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17/10/2022 13:55 Le Sénat vole au secours du patrimoine religieux en péril

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Le Sénat vole au secours du patrimoine religieux


en péril

Par Claire Bommelaer
Publié le 07/07/2022 à 18:41,
Mis à jour le 08/07/2022 à 16:24

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La chapelle du prieuré des Moulineaux (XIIe siècle) à Poigny-la-Forêt, près de Rambouillet. Marie Briand-
Locu/PHOTOPQR/LE PARISIEN/MAXPPP

DÉCRYPTAGE - Un rapport parlementaire soulève la question du


devenir des églises communales. 2500 à 5000 d’entre elles, qui sont
fermées, risquent l’abandon ou la destruction. Les élus réclament un
inventaire précis, et plaident pour que l’on aide les maires.

Il ne s’agit pas d’une catastrophe, mais plutôt d’un désastre annoncé. Selon un
rapport sénatorial sur l’état du patrimoine religieux en France, ce dernier souffrirait
d’un déficit d’entretien ou d’un entretien trop irrégulier. Or, qui dit manque d’entretien
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dit, à terme, trous dans la toiture, charpentes mangées aux insectes ou décors
infiltrés d’eau. Sans parler des factures qui grimpent, les gros travaux coûtant
toujours plus que le petit entretien. «Les édifices protégés sont en meilleur état que
ceux qui ne le sont pas», nuancent Pierre Ouzoulias (Hauts-de-Seine, CRCE) et
Anne Ventalon (Ardèche, LR) Tous sont par ailleurs plus dégradés en milieu rural
qu’en milieu urbain, et les parties intérieures sont davantage négligées.»

Selon l’Observatoire du patrimoine religieux (OPR), il y aurait 100.000 lieux de culte


en France, en activité ou non. 45.000 d’entre eux, principalement des églises, sont la
propriété de communes, lesquelles peuvent être très petites. «Le risque d’abandon
d’une partie des édifices non protégés hors des grandes villes constitue un vrai défi,
notamment pour les territoires ruraux», martèlent les sénateurs. Les chiffres avancés
par le rapport sont un peu flottants, le dernier inventaire précis datant de 1985, ce que
les sénateurs dénoncent.

Déchristianisation
Les menaces qui pèsent sur ce patrimoine religieux sont connues. Mises bout à bout,
elles forment un paysage inextricable pour leur sauvegarde. Au premier chef,
viennent la perte de pratique croissante des Français et la désertification des
campagnes, qui ont pour conséquence de vider les églises. S’y ajoutent les
contraintes budgétaires accrues des communes et enfin le développement des
intercommunalités, ou des relations parfois conflictuelles entre le curé affectataire et
les maires. «Les édifices aujourd’hui fermés et dans lesquels le culte n’est plus
célébré sont menacés d’être abandonnés, vendus ou détruits», affirment-ils. Le
risque, selon eux, est moins qu’ils passent aux mains de propriétaires privés qu’ils ne
soient plus entretenus, au point de rendre leur démolition inéluctable. Le danger
guette particulièrement les bâtiments de qualité médiocre ou dont la valeur
architecturale est moins prisée, à l’instar des plus récents, construit parfois en béton.
«Il ne faudra pas que dans cinquante ans on regrette de ne pas avoir pris soin des
églises du XXe siècle», résume Pierre Ouzoulias.

Selon l’OPR, entre 2500 et 5000 édifices, parce que vides, seraient menacés
d’abandon, ou de suppression pure et simple. Pour l’instant, les destructions sont très
résiduelles, ne serait-ce que parce que les habitants se dressent contre cette idée,
même s’ils ne fréquentent aucune paroisse. Et que la Conférence des évêques de
France fait tout pour éviter cela, quitte à faire tourner les curés sur un nombre
incalculable de paroisses. En 2019, Rouen avait lancé un appel à projet pour quatre

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de ses églises fermées, Saint-Pierre-du-Châtel, Saint-Nicaise, Sainte-Croix-des-


Pelletiers, Saint-Paul, en laissant la possibilité de les transformer en espace de
coworking ou en brasserie. Les quatre étaient cependant désacralisées, et les projets
n’ont pas encore abouti.

Aujourd’hui, de multiples sources de financements existent, qui peuvent être


mobilisées pour les restaurations. Outre les éventuelles subventions publiques, le loto
du patrimoine, instauré depuis 2018, la générosité publique et le mécénat peuvent
aider les maires à payer leurs factures. Mais ces derniers ne savent pas toujours à
qui s’adresser, et n’ont pas toujours un responsable administratif capable de monter
des dossiers. «Le déficit d’ingénierie des petites communes apparaît comme un frein,
et nombre de maires ont réclamé un guichet unique pour les aides», affirment les
deux sénateurs.

Manque de moyens humains


Conduire un chantier est par ailleurs un travail en soi. En dehors de la Bretagne, les
services de l’État ne sont pas en mesure d’assurer une assistance à maîtrise
d’ouvrage (AMO), et les départements et régions n’offrent pas tous cette compétence.
«Même s’il n’est pas utile de modifier la loi de 1905 (qui consacre la séparation de
l’Église et de l’État, NDLR) ni la répartition des compétences en matière de politiques
patrimoniales, il faut parvenir à mettre sur pied un système d’aide à maîtrise
d’ouvrage», insistent-ils.

Plus on s’intéresse à un patrimoine, plus il revêt de l’intérêt aux yeux de tous. Et ce


n’est qu’en permettant à ces édifices de redevenir «signifiants et utiles» pour une part
importante de la population que leur sauvegarde pourra être garantie. Or, la mise en
valeur des édifices cultuels, ainsi que des trésors artistiques qu’ils recèlent parfois,
n’est pas toujours à la hauteur. Les sénateurs insistent pour que les communes
mettent en place un système permettant d’ouvrir aux visites, en recourant au
gardiennage ou à des bénévoles. C’est une condition de sa préservation, leur ont
signalé les architectes du patrimoine qu’ils ont auditionnés: ouvrir assure la
ventilation, garantit un contrôle régulier de l’état du bâtiment et rend possible les
visites. Cette solution est expérimentée, ici où là, notamment dans la Meuse avec le
projet des «jeunes ambassadeurs du patrimoine». Elle se heurte, toute fois au
manque de moyens humains.

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«Le potentiel économique et touristique du patrimoine religieux reste encore


insuffisamment exploité», regrettent encore les deux élus. Pour cela, ces derniers
estiment qu’il faut favoriser «l’usage partagé des édifices cultuels» en clarifiant, par
des conventions types, les relations entre le maire, le curé affectataire et le diocèse.
Parfois, la guerre entre les élus et les curés demeure vivace, et les sénateurs
appellent à la dépasser, au nom de la sauvegarde du patrimoine religieux et de celle
de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs. «Si tout le monde est
d’accord, certaines églises pourraient être transformées en maisons communes,
chacune se partageant les espaces. Les activités pourraient donner lieu au paiement
d’une redevance domaniale, divisée entre le propriétaire et l’affectataire» calculent-ils,
en affirmant que la Conférence des évêques de France y voit une opportunité pour
maintenir ce patrimoine vivant.

Dans l’immédiat, les sénateurs plaident pour en dresser un état des lieux: «Il faut
lancer une opération nationale d’inventaire du patrimoine religieux et une
cartographie précise sur l’ensemble du territoire, à l’horizon 2030. Sinon, les églises
non protégées disparaîtront progressivement, dans l’indifférence générale»,
concluent-ils.

Leur église, leur bataille


Thierry Convert, maire de Poigny-la-Forêt (983 habitants, Yvelines): «Le
patrimoine est là, il faut s’en occuper»

Outre l’église Saint-Pierre, datant du XIIe siècle, la commune possède la chapelle


prieuré des Moulineaux, situé en pleine forêt de Rambouillet. Si, au Moyen Âge, il
appartenait à une communauté monastique de l’ordre des Grandmonts, aujourd’hui, il
est couvert de lierre. «Il était à l’abandon depuis 2008, et la commune l’a acquis en
2016, pour le sauver de la ruine», se rappelle le maire. Depuis, ce dernier consacre
une énergie conséquente pour trouver des fonds pour ce prieuré, qui est inscrit à
l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques et constitue une découverte
pour les promeneurs. «Les dossiers de subventions sont délicats et longs à monter. Il
a fallu d’abord faire venir l’architecte des bâtiments de France, pour qu’il établisse un
diagnostic de la chapelle. Des fouilles préventives ont été conduites, à trois reprises,
ce qui a pris du temps», raconte Thierry Convert. Un dossier de subventions a été
monté pour le département, ainsi qu’un autre pour la région Île-de-France. Lesquels
semblent se montrer du côté du patrimoine et de son maintien et ont aidé Poigny-la-
Forêt.
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Sur place, l’association Sauvons les Moulineaux, qui compte 200 membres, joue
aussi un rôle d’aiguillon. Elle fait parfois venir des artistes pour animer le lieu, et
l’ouvre aux visites lors des Journées du patrimoine pour que chacun puisse
comprendre l’intérêt du soutien du village à la chapelle. Grâce à cette mobilisation, et
à l’ouverture d’une souscription à la Fondation du patrimoine, pour 60.000 euros, les
dons arrivent régulièrement. «Les pratiquants se mobilisent pour l’un des derniers
témoignages de cet ordre monastique. Les autres, au nom de l’histoire ou de
l’architecture, ont fini par s’approprier cet espace», poursuit-il. Au départ un peu
réticent face au projet, le conseil municipal a lui aussi fini par suivre le maire, et les
travaux devraient démarrer à l’automne. «Qu’on aime le patrimoine ou pas, il est là et
il faut s’en occuper», juge-t-il.

Loïse Vermeulen, maire de Piencourt (165 habitants, Eure): «Il faut savoir se
débrouiller pour obtenir de l’aide»

Au XIXe siècle, Piencourt accueillait plus 700 habitants, qui fréquentaient assidûment
l’église Saint-Saturnin. Deux siècles plus tard, l’église ouvre quatre ou cinq fois par
an, dont les 11 novembre et le deuxième week-end de juillet pour la fête communale.
«Le reste du temps, l’édifice est fermé, car nous voulons le protéger des vols»,
indique la maire. Datant des XIIe et XVIIe siècles, l’église Saint-Saturnin est une
vieille dame. Le prédécesseur de Loïse Vermeulen avait lancé la restauration de la
toiture principale, très dégradée. «Lors de la première réunion de chantier, l’architecte
des bâtiments de France nous a dit que le clocher était lui aussi en danger, et que
cela ne pouvait plus attendre», se souvient la maire. Résultat, entre la reprise du toit
et celle du clocher, la commune se retrouve avec un devis de 145.000 euros sur les
bras.

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L’église Saint-Saturnin à Piencourt (XIIe et XVIIe siècles) dans l’Eure. Henk van Gaal/Wikimedia Commons

«Dans ce cas, il faut se débrouiller pour monter des dossiers et frapper à toutes les
portes», explique-t-elle. Munie des devis, la maire va se tourner vers l’État, le
département, la Fondation du patrimoine et la Sauvegarde de l’art français. Elle
témoigne lors des assises du Patrimoine normand, distribue des prospectus dans les
boîtes aux lettres, agite la question quand elle le peut. Elle songe parfois à ces petits
maires qui maîtrisent mal internet ou n’aiment pas la paperasserie: pour eux,
explique-t-elle, tout cela n’est pas très facile à faire aboutir. À force, elle décroche des
subventions et des dons, et va réussir à sauver le toit et le clocher. «Je ne suis pas
baptisée, mais il s’agit de maintenir un patrimoine communal auquel les gens sont
attachés», dit-elle.

À VOIR AUSSI - Stéphane Bern regrette que le patrimoine religieux ne soit «plus un
enjeu électoral»

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