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L'HOSPITALISATION À TEMPS COMPLET DES ADOLESCENTS ET SES

INDICATIONS EN PSYCHIATRIE

Patrick Ayoun

John Libbey Eurotext | « L'information psychiatrique »

2008/7 Volume 84 | pages 701 à 707


ISSN 0020-0204
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Séminaire de formation médicale continue
L’Information psychiatrique 2008 ; 84 : 701-7

Séminaire de formation médicale continue

L’hospitalisation à temps complet


des adolescents et ses indications
en psychiatrie
Patrick Ayoun*

Introduction Un choix a été fait ici :


1) Extraire des préconisations à partir de jalons théorico-
Les lieux actuels d’hospitalisation des adolescents en souf- cliniques sur l’adolescence et ses troubles, et la dynamique
france psychique sont, en France en 2008, très divers dans souhaitable de l’hospitalisation (motifs, objectifs, moyens
leurs objectifs, leurs indications, leurs limites d’âge. mis en œuvre, fonctionnement).
Ainsi, selon les lieux, on trouvera des lits dédiés en 2) Conclure par un résumé sous forme de quasi-fiches
psychiatrie adulte, en pédiatrie ou en pédopsychiatrie ou comme vade-mecum.
bien des services spécifiques de crise ou polyvalents, pour
les patients entre 12 et 18 ans, 10 et 20 ans ou bien 14 Données sur la puberté, le pubertaire
et 25 ans.
La plupart sont intersectoriels, mais peuvent être interhos- l’adolescence
pitaliers, départementaux, régionaux, voire nationaux.
Certains se sont ultraspécialisés sur des symptômes : À propos de l’adolescence, que retenir
troubles des conduites alimentaires (TCA), premiers de pertinent pour notre sujet ?
épisodes psychotiques, tentatives de suicide (TS) ; d’autres Si dater sa terminaison entraîne des débats intermina-
accueillent le tout-venant psychiatrique. bles entre spécialistes (18 ans, 21 ans, 25 ans, 35 ans), en
La majorité des unités spécifiques sont très récentes et revanche, tous s’accordent pour la faire débuter à l’âge de
ont été créées dans un contexte d’urgence, d’explosion la puberté physiologique. À savoir entre 9 et 14 ans pour
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de la demande sociale, de pression des tutelles et de le garçon, et entre 8 et 13 ans pour la fille.
précarité. Elle est caractérisée par une transformation rapide et
Le peu d’études épidémiologiques d’envergure globale du corps entier, c’est-à-dire non seulement un
(à l’exception des travaux de l’équipe de Philippe bouleversement hormonal mais également des modifica-
Jeammet et de Marie Choquet) produit une impression tions synaptiques cérébrales extrêmement rapides.
de non-lisibilité des besoins en matière de suivi des L’évidence de l’apparition des caractères sexuels secon-
adolescents. daires marqués par la production des matières sexuelles
D’où une difficulté à évaluer l’adéquation des réponses (les règles, l’éjaculation) ne doit pas faire oublier les
actuelles. Mais peut-être cette démarche d’évaluation dans autres effets de la transformation corporelle (visage, taille,
sa quête d’homogénéisation est-elle vaine, dans la mesure musculature, sexuation des formes).
où l’essentiel du soin aux adolescents va reposer sur la C’est une véritable « métamorphose » pour le sujet qui la
recherche d’un accordage intersubjectif. vit : sexualisation de son identité corporelle et psychique,
doi : 10.1684/ipe.2008.0352

Malgré toutes ces limites, il est néanmoins possible de modification de son comportement.
dégager des repères utiles à la pratique. Philippe GUTTON appelle « pubertaire » la transforma-
tion concomitante de l’appareil psychique. Les fantasmes
pubertaires sont marqués par la reprise actualisée des
* Praticien hospitalier, pédopsychiatre, médecin responsable du Centre
de crise et de soins spécialisés pour adolescents du CH Charles-Perrens, thèmes infantiles et œdipiens (incestes et meurtres), mais
Bordeaux, analyste praticien (espace analytique). avec une différence de taille : ils deviennent soudain

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possibles à réaliser, d’où la nécessité accrue de leur refou- Inadéquation des réponses
lement et d’un travail psychique intense.
Du pubertaire psychique, il faut retenir que, pour le hospitalières habituelles
sujet, ces transformations (et par projection le monde qui La crainte légitime de nuire aux adolescents par la créa-
l’entoure) sont marquées par un caractère imposé, obliga- tion d’une dépendance aliénante doit amener à penser à
toire et sans espace de choix. leur hospitalisation à temps complet dans le cadre général
Sur un autre plan, l’adolescent est pris dans un conflit des filières, des dispositifs de soin et d’hébergement exis-
oscillant entre la contradiction et le paradoxe. Conflit qui tants. Et non d’éviter toute hospitalisation. Son objectif
colore son rapport à lui-même et aux autres. doit demeurer la restauration des capacités physiques et
Car il est tiraillé par deux contraintes aussi impérieuses psychiques pour amener une meilleure autonomie et son
l’une que l’autre : son besoin de liberté, d’indépendance et appropriation subjective.
son besoin d’attachement, de limites et de dépendance. Ce Or, pour réaliser cet objectif, il y a un problème, celui
conflit s’exprime souvent par l’opposition : sortir avec les d’une inadéquation entre la demande de soins et la réalité
ami(e)s/rester avec les parents. fonctionnelle et culturelle hospitalière.
Soulignons ici l’importance de la crise parentale coïnci- Pour la pathologie psychique et psychiatrique s’exprimant
dant avec la crise de l’adolescent. par la conduite et le corps (tentative de suicide, fatigue,
Chacun des parents peut vivre « une crise du milieu de violences, etc.) 40 % des adolescents sont dirigés vers des
vie », réactivation de sa propre adolescence L’alliance services non psychiatriques.
du couple parental peut être remise en question, et cela Ajoutons qu’une étude a montré à propos des adolescents
entraîne des alliances, des couplages nouveaux et risqués suicidants que :
père-fille, mère-fils par exemple. Cette crise fragilise la - 10 % passent aux urgences pédiatriques ;
différence des générations et compromet l’exercice des - 25 % sont gardés moins de 24 heures ;
fonctions parentales de soutien et d’interdit. - dans 1/3 des cas, aucune évaluation n’a eu lieu ;
La rigidité autoritariste et le copinage laxiste sont les deux - 50 % jugent l’hospitalisation pénible ;
dérives possibles des attitudes parentales à l’adolescence. - 85 % ne rencontrent aucun sujet du même âge ;
Pourtant, il est nécessaire de rester adulte sans rejet face - 1 adolescent sur 10 est hospitalisé plus de 24 heures en
aux adolescents. bénéficiant d’activités organisées.
Il y a donc une vulnérabilité spécifique à cet âge, réclamant Il y a, de fait, de nouveaux enjeux à repérer pour atténuer
une attention des adultes référents. Il s’agira de rendre tolé- l’inadéquation des réponses soignantes. On en compte
rables, parlables et psychiquement élaborables d’intenses quatre :
besoins contradictoires. Ainsi s’engendrent les distances 1) La conscience des exigences spécifiques de l’adoles-
affectives paradoxales, les doutes sur la confiance de base, cence impose une modification de l’accueil et de l’orga-
les révoltes contre les contraintes, les changements et les nisation hospitalière existante, jusque-là construite sur la
expressions étranges de besoins simultanés d’appartenance césure enfant/adulte.
et de distinction. 2) Les morbidités adolescentes sont plus visibles sur la
Aucune dimension du sujet (famille, sorties, scolarité, scène hospitalière qu’ailleurs.
formation professionnelle) n’échappe à ces conflits.
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3) Les progrès des soins aux enfants porteurs de maladies
Dans la pathologie, ils se traduisent dans des problèmes chroniques permettant leur accès à l’adolescence et au-delà.
d’observance, de consentement aux soins et surtout de 4) La limite d’âge de 15 ans (pédiatrie) ou 16 ans (psychia-
revendication, à parler en son nom, à être informé, à choisir trie) se révèle dans la majorité des cas inadéquate pour la
et à prendre des décisions. prise en charge hospitalière.
Ces demandes, en partie légitimes, sont peu, malgré la
Convention des droits de l’enfant, traduites dans la loi.
(à l’exception de la loi dite Leonetti, qui prévoit qu’un 1988, tentatives de préconisations
mineur a le droit de refuser un traitement dans les maladies
potentiellement mortelles). Il y a 20 ans, en 1988, le ministère de la Santé (DGS et
La difficulté à dire les représentations chargées d’émotions DH) avait déjà élaboré et diffusé une circulaire (N° 132)
ou d’angoisse du fait de leur intensité explique la prépon- consacrée à l’amélioration des conditions d’hospitalisa-
dérance de l’usage du corps dans l’expression du mal-être tion des adolescents. Le dossier technique (qui l’accompa-
psychique de l’adolescent (plaintes somatiques, troubles gnait) contenait des préconisations toujours valables mais
des conduites, troubles de l’alimentation, problèmes gyné- peu appliquées. En premier lieu, il soulignait la nécessité
cologiques par exemple). D’où les risques de méconnais- de créer un nouveau dispositif de « médecine de l’adoles-
sance de la nature psychique du trouble. cence » clairement différencié par rapport à l’existant.

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Séminaire de formation médicale continue
En effet ce dispositif a des contraintes spécifiques : 2) L’absence de référentiel et de langage commun sur
1) Le personnel doit être motivé. Car la vulnérabilité de la clinique de l’adolescence entre tous les partenaires
l’adolescent amplifiée par la maladie se manifeste par des (sociaux, médico-sociaux, sanitaires, judiciaires,) a eu
réactions paradoxales. Celles-ci sont difficiles à contenir et trois effets nocifs :
à tolérer si on ne les connaît pas par avance. - renforcer le morcellement des prises en charge ;
2) Les sites doivent être adaptés sur le plan matériel pour - produire une incohérence du repérage identitaire des
respecter l’intimité et la confidentialité, mais il doit égale- institutions inscrites dans les projets de soins. Pour les uns,
ment y avoir des règles de vie précises tenant compte de « indéfinition » diagnostique par peur de l’étiquetage, et
l’âge, des rythmes de maturation, de la santé et du respect pour les autres, élimination de la spécificité adolescente,
des autres. soit en plaquant les diagnostics de la « nouvelle clinique
3) Les adultes de l’équipe médicale ou paramédicale sont de l’enfant » (TOC, TOP, THADA), soit en établissant des
sollicités et testés en permanence. Ils doivent savoir gérer fausses continuités avec la clinique adulte (schizophrénie
les conflits avec tact et fermeté sans provoquer des affron- subclinique, psychopathies débutantes, troubles bipolaires) ;
tements inutiles. - l’absence de sites spécifiques ambulatoires (CATTP
4) Les hospitalisations doivent être discutées. Toute ou consultations spécialisées) dans la trame ordinaire des
action de soins auprès de l’adolescent, tout travail rela- secteurs enfant ou adulte n’a pas été compensée par les
tionnel avec les parents doivent pouvoir être fondés et quelques dispositifs privés ou associatifs. D’où les ruptures
expliqués. fréquentes de suivi.
Pour assumer au quotidien ces contraintes adaptées aux Les souhaits ministériels n’ont pu entièrement se réaliser,
besoins de l’adolescent ont été proclamées comme indis- du fait des obstacles de la réalité. Peu à peu ont été créés
pensable une bonne formation initiale des soignants et dans le maillage soignant de plus en plus de lieux d’hospi-
un minimum d’organisation pensée pour préserver leur talisation dédiés aux adolescents.
cohésion. Et l’idée d’une « Maison de l’Adolescence » par départe-
Ainsi, un intérêt authentique porté aux adolescents était ment ne paraît plus ridicule aujourd’hui.
censé permettre la construction d’une image non dissua- De ce fait, reprendre les principes et la dynamique souhai-
sive de l’hospitalisation. Ce devait être un lieu investi, table de l’hospitalisation des adolescents pourrait ne pas
respecté et apprécié par tous, à l’atmosphère typique. être inutile.
Les interactions entre les pairs devaient être reconnues
comme des atouts et non comme une gêne. Les infir-
miers, au-delà des soins techniques et des rappels à
Principes généraux
l’ordre, devaient alterner l’écoute et les conseils éducatifs. - L’hospitalisation des adolescents doit être réhabilitée.
L’équipe devait y être diversifiée, ouverte aux parents et Elle est souvent la seule mesure possible pour introduire
aux partenaires extérieurs. des soins cohérents au long cours ou pour préserver un
Enfin, tout projet d’hospitalisation devait s’inscrire entre traitement déjà existant.
l’amont et l’aval d’une trajectoire discutée préalablement - L’hospitalisation est et doit rester un geste médical.
et se situer dans un projet soignant et repris par des relais Elle ne doit pas être détournée à des fins sécuritaires ou
fiables. Cela afin de garantir le respect des rythmes natu- d’hébergement social.
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rels, la cohérence et la continuité des soins. - L’hospitalisation affirme la primauté des soins dans les
situations où l’absence de contenance de l’environnement
s’associe à une absence de capacité auto-soignante de
Des réalités contraires l’adolescent.
Cette incapacité du sujet à prendre soin de lui-même et
Mais ces préconisations se sont heurtées à des réalités celle de l’entourage à exercer une fonction d’attention et de
contraires : contenance suffisante constituent les indications majeures
1) Les restrictions budgétaires ont imposé à tous des d’hospitalisation à cet âge.
contraintes nécessaires à la survie des établissements, mais
au détriment de la qualité du soin de chacun : Les motifs d’hospitalisation
- réduction des durées de séjour ; Souvent, les références nosographiques traditionnelles sont
- segmentation des prises en charge et limitations strictes insuffisantes pour justifier l’hospitalisation. Mais la dispa-
des critères d’admission ; rition des symptômes ne justifie pas non plus la sortie.
- ultraspécialisation des services (TCA, suicide, etc.) ; Les répercussions individuelles et familiales peuvent
- concurrence entre structures (à la place de leur l’emporter sur le trouble ou la maladie ayant motivé
complémentarité). l’hospitalisation.

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Certains symptômes (les tentatives de suicide, les trou- Réaliser un accueil adapté
bles graves des conduites alimentaires, la non-observance
des maladies somatiques chroniques) peuvent être à eux
seuls des indications d’hospitalisation quand ils mettent en
Modalités de fonctionnement de l’équipe
danger immédiat la vie de l’adolescent. dans un lieu adapté
À propos des conduites à risque, il faut souligner le cas L’approche spécifique de l’adolescent nécessite une archi-
des indications d’hospitalisations psychiatriques qui se tecture particulière et une organisation des services et des
cachent derrière une ivresse pathologique, des accidents à équipes en tenant compte de sa spécificité :
répétition, des automutilations et des scarifications diffici- - centration sur le corps ;
lement avouées. - prépondérance de l’agir sur la pensée ;
Enfin, il faut différencier : - émergence des troubles des conduites ;
1) L’hospitalisation de première intention qui permet - contraintes pour s’essayer à des expériences risquées
d’inaugurer les soins, souvent après un passage aux mais nécessaire pour l’acquisition d’une autonomie ;
urgences. - la maladie psychiatrique ou psychologique entrave le
2) L’hospitalisation au cours d’une prise en charge déjà processus d’autonomisation à protéger et à accompagner.
entreprise qui est négociée la plupart du temps avec Pour réaliser ce fonctionnement, il faut des équipes pluri-
l’équipe, la famille et le sujet lui-même. disciplinaires, motivées et formées de professionnels ayant
des pratiques différentes et complémentaires.
Les objectifs d’une hospitalisation Chacun doit éviter de confondre les rôles dans leurs
pratiques.
1) Permettre une double approche concernant l’adolescent
Dans les équipes psychiatriques, la présence d’un soma-
et son environnement, surtout dans les situations où les
ticien est indispensable.
effets négatifs mutuels s’auto-entretiennent et se renfor-
Le service doit s’inscrire au sein d’un réseau de soin en y
cent, vouant à l’échec les tentatives de changement.
favorisant les articulations transdisciplinaires et interinsti-
2) Permettre à l’adolescent de parvenir à prendre soin de
tutionnelles.
lui par le biais de cette immersion en milieu psychiatrique
hospitalier dans lequel il reçoit des soins. Cette orienta-
tion suppose une possibilité d’intériorisation du modèle Qualités de l’équipe
proposé. Elle constitue un des points critiques pour que L’équipe doit être disponible à l’autre et faire preuve de
l’effet d’une hospitalisation aille au-delà du seul apai- tolérance sans complaisance.
sement des symptômes aigus, variable existentielle en Ainsi il ne faut pas hésiter à faire preuve d’autorité
psychiatrie. sécurisante.
3) Permettre à l’adolescent de devenir porteur d’un projet La recherche de limites est caractéristique de la quête
de soins qui le concerne. adolescente. Il faut s’en souvenir, car la maladie les rend
confuses.
La place des familles Les rôles et les fonctions doivent être différenciés, la pluri-
disciplinarité n’est tenable qu’à cette condition.
La place des familles est capitale à reconnaître dans les
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En effet, le risque de confusion est majeur. II engendre des
soins aux adolescents.
émergences d’angoisse liées à l’insécurité si les repères et
Il n’est pas envisageable de soigner les adolescents sans
les limites sont flous et inconsistants.
associer étroitement leur famille à la prise en charge,
Le cadre thérapeutique est constitué par une trame d’espace
d’autant plus que la situation est conflictuelle. Car l’hos-
d’échanges et de rencontres où chacun connaît sa place
pitalisation peut être une occasion unique de mettre en
avec précision et évite d’empiéter sur celle des autres.
évidence et de nommer certains conflits, pour les dépasser
Les équipes doivent être expérimentées, rodées, habituées
et les reformuler.
à travailler ensemble.
N’oublions pas que l’adhésion de l’adolescent au projet
Il est donc indispensable de ne pas imposer des change-
de soins reste tributaire de l’accord explicite ou non de ses
ments incessants de personnel.
parents.
Dans les cas où l’hospitalisation est justifiée par la
nécessité d’une rupture temporaire avec la famille, des Particularité du cadre psychiatrique
rencontres régulières avec les parents sont indispensables L’hospitalisation psychiatrique considérée comme un
pour préparer la reprise de contact. péril à éviter à tout prix n’amène qu’un retard à des soins
Ainsi, des consultations doivent être offertes aux familles cohérents.
dans des lieux séparés de l’unité où sont hospitalisés les Une information est donc nécessaire pour réduire les
adolescents. craintes de stigmatisation ou de contagion.

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L’aspect des lieux, plus ou moins attirant ou repoussant, a Pour conclure, voici sous forme de « fiches », et pour
un effet sur l’acceptation et l’efficacité des soins. servir de vade-mecum, un rappel des principales notions
Rappelons que la possibilité d’intériorisation et d’appro- nécessaires pour répondre à la question des indications
priation du modèle de soin est un des objectifs de l’hos- d’hospitalisation des adolescents en psychiatrie.
pitalisation, afin que l’adolescent se saisisse du projet On y trouvera :
thérapeutique et développe ses capacités à prendre soin de 1) Les troubles psychiatriques émergents à l’adolescence.
lui-même. L’absence de ces capacités est une indication 2) Les indications de placement institutionnel.
majeure d’hospitalisation ; si cette appropriation subjective 3) Les fonctions de l’institution.
ne se produit pas, des hospitalisations itératives peuvent 4) Les situations d’urgence.
survenir et ne doivent pas être considérées comme des 5) Les indications d’hospitalisation à temps complet.
« rechutes » mais comme des reprises de subjectivation. 6) L’intérêt et les objectifs de l’hospitalisation.
Pour l’adolescent, devenir porteur de son projet de soins
passe par sa tolérance à l’apport des autres et son aptitude
à le construire en commun.
Cela détermine :
Troubles psychiatriques émergeant
- la nature du projet proposé à chaque sujet considéré dans à l’adolescence
sa singularité. Son contenu fait l’objet d’une réévaluation
permanente ; Conduites addictives
- l’hospitalisation, qui débute souvent par une phase de
soins et de restauration narcissique. Elle doit se pour- - à un produit licite ou non ;
suivre par une prise en charge psychothérapeutique et/ou - à des conduites : médicaments, jeux vidéo, Internet,
familiale ; idéologie, personnes, conduites à risque.
- l’acceptation des soins. Leur investissement par le sujet
et son entourage dépend de la qualité d’articulation entre Troubles des conduites alimentaires
ces deux phases ; - anorexie ;
- une attention portée aux malentendus et aux déceptions - boulimie.
liés aux illusions de guérison magique et rapide ;
- les mots utilisés par les soignants, qui doivent avoir le Toc et phobies
même sens pour les patients, ce qui est loin d’être le cas - TOC (troubles obsessionnels compulsifs) : idées obsé-
dans les débuts de prise en charge. dantes, rituels et conduites de vérification, compulsifs,
À l’expérience, si l’élaboration du projet est initiée préco- perfectionnisme apaisant ;
cement et collectivement, l’adhésion aux soins est alors - troubles anxieux, honte d’en parler ;
améliorée et facilite l’alliance thérapeutique avec les - cas particulier des phobies scolaires ;
familles. - angoisse de séparation.
Il y a une nécessité de s’extraire du quotidien et de prendre
du temps pour les régulations et les supervisions collec- Dépression et tentative de suicide
tives. C’est la condition pour éviter les passages à l’acte
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Problème de santé publique :
institutionnels des soignants et pour permettre un don de
- 40 000 TS par an, 3 fois plus chez les filles ;
sens aux passages à l’acte des adolescents.
- entre 11 et 14 ans, 6,5 % des adolescents ont fait au
Ces temps de réunion (synthèse, supervision clinique)
moins une TS ;
visent à établir une contenance supportable pour limiter
- 200 morts par an chez les 15-19 ans.
les réponses « en miroir » et contenir les débordements
de chacun (équipe ou adolescents). Un concept majeur est
Troubles bipolaires et schizophrénie
ici à souligner : la sécurité psychique. Pour la réaliser, il
convient d’éviter le maternage inapproprié et les exigences Bouffée délirante aiguë
excessives.
Les réponses thérapeutiques doivent être souples et États limites
modulables pour éviter le risque de découragement face - point de controverse parmi les psychiatres : ni névrose,
aux mises en échec liées à la gravité des pathologies. Le ni psychose, ni instabilité, polymorphisme des symptômes,
découragement amène à l’abandon de certains patients ou ni normal ni pathologique ;
au rejet culpabilisé du patient par les soignants. - addictions et passages à l’acte ;
La cause en est l’inadéquation du projet thérapeutique aux - recours au déni et au clivage sans délire ;
capacités réelles du patient, eu égard à sa pathologie, d’où - les symptômes de l’état limite sont une assez bonne
la nécessité de constamment réajuster les projets. description de l’adolescence normale.

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Comorbidité fréquente Tolérante


Une notion aussi controversée, du fait de l’évolutivité des L’adolescent provoque l’institution par la mise en acte des
troubles à l’adolescence et de la diversité des registres conflits.
(névrose, psychose, perversion, psychosomatique) retrou- La capacité de l’institution à supporter ces provocations
vées dans l’expression du mal-être à cet âge. peut désamorcer ces processus d’escalade dans le cycle
agression-répression.
Indications de placement institutionnel Contenante
(D. Marcelli) Permanence et organisation stable permettent l’expression
des besoins à l’intérieur des limites.
Recours face aux situations en impasse Les situations d’urgence
Se servir de la réalité d’une séparation concrète de Consultations, VAD, hospitalisations aux urgences.
l’environnement permet d’engager un travail psychothéra- - menace suicidaire tangible ;
peutique au sens large. - bouffée délirante avec ou sans hallucinations (risque
Appel à l’aide de l’adolescent sur le mode d’une symp- suicidaire) ;
tomatologie médicale (crise de nerf, syncope, prise de - état mélancolique (risque suicidaire) ou de violences
drogue, TS). contre autrui.
Il n’est pas possible de signaler, en ambulatoire, une situa-
tion d’impasse par rapport au milieu habituel scolaire, Les indications d’hospitalisation
amical et/ou familial.
En dehors de l’urgence préférable que les soins en milieu
Constat d’une menace grave hospitalier interviennent après un suivi minimal en ambu-
latoire.
Sur la vie relationnelle/le monde intrapsychique de l’ado-
Nécessité que l’adolescent ait un minimum de temps
lescent, gestes suicidaires à répétition, escalade dans la
pour comprendre l’intérêt et participer à la définition des
délinquance, toxicomanie, apparition d’hallucination ou
objectifs.
délire.
Son acceptation est garante d’une plus grande coopération
Risque de rupture relationnelle brutale/totale et un séjour plus profitable que sous contrainte.
avec l’entourage du sujet Indications préférentielles :
- état de désorganisation psychotique aiguë comme la
La recherche de rupture chez l’adolescent coexiste avec un
bouffée délirante ;
souhait profond et intense de maintien du lien, même sous
- dépressions sévères ;
la forme d’une révolte.
- anorexie, dénutrition avec risque vital ;
« Ce qui compte, c’est que le défi de l’adolescent soit
- troubles du comportement (seulement si durée limitée) ;
rencontré », sinon confrontation au vide avec un risque
- hospitalisation intégrée dans un projet à long terme ;
grave de dépression.
- à partir de 15 ans et 3 mois, l’hospitalisation peut avoir
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Prévention des troubles graves du comportement lieu en service adulte. Elle doit être de courte durée.
Adolescents dont les conditions de vie sont compromises en
Les intérêts et l’objectif de l’hospitalisation
raison d’un environnement familial et social défectueux.
1) Assurer une protection maximale empêchant l’adoles-
Fonctions de l’institution cent de se mettre en danger.
L’équipe et les soins permettent la restauration d’un
Substitutivé équilibre et d’une sécurité intérieure, la reprise des
L’ensemble institutionnel représente un substitut parental. liens relationnels, d’activités, à un rythme adapté à ses
L’adolescent projette ses images parentales : l’une idéa- possibilités.
liste, l’autre agresseur, l’autre aimé… 2) Constituer une expérience de vie à distance du milieu
habituel.
Médiatrice Séparé de ses proches, l’adolescent se trouve d’autres
Entre adolescents et monde adulte. jeunes et d’autres adultes avec qui ébaucher des relations
nouvelles. L’hospitalisation n’est pas un isolement. Elle
Protectrice vise l’aménagement d’un environnement différent où
L’adolescent trouve un répit à ses conflits et une aide l’adolescent est laissé relativement libre de ses initiatives
chaleureuse. si elles sont constructives.

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Séminaire de formation médicale continue
3) Réaliser des entretiens rapprochés. - logement adapté ;
Un traitement psychotrope adapté après bilan, en modu- - accompagnement social ;
lant la prise de médicaments, en surveillant la tolérance/ - protection juridique ;
l’efficacité du médicament. - reprise d’activité scolaire ou professionnelle.
4) Durée variable
- de quelques jours à quelques semaines : épisode
Ce texte a été rédigé par le docteur Patrick Ayoun. Il
dépressif ;
reprend la conférence d’un séminaire FMC du 4 octobre
- de trois à six mois : anorexie grave ;
2007 aux 26es Journées de la Société de l’Information
- un an : troubles psychotiques chroniques et sévères ;
Psychiatrique à Strasbourg, animée par lui-même et par
- trois semaines pour les « crises » pour éviter désocialisa-
le docteur Pierre FARAGGI (praticien hospitalier, respon-
tion et déscolarisation.
sable de psychiatrie générale, Bordeaux rive droite et
5) Sorties d’hospitalisation avec la famille (préconisation
Entre-Deux-Mers, au CH de Cadillac).
Unafam)
Plan d’accompagnement en six points :
- continuité des soins ; Les références des préconisations sont sur les sites du
- ressources ; ministère de la Santé et de la Haute Autorité de la Santé.
© John Libbey Eurotext | Téléchargé le 10/12/2020 sur www.cairn.info (IP: 194.3.29.27)

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