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Note sur la langue et la terminologie hégéliennes

Author(s): A. Koyré
Source: Revue Philosophique de la France et de l'Étranger , JUILLET A DÉCEMBRE 1931,
T. 112 (JUILLET A DÉCEMBRE 1931), pp. 409-439
Published by: Presses Universitaires de France

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/41082892

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Note sur la langue
et la terminologie hégéliennes

II n'y a pas de philosophe, du moins en ce qui concerné les phi-


losophes modernes, dont la pensée ait été interprétée de façons aussi
diverses et aussi divergentes que celle de Hegel *. Et les commenta-
teurs de ses doctrines - même s'ils ne sont d'accord sur rien d'autre,
- s'accordent cependant a) sur la difficulté intrinsèque extrême de
sa pensée et 6) sur la difficulté supplémentaire, extrinsèque, mais
presque plus grande encore, que présenté - ou qu'oppose - à sa
compréhension la langue et la terminologie de Hegel. La langue
de Hegel est - on Ta dit maintes et maintes fois - intraduisible.
« Sa terminologie, ainsi que l'écrit L. Herr, lui appartient en
propre... elle ne contient peut-être pas un seul terme technique
qui ait son équivalent dans la langue abstraite de la philosophie
française2. » Mais elle n'est pas seulement intraduisible. Elle est
- on l'a dit également fort souvent - inintelligible, même pour
un Allemand. Et les historiens allemands se plaignent de « l'abus
d'une terminologie arbitrairement créée » {selbst geschaffene Termi-
nologie*). C'est à propos de Hegel qu'on a, d'ailleurs, forgé cette
définition célèbre de la philosophie : « abus d'une terminologie
créée spécialement à cet effet » (Misbrauch eigens dazu erschaf-
fener Terminologie). De telle façon que le plus récent historien de
Hegel, M. Th. Haering, en proclamant que « c'était un secret de
polichinelle qu'aucun des interprètes de Hegel n'était capable
d'expliquer, mot par mot, une seule page de ses écrits » et que « la
lecture des œuvres consacrées à exposer la philosophie de Hegel
1. On sait qu'on a tiré du Hegelianismo la réaction aussi bien que la révolution,
le panthéisme aussi bien que le théisme et que l'école hégélienne s'est divisée
bien rapidement en « gauche » et en « droite ». Voir sur ce sujet le livre récent
de M. Moog, Hegel und seine Schale, München, 1930.
2. L. Herr, article « Hegel » de la Grande Encyclopédie, t. XVI, p. 1001.
ô. M. Moog la lui reproche encore, voir Moog, op. cit., p. 14.

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410 REVUE PHILOSOPHIQUE

ne servait absolument à rien à celui qui voudr


directe des œuvres du philosophe * », conclut à
étude-commentaire qui, suivant pas à pas la for
et du langage hégéliens, éclairerait l'une par l'au
ainsi de pénétrer enfin dans ce monde de pensé
presque entièrement fermé * jusqu'ici. Et que M
en proclamant la possibilité de traduire la P
l'esprit et de la rendre en un français intelligibl
première chose à faire - la constitution d'un lex
Lexicon, tel qu'il en existe pour Aristote ou Plat
Ces témoignages se passent de commentaire.
bilité de la langue et - surtout - de la termin
incontestable. La nécessité de constituer un
patente. Il est à considérer cependant que la c
d'un tel lexique présente une difficulté, non ins
vrai, mais réelle : il est clair, notamment que, po
c'est-à-dire pour distinguer et préciser les accep
des termes employés par Hegel, il faut comm
prendre le sens. On parait aboutir ainsi à ce fam
tous les logiciens - sauf Hegel - ont toujour
sible et « vicieux ».
Mais, en fait, pourquoi le langage de Hegel est-il incompréhen-
sible? quelle est, si Ton peut s'exprimer ainsi, la nature de cette
incompréhensibilité?
Il est très certain que les plaintes de ses historiens et commen-
tateurs, aussi fondées qu'elles le soient, auraient, - s'il avait pu
les connaître - à la fois amusé et indigné Hegel.
Elles l'auraient amusé parce que, ainsi que nous le verrons par
la suite, l'incompréhension était, pour ainsi dire, prévue par le
système lui-môme4. Mais les reproches de parler une langue arti-

1. Th. Haering, Hegel, sein Wollen und sein Werk, Leipzig, 1029, préface.
2. Que la pensée de Hegel soit restée incomprise, telle est aussi l'opinion de
M. R. Kroner, voir son Von Kant bis Hegel» vol. II, Tübingen, 1924, p. 231 sq.
3. Voir le compte rendu des cours de M. Andler au Collège de France dans
mon « Rapport sur l'état des Études hégéliennes en France », in Verhandlungen
des ersten Hegelkongresses, Tübingen, 1930, p. 104.
4. La philosophie de Hegel prétendant réaliser un mode de pensée nouveau,
marquant une étape nouvelle et supérieure de l'évolution de l'esprit, un pas
décisif fait en avant, il est clair qu'elle ne pouvait être comprise par ceux qui,
d'après leur mode de pensée, étaient restés en arrière et n'étaient pas ses

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.A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 411

ficielle et abstraite, d'user d'une terminologie arbitraires l'auraient


indigné : Hegel, en effet, avait conscience de n'avoir jamais rien
fait de tel; il avait la prétention, curieuse, mais réelle, de réagir
contre Tabus de la terminologie abstraite; il estimait même que la
philosophie n'en avait pas besoin.
En effet, dès 1806, jeune professeur à l'Université de Jena, met-
tant ses auditeurs en garde contre cette manie - qui sévissait à
Jena - d'employer des mots « philosophiques » et « abstraits » pour
désigner des choses fort simples (ou encore, pour, en se donnant
une apparence de « profondeur », ne rien désigner du tout), Hegel
annonce à ses auditeurs que « dans le système philosophique qu'il
enseigne, lui, on ne trouvera pas trace de ce flot de formules1 ».
Ne peut-on pas tout dire simplement? Et les mots de la langue
courante ne sont-ils pas assez profonds? Être, Non-ëtre, Un, Mul-
tiple, Propriété, Dimension... ces concepts « présents » suffisent à
la philosophie. D'ailleurs il appartient à la civilisation d'un peuple
de pouvoir tout dire dans sa langue2.
Vingt-cinq ans plus tard, auteur célèbre de la Phénoménologie
de l'Esprit, dela Logique et de la Philosophie du Droit, philosophe
certainement le plus en vue de l'Allemagne, Hegel renouvelle ses

contemporains spirituels. Il est clair que ceux qui ne voient pas la nature positive
de la négation et ne peuvent penser que par des notions rigides et non dialec-
tiques ne peuvent pas comprendre Hegel. Il leur faut d'abord acquérir celte faculté
de penser autrement qu'il ne l'ont fait jusqu'ici. Cf. G. W. P. Hegel. Die Wmenschafl
der Logik, Introduction, (W. Ill, p. 41). « Das Einzige, um den wissenschaftlichen
Fortgang zu gewinnen und um dessen ganz einfache Einsicht sich wesentlich zu
bemühen ist, ist die Erkenntniss des logischen Salzes, dass das Negative ebenso
sehr positiv ist, oder dass das sich Widersprechende nicht in Null, in das
abstráete Nichts auflöst, sondern wesentlich nur in die Negation seines besonderen
Inhalts, oder dass eine solche Negation nicht alle Negation, sondern die Negation
der bestimmten Sache, die sich auflöst, somit bestimmte Negation ist; dass also
im Resultate wesentlich das enthalten ist, woraus es resultirt; was eigentlich
eine Tautologie ist, denn sonst wäre es ein Unmittelbares, nicht ein Resultat.
Indem das Resultierende die Negation, bestimmte Negation ist, hat sie einen
Inhalt. Sie ist ein neuer Begriff, aber der höhere, reichere Begriff als der vorher-
gehende; denn sie ist um dessen Negation oder Entgegengesetztes reicher
geworden; enthält ihn also, aber auch mehr als ihn, und ist die Einheit seiner
und seines Entffegengesetgten. »
1. Rosenkranz, Das Leben Hegels, p. 554 : « Ich sage Ihnen im voraus dass Sie
in dem philosophischen Systeme welches ich vortrage von diesem Schwall des
Formalismus nichts finden werden. » Hegel se moque de ceux qui, au lieu
de dire d'une chose qu'elle est longue, disent qu'elle s'étend en longueur, et
parlent à tout propos et hors de propos de Magnétisme et d'Électricité.
2. Jbid. : « Eigentlich gehört es zur höchsten Bildung eines Volkes in seiner
Sprache alles zu sprechen. »

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412 REVUE PHILOSOPHIQUE

assertions. La philosophie - et le philosophe -


son langage spécial. Les mots de la langue nati
courant ainsi que du langage scientifique, lui
moyens d'expression dont il peut avoir besoin
langage vivant, tel qu'il a été formé par et d
face de l'effort de « nationaliser » les termes abs
et de substituer des expressions « allemandes »
d'origine étrangère (effort dont plus d'un de s
s'est rendu coupable et qui aboutit chez certains
chez Krause, à la création d'une terminologie
parfaitement artificielle et généralement inin
proclame que « l'origine des termes employés
d'importance » et que « tous les mots, les mots é
pris, lorsque ceux-ci ont pris racine et acquis
dans la langue vivante, doivent et peuvent êtr
crainte1 ».

Le langage du philosophe doit être vivant et concret, parce que


sa pensée doit être vivante et concrète. Et le philosophe n'a pas
- ou presque pas - à créer de mots nouveaux et spéciaux, parce
que ces mots seraient nécessairement abstraits, et que le philo-
sophe, qui s'occupe non pas d'abstractions, mais de la réalité
et uniquement de la réalité, n'en a que faire et ne pourrait pas
s'en servir. Hegel aurait certainement Soutenu que sa langue à
lui, au lieu d'otre arbitraire et abstraite, est, au contraire, d'une
concrétion aussi grande que possible. Et que si elle est, générale-
mont, incomprise, c'est justement parce que sa grande concrétion
la rend difficilement penetrable aux esprits habitués à la pensée
abstraite et ne s'étant pas élevés à la pensée spéculative, pensée
concrète par excellence et, pour ainsi dire, par définition.
Ne crions pas au paradoxe. Que le langage hégélien est toute
autre chose qu'une langue artificielle et abstraite 2, nul autre que

'. Voir Wisscnscluift der Logik, préface, p. 39).


2. Que la langue de Hegel n'est pas « arbitraire » a été bien vu par G. Noet
(voir G. Noel, La logique de Hegel, Paris, 1897). Il dit il est vrai que « l'accep-
tion hégélienne du mot notion n'est pas son acception la plus commune », et
qu'elle est « fondée sur une convention explicite » (p. 87). Cependant, un peu plus
loin, disant avec beaucoup de raison que « la notion hégélienne correspond à
bien des égards à Vidée platonicienne et à la forme d'Aristote », il ajoute qua
« le choix de ce terme n'est pas précisément arbitraire.... Le sens qu'il reçoit ici
n'est nullement étranger au langage ordinaire... ».

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 413

L. Herr l'avait déjà proclamé1. Et tous les commentateurs de la


Logique de Hegel - je n'en cite que deux Me Taggart et Baillie 2,
- se sont, de tout temps, complaints de la façon désinvolte avec
laquelle Hegel emploie des notions scientifiques concrètes, tels
l'attraction ou la répulsion etc., pour désigner des catégories pure-
ment logiques, ainsi que de la manière arbitraire avec laquelle
il emploit un seul terme pour désigner deux choses différentes à
la fois, tel par exemple le terme « esprit », pris quelques fois dans le
sens d'esprit « opposé à nature », pris, d'autres fois, pour désigner
l'esprit indépendamment de cette opposition, ou encore, l'esprit
en tant qu'il a surmonté l'opposition en question. En général, pour
désigner à la fois le tout et la partie constitutive de ce tout. Fait
•que signale également M. Andler 3, qui montre combien la signifi-
cation d'un terme hégélien peut varier selon les cas, et combien
de sens divers il peut avoir successivement, et, ajouterai-je, en
même temps.
Mais, nous objecte ra-t-on, le refus d'employer un langage
« abstrait » que nous avons constaté cnez Hegel, est-il équivalent,
ainsi que nous semblons le croire, à une terminologie vague et
imprécise? Nullement, mais - toujours du point de vue de Hegel,
- il équivaut à l'abandon de toute terminologie strictement et
artificiellement arrêtée, de tout effort d'établir une relation
uni * oque et réciproque entre un terme et sa signification 4. Non pas
que cela ne soit pas possible : toute terminologie rigoureusement
abstraite se propose et, dans une certaine mesure, atteint ce but;
mais ce n'est nullement nécessaire pour la philosophie. C'est
même extrêmement dangereux pour elle car, inversement, une
telle terminologie rigide sera nécessairement abstraite. Or,
1. Voir L. Herr, toc. cit. Herr parle du caractère « individuel et concret » de
la langue de Hegel.
¿. VoirJ. Me Taggart, Commentary of Heg els Logic*, Cambridge, 1918, pp. 143 sq
•el Studies in Hegelian dialectics*, Cambridge, 1022, pp. 166 sq; Bailie, The origin
and significance of Hegels Logic, Cambridge, 1906, pp. 201 sq.
«1. Voir op. cit., loc. cit.
4. Voir Rosenkranz, Das Leben Hegels ('VW, XIX) pp. 544 : « Für das « Fixieren » der
Begriffe ist ein Mittel vorhanden... nämlich die philosophische « Terminologie »,
die zu diesem Hehufe consti tuirten Wörter aus fremden, aus der lateinischen und der
griechischen Sprache... Allein das was « an sich » ist muss eben nicht diese Fremd-
artigkeit « für uns » haben und wir müssen ihm nicht durch eine fremdartige
Terminologie dieses fremdarlige Ansehen geben, sondern uns für überzeugt
halten dass der Geist selbst allenthalben lebt und dass er in unseren unmittel-
baren Volkssprache seine Formen ausdrückt... ».

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414 REVUE PHILOSOPHIQUE

fixant, isolant les significations diverses conf


par la langue, séparant ainsi la pensée philosop
spirituelles et de la vie spirituelle incarnées da
aboutit à un arrêt de la pensée ; à son atomisatio
c'est-à-dire, à sa mort1.
C'est que Hegel le dit très nettement - la «
arrête la pensée; par contre, l'usage des termes d
dans la mesure précisément où ces termes ont de
différentes, invite la pensée à ne pas se fixer, m
en passant de l'une de ces significations à l'autre
rapports internes entre choses, au prime abo
différentes, à découvrir - ou à retrouver - en
tité morte et rigide de l'abstrait, l'identité vivan
pensée, actualisant les rapports suggérés par l
en mouvement, progresse, s'approfondit et les n
l'entendement arrivent ainsi à se transformer en
de la raison2.

Et Hegel, très consciemment à mon avis, applique le précepte


qu'il formule3. Il cherche à revivifier les trésors cachés de la langue ;
il cherche à actualiser, à synthétiser, à intégrer le travail histo-
rique de la raison qui s'y est incarnée4; et, en le faisant, il fait
fort souvent ce que, de nos jours, on appelle du terme méprisant
d' « éty mologie populaire 5 ».

1. Ibid. : «Diese fremde Terminologie, die teils unnützer, teils verkehrler Weise
gebraucht wird, wird aber ein grosses Uebel dadurch, dass sie die Begriffe, welche
an sich Bewegung sind, zu etwas Festem und Fixiertem macht, wodurch der
Geist und das Leben der Sache selbst verschwindet und sich die Philosophie zu
einem leeren Formalismus beschränkt, welchen sich anzuschaffen und darin zu
schwatzen nichts leichter ist. »
2. Voir Hegel, Wissenschaft der Logik, préface à la 2me édition, (WW. Ill), p. h,
ci lé plus bas p. 422.
3. M. Th. Haering a fait valoir dans son livre cité plus haut combien Hegel a
toujours été préoccupé de rendre la vie aux éléments et aux formes, inséparables
du contenu, de, la vie du peuple (nation, Volk):
4. Voir les textes cités plus bas pp. 430 sq.
5. M. Baillie se plaint que parfois Hegel ne fait que de Tétymologie : v. op. cit.,
p. 217 et sq. On en connaît les exemples : Erinnerung = Er-lnnerung, meinen^
mein-en; Bedingung et Ding sont mis en rapport par Be-Ding-ung, wirklich et
wirken, etc.

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A. &OYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 445

* *

Hegel n'était pas le seul à croire à la sagesse


langue. Bien au contraire : toute son époque,
porains partageaient cette conviction et allaien
plus loin que lui. Tous ils avaient subi le contr
vertes mémorables de Bopp; et le retentissem
vertes, l'importance qu'elles permettaient d'a
langage, venant se greller sur les idées de Her
de Hamann et rejoignant la tradition mystico
xvii0 et du xvmc siècle, avaient décidément
logie une « science philosophique », et de la l
d'études philosophiques par excellence. De l'étym
tout le monde en faisait; la langue, objectivati
de l'esprit, était - au même titre presque qu
modèle sur le patron duquel un penseur de l'ép
un Schlegel, un Schelling. un Novalis, un Kan
faisaient une image - ou un concept - de la r
Ce mouvement aboutit d'une part à l'œuvr
Humboldt1 et, d'autre part, aux exagérations
aux divagations, d'un Baader2 et d'un Creuzer.
Hegel n'a pas, il est vrai, fait ex professo d
langage. Et la langue, dans la Philosophie de Fesp
qu'incidemment. Incidemment aussi Hegel en par
ménologie de Vespril. Ceci ne doit pas être inv
car ces passages montrent bien toute l'impor
attribuait au langage, et qui permet de dire
langue était de l'Esprit réalisé; que l'évolution de
nait et se traduisait dans l'évolution de la lan
1. Cf. WnmhoXai, Einleitung zum Kawi-Werk, S. 'V. (Ak. Ausg
in der Sprache das geistige Bestreben sich Bahn durch die
das Erzeugnis desselben zum eignen Ohr zurück; die Vor
wirkliche Objectivität hinüberverselzt, ohne darum der Sub
zu werden. Dies vermag nur die Sprache*; und ohne diese,
auch stillschweigend immer vorgehende Versetzung in zu
rende Objectivität ist die Bildung des Begriffs, mithin a
möglich. »
2. F. v.Baadcr met en rapport Versöhnung et Sohn, ainsi que Sonne; mais Hegel
le suit souvent. Et les etymologies Baadeiiennes livreut bien souvent la clé des
termes hégéliens.

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416 REVUE PHILOSOPHIQUE

était inconcevable en dehors d'elle et que la pensée é


sible en dehors de la parole. La parole intervient dès
développement dialectique de la Phénoménologie et doub
de cette dialectique, rhytme de transmutation et de pr
science, présuppose, implique et met en œuvre le jug
mulé en paroles L.
De plus, si en accord parfait avec les théories humbold
Hegel nous dit que l'étude comparative et la connaiss
langue - d'ailleurs expression première du Volksgeis
d'y reconnaître l'esprit ou la raison qui y sont incarnés2
ménologie de Vesprit, en définissant la langue comme «
bilité visible de son essence » (de l'essence de l'esprit)
que « l'unité du concept... devient réelle dans ce mou
médiation, dont Tètre (Dasein) simple, en tant que s
(Mitte), est la langue », et que « les deux moments d
sont l'universel abstrait et le soi (Sebst) pur3 », nous en
décrivant les étapes essentielles de l'évolution histori
prit, quelques tableaux rapides qui nous permetten
rendre compte de son rôle, et môme de sa puissance, en
facteur de cette évolution. La langue de la conscience déc
du « conseil » (fìat), mode essentiel et caractéristiqu
science « réelle », fait une « flatterie » (Schmeichelei), p
et ses noms « fait » la réalité vraie de cette époque de l
là ce sont les noms qui créent la chose. Et, en ce sens, «
du déchirement est la langue parfaite ou le véritable es
tant de tout ce monde de civilisation (Bildung 4). » « Cett
ne se fait cependant que dans la langue, qui apparaît

1. Dès le début de la Phénoménologie de Vesprit, dès l'analyse du Dieses


2. Hegel, Wissenschaft der Logik, WW, Bd. Ill, p. 43 : « Wer... e
mächtig ist und zugeleich andere Sprachen in Vergleichung mit ih
erst kann sich der Geist und die Bildung einer Volkes in der Gram
Sprache zu fühlen geben; er kann durch die Grammatik hin
Ausdruck des Geistes überhaupt, die Logik erkennen ».
3. Hegel, Phänomenologie, (W. II, p. 543) : « die Sprache [ist] die sichtbare
Unsichtbarkeil seines [des Geistes] Wesens... • et ibid, p. 384 « Die Einheit
des Begriffs... wird in dieser vermittelnder Bewegung wirklich, deren einfaches
Daseyn, als Mitte, die Sprache ist... Die beiden Momente, [zu welchen beide
Seiten vereinigt und daher] Momente der Sprache sind, sind das abstráete Allge-
meine und das reine Selbst ».
4. Hegel, Phänomenologie, v. 479. « Die Sprache der Zerrissenheit aber ist die
vollkommne Sprache oder der wahre existierende Geist dieser ganzen Welt der
Bildung ».

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A, KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 417

signification particulière. - Loi et Ordre, dans le monde de la


moralité, Conseil dans le monde de la réalité ( Wirklichkeit) elle y
a pour contenu l'essence et en est la forme; mais là, dans le monde
de la civilisation, elle reçoit pour contenu la forme même de son
être et se réalise désormais comme parole ; c'est la puissance de
la parole en tant que telle qui accomplit ce qui est à accomplir.
Car elle est l'être (Dasein) du soi pur; c'est en elle que la particu-
larité existante pour soi de la conscience en tant que telle paraît
dans l'existence, de façon à être pour d'autres. Le moi ne peut
exister en tant que ce moi pur que de cette seule manière; dans
toute autre manifestation il est plongé dans une réalité, et lié à une
forme (Gestalt) dont il peut se retirer; de son action ainsi que de
son expression physionomique il se réfléchit en soi-même et aban-
donne ainsi cet existant (Dasein) incomplet et privé d'âme, où il
y a toujours du « trop » et du « pas assez ». La langue, par
contre le contient [le moi], dans sa pureté; elle seule dit « moi »
et l'exprime lui-même. Cet être [de la langue] est en tant qu'être
(Dasein) une objectivité qui a sa vrai nature en elle-même. « Moi »
c'est « ce moi-ci »>, mais aussi quelque chose de général; sa mani-
festation est d'une façon tout aussi immédiate l'aliénation et la
disparition de ce moi et par là même sa conservation dans sa
généralité. Le moi qui s'exprime est perçu; c'est, une contagion,
dans laquelle il est immédiatement uni à ceux pour qui il est là ;
il est ainsi conscience générale. Dans le fait d'être entendu son
être (Dasein) lui-même se résout immédiatement; il est absorbé;
son autre (Andersein) est repris en et par lui-même; et c'est
cela justement qui constitue son être (Dasein) de nunc conscient
de soi, notamment de ne pas être là comme il est là, et d'être
présent dans et par cette disparition même. Cette disparition est
donc elle-même et immédiatement sa présence. C'est sa propre
connaissance de soi, sa connaissance de soi comme d'un [soi] qui
a passé dans un autre, [d'un soi] qui a été entendu et qui est par là
quelque chose de général *. »

1. Hegel, Phénoménologie des Geistes, (WW, II), p. 482 sq. « Diese Entfremdung
aber geschieht allein in der Sprache welche hier in ihrer eigentümlichen Bedeu-
tung auftritt. - In der Welt das Sittlichkeit Gesetz und Befehl - , in der Welt
der Wirklichkeit erst Rath, hat sie das Wesen zum Inhalte und ist dessen Form;
hier aber erhält sie die Form, welche sie ist, selbst zum Inhalte und gilt als
Sprache; es ist die Kraft des Sprechens als eines solchen welche das ausführt was

27 Vol. 112

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418 REVUE PHILOSOPHIQUE

« Or, l'esprit véritable c'est justement cett


ment séparé, et c'est justement par la réalit
qui implique action] libre de ces deux extr
(selbstlos), qu'il en arrive à l'existence en tant
leur milieu. Son être (Dasein) consiste dans
général, dans lequel se dissolvent tous les m
se faire valoir comme des êtres véritables et comme des membres
véritables de tout; qui est également un jeu dissolvant avec
soi-même. Ce « juger » et « parler » est par là même le vrai et
l'insurmontable, tandis qu'il domine tout; il est la chose dont il
s'agit uniquement dans ce monde. Toute partie de ce monde
aspire [dans ce monde] à ce que son esprit soit exprimé ou à
ce qu'il soit parlé d'elle avec esprit et qu'il soit dit d'elle ce
qu'elle est1 ».
« L'esprit reçoit ici cette réalité-là car les extrêmes dont il est
l'unité possèdent d'une façon tout aussi immédiate la détermi-

auszu führen ist. Denn sie ist das Daseyn der reinen Selbsts; in ihr tritt die
für sich seiende Einzelheit des Selbstbewusslseyns als solche in die Existenz, so
dass sie fur Andere ist. Ich als dieses reine Ich ist sonst nicht da; in jeder anderen
Aüsserung ist es in eine Wirklichkeit versenkt, eine Gestalt aus welcher
es sich zurückziehen kann; es ist an seiner Handlung wie an seinem physio-
gnomischem Ausdrucke in sich reilectiert und lassi solches unvollständiges
Daseyn, worin immer ebensosehr zu viel als zu wenig ist, entseelt liegen. Die
Sprache aber enthält es in seiner Reinheit, sie allein spricht Ich aus, es Selbst.
Dieses sein Daseyn ist als Daseyn eine Gegenständlichkeit, welche seine wahre
Natur an ihr hat. Ich ist dieses Ich aber abenso Allgemeines; sein Erscheinen ist
ebenso unmittelbar die Entäusserung und das Verschwinden dieses Ichs, und
dadurch sein bleiben in seiner Allgemeinteit. Ich das sich ausspricht ist ver-
nommen; es ist eine Ansteckung worin es unmittelbar in die Einheit mit denen
für welche es da ist, übergegangen und allgemeines Selbstbewusstseyn ist. -
Das es vernommen wird, darin ist sein Daseyn selbst unmittelbar verhallt; dies
sein Andersseyn ist in sich zurückgenommen; und eben dies ist sein Daseyn
als selbstbewusstes jetzt, wie es da ist, nicht da zu seyn und durch dies Ver-
schwinden da zu seyn. Dies Verschwinden ist also selbst unmittelbar sein
Bleiben. Es ist sein eignes Wissen von sich, und sein Wissen von sich als
einem dass in anderes Selbst übergegangen, das vernommen worden und
allgemeines ist ».
1. Ibid., p. 393. « Der wahre Geist aber ist eben diese Einheit des absolut
Getrennten und zwar kommt er eben durch die freie Wirklichkeit dieser
selbstlosen Extreme selbst als ihre Mitte zur Existenz. Sein Daseyn ist das
allgemeine Sprechen und Urtheilen in welchem alle jene Momente die als
Wesen und wirkliche Glieder des Ganzen gellen sollen, sich auflösen, und
welches ebenso dies auflösende Spiel mit sich selbst ist. Dies Urtheilen und
Sprechen ist daher das wahre und unbezwingbare, während es alles überwältigt,
dasjenige um welches es in dieser realen Welt aliein zu tun ist, jeder Theil
dieser kommt darin daza dass sein Geist ausgesprochen oder dass mit Geist von
ihm gesprochen und von ihm gesagt wird, was er ist. »

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 449

nation d'être pour soi leur réalité propre. Son unité est dissoute
en « côtés » rigides dont chacun est pour l'autre un objet réel
repoussé et exclu par lui. L'unité apparaît donc comme un centre
médiateur (Mitte), qui est distingué et exclu de la réalité séparée
des côtés. Elle est par là même une objectivité réelle, distinguée
de celle de ses côtés séparés et est pour elle, c'est-à-dire, elle est un
être (Daseiendes). La substance spirituelle n'apparaît comme telle
dans l'existence que lorsque à ses côtés elle a acquis de ces con-
sciences de soi qui connaissent le soi pur comme une réalité
immédiatement valable et qui savent tout aussi immédiatement
ne l'être que par la médiation aliénante. Ainsi les moments sont
translucides jusqu'à l'être de la catégorie se connaissant elle-
même et par là-même jusqu'à celui des moments de l'esprit. Par là,
la spiritualité apparaît dans l'être (Dasein). L'esprit est ainsi
le centre médiateur (Mitte) qui présuppose ces extrêmes et est
engendré par leur être - , mais il est aussi le tout spirituel qui
surgit entre eux, qui se divise en eux et ne les engendre en leurs
principes que par cette intégration dans le tout - . Le fait que les
deux extrêmes soient en soi déjà supprimés et dissous engendre
leur unité et celle-ci est le mouvemeut qui unit et embrasse,
échange leurs déterminations et les embrasse, notamment, dans
chacun des extrêmes. Cette médiation pose par là même le concept
de chacun des deux extrêmes dans sa réalité, c'est-à-dire elle fait
de ce que chacun est en soi, son esprit1. »

1. Hegel, Phänomenologie des Geistes, p. 383 : « Der Geist erhält hier diese
Wirklichkeit, weil die Exlreme deren Einheit er ist eben so unmittelbar die
Bestimmung haben für sich eigne Wirklichkeit zu seyn. Ihre Einheit ist
zersetzt in spröde Seiten, deren jede für die andere wirklicher, von ihr
ausgeschlossener Gegenstand ist. Die Einheit tritt daher als eine Mitte hervor,
welche von der abgeschiedenen Wirklichkeit der Seiten ausgeschlossene und
unterschiedene Gegenständlichkeit ist und ist für sie, d. h. sie ist daseyende.
Die geistige Substanz tritt als solche in die Existenz, erst indem sie zu ihren
Seiten solche Selbstbewusstscyn gewonnen hat, welche dieses reine Selbst als
unmittelbar geltende Wirklickneit wissen und darin ebenso unmittelbar wissen,
dies nur durch die entfremdende Vermittlung zu seyn. Durch jenes sind die
Momente zu der sich selbst wissenden Categoric und damit bis dahin geläutert,
dass sie Momente des Geistes sind. Durch dieses tritt erst Geistigkeit in das
Dascyn. - Er ist so die Mitte welche jene Extreme voraussetzt und durch ihr
Dascyn erzeugt wird, - aber ebenso das zwischen ihnen hervorbrechende
geistige Ganze, das sich in sie entzweit und jedes erst durch diese Einführung
zum Ganzen in seinem Principe erzeugt. - Dass die beiden Extreme schon an
sich aufgehoben und zersetzt sind, bringt ihre Einheit hervor» und diese ist die
Bewegung, welche beide zusammenschliesst, ihre Bestimmungen austauscht,

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420 REVUE PHILOSOPHIQUE

Cette prépondérance presque ontologiqu


gage », « du parler et juger » est certe
du monde de la conscience déchirée qu
son reflet dans l'Autre. 11 n'en est pa
d'autres mondes spirituels. Et cependant,
à décrire la « belle âme » (schöne Seele) il
une fois de plus la langue comme être (D
conscience de soi qui est pour d'autres et
diate, est là comme telle et est universell
le soi-même qui se sépare de soi, qui,
devient objectif pour soi, et se maintient
comme ce même soi, autant que, immé
d'autres et est leur conscience de soi.
[vernimmt, ce qui implique un moment a
du langage] aussi bien elle-même qu'elle e
et cet « entendre » est justement l'être (D
« Le contenu que la langue acquiert [à
le soi déchiré, retourné à l'envers et tout
de soi-même du monde de la civilisatio
soi-même [rentré en soi-même], sûr de s
assuré de sa vérité ou de son approbation
comme cette assurance-savoir. La lang
la loi et l'ordre simple et la plainte...
« La concience morale, par contre, est en
en soi, dans son intérieur, car le soi-mêm
(Dasein), mais l'être (Dasein) et le soi-m
rapport extérieur l'un à l'autre. Or la lan
centre et médium (Mitte) de conscienc
et reconnues valables, et 'e soi existant
façon immédiate, universel, multiple et,
simple approbation. Le contenu de la l
morale est le soi se connaissant comme ess

und sie und zwar in jedem Extreme zusammensch


hiermit den Begriff eines jeden der beiden Extre
sie macht das was jeder an nick ist, zu seinem Ge
1. Hegel, Phänomenologie des Geistes, (WW. II,
wieder die Sprache als das Daseyn des Gei*lies. E
Selbstbewusstseyn, welches unmittelbar als solc
allgemeines ist. Sie ist das sich von sich selbst

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 421

La langue, nous le voyons, se développe, c'est-à-dire s'enrichit


et s'approfondit avec le développement - c'est-à-dire enrichisse-
ment et approfondissement - de l'esprit lui-même, et peut-être
même avons-nous tort de dire « avec ». Car les deux processus sont
en réalité un seul et même et non deux processus; deux faces...
mais même l'image de « face » ou d1 « aspect » est encore trop
extérieure et introduit trop de séparation et d'indépendance rela-
tive - ou de dépendance unilatérale - dans ce qui n'est qu'unité
dialectique et vivante d'une seule et même réalité.
Et Hegel, fidèle à lui-même, poursuit sa caractéristique de la
langue, c'est-à-dire des étapes de l'incarnation et, en même temps,
de prise de conscience de soi de l'esprit.
« La langue est un être (Dasein) qui est existence consciente de
soi. De même que la conscience individuelle est là en elle, elle
est aussi, en même temps et d'une façon immédiate univer-
selle... ; la particularisation parfaite de l'être pour soi est en même
temps la fluidité et l'unité, universellement participée, des mul-
tiples eux-mêmes. Elle est l'âme existant en tant qu'âme 1. » Et
c'est pourquoi, finalement, « l'esprit acquiert le vrai être (Dasein)
conscient de soi dans la langue qui n'est plus la langue de la
concience étrangère à soi, et par conséquent contingente et non
universelle2 »,... mais « qui est la langue de la pensée qui se con-
reines Ich = Ich sich gegenständlich weiss, in dieser Gegenständlichkeit sich
eben so als dieses Selbst erhält, wie es unmittelbar mit den Anderen zusammen-
fliesst und ihr Selbstbewusstseyn ist. Es vernimmt ebenso sich als es von den
anderen vernommen wird und das Vernehmen ist eben das zum Selbst
gewordene Daseyn.
Der Inhalt den die Sprache hier gewonnen, Í3t nicht mehr das verkehrte un
verkehrende und zerrissene Selbst der Welt der Bildung, sondern der in sic
zurückgekehrte, seiner und in seinem Selbst seiner Wahrheit oder seines An
kennens gewisse und als dieses Wissen anerkannte Geist. Die Sprache der
sittlichen Geistes ist das Gesetz lind der einfache Befehl und die Klage...
Das moralische Bewustseyn hingegen ist noch stumm, bei sich in seine
innern verschlossen, denn in ihm hat das Selbst noch nicht Daseyn, sond
da» Daseyn und das Selbst stehen erst in äusserer Beziehung aufeinander.
Sprache aber tritt nun als die Mitte selbstständiger und anerkannter Selb
bewusstseyn hervor, und das daseyende Selbst ist unmittelbar Allgemein
Vielfaches und in dieser Vielheil einfaches Anerkanntsein. Der Inhalt der
Sprache des Gewissens ist das sich als Wesen wissende Selbst. »
i. Hegel, Phänomenologie des Geistes (WW. II) p. 534 : « Die Sprache, ein
Dasein dass selbstbewusste Existez ist. Wie das einzelne Selbslbewusstsein in
ihr da ist, so ist es ebenso unmittelbar als Allgemeines... die vollkommene
Besonderung des Fürsichseins ist zugleich die Flüssigkeit und die allgemein
mitgeteilte Einheit der vielen Selbst: sie ist die als Seele existierende Seele. •
2. Ibid., b. 536 : « Das wahre selslbewussle Daseyn dass der Geist in der Sprache

27a Vol. 112

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422 REVUE PHILOSOPHIQUE

nait1 ». Cette langue, la langue dans laquelle


absolu, c'est la langue de la philosophie, plus
langue d'un peuple qui s'est élevé au degré d
dont la civilisation s'est haussée au niveau du savoir absolu,
lequel savoir est, Hegel le croit fermement, réalisé par la logique
dialectique élaborée par lui.
On comprendra mieux maintenant toute la portée de ce texte
de la préface de la Logique, auquel nous avons déjà fait allusion
plus haut et que nous allons maintenant citer en son entier :
« C'est un avantage pour une langue de posséder une richesse
d'expressions logiques, notamment [d'expressions] spéciales et
particulières pour désigner les déterminations de la pensée elle
même... la langue allemande possède en ce qui concerne ce point
beaucoup d'avantages par rapport à d'autres langues modernes ;
plusieurs de ses mots possèdent môme, en plus, cette particu-
larité de posséder non seulement plusieurs significations, mais
même encore des significations opposées, de telle façon que dans
ce fait on ne peut ne pas reconnaître l'esprit spéculatif de la langue
elle-même; et le penseur peut avoir la joie de tomber sur de tels
mots, et d'y trouver réalisée d'une façon naïve par le vocabulaire
- en tant que termes ayant des significations opposées - la réunion
des contraires, ce résultat de la spéculation qui, cependant, appa-
raît à l'entendement comme un contre-sens2 ». Et c'est ce qui fait
la prédestination, si l'on peut dire, de la langue allemande de servir
de support et de véhicule à la pensée spéculative . c'est qu'elle
réalise, on vient de le voir, d'une façon particulièrement heureuse
die nicht die Sprache des fremden, und also zufälligen, nicht allgemeinen
Selbsibevvusstreins ist, erhält. »>
1. « Die Sprache des sich wissenden Denkens. »
2. Hegel, Wissenschaft der Logik*, Préface, (WW, III, p. ii sq) : « Es ist ein
Vorteil einer Sprache, wenn sie einen Rech h turn an logischen Ausdrücken, nämlicb
eigentümlichen und abgesonderten, für die Denkbestimmungen selbst besitzt;
die deutsche Sprache hat darin viele Vorzüge vor den anderen modernen Spra-
chen; sogar sind manche ihrer Wörter von der weiteren Eigenheit, verschiedene
Bedeutungen nicht nur sondern entgegengetzte zu haben, so da ss darin selbst
ein speculativer Geist der Sprache nicht zu verkennen ist; es kann dem Denker
eine Freude gewahren, *uf solche Worte zu stossen, und die Vereinigung Ent-
gegengesetzter, welches Resultat der Speculation für den Verstand aber wider-
sinnig ist, -auf naïve Weise schon lexkalisch als ein Wort von entgegengesetzten
Bedeutungen vorzufinden. Die Philosophie bedarf daher überhaupt keiner
besonderen Terminologie; es sind wohl aus fremden Sprachen einige Wörter
aufzunehmen, welche, jedoch durch den Gebrauch bereits das Bürgerrecht in ihr
erworben "haben. »

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 423

les conditions de la pensée et de la proposition spéculatives : celle-ci


« détruit la nature de la proposition ou du jugement en général,
laquelle inclut en elle la distinction du prédicat et du sujet, ... la
proposition identique [proposition spéculative] contient la contra-
diction de ce rapport. Ce conflit entre la forme d'une proposition
en général et de l'unité du concept qui la détruit est comparable
à celui qui trouve lieu dans le rhytme entre la mesure et l'accent.
Le rythme résulte du centre médiateur (Mitte) et la réunion
mobile des deux. C'est ainsi que dans la proposition philoso-
phique l'identité du sujet et du prédicat ne doit pas détruire
leur différence, qui est exprimée par la forme dela proposition;
leur unité doit en résulter comme harmonie1 ». Ce qui est le
propre de la pensée spéculative, c'est justement ce renversement
d'attitude, le renversement et le mouvement perpétuel qui fait
qu'elle passe du sujet au prédicat et du prédicat est de nouveau
rejetée vers le sujet; qu'elle renverse leur place respective et
par ces renversements entretient son propre mouvement circu-
laire ; qu'elle revient ainsi à elle-même enrichie de tout ce qu'elle
a rencontrée en chemin. Mais tout ce qu'elle trouve, tout ce dont
elle s'empare était, en quelque sorte déjà là, dans l'expérience
spirituelle de l'humanité2, et notamment dans le langage. C'est un
mode de pensée nouveau - ce n'est pas un objet nouveau - et parti-
culier qui fait le propre de la philosophie. Et c'est là la raison
pourquoi la philosophie « n'a pas besoin de terminologie propre ».

Mais s'il en est ainsi, et si la philosophie, à proprement parler,


n'a pas besoin de terminologie propre, pourquoi celle de Hegel est-

i. Hegel, Phänomenologie des Geistes (WW, Bd. II, p. 47) : « Formell kann das
Gesagte so ausgedrückt werden, dass die Natur des Urteils oder Satzes überhaupt,
die den Unterschied des Subjectes und Prädikats in sich schliesst, durch den
speculative» Satz zerstört wird, und der identische Satz zu dem der ersterc wird
den Gegensatz zu jenem Verhältnisse enthält. Dieser Conflict der Form eines
Satzes überhaupt und der sie zerstörenden Einheit der Begriffs ist dem ähnlich
der im Rhytmus zwischen dem Metrum und dem Accente stattfindet. Der Rhytmus
resultiert aus der schwebenden Mitte und Vereinigung beider. So soll auch im
philosophischen Satze die Identität des Subjects und Prädicats den Unterschied
derselben, den die Form dies Satzes ausdrückt, nicht vernichten, sondern ihre
Einheit soll als Harmonie hervorgehen. »
2. v. Phänomenologie , p. G04, cité plus bas, p. 430.

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424 REVUE PHILOSOPHIQUE

elle incompréhensible et intraduisible1? C'est


langue contienne en quelque sorte déjà tous les c
philosophie a besoin, bien que, par exemple <* les o
leurs expressions soient connus de tout le monde...
moins que ce qui est connu ainsi n'est pas pour c
[pour ce qu'il est par un acte de pensée]. Bien plus
peut être objet de la méditation et de la spéculatio
est déjà, ainsi que nous venons de dire, inclus et con
périence historique de l'humanité - d'un peuple, -
sa langue, il n'en reste pas moins vrai que c'est la p
phique et spéculative seule qui arrive à reconnaî
à en prendre conscience et à découvrir dans la sp
du langage la vérité spéculative de la raison. C'
puisque, ainsi que Hegel le disait à ses élèves dès 18
du monde se prépare à faire un nouveau bond
sens que la pensée spéculative découvre ou re-dé
termes de la langue, en intégrant dialectiquemen
tions diverses dont ils se sont historiquement en
rapport à la signification « naïve » ou « rationnelle
de ces termes un sens nouveau. Ce sens que ces con
dans la pensée hégélienne - c'est lui, en effet,
premier le bond en avant - , reste nécessairemen
consciences subjectives qui n*ont pas - ou n'ont
participé aux progrès réalisés, consciences pour
concepts restent des notions et ne deviennent pas

1. Les textes que je cite, je ne prétends pas les avoir véritablem


2. Hegel, Wissenschaft der Logik, p. lá : « Aber indem so die logischen
Gegenstände, wie deren Ausdrücke, etwa in der Bildung Allbekanntes sind,
so ist, wie ich anderwärts gesagt, was bekannt ist darum nicht erkannt -.
3. Rosenkranz, Das Leben Hegels, p. 214-15 : • Wir stehen in einer wichtigen
Zeitepoche, einer Gährung wo der Geist einen Ruck getahn, über seine vorige
Gestalt hinausgekommen ist, und eine neue gewinnt. Die ganze Masse der
bisherigen Vorstellungen, Begriffe, die Bande der Welt sind aulgelöst und fallen
wie ein Traumbild in sich zusammen. » - « Nous nous trouvons à une époque
importante, une fermentation où l'esprit a fait un bond, a transcendé la forme
qu'il assumait jusque-là, et est en train d'en acquérir une nouvelle. Toute la
masse des conceptions, représentations, concepts qui étaient valables jusqu'ici,
les liens du monde sont dissous et, comme une image de rêve, s'abîment en eux-
mêmes. »
4. On a l'habitude de traduire le terme hégélien Begriff par notion. G. Noel,
dans sa Logique de Hegel, et M. Jean Wahl, dans son Malheur de la conscience dans
la philosophie de Hegel, ont suivi cette tradition. Je me permets de m'en écarter
pour des raisons suivantes. Aucune des traductions n'est bonne. Concept gardo

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 425

La langue et la terminologie hégéliennes effectuent donc une


synthèse dialectique des signißcations diverses incarnés dans les
mots.

On pourrait dire aussi - si l'on ne craignait de pécher par l'irres-


pect - que la terminologie, et le langage hégélien en général,
sont pleins de calembours plus ou moins bien réussis. Quelques-
uns d'entre eux sont connus, tel, par exemple, le fameux Aufheben
voulant dire en même temps supprimer et conserver. Emile Bou-
troux l et dernièrement M. Jean Wahl 2 ont consacrée l'analyse de
ce terme des pages admirables. On aurait tort cependant de voir dans
Y Aufheben un cas isolé : lorsque Hegel rapproche Meinung (opinion)
de mein (mien), pour en tirer la conclusion que meinen désigne
nécessairement le fait d'avoir une opinion subjective3, mienne,
qui par définition donc ne peut prétendre à la vérité, laquelle,
par définition aussi, est universelle et ne « m'appartient pas », et pour
inclure l'aspect de la subjectivité dans son emploi du terme Meinen.
il suit exactement la môme méthode quo dans le cas de Aufheben ;
ou lorsque Hegel, usant - ou abusant - de L'étymologie, rapproche
le souvenir et l'intériorisation [Erinnerung = Er-Innerung 4) et
fait, dans le sens qu'il donne à ce terme, jouer et transparaître
chaque fois les deux notions; lorsque le terme Bestimmung (déter-
mination) est entendu de façon à rappeler la notion de prédesti-
nation, de vocation et de but, pour faire, dans la détermination
d'une chose, découvrir sa destinée et sa fin; lorsque le terme
gleichgültig (indifférent) est étymologiquement décomposé pour
donner gleich-gültig (équivalent); lorsque la notion d' Einbildung
(fantaisie, imagination) se transforme en concept spéculatif en
faisant résonner en quelque sorte les significations harmoniques
de bilden (former) = bauen (construire) pour arriver au sich
einbilden, qui fait sentir, pour ainsi dire immédiatement, que
l'action de l'imagination est à la fois de construire le monde sen-
sible et de nous y introduire en nous y enfermant, en faisant de
cependant un rapport encore perceptible - avec, bien entendu, de la bonne
volonté - avec capïo, conceptas, équivalents de greifen, Begriff. « Notion » est par
contre entièrement abstrait.
i. Voir. E. Boulroux, La philosophie allemande, Paris, 1926, pp. 73 et suiv.
2. J. Wahl, Le malheur de la conscience dans la philosophie de Hegel, Paris, 1928,
pp. 140 et suiv.
3. Cf. Encyclopédie § 20 : « was ich... ineine... ist mein. »
4. Ci. Phänomenologie, (WW, 11), pp. 438 sq., 565.

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426 REVUE PHILOSOPHIQUE

nous des éléments de cette construction: lorsque He


voir dans le sens de concret la signification de co
toutes ses harmoniques de vie, de « croissance » o
aboutir a « l'universel concret » qui est vie, richess
nation, mouvement; lorsque dans sa notion de m
(Vermittelung) il fait sous-entendre non seulem
médiateur, ainsi que l'a si bien fait voir M. Jean
aussi celle de milieu-centre (Mitte)* organisateu
reliant à la fois les termes opposés entre lesquels il
teur, servant aussi, et en môme temps, de milie
duquel seul peut se faire la séparation et l'oppo
termes, organisant et centrant l'amorphe et inorganique
« immédiat » (Unmittelbare) et le formant au moyen et pour cette
même Mitte; lorsque enfin faisant intervenir dans son concept
du concept (Begriff), à côté d'autres idéees, celles, toutes sim-
ples de grefen (saisir), be-grefen (embrasser) 3 Hegel fait inclure,
dans le sens étymologique, pour ainsi dire, du terme, l'idée qu'il
désigne une activité spirituelle (conceptus) qui embrasse et con-
tient soi-même et son contraire, il fait de « l'étymologie popu-
laire ». Il est vrai qu'en la faisant il fait aussi et surtout de la spé-
culation.
*

Une question se pose maintenant : Si, dans sa langue et son


style, dans ses phrases heurtées, à renversement et mouvement
de va-et-vient, Hegel suit, très consciemment, à mon avis, ridée
qu'il s'est faite de la « proposition philosophique » et de la « pensée
spéculative* », quelle est l'idée qu'il poursuit lorsque, non moins
consciemment, il enferme dans ses termes des calembours basés

i. Voir J. Wahl, op. cit. p. 672 sq.


2. Cf. Pkänomenologie (WW, II), pp. 236 sq, 383, 384.
3. J. A. Baillie, The origin and significance of Hegels Logic, l'avait déjà signalé
(v. pp. 239, 244, 248), ainsi que les etymologies de : jugement Urlheïl = Ur-Tkcilt et
de Reflexion = Re-Fleclion (p. 246). Cf. Pkänomenologie, pp. 26, 43, 09, 575 sq;
Wissenschaft der Logik (WW, HI), pp. 8, 38, 39.
4. Je ne crois pas que Hegel, ainsi qu'on la dit, en se basant surla lameuse
description de Ilotho, soit, pour ainsi dire, embarrassé par ses propres richesses
et incapable de leur donner une expression verbale adéquate. Je crois, au
contraire, que Hegel, qui peut-être ne parlait pas très bien, est un des plus
grands écrivains de l'Allemagne.

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 427

sur Tétymologie populaire? Est-ce simplement que, subissant


l'influence du mouvement général des esprits de son temps
auquel nous avons fait allusion plus haut, son génie, imaginatif et
émotif1, servi par une imagination verbale extraordinairement
développée2 se soit tout simplement complu aux «jeux de mots »
auxquels, de tout temps se complaisaient, et que poursuivaient
avec une passion qui nous étonne, la mentalité primitive et la
pensée philosophique naissante? Peut-être que ce soit là la raison
dernière, la plus profonde. Très certainement l'influence du milieu,
le Zeitgeist a joué son rôle. Mais après tout, les influences que
l'homme subit, - ainsi le pense Hegel - ne font que révéler ce
qu'il est déjà3; et d'autre part, quel que soit le fond dernier -
« l'en soi » - de la personnalité et de la pensée de Hegel, autant
que celui-ci, c'est le « pour soi », c'est la théorie justificative de sa
manière, c'est la façon dont Hegel « comprend » lui-même son
mode de procéder qui doit nous intéresser ici.
Or, il faut remarquer que les calembours, les jeux de mots et les
etymologies populaires (plus exactement, l'emploi <le ces dernières)
de Hegel diffèrent de ceux de ses contemporains en un point qui
me paraît essentiel : Hegel, en eflet, n'emploie pas - ou peu -
la méthode de 1' « au fond ». Hegel ne dit pas : tel terme qui,
aujourd'hui, au xixe siècle, veut dire telle chose [par exemple
Einfluss, qui veut dire influence] exprime, en réalité, toute autre
chose [par exemple, Ein - fluss, l'action ou la passion de ein-
fliessen]. Hegel, certes, emploiera le terme en question de manière
à utiliser le jeu de mots et parlera de l'influence de la réalité [Ein-
fluss der Wirklichkeit] de façon à pouvoir faire un appel au flux
de la réalité (Strom der einfliessenden Wirklichkeit*), ou mettra en
rapport « Denken et Ding pour expliquer que la pensée est la réalité

1. Telle est l'opinion exprimée par L. Herr, op. cit, p. 1000 el aussi par
M. Bréhicr, Histoire de la philosophie allemande. Paris 1021, p. 100 sq.
2. Voir L. Herr, op. cit, p. 1002.
à. Hegel, Phanomenologie p. 2J0 : « Was auf die Individualität Eintliiss, und
welchen Einfluss es haben soll, was eigentlich gleichbedeutend ist, hängt darum
nur von der Individualität selbst ab; dadurch ist diese Individualität diese bestiminte
geworden, heisst nichts anderes als dass die es schon gewesen. * - « Ce qui peut
«voir une influence sur l'individualité, et quelle influence il pourrait avoir - ce
qui, au fond, veut dire la même chose, - dépend ainsi donc uniquement de
l'individualité elle-même; par là cette individualité est devenue cette [individua-
lité] déterminée, ne veut dire rien d'autre qu'elle Vêtait déjà ».
4. v. Phanomenologie des Geistes, p. 231.

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428 REVUE PHILOSOPHIQUE

des choses1, mais, comme nous venons de le d


dans le système de V « au fond » (eigentlic
superstition des « origines » et, parmi les sign
prendre un terme, il ne recherche nullement le
général, il ne fait pas de choix : là, comme
d'autres disent entweder - oder, il dit, lui, sow
C'est que, pour Hegel, dont l'ambition derniè
tiquement le repos au mouvement2 et de relie
nité 3 par sa notion de devenir intemporel 4,
l'esprit parcourt dans son développement à la f
tous les degrés qu'il réalise dans son devenir
leur valeur et leur vérité propres. Toutes
forment l'expérience totale de l'esprit, et d
totale elles sont toutes concervées dans le souvenir. Elles forment
une possession inamissible que retrouve, en s'intériorisant et en
prenant conscience de son être éternel, l'esprit (le concept) hégé-
lien, qui comprend en lui - se comprenant lui-même, - sur-
montées mais non supprimées les formes antérieures de son
devenir. Et c'est pourquoi les concepts hégéliens - car la langue
étant une création de la pensée exprime et doit exprimer des con-
cepts3 (ou des notions) - présentent cet ensemble déconcertant
de significations historiquement réalisées dans l'expérience. C'est
que, dans la pensée de Hegel, le concept éternel est mis en rapport
direct et essentiel avec l'histoire et le temps.
On connaît bien l'importance de l'histoire et du temps dans l'éco-
nomie du système hégélien. L'identité de la logique et de l'histoire
est, comme l'a dit M. Brunschvicg, un des piliers essentiels du

1. v. Wissenschaft der Logik, (WW, IH) p. 21.


2. « Bewegung » et « Ruhe - cf. p. 4.
3. « Zeil » et « Ewigkeit » cf. p. n.
4. La notion du devenir inlemporei est un des points essentiels de la dialecti-
que hégélienne. J'ai essayé de montrer ailleurs que l'origine de cette notion se
trouve dans Boèce - aeternitàs est innumerabilis vitae simul tota et perfecta
possessio - en passant par N. de Cues et Boehme (v. ma Philosophie de J. Boehme,
Paris, 1929, pp. 306 et 520 et sui v.). Je crois que H. Taggart s'est trompé en écrivant
(J. M. Taggart, Studies in Hegelian Dialectic, Cambridge 1922, p. 167) : « The absoluto
idea must se looked on as eternally realised, the reality is timeless » et (ibid.,
p. 7) : « 'I hough the dialectic process is a valid description of reality, reality itself
is not, in its truest nature, a process, but a stable and timeless state. • Timeless,
si l'on veut, mais stable? en tout cas non imoiobile.
5. V. Encyclopédie, § ZU.

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 429

système1. Mais cette identité - identité dialectique sine con fusione


dualitatis nec separatione uni ta tis - ne doit pas s'entendre seu-
lement de façon à ne voir dans la « réalité historique » qu'un pâle
reflet, bien superflu au fond et imparfait {Ohnmacht der Natur), de
révolution éternelle et éternellement achevée de l'esprit; c'est là,
certes, à quoi nécessairement aboutit la pensée hégélienne de par
le fait même de ses origines religieuses et théologiques; mais
d'autre part, si l'idée Boôtienne et Boehmienne de l'éternité en
arrive à priver l'évolution historique de sa signification et de sa
valeur réelles 2, il n'en reste pas moins vrai que, pratiquement, elle
ne sert à Hegel que pour asseoir définitivement son optimisme
anti-romantique par l'assurance de la victoire éternellement rem-
portée par l'esprit; et que Hegel, historien de génie, avait suffisam-
ment le sentiment de la réalité de l'histoire pour ne pas faire un
effort de lui rendre sa place - ou, plus exactement encore, de la lui
donner - et pour ne pas laisser le temps s'abîmer dans l'éternité.
C'est pourquoi Hegel, qui, encore une fois, tente éperdûment
d'unir le point de vue de l'éternité, de l'être éternellement achevé
dans sa production éternelle en dehors du temps, avec celui
de l'être (le là-être, le Dasein) éternellement se faisant et éternelle-
ment inachevé, Hegel qui - quoique en ait dit Baader - ne veut
nullement faire subir à son « Dieu » un « cours d'éducation histo-
rique3 », mais qui, d'autre part, ne peut admettre la superfluité
et le caractère factice de cette même « éducation historique »; qui
ne peut laisser l'histoire de l'humanité se réduire à une simple
comédie jouée par l'éternel, Hegel, qui veut que le jeu soit sérieux,
écrit dans la Phénoménologie de F Esprit que « rien n'est connu qui
ne soit pas dans l'expérience ou, ce qui veut dire la même chose,
qui, en tant que vérité sentie, en tant qu'Éternel intérieurement
révélé, en tant qu'objet sacré de la foi, ou quelque expression
que l'on emploie encore, ne soit pas présent [dans l'expérience
historique de l'humanité] ».
i. V. L. Brunschvicg, Le progrès de la conscience dans la philosophie occidentale
Paris, 1927, t. 1, p. 397 el suiv.
2. Hegel, Encyclopédie, § 212, add. : « Dio Vollführung dos unendlichen Zwecks
ist so nur die Täuschung aufzuheben als ob er noch nicht vollführt sei. Das Gute,
das absolute Gute vollbringt sich ewig in der Welt und das Resultat ist, dass es
schon an und für sich vollbracht ist und nicht erst auf uns zu warten braucht. »
3. Voir F. v. Baader, Ucber einige antireligieuse Philosopheme unserer Zeh, Werke,
Bd. III, p. 30Ô et suiv.

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430 REVUE PHILOSOPHIQUE

« Car l'expérience c'est justement le fait [


- et il est l'Esprit - est en soi substance et
science. Or cette substance qu'est l'esprit est
devenir vers ce qu'il est en soi. Et c'est seulem
se refléchissant en soi qu'il est en soi véritab
le voit bien : l'expérience, le mouvement,
sont bien des éléments essentiels de la cro
Car l'esprit hégélien n'est pas, nous le savo
temporel immobile *.
a il est en soi le mouvement qui est la recon
formation de cet en soi dans le pour soi, de l
de l'objet de la conscience en objet de la con
à-dire en l'objet surmonté {aufgehoben) ou da
le cercle rentrant en lui-même, qui présuppos
et ne l'atteint qu'à la fin ».
Quelle fin? La fin de l'histoire? Ou la fin
intemporel de l'absolu qui, elle, est éternellem
éternellement poursuivie? Est-on dans l'é
temps? - On est, bien entendu, dans les deu
permet de réaliser le développement dialec
étant négation et mort, il est aussi source de
« II est conforme au concept de l'esprit,
développement de l'histoire tombe dans le tem
tient la détermination du négatif. » - Mais
implique aussi le contingent, l'inessentiel d
chose, un événement est positif pour nous
contraire puisse être aussi, ce rapport au non êtr
d'une façon telle, que nous ne pensons pas s
1. Phänomenologie des Geistes, (W'V, II), p. 604 : « Es
gesagt werden dass nichts gewusst wird was nicht in
wie dasselbe auch augedrückt wird, was nicht als gefühlte Wahrheit, als
innerlich geoflenhartes Ewiges, alr geglaubtes Heiliges, oder welche Ausdrücke
sonst gebraucht werden, vorhanden ist. Denn die Erfahrung ist eben dies, dass
der Inhalt, und er ist der Geist, an sich Substanz und also Gegestand des
Bewusstseyns ist. Diese Substanz aber die der Geist ist, ist das Werden seiner zu
dem was er an sich ist. Und erst als dies sich in sich reflecticrende Werden ist
er an sich in Wahrkeit der Geist. Er ist an sich die Bewegung, die das Erkennen
ist, die Verwandlung jenes an sich in das für sich, des Substanz in das Subject,
des Gegenstands des Bewusstseins in den Gegenstand des Selbstbewusstseyns,
d. h. in ebensosehr aufgehobenen Gegenstand, oder in den Begriff. Sie ist der
in dich zurückgehende Kreis der seinen Anfang voraussetzt und ihn nur am Ende
erreicht. »

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A. KO Y RÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 431

mais que nous en avons aussi l'intuition. Le temps est le sen-


sible, Pentièrement abstrait. Lorsque le non être ne fait pas irrup-
tion dans quelque chose, nous disons que cela dure l ».
Ceci implique-t-il que le contenu de l'histoire, ce contenu
fugitif, qui passe et ne dure pas, soit quelque chose qui, en vertu
même de ce |caractère « abstrait et sensible », soit en dehors de
la pensée, du concept, par conséquent aussi en dehors de la philo-
sophie? Nullement, car si le temps, Y « être qui en tant qu'il est.
n'est pas, et, en tant qu'il n'est pas, est », est « abstrait et sen-
sible », il est, d'autre part, l'incarnation, pour ainsi dire, dans le
là-être (Dasein) du mouvement dialectique lui-même, « le devenir
objet d'intuition 2 ».
Et Hegel, prenant résolument parti contre Kant ajoute : « Dans
le temps, dit-on, naît et disparaît tout. Lorsque l'on fait abstrac-
tion de tout, notamment du contenu du temps comme du contenu
de l'espace, reste le temps vide ainsi que l'espace vide. Mais ce
n'est pas dans le temps que tout naît et périt, c'est le temps
lui-même qui est le devenir, la naissance et la disparition, l'abstrac-
tion réalisée, le tout engendrant et tout détruisant Chronos 3 ».
« En ce qui concerne le temps, dont on semblait devoir penser
que, dé façon analogue à l'espace, il donnerait la matière de
l'autre partie des mathématiques pures, il est le concept existant
daseiend) lui-même4 ». « Le temps est le concept lui-même qui est
là et qui, comme intuition vide, se présente à la conscience; c'est

1. Hegel, Píalos, der Geschichte, p. 133 : « Es ist dem Begriff des Geistes Gemäss,
dass die Entwicklung der Geschichte in die Zeil fällt. Die Zeil enlhäll die
Bestimmung des Negativen. Es ist Ewas, eine Begebenheit positiv für- uns; dass
aber auch das Gegenleil sein kann, diese Beziehung auf das Nichtsein ist die
Zeit, und zwar so dass wir diese Beziehung nicht bloss denken, sondern auch
anschauen. Die Zeit ist das ganz Abstracle, Sinnliche. Wo das Nichtsein in Etwas
nicht einbricht, so sagen wir, es dauert. >»
2. Encyclopédie, § 258. « Die Zeit... ist das Sein das indem es isl, nicht ist, und
idem es nicht ist, ist, - das angeschaute Werden. »
3. Ibid. : « In der Zeit sagt man, entsiecht und vergeht alles; wenn von
allem, nämlich von der Erfüllung der Zeit, ebenso wie von der Erfüllung dós
Baumes abstrahiert wird so bleibt die 1ère Zeit wie der leere Raum übrig. Aber
nicht « in der Zeit » entsteht und vergeht alles, sondern die Zeit selbst ist dies
Werden, Entstehen und Vergehen, das seiende Abstrahieren, der alles gebärende
und seine Geburten zerstörende Chronos. »
4, Hegel, Phänomenologie (WW, II), p. 36 : « Was die Zeit betrifft von der man
meinen sollte dass die zum Gegenstücke gegen den Raum den Stoff des anderen
Theils der reinen Malhemalik ausmachen würde, so ist sie der daseyende Begriff
selbst. *

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432 REVUE PHILOSOPHIQUE

pourquoi l'esprit apparaît nécessairement d


apparaît dans le temps aussi longtemps qu'
concept pur, c'est-à-dire, n'a pas supprimé le t
pur objet d'intuition extérieure et non saisi pa
seulement intuitionné. En tant que celui-ci se
supprime sa forme temporelle, comprend l'intu
tion comprise et comprenante. Le temps ap
le destin et la nécessité de l'esprit qui n'est pas
la nécessité d'enrichir la part de la conscience
science, de mettre en mouvement l'iminédiatio
forme dans laquelle la substance est dans la
inversement^ de réaliser l'en soi pris comme l'intér
ce qui n'est qu'intérieur, c'est-à-dire de le reven
titude de soi » '. Et « le devenir représente un
et une succession d'esprits, une galerie d'im
est dotée de la richesse complète de l'esprit; c'e
ment se meut-il si pesamment, c'est que le s
digérer toute cette richesse de sa substance. Et
tion consiste à connaître parfaitement ce qu'il
son savoir est une rentrée en soi môme dans l
son être (Dasein) et transmet sa forme à la rem
« Dans ce mouvement de rentrée en soi il
nuit de sa conscience de soi; or, son être (D
est conservé, et cet être, supprimé et conser
- tandis que celui qui le précède est à nouv
1. Hegel, Phänomenologie (WW, II) p. 604 : « Die Zeit ist
da ist und als leere Auschauung sich dem Bev' usslsey
ercheint der Geist notwendig in der Zeit und er erche
als er nicht seinen reinen Begriff erfasst, d. h. nicht die
aussen angeschaute, vom Selbst nicht erfasste reine Selb
Bogriff; indem dieser sich Selbst erfasst, hebt er seine Ze
Anschauen uüd ist begriffenes und begreifendes Auschau
daher als das Schicksal und die Nothwendigkeit des Ge
vollendet ist, - die Nothwendigkeit, den Anteil, den d
dem Bewusslseyn hat, zù bereichern, die Unmittelbarkeit
in der die Substanz im Bewusstseyn ist in Bewegung zu
das An sich als das innerliche genommen, das was nur inn
und zu offenbaren, d. h. es der Gewissheit seiner selbet zù windicieren. »
2. Hegel, Phänomenologie (WW, II) p. 611 : « Das Werden steht eine träge
Bewegung und Aufeinanderfolge von Geistern dar, eine Galerie von Bildern,
deren jedes mit dem vollständigem Reichtum des Geistes ausgestaltet, eben
darum sich so träge bewegt, weil das Selbst diesen gangen Reichtum seiner
Substanz zu durchdringen und zu verdauen hat. »

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 433

les avoir, - est un être (Dasein) nouveau, un monde nouveau et une


nouvelle forme de l'Esprit. Or, dans cet être nouveau l'Esprit doit
à nouveau partir de son immédiation et recommencer son dévelop-
pement comme si tout ce qui précède était perdu, comme s'il n'avait
rien appris de l'expérience des esprits d'antan. Mais la réminiscence
[l'intériorisation, Erinnernung] l'a conservée. Elle est la forme
intérieure et, en fait, supérieure, de la substance. Si donc cet
esprit, semblant partir de lui-môme, refait le procès de sa formation
en commençant par le commencement, c'est aussi à un niveau
supérieur qu'il commence. Le royaume de l'esprit qui, de cette
manière, s'est formé dans l'être, consiste en une succession
dans laquelle un Esprit remplace l'autre et où chacun a reçu le
royaume du monde de ses devanciers l. Son but est la révélation de
la profondeur, et celle-ci est le concept absolu. » « Le mouvement
de production de la forme de son savoir de soi-même est la
tâche que l'esprit accomplit comme histoire réelle2 ». C'est pour-
quoi « la philosophie n'envisage pas une détermination non essen-
tielle mais [l'envisage] en tant qu'elle est essentielle; non pas
l'abstrait ou l'irréel est son élément et son contenu, mais le réel,
qui se pose lui-même et vit en lui-même, Tètre (Dasein) dans son
concept. C'est le processus qui engendre et parcourt ses propres
moments et ce mouvement tout entier en fait le positif et la vérité.
Celle-ci contient donc en elle aussi bien la négation, ce qu'on aurait
appelé le faux, s'il pouvait être envisagé comme quelque chose dont
on devrait faire abstraction. Ce qui disparaît doit au contraire être
1. Hegel, Phänomenologie (WW. II) p. 611 :* Indem seine Vollendung darin besteht,
das, was er ist, seine Substanz, vollkommen zu wissen, so ist das Wissen, sein
Insichgehen, in welchem er sein Oaseyn verlässt und seine Gestalt der Erinnerung
ü hergibt. In seinem Insichgehen ist er in der Nacht seines Selbstbewusstseyns
versunken, sein verschwundenes Daseyn aber ist in ihr Aufbewahrt; und dies
aufgehobene Daseyn, das vorige aber aus dem Wissen neugeborene, ist das neue
Daseyn, eine neue Welt und Geistesgestalt. In ihr hat er ebenso unbefangen von
vorn bei ihrer Unmittelbbarkeit anzufangen und sich von hier auf wieder gross zu
ziehen, als ob alles Vorhergehende für ihn verloren wäre und er aus der
Erfahrung früherer Geister nichts gelernt hätte. Aber die Erinnerung hat sie
aufbewahrt und ist das innere und dio in der Tat höhere Form der Substanz. Wenn
also dieser Geist seine Bildung, von sich auszugehen scheinend, wieder von
forn aufängt, so ist es zugleich auf einer höheren Stufe, dass er anfängt. Das
Geisterreich, dass auf diese Weise sich in dem Daseyn gebildet, macht eine
Aufeinanderfolge aus, worin einer den anderen ablöste und selber das Reich der
Welt von dem vorhergehendem übernahm. Ihr Ziel ist die Offenbarung der Tiefe,
und diese ist der absolute Begriff. •
2. Phänomenologie, p. 605.

28 Vol. 112

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434 REVUE PHILOSOPHIQUE

envisagé lui-même comme essentiel, non pas dan


de quelque chose de ferme et de fixe qui, séparé
de lui, devrait être relégué on ne sait pas où; et
part, le vrai [ne doit pas être envisagé] comm
et restant immobile. Le phénomène [Ersche
sance et la disparition, qui, elle-même ne naît e
mais est en soi et constitue la réalité et le mouvement de la vie de
la vérité. Le vrai est ainsi un bacchanal dans lequel aucun
membre n'est sobre et, puisque chacun, en tant qu'il se sépare
se détruit aussi immédiatement, il est tout autant le simple et
transparent repos. Dans ce mouvement - qui est un jugement -
les formes particulières de l'esprit et les pensées déterminées ne
demeurent pas, il est vrai, mais elles sont des moments positifs et
nécessaires tout autant qu'elles sont négatives et transitoires. Dans
le tout du mouvement - envisagé comme repos - ce qui s'y
distingue et se donne un là-être (Dasein) particulier, est concervé
comme quelque chose qui se rappelle [erinnert], dont le là-être
(Dasein) est le savoir de soi-même, comme celui-ci est tout aussi
immédiatement le là-être (Dasein) A ». Certes, « c'est le naturel, le
fini seul qui est dans le temps; il est sujet au temps dans la mesure
même où il est fini et parce qu'il l'est. Le vrai par contre, l'idée,

1. Hegel, Phänomenologie, ('VW. II) p. 36 sq : • Die Philosophie betrachtet,


dagegen nicht unwesentliche Bestimmung, sondern sie, insofern sie wesentliche
ist; nicht das Abstracto oder das Unwirkliche ist ihr Element und Inhalt sondern
das Wirkliche, sich selbst setzende und Insich lebende, das Daseyn in seinem
BegrilTe. Es ist der Process der sich seine Momente erzeugt und durchläuft, und
diese ganze Bewegung macht das Positive und seine Wahrheit aus. Diese
schliesst also ebensosehr dus Negative in sich, dasjenige wa3 das Falsche
genannt werden würde, wenn es als ein solches betrachtet werden könnte, von
dem zu abslraihren sei. Das Verschwindende ist vielmehr selbst als wesentlich
zù betrachten, i.icht in der Bestimmung eines Festen, das vom Wahren
abgeschnitten, aussei* ihm, man weis nicht wo, liegen zu lassen sei, so wie auch
das Wahre nicht als auf der anderer Seite ruhende, todte Positive. Die Erschei-
nung ist das Entstehen und Vergehen, das selbst nicht entsteht und vergeht,,
sondern an sich ist und die Wirklichkeit und Bewegung des Lebens der Wahrheit
ausmacht. Das Wahre i>t so der bacchantische Taumel, an dem kein Glied nicht
trunken ist, und weil jedes, indem es sich absondert ebenso unmittelbar sich
auflöst, - ist er ebenso die durchsichtige und einfache Ruhe. In dein Gerichte
jener Bewegung bestehen zwar die einzelnen Gestallen des Geistes wie die
bestimmten Gedanken nicht, aber sie sind so sehr auch positive notwendige
Momente als sie negativ und verschwindend sind. - In dem Ganzen der
Bewegung, es als Buhe aufgefasst, ist dasjenige was sich in ihr unterscheidet
und besonderes Daseyn gibt, als ein solches das sicherinner/, aufbewahrt, dessen
Daseyn das Wissen von sich selbst ist, wie dieses ebenso unmittelbar Daseyn
ist. »

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 435

l'esprit est éternel. Mais le concept de l'éternité ne doit pas être


compris de façon négative, comme une abstraction du temps,
comme quelque chose qui « existerait » en quelque sorte « en
dehors de celui-ci l ».

« Or l'esprit entier seul est dans le temps et les formes (Gestalten),


qui sont des formes de l'esprit tout entier, se présentent dans une
succession ; car le tout seul a une réalité ( Wirklichkeit) proprement
dite, et par là-même possède seul la forme de la liberté pure par
rapport à l'Autre, qui se manifeste comme temps. Mais ses moments,
conscience, conscience de soi, raison et esprit, parce qu'ils sont
des moments, n'ont pas d'existence distincte l'un des autres2. »
Toutefois, la distinction n'est pas une distinction abstraite. Les
différents moments et les différentes étapes se réalisent dans le
temps et c'est dans le temps qu'elles acquièrent l'indépendance
relative de leur là-être. C'est dans le temps qu'elles se forment,
ces « formes » (Gestalten) de l'esprit, dont l'ensemble seul
constitue sa réalité totale. « Et de même que l'esprit fut distingué
de ses moments, de même, la détermination particulière de ses
moments doit être distinguée d'eux-mêmes. En effet, nous avons
vu chacun de ces moments se différencier en lui-même dans sa
propre évolution et prendre des formes diverses; ainsi, par
exemple, dans la conscience la certitude sensible se distingua de
la perception. Car l'esprit descend de son universalité à la
particularité par la détermination. La détermination ou centre
médiateur est conscience, conscience de soi3 ». Ses formes se

1. Encyclopédie, § 58 : « Nur das Natürliche [endliche] ist darum der Zeitunter-


lan, insofern es endlich ist, das Wahre dagegen, die Idee, der Geist, ist ewig.
Der Begriff der Evvigheit muss aber nicht negativ so gefasst werden als die
Abstraction von der Zeit dass sie ausserhalb derselben gleichsam « existiere »...
2. Hegel, Phänomenologie, (WW. II) p. 5J et sq : « Der ganze Geist nur ist in
der Zeit und die Gestallen, welche Gestalten des ganzen Geistes als solchen sind,
stellen sich in einer Aufeinanderfolge dar; den nur das Ganze hat eigentliche
Wirklichkeit und daher die Form der reiaen Freiheit gegen Anderes, die sich
als Zeit ausdrückt. Aber die Momente desselben, Bewusstseyn, Selbstbewusstseyn,
Vernunft und Geist, haben, weil sie Momente sind, kein voneinander verschiedenes
Dnseyn. »
3. Ibid. « Wie der Geist von seinen Momenten unteren ieden wurde, so ist
noch drittens von diesen Momenten selbst ihe vereinzelte Bestimmung zù
unterscheiden. Jeder dieser Momente sahen wir nämlich wieder an ihm selbst
sich in seinem eignen Verlauf unterscheiden und verschieden gestalten
wie z. B. das Bewusslseyn, die sinnliche Gewissheit und die Wahrnehmung
sich unterschied. - Denn der Geist steigt aus seiner Allgemeinheit durch die

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436 REVUE PHILOSOPHIQUE

succèdent, mais d'autre part, se compliquent et


« nient » - car le temps est la négativité elle-m
conservent en même temps dans l'esprit car « le
constituent les formes de ces moments. Celles-ci rep
l'esprit dans sa particularité ou réalité et se disti
temps, de telle façon cependant que la suivante
celles qui précèdent2 ». Le temps est, en effe
Y Aufheben lui-même. L'histoire et l'histoire seule
l'histoire seule permet ou, plus exactement, seule e
sance de l'esprit devenant lui-même, s'enrichissant d
de toutes les richesses qu'il porte en soi. Car l'hi
esprit - est aussi victoire sur le temps, victoire
et la mort que le temps porte en lui 3. Elle réalise, a
en sommes capables, le nunc œlernitaiis de l'éte
L'histoire est la vie de l'esprit en lui-même, elle est
plus son là-être. Car l'histoire ne s'occupe pas d
surmonte comme elle surmonte le temps. Et Heg
« En tant que nous comprenons l'histoire du mond
tout d'abord affaire à l'histoire comme à un pas
façon aussi absolue nous avons affaire au présent. C
est éternellement en soi et pour soi, il n'est pas hier
simplement et absolument présent, « nunc » da
présent absolu. Dans l'idée est éternellement ina
semble passé, « avoir été ». « L'idée est présent
immortel, il n'y a pas de « lorsque » où il n'eut pas é
pas, il n'est pas « n'est plus » et n'est pas « pas en
est simplement et absolument « nunc ». Par là il es

Bestimmung zur Einzelheil herab. Die Bestimmung oder Mitt


Sfilhsthftwnsslftvn. »

i. Cf. Encyclopédie, §57.


¿. Phanomenologie, p. 514 : « Die Einzelheit aber machen die Gestalten dieser
Momente aus. Diese stellen daher don Geist in seiner Einzelheit oder Wirklichkeit
dar und unterscheiden sich in der Zeit, so jedoch dass die folgende die
vorhergehenden an ihr behält. »
3. Pliänomenologie, p. 22 (WW 11,25) : « Der Tod, wenn wir jene Unwirkliehkeil
so nennen wollen ici das furchtbarste, und das Tole fest zu hallen, das was dio
grössto Kraft erfordert.. . Aber nicht das Leben das sich vor dem Tode scheul
und von der Verwüstung rein bewart, sondern das ihn erträgt und in ihm sich
erhält isl das Leben des Geistes. Diese Macht ist er nicht als das Positive welches
von dem Negativen wegsieht, sondern er ist diese Macht nur indem er dem
Negativen ins Angesicht schant, bey ihm verweilt. Dieses Verweilen ist die
Zauberkraft die es in das Seyn vorkehrt. »

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A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 437

le monde actuel, aspect et forme de l'esprit, sa conscience de soi,


comprend en lui toutes les étapes qui apparaissent dans l'histoire
comme antérieures. Celles-ci se sont bien développées successive-
ment, comme indépendantes l'une de l'autre; mais ce que l'esprit
est « en soi », il Ta toujours été : la différence n'est que dans la mani-
festation de cet « en soi ». L'esprit du monde actuel est le concept
que l'esprit se fait de lui-même ; c'est lui qui maintient et qui régit le
monde ; il est le résultat de six mille ans d'efforts. Il est ce que
l'esprit, par les labeurs de l'histoire du monde a tiré de soi ; il
est ce qui, par ce travail, a dû en sortir. »
« Puis donc que nous considérons que nous avons affaire à l'idée
de l'esprit et que dans l'histoire du monde nous envisageons tout
comme son expression, nous ne nous occupons, lorsque nous par-
courons le passé, aussi vaste qu'il soit, que du présent. La philo-
sophie a affaire au présent, au réel. Les moments que l'esprit
semble avoir derrière soi, il les a également dans sa profondeur
présente. Comme il a parcouru ses moments dans l'histoire, il a
à les parcourir dans le présent : dans le concept de soi-même *. »
Or, c'est « dans la langue que se réalise avant tout le concept de
soi-même », car « les formes de pensée sont avant tout extériorisées

1. Hegel, Philosophie der Weltgeschichte, pp. 165 sq : « Indem wir die Weltge-
schichte begreifen, so haben wir es mit der Geschichte zunächst als mit einer
Vergangenheit zu tun. Aber ebenso schlechterdings haben wir es mit der
Gegenwart zu tun. Was wahr ist, ist ewig an und fur sich, nicht Gestern und
nicht Morgen, sondern schlechthin gegenwärtig, * ltzt » im Sinne der absoluten
Gegenwart. In der Idee ist, was auch vergangen scheint, ewig unverloren. Die
Idee ist präsent, der Geist unsterblich; es gibt kein Einst, wo er nicht gewesen
wäre oder nicht sein würde; er ist nicht vorbei und ist nicht noch nicht, sondern
er ist schlechterdings itzt. Es ist hiermit schon gesagt dass die gegenwärtige
Welt, Gestalt des Geistes, sein Selbstbewusstsein, alle in der Geschichte als früher
erscheinenden Stufen in sich begreift. Diese haben sich zwar als selbstständig
nacheinander ausgobildet, was aber der Geist ist, ist er an sich immer gewesen,
der Unterschied ist nur in der Entwicklung dieses Ansich. Der Geist der gegen-
wärtigen Welt ist der BegrilT den der Geist von sich selbst macht; es ist es der
die Welt hält und regiert und er ist das Resultat der Bemühungen von
6 000 Jahren, das, was der Geist durch die Arbeit der Weltgeschichte vor sich
gebracht hat und was durch diese Arbeit hat herauskommen sollen. »
« Indem wir es mit des Idee der Geistes zu tun haben, und in der Welt-
geschichte alles nur als seine Erscheinung betrachten, so beschaffen wir uns,
wenn wir Vergangenheit, wie gross sie auch immer sei, durchlaufen, nur mit
dem Gegenwärtigen; die Philosophie hat es mit dem Gegenwärtigem, Wirklichen
zu tun. Die Momente die der Geist hinter sich zu haben scheint, hat er auch in
seiner gegenwärtigen Tiefe. Wie er in der Geschichte seine Momente durch-
laufen hat, so hat er sie in der Gegenwart zu durchlaufen in dem Begriff von
sich. »

28a Vol. 112

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438 REVUE PHILOSOPHIQUE

et réalisées dans le langage de l'homme; on


assez insister sur le fait que c'est la pensée
de Tanimal. Le langage pénètre tout ce q
chose d'intérieur pour l'homme, toute re
qu'il fait sien, et ce qu'il fait verbe et ce qu
contient et enveloppe - implicitement ou
catégorie i ». Or la langue actuelle contie
formes du « passé », de ce passé que l'hist
qui est esprit dialectique - rend « présent »
esprit dans lequel les « catégories » se pr
comme formes (aspect, Gestalten) déterm
mais comme des concepts déterminés 2.
Car si pour la conscience commune... «
chose est devenu quelque chose d'autre, ce
raît, « il n'en est pas ainsi pour la pensée et
plus affaire à une substitution de l'Autre à
moments qui sont en rapport ne disparais
pas, mais restent en rapport »; et c'est po
la pensée philosophique ne suppriment pas l
cations de termes qui les incarnent, mais
embrassent - les comprennent - dans un s
- de la pensée3.
C'est là la raison pourquoi on ne peut tr
moins, pourquoi il est si difficile de le fa
son langage est « imaginatif et poétique
affectifs. Hegel lui-môme ne tenait pas beau
langage qui « suggèrent l'inneffable et l'inex
fable et l'inexprimable n'avaient pour lui
espèce de valeur. Ce qu'il prisait par dessus t
« le concept clair qui ne laisse rien non
1. G. W. F. Hegel, Wissenscliaft der Logik, ('VW, 111)
sind zunächst in der Sprache des Menschen herausgeset
in unseren Tagen nicht oft genug duran erinnert w
sich der Mensen vom Thierc unterscheidet, das Denken ist. In Alles, was ihm
zu einem Innerlichem, zur Vorstellung überhaupt wird, was er zu dem Seinigen
macht, hat sich die Sprache eingedrängt, und was er zur Sprache machi und in
ihr äusserl, enthält eingehüllter, vermischter oder herausgearbeitet, eine
Kategorie. »
2. V. Phänomenologie, p. 609.
3. V. Encyclopédie, § ill add.
4. V. Rosenkranz, Das Leben Hegels, (W'W. XIX) p. 544.

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-A. KOYRÉ. - NOTE SUR LA LANGUE ET LA TERMINOLOGIE HÉGÉLIENNES 439

exprime ce qu'il y a de plus profond dans l'homme, sa « nature


même » qui est pensée et qui est esprit. Synthèse et sommation
ou, si l'on préfère, intégration des moments (concepts, formes,
Gestalten) du passé dans le « présent » - tel est le « concept »
hégélien. Mais si l'histoire de l'humanité, en tant qu'elle réalise
l'histoire de l'esprit est une, en tant qu'elle se réalise, elle se parti-
cularise, se différencie, se brise. L'histoire est une comme la pensée
et l'esprit, mais les histoires, comme les peuples et les langues, sont
différentes. Et c'est pourquoi la pensée dialectique, le concept,
représentant un moment de cette évolution, mais le représentant
dans la particularité d'un langage, ne peut - généralement - être
traduit par un terme d'un autre langage. C'est que l'histoire, le
passé qui chaque fois deviendrait « présent », ne serait pas le
même. C'est là la raison pour laquelle « la langue abstraite de la
philosophie française » ne peut traduire la langue concrète de la
dialectique hégélienne. Et c'est là aussi la raison pourquoi le
meilleur commentaire de Hegel reste, jusqu'à nouvel ordre, un
bon dictionnaire historique de l'allemand.
A. Koyré.

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