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RÉSU M É
Dans cette étude, les auteurs examinent la capacité des enfants à évoquer
l’expression faciale des émotions en portant une attention particulière à la vraisem-
blance des expressions. Les expressions faciales évoquées par des enfants âgés entre 5
et 10 ans sont évaluées par un groupe de 25 observateurs adultes relativement à la
catégorie de l’émotion encodée et à la vraisemblance des expressions. Les résultats
indiquent que les filles évoquent mieux la joie et la tristesse que la colère et la peur et
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SUM M ARY
Posed facial expressions (happiness, anger, sadness and fear) produced by chil-
dren aged between 5 and 10 years were shown to 25 adult participants who rated the
verisimilitude of the portrayed emotions. Girls posed happiness and sadness more
accurately than anger and fear while boys posed happiness more accurately than other
emotions. Boys were less accurate than girls in portraying sadness, but more accurate
than girls in portraying anger.
Key-words : Emotion, Facial expression, Voluntary control.
nous prédisons que les enfants de sexe masculin évoqueront mieux la colère
que les enfants de sexe féminin et qu’un patron de performance inverse sera
observé dans le cas de la peur et de la tristesse.
MÉTHODE
Participants
Matériel
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s’amusait avec un jouet, qu’un autre enfant lui enlevait soudainement son
jouet et qu’il était fâché. L’expérimentateur lui demandait ensuite de faire
un visage qui montrerait à l’autre enfant qu’il était fâché. Pour l’évocation
de la peur, l’enfant devait s’imaginer qu’il marchait dans la rue en com-
pagnie de son père et qu’un grand chien méchant approchait de lui. Il
devait ensuite faire un visage qui montrerait à son père qu’il avait peur.
Les quatre premiers essais servaient de pratique et visaient à faire com-
prendre à l’enfant qu’il devait produire des expressions émotionnelles
vraisemblables. Ils étaient suivis de 12 autres essais (3 essais par émotion) au
cours desquels il devait évoquer l’une des quatre émotions dans un ordre
aléatoire. Seul le nom de l’émotion était mentionné ; les histoires n’étaient
pas relues. Par exemple, pour l’évocation de la joie, les instructions étaient
les suivantes : « Montre avec ton visage que tu es fâché. » L’enfant recevait
aussi la consigne de ne pas bouger la tête, ni les yeux et de ne pas changer de
position au moment où il évoquait l’expression de l’émotion.
Pour les fins de la présente étude, nous avons sélectionné au hasard trois
productions faciales pour chaque groupe d’âge (5-6, 7-8 et 9-10 ans), chaque
sexe et chaque émotion (joie, peur, colère et tristesse). Afin d’éviter que les
expressions d’un même enfant ne soient surreprésentées, le matériel ne pou-
vait contenir plus de deux expressions du même enfant. Les 72 extraits vidéo
ont ensuite été enregistrés sur deux cassettes différentes, chacune compre-
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Procédure
L’évaluation faite par les observateurs se déroule sur une base indivi-
duelle. Chaque participant est invité à s’asseoir face à un téléviseur, à une
distance d’environ 60 cm de celui-ci. Une expérimentatrice explique au par-
ticipant qu’il devra visionner des extraits vidéo d’enfants qui font des
expressions faciales et qu’il devra, s’il y a lieu, identifier la ou les émotions
qui sont exprimées par l’enfant. Le participant visionne une seule des deux
cassettes vidéo et répond à un maximum de trois questions après chaque
extrait. Le participant doit d’abord déterminer si le visage de l’enfant
exprime ou non une émotion. S’il juge qu’aucune émotion n’est exprimée, il
attend la présentation de l’extrait vidéo suivant. S’il juge qu’une émotion
est exprimée, il doit préciser laquelle parmi les onze choix proposés : la joie,
dégoût, surprise, intérêt, peur, mépris, tristesse, colère, honte et culpabilité
et autre. S’il choisit cette dernière option, il doit inscrire le terme émotion-
nel qui lui vient à l’esprit. L’ordre dans lequel les termes émotionnels sont
présentés est déterminé par une procédure de choix aléatoire et deux
séquences différentes sont préparées. Enfin, la troisième question vise à éva-
LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉVOCATION DES ÉMOTIONS 139
RÉSULTATS
Joie Colère
100 100
P o u rc e n ta g e
P o u rc e n ta g e
80 80
60 60
40 40
20 20
0 0
5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans 5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans
Âge Âge
Tristesse Peur
100 100
P o u rc e n ta g e
P o u rc e n ta g e
80 80
60 60
40 40
20 20
0 0
5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans 5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans
Âge Âge Filles
Garçons
En dernier lieu, le test des effets simples pour le facteur sexe indique que
la joie est mieux évoquée par les filles que par les garçons chez le groupe de
5-6 ans, mais que l’inverse se produit chez le groupe de 9-10 ans. Les gar-
çons évoquent mieux la colère que les filles, mais seulement à l’âge de 9-
10 ans. De son côté, la tristesse est mieux évoquée par les filles, indépen-
damment de l’âge. Enfin, les garçons évoquent mieux la peur que les filles à
l’âge de 5-6 ans, mais moins bien qu’elles à 7-8 ans.
Joie Colère
3 3
2 2
Sc o re s
Sc ore s
1 1
0 0
5-6 ans 7-8 ans 9-10ans 5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans
Âge Âge
Tristesse Peur
3 3
2
Sc o re s
2
Sc ore s
1 1
0 0
5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans 5-6 ans 7-8 ans 9-10 ans
Âge Âge Filles
Garçons
DISCUSSION
qu’une émotion est ressentie alors qu’elle ne l’est pas, il importe que
l’enfant puisse évoquer l’expression de l’émotion avec vraisemblance. Les
études antérieures ont révélé que les enfants d’âge scolaire parviennent à
encoder la catégorie de la plupart des émotions fondamentales. Toutefois, à
notre connaissance, aucune de ces études n’a porté une attention particu-
lière au degré de vraisemblance ou d’authenticité des expressions évoquées
par les enfants.
L’aptitude à évoquer de façon vraisemblable l’expression faciale d’une
émotion suppose d’abord que l’expression produite fasse au moins penser à
l’émotion ciblée. Notre examen de cette question indique que les observa-
teurs adultes parviennent à reconnaître la catégorie de l’émotion et, ce, mal-
gré le fait que le choix des réponses offert aux observateurs était considéra-
blement plus vaste que celui offert dans les études antérieures. En effet, les
participants de cette étude avaient d’abord l’option de répondre qu’aucune
émotion n’était exprimée et, lorsqu’ils estimaient qu’une émotion était
exprimée, ils avaient le choix entre onze catégories émotionnelles.
Les niveaux de reconnaissance de la catégorie de l’émotion que nous
avons obtenus sont plus faibles que ceux rapportés dans les études antérieu-
res (Brown, 1994 ; Field & Walden, 1982 ; Odom & Lemond, 1972 ; Shields
& Padawer, 1984 ; Zuckerman & Przewuzman, 1979), particulièrement
pour les expressions de la colère et de la peur. Cette constatation est en soi
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sant signal qui communique les besoins de l’enfant et qui induit chez les
parents, ou les personnes qui en ont la charge, des comportements permet-
tant la satisfaction des besoins (Izard, 1991). Il est probable que les enfants
deviennent conscients de cette relation contingente et qu’ils en viennent
occasionnellement à évoquer la tristesse pour obtenir ce qu’ils désirent
lorsque leurs demandes se heurtent au refus de l’adulte. Blurton-Jones
(1967) rapporte à ce sujet que les enfants dès trois ans montrent plus de
signes de détresse après s’être blessés en présence des personnes qui en ont
la charge qu’en leur absence. Cette observation suggère que les enfants
amplifient l’expression de leur détresse dans le but d’obtenir du réconfort.
Il est plausible que l’évocation soit une autre stratégie que les enfants ajou-
tent plus tardivement à leur répertoire pour exercer un certain contrôle sur
leur environnement social.
En second lieu, l’évocation de la tristesse pourrait jouer un rôle dans le
déclenchement des réponses d’empathie. Bien que l’empathie soit habituel-
lement conceptualisée par les théoriciens comme une réponse émotionnelle
(Eisenberg & Fabes, 1998), cela n’exclut nullement qu’elle puisse comporter
des composantes volontaires. Nous avançons l’hypothèse que l’évocation de
la tristesse pourrait être l’un des mécanismes permettant à l’enfant de pro-
voquer en lui-même cette émotion lorsqu’il est exposé à la détresse d’autrui.
Cette hypothèse s’appuie sur la théorie de la rétroaction faciale (Izard,
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