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UROLOGIE
Physiologie
et physiopathologie
de l’érection
JE. El Ammari*, O. Riyach**, Y. Ahallal**, Y. Tahiri**, S. Mellas*, MF. Tazi*,
A. Khallouk*, MJ. El Fassi***, My H. Farih****
*Professeur assistant, **Résident, ***Professeur, ****Professeur et Chef de service
Service d’Urologie. CHU Hassan II. Fès.
L'érection est un mécanisme musculovasculaire par modification de l'état de relaxation des fibres musculaires
lisses qui composent les deux corps caverneux, augmentation de l'apport artériel et par diminution du retour
veineux. Cette vasomotricité est sous la dépendance d'un double contrôle neurologique central et endothélial
local dans une ambiance hormonale liée à la testostérone. Toute altération d'un de ces facteurs peut causer ou
contribuer à la survenue d'une dysfonction érectile.
PHYSIOLOGIE veux (3). Ces fibres musculaires lisses sont des aréoles vasculaires et la richesse d'in-
DE L’ÉRECTION recouvertes d’un endothélium dont la nervation du gland. C’est un corps érectile
fonction dans le mécanisme de l’érection "à basse pression" qui intervient essentiel-
■ Bases anatomo- semble capital par la libération d’un neu- lement dans la "sensorialité génito-sexuel-
histologiques rotransmetteur responsable de leur relâ- le" de l'homme et dans la rigidification
chement (4, 5) ( fig.1). caverneuse par la mise en action réflexe
Les corps caverneux, éléments principaux via des stimuli mécaniques génitaux. Le
de l'érection, sont entourés d’une enve- Le corps spongieux se caractérise par la sang parvient dans la verge par l’artère
loppe épaisse, l'albuginée. Cette tunique finesse de son albuginée, la prépondérance caverneuse. Des artères caverneuses par-
est constituée de fibres de collagène
inextensibles mais plissées ou ondulées à
Endothélium Veine Corps caverneux
l'état flaccide où se mêlent des fibres élas- Muscle lisse émissaire
tiques (1).
Lors de l’érection, ces fibres de collagène se
déplissent et permettent l’allongement de la Artère Sinusoïde
verge. Ils sont morphologiquement compa- hélicine
tent les artères hélicines qui s’ouvrent À l'état flaccide, le tonus sympathique le mono-oxyde d’azote (NO) largué par
dans les espaces caverneux et les artères maintient les espaces sinusoïdes fermés les terminaisons nerveuses non adréner-
capillaires qui rejoignent un plexus vei- par la contraction des fibres musculaires giques-non cholinergiques et par les cel-
neux sous-albuginéal. Le sang des corps lisses caverneuses. lules endothéliales des corps érectiles.
caverneux est drainé par un plexus vei- La flaccidité due à la contraction des cellules
neux sous-albuginéal qui forme les Le déclenchement d'une érection est le musculaires lisses des corps caverneux
veines émissaires (6). Ces dernières se jet- résultat d'une cascade d'événements ini- résulte de l’action de trois facteurs
tent soit directement, soit par l’intermé- tiés au niveau local par la libération de principaux : l’activité myogénique
diaire du réseau circonflexe dans la veine neuromédiateurs du système ner- intrinsèque, le tonus adrénergique et les
dorsale profonde de la verge après avoir veux pro-érectile. Le relâchement des facteurs vasoconstricteurs endothéliaux
traversé l’albuginée. fibres musculaires lisses caverneuses et de (angiotensine II, PGF2α et les
la paroi des artères caverneuses permet le endothelines) (9). La détumescence après
L’innervation du pénis est à la fois remplissage des espaces sinusoïdes par érection pourrait résulter de l’arrêt de la
autonome (sympathique et parasym- du sang artériel (concept de “l’éponge libération du NO par les terminaisons
pathique) et somatique (sensitive et musculaire lisse active” aspirant le sang)(7). nerveuses et les cellules endothéliales.
motrice). Des centres spinaux parasympa- L'augmentation de volume des corps Plusieurs neuromédiateurs centraux
thiques, situés dans la colonne intermédio caverneux met en tension l'albuginée, pro-érectiles (acétylcholine, NO, vasoactive
latérale sacrée (S2, S3, S4) et sympathique bloquant par compression le retour vei- intestinal peptide, l’ocytocine, 5-hydroxy-
dans la moelle dorsolombaire (D11-L2), neux sous-albuginéal. La pression intra- testosterone, calcitonin gene-related pepti-
partent des neurones qui traversent le caverneuse atteint ainsi des valeurs de, adénosine triphosphate et substance P)
plexus pelvien situé dans les lames sacro- proches de la pression artérielle sys- et anti-érectile (dopamine, norepinephrine,
recto-génito-pubiennes pour former les tolique. La super-rigidité est obtenue sérotonine, prolactine) peuvent être impli-
nerfs caverneux. Ces derniers cheminent grâce à la contraction des muscles qués dans la régulation de la fonction
de 2 à 4 mm de part et d’autre de l’apex ischiocaverneux qui chasse le sang de la sexuelle.
prostatique, le contournent sur ses faces racine des corps caverneux vers leur par- La sérotonine et l’ocytocine représentent
latérales puis antérieure avant de traverser tie libre où la pression atteint alors des les médiateurs les plus actifs des relations
le plancher pelvien et pénétrer les corps valeurs suprasystoliques (8). respectivement bulbospinales et hypotha-
caverneux et spongieux. lamospinales. L’existence de neurones
L’innervation somatique est assurée La détumescence résulte de la remise en sérotoninergiques issus du noyau paragi-
par le nerf dorsal de la verge, branche tension des fibres musculaires lisses qui gantocellulaire et projetant sur le noyau
du nerf honteux (pudendal). Ses fibres diminue ainsi la compliance des corps caver- parasympathique sacré, responsables de
sensitives partent des récepteurs libres ou neux. L’apport artériel se réduit, le sang l’inhibition supraspinale des réflexes uré-
corpusculaires et pénètrent la moelle emprisonné dans la verge s'élimine par les trogénitaux a été démontrée.
sacrée pour cheminer dans le faisceau veines caverneuses restées partiellement Les neurones ocytocinergiques présents
spino-thalamique avant de se projeter sur ouvertes pour permettre la sortie de sang et dans le noyau paraventriculaire activeraient
le cortex pariétal controlatéral. Les fibres son renouvellement nécessaire à l'oxygéna- les neurones médullaires proérectiles.
motrices naissent du noyau sacré d’Onuf tion des tissus au cours de l'érection. L'aire préoptique médiane représente
(S2–S4) et innervent les muscles striés La verge sous tension perd de sa rigidité un site d'intégration important pour des
ischio-caverneux et bulbo-caverneux. et retrouve progressivement son état flac- informations d'origines diverses, par
Le contrôle supramédullaire des cide par l'élimination dès lors rapide du exemple olfactives. Sa stimulation pro-
centres sympathique thoracolombaire et sang au travers des veines émissaires et de voque une érection (10). (Fig. 2)
parasympathique sacré de l'érection se fait la veine dorsale ré-ouvertes.
au niveau bulbaire (noyau paragigantocel- Le remplissage et la vidange de l'éponge ■ Mécanismes intracellulaires
lulaire), hypothalamique (noyau paraven- érectile dépendent avant tout des méca- et intercellulaires de l’érection
triculaire et aire préoptique médiane), tha- nismes qui contrôlent localement et à dis-
lamique, limbique et cortical. Les fibres musculaires lisses des corps caver-
tance la myocontractilité lisse.
neux et des artères à destinée pénienne se
■ Mécanismes de l’érection ■ Commande et médiation relâchent à la suite de l’appauvrissement de
leur milieu intracellulaire en calcium.
et de la détumescence nerveuse de l’érection Cette relaxation permet à la fois une aug-
L’érection est le fait de la succession de 3 Le rôle pro-érectile de l’innervation para mentation du débit sanguin vers le pénis
phénomènes essentiels : le relâchement sympathique et anti-érectile de l’innerva- et une ouverture des espaces sinusoïdes.
de la musculature lisse, la dilatation tion sympathique est connu. Cependant, Les nucléotides cycliques, AMPc et GMPc,
artérielle avec remplissage des sinusoïdes le consensus actuel reconnait que l’érec- sont les messagers intracellulaires des
caverneux et la restriction veineuse. tion est médiée principalement par médiateurs agissant sur les fibres muscu-
■ Dysfonction érectile
d’origine neurologique
La DE et les troubles de l'éjaculation sont fré-
quents chez les patients atteints de poly
neuropathie, dans le cadre du diabète
notamment. La sclérose en plaques est
également fréquemment associée à des
troubles de l'érection survenant dans les 5 à
Fig. 3 : Mécanismes cellulaires et pharmacologie de l’érection 10 ans qui suivent le début de la maladie lors-
qu'elle progresse.
Les troubles sexuels associés à la maladie
La plupart des affections touchant le système de Parkinson, baisse du désir sexuel et DE,
nerveux, central ou périphérique, restent aujourd'hui sans explication physio-
peuvent être responsables de DE pathologique.
Plus de la moitié des patients développent
une insuffisance érectile après un acci-
■ Dysfonction érectile (initiation de la relaxation) et du NO dent vasculaire cérébral.
d’origine vasculaire endothélial (maintien de la relaxation). La En fait, la grande majorité des affections
diminution du NO induit la synthèse de touchant le système nerveux, central ou
Les modifications fonctionnelles ou morpho- vasoconstricteurs tels que la thromboxane périphérique, qu'elles soient tumorales,
logiques touchant les phénomènes impli- A2 et les prostaglandines F2 et H2. inflammatoires, dégénératives ou trauma-
qués dans le remplissage des corps caver- tiques, peuvent être responsables de DE.
neux (vascularisation artérielle pudendale, L'hypercholestérolémie inhibe, par le Les troubles sexuels représentent
espaces sinusoïdes, endothélium, muscle biais des lipoprotéines de basse densité une part importante de l'altération
lisse, tissu de soutien) et leur drainage oxydées (ox-LDL), la relaxation artérielle de la qualité de vie des blessés
(réseau veineux sous-albuginéal, albuginée, dépendante du NO endothélial par un médullaires.
vascularisation veineuse) peuvent être à l'ori- excès de production d'inhibiteurs de la Les patients dont la lésion médullaire est
gine d'une DE. Les maladies cardiovascu- NO synthase. Cette altération de la voie située au-dessus du centre parasympa-
laires partagent avec la DE les mêmes fac- NO/guanosine monophosphate cyclique thique sacré gardent la possibilité d'érec-
teurs de risque : tabagisme, hyperlipidémie, (GMPc) endothéliale est réversible sous tion réflexe, parfois de courte durée,
hypertension artérielle et diabète. L'athéro- traitement hypolipémiant. nécessitant le maintien de la stimulation
sclérose des artères pudendales est plus locale pour durer et qui sont améliorées
fréquente chez les hommes souffrant de L'hypertension artérielle est un facteur de façon significative par les inhibiteurs
troubles de l'érection. de risque indépendant de DE et même de la phosphodiestérase de type 5.
L'ischémie chronique induite par la chez les hypertendus traités. Les patients ayant des lésions incomplètes
réduction du calibre des artères Il s'agit probablement de la conjonction de peuvent garder des érections dites psy-
athéromateuses est responsable de plusieurs facteurs neurogènes chogènes (induites par des stimulations
modifications fonctionnelles du lit d'aval (noradrénaline), hormonaux (angiotensine visuelles et psychologiques). En revanche,
par diminution de l'activité NO synthase et II) et hémodynamiques qui déterminent la les lésions touchant le centre parasympa-
réduction de la relaxation musculaire lisse dysfonction endothéliale. thique sacré génèrent des DE sévères (13).
caverneuse dépendante du NO neuronal L'ensemble de ces phénomènes conduit à
RÉSUMÉ : L'érection est un phénomène réflexe complexe qui nécessite un système vasculaire opérationnel, des corps caverneux
normaux, un climat hormonal favorable, une intégrité de la commande nerveuse, et un état psychologique favorable. Les corps érectiles
se comportent comme de véritables éponges musculaires actives autonomes. La myorelaxation des corps érectiles explique la
tumescence, et à l'opposé la myocontraction explique la détumescence et la flaccidité. Le corps caverneux sert de tuteur aux corps
spongieux et participe à la sensorialité sexuelle de la femme. Le rôle du corps spongieux est moins connu, mais semble être essentiel
dans la survenue de l'érection somatique. L’érection est donc sujette à l'influence de facteurs psychologiques, hormonaux, neurologiques,
vasculaires et tissulaires. L’atteinte de chacun de ces éléments peut expliquer à lui seul la dysfonction érectile. Cependant cette dernière
est le plus souvent multifactorielle et même chez le patient à forte composante organique, il existe toujours un facteur psychogène dû au
moins à un sentiment d'impuissance virile.
SUMMARY : Erection is a complex reflex phenomenon which needs a functional vascular system, normal corpus cavernosum bodies,
integrity of neuronal command and a favourable hormonal and psychological state. As an active and autonomous muscular sponge; the
erectile organ myo-relaxation and contraction explain respectively the tumescence and flaccidity detumescence states. corpus cavernosum
is used to support the corpus spongiosum contributing in female sexual sensory. The corpus spongiosum seems essential to somatic erec-
tion; however its role remains unclear. Many factors variation influence the erection; i.e.: psychological, hormonal, neurological, vascular
and tissue factor. One of which defect may result in the erectile dysfunction. However, it’s mostly multifactor, and even in patients with
strong organic component which often associated to psychogenic factor or at least a feeling of virile impotence.
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