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Titre 2 : LES METHODES DU COUT PARTIEL

Comme nous l’avons déjà vu, les méthodes de calcul de coûts complets (celle des centres
d’analyse notamment) se sont développées au début du siècle, dans une "économie de
l'offre" (vendre n’est pas un problème), où les entreprises sont souvent mono productrices
et centrées autour de l'atelier de production. Au détour des années 20, elles se sont avérées
inadaptées face à un double mouvement de concentration et de diversification.

La concentration a conduit à une délégation verticale des responsabilités, dont la


comptabilité de gestion va devenir (aux USA) un support essentiel; mais seuls les coûts
"contrôlables" peuvent être imputés aux responsables décentralisés, et non des coûts
complets, dont ils n'ont pas entièrement la maîtrise.
La diversification va de pair avec la segmentation des marchés et l'avènement de la fonction
marketing; les coûts complets ne sont plus jugés pertinents face aux fluctuations de la
demande ou pour éclairer des décisions commerciales qui nécessitent des calculs de coûts
rapides et mieux ciblés. C'est pourquoi on assiste à la prolifération d'une multitude de
coûts partiels (coût variable, coût fixe, coût marginal, coût contrôlable, coût pertinent, coût
d'opportunité, etc...) qui devaient aider à résoudre un certain nombre d'interrogations:
Comment facturer une commande supplémentaire ? Doit-on modifier les prix ? Doit-on
augmenter les dépenses de publicité? Faut-il abandonner ou au contraire développer tel couple
produit-marché ? Sur quels critères peut-on définir le« mix produit» ?...

C'est pourquoi d'autres méthodes se sont imposées qui refusent les imputations arbitraires et se
prêtent davantage à la prévision et à la modélisation. Ce sont les méthodes dites de "coûts
partiels" que nous présenterons au chapitre 2 après avoir mis l’accent sur le comportement de
charges et son influence sur le coût et le résultat de l’entreprise ; et ce à travers le modèle « coût -
volume – profit », objet du chapitre 1.

Méthodes du coût partiel M. Atlagh


1
C H 1 / L a r e l a t i o n C o û t - v o l u me – p r o f i t

I- Un modèle de comportement de charges


Le modèle coût-volume-profit repose sur la possibilité de scinder les charges en deux catégories :
les charges variables et les charges fixes.

1. Choix d'un critère de variabilité


Il n'y a pas de charge variable ou fixe en soi, il faut donc définir le facteur de variabilité à partir
duquel on décidera si la charge est variable ou fixe.
Généralement on retiendra le volume d'articles fabriqués qui est sans doute le critère le plus opératoire ou
le niveau d'activité (niveau du CA)
On définira alors comme VARIABLES, les charges dont le montant évolue dans le même sens que
le volume de production ou le niveau d'activité.
Dans un souci d'opérationnalité du modèle, les comptables ont l'habitude de considérer que ces
charges varient PROPORTIONNELLEMENT au niveau d’activité. Cette simplification est
acceptable dans la mesure où l'on raisonne sur de faibles variations du volume et à court terme.
Parler de charges fixes est un abus de langage qui laisse supposer que certaines charges restent
constantes dans le temps. C'est souvent faux, car elles peuvent évoluer sous l'effet des variations de
prix ou de choix organisationnels. Mais ces variations sont indépendantes du critère retenu : le
niveau d'activité (dans une fourchette étroite et à court terme).
On appellera donc "charges fixes", les charges dont le montant est indépendant du niveau
d'activité, dans le cadre d'une structure de production donnée (les équipements, les procédés,
les hommes restent identiques)
Parler de charges de structure est peut-être plus évocateur ou significatif.

2. L'analyse des charges en fonction du niveau d'activité


Soit un atelier d’usinage dédié uniquement à la fabrication de pièces W. Il comprend 6 machines, 6
ouvriers et un contremaître. Pour cette structure, un relevé précis des charges, pour une période
mensuel, a été effectué en fonction du niveau d'activité, mesuré en heures-machines (temps de marche):

Activité 700 h 800 h 900 h 1000 h


Charges :
Matières 70 000 80 000 90 000 100 000
Energie 17 000 19 000 21 000 23 000
Amortissements 36 000 36 000 36 000 36 000
Celles-ci apparaissent comme variables, fixes ou semi-variables.

a. Les charges variables.


La consommation des matières est proportionnelle au niveau d'activité, puisque l'on raisonne à
rendements constants, dans le cadre d'une structure donnée.
Charge Charges
s

Niveau d'activité Niveau d'activité


Charges variables totales : 𝑦 = 𝑎𝑥 Charges variables unitaire
« a » : Le coefficient de variabilité. « x » : Le niveau de l’activité.
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Les amortissements apparaissent comme une charge fixe pour un niveau d'activité compris entre 700
heures et 1000 heures. L’équation serai alors dans ce cas : Y = b avec b : charges fixes

c. Les charges semi-variables.


L'énergie peut être qualifiée de charge "semi-variable". En effet, jusqu'à un certain seuil elles sont
fixes, mais au- delà on remarque qu'elles s'accroissent proportionnellement au niveau d'activité. La
modélisation envisagée implique d'éclater ces charges en une partie variable et une partie fixe, ce qui
ici ne pose pas de difficultés :
Le poste énergie comprend une partie incompressible (3 000) dû à l'abonnement, aux périodes de
réglage et au fonctionnement en veille des machines, même lorsqu’elles ne sont pas directement
productives.

Charges

23000
21000
19000
17000

3000

700 800 900 1000


Volume

Energie: Y1 = 20X + 3000

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2. Le compte de résultat différentiel :
La décomposition charges variables-charges fixes permet de faire apparaître un résultat intermédiaire,
la marge sur coûts variables et un indicateur de gestion, le taux de marge sur coûts variables (en
rapportant la marge sur coût variable au chiffre d'affaires).
CHIFFRE D'AFFAIRES PV x Q

COÛTS VARIABLES MARGES SUR COÛTS


CV x Q VARIABLES
(MCV)
COÛTS FIXES
(F)

R: le résultat MCV: la marge sur coût variable totale


PV: le prix de vente unitaire Q: les quantités produites et vendues
CV: le coût variable unitaire F: les frais fixes (frais de structure)
m: le taux de marge sur coût CAHT le chiffre d’affaires hors taxes
variable
On peut en déduire les deux relations suivantes
R = (PV - CV) x Q - F (1)
m= MCV / CA (2)
Le compte de résultat différentiel s'appuie sur cette décomposition et permet d'indiquer des marges à
chaque stade de fabrication :
Achats : 70 000 . Ventes : 300 000
Charges variables 20 000 Charges
d’approvision. : de production
Charges variables 80 000 de structure : 60 000
:
Charges variables de distribution 40 000
:
Compte de résultat différentiel de la société Delta
Chiffres d'affaires 300 unités à 300 000 100%
1000 €
70%
Coûts variables : 210 000

Marge sur coûts variables 90 000 30%


43,3%
Charges de structure 60 000
Résultat net comptable 30 000
10%
30%
Cette présentation du compte de résultat met bien en évidence les relations qui existent entre les coûts
(variables
et fixes) le volume de vente et le profit, et peut servir de cadre de réflexion pour diverses décisions de
gestion : quel devrait être le volume de vente ? Faut-il modifier le prix de vente ? Doit-on accepter
de nouvelles commandes à prix réduits ? Quel serait l'impact d'une campagne de promotion sur le résultat
net ? Est-il rentable d'acheter une nouvelle machine ? Faut-il engager un nouveau vendeur ?
Le concept de seuil de rentabilité a le mérite de donner une vision globale de ces problèmes, même s'il
n'épuise pas à lui seul la relation coût-volume-profit.

III- Le seuil de rentabilité


1. Concept de seuil de rentabilité comptable

a. Définition
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Le seuil de rentabilité comptable correspond au niveau d'activité (exprimé en volume ou chiffre
d'affaires) à partir duquel l'entreprise réalise un bénéfice, c'est-à-dire couvre la totalité de ses charges
fixes.
Le terme de "seuil de rentabilité" est cependant mal choisi puisqu'il n'est ici aucunement question de
"rentabilité" (bénéfice / capitaux engagés), mais simplement de bénéfice (produits - charges). On peut
très bien réaliser un faible bénéfice sans être pour autant rentable.
b. Calcul
Il peut être calculer à partir des deux relations précédentes :
R = (PV - CV) x Q - F (1)

MCV
m = ------------------
(2) CAHT
Pour que R = 0 , il faut que : (PV-CV) x Q = F et donc : MCV = F
Si l'on appelle SR le chiffre d'affaires qui correspond au seuil de rentabilité dans la relation 2 :
F
SR = ------------
m

Le compte de résultat condensé de l’entreprise Delta :


Chiffre d'affaires 300 000 (100%)
- Charges variables 210 000 (70%)
=Marge sur coûts variables ………. …….
- Frais fixes 60 000 (20%)
=Résultat ……….. ……..

Le taux de marge sur coût variable :


m = ……………………………………………….

et le seuil de rentabilité est donc de

SR = …………………………………………………..

d. Représentation graphique
Le problème du « seuil de rentabilité » ou « point mort » peut également être abordé graphiquement.
• Représentation par le coût total

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On constate que au point d'intersection des deux droites le résultat est nul, c'est à dire que le chiffre
d'affaires couvre tout juste l'ensemble des coûts; au delà l'entreprise est en bénéfice et en deçà elle est
en perte.

• Représentation par la marge sur coût variable

Au point d'intersection des deux droites le résultat est nul puisque la marge sur coût variable couvre
tout juste
les charges fixes.

d. Hypothèses simplificatrices
La simplicité et l'opérationnalité du modèle sont obtenues au prix d'hypothèses simplificatrices:
- Le volume est la seule variable qui influence vraiment les coûts;
- Les rendements sont constants, à l'intérieur de la fourchette de variation de volume retenue; les
charges variables évoluent donc proportionnellement au volume d'activité;
- Les prix de ventes sont constants;
- Les prix unitaires des facteurs sont constants;
- Les frais fixes (ou de structure) sont constants
- Il n'y a qu'un seul produit ou le "mix-produit" ne varie pas.
Dès que l'une de ces contraintes se trouvent modifiées, le graphique du seuil de rentabilité doit être
reconstruit. Celui qui en fait l'analyse doit constamment vérifier ses hypothèses.

2. Seuil de rentabilité et risque

a. Le seuil de rentabilité exprimé en date: POINT MORT


Le point mort représente la date à laquelle le seuil de rentabilité est atteint :

𝑺𝑹 × 𝟏𝟐
𝑷𝒐𝒊𝒏𝒕 𝑴𝒐𝒓𝒕 = ; 𝒔𝒊 𝒍𝒆𝒔 𝒅𝒐𝒏𝒏é𝒆𝒔 𝒔𝒐𝒏𝒕 𝒂𝒏𝒏𝒖𝒆𝒍𝒍𝒆𝒔
𝑪𝑨

− Si les données sont semestrielles : Point Mort = (SR × 6)/CA


− Si les données sont trimestrielles : Point Mort = (SR × 3)/CA

Cas d’une entreprise à activité saisonnière :


Les entreprises à activité saisonnière réalisent leur CA de façon irrégulière au cours de l’exercice. D’où
il n’est pas possible de retenir l’hypothèse de régularité de l’activité.

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Ces variations saisonnières en cours de l’exercice n’ont pas d’incidence sur les conditions d’exploitation
de l’entreprise et n’influencent pas la valeur du CA critique, mais par contre elles modifient la date à laquelle
il sera atteint. On décompose période par période le CA et on procède comme suit :
− Calcul du SR.
− Cumuler les CA.
− Calcul du PM par interpolation linéaire.

EXEMPLE : reprenons les données de l’exemple précédent, calculons le point mort :


✓ Dans l’hypothèse où les ventes sont régulières tout au long de l'année :
Nombre de jours pour atteindre SR:= ……………………………………………………..

✓ Dans l’hypothèse où les ventes sont i rrégulières sachant que les coefficients saisonniers ont
été les suivants :

MOIS J F M A M J J A S O N DF
COEF SAISO 0,53 0,14 0,85 0,68 1,3 0,81 1,5 1,66 0,9 0,42 1,33 1,88

Plus le point mort est atteint tardivement, plus grand est le risque car un renversement de
tendance pourrait rendre l'entreprise déficitaire.

b. La marge de sécurité et indice de sécurité


Elle correspond à la différence entre le chiffre d'affaires annuel et le seuil de rentabilité:
Marge de sécurité = CAHT - SR

Dans notre exemple


La marge de sécurité est ici de: ……………………………………………………………………………..

CAHT- SR
Indice de sécurité = -----------------------
CAHT

Soit ici: ……………………………………………………………………………..


Une telle marge de sécurité laisse à penser qu’il est très peu probable de faire une perte.
c. Le taux de prélèvement
Il correspond au pourcentage de chiffre d'affaires qui sert à couvrir les frais fixes: soit
………………………………………………………………………………………….

Lorsqu'il est élevé, il est plus difficile pour l'entreprise d'atteindre le point mort.
d. Le levier opérationnel
La notion de "levier opérationnel" traduit la sensibilité du résultat à une variation du chiffre d'affaires:
var. R / R
Levier opérationnel = ----------------------------
var.CAHT / CAHT

Une augmentation du chiffre d'affaires de +10% (il passerait à 330 000) conduirait à un résultat de
……………………………………………………………………………………………,
Soit une augmentation de …………………………………….
Le levier opérationnel est donc égal à 3, ce qui est élevé et risqué en cas de renversement de tendance
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CAHT- SR
Indice de sécurité = -----------------------
CAHT
Soit ici: ……………………………………………………………………..
Une telle marge de sécurité laisse à penser qu’il est très peu probable de faire une perte.

Une augmentation du chiffre d'affaires de +10% (il passerait à 330 000) conduirait à un résultat de 39
000, soit
une augmentation de +30%.
Le levier opérationnel est donc égal à 3, ce qui est élevé et risqué en cas de renversement de tendance.

3- Le seuil de rentabilité probabilisé


Lorsque le chiffre d’affaires futur peut être associé à une loi de probabilité connue, le gestionnaire peut en
tirer des indications intéressantes en matière de risque d’exploitation. Il peut notamment calculer la
probabilité de réaliser un résultat donné et la probabilité que le seuil de rentabilité soit atteint.
Exemple : Le gestionnaire prévoit un chiffre d’affaires annuel de 500 000 €. Le seuil de rentabilité est de
402 000 €.Si nous supposons que le chiffre d’affaires annuel suit une loi normale de moyenne 500 000 € et
d’écart type de 50 000 €, la probabilité d’atteindre le seuil de rentabilité peut se calculer comme suit :
Probabilité d’atteindre le seuil de rentabilité = P (CA> 402 000)= ?
On change de variable (remplacement de CA par T qui suit la loi normale centrée réduite de paramètre (0,1),
nous pouvons écrire
P (CA> 402 000)=P(T> 402 000- 500 000/50 000)=P (T>-1,96)=P (T<1,96).
D’après la lecture de la table de la loi normale, pour une valeur de T=1,96
P(T<1,96)=0.975
Ce qui nous donne une probabilité élevée (97,5%) d’atteindre le seuil de rentabilité dans l’année.

IV - Champ d'application de la relation coût-volume-profit


La relation coût-volume-profit a le mérite d'une grande simplicité et de fournir un cadre de raisonnement
pour de nombreuses décisions de gestion. Nous en donnerons quelques exemples d'application, avant
de nous interroger sur son champ de validité.

1. Exemples d'application
EXEMPE1
Combien faut-il vendre de billets d'entrée (à 80 €) pour pouvoir équilibrer la gestion d'un concert
sachant que la location de la salle a coûté 5000 €, que le cachet des musiciens se montent à 10 000 € et
les frais divers de gestion à 1000€ ?

EXEMPLE2
Qu'elles sont les conséquences sur le résultat net comptable de l'introduction d'une nouvelle
machine plus performante, dont le coût d'achat est de 120 000€, amortissable linéairement sur cinq
ans et qui permettrait d'abaisser l'ensemble des charges variables de 10% ?
Le compte résultat différentiel simplifié (mensuel) avant l’introduction de la machine :
Chiffre d'affaires 50 000
Coûts variables 35 000
Marge sur coût 15 000 (taux de marge : 30%)
variables
Frais fixes 10 000
Résultat (avant impôt) 5 000

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EXEMPLE 3

Dans quelle mesure faut-il engager un nouveau vendeur ? Le salaire fixe est de 6 000 € et il
touche une commission de 10% sur les articles vendus. Il aurait la charge d'un seul produit dont le prix
de vente unitaire est de 100 € et le coût variable de production de 70 €.
Réponse

EXEMPLE 4
Est-il opportun de lancer une campagne publicitaire (coût : 2 880 000 €) qui permettrait
d’augmenter les ventes de 20% pendant trois ans ?
Le compte de résultat (mensuel) avant le lancement de la
campagne : Chiffre d'affaires 2 000 000 (20 000 articles)
Coûts variables 1 200 000
Marge sur coût variables 800 000 (taux de
marge : 40%) Frais fixes 600 000
Résultat (avant impôt) 200 000
Réponse :

EXEMPLE 5
Doit-on accepter une commande supplémentaire de 100 articles à 165 € alors que le prix
habituel est de 200 € ?
Le compte de résultat (mensuel) avant l'introduction :
Chiffre d'affaires 200 000 (1000 articles)
Coûts variables 150 000
Marge sur coût 50 000 (taux de marge : 25%)
variables
Frais fixes 40 000
Résultat (avant impôt) 10 000
L'entreprise dispose de capacités excédentaires
Réponse :

2. Une logique de court terme


La relation coût-volume-profit n'est pertinente que pour formaliser des problèmes de gestion de court
terme ou à caractère limité (introduction d'une nouvelle machine), mais peut avoir des effets pervers
dès lors que des considérations de long terme ou stratégiques doivent être prises en compte.
De plus, elle met l'accent sur l'analyse des charges variables et conduit le gestionnaire à focaliser sur le
volume afin d'accroître la marge sur coûts variables pour couvrir des frais fixes qui apparaissent comme
fatals. Or la stabilité des frais fixes est une illusion qui peut se révéler très pernicieuse ; car elle
risque de favoriser un certain laxisme et une croissance rampante de ces frais. C'est une tendance
contre laquelle les entreprises s'efforcent aujourd'hui de réagir.

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Les méthodes de coûts partiels

I- Notions de base

A. La double classification des charges


Les charges incorporables en comptabilité de gestion peuvent être distinguées selon deux
critères:
- La variabilité des charges, c'est-à-dire leur comportement lorsque le niveau d'activité fluctue,
comme nous l’avons étudié au chapitre précédent ;
- Leur rattachement avec ou sans analyse aux objets de coûts (l’affectabilité).

Variabilité Charges variables Charges fixes

Affectabilité
1 3
Matières, composants Main Loyer ou amortissements
Charges directes d'oeuvre directe Sous- d'équipements spécifiques.
traitance
2 4
Charges Energie consommée par les Frais généraux des services
indirectes ateliers centraux (informatiques,
- Les charges directesPetites fournitures
et variables (cadran 1)non juridiques....)
peuvent Recherche
être affectées et des produits sans
aux coûts
stockées
difficulté particulière. développement..

- Les charges indirectes et variables (cadran 2) posent beaucoup plus de problèmes ; en effet,
elles nécessitent la mise en place d'un réseau d'analyse, avec toutes les lourdeurs que cela
implique, mais sont en général d’un montant relativement faible. C’est pourquoi, certains ont
été amenés à simplifier la méthode des coûts variables, en n'affectant aux objets de coûts que
les seules charges variables et directes (cadran 1). On parlera alors de "méthode des coûts
variables simplifiés".

- La présence de charges directes et fixes (cadran 3), d’un montant significatif, a conduit au
contraire, à perfectionner la méthode des coûts variables, en les affectant également aux coûts
des produits ; il s'agit de la "méthode du coût variable évolué" ou « méthode des coûts
spécifiques » (voir la section 3).
- Les charges indirectes et fixes (cadran 4) ne sont pas analysées mais simplement regroupées,
avant d'être absorbées grâce aux marges dégagées par les différents produits. Ces charges, en
pleine croissance, sont justement celles qui posent VSle plus de problèmes.

Le choix entre ces différentes méthodes de coûts partiels dépend de l'importance relative des
différents types de charges et de la nature des décisions à prendre.

B. Le schéma de base des méthodes de coûts partiels

Les méthodes de coûts partiels reposent sur deux idées essentielles :


- puisqu'un certain nombre d'imputations sont arbitraires et conduisent à des coûts biaisés, il est
préférable d'y renoncer et s'en tenir pour l'analyse à ce qui est connu, par exemple les charges
variables ou les charges directes ;

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- un coût n'a de sens qu'en fonction d'une décision à laquelle il contribue; c'est pourquoi il
convient de n'y intégrer que la partie jugée pertinente des charges de l'entreprise.

On aboutit alors au schéma de base qui constitue la trame des différentes méthodes de coûts
partiels:

Les produits dégagent des marges (et non des résultats) qui contribuent à couvrir une
masse indifférenciée de charges non réparties (charges fixes communes, etc.).

On appelle marge la différence entre le prix de vente et un coût partiel; il existe autant de marges
que de coûts partiels: marge sur coûts variables, marges sur coûts directs,.....

Toutes les analyses ou décisions de gestion se feront à partir des marges ainsi dégagées.
Chiffre d'affaires Chiffre d'affaires Chiffre d'affaires
Produit A Produit B Produit C

- Coûts partiels - Coûts partiels -Coûts partiels


imputés imputés imputés
au produit A au produit B au produit C
--------------------- ----------------------- -------------------
=Marge sur A =Marge sur B =Marge sur C

Charges communes

= Résultat de la firme

En retranchant à la somme des marges les charges communes, on obtient un résultat global:
Résultat = marges - charges communes
II- La méthode du coût variable
La méthode du coût variable porte également le nom de "direct costing" en raison de ses
origines américaines. Mais le terme est un "faux ami", puisque "direct" doit être traduit par
variable et non par direct.

A. Principes
La méthode du coût variable consiste à ne prendre en compte que les seules charges variables,
qu’elles soient directes ou indirectes, pour le calcul des coûts et à gérer à partir de la marge sur
coût variable.

Charges variables Charges fixes


Charges directes 1 3
Charges indirectes 2 4

(et non 1 et 3 comme le suggère le terme de "directcosting»)

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Quant aux charges de structure, elles sont supposées fixes à l'intérieur d'une zone de pertinence
et à court terme.

B. Les utilisations du "direct costing"

La méthode du direct costing est devenue très prégnante à partir des années 50 dans les
pratiques du management (surtout outre-Atlantique) et les managers ont, en effet, vu un outil
leur permettant de modéliser les coûts pour analyser et prendre de nombreuses décisions de
gestion :
- apprécier la profitabilité des différents produits à partir de leurs marges sur coûts variables;
- développer les produits à forte marge;
- abandonner une ligne de produits dont la marge sur coût variable serait négative;
- indiquer un prix minimum, le coût variable, pour tarifer une commande supplémentaire;
- décider de "faire" soi-même une activité dès lors que les coûts variables sont inférieurs au
prix du "faire faire" par un soutraitant;
- juger de la performance des responsables en fonction de la marge dégagée par leur secteur;
- établir des prévisions en fonction du niveau d'activité envisagée.

Nous allons maintenant examiner la pertinence de la méthode au travers d’un exemple simplifié.

C. Exemple : la société Coblenz

La société Coblenz fabrique et commercialise trois lignes de produits A,B et C. Le calcul des
coûts de revient complets pour la période de référence a permis de déterminer un résultat par
produit :

A B C TOTAL
Quantités vendues 100 300 200 600
Chiffre d'affaires 1 000 1 500 500 3 000
- Coût de revient - 1 050 - 1 150 - 600 - 2 800
Résultat
complet analytique - 50 + 350 - 100 + 200
Profitabilité - 5% - 23,3% -020% 6,7%

Le directeur se demande s'il doit abandonner l'une des lignes de produits déficitaires, en faveur
de
quel produit mettre en oeuvre une politique commerciale plus active et comment apprécier le
travail des trois responsables de produits ? Ces derniers lui expliquent fréquemment qu'ils ne
peuvent assumer certaines charges de structure dont ils n'ont pas l'entière maîtrise.

Conscient d'un certain arbitraire dans la répartition des frais fixes (difficultés de trouver des
unités d'oeuvre satisfaisantes dans les centres d'analyse) qui ne lui permet plus d'évaluer
correctement la profitabilité de ses produit, ni de juger objectivement de la performance
des différents responsables, le directeur a demandé à ses comptables d'établir un nouveau
compte d'exploitation analytique plus opérationnel, basée sur la méthode des coûts variables :

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A B C TOTAL
Chiffre d'affaires 1 000 1 500 500 3 000
- Coûts variables des ventes -400 -800 -200 -1 400
Marge sur coût variable 600. 700 300 1600
Taux de marge sur c.v. 0.6 0.46 0.6 0.53
Charges fixes 1 400
Résultat 200
Rappel : Le taux de marge sur coût variable (m):

m = MCV / CA

• Celui-ci démontre que l'abandon d'une des lignes de produits (A ou B) entraînerait


une diminution du résultat global. En effet, si l'on abandonne la ligne A, la société Coblenz se
prive d'une marge positive de 600, sans aucune économie de charges en contrepartie, puisque
les charges de structure sont supposées fixes.

Une règle très simple est souvent proposée :

Il faut envisager l'abandon des produits dont la marge sur coûts variables est négative,
mais conserver tous les autres qui contribuent à la couverture des charges fixes.

Cependant il faut avoir conscience des limites de ce raisonnement :


- il n'est valide qu'à court terme (par exemple, faut-il conserver ou abandonner un produit en
fin de vie ?), puisque à long terme la plupart des charges de structure pourraient être diminuées
ou supprimées.
- il ne prend pas en compte le fait que certains produits, apparaissant comme profitables
(marges sur coûts variables positives), peuvent se révéler gros consommateurs de fonctions
de support et être ainsi à l'origine de frais fixes élevés.

III- La méthode du coût variable évolué

A. Principes
La méthode du coût variable n'est significative que si les charges variables sont majoritaires;
quel sens cela aurait-il, en effet, de gérer sur 30 ou 40% des charges et de laisser dans l'ombre
une masse indifférenciée de 60 à 70%. Or les charges fixes n'ont cessé de croître.
La méthode du coût variable évolué consiste donc à aller plus avant dans l'analyse des charges
fixes et d'en distinguer deux types: les charges fixes directes (loyer ou amortissements
des matériels spécifiques à tel ou tel produit, certains frais commerciaux) et les charges fixes
indirectes (amortissements des installations communes, l'essentiel des frais administratifs,...).
L’ensemble des charges variables et les charges fixes directes (case 1, 2 et 3 de notre schéma
de référence) seront imputées aux objets de coûts.

Charges variables Charges fixes


Charges directes 1 3
Charges indirectes 2 4

On obtient alors deux niveaux de marge successifs: une marge sur coûts variables, puis une
marge

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sur coûts spécifiques; c'est cette dernière qui contribue à la couverture des charges fixes
communes (charges fixes et indirectes) et sera la base des décisions de gestion.

B. Exemple: la société Coblenz (suite)

L'importance des charges fixes a conduit la société Coblenz à les analyser plus finement : sur
les
1 400 de charges fixes, 600 peuvent être considérées comme directes et imputées aux différents
produits.
Le compte d'exploitation analytique se trouve ainsi modifié:

A B C TOTAL
Chiffre d'affaires 1 000 1 500 500 3 000
- Coûts variables des ventes -400 -800 -200 -1 400
Marge sur coût variable
Taux de marge sur c.v. 600 700 300 1600
- Charges fixes directes -100 -300 -200 -600
Marge sur coûts 500 400 100 1000
spécifiques Taux de marge …. …. .... 800
sur c.s. ….
- Charges fixes communes 200
Résultat
Cette méthode ne tient compte donc que des coûts variables.

IV. LE COUT MARGINAL

1. DEFINITION :
Le coût marginal est la différence entre l’ensemble des charges courantes nécessaires à une
production donnée et l’ensemble de celles qui sont nécessaires à cette même production majorée
ou minorée d’une unité. L’unité peut correspondre à un lot, une série, un produit, …

2. EXEMPLE :
Une entreprise fabrique normalement 10 séries de 25 articles par mois. Le coût total des 10
séries : 2 000 € comprend 1 200 € de CV et 800 € de CF. Il est envisagé de limiter la production
à 9 séries pour la période à venir. Les CF resteraient inchangées et les CV totales diminueraient
de 120 €.
Calcul du coût marginal :
Série Charges variables Charges fixes Coût total Coût marginal
10 1200 800 2000
9 1080 800 1880 120
Le coût marginal de la production d’une série en un moins, 120 €, est appelé coût marginal de
régression. Par unité le coût marginal = 120/25 = 4,8 €
Il prévu de produire une série supplémentaire. Dans cette hypothèse, les CV passeraient à 1 320
€ et les CF sont constantes.
Calcul du coût marginal relatif à la 11ème série.
Série Charges variables Charges fixes Coût total Coût marginal
10 1200 800 2000
11 1320 800 2120 120
Le coût marginal de la production d’une série en plus, est appelé coût marginal de
développement. Par article, le coût marginal = 120/25 = 4,8 €

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∆ 𝑑𝑢 𝑐𝑜û𝑡 𝑡𝑜𝑡𝑎𝑙
𝐶𝑜û𝑡 𝑀𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙 à 𝑙’𝑢𝑛𝑖𝑡é =
∆ 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑞𝑢𝑎𝑛𝑡𝑖𝑡é
𝑅𝑒𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑀𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙𝑒 – 𝐶𝑜û𝑡 𝑀𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙 = 𝑅é𝑠𝑢𝑙𝑡𝑎𝑡 𝑀𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙

3. COUT MARGINAL ET COUT VARIABLE UNITAIRE :


Le coût marginal est composé de charges variables majorées éventuellement des coûts fixes
supplémentaires qu’il est nécessaire de supporter pour augmenter la production. On distingue
de cas possibles.
Cas 1 : Coût marginal = Coût variable unitaire, lorsque deux conditions sont satisfaites :
− La production supplémentaire n’entraîne pas d’augmentation des coûts fixes.
− L’augmentation des charges variables est proportionnelle aux quantités produite :
𝐶𝑉 = 𝑎𝑥
Cas 2 : Coût marginal ≠ Coût variable unitaire, lorsque deux conditions sont satisfaites :
− Les charges fixes sont modifiées suite à la variation de la production.
− L’augmentation des charges variables n’est pas proportionnelle aux quantités
produite.
Exemple : Le tableau suivant indique le calcul des coûts marginaux par une variation de la
production de 10 à 13 séries.
Coût Charges variables Charges
Séries Coût total
marginal Totales Unitaires fixes
10 2 000 - 1 200 120 800
11 2 120 120 1 320 120 800
12 2 270 150 1 440 120 830
13 2 420 150 1 590 122,31 830
Dans cet exemple :
− Le coût marginal de la 11ème série = coût variable unitaire = 120 €
− Le coût marginal de la 12ème série = 150 € comprend :
▪ Le coût variable unitaire 120.
▪ La variation des CF = 30
− Le coût marginal de la 13ème série = 150 € représente l’accroissement non
proportionnel du coût variable total.

4. UTILITE POUR LA GESTION :


Acceptation d’une commande supplémentaire :
Une commande supplémentaire par rapport à la production actuelle sera acceptée si elle permet
d’augmenter le profit total c'est-à-dire pour cette commande on a :
Recette Marginal > Coût Marginal
Exemple :
Une entreprise fabrique et vend un produit au prix de 60 €. Le CV unitaire est de 32 €. Les coûts
fixes annuels de 1 000 000 €. Production annuelle : 80 000 unités.
La société reçoit une commande ponctuelle de 10 000 unités. L’entreprise peut adopter un
rythme de 90 000 unités produite par an sans modifier sa structure. La commande est à livrer
au prix unitaire de 42 €, doit-elle être acceptée ?
• Raisonnement en coûts de revient :
(80 000 × 32) + 1 000 000
𝐶𝑅 𝑢𝑛𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 80 000 𝑢𝑛𝑖𝑡é𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑒𝑠 = = 44,50 𝐷𝐻
80 000
(90 000 × 32) + 1 000 000
𝐶𝑅 𝑢𝑛𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 90 000 𝑢𝑛𝑖𝑡é𝑠 𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑒𝑠 = = 43,11 𝐷𝐻
90 000

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Du fait de la constance des CF le CR unitaire a diminué. Le prix de vente unitaire de la
commande supplémentaire < CR unitaire (42 < 43,11) par conséquent, l’entreprise serait
amenée à refuser cette commande.
• Raisonnement en coût marginal :
𝐶𝑜û𝑡 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙 = 32 × 10 000 = 320 000
𝑅𝑒𝑐𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙𝑒 = 42 × 10 000 = 420 000
𝐵é𝑛é𝑓𝑖𝑐𝑒 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙 = 10 × 10 000 = 100 000
3 880 000 − 3 560 000 320 000
𝐶𝑜û𝑡 𝑚𝑎𝑟𝑔𝑖𝑛𝑎𝑙 𝑢𝑛𝑖𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒 = = = 32
10 000 10 000
Il faut accepter la commande puisque la rentabilité est meilleure.

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