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DOSSIER

UROLOGIE

Physiologie
et physiopathologie
de l’érection
JE. El Ammari*, O. Riyach**, Y. Ahallal**, Y. Tahiri**, S. Mellas*, MF. Tazi*,
A. Khallouk*, MJ. El Fassi***, My H. Farih****
*Professeur assistant, **Résident, ***Professeur, ****Professeur et Chef de service
Service d’Urologie. CHU Hassan II. Fès.

L'érection est un mécanisme musculovasculaire par modification de l'état de relaxation des fibres musculaires
lisses qui composent les deux corps caverneux, augmentation de l'apport artériel et par diminution du retour
veineux. Cette vasomotricité est sous la dépendance d'un double contrôle neurologique central et endothélial
local dans une ambiance hormonale liée à la testostérone. Toute altération d'un de ces facteurs peut causer ou
contribuer à la survenue d'une dysfonction érectile.

PHYSIOLOGIE veux (3). Ces fibres musculaires lisses sont des aréoles vasculaires et la richesse d'in-
DE L’ÉRECTION recouvertes d’un endothélium dont la nervation du gland. C’est un corps érectile
fonction dans le mécanisme de l’érection "à basse pression" qui intervient essentiel-
■ Bases anatomo- semble capital par la libération d’un neu- lement dans la "sensorialité génito-sexuel-
histologiques rotransmetteur responsable de leur relâ- le" de l'homme et dans la rigidification
chement (4, 5) ( fig.1). caverneuse par la mise en action réflexe
Les corps caverneux, éléments principaux via des stimuli mécaniques génitaux. Le
de l'érection, sont entourés d’une enve- Le corps spongieux se caractérise par la sang parvient dans la verge par l’artère
loppe épaisse, l'albuginée. Cette tunique finesse de son albuginée, la prépondérance caverneuse. Des artères caverneuses par-
est constituée de fibres de collagène
inextensibles mais plissées ou ondulées à
Endothélium Veine Corps caverneux
l'état flaccide où se mêlent des fibres élas- Muscle lisse émissaire
tiques (1).
Lors de l’érection, ces fibres de collagène se
déplissent et permettent l’allongement de la Artère Sinusoïde
verge. Ils sont morphologiquement compa- hélicine

rables à une éponge composée de travées


fibreuses disposées irrégulièrement.
Ces travées partent de l'albuginée, se Fig. 1 : Histo-anatomie des corps érectiles
ramifient pour délimiter des lacunes vir-
tuelles à l'état flaccide, sphériques à l'état
d'érection et pour former une gangue
fibreuse autour de l'artère et des nerfs Corps
caverneux (2,3). Ces travées fibreuses sont spongieux

entourées de fibres musculaires lisses où Tunique Tunique


chemine un riche réseau vasculo-ner- albuginée
caverneuse Urètre
albuginée
spongieuse

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉRECTION

tent les artères hélicines qui s’ouvrent À l'état flaccide, le tonus sympathique le mono-oxyde d’azote (NO) largué par
dans les espaces caverneux et les artères maintient les espaces sinusoïdes fermés les terminaisons nerveuses non adréner-
capillaires qui rejoignent un plexus vei- par la contraction des fibres musculaires giques-non cholinergiques et par les cel-
neux sous-albuginéal. Le sang des corps lisses caverneuses. lules endothéliales des corps érectiles.
caverneux est drainé par un plexus vei- La flaccidité due à la contraction des cellules
neux sous-albuginéal qui forme les Le déclenchement d'une érection est le musculaires lisses des corps caverneux
veines émissaires (6). Ces dernières se jet- résultat d'une cascade d'événements ini- résulte de l’action de trois facteurs
tent soit directement, soit par l’intermé- tiés au niveau local par la libération de principaux : l’activité myogénique
diaire du réseau circonflexe dans la veine neuromédiateurs du système ner- intrinsèque, le tonus adrénergique et les
dorsale profonde de la verge après avoir veux pro-érectile. Le relâchement des facteurs vasoconstricteurs endothéliaux
traversé l’albuginée. fibres musculaires lisses caverneuses et de (angiotensine II, PGF2α et les
la paroi des artères caverneuses permet le endothelines) (9). La détumescence après
L’innervation du pénis est à la fois remplissage des espaces sinusoïdes par érection pourrait résulter de l’arrêt de la
autonome (sympathique et parasym- du sang artériel (concept de “l’éponge libération du NO par les terminaisons
pathique) et somatique (sensitive et musculaire lisse active” aspirant le sang)(7). nerveuses et les cellules endothéliales.
motrice). Des centres spinaux parasympa- L'augmentation de volume des corps Plusieurs neuromédiateurs centraux
thiques, situés dans la colonne intermédio caverneux met en tension l'albuginée, pro-érectiles (acétylcholine, NO, vasoactive
latérale sacrée (S2, S3, S4) et sympathique bloquant par compression le retour vei- intestinal peptide, l’ocytocine, 5-hydroxy-
dans la moelle dorsolombaire (D11-L2), neux sous-albuginéal. La pression intra- testosterone, calcitonin gene-related pepti-
partent des neurones qui traversent le caverneuse atteint ainsi des valeurs de, adénosine triphosphate et substance P)
plexus pelvien situé dans les lames sacro- proches de la pression artérielle sys- et anti-érectile (dopamine, norepinephrine,
recto-génito-pubiennes pour former les tolique. La super-rigidité est obtenue sérotonine, prolactine) peuvent être impli-
nerfs caverneux. Ces derniers cheminent grâce à la contraction des muscles qués dans la régulation de la fonction
de 2 à 4 mm de part et d’autre de l’apex ischiocaverneux qui chasse le sang de la sexuelle.
prostatique, le contournent sur ses faces racine des corps caverneux vers leur par- La sérotonine et l’ocytocine représentent
latérales puis antérieure avant de traverser tie libre où la pression atteint alors des les médiateurs les plus actifs des relations
le plancher pelvien et pénétrer les corps valeurs suprasystoliques (8). respectivement bulbospinales et hypotha-
caverneux et spongieux. lamospinales. L’existence de neurones
L’innervation somatique est assurée La détumescence résulte de la remise en sérotoninergiques issus du noyau paragi-
par le nerf dorsal de la verge, branche tension des fibres musculaires lisses qui gantocellulaire et projetant sur le noyau
du nerf honteux (pudendal). Ses fibres diminue ainsi la compliance des corps caver- parasympathique sacré, responsables de
sensitives partent des récepteurs libres ou neux. L’apport artériel se réduit, le sang l’inhibition supraspinale des réflexes uré-
corpusculaires et pénètrent la moelle emprisonné dans la verge s'élimine par les trogénitaux a été démontrée.
sacrée pour cheminer dans le faisceau veines caverneuses restées partiellement Les neurones ocytocinergiques présents
spino-thalamique avant de se projeter sur ouvertes pour permettre la sortie de sang et dans le noyau paraventriculaire activeraient
le cortex pariétal controlatéral. Les fibres son renouvellement nécessaire à l'oxygéna- les neurones médullaires proérectiles.
motrices naissent du noyau sacré d’Onuf tion des tissus au cours de l'érection. L'aire préoptique médiane représente
(S2–S4) et innervent les muscles striés La verge sous tension perd de sa rigidité un site d'intégration important pour des
ischio-caverneux et bulbo-caverneux. et retrouve progressivement son état flac- informations d'origines diverses, par
Le contrôle supramédullaire des cide par l'élimination dès lors rapide du exemple olfactives. Sa stimulation pro-
centres sympathique thoracolombaire et sang au travers des veines émissaires et de voque une érection (10). (Fig. 2)
parasympathique sacré de l'érection se fait la veine dorsale ré-ouvertes.
au niveau bulbaire (noyau paragigantocel- Le remplissage et la vidange de l'éponge ■ Mécanismes intracellulaires
lulaire), hypothalamique (noyau paraven- érectile dépendent avant tout des méca- et intercellulaires de l’érection
triculaire et aire préoptique médiane), tha- nismes qui contrôlent localement et à dis-
lamique, limbique et cortical. Les fibres musculaires lisses des corps caver-
tance la myocontractilité lisse.
neux et des artères à destinée pénienne se
■ Mécanismes de l’érection ■ Commande et médiation relâchent à la suite de l’appauvrissement de
leur milieu intracellulaire en calcium.
et de la détumescence nerveuse de l’érection Cette relaxation permet à la fois une aug-
L’érection est le fait de la succession de 3 Le rôle pro-érectile de l’innervation para mentation du débit sanguin vers le pénis
phénomènes essentiels : le relâchement sympathique et anti-érectile de l’innerva- et une ouverture des espaces sinusoïdes.
de la musculature lisse, la dilatation tion sympathique est connu. Cependant, Les nucléotides cycliques, AMPc et GMPc,
artérielle avec remplissage des sinusoïdes le consensus actuel reconnait que l’érec- sont les messagers intracellulaires des
caverneux et la restriction veineuse. tion est médiée principalement par médiateurs agissant sur les fibres muscu-

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laires lisses et régulant ces mouvements Signaux Olfactif


Visuel
sexuels Auditif
calciques intracellulaires. Imaginatif
Tactile
La voie NO-GMPc est prépondérante.
Des gap-jonctions, facilitant des échanges Hypothalamus
Hypophyse
ioniques extrêmement rapides entre les
Sécrétion de
fibres musculaires lisses, font du tissu Dopamine noradrénaline
Ocytocine
érectile un véritable syncytium fonction-
nel. Les neuromédiateurs non adréner- Hypothalamus
giques non cholinergiques, dont le prin-
cipal est le monoxyde d’azote (NO),
sont synthétisés par les neurones parasym-
pathiques présents dans les nerfs caverneux.
Ils agissent directement sur les fibres mus-
culaires lisses. Le NO augmente la concen-
Influx pro- Influx anti-
tration intracellulaire de GMPc. érectile érectile
(sympathique)
(parasympathique)
D’autres médiateurs proérectiles, tels que
l’acétylcholine, le CGRP ou la substance-P,
agissent par l’intermédiaire des cellules
endothéliales en favorisant la synthèse et la
libération de NO par celles-ci. A l’opposé,
les neuromédiateurs du système nerveux
sympathique, noradrénaline, neuropepti- Fig. 2 : Commande neurologique de l’érection
de Y et l’endothéline d’origine endothé-
liale provoquent la contraction des fibres Nerf
caverneux
musculaires lisses caverneuses, s’oppo-
sant ainsi à l’érection. Centre
La détumescence après érection est le résul- érectile
sacré
tat de l’arrêt de la libération du NO et de la
dégradation du GMPc (par la phosphodies-
térase type V) et l’AMPc (par la phospho-
diestérase type III) ainsi que de la décharge AU COURS DE L’ÉRECTION SE SUCCÈDENT
sympathique lors de l’éjaculation (11). (Fig.3) 3 PHÉNOMÈNES ESSENTIELS
• Le relâchement de la musculature lisse
PHYSIOPATHOLOGIE DE LA • La dilatation artérielle avec remplissage des
DYSFONCTION ÉRECTILE sinusoïdes caverneux
L’étiologie de la DE est souvent multifacto- • La restriction veineuse
rielle. Toute altération de l'état de santé
peut être associée à des troubles sexuels
en général et à une dysfonction érectile en LES DIFFÉRENTS TYPES D’ÉRECTIONS
particulier.
L'existence de co-morbidités asso- Quatre types d’érections peuvent être décrits :
ciées doit être systématiquement
recherchée car moins d'un tiers des • L’érection réflexe : en réponse à une stimulation génitale utilisant une
patients consultant pour DE sont boucle réflexe médiée au niveau spinal sacré.
indemnes de pathologies vasculaires, • L’érection psychogène : en réponse à une stimulation sensorielle utilisant
métaboliques, ou psychologiques (12).
les structures nerveuses supraspinales.
La DE en tant que phénomène physiopa-
thologique peut être considérée comme • L’érection nocturne : apparaissant à la phase du sommeil paradoxal et
un signe d'appel de ces pathologies et dont l’explication reste encore imprécise.
donc, comme un symptôme parfois pré-
monitoire d'insuffisance coronarienne,
• L’érection coïtale où interviennent des mécanismes réflexe et
de diabète ou d'artérite distale. psychogènes (10).

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉRECTION

une diminution de l'apport en oxygène au


sein des corps caverneux qui induit une
baisse de la synthèse de PGE2 et l'augmen-
tation de la synthèse de transforming grow-
th factor (TGF) ß1 et de collagène. Une
fibrose des corps caverneux se constitue
ainsi et limite de façon irréversible les pos-
sibilités de relaxation musculaire lisse et
d'expansion des espaces sinusoïdes. Après
l'insuffisance d'apport artériel, c'est la
défaillance des mécanismes veino-occlusifs
qui rend impossible toute érection rigide(13).

■ Dysfonction érectile
d’origine neurologique
La DE et les troubles de l'éjaculation sont fré-
quents chez les patients atteints de poly
neuropathie, dans le cadre du diabète
notamment. La sclérose en plaques est
également fréquemment associée à des
troubles de l'érection survenant dans les 5 à
Fig. 3 : Mécanismes cellulaires et pharmacologie de l’érection 10 ans qui suivent le début de la maladie lors-
qu'elle progresse.
Les troubles sexuels associés à la maladie
La plupart des affections touchant le système de Parkinson, baisse du désir sexuel et DE,
nerveux, central ou périphérique, restent aujourd'hui sans explication physio-
peuvent être responsables de DE pathologique.
Plus de la moitié des patients développent
une insuffisance érectile après un acci-
■ Dysfonction érectile (initiation de la relaxation) et du NO dent vasculaire cérébral.
d’origine vasculaire endothélial (maintien de la relaxation). La En fait, la grande majorité des affections
diminution du NO induit la synthèse de touchant le système nerveux, central ou
Les modifications fonctionnelles ou morpho- vasoconstricteurs tels que la thromboxane périphérique, qu'elles soient tumorales,
logiques touchant les phénomènes impli- A2 et les prostaglandines F2 et H2. inflammatoires, dégénératives ou trauma-
qués dans le remplissage des corps caver- tiques, peuvent être responsables de DE.
neux (vascularisation artérielle pudendale, L'hypercholestérolémie inhibe, par le Les troubles sexuels représentent
espaces sinusoïdes, endothélium, muscle biais des lipoprotéines de basse densité une part importante de l'altération
lisse, tissu de soutien) et leur drainage oxydées (ox-LDL), la relaxation artérielle de la qualité de vie des blessés
(réseau veineux sous-albuginéal, albuginée, dépendante du NO endothélial par un médullaires.
vascularisation veineuse) peuvent être à l'ori- excès de production d'inhibiteurs de la Les patients dont la lésion médullaire est
gine d'une DE. Les maladies cardiovascu- NO synthase. Cette altération de la voie située au-dessus du centre parasympa-
laires partagent avec la DE les mêmes fac- NO/guanosine monophosphate cyclique thique sacré gardent la possibilité d'érec-
teurs de risque : tabagisme, hyperlipidémie, (GMPc) endothéliale est réversible sous tion réflexe, parfois de courte durée,
hypertension artérielle et diabète. L'athéro- traitement hypolipémiant. nécessitant le maintien de la stimulation
sclérose des artères pudendales est plus locale pour durer et qui sont améliorées
fréquente chez les hommes souffrant de L'hypertension artérielle est un facteur de façon significative par les inhibiteurs
troubles de l'érection. de risque indépendant de DE et même de la phosphodiestérase de type 5.
L'ischémie chronique induite par la chez les hypertendus traités. Les patients ayant des lésions incomplètes
réduction du calibre des artères Il s'agit probablement de la conjonction de peuvent garder des érections dites psy-
athéromateuses est responsable de plusieurs facteurs neurogènes chogènes (induites par des stimulations
modifications fonctionnelles du lit d'aval (noradrénaline), hormonaux (angiotensine visuelles et psychologiques). En revanche,
par diminution de l'activité NO synthase et II) et hémodynamiques qui déterminent la les lésions touchant le centre parasympa-
réduction de la relaxation musculaire lisse dysfonction endothéliale. thique sacré génèrent des DE sévères (13).
caverneuse dépendante du NO neuronal L'ensemble de ces phénomènes conduit à

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■ Dysfonction érectile mixte Des lésions


trois situations afin de prévenir les consé-
quences tissulaires définitives de l'isché-
• Le diabète endothéliales et mie chronique et de la dénervation (16).
La prévalence de la DE augmente avec la nerveuses peuvent
durée du diabète, l'âge et si le diabète est survenir dans ■ Dysfonction érectile
mal contrôlé. Le risque de DE augmente d’origine psychologique
les suites d’une
avec la survenue de complications cardio- et psychiatrique
vasculaires, rénales et neurologiques (12). radiothérapie
Le risque corrigé pour l'âge de voir surve- Une DE psychogène primaire est parfois
nir une DE complète serait trois fois plus évoquée en l'absence de facteur organique
important chez un diabétique que dans la hémorragiques. Les lésions des nerfs chez un homme jeune n'ayant jamais eu
population générale (14). caverneux sont rarement en cause, d'érection normale. L'anxiété de perfor-
Le diabète peut être responsable d'une sauf en cas de rupture de l'urètre posté- mance, des inhibitions profondes, trouvant
DE par plusieurs mécanismes physiopa- rieur et plus encore, en cas de réparation leur origine dans l'enfance ou dans des
thologiques distincts : psychologique, chirurgicale en urgence de cette lésion. expériences sexuelles traumatisantes, doi-
neurologique central et périphérique, Les lésions directes des corps caverneux vent être recherchées. L'association entre
hormonal (sécrétion d'androgène), passent le plus souvent inaperçues en cas DE et troubles psychiatriques est très fré-
endothélial et musculaire lisse. de traumatisme majeur et peuvent être quente mais il est souvent difficile en pra-
Chez les hommes diabétiques, la DE est responsables de priapisme à haut débit tique clinique de faire la part de ce qui
plus fréquente en cas de neuropathie et la par création de fistule artériocaverneuse. revient à la maladie elle-même et à son trai-
prévalence de l'insuffisance artérielle Les lésions des nerfs caverneux et d'une par- tement. Dans le cas des troubles psycho-
caverneuse est élevée. Au niveau du tissu tie de la vascularisation accessoire des corps gènes, la DE est souvent associée à d'autres
caverneux, il existe une diminution du caverneux au cours d'interventions de chi- troubles sexuels tels que la baisse du désir
nombre de cellules musculaires lisses et de rurgie carcinologique pelvienne ou d'irradia- et l'éjaculation précoce. Les hommes vic-
cellules endothéliales ainsi qu’une augmen- tion externe ou interstitielle peuvent être times d'abus sexuels dans l'enfance, res-
tation du collagène dans l'interstitium. responsables de DE, souvent associée à des ponsables de conduites sexuelles violentes,
Le diabète induit une altération géné- troubles de l'éjaculation alors que l'orgasme ou ceux ayant peu de partenaires ont une
ralisée du fonctionnement des cellules est en général préservé. La préservation uni probabilité plus grande de développer une
endothéliales qui est responsable d'une ou bilatérale des nerfs caverneux (après DE ou des troubles du désir (13).
augmentation de la prévalence des patho- prostatectomie radicale) permet de voir
logies vasculaires. Les effets principaux de réapparaître, après un temps variable (6 à 18 ■ Dysfonction érectile
cette altération sont la diminution de l'ac- mois), des érections suffisantes pour per- d’origine endocrinienne
tivité de la NO synthase endothéliale et de mettre la pénétration (15 à 85% des cas). Les
mécanismes physiopathologiques impliqués L'hypogonadisme primaire ou secon-
la libération de NO ainsi que la présence daire est souvent associé à une DE mais
de radicaux libres oxydatifs (13). seraient la conséquence de lésions tissulaires
secondaires à la dénervation. Les lésions d'is- pas de façon systématique. Un certain
chémie chronique, liées soit à l'absence nombre d'hypothèses a été avancé pour
• Lésions traumatiques, radiques expliquer pourquoi chez certains hommes
et chirurgicales d'érection au cours d'une période d'inertie
post-traumatique prolongée ou à une insuffi- castrés l'érection persiste dans certaines
Ces trois types de lésions peuvent être situations. Ainsi, les érections psychogènes
responsables de DE par des méca- sance d'apport artériel, vont majorer les
lésions de dénervation ou se substituer à (déclenchées par la vue de scènes érotiques
nismes neurologiques, vasculaires ou par exemple) ne seraient pas dépendantes
psychogènes. Lors des traumatismes elles en cas de préservation nerveuse.
Au cours de la radiothérapie, des des taux d'androgènes, les érections noc-
pelviens et périnéaux, les lésions ner- turnes ne seraient abolies que pour des taux
veuses peuvent être localisées au niveau lésions endothéliales et nerveuses
surviennent dès 45-50 grays. très faibles de testostérone.
de l'un ou des deux nerfs pudendaux, le En revanche, les érections survenant au
long des branches ischiopubiennes met- Des lésions de fibrose liées à l'irradiation
directe du bulbe spongieux et de la racine cours d'un acte sexuel avec une partenaire
tant ainsi en jeu l'innervation sensitive, les seraient dépendantes des taux d'andro-
afférences de l'arc réflexe mais également, des corps caverneux ont également été rap-
gènes. La carence prolongée en testostérone
les fibres motrices innervant les muscles portées comme pouvant être responsables
ou en dihydrotestostérone est responsable
striés fixés à la racine des corps érectiles. de DE. La probabilité de voir apparaître une
de troubles du désir mais également d'altéra-
La vascularisation artérielle du pénis peut DE dans les 5 ans qui suivent une radiothé-
tions morphologiques et fonctionnelles péri-
également être lésée directement ou lors rapie conformationnelle ou une brachythéra-
phériques impliquant probablement la voie
d'une embolisation pudendale sélective pie prostatique est de l'ordre de 40 à 60% (15).
nitrergique proérectile au niveau endothélial
réalisée parfois lors des fracas pelviens La rééducation pharmacologique active et neuronal (17).
doit être envisagée précocement dans ces

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PHYSIOLOGIE ET PHYSIOPATHOLOGIE DE L’ÉRECTION

Le déficit androgénique lié à l’âge insuffisance coronarienne, diabète, modifica- CONCLUSION


(DALA) doit être envisagé dans une vision tions hormonales et dépression) qui aug-
globale et complexe des modifications hor- mentent la prévalence de la DE (45%). L’érection est un mécanisme musculo-vas-
monales associées à l'avancée en âge. Il ne Les mécanismes en cause semblent multifac- culaire par modification de l’état de relaxa-
s'agit pas, comme chez la femme, d'un phé- toriels, conduisant à des perturbations de tion des fibres musculaires lisses des corps
nomène systématique induisant un arrêt la voie nitrergique proérectile par dimi- caverneux, augmentation de l’apport arté-
complet de production des androgènes. Les nution du NO biodisponible liée à une dimi- riel et réduction du retour veineux.
causes ne sont pas clairement identifiées et nution des possibilités de synthèse et à une Cette vaso-motricité est sous la dépendan-
l'augmentation de l'apoptose au niveau augmentation de sa destruction en raison de ce d’un double contrôle neurologique cen-
hypothalamo-hypophysaire et testiculaire la présence de radicaux libres. tral et endothélial local dans une ambiance
(cellules de Leydig) pourrait induire ces Après transplantation rénale, la prévalence hormonale liée à la testostérone.
modifications (13). de la DE semble stable. Les facteurs de risque Toute altération d’un de ces facteurs peut
indépendants identifiés sont l'âge, le temps causer ou contribuer à la survenue d’une
■ Causes passé en dialyse avant la greffe et l'artériopa- dysfonction érectile.
uro-néphrologiques thie périphérique. L'utilisation d'inhibiteurs
de l'enzyme de conversion de l'angiotensine
Les patients dialysés pour une insuffisance
semble avoir un rôle protecteur vis-à-vis de la
rénale chronique sont exposés à un certain
survenue de DE chez ces patients (18).
nombre de comorbidités (hypertension,

RÉSUMÉ : L'érection est un phénomène réflexe complexe qui nécessite un système vasculaire opérationnel, des corps caverneux
normaux, un climat hormonal favorable, une intégrité de la commande nerveuse, et un état psychologique favorable. Les corps érectiles
se comportent comme de véritables éponges musculaires actives autonomes. La myorelaxation des corps érectiles explique la
tumescence, et à l'opposé la myocontraction explique la détumescence et la flaccidité. Le corps caverneux sert de tuteur aux corps
spongieux et participe à la sensorialité sexuelle de la femme. Le rôle du corps spongieux est moins connu, mais semble être essentiel
dans la survenue de l'érection somatique. L’érection est donc sujette à l'influence de facteurs psychologiques, hormonaux, neurologiques,
vasculaires et tissulaires. L’atteinte de chacun de ces éléments peut expliquer à lui seul la dysfonction érectile. Cependant cette dernière
est le plus souvent multifactorielle et même chez le patient à forte composante organique, il existe toujours un facteur psychogène dû au
moins à un sentiment d'impuissance virile.

SUMMARY : Erection is a complex reflex phenomenon which needs a functional vascular system, normal corpus cavernosum bodies,
integrity of neuronal command and a favourable hormonal and psychological state. As an active and autonomous muscular sponge; the
erectile organ myo-relaxation and contraction explain respectively the tumescence and flaccidity detumescence states. corpus cavernosum
is used to support the corpus spongiosum contributing in female sexual sensory. The corpus spongiosum seems essential to somatic erec-
tion; however its role remains unclear. Many factors variation influence the erection; i.e.: psychological, hormonal, neurological, vascular
and tissue factor. One of which defect may result in the erectile dysfunction. However, it’s mostly multifactor, and even in patients with
strong organic component which often associated to psychogenic factor or at least a feeling of virile impotence.

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77 Espérance Médicale • Mars 2012 • Tome 19 • N° 186

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