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Honoré de Balzac (1799-1850)

Né à Tours dans un milieu bourgeois, Honoré de Balzac vient à Paris en 1814 avec sa famille. En
1819, après des études de droits, il refuse de devenir notaire. Intéressé d’abord par la philosophie, il se
voue ensuite à la littérature, seul moyen d’acquérir la richesse et la célébrité dont il rêve.
La carrière littéraire ne démarre pas facilement. Pour vivre, il écrit des romans à la mode, sous
différents pseudonymes. En même temps, il découvre et observe la société parisienne, tout en s’initiant
à la vie mondaine. En 1821, Balzac rencontre Mme de Berny, femme nettement plus âgée que lui, qui
sera pour lui plus qu’une maîtresse, une initiatrice, une conseillère et un appui : grâce en partie à son
aide financière, il se lance dans les affaires, fondant une maison d’édition et une entreprise de fonderie
qui échoueront lamentablement, le plongeant dans un cycle infernal de dettes (1828).
Le succès littéraire se fait attendre jusqu’en 1829, date de la publication de La Physiologie du
mariage. Un peu plus tard, il fait publier La Peau de chagrin (1830). Dès lors sa vie est entièrement
dominée par une production littéraire intense. Le succès valut à l’auteur des lettres de ses admiratrices.
Parmi elles, «l’Étrangère» Ève Hanska, comtesse russe d’origine polonaise dont Balzac s’éprit par
correspondance avant de la rencontrer. Après la mort du comte Hanski, les deux amants s’épouseront (3
mois avant la mort de Balzac). L’écrivain infatigable accumule des récits qu’il groupera sous le nom
d’Études de mœurs, classées en Scènes de la vie de province et en Scènes de la vie parisienne. C’est avec
Le Père Goriot (1835) que l’écrivain conçoit l’idée de faire réapparaître certains de ses personnages dans
différents romans (le procédé du retour des personnages). Ses textes acquièrent ainsi une unité.
Harcelé par les éditeurs, Balzac écrit vite et presque sur commande mais c’est un artiste
exigeant : il rature et corrige jusqu’à dix épreuves avant d’en autoriser l’impression. La célébrité de
l’écrivain ne parvient pourtant pas à rétablir sa situation financière catastrophique. Il vit comme un
dandy mais doit se cacher pour échapper à ses créanciers. Les années 1835-1840 furent cependant les
plus productives de sa carrière. Il compose ses grands romans (Illusions perdues, César Birotteau) et
signe en 1841 un contrat pour la publication de toutes ses œuvres sous le titre La Comédie humaine. Des
crises fréquentes de fatigue cérébrale, d’étouffements de palpitations entraîneront sa mort prématurée,
le 18 août 1850.

L’œuvre littéraire
Poussé par des inspirations littéraires mais aussi par un besoin d’argent chronique, Balzac a publié 90
romans et nouvelles, 30 contes et 5 pièces de théâtre. Balzac a créé un univers de personnages qu’il
voulait organiser pour brosser un tableau complet et fidèle de son époque. En 1837, il commence à
parler de ses Études sociales, vaste cycle de romans, qui deviendra par la suite La comédie humaine. Ce
tableau complet de la société française comprend trois séries :

Les études analytiques


Une seule œuvre est importante : La Physiologie du mariage (1829)

Les études philosophiques


Balzac était convaincu qu’une vie vouée à la passion, au plaisir, à une occupation intellectuelle intense
ravage l’homme autant que le vice et la douleur. Chacun doit choisir donc entre une vie frénétique et
passionnante qui l’use et une vie calme qui l’ennuie mais ménage ses forces. Cette idée est exprimée
dans les romans La peau de chagrin (1831) et La recherche de l’absolu (1834), Louis Lambert (1832) et
Séraphita (1855), romans mystiques. Balzac était partagé entre la confiance dans le progrès et un
penchant très net pour l’occultisme et le mystère. Il croyait à l’existence des forces surnaturelles et à la
télépathie. Les études philosophiques sont, dans une large mesure, autobiographiques.
Les études de mœurs
Ce sont des œuvres plus réalistes où la description du détail joue un rôle essentiel. Les études de mœurs
sont divisées en différentes scènes selon le lieu de l’action :

Scènes de la vie privée Le Père Goriot (1834)


Scènes de la vie de province Eugénie Grandet (1833)
Illusions perdues (1837-1843)
Scènes de la vie parisienne Splendeurs et misères des courtisanes (1839)
Le cousin Pons (1847)
La cousine Bette (1846)
Scènes de la vie politique Une ténébreuse affaire (1841)
Un épisode sous la terreur (1830)
Scènes de la vie militaire Les chouans (1829)
Une passion dans le désert (1830)
Scènes de la vie de campagne Le médecin de campagne (1833)
Le curé de village (1839)
Le lys dans la vallée (1835)

La Comédie humaine est un ensemble de thèmes et de genres littéraires très variés, mais bien
composé. Dans un premier temps, l’œuvre est centrée autour des thèmes mystiques ; les personnages
rêvent de se rapprocher de Dieu, de l’Absolu. Balzac se tourne ensuite vers une conception réaliste de
l’art littéraire. Le réalisme demande une bonne dose d’imagination et des dons d’observation
particuliers. C’est là que réside le talent de Balzac.
Les romans balzaciens sont de vraies constructions, ils présentent une organisation presque
toujours identique : une exposition lente, minutieuse, souvent descriptive, est suivie d’une crise brutale,
où les passions se débrident au cours de scènes spectaculaires ou violentes.
Dans l’œuvre balzacienne, le cadre est toujours nommé et même minutieusement décrit.
Souvent, l’action se déroule dans de petites villes de province où la mesquinerie et les rivalités entre
personnes sont dissimulées. Les romans qui se déroulent à Paris nous introduisent dans les milieux du
pouvoir, du capitalisme et de la presse où les intrigues, la corruption sont à l’ordre du jour. La
description du décor est d’une précision extrême. Balzac ne se contentait pas de prospecter les lieux, il a
aussi consulté des plans de ville et analysé des documents géographiques.
Il y a une vraie symbiose entre les personnages et le décor où ils vivent.
Partant de l’idée que la société ressemble à la nature par sa composition et son organisation,
l’écrivain se propose d’étudier les espèces sociales comme les naturalistes étudient les espèces
animales. Chacun de ces types est un représentant très particulier d’un milieu, d’une couche sociale,
d’un groupe professionnel. Chacun porte les traits communs du milieu, chacun est personnalisé par ses
défauts, des manies, des tics. Ce qui caractérise les personnages de Balzac, c’est leur extraordinaire
vitalité et la fixation de leur esprit sur une idée obsessionnelle. Cette vitalité est le plus souvent
négative, quand il s’agit de l’ambition démesurée de Rastignac par exemple. Mais il arrive que les
personnages de Balzac soient bons : le cousin Pons est animé d’une telle bonté qu’il ne remarque même
pas le mépris dont il est l’objet. Les êtres n’ayant pas de personnalité nettement tranchée sont rejetés
au second plan et ont le même rang que les éléments de décor. Balzac privilégie donc nettement les
personnages qui sont dans une certaine mesure ses propres doubles. Pour peindre la vie de la société du
XIXe siècle, Balzac devait rendre le foisonnement et la mobilité du réel. C’est pour cela qu’il emploie le
procédé du retour des personnages. Les personnages «reparaissants» circulent dans La Comédie
humaine. Le lecteur les surprend sous diverses facettes, dans différentes sphères sociales, à différents
âges de leur vie. Cette récurrence assure l’unité du monde balzacien : elle relie les romans entre eux et
donne l’illusion d’un univers familier.
Dans l’ensemble, la vision balzacienne du monde est pessimiste. Ses héros incarnent rarement la
vertu et la bonté. Le monde selon Balzac est celui du crime. Il fait un portrait sombre de l’époque
comprise entre la Révolution de 1789 et la monarchie de Juillet. C’est aussi un portrait très complet qui
couvre toute la hiérarchie sociale, de la petite bourgeoisie provinciale aux grands milieux d’affaires
parisiens, en passant par l’armée. Il s’attaque en particulier au journalisme (milieu que Balzac a connu
lorsqu’il était libraire et imprimeur) et à la bureaucratie. Les représentants de ces diverses couches
sociales sont tous plus ou moins corrompus par la soif de pouvoir et surtout par l’argent. La société mise
en place dans la Comédie humaine est un lieu de conflits où s’affrontent les intérêts. Balzac la compare
souvent à une jungle où les victimes sont dévorées sans pitié. Cette société sans cœur consacre le
triomphe de l’égoïsme et l’élimination des purs. Le drame peut naître de l’anachronisme (un homme vit
dans un monde où il ne trouve pas sa place), du déracinement social (l’homme méprisé parce qu’il n’a
pas d’argent ou parce qu’il n’appartient pas à une certaine classe, l’inadapté qui perd ses illusions).
Le style de Balzac est, pour une grande part, descriptif. Convaincu qu’il existe des relations
imperceptibles entre les êtres et la matière, l’écrivain décrit avec une extrême minutie dans le détail : la
phrase est donc longue, la syntaxe souvent complexe. Le langage est à la hauteur de ses ambitions. Le
vocabulaire est très vivant et coloré. Vautrin ne s’exprime pas comme le père Goriot, les soldats et les
paysans utilisent les mots de leur univers quotidien. Malgré certains passages maladroits ou fautes de
langues, dus à la vitesse de la rédaction, l’œuvre romanesque de Balzac est animée par une
extraordinaire puissance dans l’expression et les idées.
Les échos biographiques se retrouvent dans toute la Comédie humaine, dans la mesure où de
nombreux livres balzaciens peuvent être considérés comme des romans d’apprentissage. Si Balzac
partage avec les romantiques le goût de l’histoire, de l’autobiographie et du mystère, l’intérêt pour les
désirs et les passions humaines, il se caractérise toutefois par une volonté et une manière nouvelles
d’expliquer et de représenter la réalité historique et sociale. Fondé sur l’observation et l’analyse, son
travail créateur s’appuie également sur son intuition et son imagination. Ainsi, Balzac «invente le vrai».
Le réalisme ne signifie pas pour Balzac la reproduction fidèle de la réalité. L’écrivain transfigure et stylise
le réel pour construire son propre univers. Pénétrant avec acuité et subtilité la réalité, Balzac la dépasse
pour la remodeler selon les exigences de ses visions, de son idéologie et de ses propres mythes. Le
monde de Balzac est un monde codé ; tout y est signe : le vêtement révèle l’être ; le langage trahit
l’appartenance sociale.
Le narrateur balzacien est objectif, omniscient, omniprésent et tout-puissant. Il a une idée
claire et systématique de l’œuvre qu’il va écrire.
Le Père Goriot (1834) connut dès sa parution un immense succès. Il fut la même année adapté à la
scène par deux fois. Ce livre occupe pour plusieurs raisons une place centrale dans l’œuvre et la carrière
de Balzac :
- il constitue, avec Eugénie Grandet, la première évocation conjointe d’un milieu particulier et
d’une passion dévorante ;
- il rend possible, par sa structure, l’alliance du roman sentimental (Goriot et ses filles) et du
roman d’aventures (Vautrin et Rastignac) ;
- il est à l’origine du «retour systématique des personnages». Madame de Beauséant, Nucingen,
et surtout Vautrin et Rastignac apparaissent, réapparaissent ou se préparent à devenir des
figures majeures d’autres romans, notamment des Illusions perdues et Splendeurs et misères des
courtisanes.
Eugène de Rastignac, jeune homme noble mais pauvre, arrive à Paris pour y faire des études de
droit et y chercher la gloire et le pouvoir. Contraint de loger dans une pension pitoyable, il y côtoie
différents personnages : Mme Vauquer, la patronne, Mlle Michonneau, M. Poiret, Victorine Taillefer et
surtout Vautrin, une force de la nature au comportement étrange, et Goriot, un vieillard mystérieux.
Mme de Beauséant, sa cousine qui l’introduit dans la haute société, lui révèle le secret de Goriot : pour
le bonheur et l’aisance de ses deux filles, Anastasie devenue Mme de Restaud et Delphine qui a épousé
le banquier Nucingen, cet ancien fabricant de pâtes s’est ruiné et se trouve condamné à la misère, dans
l’indifférence de ses deux filles. Escroc cynique et récidiviste, Vautrin tente de persuader Rastignac, dont
il devine l’ambition, d’épouser Mlle Taillefer, riche orpheline, tandis que lui se chargerait de faire
disparaître son frère, dernier obstacle au partage de l’héritage fabuleux. Fasciné mais réservé, le jeune
homme préfère cultiver ses conquêtes mondaines. Ancien forçat, Vautrin sera finalement arrêté par la
police. Quant au père Goriot, ce «Christ de la paternité», délirant et blessé à mort par l’ingratitude de
ses filles, rend l’âme dans les bras de Rastignac qui conduira seul son cercueil au Père-Lachaise. Au
retour du cimetière, le jeune homme, tirant les leçons d’une telle «initiation», lance à Paris un défi
conquérant, décidant d’abandonner tout principe moral afin de gravir l’échelle sociale et de s’enrichir.
Considéré comme la cellule-mère de La Comédie humaine, le roman exploite les thèmes
fondamentaux de l’univers balzacien : le thème de la paternité, Paris-enfer, le drame de l’argent. Le
Père Goriot est d’abord le drame d’un homme à passion, Goriot, victime de son idolâtrie pour ses filles.
À côté de cette passion, se développe chez le jeune Rastignac la crise de la puberté sociale : choix
dramatique des moyens de parvenir à une vie brillante. Ce roman est également le kaléidoscope de
Paris, l’enfer dans lequel est jeté l’ambitieux Rastignac.
D’une ambition littéraire dévorante, Balzac a consacré toute sa vie à une œuvre gigantesque (90
romans et nouvelles, 2000 personnages) qui a épuisé ses forces intellectuelles et physiques. Il a été
l’auteur français le plus productif du XIXe siècle. Il a renouvelé la conception du roman en lui donnant le
caractère d’une étude scientifique de la société. Balzac a voulu être aussi grand que Napoléon en se
lançant à lui-même ce défi : «Ce qu’il a entrepris par l’épée, je l’accomplirai par la plume». Aucune
analyse du genre romanesque ne peut négliger son œuvre.
Au XIXe siècle, le roman balzacien s’impose comme modèle du roman français. Ses
caractéristiques sont :
1. la vision omnisciente. Le monde romanesque est créé par un romancier tout-puissant, qui est
comme un véritable Dieu par rapport à son univers. Ses pouvoirs sont absolus : il est omniprésent et
omniscient. Il a une idée très claire et systématique de l’œuvre qu’il est en train de créer.
2. Dans les romans balzaciens, se mêlent la réalité et l’imagination. Le modèle balzacien impose un
certain rythme, une certaine structure du roman. Les personnages et les cadres y sont décrits avec
beaucoup de détails et chaque fois, la description et les portraits arrêtent la marche en avant du récit.
La narration balzacienne se construit comme un habile enchevêtrement de pauses descriptives, de
scènes (qui permettent la présentation du personnage en action), de récits-résumés (qui condensent
des périodes plus ou moins longues de la vie des personnages) et d’ellipses (il y a des périodes de la vie
des personnages qui sont passées sous silence).

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