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Cours Mario Dehove – INSTITUTIONS ET THÉORIE DE LA MONNAIE – Septembre 2001

Chapitre 6

Le marché monétaire

Le marché financier est le lieu sur lequel sont émis et s’échangent les titres à court et très court

terme. Il s’oppose au marché financier spécialisé dans les capitaux dont la durée est longue,

supérieure à sept ans. Le marché monétaire est le marché de la liquidité.

Pendant longtemps, le marché monétaire français a été réservé aux banques et à quelques

établissements non bancaires dont les activités les amenaient à disposer de grandes masses de

liquidités et qui étaient de ce fait autorisés à intervenir sur le marché monétaire (les ENBAM qui
étaient

essentiellement institutionnels). Depuis le début des années quatre-vingt et la déréglementation

financière, le marché monétaire est ouvert aux agents non financiers qui peuvent y intervenir en

achetant ou en vendant des titres de créances négociables (TCN). Il existe donc désormais deux

compartiments du marché monétaire :

− le marché monétaire au sens étroit, ou marché interbancaire, sur lequel les banques échangent

des liquidités et la banque centrale exerce sa fonction de régulation monétaire ;

− le marché monétaire, au sens large, incluant les transactions sur les TCN avec les agents non

financiers.

1. Le marché interbancaire

Le marché interbancaire a trois fonctions :

a) la redistribution entre les banques elles-mêmes de leurs déficits et excédents de liquidités ;

b) les ajustements des structures de trésorerie entre les banques ;

c) la régulation de la liquidité bancaire par la banque centrale.

a) La redistribution entre les banques elles-mêmes de leurs déficits et excédents de liquidités

Nous avons vu, lorsque nous avons étudié les mécanismes microéconomiques de la création

monétaire, que lorsqu’une banque distribuait du crédit ex nihilo, une partie de la monnaie qu’elle
créait

s’échappait de son « circuit » (la « fuite » hors de son réseau) pour être captée par les autres
banques

sous forme de nouveaux dépôts. La banque à l’origine de la création monétaire accroît donc ses

besoins de liquidités et allège ceux des autres banques.


Sur l’ensemble d’une période donnée et compte tenu de la distribution de crédits de chaque banque

et de sa collecte de dépôts, il existe des banques qui éprouvent des besoins de liquidités (à la marge,

elles ont distribué plus de crédit qu’elles n’ont collecté de nouveaux de dépôts) et des banques qui
ont

des liquidités en excédent (à la marge, elles ont distribué moins de crédits qu’elles n’ont collecté de

nouveaux dépôts).

Comme les liquidités déposées à la banque centrale ne rapportent aucun intérêt ou un intérêt

faible, les secondes ont souvent intérêt à prêter aux premières les liquidités en excédent qu’elles

détiennent contre paiement d’un intérêt. Le taux de ces intérêts est le taux interbancaire.

Ce premier équilibrage du marché de la liquidité par les transactions monétaires entre les banques

ne saurait être complet puisque l’ensemble des banques prises comme un tout éprouvent des
besoins

ou disposent d’excédents globaux de liquidités, selon l’évolution des facteurs de la liquidité bancaire.

b) Les ajustements de trésorerie entre les banques

Nous avons vu (fonction des intermédiaires financiers) que la fonction d’intermédiaire financier

exposait structurellement les banques à certains risques : risque de taux, risque de change, risque de

liquidité.

Pour limiter ces risques, les banques peuvent procéder entre elles à des opérations d’échanges

– éventuellement temporaires – d’actifs sur le marché monétaire.

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Par exemple, si la banque A a distribué un crédit à long terme (à taux fixe) de 100 adossé à une

ressource à court terme de 100, elle court un risque de taux (si le taux à court terme augmente, la

banque perd de l’argent).

S’il existe une banque B, au contraire, qui dispose d’un dépôt à long terme à taux fixe qu’elle a

utilisé au financement d’un crédit à court terme à taux variable (avance de trésorerie à une
entreprise),

elle court le risque de taux inverse de la banque A (si le taux à court terme baisse, la banque perd de

l’argent).

Les banques peuvent annuler réciproquement ce risque en procédant sur le marché monétaire à un

prêt croisé.

c) La régulation de la liquidité bancaire par la Banque centrale


On a vu qu’à cause de la transformation des dépôts en billets, et à cause des réserves obligatoires,

les banques souffraient chroniquement d’un manque de liquidités. Il s’agit des banques dans leur

ensemble, et compte tenu aussi des apports du Trésor et de l’extérieur (cf. la partie relative aux

facteurs de la liquidité bancaire).

C’est le rôle de la banque centrale de régler l’alimentation en liquidités du circuit bancaire, en

fonction de certains objectifs (de prix, de taux d’intérêt, de taux de change, de chômage…) et avec

certains instruments. Elle le fait sur le marché monétaire, et plus précisément, compte tenu des

définitions précédentes relatives aux compartiments du marché monétaire, sur le marché


interbancaire.

1.1 Les intervenants

Le marché monétaire n’a pas de localisation précise, les transactions se font par les moyens de

télécommunications, télex, téléphone, et de plus en plus désormais informatiques.

1.1.1 Les intervenants

L’accès au marché monétaire est réglementé par le Comité de la réglementation bancaire. Les

principaux intervenants sont :

− les établissements de crédit, certains (les banques AFB) de ces établissements de crédit sont

structurellement emprunteurs, d’autres sont structurellement prêteurs (Crédit agricole) ;

− le Trésor public qui est, en général, un emprunteur structurel en raison des déficits chroniques

du budget de l’État ;

− la CDC est un prêteur structurel à cause des liquidités collectées par les Caisses d’Épargne qui

lui sont rétrocédées (cf. infra) et de l’obligation qui lui est faite de respecter un ratio de liquidité

afin de toujours pouvoir faire face à une demande de conversion exceptionnelle de dépôts en

billets ;

− la Banque de France, qui intervient pour le compte de la Banque centrale européenne, afin de

réguler la liquidité bancaire en vue des objectifs fixés par le traité de Maastricht.

1.1.2 Les intermédiaires

Sur le marché interbancaire, deux types d’intermédiaires opèrent l’ajustement des offres aux

demandes :

− les « agents du marché interbancaire » (AMI), au nombre d’une trentaine. Ils ont succédé aux

maisons de courtage, sont rémunérés par des commissions payées par l’emprunteur et

n’assurent aucune garantie de bonne fin des opérations ;


− les organisateurs principaux du marché (OPM) constitués des maisons de réescompte (six), la

BFCE, la CDC et dix-huit grands établissements de crédit. Ils interviennent à leurs risques et

périls en leur nom propre en empruntant à certains établissements (en général à très court

terme) pour reprêter à d’autres établissements (en général à plus long terme) et se rémunèrent

par la différence des taux.

1.2 Le système des règlements

Pour être effective, l’intégration monétaire européenne devait reposer sur un système de
transactions

sur le marché interbancaire offrant de façon sûre la possibilité d’opérer instantanément les

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échanges de liquidités bilatéraux souhaités par toutes les banques de la zone, quelle que soit leur

localisation. C’était à cette condition que le taux d’intérêt pouvait être unique et qu’il pouvait refléter
le

mieux possible l’état de liquidité de l’ensemble des banques appartenant au système Euro. C’est à

cette fin qu’a été mis en place dans l’ensemble de la zone un système de paiement en euros. Appelé

TARGET (Trans-european Automated Real-time Gross settlement Express Transfer, ou système de

transferts express automatisés transeuropéens à règlement brut en temps réel), ce système se

compose :

− de quinze systèmes nationaux de Règlement Brut en Temps Réel (RBTR) (Real Time Gross

Settlement ou RTGS en anglais) ; en France, ce système est le TBF (Transfert Banque de

France) ;

− d’une interconnexion entre ces systèmes par le biais d’une plate-forme unique pour les

paiements transfrontière ;

− d’un mécanisme de paiement de chaque système national avec la BCE.

Ce système est principalement destiné aux opérations de politique monétaire et aux transactions

interbancaires de « gros » (montants élevés). Il peut aussi être utilisé pour les paiements de la
clientèle

et les transactions transfrontière de faible montant.

Sa principale caractéristique est de traiter chaque opération séparément, successivement et

instantanément – d’où sa dénomination de règlement brut en temps réel – c’est-à-dire de n’opérer


ni
accumulation de dettes pendant une période donnée, ni consolidation entre des paiements de sens

opposés sur une même période (par exemple, en fin de journée, la banque A règle à la banque B la

différence entre les dettes de A à l’égard de B et les créances de A sur B accumulées pendant toute la

journée), comme un système de règlement net le ferait.

Ce système est plus sûr puisqu’il permet de détecter instantanément, au premier défaut de

règlement, les établissements qui ne peuvent pas faire face à leurs obligations interbancaires, mais il

oblige les banques à détenir un montant de liquidités plus élevé.

1.3 Les quatre compartiments principaux du marché interbancaire

On distingue quatre compartiments principaux du marché monétaire : le marché en blanc, le

marché de la pension, le marché des instruments dérivés, le marché des TCN.

• Le marché en blanc est un marché d’échange de la liquidité sur lequel les transactions se font

sans garantie. C’est sur ce marché que les taux EONIA et EURIBOR (cf. infra) sont calculés. Le

marché en blanc est un marché de très court terme (85 % des volumes sont au jour le jour).

• Le marché de la pension recouvre les opérations de prêts et emprunts contre remise de garantie. Il

est plus sûr que le marché en blanc mais à cause des formalités qu’il exige, il est plus coûteux et

moins rapide.

• Le marché des produits dérivés de taux (cf. supra) est un marché d’arbitrage, de couverture et de

spéculation. Le marché des swaps de taux d’intérêt bénéficie également, au titre du ratio de

solvabilité, d’un taux d’immobilisation de fonds propres favorable. C’est pour cette raison que ce

marché est devenu, en termes de volumes traités, le premier compartiment du marché monétaire

de la zone euro.

1.4 Les taux d’intérêt sur le marché interbancaire

Le taux d’intérêt appliqué à chaque transaction interbancaire sur des liquidités dépend des titres qui

servent de support à l’opération et de la durée du prêt de liquidité correspondant. Il y a donc autant


de

taux d’intérêt que de types de transactions bilatérales.

Néanmoins, sont calculés par les autorités monétaires et les organismes performants des taux

d’intérêt interbancaires globaux à partir de ces taux microéconomiques individuels afin d’évaluer et
de

suivre l’état de tension du marché de la liquidité bancaire. Il en existe deux principaux :

− EONIA (Euro Overnight Index Average, en français TEMPÉ, taux européen moyen pondéré au

jour le jour en euros) est un indicateur du taux d’intérêt des prêts au jour le jour entre les
banques. Il prolonge le TMP (taux moyen pondéré) des opérations interbancaires calculé

jusqu’en 1998 par la Banque de France. Précisément, EONIA est la moyenne pondérée des

taux d’intérêt des prêts au jour le jour en blanc déclarés par un panel d’établissements de crédit

de premier plan de la zone euro.

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− EURIBOR (European Interbank Offered Rate, en français TIBEUR, taux interbancaire offert en

euros) est un indicateur du taux d’intérêt des prêts pour différentes échéances mensuelles,

jusqu’à un an, entre les banques. Il prolonge le PIBOR (TIOP en français, taux interbancaire

offert à Paris), qui était calculé par l’AFB avant le lancement de l’euro. EURIBOR est calculé par

l’Association cambiste internationale (ACI) et la Fédération bancaire européenne, selon les

mêmes principes qu’EONIA. C’est sur EURIBOR que sont en général indexées les émissions

obligataires à taux variable.

2. Les instruments de la politique monétaire du SEBC 1

Pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés par le traité, le SEBC dispose de trois séries

d’instruments de politique monétaire : l’open market, les facilités permanentes et les réserves

obligatoires. À chacun de ces instruments sont associées des « contreparties éligibles », les
intermédiaires

auxquels peuvent s’appliquer directement ces instruments.

2.1 Les contreparties éligibles

Afin de respecter l’égalité de traitement des établissements dans la zone euro et de s’assurer que

les intermédiaires financiers avec lesquels elle contracte remplissent certaines exigences de nature

prudentielle et opérationnelle, le SEBC a établi des critères d’éligibilité à ses opérations monétaires,

les établissements satisfaisant à ces critères sont appelés « contreparties éligibles ». Leur nombre se

situe entre 8.000 et 9.000.

Pour les opérations fermes aucune restriction n’a été posée. Pour les facilités permanentes et les

opérations d’open market effectuées par voies d’appel d’offres normaux, seuls les établissements

assujettis à la constitution de réserves sont éligibles. Ils doivent présenter une situation financière

n’appelant pas de réserves et dans le cas général être assujettis à une des formes de surveillance

harmonisée au niveau de l’Union (deuxième directive de coordination bancaire 89/646/CEE du


Journal
officiel des Communautés européennes, n° L386 du 30 décembre 1989). Pour les opérations fermes,
il

n’existe pas de limitation. Pour les opérations d’échanges de devises les appels d’offres rapides et les

opérations bilatérales, ne sont éligibles pour l’essentiel que les établissements étant en mesure de

mener des opérations de volume important.

2.2 Les opérations d’open market

Ces opérations jouent un rôle décisif pour le réglage de la liquidité bancaire, la détermination des

taux d’intérêt et la fixation des orientations de la politique monétaire que le SEBC souhaite donner au

marché.

2.2.1 Les instruments

Pour ces opérations, le SEBC dispose de cinq types d’instruments : les opérations de cession

temporaire (sous forme de pensions ou de prêts garantis) qui constituent le moyen d’intervention le

plus utilisé, les opérations fermes, l’émission de certificats de dette, les opérations d’échange de

devises et enfin les reprises de liquidités en blanc.

• Les opérations de cession temporaire sont des opérations par lesquelles le SEBC achète ou vend

des actifs éligibles dans le cas d’accord de pension ou octroie des prêts garantis par des actifs

éligibles.

Dans le cas d’un accord de pension, la propriété de l’actif est transférée au créancier et les parties

prévoient de dénouer l’opération par une rétrocession inverse de l’actif au débiteur à une date

ultérieure.

Dans le cas d’un prêt garanti, une sûreté opposable est constituée sur l’actif qui demeure la

propriété du débiteur.

1 BCE, « La politique monétaire en phase III. Documentation générale sur les instruments et
procédures de la

politique monétaire du SEBC », septembre 1999.

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• Les opérations fermes sont des opérations par lesquelles le SEBC achète ou vend ferme sur le

marché des actifs éligibles. Elles impliquent le transfert de la pleine propriété du titre du vendeur à

l’acheteur sans, donc, qu’une opération inverse de rétrocession soit prévue.

• Les certificats de dette émis par le SEBC visent à créer ou accentuer un déficit de liquidités sur le

marché. Ils sont émis et détenus en compte courant auprès de dépositaires de titres de la zone
euro, et ils sont négociables sans aucune restriction. Ils peuvent être émis d’une façon régulière ou

irrégulière par voie d’appels d’offres normaux. Leur échéance est inférieure à douze mois.

• Les échanges de devises sont des échanges simultanés au comptant et à terme d’euro contre

devises (swap). Ils ne sont pas normalisés et sont effectués par voie d’appels d’offres rapides ou

de procédures bilatérales.

• Les reprises de liquidités en blanc sont des invitations faites aux contreparties éligibles par voie

d’appels d’offres rapides (éventuellement par procédures bilatérales) à placer des liquidités sous

forme de dépôts à terme rémunérés auprès de la BCN de l’État membre dans lequel la contrepartie

est établie pour une échéance et à un taux d’intérêt fixes. Ni la fréquence des opérations de

reprises des liquidités en blanc, ni la durée des dépôts ne sont normalisées.

La BCE décide du moment, du choix, des instruments et des modalités de leur mise en oeuvre.

2.2.2 Les catégories d’opérations

Selon les objectifs, la périodicité et les types de procédures utilisés, les opérations d’open market

peuvent être classées en quatre catégories.

• Les opérations principales de refinancement consistent en des opérations de cession temporaire

visant à fournir au marché des liquidités de manière régulière à une fréquence hebdomadaire pour

une échéance de deux semaines. Elles sont exécutées par les BCN par voie d’appels d’offres

normaux et constituent le principal canal de refinancement du secteur financier.

• Les opérations financières à plus long terme sont des opérations de cession temporaire permettant

de fournir des liquidités au marché à une fréquence mensuelle et une échéance de trois mois.

Elles ne sont pas destinées à fournir des « signaux » au marché en sorte que la BCE retient les

taux de soumission qui lui sont proposés par les contreparties.

• Les opérations de réglage visent à atténuer l’incidence des fluctuations imprévues de la liquidité

bancaire sur les taux d’intérêt. Elles sont en général réalisées par la mise en oeuvre d’appels

d’offres rapides ou de procédures bilatérales par les BCN.

• Les opérations structurelles sont destinées à ajuster la position structurelle du SEBC à l’égard du

secteur financier par émission de certificats de dette, des opérations de cession temporaire ou des

opérations de cession ferme.

2.3 Les facilités permanentes

Les facilités permanentes permettent au SEBC de fournir ou de retirer des liquidités au jour le jour.

Les établissements financiers éligibles peuvent y recourir à leur propre initiative.


• La facilité de prêt marginal peut être utilisée par les contreparties pour obtenir contre actifs

éligibles, sans limites et sans restrictions, des liquidités au jour le jour. Le taux d’intérêt de la facilité

de prêt marginal est évidemment normalement un plafond pour le taux d’intérêt du marché au jour

le jour.

• La facilité de dépôt permet aux contreparties d’effectuer des dépôts au jour le jour auprès des

BCN, sans limites et sans restrictions. Le taux d’intérêt de la facilité de dépôt est un taux plancher

pour le taux d’intérêt du marché au jour le jour.

2.4 Les réserves obligatoires

Les réserves obligatoires du SEBC s’appliquent aux établissements de crédit de la zone euro.

Chaque établissement est tenu de constituer des réserves dont le montant résulte de l’application de

taux de réserves à certains éléments de son bilan. Elles visent à créer un besoin structurel de
refinancement,

notamment à cause de la diminution tendancielle de la part des billets dans la circulation

monétaire.

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Les obligations de constituer des réserves portent sur la moyenne des montants quotidiens de

réserves des établissements au cours d’une période d’un mois. Ce qui permet au système des

réserves obligatoires de constituer aussi un instrument de stabilisation des taux d’intérêt.

Les réserves obligatoires sont rémunérées au taux des opérations principales de refinancement du

SEBC.

2.5 Les procédures

2.5.1 Les procédures d’appel d’offres

Le SEBC distingue les appels d’offres normaux et les appels d’offres rapides qui ne se

différencient que par la durée et le champ des contreparties. Les appels d’offre normaux sont

exécutés dans un délai de 24 heures, les appels d’offres rapides dans un délai d’une heure, entre

l’annonce de l’appel d’offres et la notification du résultat. Les appels d’offres rapides ne sont utilisés

que pour exécuter des opérations de réglage fin et peuvent n’être ouverts qu’à des contreparties

sélectionnées par le SEBC.

Le SEBC peut choisir de réaliser les appels d’offres soit à taux fixe (ou adjudications de volume)

soit à taux variable (adjudications de taux d’intérêt).


• Dans le cadre d’un appel d’offres à taux fixe, la BCE indique à l’avance le taux d’intérêt et les

contreparties soumissionnent le montant pour lequel elles souhaitent être servies au taux fixé. Les

offres reçues sont additionnées. Si l’offre globale dépasse le montant total de liquidités devant être

réparti, les soumissions de chaque banque sont satisfaites au prorata du rapport entre le montant à

adjuger et le montant de l’offre globale de l’ensemble des banques. Mais la BCE peut décider

d’attribuer un montant minimum à chaque soumissionnaire.

• Dans le cadre d’un appel d’offres à taux variable, les soumissions des contreparties portent sur les

montants et le taux d’intérêt pour lesquels elles souhaitent traiter avec les BCN. Dans le cas d’un

apport de liquidités par le SEBC, la liste des soumissions est établie par ordre décroissant des taux

d’intérêt offerts. Les offres sont satisfaites par ordre décroissant du taux d’intérêt jusqu’à
épuisement

du montant total des liquidités à adjuger (dans le cas d’un retrait, les offres sont satisfaites

par ordre croissant des taux d’intérêt offerts). La BCE peut utiliser la procédure d’adjudication à

taux unique (« adjudication à la hollandaise ») ou la procédure d’adjudication à taux multiple

(« adjudication à l’américaine »). Dans le premier cas, un taux d’intérêt unique est appliqué à

toutes les offres, celui auquel le montant global des offres a pu être réparti en totalité. Dans le

second cas, le taux d’intérêt appliqué est égal au taux offert dans chaque soumission.

Pour ce qui concerne les devises, les taux d’intérêt sont remplacés par les cotations de point de

report/déport.

2.5.2 Les procédures relatives aux opérations bilatérales

En règle générale, dans cette procédure ce sont les BCN qui contactent directement les

contreparties résidentes sélectionnées et qui, en fonction des instructions précises de la BCE,


décident

de conclure une opération avec celles-ci.

2.6 Les actifs éligibles

Toutes les opérations de fourniture de liquidités du SEBC aux banques ont pour contrepartie des

livraisons d’actifs mobilisables soit sous forme d’une cession en propriété (dans le cas d’opérations

fermes ou de pensions) soit sous forme de nantissement ou de cession à titre de garantie (dans le cas

de prêts garantis). Pour des raisons d’efficacité opérationnelle, de sûreté et aussi de neutralité, les

actifs mobilisables doivent répondre à des critères précis.

Pour tenir compte de la diversité des structures financières des États membres, une distinction est

établie entre deux catégories d’actifs éligibles aux opérations de politique monétaire du SEBC :
• Le niveau I (ou TIER 1) est constitué des titres de créances négociables qui satisfont à des critères

d’éligibilité uniformes définis par la BCE pour l’ensemble de la zone euro. Il s’agit des titres de

créances libellés en euros émis par des agents ayant un compte auprès d’une des banques

centrales de la zone : titres d’État, titres assortis d’une garantie publique ou titres privés de bonne

qualité (satisfaisant des normes de risques).

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• Le niveau II (ou TIER 2) est constitué d’actifs complémentaires, négociables ou non négociables,

qui répondent à des critères d’éligibilité définis par les BCN et approuvés par la BCE. En France, il

s’agit de créances privées sur des entreprises ou des obligations et des Titres de créances

négociables émis par celles-ci.

Cette différentiation n’est pas fondée sur une distinction de la qualité des actifs. Et ces deux

catégories d’actifs sont également éligibles aux différents types d’opérations de politique monétaire
du

SEBC (le SEBC, toutefois, n’utilise pas normalement les actifs de niveau II dans le cadre de ses

opérations fermes).

Les contreparties du SEBC peuvent obtenir des liquidités auprès de la BCN de l’État membre dans

lequel elles sont installées en utilisant des actifs situés dans un autre État membre (opération

transfrontière des actifs éligibles). Le mécanisme utilisé est celui du modèle de la banque centrale

correspondante (MBCC) dans lequel chaque banque centrale intervient pour le compte des autres en

qualité de conservateur (ou de « correspondant ») pour les titres acceptés chez son dépositaire local

ou dans son système de règlement.

Ainsi toutes les BCN tiennent des comptes titres au nom de leurs homologues afin que ces

opérations puissent se réaliser.

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CHAPITRE I: REVUE DE LITTERATURE

15/04/2013

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Introduction

L’objectif de ce travail étant d’analyser les effets du régime de change sur la croissance économique,
il paraît nécessaire de faire une revue des différents concepts qui ont trait aux régimes de change et
de leur impact sur la croissance. Ce chapitre est composé de trois sections. La première section passe
en revue les différents régimes de change. La deuxième section traite des déterminants du choix des
régimes de change. La troisième section porte sur l’effet des régimes de change sur la croissance
économique.

I.1 Régimes de change : Définition et classification

Cette section présente la typologie et la classification des régimes de change.

I.1.1 Définition et typologie

Le régime de change se définit comme l’ensemble des règles qui déterminent l’intervention des
autorités monétaires sur le marché des changes, et donc le comportement du taux de change. Il
existe une grande variété de systèmes de change allant du libre flottement à la fixité extrême. Ces
régimes sont généralement regroupés en trois grandes catégories : les régimes de change fixes, les
régimes de change intermédiaires et les régimes de change flexibles. La séparation entre ces trois
groupes n’est pas toujours évidente (Obstfeld et Rogoff, 1995) dans la mesure où, un même régime
intermédiaire peut être considéré suffisamment flexible pour être classé dans les régimes flexibles ou
assez rigide pour être classé comme fixe (Frankel,2003).

I.1.1.1 Régime de change fixe

C’est un régime qui suppose la définition d’une parité de référence entre la monnaie d’un pays
donné et une devise (ou un panier de devises), sur laquelle la banque centrale s’engage à échanger
sa monnaie. La banque centrale doit intervenir sur le marché de change, en achetant ou en vendant
de la monnaie nationale, afin de rétablir le cours du change fixé. Les régimes de change fixes
comprennent les unions monétaires, les systèmes de dollarisation, les caisses d’émission et les
systèmes de change fixes ajustables (Yougbaré, 2009). L’union monétaire est le régime de change le
plus strict dans lequel le taux de change des pays membres est fixé de manière irrévocable. Plusieurs
pays adoptent une monnaie commune ainsi qu’une banque centrale qui met en œuvre la politique
monétaire commune et gère les réserves de change de l’Union. La zone UEMOA constitue un
exemple d’union monétaire. Le système de dollarisation est un système dans lequel, un pays adopte
la monnaie d’un autre comme sa propre monnaie. La politique monétaire domestique, dans ce cas,
est abandonnée aux autorités monétaires du pays de rattachement de la monnaie. C’est l’exemple
du Panama et de l’Equateur dont la monnaie est le dollar américain. La caisse d’émission ou «
currency board » est un régime de change basé sur un engagement explicite de la banque centrale à
convertir la monnaie domestique contre une devise particulière à un taux fixe. La monnaie
domestique émise est totalement couverte par des actifs en devises (Frankel, 1999). Un exemple de
caisse d’émission est l’Argentine de 1991 à 2001. Dans le régime de change fixe ajustable, l’autorité
monétaire fixe une parité d’échange de sa monnaie contre une autre devise ou un panier de devises,
mais autorise une bande de fluctuations par rapport à ce cours de référence. Comme exemple, en
Hongrie, le forint est fixé par rapport à l’euro avec une marge de fluctuation.

Une caractéristique partagée par tous les régimes de change fixes est qu’ils subordonnent la
politique monétaire à la défense de la parité de change. Cette réduction de l’autonomie de la
politique monétaire croît avec la fixité du taux de change nominal.

I.1.1.2 Le régime de change flexible

Dans un régime de change flexible, le cours de la monnaie est déterminé librement sur le marché des
changes, par l’offre et la demande de devises. Ce système est connu sous le nom de « flottement pur
» (Frankel, 1999). Les Banques Centrales n’interviennent pas et laissent le marché s’équilibrer
librement selon la loi de l’offre et de la demande indiquent que les modifications du niveau relatif
des prix aboutissent à une modification parallèle des taux de change. La politique monétaire retrouve
alors son autonomie, mais la Banque Centrale abandonne le contrôle sur l’évolution du cours de
change nominal.

I.1.1.3 Régime de change intermédiaire

Entre les deux régimes extrêmes, on trouve les régimes intermédiaires, qui se distinguent selon les
fluctuations que la Banque Centrale autorise au tour de la parité de référence et selon la fréquence
de réalignements de cette parité. Appartiennent à cette catégorie de régime, la parité glissante et le
flottement administré ou géré. Dans le premier cas, le taux de change est fixé périodiquement, soit à
taux fixe, soit en réponse aux changements de certaines variables indicatrices, comme le différentiel
d’inflation passée par rapport aux principaux partenaires commerciaux. Ce système est souvent
connu sous le nom de « glissement passif ou adaptatif ». On trouve également le système de change
permettant un ancrage sur les anticipations de prix connu sous le nom « glissement actif ou pré-
annoncé ». Cette approche consiste à annoncer le taux de dévaluation à l’avance pour plusieurs
mois. Enfin, certains pays ont décidé d’opter pour le « crawling peg à bandes glissantes » qui consiste
à maintenir le taux de change dans une bande de fluctuations autour d’une parité centrale qui est
elle même modifiée périodiquement. Ces modifications sont d’ampleur relativement faible et visent
à éviter ou réduire le désalignement du taux de change (Williamson, 1998)(3) qu’induirait une
accumulation des différentiels d’inflation positifs avec le pays d’arrimage.

Dans le régime de flottement administré, les taux de change sont flottants, mais des interventions
ponctuelles ou coordonnées des Banques Centrales informent les marchés sur la parité considérée
comme souhaitable. Il s’agit d’un « flottement impur ». Cette approche permet aux autorités
monétaires d’influencer les mouvements du taux de change à travers une intervention active, sans
spécifier ou pré-annoncer une trajectoire pour le taux de change, la Banque Centrale ne s’engageant
pas sur un taux de change ciblé.

I.1.2 Classifications des systèmes de change

Les régimes de change sont classés à partir de deux grandes approches : l’approche de jure qui se
fonde sur les déclarations des pays et l’approche de facto qui se base sur leurs actions. Différentes
approches sont exposées en mettant l’accent sur les avantages et les limites.

I.1.2.1 La classification de jure


La classification des régimes de change est sujette à une large controverse. Placer tel ou tel régime
dans une rubrique ou une catégorie donnée s’avère aujourd’hui, même pour des institutions
spécialisées telles que le FMI, un des plus grands challenges au niveau empirique (Daly, 2007). Le
rapport « Exchange Arrangements and Exchange Restrictions », publié annuellement par le FMI
depuis 1950 a constitué la principale source d’information sur les régimes de change. La classification
du FMI qui demandait au pays de notifier le régime de change qu’ils mettent en oeuvre comme
appartenant à l’une des catégories préalablement définies, est connue sous le nom de classification
officielle ou classification de jure. Cette classification a évolué au cours du temps comme le montre le
tableau n°1.

Tableau n°1 : Évolution de la classification des régimes de change par la revue « Exchange rate
arrangements and Exchange rate Restrictions » du FMI

 
Source : Reinhart et Rogoff (2002)

Cette classification de jure présente les principaux avantages de couvrir un large panel de pays,
d’être automatiquement et fréquemment (tous les trimestres) actualisée et de fournir une base de
données historiques consistante, puisqu’elle s’étalait jusqu’au début des années 50. Cependant, elle
n’arrive pas à cerner les différences entre ce que clament les pays et ce qu’ils font en réalité. Le FMI a
révisé cette classification, à cause des limites et lacunes qu’elle contenait. Ainsi, la nouvelle méthode
qui a permis de générer une classification plus réaliste, essaie d’identifier les pratiques réelles en
matière de gestion du taux de change par une analyse de données financières et la complète, par une
information sur les stratégies de politiques monétaires adoptées par les pays membres et les
intentions implicites ou explicites des autorités monétaires. Cette nouvelle classification est
constituée de huit rubriques.

Tableau n°2 : Classification des régimes de change par le FMI (depuis 1998)

Source : FMI, rapport annuel : Exchange Rate Arrangement and Exchange Rate Restriction (1999)

I.1.2.2 La classification de Facto

La nouvelle classification de facto des différents pays membres du FMI a enregistré une nette
amélioration par rapport à la première classification de jure. Cependant, elle est restée d’une étude
empirique relativement limitée et son utilisation a soulevé de sérieux problèmes de mesures. En
effet, cette classification considère non seulement des données à fréquences annuelles mais elle ne
s’étend que jusqu’au début des années 90, ce qui pourrait biaiser les résultats des investigations
empiriques qui se basent sur celle-ci. Partant des limites de cette classification au plan empirique,
beaucoup de classifications ont vu le jour (Ghosh et al, 1997 ; Levy-Yeyati et Sturzenegger, 1999 ;
Reinhart et Rogoff, 2002 ; Bubula et Ötker-Robe, 2002). Deux classifications de facto, celle de Levy-
Yeyati et Sturzenegger (1999) et de Reinhart et Rogoff (2002) sont présentées :

I.1.2.2.1 La classification de Levy-Yeyati et Sturzenegger : LYS (1999)

Levy-Yeyati et Sturzenegger (1999) ont essayé de générer une classification alternative à celle du FMI
sur la seule base d’analyses statistiques du comportement du taux de change et de la volatilité des
réserves internationales, variables considérées comme indicatrices du degré d’interventionnisme des
autorités monétaires. La classification LYS (1999) couvre un large échantillon de 184 pays pour la
période 1974-2000 et a généré une nomenclature formée de 5 catégories (tableau 3).

Tableau n°3 : Classification LYS (1999)


Source : Levy-Yeyati et Sturzenegger (1999)

Dans cette classification, les auteurs ont d’abord déterminé les valeurs des trois variables
considérées (volatilité du taux de change nominal, volatilité de la variation du taux de change
nominal et volatilité des réserves de change) pour chaque année et chaque pays. Ensuite, ils ont
regroupé les différentes observations en cinq rubriques : Non concluant, flexible, flottement sale,
ancrage glissant et fixe. L’avantage de cette classification est qu’elle utilise les mesures des taux de
change à la fois en niveau et en variation pour essayer d’identifier les régimes à ancrage glissant. La
classification LYS présente certaines limites puisqu’elle ne couvre que 105 pays parmi tous les pays
membres du FMI.

I.1.2.2.2 La classification de Reinhart et Rogoff (2002)

Reinhart et Rogoff (2002) soulignent que la classification des régimes comme flottants,
intermédiaires ou fixes est problématique dans le sens ou les fluctuations pourraient être attribuées
de façon erronée au régime de change en place. Pour générer leur classification dite « naturelle », les
auteurs ont d’abord vérifié l’éventuelle présence d’un marché de change parallèle dans chacun des
pays de leur échantillon. Lorsque la présence est révélée, Ils procèdent ensuite à une classification
statistique basée sur le pourcentage de variations dans le taux de change nominal et sur la
probabilité que le taux de change demeure dans une fourchette de fluctuations déterminée. Enfin,
dans le cas où il existe un seul marché de taux de change, la classification est effectuée par une
confrontation entre les déclarations du pays et les analyses statistiques du régime de facto.

Tableau n°4 : La classification « naturelle » de Reinhart et Rogoff (2002)

Source : Reinhart et Rogoff (2002)


L’échantillon utilisé par ces auteurs était composé de 153 pays, sur la période 1946-2001. En
présentant cette nouvelle classification « naturelle », Reinhart et Rogoff (2002) ont amélioré les
méthodes existantes et ont permis de prendre en considération les périodes de sévères
perturbations macroéconomiques et en incorporant les taux de change sur les marchés parallèles,
pour les pays où il existait un double marché des changes.

I.2 Déterminants du choix des régimes de changes

Durant ces dernières années, le débat sur l’intérêt de trouver des critères appropriés sur lesquels le
choix du régime de change se fonde, ne cesse de se renouveler. Daly (2007) développe dans son
article, les déterminants du choix du régime de change dans les pays émergents. Il présente quatre
de ces déterminants, à savoir : la théorie des zones monétaires optimales ; le triangle
d’incompatibilité de Mundell ; le phénomène du péché originel et le syndrome de la peur du
flottement.

I.2.1 La théorie de la zone monétaire optimale

La théorie de la zone monétaire optimale (ZMO) a été introduite par Mundell (1961) qui explique
dans quelle mesure un groupe de pays a intérêt à former une union monétaire par l’adoption d’une
monnaie unique. Cette théorie est vue comme une approche qui essaie de comparer les gains
microéconomiques apportés par la fixité du taux de change (élimination des coûts de transaction,
baisse de l’incertitude liée aux fluctuations des taux de change, amplification des effets externes
positifs) aux coûts qui résultent de l’adhésion à l’union monétaire (abandon du taux de change en
tant qu’instrument de stabilisation de la conjoncture et perte de l’autonomie monétaire).

I.2.2 Le triangle d’incompatibilité de Mundell

Le triangle d’incompatibilité a été exposé à l’origine par Mundell (1961) et est connu aujourd’hui
sous le nom de « trinité économique ou impossible ». A travers ce triangle, les autorités monétaires
d’un pays sont contraintes de choisir entre trois principes attractifs à la fois en tant qu’instruments et
objectifs : fixer le taux de change pour les besoins de la stabilité relative des prix, bénéficier d’une
libre mobilité des capitaux pour des besoins d’efficience et de flexibilité et jouir d’une autonomie
dans la conduite de la politique monétaire pour des besoins de stabilisation macroéconomique.

Graphique n°1 : Triangle d’incompatibilité de Mundell


Source : Daly (2007)

Dans ce triangle, les points A, B et C représentent respectivement l’autarcie financière, l’union


monétaire et les changes flottants. Au point A (Autarcie financière), il est possible de concilier
changes fixes et objectifs économiques internes si les réserves de change sont suffisantes. Au point B
(Union monétaire), la mobilité parfaite des capitaux et les changes fixes interdisent toute autonomie
à la politique monétaire. Quant au point C (changes flottants), la mobilité parfaite des capitaux et la
flexibilité des taux de change permettent l’indépendance de la politique économique. En résumé, un
pays ne peut maintenir simultanément des taux de change fixes et un marché des capitaux ouvert
tout en poursuivant une politique monétaire tournée vers les objectifs économiques intérieurs.

I.2.3 Le phénomène du péché originel

Ce terme a été introduit à l’origine par Einchengreen et Hausmann (1999). Il désigne l’incapacité pour
un pays en général et les pays émergent en particulier à emprunter à l’extérieur dans leurs propres
monnaies. Ainsi, ces pays accumulent des dettes en devises avec d’importantes conséquences sur les
politiques macroéconomiques et sur la stabilité financière.

Ce phénomène est considéré aujourd’hui comme l’un des facteurs déterminants du choix du régime
de change pour les économies émergentes. La plupart des pays de la CEDEAO sont touchés par le
phénomène du péché originel car presque tous leurs emprunts sont effectués en devises étrangères.
Ce phénomène amène directement à celui du « currency mismatch » qui est le différentiel de valeur
entre actifs et passifs en devises détenues par une économie, et évoluant selon le taux de change.
Plus explicitement, lorsqu’un pays dévalue sa monnaie, l’endettement de ses agents en devises,
compté en monnaie nationale s’accroît. Ce concept est fortement lié au phénomène de péché
originel et est aussi considéré comme un facteur déterminant du choix du régime de change.

I.2.4 le syndrome de la « peur du flottement »

La « peur du flottement » est un phénomène qui part de l’hypothèse bipolaire selon laquelle la
plupart des pays ont tendance à opter pour l’un des régimes extrêmes, à savoir : la parité fixe ou le
régime flexible. Cependant, très peu de pays laissent leur monnaie flotter librement. Ces pays
stabilisent le cours de leur monnaie en intervenant sur le marché des changes et sont même prêts à
sacrifier d’autres objectifs comme la stabilité des prix et l’emploi. Dans leur étude, Calvo et Reinhart
(2002) constatent que la plupart des pays qui déclarent laisser flotter leur monnaie font le contraire.
Les facteurs influençant le choix du régime de change sont synthétisés dans le tableau n°5.

Tableau n°5: Les facteurs influençant le choix du régime de change


Source : Ripoll (2001)

I.3 Littérature des effets du régime de change sur la croissance économique

Il existe une variété de littérature théorico empirique sur l’impact du régime de change sur la
croissance économique. La théorie sur la croissance et la littérature sur les régimes de change
suggèrent que la nature du régime de change adopté par un pays peut avoir une influence sur la
croissance économique de deux manières, soit directement à travers ses effets sur les ajustements
aux chocs, soit indirectement via son impact sur d’autres déterminants importants de la croissance
économique tels que l’investissement, le commerce extérieur et le développement du secteur
financier.

I.3.1 Régimes de change et ajustement économique


La transmission internationale des chocs réels et monétaires à l’économie dépend étroitement du
régime de change en vigueur (Baxter et Stockman, 1989). L’effet du régime de change sur la
croissance peut intervenir à partir d’un effet sur la vitesse d’ajustement aux chocs qui affectent
l’économie. Selon Aizenman (1994), une économie qui s’ajuste plus facilement aux chocs devrait
jouir d’une croissance de productivité plus élevée, compte tenu du fait qu’elle tourne en moyenne
plus près des limites de sa capacité. Dans ce contexte, Friedman (1953) et Mundell (1960 et 1963)
soulignent le caractère primordial du régime de change en matière de politique économique.
Friedman (1953) défend le régime de change flexible, en soulignant les effets isolationnistes d’un tel
système face aux chocs étrangers. Pour lui, le régime de change fixe est générateur de crises
spéculatives et d’instabilité. Toutefois, ses travaux s’inscrivent dans une période de faible mobilité
des capitaux. Mundell (1960 ; 1963) démontre que les propriétés isolationnistes diminuent avec
l’accroissement de la mobilité du capital. En s’opposant à Friedman (1953) et Mundell (1963),
Einchengreen (1998) soutient quant à lui, que le régime de change fixe serait plus approprié lorsque
les chocs nominaux domestiques prédominent et les mouvements de capitaux sont libres car il
impose une discipline aux politiques économiques intérieures. Dans le prolongement de Friedman
(1953) et Mundell (1963), Boyer (1978) montre que la localisation du choc importe peu, seul l’aspect
monétaire ou réel influence le choix du régime de change. Ainsi, le régime de change fixe est optimal,
si les chocs sont monétaires grâce à une intervention sur le marché des changes et si les chocs sont
réels, le régime de change flexible est préconisé. En présence des deux types de chocs leflottement
géré est préférable.

Outre ses effets sur le processus d’ajustement aux chocs, la théorie suggère que les régimes de
change peuvent influencer la croissance indirectement via certains déterminants importants. Parmi
ces déterminants importants de la croissance, on peut citer l’investissement, l’ouverture aux
échanges extérieurs et le développement du secteur financier.

I.3.2 Régimes de change et investissement

La littérature sur les déterminants de la croissance a été notamment très développée par Barro et
Sala-i-Martin (2003). En ce qui concerne l’impact sur le capital, Aizenman (1994) souligne que le
régime de change fixe a tendance à favoriser les investissements grâce à la réduction de l’incertitude
liée aux politiques économiques, aux taux d’intérêts réels et à la variabilité du taux de change.
Cependant, les taux de change fixes peuvent également entraîner des pressions protectionnistes et
réduire l’efficacité d’un stock de capital donné et ce, à cause des déséquilibres durables des taux de
change qui affectent l’allocation de l’investissement à travers les secteurs. Quant au régime de
change flexible, il favorise généralement une grande incertitude et plus de volatilité du taux de
change. L’impact empirique de cette volatilité du taux de change sur l’investissement est ambigu.
Ainsi, Goldberg (1993) trouve un impact négatif de la volatilité du taux de change sur l’investissement
américain à un niveau peu désagrégé, tandis que Campa et Goldberg (1993) ne trouvent aucun
impact. Dans le même sens que Goldberg (1993), Guérin et Lahrèche-Révil (2001) montrent à partir
d’une analyse empirique que la volatilité des taux de change réduit l’investissement des pays de
l’Union européenne. Pour Bohm et Finke (2001), sans tenir compte du type de régime de change, la
volatilité ne peut exercer qu’un effet négligeable sur le niveau des dépenses d’investissement. Dans
une analyse transversale de la croissance d’un échantillon de 54 pays en développement, sur les
périodes 1970-1980 et 1980-1990, Guillaumont et al (1999) ont montré que l’instabilité des taux de
change effectifs réels est un facteur de moindre croissance, parce qu’elle réduit le taux
d’investissement et surtout la productivité globale des facteurs .

I.3.3 Régimes de change et commerce international


Les régimes de change peuvent affecter la croissance économique à travers leurs effets sur le volume
du commerce international. Selon la théorie du commerce international, la relation négative entre la
volatilité du taux de change et les échanges commerciaux repose sur l’aversion au risque (Clark,
1973). Cependant, le relâchement de certaines hypothèses qui sous-tendent cette relation permet de
montrer que la volatilité du taux de change peut être bénéfique au commerce international. Ainsi,
Franke (1991) explique la faiblesse du lien négatif en partant du fait que les techniques de couverture
permettent aux entreprises de réduire le risque de change et la volatilité des taux de change peut
créer les conditions propices à des échanges commerciaux et des investissements rentables.

La littérature récente sur le sujet a trait aux répercussions des unions monétaires sur le commerce
bilatéral des pays membres. Krugman (1993), à partir de la théorie du cercle vicieux des unions
monétaires, montre que les pays de l’union ont tendance à se spécialiser en fonction des avantages
comparatifs d’où surviendront les cycles divergents compatibles avec les chocs asymétriques. En
s’opposant à Krugman (1993), Rose (2000) trouve que l’utilisation par deux pays d’une monnaie
unique accroît leurs échanges. En s’inspirant du modèle utilisé par Rose (2000), Frankel et Rose
(2002) montrent que les pays ayant la même monnaie ont tendance à accroître les échanges
commerciaux non seulement entre eux mais aussi avec les autres pays. Enfin, Rose (2004) conclut
que l’augmentation du volume du commerce bilatéral induite par l’adhésion à une union monétaire
est significative et comprise entre 30% et 90%.

Graphique n°2 : La théorie du cercle vertueux des unions monétaires

Source : Auteur, à partir de Frankel et Rose (2002)

L’union douanière, à travers l’augmentation du commerce bilatéral entraîne une synchronisation des
cycles et des chocs symétriques.

I.3.4 Régimes de change et développement financier

Il faut noter que le degré de développement du secteur financier est un facteur non négligeable qui
joue un rôle important dans le choix du régime de change. Mundell (1963) fut parmi les premiers à
exposer succinctement les implications de l’accroissement des flux financiers et de l’intégration des
marchés financiers. Il montre que, dans un monde où les capitaux circulent de plus en plus vite, la
politique monétaire devient contrainte et s’avère souvent inefficace à influencer les conditions
économiques réelles domestiques lorsque le taux de change est fixe.

La monnaie, endogène, s’ajuste alors à l’économie. Cela implique donc une sensibilité accrue de la
croissance aux perturbations qui l’affectent. Avec l’intégration de marchés financiers internationaux,
les flux de capitaux constituent également un mécanisme de propagation des crises financières et de
change et rendent la croissance plus instable (Yougbaré, 2009). Les risques provenant de la finance
prennent la forme d’une exposition extérieure en devises.

Cette exposition peut provenir du « péché originel » qui est l’incapacité des pays en développement
à emprunter sur le marché financier dans leur propre monnaie.

Aizenman et Hausmann (2000) soutiennent que les gains, découlant de l’adoption d’un régime de
change fixe, peuvent être supérieurs pour les économies émergentes que pour les pays industrialisés,
en raison du degré de développement de leurs marchés financiers respectifs. Cependant, Chang et
Velasco (2000) mettent en garde contre la conjugaison d’un secteur financier sous-développé et d’un
taux de change fixe. En se basant sur la typologie de Reinhart et Rogoff (2004), Husain et al (2004)
utilisent un échantillon de 158 pays couvrant la période 1970-1999 et concluent qu’en termes de
croissance, le choix d’un régime de change dépend essentiellement du niveau du développement
économique. Ainsi, pour les pays en développement, la rigidité du régime de change est associée à
une inflation moindre mais sans affecter la croissance. En régime de changes flexibles, ces pays
affichent une inflation plus élevée mais ne bénéficient pas d’une meilleure croissance. Pour les pays
développés, en revanche, les résultats de l’étude semblent suggérer qu’une plus grande flexibilité du
taux de change est associée à une inflation moindre et une croissance économique plus élevée. Ceci
révèle donc toute l’importance du développement du système financier.

Conclusion

Ce chapitre a permis de montrer que les régimes de change sont constitués de trois grands groupes :
les régimes de change fixes, les régimes de change intermédiaires et les régimes de change flexibles ;
en outre, il existe deux approches de ces régimes, à savoir l’approche de jure et celle de facto. Il a été
présenté la littérature du lien entre régime de change et croissance économique. Certaines études
ont montré l’existence du lien, tandis que d’autres trouvent qu’il n’est pas significatif. On passe
maintenant aux caractéristiques de la zone CEDEAO au vue de cette revue de littérature.

L’objectif de ce travail étant d’analyser les effets du régime de change sur la croissance économique,
il paraît nécessaire de faire une revue des différents concepts qui ont trait aux régimes de change et
de leur impact sur la croissance. Ce chapitre est composé de trois sections. La première section passe
en revue les différents régimes de change. La deuxième section traite des déterminants du choix des
régimes de change. La troisième section porte sur l’effet des régimes de change sur la croissance
économique.

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