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1

Introduction
Afin de faire face aux dépenses publiques, en attendant la collecte des ressources et
des revenues des impôts, composant ses recettes ; le trésor doit se financer auprès d’agents
économiques.
En effet, plusieurs solutions de financement existent soit à travers des emprunts
nationaux, la population qui va prêter les ressources nécessaires à son fonctionnement ou à
un investissement. Ou bien bénéficier d'avances de la banque centrale, mais cela fait croître
la masse monétaire, et donc, potentiellement, l'inflation. Enfin, il a la possibilité d'orienter de
manière plus ou moins forcée l'épargne nationale privée vers des emprunts publics. Le circuit
du Trésor est fondé sur cette dernière option.
Par ailleurs, la monétisation des dettes ou péjorativement la« planche à billets » est
une pratique consistant pour une banque centrale à financer directement le budget de l'État.
Dans la pratique, le financement monétaire s'effectue par l'achat de bons du trésor ou titres
de dette publique, sur le marché primaire par la banque centrale, ou par l'octroi d'une ligne
de crédit par la banque centrale au gouvernement. Bien que le financement monétaire
permette en théorie de diminuer le coût des dépenses publiques, cette pratique est
formellement interdite ou rarement pratiquée, en raison du risque d'hyperinflation.
De ce fait, La création monétaire revêt une importance particulière puisqu’elle
détermine la quantité de monnaie en circulation, avec des impacts économiques importants,
notamment sur l’évolution des prix. La monnaie est aujourd’hui, déconnectée des métaux
précieux, elle est majoritairement créée lorsque les banques accordent des crédits. Cette
activité est cependant étroitement encadrée par les banques centrales, garantes de la stabilité
monétaire.
Ainsi, quelles sont les modalités de création monétaire pour financer le trésor ? Et comment
les états réagissent-elles en cas de crises ?
Pour répondre à cette problématique on va traiter dans une première partie les modalités
de Financement du trésor par la création monétaire puis mettre en exergue les réactions des États
à travers leurs banques Centrales en cas de crises, avant d'enchaîner dans le même sillage l’action
entrepris par le Maroc.

2
I. Financement du trésor par la création monétaire :
1. Revue de littérature
Le financement du trésor par la création monétaire a revêtu plusieurs formes et a
évolué dans le temps.
Dans les temps anciens, lorsque la base monétaire était composée de pièces de
métaux précieux, le souverain et l'État imposent les droits à la marque, c’est-à-dire la valeur
nominale et la valeur intrinsèque ne correspondait pas. Le souverain réduisait la quantité de
métal précieux dans les pièces de monnaie en gardant la même valeur nominale. C’est ce
qu’on appelait la taxe sur monnayage et dont le produit servait à financer les dépenses de
l'État.

En 1883, le JAPON avait interdit le financement monétaire1 à la Banque du Japon, puis


l'autorise à nouveau en 1932. Le programme se développe et aboutit à l’augmentation des
taux d’inflation, la baisse du pouvoir d’achat et la chute de la valeur du yen face au dollar. Le
financement monétaire est à nouveau interdit par le plan DODGE2. Afin de se préserver de
l’inflation, les États Unis interdisent le financement monétaire direct en 1935 via le Banking
ACT ; la Réserve Fédérale des États Unis n’a plus le droit de monétiser la dette directement,
comme alternative elle doit passer par les opérations d’open market ou du quantitaive
easing3.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la France la pratique avec prudence au prix de


niveaux d’inflation élevés et afin de financer les coûts de la guerre. Les recommandations de
la conférence de Bretton Woods4 met fin aux systèmes monétaires à base de métaux précieux.
Afin de maîtriser l’inflation et maintenir le pouvoir d’achat à partir des années 1960 , le recours
au financement monétaire a été aboli en 1993 (cas de la France).

1
Financement monétaire est une pratique consistant pour une banque centrale à financer directement
le budget de l'État. Dans la pratique, le financement monétaire s'effectue par l'achat de bons du trésor ou titres
de dette publique, sur le marché primaire par la banque centrale, ou par l'octroi d'une ligne de crédit par la
banque centrale au gouvernement.
2
Plan Dodge est un accord financier et monétaire rédigé par le conseiller économique américain Joseph
Dodge afin de permettre au Japon d'accéder à l'indépendance économique après la Seconde Guerre mondiale.
3
Quantitaive easing: concept qui sera développé ultérieurement
4
Breton woods les accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du système financier
international de l'après-guerre.
3
Par la suite, et afin de maîtriser la situation, le financement monétaire est interdit en
Zone Euro par l’article 123 du traité de LISBONNE5.

L'augmentation massive des dettes publiques dans les années 2010 et 2020 conduisent
à faire revenir la question du financement monétaire dans le débat public.

Ce qui aura pour impact de réorienter ce financement vers d’autres formes.

Quelques nominations et formes du financement monétaire:

● Forme historique : émission arbitraire de billets ou de pièces, billets sur-imprimés


(république de Weimar), rognage de la monnaie, etc. (le cours forcé permet au
monopole monétaire de pratiquer toutes sortes de manipulations)
● Monnaie fondante (monnaie qui se déprécie avec le temps, ce qui oblige ses
détenteurs à s'en débarrasser à terme)
● Monnaie fiscale, qui permet à l'État de payer ses factures par de simples
reconnaissances de dette
● Assouplissement quantitatif (la nouvelle monnaie est destinée à certains marchés
seulement, comme celui des obligations d’État)
● Hélicoptère monétaire (la nouvelle monnaie est censée être distribuée à la
population, directement ou indirectement par un accroissement de la dépense
publique)
● Taux négatifs (répression financière cherchant à obtenir les effets de l'inflation en
son absence)
● en dernier recours, comme mesures exceptionnelles envisagées par certains
analystes, il y a l'émission de DTS par le FMI6 (créant ainsi une sorte de "monnaie
mondiale" à partir de rien) et la fixation autoritaire d'un cours de l'or très élevé (ce
qui sur-valoriserait artificiellement le stock d'or des banques centrales, mais se
répercutent immédiatement sur l'ensemble des matières premières et conduirait
à une inflation des prix).

5
Traité de LISBONNE : est un traité signé le 13 décembre 2007 à Lisbonne entre les vingt-sept États
membres de l'Union européenne, qui transforme l'architecture institutionnelle de l'Union.

6
DTS émis par le FMI : Droit de tirage spécial : C’est un avoir de réserve international crée en 1969
par le FMI pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres.
4
2. Les types de financements monétaires
Si le Trésor peut être considéré comme un agent non financier empruntant des
ressources, il peut aussi, dans une certaine mesure, être considéré comme une banque. En
effet, il gère lui aussi des comptes. C’est le cas des comptes des correspondants (collectivités
locales et établissements publics locaux et nationaux). Le Trésor Public possède donc son
propre circuit monétaire. Du fait de cette gestion de dépôts à vue, il a en théorie un pouvoir
de création monétaire. Cependant, pour qu’il y ait effectivement création monétaire, il
faudrait que celui-ci accorde des crédits. Or le Trésor Public n’accorde pas de crédits. En
revanche, le Trésor Public peut créer de la monnaie selon une modalité différente. Cette
création de monnaie scripturale par le Trésor s’exerce au profit exclusivement des
administrations publiques et notamment de l’État et ceci de façon indirecte. En effet, lorsque
le Trésor règle un créancier de l’État (par exemple un fournisseur de l’État ou une collectivité
publique) dont il gère le compte, il crédite ce compte. Il y a création de monnaie scripturale
du Trésor Public au profit de l’État sans destruction d’une autre forme de monnaie et
augmentation de la quantité de monnaie détenue par les agents non financiers résidant.
Autres modes de financement est celles faite par la banque centrale au profit du trésor.
Il existe ainsi une certaine zone grise entre certaines formes de financement monétaire. Il faut
donc distinguer plusieurs cas de figure.

Typologie des formes de financement monétaire7

Direct Indirect ou ex-post

Non- Financement monétaire direct sans Conversion de dettes publiques détenues par la
remboursable contrepartie au bilan de la banque banque centrale en dette perpétuelles, ou
centrale. annulation ex post.
(permanent)

Remboursable Rachat de dettes par la banque centrale sur le


Achat de dettes par la banque
marché secondaire (assouplissement
(ou réversible) centrale sur le marché primaire
quantitatif)

7
Tableau inspiré de

5
Lignes de crédit ou avances de la
banque centrale à l'État

2.1 Financement direct


Le trésor crée de la monnaie lorsqu’il crédite un compte à vue pour payer un
fonctionnaire ou un fournisseur de l’État qui disposait d’une créance sur le trésor. Cette
création comporte des limites car le circuit du trésor n’est pas fermé.

Une seconde forme de financement monétaire direct est l'achat de titres de dettes
publiques à l'émission (c'est-à-dire sur le marché primaire). Dans ce cas, la banque centrale
peut en théorie revendre les bons du trésor acquis.

Ces différentes formes de financement monétaires étaient pratiquées pendant la


première et deuxième guerre mondiale par la Banque de France, et pendant les Trente
Glorieuses par le Canada.

Dans sa forme la plus courante et directe, le financement monétaire prend la forme de


prêts à taux zéro à l'État. La Banque d'Angleterre y a par exemple eu recours dans le cadre de
la gestion de la crise du Covid19.

2.2 Financement indirect


Lorsque le trésor effectue un règlement au profit d’un agent non financier sur un
compte ouvert dans son réseau de collecte, il crée directement de la monnaie.

Une autre forme de financement indirect, par la banque centrale, est le quantitative
easing .

L’assouplissement quantitatif ou quantitative easing (QE) consiste pour une banque


centrale à intervenir de façon massive, généralisée et prolongée sur les marchés financiers en
achetant des actifs aux banques.
la banque centrale achète des titres représentatifs de la dette publique sur le marché
primaire ou secondaire afin de faire baisser ou de contenir les taux d’intérêt et donc de
permettre au Trésor d’emprunter dans de meilleures conditions sur les marchés financiers.
Elle ne finance donc pas l’intégralité du déficit budgétaire, forçant ainsi le gouvernement à
recourir aux marchés financiers pour couvrir le solde de ses besoins.

6
Lorsqu’une banque centrale achète des obligations d’État sur le marché primaire (ce
qui est actuellement interdit), elle crée néanmoins de la monnaie de façon indirecte. En effet,
la banque centrale paye les titres qu’elle acquiert au moyen de liquidités qu’elle crée ex nihilo.
Le Trésor va utiliser une partie de cet argent frais pour payer ses fonctionnaires ou ses
créanciers nationaux (fournisseurs). Les comptes bancaires de ces derniers vont donc être
crédités des sommes en question, ce qui fait gonfler la masse monétaire.
3. Controverses de la création monétaire comme mode de financement

Donc la question de l’impression des billets de banques pour payer la dette est-elle
sans conséquences , et le recours à l’assouplissement quantité est-il possible pour tous les
états ?

Bien évidement la généralisation de cette mesure après l’abandon de l’étalon-or en


1971, a fait en sorte de créer de l’hyperinflation, de stimuler l’économie, mais aussi
d’influencer la monnaie.

D’abord, l’excès d’inflation dont les effets supposés du financement monétaire font
l'objet de débat au sein de la communauté des économistes. Selon la théorie monétariste,
notamment, toute augmentation de la masse monétaire disponible dans l'économie
provoque immanquablement un excès d'inflation. C'est la justification de l'interdiction du
financement monétaire.

En théorie, l'effet positif du financement monétaire est de réduire le coût de


financement des dépenses publiques de l'État, qui peut se financer auprès de la banque
centrale à des conditions préférentielles, peut-être moins onéreuses que les conditions
proposées par les marchés financiers. Ainsi l'État peut bénéficier du pouvoir de création
monétaire de la banque centrale.

En pratique, il existe des épisodes historiques, notamment en France et au Canada,


pendant lesquelles la pratique courante du financement monétaire n'a pas provoqué une
inflation significative. Par ailleurs une étude de 56 épisodes d'hyperinflation dans le monde
tend à montrer que les causes d'hyperinflation sont souvent multifactorielles, le rôle de la
banque centrale souvent secondaire vis à vis de décision politiques ou de facteurs
géopolitiques.

7
Ensuite, en matière de stimulation et stabilisation et stabilisation, cet outil
économique peut contribuer à booster l'économie, mais peut également la déstabiliser
durablement. Les États ont fréquemment abusé de la création monétaire, par exemple pour
financer des guerres coûteuses. Le financement monétaire peut agir de façon néfaste sur la
confiance des investisseurs, ce qui peut se traduire par une inflation et un retournement des
conditions d'émission de la dette sur les marchés.

Enfin, l’emprise sur la valeur de la monnaie qui constitue un canal du marché des
changes est susceptible de dégrader la position du pays qui monétiserait ses déficits du fait
d'une surabondance de la monnaie sur les marchés. Cela a notamment plombé les économies
d'Afrique subsaharienne qui ont monétiser leur dette.

Ainsi, malgré les débats suscités par l’impact du financement du trésor par la création
monétaire, certains pays n’ont pas hésité à avoir recours à cet instrument pour redresser la
situation lors des périodes de crises.

8
II. Financement du Trésor par la création monétaire en cas de
crise « cas de covid 19 ».
La pandémie actuelle a frappé de plein fouet l’ensemble des pays, avec des répercussions
très lourdes à tous les niveaux. Au plan économique, et face à l’ampleur des dégâts, les États
ont vite réagi en puisant dans leurs boîtes à outils disponibles. Toutefois, contrairement à
2008, les marges de manœuvre étaient beaucoup plus réduites et de nombreux États ont eu
recours aux instruments monétaires pour faire face aux effets de la pandémie.
1- Actions des Banques centrales
L’une des principales missions des banques centrales est la conduite de la politique
monétaire. Afin de maintenir des conditions favorables de financement de l’économie, de
nombreuses banques centrales, comme la Réserve fédérale américaine (FED), la Banque du
Japon et la Banque d’Angleterre, ont eu recours à la création monétaire en complément des
mesures conventionnelles, devenues insuffisantes.
En effet, une telle augmentation de la dette publique avait de quoi faire craindre une crise
des finances publiques mais cela n’est pas arrivé car les banques centrales ont acheté de très
grandes quantités d’obligations publiques :
De sa part la Banque Centrale Européenne (BCE) a mis en place le programme d’achats
d’urgence face à la pandémie (Pandemic Emergency Purchase Program -PEPP-) en mars 2020,
dont le montant a été augmenté en juin puis en décembre 2020, pour atteindre une
enveloppe totale de 1 850 milliards d’euros. Conformément aux traités européens, lorsque
l’Eurosystème achète des titres de dette publique, il les acquiert sur le marché secondaire, et
non sur le marché primaire.
La Banque d’Angleterre (BoE) quant ’à elle, et pour éviter toute tension sur les taux des
obligations britanniques en cette période où les besoins de financement de la Grande-
Bretagne sont gigantesques, et pour être en mesure de faire face à un éventuel manque
d’appétit de la part des investisseurs pour la dette émise par la Grande-Bretagne, a décidé de
recourir à un outil appelé "Ways and Means" et rarement utilisé par elle. Elle offre au Trésor
britannique qui dépend du ministère des Finances, la possibilité d’emprunter directement
auprès d’elle. "Cette mesure temporaire a constitué une source de liquidités supplémentaires
à court terme pour le gouvernement en cas de nécessité pour lisser ses flux de trésorerie et

9
favoriser un fonctionnement ordonné des marchés durant cette période troublée par le Covid-
19".
Ce n’est pas la première fois que la BoE et le gouvernement pratiquent de cette sorte. La
dernière fois que cela s’était passé, c’était au moment de la crise financière et avait concerné
19, 9 milliards de livres sterling. Cette fois, il pourrait s’agir d’un montant largement supérieur,
alors que l’État s’est engagé à assurer 80% des salaires des travailleurs mis en chômage
économique et va se trouver confronté à une chute de ses recettes fiscales. Il pourrait devoir
emprunter jusqu’à 290 milliards de livres.
Cette crise sanitaire a malmené les économies américaine et mondiale, ainsi la Réserve
fédérale américaine (Fed) a agi de manière préventive en espérant ne pas avoir à revivre un
épisode comme celui de la faillite de Lehman Brothers.
La Fed a acheté d’une part des titres du Trésor sur un rythme spectaculaire en mars/avril
2020 (avec une pointe à 75 milliards de dollars d’achats de Treasuries par jour), avant de
passer sur un rythme d’achat mensuel de 80 milliards de dollars. D’autre part la Fed a prêté
directement aux États et aux gouvernements locaux par le biais de Facilité de liquidité
municipale, qui a été créée le 9 avril 2020 .Le marché des obligations municipales était soumis
à d’énormes tensions en mars 2020, et les gouvernements des États et des municipalités ont
eu de plus en plus de mal à emprunter alors qu'ils luttaient contre le COVID-19. La facilité de
la Fed offrait des prêts aux États américains, y compris le district de Columbia, les comtés d'au
moins 500 000 habitants et les villes d'au moins 250 000 habitants. Dans le cadre de ce
programme, la Fed a mis 500 milliards de dollars à la disposition d'entités gouvernementales
qui avaient des cotes de crédit de qualité supérieure au 8 avril 2020, en échange de billets liés
à de futures recettes fiscales avec des échéances de moins de trois ans8.
Depuis avril 2020, la Banque Centrale Japonaise (The Bank of Japan BOJ) a décidé de
supprimer sa limite supérieure d'environ 80 000 milliards de yens sur les achats annuels de
JGB9.
La Banque du Canada s’est lancée aussi dans ce qu’il est convenu d’appeler de
l’assouplissement quantitatif, avec le rachat massif d’obligations du Canada sur le marché
secondaire à raison d’un minimum de 5 milliards de dollars par semaine.

8
Eric Milstein et David Wessel (2021) Rapport produit par le Hutchins Center on Fiscal and Monetary Policy.
9
Japanese Government Bond, l'emprunt d'état du gouvernement japonais.

10
Les banques centrales australienne (RBA), canadienne (BoC) et néo-zélandaise (RBNZ), et
contrairement à la crise financière de 2008, se sont lancées aussi dans de vastes opérations
d’achats d’obligations publiques.
Les achats massifs par la banque centrale portent sur des titres de dette,
communément des obligations. En réalisant ces achats, la banque centrale crée de la monnaie
: elle achète ces titres contre de la monnaie nouvellement créée. Ces achats massifs entraînent
une forte hausse de la demande des titres concernés. Cela a pour effet de faire augmenter
leur prix et donc, mécaniquement, baisser leur rendement, c’est-à-dire les taux d’intérêt y
compris à long terme. Les États ont ainsi un accès à moindre coût et plus aisé au financement
de leurs projets ; ils peuvent investir davantage. Cela favorise la croissance économique et la
stabilité des prix.
2- Impacts engendrés par le concours des Banque Centrales au Trésor par
la création monétaire
En effet, les actifs achetés dans le cadre du Quantitative easing (QE) figurent à l’actif
des banques centrales concernées. Le QE a donc eu pour effet de fortement augmenter la
taille des bilans des banques centrales. Depuis 2007, celui de la Banque du Japon a été
multiplié par 6 et celui de la FED par 8. Le bilan de l’Eurosystème a été multiplié par plus de 4
et a dépassé 7 000 milliards d’euros au début de 2021, soit plus de 60 % du PIB dans la zone
euro10 (voir le graphique).

La politique de QE a conduit les banques centrales à détenir une fraction plus


importante de dette publique émise par les gouvernements. Aux États-Unis, la Réserve

10
Quantitative easing (assouplissement quantitatif) (Septembre 2021) la Banque de France, rubrique ABC de l’économie

11
fédérale détenait au premier trimestre 2020 19 % de la dette fédérale américaine (graphique
3).
Cette proportion était de 37 % au Royaume-Uni et 43 % au Japon. Dans la zone euro,
en l’absence d’union budgétaire, la fraction de dette détenue par les banques centrales de
l’Eurosystème – incluant la BCE et les banques centrales nationales des pays de la zone euro
– s’élevait à 21 % de la dette italienne et à 30 % pour la dette allemande. Ces chiffres
témoignent du rôle crucial que jouent les banques centrales sur les marchés de dette
publique. Même si ces interventions ne se font généralement pas sur le marché primaire, elles
contribuent à faciliter le financement de la dette puisqu’elles absorbent une fraction
importante des émissions. Un investisseur – une banque – est assuré qu’il pourra facilement
revendre le titre souverain à la banque centrale et se portera donc plus facilement acquéreur
des titres émis sur le marché primaire.11

Part de la dette publique détenue par la banque centrale

Il n’est guère surprenant de constater les multiples critiques formulées à l’égard de


l’hélicoptère monétaire, en particulier par rapport à ses deux formes qui visent la
monétisation temporaire de la dette du trésor ou bien l’annulation partielle ou totale de la
dette du trésor détenues par la Banque centrale.

11
Christophe Blot et Paul Hubert, 2020, « De la monétisation à l'annulation des dettes publiques, quels enjeux pour les banques
centrales ? », OFCE Policy brief 80, 9 novembre.

12
Dans le même sens, les mesures dites nonconventionnelles de type quantitative easing, à
travers des programmes d’achats massifs de titres sur le marché financier par la Banque
centrale, ne garantissent pas une reprise de l’activité économique. Elles auraient, plutôt,
gonflé les bilans des banques centrales, engendré des injections importantes de liquidités
dans le système bancaire et causé des bulles au niveau des marchés des actifs.12
La raison est d’abord « éthique », puisque ce nouvel instrument va à l’encontre du
courant dominant défenseur de l’orthodoxie monétaire et enfreint les règles de
l’indépendance de la Banque centrale, devenue une « religion » sur laquelle s’aligne la plupart
des banques centrales depuis des années.
Sur ce point, également, le fait que la Banque centrale ne fonctionne pas comme une
banque commerciale ou une entreprise privée qui doit impérativement réaliser du profit, la
crédibilité de la Banque centrale ne dépendrait pas du niveau de ses fonds propres, mais
plutôt de sa capacité à atteindre ses cibles (inflation, croissance, emploi…), selon son mandat,
et de sa capacité à communiquer et convaincre les acteurs du marché du bien-fondé de ses
décisions.13
Ainsi, à la lumière des réflexions de Friedman14, on ne peut que constater que la très
forte progression de la masse monétaire dans les pays développés en 2020/2021 (elle a été
particulièrement impressionnante aux Etats-Unis, avec une pointe à +27% en glissement
annuel en février 2021) a coïncidé avec une forte hausse du prix de matières premières et une
accélération de l’inflation. Aux Etats-Unis, l’inflation sous-jacente a atteint en juin 2021 son
plus haut niveau depuis 1991. De plus, le prix d’un certain nombre de matières premières
(agricoles ou métaux) a très fortement augmenté en 2020/2021, atteignant des plus hauts
historiques pour certains métaux.
Il est ainsi probable que l’« argent magique» ait partiellement contribué à une baisse
du pouvoir d’achat et à une nouvelle hausse de la valeur réelle de l’immobilier, qui exclut une
part significative de la population de l’accès à la propriété. De plus, dans un cadre globalisé,

12
Karim ELMOKRI (2020) « La monnaie hélicoptère aurait-elle son mot à dire dans la crise de la COVID-19 ? » POLICY
BRIEF PB 20-53
13
Jézabel Couppey-Soubeyran (2020), « La monnaie hélicoptère contre la dépression dans le sillage de la crise
sanitaire » - Institut Veblen.
14
Milton Friedman, l’un des plus grands spécialistes de l’histoire monétaire, écrivait déjà en 1980 «Free to
choose» au sujet de l’argent magique lorsque les dépenses gouvernementales sont financées par création
monétaire.

13
les pays les moins avancés peuvent se retrouver relativement pénalisés à cause de la hausse
du prix des matières premières.
Il est clair que le financement à grande ampleur de dépenses gouvernementales par
création monétaire ouvre des perspectives dans les grandes zones monétaires, notamment
en ce qui concerne d’éventuelles nouvelles politiques sociales et environnementales.
Cependant, l’épisode de forte hausse des prix des matières premières et d’accélération de
l’inflation montre que la «magie» de la création monétaire peut avoir des coûts, que les
banques centrales seraient bien avisées de mesurer finement.

14
III. Les modalités du financement monétaire au MAROC durant
la crise sanitaire

Au Maroc, la banque centrale a changé ses statuts, pour la première fois en 2006, pour se
doter de plus d’indépendance. De par le texte de loi, Bank Al-Maghreb, est interdit de
monétiser la dette de l’État. Les seules avances permises sont à hauteur de 5% des recettes
fiscales de l’année écoulée, et au taux de marché.

La deuxième révision des statuts, ayant lieu en 2019, a permis de consolider


l’indépendance de la banque centrale par rapport à ce critère et par rapport au poids de
l’objectif de stabilité des prix, désormais l’objectif principal de la banque centrale.

Dans les faits, le recours au seigneuriage (la monétisation de la dette) n’a pas eu lieu depuis
1999. Bank Al-Maghrib a fait aussi preuve de flexibilité en ces temps de crise, en baissant à
deux reprises son taux directeur, principal instrument de sa politique monétaire.

La première baisse de 0,25 point a eu lieu au début de la pandémie, lors du Conseil de la


banque tenu le 17 mars dernier, alors que la deuxième baisse a été décidée lors du dernier
Conseil de BAM tenu ce 16 juin. L’enjeu, aujourd’hui, ne consiste point à un retour aux
mécanismes anciens, mais à une transmission satisfaisante des décisions de la politique
monétaire, aux variables réelles.

L’action par la politique monétaire devrait être accompagnée par une augmentation des
dépenses publiques d’investissement et celles visant à soutenir l’emploi. Creuser le déficit
public n’est pas nocif en soi, surtout pour un pays «émergent». Ce qui peut être nocif, c’est
l’usage qu’on fait du déficit.

Une bonne gouvernance, à priori et pendant l’exécution des investissements publics,


augmentera l’efficacité du multiplicateur keynésien qui, dans des conditions favorables, ferait
fructifier la dépense engagée et induira des effets bénéfiques sur l’économie.

Une affectation efficiente de la dépense publique en général, en gardant l’essentiel et en


se passant de l’accessoire, témoignerait d’une rationalité des décisions publiques, en ces
temps de crise.
15
1. Évaluation de la marge de manœuvre de BAM à l’ère du Covid-19

A la différence des grandes banques centrales, BAM conduit une politique monétaire
basée sur un TD positif, loin de zéro, lui accordant des marges de manœuvres satisfaisantes
pour agir sur l’activité économique, tout en restant vigilant à l’évolution des prix. Toutefois,
un nouvel assouplissement monétaire risquerait de rétrécir les marges futures de la banque
centrale.

En effet, partant de la baisse de 25 pds du TD opérée en mars dernier, il est constaté


que les taux interbancaires ont quasi immédiatement corrigé à la baisse, tandis que les taux
débiteurs sont restés presque inchangés. Le degré de pass-through, mesurant la réactivité des
taux bancaires aux variations des TD a favorisé une détente des taux débiteurs de 29 pbs au
titre du T2-20 par rapport au T1-20, soit une vitesse d’ajustement des taux bancaires suite aux
variations du TD de l’ordre de 1,1 contre une réaction de 2 observée durant la période T1-16
pour une même réduction du TD. De surcroît, la montée des créances en souffrance (8,3% à
fin août 2020 contre 7,6% à fin décembre 2019) renforce l’intolérance aux comportements
jugés risqués. Au vu de l’état de prudence, même la réduction du taux de réserves obligatoires
peut être également inopérante si les banques commerciales manifestent une préférence
pour la liquidité aux dépens de l’ouverture de lignes de crédit.

Par ailleurs, la Banque centrale serait contrariée par la baisse du taux d’intérêt naturel
susceptible de contrecarrer les efforts d’assouplissement de la politique monétaire. En effet,
plus le taux réel d'équilibre est bas, plus il est difficile pour le taux réel effectif de s'en
rapprocher du fait du plancher des taux nominaux, en particulier lorsque l'inflation est faible.

Une estimation économétrique à l’aide d’une


« règle de Taylor » indique un taux d’équilibre
autour de 0,5% en 2020, suggérant que le TD
devrait être inférieur d’environ de 100 pb à son
niveau actuel pour que la politique monétaire soit
expansionniste.

Il est à noter que si la crise sanitaire a fortement dégradé le taux d’équilibre, sa


tendance était orientée à la baisse en ligne avec le ralentissement de la croissance potentielle.

16
En effet, selon la règle dynamique de Taylor, ce taux est passé de 2% en 2012 à 1,2% à partir
de 2016.

2. Impact d’un assouplissement monétaire au Maroc : résultats empiriques

Afin d’évaluer l’impact potentiel d’une politique monétaire non conventionnelle au


Maroc, une investigation empirique a été opérée à l’aide un modèle économétrique de type
VAR (vecteur autorégressif) qui relie les taux d’intérêt, la croissance, l’inflation, le crédit et
le taux de change. Dans ce type d’approche, chaque variable dépend à la fois de sa propre
histoire et de l’histoire des autres variables autour d’un système d’équations.

La modélisation tient comme hypothèse d’un programme d’achat de bons de trésor à hauteur
de 1% du PIB. Les résultats se présentent comme suit :

Au niveau des taux souverains : Le programme d’assouplissement quantitatif


produirait un abaissement des taux d’intérêt de même ampleur que celui qui aurait
résulté d’une baisse du taux directeur. En achetant les actifs, BAM influencerait le prix
de ces derniers à la hausse, ce qui abaisse leur rendement. Ainsi, la banque centrale
influencerait les taux longs de manière plus directe en modifiant l’équilibre entre
l’offre et la demande de titres.
● Au niveau de la croissance et inflation : sachant que d’assouplissement quantitatif
aurait provoqué une baisse des taux, on en déduit que ce programme d’achat
relèverait la croissance de plus de 0,4% et l’inflation de près de 0,7%.
● Au niveau du taux de change : l’assouplissement quantitatif conduirait à une
dépréciation du taux de change. En réduisant le taux de rendement, l'assouplissement
monétaire devrait inciter les opérateurs financiers à se tourner vers des titres
étrangers générant des rendements supérieurs. Ces opérations nécessitent
l’acquisition de monnaies étrangères entraînant une dépréciation de la monnaie
locale. Toutefois, il en résulterait une amélioration de la compétitivité de l’économie
favorable aux exportations.
● Ainsi, en allégeant les conditions d'emprunt des agents non financiers, la baisse des
taux longs, soutiendrait directement la demande intérieure. Pour les entreprises, la
baisse des taux soutiendrait l’investissement et faciliterait la hausse de salaires.

17
La justification habituelle de cette politique monétaire consiste à dire qu’elle permet
une relance de l’activité économique, grâce au développement des crédits, et qu’elle aide à
atteindre l’objectif de taux d’inflation (qui est proche de 2% pour la BCE). Ceci sous-entend
d’ailleurs que l’on considère généralement implicitement qu’il existe une relation positive
entre inflation et croissance économique (et, symétriquement, une relation entre déflation et
dépression économique).

Cette conséquence inflationniste de l'assouplissement quantitatif est parfois remise


en cause par les keynésiens. Il y a peu d'augmentation de l'inflation, car la vitesse de
circulation de la monnaie n'augmente pas, la nouvelle augmentation de la masse monétaire
étant dirigée principalement vers les marchés financiers ou augmentant simplement le bilan
de la banque centrale.

De ce fait, le financement du trésor par la création monétaire reste très difficile à


mettre en place dans le cas Marocain, vu le rétrécissement de la marge de manœuvre de BAM
mais aussi la profondeur financière du marché.

18
Conclusion

En somme, les périodes de guerre et de crises furent souvent caractérisées par le


financement du trésor par la création monétaire. Les banques centrales contribuent à l’effort
en garantissant le financement des dépenses engagées par les gouvernements. En période
de crise l’objectif n’est autre que de financer la relance et la création d’emploi, sans porter
atteinte à la souveraineté des Etats dans une période de course effrénée à l’endettement
public, dont les conséquences à terme demeurent incertaines. En outre, les déviations par
rapport à la règle, engendrées par la monnaie hélicoptère, ne seraient que temporaires, le
temps que la relance porte ses fruits en termes de croissance et de génération d’emploi. Par
la suite, la monnaie hélicoptère pourra être désactivée.
Au milieu de l'urgence économique précipitée par la pandémie de COVID-19, la
stabilité du système financier est apparue comme la principale préoccupation des banques
centrales. Leur première réponse au choc du marché du coronavirus a été d'injecter des
liquidités, surtout via une action coordonnée des principales banques centrales, dirigée par la
Réserve fédérale.
Certes, les banques centrales de tous les pays ont été à la rescousse pour éviter une
crise financière, permettre aux États de soutenir leur économie et repousser la crise sociale,
néanmoins cet instrument peut avoir des effets indésirables sur les prix et la stabilité
financière.
La monnaie Canadair n’est qu’un instrument temporaire, la phase post covid 19
nécessite d’étudier d’autres pistes qui s'inscrit davantage dans la durée.

19
20
Table des matières
Introduction 1
I. 3
1. 3

2. 5

3. 7
II. 9
1- 9
2- 11

III. 15

1. 16

2. 17

Conclusion 18
BIBLIOGRAPHIE 20

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BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages
▪ Delaplace, M. (2003). Monnaie et financement de l'économie. Dunod.
Articles scientifiques
▪ Christophe Blot et Paul Hubert, 2020, « De la monétisation à l'annulation des dettes
publiques, quels enjeux pour les banques centrales ? », OFCE Policy brief 80, 9
novembre.
▪ Karim ELMOKRI (2020) « La monnaie hélicoptère aurait-elle son mot à dire dans la
crise de la COVID-19 ? » POLICY BRIEF PB 20-53
▪ Jézabel Couppey-Soubeyran (2020), « La monnaie hélicoptère contre la dépression
dans le sillage de la crise sanitaire » - Institut Veblen.
▪ Milton Friedman, l’un des plus grands spécialistes de l’histoire monétaire, écrivait
déjà en 1980 «Free to choose» au sujet de l’argent magique lorsque les dépenses
gouvernementales sont financées par création monétaire.
▪ Eric Milstein et David Wessel (2021) Rapport produit par le Hutchins Center on Fiscal
and Monetary Policy.
Rapports et études
▪ Note de l’assouplissement quantitatif, 2021, Direction du Trésor et des Finances
Extérieures DT1/ DAMVS / SAM ;
▪ Quantitative easing (assouplissement quantitatif) (Septembre 2021) la Banque de
France, rubrique ABC de l’économie
Webographie
▪ https://www.lapresse.ca/debats/opinions/2020-06-23/peut-on-vraiment-imprimer-
de-l-argent-pour-payer-la-dette
▪ https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/politiques-economiques/theories-
economiques/creation-monetaire/les-banques-centrales-creent-elles-de-la-
monnaie/
▪ https://fnh.ma/article/opinions-libres/la-planche-a-billets-une-mesure-d-autrefois.

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