate où est constmite la ville cle Ballylonc qLl ()11 rrôu\-e
les plus anciens vesti1aes de l'agricultllre coûnlls ii ce jour. Comme clans les ii_Lltrcs
civilisations agricoles, on 1, observe le ciel cle façon méthocliclue afin cl'étabtir cles
calenclriers et cle préclire les événements (astronomie et astrologie). La gestiolr rles
ro).ellmes et des empires fortement centralisés clui s'1, sont succéclé a itlcité à
développer l'écriture et l'arithmétiqlle. On a allssi cléveloppé toLltcs les connais-
sances techniques nécessaires à l'existence et à l'administration de grancis tcrri-
toires cultivés et de grancles villes. Certains souverains ont senti le bcsoin iie
consigner les lois par écrit (code de Hammurabi"', Ie plus ancien que l'on ct{)n-
naisse). Les rnages* bab,vloniens, à la fbis astronomes et astrologues, soltt consiclÉ'rés
comme les meillenrs observateurs du ciel de l'Anticluité (ils arrivent à prédirc cles
éclipses) et comnte cle grands sages. La visite cle ces sages
églptiens - coû1me cles prêtrcs
f-era d'ailleurs pafiie de la formation de plusieurs phil«tsopl'res grccs.
-
On constate le même avancelnent cles connaissances en Ég-_vpte. C'est cl aillcr,lr-c
de cet empire que provient le plus ancien calenclrier solaire connu. Cepcndant, n:al-
gré leurs nombreuses connrrissances, ces seges ne clér,elopperont ni lrne véritatrle
science ni une philosophie. On peut clire c1u'ils sont certainement cles savants, rnais
pas cles scientiliques . ou ellcore qu'ils ne comprennent pas ce c1u'ils clbservcnt.
3. D'elltres ci\.ilisatiotls plus ékrigr.récs de la Grèce sont aussi très ar.ancées. Les rives clu tlcuvr-faune en
Chine sont cultivécs clepuis le III. millénaire avant notre ère. L'Inclus. au lorcl de l'Incle. ir lussi
accueilli nne grenclc cir.ilisation encorc mal conllue. La civilisation chinoise r.nérite sals doulc
cpelclues renlafqucs. El1e procluit ses premiers philosophes à la rnêr'ne éltoque que la Grècc l)r(.'{!uit
1es siefrs ((bnfilcius. r. , 555 - t',- 119; l,ao-tseu, \.. - 570 - - 1.)O:). El]e suivr:r ccpcûcllrnt ur( oririn-
tation ffès tlilIérentc.
à
s4
N, Cnnprnr 2
s
\0
Ces civilisations ollt qllelqlles traits en commun qui les distinguent de la civilisaticln
grecqlle. Cle sontd'abord de grands empires d«rnt l'administration est très centra-
lisée. fln souverain entolrré d'une classe d'aristocrates et de prêtres peu nombreux
règne sur la multitude de paysans qui les nourrissent. ToLltes les clécisions viennent
de ce centre uniqlle. Le souverain n'a de comptes à rendre qu'eLrx dieux, et parlbis
il est lui-rnêrne dieu. Ce pouvoir absolu et arbitraire du roi ou de l'empereur
s'exerce évidemment clans les domaines économique, militaire et politique, mais iI
dicte aussi son orientation au développement des connaissances. De la même
manière qu'on s'accorcle pour reconnaître que l'invention et le développement de
l'écriture et du calcul sont ettribLlables aux besoins administratifs de ces grands
empires, il far,rt voir que l'étude cle la nature (et cl'aborcl du ciel) et la réflexion
morale
- tolltes cleux du ressort des prêtres - seniront d'abord les besoins des
souverains. Dans ces régirnes alltocratiques"', il n'v a pas c1'espace pollr développer
Iibrement des connaissances hors du service clirect du ponvoir, il n'y a pas de li-
hcrtc clc penice.
Les croyances mlthiques ne fayorisent pas non plus le développement des con-
naissances. Les astres que les mages obseryent a\/ec tant d'attention sont considérés
comme des êtres divins. En observant les déplacements de la Lune et des planètes,
les mages ne se posent jamais la question de savoir quelles lois régissent leurs mou-
yements. Ils ne se demandent même jamais: « De quoi, de quelle matière ces astres
sont-ils constitués ? », puisque par définition les dieux sont d'un€ autre nature et
n'obéissent pas aux mêmes lois que les plantes, les animaux, les humains et les élé-
ments de la nature en général. Ils ne cherchent donc pas à comprendre le fonction-
nement des astfes, mais ils essaient de deyiner ce que leurs mouvements peuvent
révéler des intentions divines. Puisque les astres sont des dieux, Ieurs mouyements
doiyent avoir une influence sur la nature et les humains, et si on les interprète cor-
fectement, on pourra prédire l'avenir ! En un mot, les mages babyloniens et les
prêtres égyptiens sont des astrologues plutôt que des astronomes.
Astronomes
Les astronom'es sont des Mais ce type de croyances est la règle à l'époque et Ies Grecs n'y font pas excep-
scientifiques spécia lisés dans tion. Cependant, daîs les empires babylonien et égyptien, il existe des castes sacer-
l'étude des astres et de la
structure de I'univers, alors dotales qui ont fait de ces mythes des dogmes dans des religions tout entières vouées
au service du pouvoir royal. Ces prêtres jouissent d'un grand pouvoir
que les astrologues sont des
devins prétendant connaître
- si grand
qu'ils amivent parfois à détrôner un roi et à le remplacer par un autre de leur choix.
l'influence des astres sur les Ils préservent jalousement ce pouvoir, et cofllme celui-ci est fondé en grande partie
humains et prédire l'avenir.
sur lerrr réputation de devins, ils gardent secrètes les connaissances qu'ils possèdent
et les réservent aux setrls initiés. Jamais en Égypte et à Babylone on n'aura le souci de
di.ffuser les connaissances, et encore moins celui de les discuter publiquement.
Ainsi, le commun des mortels est maintenu dans l'ignorance par l'obéissance
aveugle due au souverain, de même que par le respect et la peur du sacré. Dans ces
régimes où les connaissances se développent en cercle clos parmi un tfès petit
nombfe de privilégiés et en lien étroit avec le pouvoir politique, tout se conjugue
pour étouffer le moindre germe d'esprit critique.