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ÉDITIONS DESJONQUÈRES
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Cet art de la navigation n’est pas propre aux seuls Portugais. D’autres
nations en Europe, comme les Galiciens, les Basques, les Bretons, les
Flamands et d’autres populations riveraines de la mer du Nord, ont une
maîtrise analogue de la navigation au long cours. La principale
interrogation est donc : pourquoi les Portugais et non les autres peuples
engagèrent-ils cette aventure commerciale ?
Il est difficile d’apporter une réponse satisfaisante tant les comportements
sont ambigus. La religion, le commerce, la politique et la stratégie sont
étroitement mêlés dans les mentalités de l’époque ; ainsi ce marchand de
Prato commençait-il ses livres de comptes par l’invocation : « Au nom de
Dieu et du profit ». Au risque de simplifier, on peut cependant distinguer
quatre objectifs principaux assignés aux expéditions navales : 1. la
poursuite de la croisade contre les infidèles ; 2. la recherche de métaux
précieux ; 3. l’alliance avec le prêtre Jean ; 4. la recherche des épices.
Essayons de préciser l’importance relative de chacun de ces objectifs. Il
est certain que l’expansion portugaise a un aspect missionnaire très marqué,
les souverains utilisent habilement l’idée de croisade, à laquelle ils sont
réellement attachés, pour obtenir puis conserver le monopole de
l’exploitation commerciale des terres nouvellement découvertes. En 1455, à
la demande du roi Alphonse V et de son oncle, le prince Henri le
Navigateur, le pape Nicolas V autorisait les Portugais, et eux seuls, à
évangéliser les populations des régions nouvellement découvertes. Dans ces
mêmes régions, il donnait aux Portugais, à l’exclusion des autres puissances
maritimes, le monopole de l’exploration et du commerce, à l’exception de
la vente des armes à feu et d’autres engins de guerre. L’année suivante le
pape Calixte III confirmait la décision de son prédécesseur et la renforçait
même en donnant à l’Ordre du Christ, dont le prince Henri le Navigateur
était le protecteur, la juridiction spirituelle sur toutes les terres conquises ou
à conquérir par les Portugais, « depuis le cap Bojador […], sur la route de
Guinée, et au-delà, vers le Midi ».
Les voyages d’exploration et de conquête coûtent cher et les Portugais ont
de gros besoins financiers. Les seules ressources de la métropole sont
insuffisantes. Cette préoccupation apparaît dès 1415 : lors de la prise de
Ceuta le prince Henri s’inquiète auprès des prisonniers maures — selon une
lettre écrite par le capitaine Diego Gomes à Martin Behaim de
Nuremberg — des conditions de navigation vers les régions situées au sud
du Sahara, ces régions d’où provient l’or, « afin de pouvoir faire du
commerce avec les habitants de celles-ci, et ainsi entretenir sa maison » 4.
La création du fort d’Arguin, puis de celui d’Elmina répond à la même
volonté. Et cette politique porte des fruits. En 1457, Lisbonne commence à
frapper le cruzado (la croisade !), pièce à forte teneur en or, qui demeurera
en circulation durant plus d’un siècle. Aux profits qu’apporte le commerce
du métal précieux, viennent s’ajouter les bénéfices du trafic des esclaves,
pratiqué avec la collaboration des marchands africains et l’accord des chefs
locaux.
La quête du royaume du prêtre Jean est aussi un objectif important. Dans
les récits de voyages fantastiques, ce souverain est à la tête d’un royaume
mythique situé à l’est ou au sud-est de la Méditerranée, vers l’Afrique
orientale, l’Éthiopie ou l’Asie. Il pourrait devenir un allié de revers précieux
dans la lutte contre les Musulmans. Après l’échec des tentatives effectuées
pour remonter les fleuves Sénégal et Gambie, puis le Niger et le Congo, il
apparaît probable que ce royaume se trouverait en direction de l’est et ne
serait accessible que par voie maritime.
La recherche des épices présente également un grand intérêt pour les
dirigeants du Portugal. Les princes de la maison d’Aviz, dont fait partie
Henri le Navigateur, comprennent très vite les profits considérables pour la
Couronne qu’apportent les taxes prélevées sur le commerce lointain, et ils
peuvent s’y intéresser d’autant plus que le royaume a désormais une forte
unité politique. Le reste de la péninsule en revanche est perturbé par « le
temps des troubles » qui précéde l’avènement des rois catholiques. Quant
aux autres puissances maritimes de l’Europe occidentale, comme la France
et l’Angleterre, elles sont engagées dans la guerre de Cent Ans. En outre, au
Portugal, les grands commerçants, et en particulier les négociants
armateurs, occupent une place de premier ordre dans la société depuis la
disparition de la majeure partie de l’ancienne noblesse, tuée ou exilée pour
avoir pris le parti des envahisseurs castillans, définitivement battus à
Aljubarotta le 14 août 1385.
La volonté commerciale royale apparaît clairement dans les instructions
remises par Don Manuel Ier à Vasco de Gama, commandant de la flotte,
armée en 1497, qui ouvrit la route des Indes. Elles indiquaient entre autres
qu’il fallait parvenir à s’approprier le marché de la fourniture des épices à
l’Europe, en écartant les Vénitiens qui se procurent ces denrées auprès des
marchands musulmans d’Égypte et du Levant, eux-mêmes ravitaillés par
des caravanes venues d’Orient. Le projet du souverain portugais est de créer
une route maritime permettant le transport de grandes quantités d’épices à
partir des Indes orientales, comme ses prédécesseurs l’avaient fait pour l’or
de la Guinée.
Toutefois, l’esprit de la croisade n’est pas oublié. Vasco de Gama
emporte, non seulement des échantillons d’épices et de poudre d’or destinés
à être exhibés lors des escales pour savoir si de tels produits sont connus,
mais aussi des lettres de créance par lesquelles le roi du Portugal propose
d’ouvrir des relations diplomatiques avec le prêtre Jean ou le roi de Calicut.
Citons cette anecdote : lorsque les Portugais débarquent à Calicut, ils
rencontrent deux marchands tunisiens qui connaissent la langue castillane ;
à leur question angoissée : « Que diable venez-vous faire ici ? », Vasco de
Gama répond : « Nous sommes venus chercher des chrétiens et des
épices » 5. Plus tard, en juillet 1499, quelques jours après le retour des
caravelles à Lisbonne, Don Manuel annonce aux rois catholiques que les
explorateurs ont trouvé beaucoup de clous de girofle, de cannelle et autres
épices, ainsi que « des contrées dans lesquelles il y a des mines d’or ». Puis
il leur fait part de sa volonté de s’emparer du trafic des épices vers
l’Europe, en l’ôtant — au besoin par la force — aux Musulmans, avec
l’aide des chrétiens de l’Inde (sans doute des Nestoriens) rencontrés par les
Portugais. Il envoie une missive analogue au pape et en profite pour
solliciter la confirmation de la bulle donnant à sa Couronne « suzeraineté et
domination » sur les terres découvertes, contre l’obligation d’assurer
l’évangélisation.
Les profits attendus de la mainmise sur le commerce entre l’Asie et
l’Europe, conduisent le roi — qui porte désormais le titre de « Seigneur de
Guinée et de toutes les mers ouvertes à la navigation et au commerce en
Éthiopie, Arabie, Perse et Inde » — et ses conseillers, à engager les
dépenses nécessaires pour parvenir à prendre le contrôle des voies
maritimes de l’océan Indien.
LE CONTRÔLE DE LA PRODUCTION
En effet, alors que les Portugais s’étaient insérés dans une organisation
commerciale existante, en achetant les produits dont ils avaient besoin sur
des marchés organisés, les Hollandais veulent contrôler la production des
épices. Ce qui conduisit à de grands changements à la fois dans la vie
quotidienne des agriculteurs et dans l’organisation des circuits de la
navigation commerciale.
Dès 1614, les Heeren XVII sont décidés à prendre les moyens nécessaires
pour obtenir le monopole du commerce dans les Moluques. Ce monopole
exclurait tous les autres concurrents, aussi bien les Portugais (qui auraient
pu sans doute conduire une politique analogue au XVIe siècle, mais n’y ont
jamais songé) que les Espagnols, les Anglais ou les Chinois, et même les
commerçants locaux. Ils approuvent la politique du gouverneur Coen, qui
veut diriger les insulaires « avec un aiguillon bien pointu » et affirme que
dans cet archipel il est inutile « de chercher à tenir une conduite vertueuse
ou de vouloir faire le bien ». Le massacre de la population de Djakarta leur
inspire d’abord un sentiment d’horreur, mais ils s’en remettent rapidement
et donnent leur accord à la formule de leur gouverneur : « Il n’y a rien au
monde de plus efficace, écrit celui-ci, que la puissance et la force ajoutées
au droit » 35. Des principes analogues prévalent tout au long du
XVIIe siècle. Ainsi en 1651, à la suite du massacre de 160 Hollandais dans
l’île de Ceram, des expéditions punitives sont organisées et se terminent par
le transfert des 12 000 survivants sur les plantations de l’île d’Amboine.
Dans les accords passés avec les petits souverains des îles, les Hollandais
se voient accorder soit le monopole, soit la préférence commerciale pour le
commerce des épices — clous de girofle, macis, noix muscade — à
l’exclusion de tous les marchands étrangers, européens ou orientaux. Ils
sont autorisés à installer des forts ou des garnisons partout où bon leur
semble, et leurs représentants ont le droit d’intervenir dans les conflits
locaux comme arbitres ou médiateurs. Les puissances locales sont
incapables de réagir : elles n’ont pas de force navale et les plantations
situées sur le littoral peuvent être facilement incendiées. De plus les
habitants des îles dépendent pour leur vie quotidienne des importations de
riz, de cotonnades et autres produits en provenance de Java, de la Malaisie
ou de l’Inde dont les Hollandais assurent le trafic mais qu’ils pourraient
toujours interrompre.
Ce tableau de la domination hollandaise ne concerne pas l’ensemble de
l’Asie. En Inde, en Chine et au Japon, les positions de la V.O.C. sont moins
fortes. Ils n’ont pas, sur le continent, de base aussi solide que leurs rivaux
portugais à Goa et doivent compter avec de puissants souverains dont les
armées peuvent menacer leurs comptoirs, même s’ils sont fortifiés (ainsi
Pulicat au Coromandel et Zeelandia à Formose). Dans leurs instructions
générales permanentes de 1650 les Heeren XVII recommandent alors : « une
attention spéciale doit être portée à conduire pacifiquement le commerce, ce
qui permettra de faire de la bonne cuisine dans la mère-patrie ». Cette
remarque est particulièrement valable pour le Japon où les agents de la
V.O.C. devront « examiner avec attention les demandes de cette nation
hardie, hautaine et minutieuse, afin de parvenir à lui plaire en toutes
choses », et les gouverneurs veiller à n’envoyer que des sujets « modestes,
humbles, polis et amicaux » 36. Ils devront en particulier être attentifs à
éviter toute manifestation d’ordre religieux, ce que leurs rivaux ibériques
dénoncent comme une attitude servile et une reconnaissance du paganisme.
Au Japon, cette politique permet aux Hollandais d’exploiter le
mécontentement des dirigeants contre le développement de l’activité des
autres commerçants européens. Les Britanniques sont contraints de fermer
leur factorerie en 1623, les Espagnols sont expulsés en 1624, et les
Portugais, soumis à des contraintes de plus en plus fortes, quittent le pays
en 1638. Les Hollandais restent donc les seuls Européens autorisés à
séjourner au Japon, même si leurs activités sont étroitement réglementées.
Ils disposent d’une seule agence commerciale pour tout l’archipel, établie
sur l’îlot de Deshima, en rade de Nagasaki ; le nombre des employés est
limité à vingt personnes, confinés dans leur résidence, ne devant sous aucun
prétexte gagner le rivage voisin ni avoir de relation avec la population sauf
les marchands et les prostituées dûment autorisés par le gouverneur. Pour
prévenir toute demande des étrangers désireux d’étudier la langue du pays,
les autorités japonaises désignent des interprètes capables de lire, d’écrire et
de parler le Néerlandais.
Les agents de la V.O.C. savent admirablement utiliser les possibilités
commerciales ouvertes par cette politique d’exclusion menée par le shogun.
En 1635, celui-ci interdit aux Japonais de quitter l’archipel, mettant fin au
trafic avec la Chine. Les Hollandais sont donc les seuls à pouvoir
approvisionner le marché insulaire en produits de la Chine, (en particulier
en soie, très recherchée), qu’ils échangent contre des métaux — argent,
cuivre —, qui trouvent un débouché dans le reste de l’Asie. Dans ce pays, la
diplomatie et le savoir-faire des Hollandais emportent un grand succès.
Il n’en est pas de même en Chine. Dès le début du XVIIe siècle le
gouvernement impérial après avoir reçu les plaintes des marchands chinois
empêchés d’acheter des épices dans les îles placées sous le contrôle des
Hollandais, préfère continuer à faire du commerce avec les Portugais ou
éventuellement avec les Espagnols des Philippines, et les tentatives
diplomatiques faites par les employés de la V.O.C. pour pénétrer sur le
marché chinois n’aboutissent pas. Les Heeren XVII, sollicités par le
belliqueux gouverneur Coen, autorisent le recours à la force. Les Hollandais
commencèrent par faire le blocus du port de Manille ; il y eut peu de
combats, mais selon le gouverneur de Batavia, « de nombreuses jonques
faisant le commerce entre la Chine et Manille ont été capturées et des prises
de valeur ont été faites » 37. Puis, en 1622, ils envoyèrent seize vaisseaux de
guerre avec 1 300 soldats pour s’emparer de Macao. L’attaque fut repoussée
avec des pertes importantes pour la V.O.C. et la cour de Pékin fit connaître
son mécontentement, ce qui excluait toute démarche diplomatique. Coen
changea alors de tactique, attaquant les navires chinois sur la côte sud de
l’Empire et contraignant les mandarins à passer des accords locaux. En
1624, les Hollandais, qui venaient d’établir un poste sur les îles Peng-Hu
entre Formose et le continent, reçurent l’autorisation d’installer un comptoir
fortifié à Formose même (fort Zeelandia), en échange de l’abandon du
précédent et la renonciation à la course. Les marchands de Canton ne
montrèrent alors aucune hésitation à faire du commerce avec ce nouvel
établissement européen et fort Zeelandia devint, dans les années 1630, un
des entrepôts européens les plus florissants en Asie. Les Espagnols tentèrent
de limiter son activité en installant divers postes dans le nord de Formose,
mais une intervention de la force navale de la V.O.C. les contraignit à
abandonner ceux-ci en 1641.
Le triomphe des Hollandais fut d’assez courte durée, car s’ils sont
parvenus à exploiter une situation de faiblesse passagère du pouvoir
impérial, celle-ci ne dura pas, et en 1662 une grosse escadre impériale se
présenta devant Formose, où, profitant de la faiblesse des forces militaires
hollandaises établies à demeure, elle prit le contrôle de l’île et s’empara du
fort Zeelandia. Situation fort humiliante pour la V.O.C., établie à Formose
depuis près de quarante ans ! Entre 1664 et 1668 elle essaya bien de
s’installer à Keelung, dans le nord de Formose, mais dut y renoncer en
raison de l’hostilité de la Cour de Pékin, et pour éviter une rupture tant
diplomatique que commerciale.
Ailleurs l’opposition aux Hollandais est moins brutale, cependant elle est
tout aussi vive. La grande réussite de la V.O.C. au milieu du XVIIe siècle est
l’expulsion des Portugais de Ceylan et la prise de contrôle du trafic de la
cannelle dont cette île est le seul producteur. Cependant les Hollandais s’ils
parviennent à tenir les ports et les régions littorales où se trouvent les
plantations, n’ont aucune autorité sur le centre de l’île, toujours placée sous
le gouvernement du roi de Kandy. Dans la seconde moitié du XVIIe siècle
ils essayent de prendre le contrôle de la production et du commerce du
poivre et de l’opium de la côte de Malabār : « Ils ont interdit, explique un
agent britannique de Surate, tant aux cultivateurs qu’aux marchands
d’acheter du poivre et d’en transporter pour leur propre compte, sous peine
de confiscation des cargaisons et des navires. Ils ont mis des sanctions
analogues sur le commerce de l’opium, du coton et du cardamome, et ils
obligent tous ces pauvres gens à demander des laisser-passer, n’admettent
aucune dérogation, et font le blocus des ports avec des bâtiments montés
chacun par huit ou dix hommes ; ils ont en sus des embarcations légères qui
vont et viennent, de sorte que rien ne peut leur échapper » 38. Mais ici ils se
heurtent à la fois aux Britanniques, alliés des Portugais, et au groupe des
puissants marchands Goudjeratis qui sollicitent et obtiennent l’intervention
diplomatique du Mogol, contraignant les Hollandais à cesser leurs
agissements. De même en Perse, les Hollandais ne parviennent pas à
s’emparer du trafic de la soie, en raison de l’attitude hostile des négociants
Goudjeratis, Arméniens et Juifs, et de l’intervention du Shah. Il faut encore
citer l’échec de leur tentative pour parvenir à prendre le contrôle du trafic
de l’étain de Malaisie, après qu’ils se soient emparés de Malacca, qui était
jusqu’alors le principal débouché de ce métal. En raison de l’attitude hostile
des puissances musulmanes de la région, en particulier du sultan d’Achem,
l’activité d’entrepôt de Malacca décline rapidement après 1641, le
commerce de l’étain étant détourné vers d’autres ports à l’instigation des
Goudjeratis et des marchands hindous, qui veulent échapper à la volonté de
monopole des Hollandais.
Les difficultés avec les Hollandais entraînèrent une chute du profit, dont
le taux plafonna à 12 % seulement entre 1617 et 1632. La reprise s’amorça
avec le développement des factoreries de l’Inde. À partir de Surate, les
agents de la Compagnie s’installent au Sind (1635) et à Rajapur (1637) ; un
accord local avec les Portugais leur permet de venir chercher du poivre dans
les ports de Cochin et de Calicut. Sur la côte orientale le commerce se
développe depuis la factorerie de Masulipatam dans la région de Madras.
Cette concession obtenue en 1639 a une croissance si rapide qu’elle peut
remplacer Bantam en 1652 comme siège du conseil pour le commerce de
l’Extrême-Orient. La première factorerie sur la côte d’Orissa est ouverte à
Balasore en 1633 ; celle du Bengale à Hooghly est créée en 1651.
Les autorités mogoles autorisent volontiers ces implantations dans la
mesure où les visées britanniques paraissent être uniquement commerciales.
« Il faut tout supporter et poursuivre notre trafic, assure le président du
conseil de Surate en 1657, lors de l’attaque de la ville par le prince Mourad.
Il faut faire allégeance aux autorités et tâcher d’obtenir une diminution des
taxes ». C’est une politique toute différente de celle, belliqueuse, des
Hollandais ; ici les Britanniques cèdent toujours lorsqu’ils sont en
désaccord avec les représentants du Mogol. Ainsi lorsqu’en 1624 le
président du conseil de Surate est emprisonné par le gouverneur de la ville à
la demande de négociants hindous mécontents des retards dans le paiement
de dettes, les directeurs généraux de l’East India C° refusent de faire le
blocus du port, comme cela leur était proposé par leurs employés en Asie, et
acceptent de régler une compensation en argent. Une situation analogue se
présente trente-cinq ans plus tard dans la partie orientale de l’Inde : en
1656, un conseiller de Madras avait fait saisir un navire appartenant à Mir
Jumla, ancien général de l’armée de Golconde, qui devait une somme
importante à des Britanniques ; ceux-ci pensaient n’avoir rien à craindre
puisque cet officier supérieur était en disgrâce. Mais il conservait des
partisans dans la région qui réagirent en bloquant les voies terrestres menant
à Madras et en arrêtant le trafic maritime anglais à Masulipatam. Lorsque
Mir Jumla fut choisi en 1659 pour prendre le commandement de l’armée du
Mogol au Bengale, il s’empressa de faire connaître son mécontentement
aux chefs des établissements britanniques dans la région. Ceux-ci
décidèrent alors de lui présenter des excuses pour la confiscation de 1656 et
de lui donner une indemnité.
Les directeurs généraux de la Compagnie appliquèrent une politique
analogue en Extrême-Orient où ils essayèrent de prendre pied, les produits
en provenance de cette région étant de plus en plus recherchés en Europe.
Une tentative faite en 1635 pour ouvrir une factorerie à Macao, avec
l’accord du vice-roi de Goa, n’aboutit pas en raison de l’hostilité des
négociants locaux, qui voulaient conserver la maîtrise des échanges. À trois
reprises, en 1644, 1656 et 1664, de nouvelles tentatives connurent des
échecs analogues. Les Britanniques ne parviennent pas davantage à revenir
au Japon en 1673 et leur factorerie de Formose n’a qu’une brève existence,
de 1678 à 1685, avec une activité commerciale médiocre. Ici encore ils
s’opposent aux Hollandais qui conscients de la faiblesse de leur position
dans la région veulent éviter l’installation de rivaux.
En Chine la rencontre entre les Hollandais et les Anglais tourne cette fois
à l’avantage de ces derniers. En 1685, les directeurs de la V.O.C. envoient
une grande ambassade à Pékin, avec des cadeaux de valeur, pour solliciter
l’autorisation d’ouvrir un établissement dans un port de la Chine du sud.
L’ambassade échoue, à cause peut-être du souvenir de la politique de force
menée par Coen un demi-siècle plus tôt. Les Hollandais engagent alors des
pourparlers avec les Portugais pour essayer d’échanger Macao contre
Cochin, dont l’importance commerciale est désormais bien médiocre ; une
fois encore les discussions n’aboutissent pas, tant et si bien que les
Hollandais renoncent à tous projets et confirment leur organisation
consistant à recevoir à Batavia les produits apportés par les jonques
chinoises. Les Britanniques exploitent aussitôt ce recul et commencent à
faire du commerce à Canton à partir de 1690.
LA COMPAGNIE SUÉDOISE
TYPES DE BÂTIMENTS
Un autre débat, celui des normes de construction, anime les directions des
Compagnies des Indes. Les Hollandais sont les premiers à s’en préoccuper
en raison de la dispersion de leurs chantiers de construction. Ils veulent
pouvoir utiliser les agrès et autres équipements des vaisseaux destinés à
finir leur carrière en Asie. En 1614, les Heeren XVII mettent au point un
tableau des principales dimensions ; ce tableau sera peu à peu modifié pour
aboutir en 1697 à une norme définitive et en usage durant plus d’un
siècle 79. L’apparente précision de ces mesures est illusoire ; dans l’ancienne
marine les constructeurs avaient une grande liberté et les chiffres indiqués
doivent plutôt être considérés comme des ordres de grandeur. Les
constructeurs de la V.O.C. fabriquent également des flûtes de 130 pieds
ainsi que des bâtiments adaptés à la navigation d’Inde en Inde.
Dans la Compagnie française, il faudra attendre 1765 pour que les
directeurs fixent également des normes théoriques 80.
Cette tendance à l’uniformisation donne lieu à une tentative de
rapprochement des flottes de guerre et de celles des Compagnies des Indes.
En 1765, Gabriel Snodgrass, inspecteur des constructions navales de l’East
India C°, préconise de construire les 1 200 tonneaux de manière à pouvoir
les transformer en vaisseaux de guerre, mais il n’est pas suivi, les directeurs
ayant estimé cette modification trop coûteuse. Les Français vont plus loin
dans la réflexion, car les bâtiments de leur Compagnie sont souvent
capturés, la marine de guerre n’ayant pas les navires nécessaires pour les
escorter (alors que les vaisseaux de l’East India C° sont protégés jusqu’à
Sainte-Hélène). Après la guerre de Succession d’Autriche, les Français font
construire des « 1 200 tonneaux qui puissent se manœuvrer avec peu de
monde et qui ne tirassent pas tant d’eau que des vaisseaux ordinaires de
cette grandeur », capables de porter une forte cargaison en temps de paix, et
pouvant être solidement armés en temps de guerre. Mais les constructeurs,
empêtrés dans des exigences contradictoires, réalisèrent finalement des
bâtiments lourds, lents et inadaptés au commerce. Les officiers les
qualifient de « vaisseaux de guerre manqués » 81. Durant la guerre de Sept
Ans, pour le même motif, on construit des bâtiments dont les dimensions
sont analogues à ceux des 74 canons, mais sans artillerie sur les gaillards, et
portant 58 canons seulement. Les directeurs en attendent « le double
avantage d’une marche supérieure, même aux vaisseaux du Roy de même
rang, par la suppression de l’artillerie de leurs gaillards, qui seront
construits très légèrement, et d’un plus grand port qu’aucun navire qu’ait eu
la Compagnie… ». Une fois encore, le résultat est loin d’être satisfaisant 82.
En 1767, l’assemblée des maîtres-constructeurs constate que « dans la
dernière guerre, les vaisseaux d’une construction mixte n’avaient pas toutes
les qualités nécessaires… [elle] écarte toute idée de construction mixte » et
décide de faire bâtir des navires sur le même modèle que ceux de la marine
du roi 83.
Une partie des bâtiments utilisés par les Compagnies sont construits hors
d’Europe. L’initiative vient des Portugais qui reconnaissent l’exceptionnelle
solidité des vaisseaux en bois de teck construits en Inde. Un ordre royal de
1585, renouvelé neuf années plus tard, insiste sur la nécessité de construire
les navires utilisés pour la Carrera, non pas en Europe, mais en Inde, car ils
durent plus longtemps et reviennent moins cher, d’autant que le bois devient
de plus en plus rare en Europe. Quelques bâtiments sont ainsi construits à
Goa. On cite en particulier la caraque le Cinco Chagas, bâtie en 1560 sous
la direction personnelle du vice-roi, « qui choisit le bois pièce par pièce » ;
elle navigue durant vingt-cinq années et fait une dizaine de voyages. Les
autres unités de la route des Indes n’en font que quatre ou cinq et ne durent
qu’une dizaine d’années. L’expérience montre que ces bâtiments, s’ils sont
plus solides, ne sont pas moins coûteux, les capitaines des forteresses
portugaises, situées à proximité des forêts de teck de la côte occidentale de
l’Inde et chargés de surveiller l’exécution des coupes puis la conduite du
transport, demandant de grosses indemnités. Par exemple, le commandant
de la citadelle de Damao fait payer en 1664, 40 xerafines le candil, un bois
qui ne revient qu’à 5 xerafines. Pour cette raison la majeure partie des
navires portugais envoyés en Asie aux XVIIe et XVIIIe siècles sont
construits à Lisbonne, sur le chantier royal de Ribeira dos Naos. À la fin du
XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle cependant, la couronne portugaise
engage un effort considérable pour développer la construction navale au
Brésil, où l’on trouve des bois d’excellente qualité, encore plus résistants à
la pourriture que le teck. La difficulté vient du manque de main d’œuvre
expérimentée et de la nécessité de régler de hauts salaires, ces chantiers
étant en effet en concurrence avec les plantations de canne à sucre et les
exploitations de minerais précieux ; de plus les cordages et les autres
équipements nécessaires sont plus rares et plus chers en Amérique qu’en
Europe. Malgré tout, au cours du XVIIIe siècle les administrateurs de l’Inde
portugaise demandent régulièrement des bâtiments construits au Brésil. Le
vice-roi écrit de Goa en 1713: « Les vaisseaux qui durent le plus longtemps
en Inde sont ceux qui ont été construits au Brésil, car les vers ne peuvent
s’y mettre, ainsi qu’il a été observé sur la frégate Nostra Senhora de
Estrella, ainsi que sur celle [Nostra Senhora de Piedade] qui vient de faire
voile pour le royaume ; bien qu’elles soient ici depuis près de cinquante
ans, elles rendent encore de grand service. Il n’est sans doute pas
impossible de trouver à Porto d’autres vaisseaux pouvant convenir pour la
navigation de l’Inde, car beaucoup de ceux qui s’y trouvent en ce moment
ont été construits au Brésil ». Deux de ses successeurs, dans des lettres de
1719 et de 1721, marquent la même préférence pour les navires construits
au Brésil, en particulier à Bahia, pour les échanges entre l’Asie et l’Europe.
Les Britanniques eux aussi font construire des bâtiments hors d’Europe.
En avril 1619 le conseil de direction de l’East India C° décide de procéder à
une expérience intéressante en faisant bâtir deux vaisseaux semblables, l’un
en Grande-Bretagne, l’autre en Inde. Le résultat n’est guère concluant, les
constructeurs de l’Asie ayant des techniques très différentes de celles
pratiquées en Europe. À la fin du XVIIe siècle, il fut décidé de faire
aménager un arsenal à Bombay afin de procéder en Asie même aux
réparations sur les vaisseaux endommagés au cours de leurs voyages depuis
l’Europe. Dans les périodes au cours desquelles les bâtiments européens ont
quitté les Indes orientales, le personnel travaille à la construction de navires
pour le commerce d’Inde en Inde, sous la direction de maîtres européens.
Au début du XVIIIe siècle, des constructeurs Parsis venus de Surate
prennent le contrôle de ces installations ; très actifs, ils réalisent des navires
pour le commerce d’Inde en Inde, pour la flotte de Bombay, chargée, pour
le compte de Britanniques, de la surveillance des routes maritimes de
l’océan Indien, puis, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, de gros
vaisseaux pour les relations commerciales entre l’Asie et l’Europe. Bombay
utilise le teck, dont la résistance est proverbiale — c’est le « chêne de
l’Hindoustan » venu des forêts voisines. Il est réputé être le plus beau de la
péninsule. Sa richesse en résine empêche la pourriture, écarte les vers et
rend la coque imperméable. Le Bombay, navire d’Inde en Inde naviguera
durant plus de soixante ans, et le Swallow, lancé en 1777, fera naufrage sur
un banc de sable dans le Gange en 1823, après quarante-six années de
service.
Les Français font construire des bâtiments pour leur navigation locale
dans l’île de France (île Maurice actuelle) et au Pegu (Birmanie actuelle),
mais ils ne peuvent répondre aux besoins de la navigation d’Inde en Inde, et
ils font venir des navires d’autres pays d’Europe ou bien en achètent en
Inde. Il en est de même pour les Danois et les Suédois. Les Hollandais
quant à eux font venir des Provinces-Unies la plus grande partie de leurs
navires pour la navigation locale malgré un chantier bien équipé à Batavia.
MÂTURE ET VOILURE
AVITAILLEMENT
DISPOSITION DU CHARGEMENT
UN CALENDRIER IMPÉRATIF
C’est en Hollande sans doute que la sortie des ports est la plus délicate en
raison de la faible profondeur des chenaux de circulation, tant dans le port
d’Amsterdam que dans ceux de Delft et de Rotterdam. Les vaisseaux de la
V.O.C. sont soulevés par des « chameaux », caissons munis de pompes,
placés sur chaque flanc, puis vidés de leur contenu, l’ensemble est
remorqué par plusieurs navires. Mal placés, ces chameaux peuvent faire
travailler le vaisseau ou provoquer la rupture du plancher du pont, qui prend
alors la forme caractéristique en « dos de chien ». Ailleurs les difficultés
sont moins grandes ; cependant, par fort vent d’ouest, la sortie de Lorient
comme celle d’Ostende est impossible et la présence de bancs de vases
exigent d’attendre une forte marée et demandent l’aide d’un pilote. Parfois
la neige et le gel empêchent le départ des Danois, des Suédois et des
Hollandais.
Pour ces trois Compagnies les officiers doivent choisir, dès le départ,
entre deux routes : la Manche ou le nord de l’Écosse. La première est plus
courte, mais les vents d’ouest, fréquents en hiver, rendent la navigation
difficile ; le mauvais temps justifie des relâches dans les ports britanniques
ou français, ce qui favorise la contrebande ou la désertion, si bien que les
directeurs de la V.O.C., par un règlement daté de 1620, les interdisent à
leurs capitaines, sauf en cas de « nécessité » absolue. Par ailleurs, en temps
de guerre, le danger d’une capture par des corsaires existe. Ceux-ci sont
moins nombreux sur la route du nord de l’Écosse qui, quoique plus longue,
est aussi rapide, car on y profite plus souvent de vents porteurs ; en
revanche elle est dangereuse, les mauvais temps y sont fréquents. Cette
route est généralement utilisée par les Suédois et les Danois (70 % des
voyages dans la seconde moitié du XVIIIe siècle) ; beaucoup moins par les
Hollandais (qui l’utilisent surtout en temps de guerre) et encore moins par
les Britanniques ; jamais par les Français ni les Ostendais.
Après avoir fait le tour des îles Britanniques, ou bien être entré dans le
golfe de Gascogne, les bâtiments font route vers le sud-sud-ouest et passent
au large du cap Finistère pour rallier Madère et les Canaries, ou bien Cadix,
pour prendre une cargaison de métaux précieux d’Amérique, dont ce port
est le point d’arrivée. Les Hollandais et les Portugais quant à eux ne
s’arrêtent jamais à Cadix, ils obtiennent par d’autres sources les métaux
précieux dont ils ont besoin. Les Britanniques et les Français rarement
(12 % seulement des vaisseaux français envoyés en Asie au XVIIIe siècle) ;
les Danois, les Ostendais et les Suédois fréquemment. Cette escale est
souvent cause de retards, en effet la durée de l’escale est d’au moins quinze
jours, parfois de trois semaines ou d’un mois lorsque l’autorisation de
charger une importante cargaison de métaux précieux se fait attendre.
Au large de Madère et des Canaries, les bâtiments entrent dans la zone
des alizés. C’est une période de navigation aisée après les gros temps du
golfe de Gascogne et beaucoup de navires — en particulier ceux qui ne se
sont pas arrêtés à Cadix —, font une brève escale dans l’une des îles du Cap
Vert, généralement à San Tiago qui offre les ressources alimentaires les plus
abondantes. Les Français peuvent aussi faire escale à leur établissement de
Gorée.
La côte de l’Inde une fois reconnue, il faut gagner les ports de destination
et trouver un abri. Sur la côte de Coromandel le littoral bas, sableux, n’offre
pas de protection naturelle et les rades, comme à Madras ou à Pondichéry,
sont « foraines », les vaisseaux demeurent au large et communiquent avec
la terre grâce à des embarcations à fond plat, ou chelingues, capables de
franchir la barre. En l’absence de protection contre d’éventuels coups de
vent, ils stationnent brièvement à leur arrivée, entre juillet et octobre, juste
pour décharger leur cargaison. Y rester entre octobre et janvier, au moment
du changement de la mousson, serait très dangereux. Les Hollandais se
retirent à Batavia, les Britanniques à Trincomalee au nord de Ceylan, les
Français et les Danois dans la rade d’Achem au nord de Sumatra. Ils
reviennent en janvier, lorsque les vents permanents de la mousson d’hiver
sont bien établis. Le choix de la date est délicat : revenir trop tôt, c’est
risquer un accident, comme celui qui endommage le 2 janvier 1760 la flotte
britannique, revenue de Trincomalee pour faire le blocus de Pondichéry ;
revenir trop tard, c’est, compte-tenu du temps nécessaire pour charger la
cargaison de retour, risquer de ne pouvoir franchir à temps le cap de Bonne-
Espérance.
Sur la côte Malabār, la situation est plus favorable pour les navigateurs.
La mousson y est moins violente et il existe des abris naturels comme les
ports de Cochin, Goa, Surate ou Diu.
Les vaisseaux envoyés au Bengale peuvent, durant le changement de la
mousson, stationner dans les bouches du Gange où ils sont à l’abri. La
difficulté est de remonter l’Hoogly, opération pénible et dangereuse.
Pénible pour les équipages, car, durant une quinzaine de jours, ils doivent
« touer », c’est-à-dire haler le vaisseau à partir d’une ancre préalablement
disposée dans le lit du fleuve et reliée à un câble qu’il faut enrouler sur un
cabestan. Dangereuse en raison de la violence du courant, de la brutalité des
crues et des bancs de sable qui encombrent le lit du fleuve. La sécurité du
navire repose sur la compétence du pilote, et toutes les Compagnies
européennes entretiennent des « pilotes du Gange » qui conduisent
indifféremment les bâtiments de toutes les nationalités. Lorsque se trouve à
bord une cargaison d’argent, elle est transférée, par précaution, sur le bateau
du pilote qui précède le navire et lui ouvre la voie.
La route vers la Chine est particulièrement longue et délicate. Il faut
d’abord franchir un détroit, soit celui de la Sonde, le plus fréquenté, soit
celui de Malacca, soit encore celui de Bali ; ce dernier allonge le trajet et
n’est utilisé que durant les périodes de guerre afin d’échapper à
d’éventuelles croisières ennemies. Dans le détroit de la Sonde, et dans celui
de Bangka qui le suit immédiatement, la principale difficulté tient à la faible
profondeur du chenal, d’environ huit mètres en son centre, alors que les
bâtiments ont un tirant d’eau égal ou supérieur à six mètres. Dans celui de
Malacca, le navigateur est fréquemment ralenti par des vents contraires.
Au-delà des détroits, l’île de Bornéo contraint les bâtiments à se diriger
vers le nord, en prenant garde aux îles et aux récifs qui parsèment cet
itinéraire, — par ailleurs médiocrement cartographié. Les pilotes
gouvernent nord-nord-est jusqu’au-delà de Poulo Condore, puis longent la
côte d’Annam, de Haï-Nan, et enfin de Kouang-Toung. Après 1740, une
nouvelle route s’impose, consistant à effectuer un vaste mouvement vers
l’est jusqu’à la côte des Philippines, puis, une fois parvenu au nord de cet
archipel, à changer de cap pour se diriger vers la Chine. Cet itinéraire plus
long, mais plus sûr, évite l’approche du continent, toujours dangereuse, et
permet surtout de naviguer à contre-mousson, avantage considérable pour
des vaisseaux expédiés trop tard ou retardés en cours de route. Plus tard,
vers 1770, ce glissement vers l’est est encore accentué par quelques
capitaines qui gouvernent plein est à partir de Poulo Condore, de manière à
reconnaître le nord de Bornéo avant de longer les Philippines. L’approche
de la rivière de Canton est rendue délicate par la présence de nombreuses
îles et bancs de sable, et surtout par les typhons qui de juillet à octobre,
coïncident avec celle de l’arrivée des vaisseaux.
RETOURS
Les retours s’effectuent avec la mousson continentale, qui souffle du
nord, à partir du début de janvier, soit quatre ou cinq mois après l’arrivée en
Asie. Il faut prévoir de franchir le cap de Bonne-Espérance avant la
mauvaise saison qui débute fin mai. Les trajets sont semblables à ceux de
l’aller, et les précaution analogues, tant dans les détroits de Bangka et de la
Sonde, que dans la descente du Gange, d’autant que les bâtiments sont
maintenant à pleine charge.
Le passage du cap de Bonne-Espérance, situé à la jonction de plusieurs
systèmes de vent, constitue la partie la plus délicate du voyage. Il faut
commencer par reconnaître la côte du Natal, puis la prolonger vers l’ouest,
en demeurant à une distance de douze à quinze lieues. On évite ainsi les
dangers et on profite du courant qui porte dans la bonne direction. Si la
brume est trop épaisse, situation fréquente dans ces parages, il faut sonder
pour parvenir à trouver le banc des Aiguilles, et le suivre. La force des
vents d’ouest, si utiles pour aller de l’Atlantique vers l’océan Indien, rend le
passage presque impossible dans l’autre sens durant l’hiver austral, entre
mai et octobre. Lorsqu’un bâtiment se présente trop tard et ne parvient pas à
franchir le cap, situation rare (2 à 3 % des voyages de retour), la seule
solution est de gagner un port voisin, sur le littoral de l’océan Indien, et
d’attendre un moment favorable. Les Portugais se rendent alors au
Mozambique, les Français aux Mascareignes, les Britanniques à
Madagascar.
Quelle que soit la saison le passage du cap est toujours une épreuve
redoutable, et l’obstacle franchi l’aumônier du vaisseau, s’il s’en trouve un
à bord, fait chanter un Te Deum.
Deux mois et demi à trois mois sont nécessaires pour aller de l’Asie à
l’extrémité de l’Afrique, et à peu près autant pour gagner l’Europe. Le
franchissement du cap est souvent l’occasion de prendre du ravitaillement.
Les Hollandais s’arrêtent toujours au Cap et y passent environ un mois, non
seulement pour prendre de l’eau et des produits frais, mais aussi pour se
regrouper avant de traverser l’Atlantique. Les autres nations utilisent
également la même escale, cependant les Français préfèrent, s’ils ne sont
pas en retard, s’arrêter aux Mascareignes, et les Britanniques gagner Sainte-
Hélène. Les Ostendais, les Danois et les Suédois, dont le trafic se fait
surtout avec la Chine, profitent souvent du passage des détroits pour
embarquer du ravitaillement, ce qui leur permet ensuite de franchir le cap à
un moment favorable et de gagner l’Europe en droiture et d’arriver les
premiers.
Après avoir franchi le cap, les vaisseaux se laissent porter par l’alizé du
sud-est. Ils se tiennent d’abord assez près de la côte d’Afrique pour pouvoir
profiter du courant de Benguela, puis gouvernent en direction des îles de
Sainte-Hélène et de l’Ascension. Sainte-Hélène offre des vivres frais et de
l’eau en abondance. Les Portugais, les premiers à en avoir reconnu la
situation, n’y avaient pas créé d’établissements permanents mais y avaient
apporté des plants et des animaux ; c’est le « meilleur lopin de terre de toute
la pomme du monde » assure le pilote Joao Afonso dans sa Cosmographie.
Les Hollandais s’y installent en 1645, avant d’être remplacés par les
Britanniques en 1651. Depuis, tous les vaisseaux de l’East India C° y
relâchent au retour de l’Asie. On y rencontre aussi des bâtiments d’autres
Compagnies (26 % des navires français s’y arrêtent au retour), en
particulier s’ils ne se sont pas arrêtés au Cap. Beaucoup passent un ou deux
jours à l’île de l’Ascension ; celle-ci est déserte, sans sources, mais on y
trouve de nombreuses tortues de mer, dont la chair bouillie est réputée
excellente pour prévenir l’apparition du scorbut. Les Ostendais, puis les
Français, tenteront vainement d’aménager une escale sur l’île Fernando de
Noronha, inhabitée, proche de la côte du Brésil, mais comme elle relève du
domaine du Portugal, la couronne y fait relâcher régulièrement des
vaisseaux de guerre pour chasser les intrus. À partir de 1665, les Portugais
s’arrêtent régulièrement dans un port du Brésil, généralement à Bahia, pour
ravitailler leur colonie en produits d’Asie, en échange d’or et de tabac, et
pour profiter de l’escorte militaire donnée aux « flottes du sucre » dans leur
retour vers l’Europe. Toutes les autres nations interdisent les escales en
Amérique, sauf en cas de nécessité absolue, afin d’empêcher la contrebande
sur les produits ramenés d’Asie.
Ces escales permettent d’être informé de la situation politique en Europe.
En cas de conflit, les capitaines hollandais reçoivent au Cap des instructions
pour rejoindre une escadre stationnée dans la partie septentrionale de
l’Atlantique, et se placer sous sa protection. Les vaisseaux britanniques sont
protégés par la Royal Navy depuis Sainte-Hélène. Les Français n’ont pas les
mêmes facilités. Après avoir recherché diverses solutions (dont l’une
consistait à laisser des messages dans une bouteille dissimulée dans une
grotte de l’île de l’Ascension, cachette qui fut rapidement découverte par
les Britanniques), ils choisirent, en cas de guerre, de faire stationner une
corvette devant cette île, afin de mettre en garde les officiers et de leur
communiquer un point de rendez-vous dans un port neutre ou allié, par
exemple dans le sud de l’Espagne, ou bien dans une rade de la Nouvelle-
France, comme Louisbourg.
Après l’île de l’Ascension et le passage de l’équateur, la route
généralement suivie contourne les Açores pour profiter des vents favorables
durant l’été et le début de l’automne. Plus au nord, on rejoint la route
maritime très fréquentée venant d’Amérique et on entre dans la zone des
vents d’ouest dominants. Les officiers doivent alors choisir, comme à
l’aller, de contourner les îles Britanniques par le nord-est ou bien de
s’engager dans la Manche. Le tour des îles Britanniques est long et
dangereux, cette route n’est utilisée qu’en temps de guerre par les
Hollandais, les Danois et les Suédois. Les Britanniques (comme les
Ostendais) passent toujours par la Manche. Les Français gagnent le port de
Lorient. Dans l’ensemble la navigation au voisinage des côtes de l’Europe
est plus aisée qu’au départ car les retours ont lieu durant la belle saison.
NAUFRAGES
CAPTURES
Un autre danger guette les navigateurs, la capture par des ennemis ou des
flibustiers. Pour la V.O.C., le nombre est à peu près stable du XVIIe siècle
(9 soit 0,9 % des bâtiments armés) au XVIIIe siècle (19 soit 0,8 %). Pour les
Français, au XVIIe siècle, le pourcentage est beaucoup plus élevé (54 soit
7,2 %), en raison de la violence et de la longue durée des conflits dans
lesquels ils sont engagés. Les vaisseaux de la Compagnie française étaient
semble-t-il assurés (sans doute auprès de Compagnies britanniques), et la
perte financière est moins importante qu’elle ne pourrait paraître à première
vue. La plupart des bâtiments français (42 sur 54) sont capturés près des
côtes d’Europe, à la sortie ou à l’entrée d’un port ; quelques-uns sont
surpris en Asie ignorant qu’une guerre a été déclarée contre leur pays ; deux
sont pris en 1745 à Louisbourg où ils s’étaient réfugiés pour attendre une
escadre de guerre et rentrer en métropole 128.
Les actes de piraterie sont rares. Les bâtiments de la V.O.C. s’y livrent
parfois pour nuire à leurs rivaux, prenant prétexte d’une confusion avec un
ennemi ou avec un navire de la Compagnie d’Ostende. En 1725 un vaisseau
français doit se défendre contre une agression de cette sorte à la sortie du
port de Cadix 129, puis en 1731 un autre dans les bouches du Gange 130. Les
périodes de tensions qui précèdent les guerres européennes sont fertiles en
incidents analogues ; ainsi en mai 1742, au voisinage des îles du Cap Vert,
un vaisseau échange-t-il « environ 80 coups de canon avec un Anglais qui
tirait à démâter » 131, ou encore en décembre 1767, sur la côte Malabār, un
Britannique et un Français se canonnent mutuellement 132. Certains navires
sont victimes de véritables pirates. Les Angrias, pirates indiens qui écument
les côtes de l’Inde, s’attaquent rarement aux navires européens, les sachant
capables de se défendre avec succès, mais les flibustiers chassés des
Antilles (à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle) et réfugiés à
Madagascar, comme le célèbre Olivier Levasseur, dit La Buse, perturbent
profondément la navigation entre 1715 et 1730. Desforges-Boucher,
gouverneur de l’île française de Bourbon, parvint à mettre fin à leurs
agissements en leur offrant une amnistie générale, accompagnée de
concessions gratuites de terres. Ceux, peu nombreux, qui refusèrent, furent
pourchassés, capturés, jugés et pendus, comme La Buse, exécuté à Saint-
Denis en 1730.
L’ennui exacerbe les tensions lorsque l’équipage est désœuvré, les marins
se réunissent par groupes, et, observe Bernardin de Saint-Pierre, « Il y [en]
a qui ont beaucoup d’imagination et qui pendant la durée d’un quart de six
heures racontent à leurs camarades rassemblés autour d’eux des histoires
merveilleuses dont ils entrelacent les événements avec autant d’art et
d’intérêt que ceux des Mille et une nuits ; d’autres, fort taciturnes, écoutent
toujours, et sont des jours entiers sans proférer un mot » 138. Ils chantent
aussi : « Les hommes de quart s’unissent en des chœurs de l’harmonie la
plus achevée, observe William Hickey, et celui-ci qualifie leur mélodie de
“plaintive, douce, et tout à fait à mon goût” » 139. Parmi les passagers
certains jouent aux cartes, mais sans risquer d’argent ; d’autres lisent,
pendant la journée seulement, car dès la tombée de la nuit tous les feux
doivent être éteints. D’autres encore passent la journée à rêver et à faire des
projets. « Nos passagers se sont munis de fortes pacotilles, la plupart
passent le temps à refaire des factures, écrit un employé français. Leur
prétention qui n’allait qu’à cent pour cent en partant, s’est accrue jusqu’à
trois et quatre cent pour cent, sans autre raison que leur avidité. Les factures
s’en sont ressenties et tel qui n’avait que pour 10 000 livres de capital
employé, s’en trouve vingt sur le papier » 140.
Toutes les distractions sont bien accueillies. Il peut s’agir de la rencontre
d’un autre vaisseau à qui l’on confie des lettres s’il rentre en Europe ou de
la découverte de passagers clandestins : plus de sept en moyenne sur chaque
bâtiment français armé entre 1760 et 1770. Les hommes sont les plus
nombreux, mais on trouve parfois des femmes et des enfants. Parmi les
vingt clandestins découverts à bord du vaisseau français l’Ajax en 1763, on
compte douze hommes, une femme et sept enfants 141. Ceux qui quittent
l’Europe veulent rejoindre gratuitement un parent installé en Asie ou dans
une escale. Ceux qui viennent d’un port d’Afrique ou d’Asie sont le plus
souvent des ouvriers ou des soldats qui affirment avoir été obligés de rester
au-delà de leur temps d’engagement. L’ennui des longes journées de mer est
coupé par des fêtes profanes ou religieuses. Le passage de l’Équateur est
l’occasion de réjouissances et les principales fêtes du calendrier
ecclésiastique sont marquées par une célébration solennelle, surtout
lorsqu’il y a un aumônier à bord.
Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, le seul remède pour soigner les malades
est d’organiser une escale où les hommes puissent se reposer, trouver de
l’eau pure et une alimentation variée et de bonne qualité.
Le modèle de ces escales est Le Cap. Depuis 1616, les Hollandais s’y
arrêtent tant à l’aller qu’au retour pour échanger des informations et prendre
des vivres. En 1647, les Heeren XVII envoient un marchand examiner la
possibilité d’une installation permanente. À son retour, celui-ci présente un
rapport favorable 147et en 1652 une petite garnison de soixante-dix soldats y
est envoyée avec quelques colons. Les début sont difficiles, à tel point
qu’en 1660 près des deux tiers des colons (42 sur 70) s’embarquent
clandestinement pour la métropole — avec la complicité de matelots. Les
cultures nécessaires pour le ravitaillement des équipages fournissent
rapidement les quantités nécessaires et les Hottentots sont disposés à fournir
du bétail, mais pour les féculents les colons dépendent durant trente ans des
importations de riz et des céréales de Batavia ou d’autres ports d’Asie.
L’établissement prend de l’importance à partir des années 1680 lorsque les
directeurs réalisent qu’il est plus avantageux d’encourager la colonisation
plutôt que de se contenter d’une simple escale. Ils nomment un gouverneur
énergique, Simon van der Steel, qui organise le peuplement et la mise en
valeur, en particulier avec des huguenots français réfugiés aux Provinces-
Unies après la révocation de l’édit de Nantes. Le nombre des colons passe
de 600 en 1680 à 12 000 un siècle plus tard.
Il y a aussi des esclaves. Les Heeren XVII interdisent la mise en esclavage
des Hottentots, les administrateurs de la colonie doivent donc faire venir
des esclaves du Mozambique, de Madagascar, plus rarement, de Java ou du
Bengale. Leur nombre est toujours un peu supérieur à celui des colons
blancs. On en compte 800 à la fin du XVIIe siècle, 4 000 vers 1750, 12 000
vers 1780. La question du développement de l’esclavage est posée au
conseil de gouvernement de la colonie en 1716, et presque tous les
conseillers — en majorité des colons et des commerçants — se prononcent
favorablement. Seul, le commandant de la garnison s’y oppose, ses soldats
étant souvent « engagés » sur les plantations et salariés pour une période
d’une année renouvelable, avec l’obligation de les défendre en cas de
nécessité. Une vive discussion s’engage alors. L’un des conseillers affirme
que l’examen des livres de compte permettrait de constater qu’un esclave
coûte 40 florins par an et un engagé 175 florins, qu’en outre les esclaves
sont plus obéissants et travaillent davantage pour pouvoir se racheter, tandis
que les engagés tombent souvent dans l’ivrognerie et sont alors une charge
pour la colonie. Le commandant réfute avec force ces arguments, affirmant
qu’à long terme un travailleur blanc coûte moins cher qu’un esclave, dont il
faut payer le transport, assurer la surveillance et l’encadrement sans
compter l’éventualité de sa fuite. Le gouverneur se rallie à l’avis de la
majorité : « nul ne peut douter, affirme-t-il, de l’intérêt du travail des
esclaves, comme on le constate en Asie et dans toutes les colonies des Indes
occidentales, ainsi le Surinam […] ». Ce choix, approuvé par les
Heeren XVII l’année suivante, sera évidemment d’une grande importance
pour l’avenir 148.
La mise en valeur progresse alors rapidement. Au début du XVIIIe siècle
Le Cap peut ravitailler en céréales Batavia frappée par une faible
production des rizières de l’île, dévastées durant les guerres de succession
et la désintégration du sultanat de Mataran. À partir de 1750, tous les
établissements hollandais d’Asie reçoivent du blé du Cap, et, à partir de
1767, les Provinces-Unies elles-mêmes, malgré la distance. D’autres
cultures se développent. Celle de la vigne est introduite dès 1652. Simon
van der Steel créé le célèbre vignoble de Constantia, et plusieurs huguenots
français sont recrutés pour leur expérience dans la taille et la vinification.
La production de vin augmente rapidement et permet le ravitaillement des
vaisseaux, malgré une qualité médiocre, comme l’observe l’astronome
français La Caille lors de son séjour au Cap en 1750. L’élevage se
développe aussi, il demande peu de main d’œuvre et de grandes étendues de
pâturages sont disponibles, malgré le peu d’humidité. Le nombre de bêtes
par troupeau est considérable ; au cours de son voyage, Thunberg rencontre
un éleveur qui possède 3 000 bovins et 12 000 moutons 149. Selon le
recensement de 1780, il y aurait à cette date 1 250 000 têtes de moutons
dans la colonie. L’essor de l’élevage s’accompagne d’un mouvement de
colonisation en direction du nord et de l’est, les colons s’emparent des
meilleures terres des Hottentots à partir des années 1730 et parviennent
même dans les années 1770 jusqu’au pays Bantou.
Le développement de la colonie est soumis aux nombreuses restrictions
émises par les directeurs de la V.O.C. Les activités commerciales des
habitants du Cap sont étroitement surveillées, les Heeren XVII voulant
éviter — sans y parvenir totalement — que les vaisseaux de la Compagnie
ne soient encombrées de pacotilles destinées à des trafics illicites. La
témérité des marins ne cesse d’augmenter malgré la menace d’une saisie et
d’une amende. Le prix des produits alimentaires est tarifé, en particulier
pour les achats par les capitaines des navires de la V.O.C., et les agriculteurs
comme les éleveurs ne cessent de regretter la faiblesse des prix. Ils se
rattrapent sur les ventes aux étrangers dont les prix sont libres. Le nombre
des bâtiments britanniques ou français qui relâchent dans la colonie ne
cesse d’augmenter au cours du XVIIIe siècle faisant la fortune des
habitants. Une voyageuse anglaise, madame Kindersley, lors de son passage
au Cap en 1765 rapporte : « Il n’y a rien de plus agréable pour les habitants
de cette colonie, écrit-elle, que l’annonce de l’arrivée d’un navire
britannique, car il amène de l’argent, et en vérité ce sont les Britanniques
qui font vivre les habitants de la ville, non seulement parce que les
capitaines, les officiers et les passagers prennent pension chez eux, mais
aussi parce qu’ils fournissent des provisions pour les vaisseaux. Beaucoup
de bâtiments français aussi s’arrêtent ici, ainsi que tous les Hollandais allant
en Inde et en revenant ; toutefois ces derniers achètent les provisions à un
prix fixé à l’avance par leur Compagnie, et ni les Hollandais, ni les Français
ne dépensent leur argent aussi largement que les Anglais, et ne sont donc
attendus avec autant d’impatience. Le coût habituel est d’une piastre par
personne nourrie et logée et pour ce prix on dispose de tout : les tables sont
bien garnies, les maisons sont propres, les habitants accueillants, et, ce qui
rend le séjour particulièrement agréable, la plupart d’entre eux parlent
l’anglais. Le français aussi est parlé par beaucoup, si bien que les étrangers
se trouvent chez eux dans ce port, et bien plus que l’on ne pourrait le
penser » 150. Quelques années plus tard, en 1768, Stavorinus fait la même
observation : « les étrangers, dit-il, dépensent sans compter leur argent, et
ils en couvrent les dames » 151. Pour tous ces marins et voyageurs, Le Cap
c’est la « taverne des deux mers » !
DIMINUTION DE LA MORTALITÉ
DU COMMERCE À LA DOMINATION
COLONIALE
VIII
LE COMMERCE
LES ENVOIS
Dans les envois, les métaux précieux forment la part la plus importante en
valeur, entre 65 % et 90 %. Outre quelques pièces d’or, la majeure partie
des cargaisons — 85 % à 90 % — est en piastres d’argent à la marque
d’Espagne. Au XVIe siècle jusqu’en 1650, ce sont des pièces de huit réaux,
puis des « piastres fortes » dites « à colonnes » ou « aux deux globes »,
d’un poids de 27,088 grammes, contenant 24 grammes d’argent fin. En Asie
ces pièces sont considérées comme une marchandise ; elles sont fondues et
frappées à nouveau avant de pouvoir entrer dans la circulation monétaire ;
dans les escales sur la « route des Indes » elles sont utilisées pour les
paiements. En cas de pénurie de piastres au départ de l’Europe les bâtiments
des Compagnies des Indes peuvent être autorisés à charger des pièces d’or
et d’argent à la marque de leur nation, mais cela reste un expédient et
toujours pour moins du quart de la cargaison de métaux précieux.
Les quantités d’argent envoyées en Asie sont considérables, et leur
importance ne cesse d’augmenter, selon les informations fragmentaires dont
nous pouvons disposer 161.
Cette exportation massive d’argent donne lieu à de constantes critiques
contre le commerce des Européens en Asie. On se limitera à quelques
exemples. Le voyageur italien Gemelli Carreri, dans son récit publié en
1695, à son retour de l’Inde, crée l’expression de « tombeau de
l’argent » 162, reprise et vulgarisée quelques années après par l’un des
directeurs de la Compagnie britannique, Sir John Wolstenholme 163. En
1791, cette idée est reprise par A. Arnould : « Peut-on concevoir, écrit-il
dans sa Balance du commerce, rien de plus monstrueux que le parallèle à
faire entre l’écoulement d’un milliard dans le gouffre d’Asie et le chétif
résultat d’un débouché de quelques centaines de mille livres qu’obtiennent
aujourd’hui les produits de notre sol et de notre industrie » 164.
Il paraît surprenant que les contemporains ne se soient pas davantage
intéressés à l’origine de ces cargaisons de métaux précieux. Cependant dès
1621, Thomas Mun, l’un des directeurs de l’East India C°, assure dans son
Discourse of trade 165, qu’on ne peut séparer l’exportation des métaux
précieux de l’ensemble du mouvement du commerce d’échange, mais cette
idée n’est pas reprise ultérieurement. Tout cet argent provient en effet des
produits de l’agriculture de l’Europe, vin, blé, farine ; de ceux des
manufactures, en particulier des toiles, et encore des marchandises de
l’Asie, surtout des cotonnades. Transportés et vendus en Amérique, les
produits reviennent en Europe sous forme de piastres.
C’est-à-dire que les Compagnies des Indes doivent se brancher sur la
route des retours de l’Amérique vers l’Europe. Comment le font-elles ?
D’abord en ayant des correspondants à Cadix, point d’arrivée des navires
espagnols venant des Indes occidentales et escale sur la route vers les Indes
orientales. La colonie des marchands étrangers établis sur cette place fournit
l’essentiel des produits envoyés en Amérique, et reçoit en échange de
grandes quantité de piastres. Toutefois, la relâche dans ce port peut faire
manquer une expédition, il n’est pas rare que l’autorisation de charger d’un
coup 200 000 à 300 000 piastres se fasse attendre, aussi les Compagnies
utilisent-elles souvent des voies plus rapides, quoique moins directes. La
plus fréquentée semble bien être la place d’Amsterdam, où les piastres ne
manquent jamais en raison des rapports incessants avec Cadix et de la
contrebande active entretenue avec l’Amérique espagnole par le relais des
îles de Curaçao et de Saint-Eustache. Amsterdam entretient aussi des liens
étroits avec Londres — place particulièrement bien ravitaillée en période de
guerre grâce aux corsaires —, et avec les ports français de Saint-Malo (où
les Britanniques se procurent des piastres au XVIIe siècle) et de Bayonne,
toujours bien approvisionnés en raison du trafic actif avec les ports de
l’Andalousie et de la contrebande à travers les Pyrénées. Il existe également
de multiples filières privées, toujours vaguement clandestines, sur
lesquelles les informateurs sont volontairement discrets et dont il est
difficile de mesurer l’importance. Lors du retour à Saint-Malo en 1749 d’un
bâtiment venant de Callao (port de Lima au Pérou) avec une cargaison
estimée à trois millions de livres, le commissaire de la marine établi dans ce
port breton n’hésite pas à écrire au ministre : « Monseigneur n’ignore pas
l’intérêt qu’a le commerce à dissimuler des retours qui ne consistent qu’en
matières d’or et d’argent » 166 !
Parvenues en Asie, les piastres sont parfois vendues à des changeurs
locaux, selon les conditions d’un contrat passé à l’avance, mais plus
généralement elles sont portées dans des ateliers monétaires officiels, ou, à
partir de la fin du XVIIe siècle, dans les ateliers aménagés dans quelques
comptoirs, Britanniques, Français et Hollandais. Les premiers à obtenir du
Mogol l’autorisation de frapper des roupies, principale monnaie de l’Inde,
sont les Britanniques de Madras, en 1692. « Nous épargnons ainsi les droits
de monnayage [dans les ateliers impériaux] qui sont très élevés, écrit alors
le président du conseil de ce comptoir aux directeurs, et nous évitons les
aléas de la confiscation ou du refus de monnayage que nous avons connu
autrefois » 167. Les Français de Pondichéry obtiennent la même facilité en
1736, le gouverneur en attend une économie de 5 % sur le monnayage. Il
s’y ajoute la taxe perçue sur les cargaisons amenées par les Européens qui
ne bénéficient pas de la même facilité comme les Portugais et les Danois et
font frapper dans le comptoir les monnaies qui leur sont nécessaires. Toutes
ces monnaies, en particulier les roupies d’argent, les plus nombreuses, du
même type que celles du Mogol, peuvent circuler dans tout l’empire. Cet
apport massif et régulier d’argent est un élément favorable au bon
développement économique.
Les Compagnies utilisent aussi pour faire leurs achats en Asie les fonds
accumulés par les Européens, lorsque ceux-ci veulent rentrer en Europe.
Dans la Compagnie française le capital est restitué au bout de deux ans avec
un intérêt de 30 % ; en cas de perte ou de prise du bâtiment, seul le capital
est restitué. Les actionnaires de la Compagnie britannique et les directeurs
de la Compagnie hollandaise s’inquiètent fréquemment de cette pratique,
estimant — souvent à juste titre — que ces fortunes sont acquises à leur
détriment, cependant ils préfèrent tolérer les transferts de fonds pour éviter
que leurs propres employés ne s’adressent aux Compagnies rivales.
Les marchandises de fabrication européenne entrent pour une part
médiocre dans la valeur des cargaisons d’envoi. On trouve tout d’abord des
produits destinés à satisfaire les besoins des Européens installés en Asie, en
particulier du vin. Le marché est dominé par les Français et le Bordeaux,
transporté en bouteilles, est le cru le plus recherché avec les eaux de vie
d’Armagnac et du pays charentais. Pondichéry demande chaque année
10 000 bouteilles de Bordeaux et 20 000 litres d’eau de vie ; Chandernagor,
autant de Bordeaux et 30 000 litres d’eau de vie. On trouve également des
vins français sur les bâtiments des autres nations, par exemple du Bordeaux
sur l’Amsterdam, armé par la V.O.C., naufragé sur la côte britannique en
1749, peu de temps après son appareillage 168. Les effets de marine, pièces
de mâture, ancres, toiles à voile, câbles et cordages, tiennent une assez
grande place dans les cargaisons.
Les métaux courants et les étoffes de laine vendus aux populations locales
ont une certaine importance commerciale. Les métaux ont l’avantage de
pouvoir servir de lest. Il s’agit de fers plats ou en lingots, de plomb (utilisé
pour la fabrication des balles d’armes à feu et pour garnir intérieurement les
caisses de thé ou de soieries fines), d’étain (mais celui de Cornouailles
amené par les Anglais est peu apprécié, il est plus difficile à travailler que
celui de Malaisie, dont les Hollandais se réservent le trafic) et du cuivre de
Suède. On trouve aussi du mercure et du corail, mais les Compagnies
renoncent à en transporter dès la fin du XVIIe siècle, l’abandonnant au port-
permis de leurs employés.
Pour les lainages, il s’agit essentiellement d’étoffes légères, camelots,
étamines, perpétuanes et sempiternes ; les Européens se donnent beaucoup
de mal pour les écouler en Asie, de manière à diminuer les envois de
métaux précieux. Chez les Britanniques, les manufacturiers du textile, bien
représentés au Parlement, exercent une pression constante sur les directeurs
de l’East India C°. En 1693, ceux-ci sont obligés de s’engager à exporter
chaque année pour 150 000 livres sterling de marchandises « d’origine et de
fabrication anglaise » ; en 1698, un amendement, introduit lors du
renouvellement de la charte, prévoit que le neuvième de la valeur des
cargaisons d’envoi devra être en marchandises de fabrication britannique,
disposition qui sera maintenue tout au long du XVIIIe siècle. C’est un souci
constant pour les directeurs d’obéir à cette disposition ; à défaut, il faudrait
réduire les envois de métaux précieux et donc le chiffre d’affaires. En Inde,
toutes les solutions sont envisagées pour maintenir ou développer
l’écoulement des marchandises anglaises ; les Britanniques tentent d’abord
de baisser les prix pour rendre leurs produits plus attractifs, en vain ; ils
cherchent alors à obtenir le monopole de la fourniture des couvertures et
des vêtements pour l’armée du Mogol, avec un certain succès, mais le
renouvellement des couvertures, utilisées surtout dans la cavalerie, est assez
lent. En 1717, la direction générale va jusqu’à demander que les marchands
hindous se présentent devant les conseils locaux vêtus de lainages
anglais 169 ; le président du conseil de Calcutta se contente de répondre qu’il
lui paraît difficile de modifier les habitudes vestimentaires ancestrales des
Hindous. L’East India C° tente par ailleurs de pénétrer le marché persan,
mais elle se heurte à la fois à la Compagnie du Levant (dont elle est proche)
et au quasi monopole des Arméniens.
Les employés de la Compagnie se plaignent de la vive concurrence des
Français. En 1737, ils annoncent à Londres que les marchands de Surate
refusent de leur acheter des lainages, au prétexte que ceux des Français sont
moins chers et plus appréciés pour leur texture et pour leur couleur. Que
penser de cette rivalité commerciale ? En moyenne, au XVIIIe siècle, les
Anglais vendent à peu près 5 000 pièces de laine par an en Inde, dont 60 à
80 % à Surate, et 2 000 pièces en Perse ; dans le même temps, les Français
en écoulent à peu près 3 000 en Inde seulement.
Ces chiffres sont très faibles. L’explication généralement avancée est que
rien de ce qui est proposé ne correspond aux besoins des acheteurs de l’Asie
— le climat chaud en particulier expliquerait le manque d’intérêt pour les
lainages. Comment expliquer alors le succès de ces mêmes lainages en
Amérique centrale ? L’explication la plus plausible, proposée par David
Ricardo 170est le prix élevé demandé pour les marchandises européennes ;
cette explication est bien claire car il est certain que le niveau de vie des
habitants de l’Europe est plus élevé que celui des habitants de l’Asie.
Ricardo ajoute que les marchés orientaux, mieux approvisionnés que ceux
de l’Europe, ont toujours un large surplus, ce qui favorise des prix bas.
LES RETOURS
Les épices
Le poivre, la cannelle, le clou de girofle, la muscade et le macis sont la
part la plus importante et la plus précieuse des cargaisons de retour jusqu’au
milieu du XVIIe siècle. Au XVIe siècle, Don Manuel avait fondé l’empire
colonial portugais d’Asie sur le monopole du commerce des épices et au
début du XVIIe siècle cette même politique est reprise par les Hollandais.
L’un des motifs de la création de la V.O.C. est la volonté de contrôler les
quantités et les prix des épices vendues en Europe, afin que ce trafic
demeure rentable. Dans ce but, les Hollandais s’emparent de la totalité de la
production du clou de girofle à Amboine, Ternate et Macassar, par contrat
avec les souverains locaux entre 1605 et 1609 d’abord, puis par conquête à
partir de 1669. Ils font de même pour la noix muscade et le macis aux îles
Banda, la cannelle à Ceylan (conquête entre 1638 et 1658), enfin le poivre,
à Sumatra et sur la côte Malabār, dont ils deviennent les principaux
importateurs en Europe. Ils ne parviennent pas toutefois à écarter les
Britanniques qui conservent jusqu’en 1682 après le « massacre
d’Amboine » une factorerie à Bantam, transférée ensuite à Bencoolen. En
1622 les directeurs de la V.O.C. estiment les importations de poivre en
Europe à 7 millions de livres, dont 1,4 par les Portugais, 1,6 par les Anglais,
et le reste, soit 4 millions, par eux-mêmes. Dans les années 1648-1650 le
poivre représente 50,3 % des ventes de la Compagnie britannique, c’est le
produit le plus rentable.
À partir du milieu du XVIIe siècle la demande d’épices par les Européens
stagne, et le marché se stabilise. Les Hollandais conservent le monopole de
la fourniture du clou de girofle, de la noix muscade et du macis, ainsi que
de la cannelle, dont ils réussissent à maintenir le cours au même prix entre
1680 à 1740. Au besoin ils procèdent à la destruction des excédents — en
1735, 1 250 000 livres de noix muscade sont brûlées sur le quai de Batavia.
Grâce au monopole, les profits demeurent élevés : les épices entrent pour
3 % en moyenne dans la valeur des cargaisons de retour, mais elles donnent
20 à 24 % du produit des ventes. C’est un élément de force pour la V.O.C. :
« Nous avons les épices des Moluques, mais ils [les autres Européens] ne
les ont pas », constatent les directeurs en 1682 171.
Pour le poivre, il n’y a pas de monopole. Cependant les Hollandais
demeurent les principaux importateurs avant les Britanniques. Dans le
seconde moitié du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle, ces derniers
amènent chaque année deux millions et demi de livres de poivre en Europe,
dont un million et demi de la côte Malabār (ils possèdent le comptoir de
Tellichery), et le reste de Sumatra. Les Français occupent le troisième rang,
avec 600 000 livres environ de poivre embarqué chaque année de Mahé,
factorerie située sur la côte Malabār, acquise en 1721.
Les rivalités commerciales, les grandes quantités disponibles sur le
marché, alors que la demande est stable, entraînent une diminution des prix
si forte que les Britanniques envisagent, au milieu du XVIIIe siècle, de
fermer leur comptoir de Tellichery sur lequel ils ont une perte de
90 000 livres en dix ans (la factorerie de Bencoolen a un déficit de
32 000 livres au même moment). Ils y renoncent finalement estimant que le
poivre fournit un lest commode, et que ce serait laisser le champ libre aux
Français ! La perte sur le poivre, est compensée largement par le profit sur
les autres marchandises, en particulier sur les cotonnades.
Les textiles
En Europe, le développement de l’usage des cotonnades de l’Inde marque
un changement considérable dans le mode de vie, changement analogue à
celui de l’augmentation de la consommation du tabac, du sucre, du café, du
thé… ou de la circulation de l’argent provenant d’Amérique. Les
cotonnades sont utilisées d’abord dans les maisons, comme élément du
mobilier et du décor : on en recouvre les sièges, on en fait des rideaux, on
les porte comme vêtement. Ce sont des étoffes peu coûteuses, faciles à
laver, conservant leurs couleurs après lavages, confortables comme sous-
vêtements. Elles permettent aux plus riches de varier leurs tenues suivant
les saisons, et d’en changer fréquemment, donnant ainsi naissance à une
mode.
Les Britanniques sont les premiers, parmi les Européens, à connaître un
engouement pour les « indiennes ». Ils chargent leurs premières pièces en
1609, puis, en raison du succès, en importent 100 000 pièces en 1620 172et
jusqu’à un million de pièces en 1684 (73 % des marchandises apportées
d’Asie par la Compagnie). L’usage des cotonnades devient universel : « En
moins de vingt ans, écrit J. Cary en 1699, nous avons vu les cotonnades
devenir le principal ornement de nos plus aimables mignons, alors que ces
étoffes étaient presque inconnues auparavant […] Tous, depuis le petit
maître le plus apprêté jusqu’à la cuisinière la plus vulgaire, pensent qu’ils
ne peuvent s’en passer » 173. Tous les habitants de l’Europe, à commencer
par ceux des Provinces-Unies et de la France, suivent le mouvement.
En Inde, les cotonnades sont produites surtout dans trois régions : le
Goudjerat et le Pendjab, au nord-ouest du pays, la côte de Coromandel, le
Bengale. Chacune a des fabrications différentes, et, selon l’évolution du
goût des Européens, les acheteurs se tournent vers l’un ou l’autre de ces
marchés. Dans la première moitié du XVIIe siècle, ils chargent surtout des
toiles du Goudjerat et du Pendjab, exportées par Surate. Après 1650, ils
recherchent en priorité celles du Coromandel ; puis, après 1690, celles du
Bengale. Cette province devient alors, au début du XVIIIe siècle, la
première région commerciale d’Asie pour le trafic avec les Européens : en
1710, Surate fournit 25 % des cotonnades importées par les Britanniques
vers Europe ; Madras, 28 % ; Calcutta, 47 %. Cet accroissement de la
demande a des répercussions sur le niveau de vie des tisserands et des
nombreux autres artisans comme les fileurs, les apprêteurs, les
blanchisseurs et les emballeurs.
En Europe, le développement de l’usage des cotonnades met en danger les
manufactures d’étoffes de laine et surtout de lin. Les cotonnades sont
proposées à un prix plus faible que celui des toiles de lin ; elles sont plus
agréables à porter et d’un entretien plus facile. Les tisserands français sont
les premiers à s’inquiéter de cette concurrence, et en 1686, sur un rapport de
Louvois, un édit réglemente le commerce des indiennes dans le royaume. Il
distingue deux catégories d’étoffes : 1. les toiles blanches, dont la vente est
libre, sous réserve qu’elles portent aux deux extrémités la marque de
l’importation par la Compagnie française, seule autorisée à introduire ces
marchandises dans le royaume ; 2. les toiles « peintes et teintes », dont la
vente est interdite, mais dont l’acquisition reste possible dans les ventes aux
enchères de la Compagnie, sous réserve de signer un engagement de
rapporter dans un délai de six mois la preuve de leur envoi à l’étranger. Il
faut rappeler à ce propos que les cotonnades teintes en bleu, à l’indigo,
occupent une place importante dans les cargaisons de la traite négrière, car
elles sont très demandées en Afrique. D’autres toiles « peintes ou teintes »
sont expédiées vers d’autres pays d’Europe, surtout vers ceux qui n’ont pas
de Compagnies des Indes, ou bien vers les colonies, en particulier
l’Amérique espagnole.
En Grande-Bretagne, en 1685, une taxe de 10 % ad valorem est fixée sur
la vente des indiennes ; présentée officiellement comme un moyen de
financer les opérations militaires de Jacques III contre le duc de Monmouth,
cette mesure a un caractère nettement protectionniste. Elle est jugée
insuffisante par les manufacturiers, et un grand débat public s’engage,
ponctué par de violentes émeutes d’ouvriers (ainsi à Londres en 1697), qui
se termine par l’adoption d’une réglementation semblable à celle de la
France pour les toiles « peintes et teintes ». Dans le même temps la taxe est
ramenée à 2,5 %, de manière à pouvoir faciliter la vente à l’étranger.
Comme en France encore, les toiles blanches peuvent entrer librement dans
le pays ; elles sont souvent imprimées dans des manufactures avec des
motifs ronds, ovales ou rayés, le plus souvent d’une seule couleur dont
l’aspect, il faut l’avouer, est bien différent des feuillages gracieux et des
oiseaux au plumage multicolore des productions orientales.
En Angleterre, comme en France, l’interdiction du commerce des toiles
peintes et teintes est encore renforcée dans la première moitié du
XVIIIe siècle. Mais en vain, la contrebande reste considérable. Les
acheteurs, aux ventes de Lorient et de Londres, présentent de faux
certificats, ou bien se procurent des étoffes de « pacotille » auprès des
marins. Et surtout, les Provinces-Unies et les autres puissances
continentales qui ont des Compagnies des Indes n’adoptent pas une
législation aussi contraignante, et les indiennes pénètrent par toutes les
frontières. Les documents des lieutenants généraux de police de Paris
chargés de faire appliquer la mesure d’interdiction parmi les habitants de la
ville, témoignent du grand nombre de contraventions 174. Ceux qui
devraient sanctionner les contrevenants, sont les premiers à transgresser
l’interdiction. En 1736, la femme d’un conseiller au Parlement de Rennes
est surprise « À onze heures du matin sur les lices, habillée en
indienne » 175, en 1752 un marchand de Caen note sur son livre de
comptes : « Un ballot […] venant de Lorient, adressé à Mgr de La
Bourdonnaye [intendant à Rouen], contenant damas des Indes […] et
indiennes, fut arrêté et confisqué, le tout pure perte 12 000 livres » 176.
Dans la première moitié du XVIIIe siècle, la réglementation douanière,
quoique tempérée par la fraude, explique la relative stabilité du marché. Les
Britanniques demeurent les premiers importateurs, avec 350 000 pièces par
an, suivis des Hollandais, avec environ 300 000 pièces et des Français, avec
250 000 pièces. Chez ces derniers, comme chez les Anglais, les toiles
blanches entrent pour les trois quarts dans la composition des cargaisons.
On apporte également des fils de coton, mais en assez faible quantité, à
peu près 5 000 livres en poids pour chaque nation, utilisés presque
exclusivement pour la fabrication des futaines. Avant le milieu du
XVIIIe siècle les Occidentaux n’envisagent pas de créer des manufactures
de cotonnades malgré leur savoir-faire, leurs capitaux et les projets qui ne
manquent pas. Mais avant tout, les directeurs des Compagnies des Indes,
qui apprécient la forte différence des prix entre l’Inde et l’Europe,
souhaitent pouvoir conserver le monopole de l’importation.
Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la situation change totalement,
lorsque des manufactures de cotonnades sont installées en Europe. En 1759,
la réglementation interdisant l’entrée des toiles peintes et teintes est
supprimée en France. Et à la fin du siècle, l’Inde commence à acheter des
cotonnades en Europe. En effet — dans un premier temps du moins —
l’Inde est incapable de relever le défi de la « révolution industrielle » ; les
Hindous ne possèdent pas les connaissances techniques nécessaires et l’idée
même de productivité leur est tout à fait étrangère. Dans la fabrication des
« toiles peintes » surtout, qui font l’admiration des Européens, ils sont
arrivés à une telle perfection que les artisans peuvent difficilement changer
leurs méthodes de travail.
Pour la soie et les soieries, l’organisation du marché est différente. Les
régions méridionales de l’Europe, en particulier la Lombardie, la Provence
et le Languedoc, produisent de la soie, et la plupart des grandes puissances,
y compris dans la partie septentrionale du continent, disposent d’une
activité artisanale développée de fabrication de soieries. Dès le XVIe siècle,
Britanniques et Hollandais font venir une partie des soies qui leur sont
nécessaires depuis la Perse, par la route du Levant. Les Compagnies des
Indes vont poursuivre ce trafic et l’élargir. À partir des années 1670, elles
achètent de la soie non seulement en Perse, mais aussi au Bengale, et, vers
1730, en Chine. Cependant, en Asie, la technique des fileurs, différente de
celle des Européens, rend le produit difficile à travailler pour ceux qui n’en
ont pas l’habitude ; il est réservé à quelques fabrications particulières et les
quantités demeurent réduites (environ 1 % des importations de la
Compagnie britannique au cours du XVIIIe siècle). En France, les quantités
importées sont encore plus faibles, car le royaume est producteur de soie et
le commerce est strictement réglementé depuis le début du XVIe siècle
— toutes les soies importées de l’étranger doivent obligatoirement passer
par la douane de Lyon.
Pour les soieries, un régime d’interdiction de la vente dans le pays est mis
en place en France et en Angleterre, aux mêmes dates que pour les
indiennes. L’importation des soieries est libre aux Provinces-Unies (bien
que la République ait une activité de fabrication) et dans les pays de
l’Europe du Nord, cependant il y a peu de trafic de contrebande, les
produits européens pouvant rivaliser avec ceux de l’Orient.
Le café et le thé
BILAN COMMERCIAL
Les ventes
Les ventes de ces cargaisons se déroulent selon trois modalités
principales. La première est la remise à un seul acheteur d’une grande
quantité d’un seul produit à un prix fixé par contrat ; c’est ainsi que les
manufacturiers d’indiennes se procurent les toiles blanches pour y porter
des impressions et que les fermiers des poudres achètent le salpêtre. La
seconde est la vente à un prix fixé et stable d’un produit dont la Compagnie
a le monopole commercial ; c’est ainsi que la V.O.C. écoule les principales
épices, ce qui lui permet d’en maintenir le prix sur une longue durée, — le
cours du clou de girofle à 75 florins la livre demeure inchangé de 1677 à
1744. La troisième forme, la plus répandue, est la vente aux enchères. Aux
Provinces-Unies, elles sont organisées sous la surveillance des chambres
régionales dans les ports de débarquement ; en Grande-Bretagne, à l’hôtel
de la Compagnie à Londres ; en France, d’abord au Havre, puis à Saint-
Malo et à Nantes depuis la fin du XVIIe siècle, enfin à Lorient à partir de
1733, lorsque les aménagements du port permettent de recevoir des
marchands ; au Danemark, à l’hôtel de la Compagnie, à Copenhague ; en
Suède, au port de Göteborg. Toutes ces ventes se tiennent entre la seconde
quinzaine du mois de septembre et la fin du mois de novembre, suivant les
retours des vaisseaux venant d’Asie. Les Britanniques quant à eux
organisent généralement quatre ventes, une par trimestre, la dernière de
l’année étant la plus importante, afin d’éviter l’effondrement des cours qui
pourraient résulter de la mise rapide sur le marché d’une grande quantité
d’un produit. Les Français, les Danois et les Suédois préfèrent retirer de la
vente les lots n’ayant pas atteint un prix de réserve.
Ces ventes touchent un large public, tant dans les pays d’armement que
dans le reste de l’Europe. Les étrangers sont particulièrement nombreux aux
Provinces-Unies ; en 1700, selon le secrétaire général de la V.O.C., Pieter
Van Dam 184, les trois-quarts des produits mis en vente sont envoyés à
l’étranger. Même remarque en 1743 par l’auteur anonyme d’une
Description de la Hollande : « À ce jour, pour deux ou trois millions de
florins en espèces que la Compagnie hollandaise envoie aux Indes
orientales, elle ramène quinze ou seize millions en marchandises, dont la
douzième ou la quinzième partie est consommée par les Hollandais. Le
reste est envoyé dans les autres parties de l’Europe » 185. En 1778 encore
Van der Oudermeulen assure : « trois quarts ou huit dixièmes » des
quantités sont envoyées hors des Provinces-Unies, ce qui permet de dire
que « notre nation conduit le commerce des Indes orientales pour les autres
et non pour elle-même » 186. Dans les autres Compagnies, les pourcentages
sont moins élevés, cependant on rencontre des étrangers agissant soit pour
eux-mêmes soit par des commissionnaires. N’oublions pas que les produits
des Indes orientales tiennent une place importante dans les cargaisons
envoyées en Afrique et en Amérique.
Les Compagnies des Indes rivalisent pour obtenir une place toujours plus
grande sur le marché européen. Le contexte d’expansion rapide de
l’économie, favorisé par l’augmentation de la population et par
l’amélioration générale du niveau de vie, encourage cette rivalité. La
Compagnie hollandaise demeure à la première place jusqu’en 1765 ; elle est
ensuite dépassée par les Britanniques lorsque ceux-ci trouvent de nouvelles
ressources financières en Inde même. À partir de 1725, la Compagnie
française connaît une croissance plus rapide que les autres. Les rivalités
sont scandées par les conflits : guerre de la Ligue d’Augsbourg pour les
Hollandais, guerre de la Succession d’Espagne et de l’Oreille de Jenkins
pour les Anglais, guerre de Sept Ans pour les Français. Elles ont pour
conséquence des pertes de marchés pour les vaincus, des gains pour les
vainqueurs.
Évolution contrastée du profit commercial
Dans ce contexte de rivalités commerciales le taux de profit connaît de
fortes variations. Durant la première moitié du XVIIIe siècle, au moins
jusqu’aux années 1740, les Britanniques ont des taux de rentabilité
supérieurs à 75 %, les Hollandais autour de 60 %, les Français de 50 %,
puis les profits des Britanniques diminuent rapidement 187, tandis que ceux
des Français augmentent, évolution qui explique en partie le conflit entre
les deux puissances en Inde. Après la guerre de Sept Ans, donc après 1765,
la situation change à nouveau : les Anglais retrouvent la première place,
autour de 60 %, tandis que les Français et les Hollandais sont proches de
50 %. Dans l’ensemble, pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, les
profits sont moins élevés que durant la première 188.
Les bénéfices diminuent
L’évolution des achats des Britanniques dans les différentes régions
d’Asie étudiée par K.N. Chaudhuri, montre les changements de la demande,
et les répercussions sur les régions productrices en Asie 189. Au milieu du
XVIIe siècle, les produits de la côte Malabār et de l’Archipel demeurent très
demandés ; ils sont supplantés à partir des années 1680 par ceux du
Coromandel et surtout du Bengale. Au début du XVIIIe siècle, plus de la
moitié des achats des Anglais sont effectués dans cette province. Par
ailleurs le trafic avec la Chine ne cesse de croître et prend une importance
capitale à partir du milieu du XVIIIe siècle 190. L’adaptation au goût des
consommateurs liée à la recherche du profit le plus élevé possible permet
d’augmenter les bénéfices pour faire face aux charges générales incombant
aux Compagnies qui ne cessent de croître.
Les Compagnies des Indes éprouvent de plus en plus de difficultés à
remplir leur obligation d’approvisionnement du marché. Dans la très active
V.O.C. par exemple, le montant des dépenses augmente plus vite que celui
des recettes 191. Jusqu’aux années 1770 on observe une lente érosion, et
donc un affaiblissement progressif des quantités vendues puis celles-ci
diminuent sensiblement en raison de la très vive concurrence britannique
que les Hollandais ne peuvent surmonter et le déficit apparaît.
Pour expliquer cette dégradation, on ne peut incriminer le montant trop
élevé des dividendes, comme cela a été fait sur la foi des comptes-rendus
des assemblées d’actionnaires, car le lien entre le montant du dividende et
les opérations commerciales est assez lâche. En Angleterre, il est assis sur
la ferme du papier timbré et sur une partie de celle du sel ; en France, sur
celle du tabac ; en Hollande sur les profits généraux de la Banque
d’Amsterdam. Le remboursement des emprunts est une charge plus lourde
que celle du règlement des dividendes. Les Compagnies, en effet, sont
amenées à s’endetter fortement durant les périodes de guerre afin de
pouvoir maintenir leurs activités. Cependant le poids de la dette n’est
jamais tel qu’il ne puisse être compensé par une bonne gestion, car le
commerce avec l’Asie est toujours rentable. L’explication du déficit doit
être recherchée ailleurs, dans le coût croissant de la présence commerciale
et militaire des Européens en Asie.
IX
LES COMMERÇANTS
Au début du XVIIIe siècle, les Européens sont peu nombreux aux Indes
orientales. Il n’y a pas plus de 1 500 Portugais et 10 000 Hollandais, dont
2 000 dans les services administratifs et commerciaux. En 1740, la direction
de la Compagnie britannique évalue le nombre des nationaux à 2 000 dont
400 se livrent au commerce, et les Français, à la même date, seraient au
nombre de 1 800. On peut donc estimer qu’à cette époque, il n’y a pas plus
de 16 000 Européens, dont 3 000 commerçants, dans cette partie du monde.
La plupart des commerçants (au moins 90 %) sont au service d’une
Compagnie des Indes et assurent l’administration des comptoirs. Ils sont
placés dans une structure hiérarchique où ils progressent selon des grades.
Dans la Compagnie britannique et dans la Compagnie française, on
commence par être « écrivain » ou « commis en second » durant cinq ans
environ, puis on devient « facteur » ou « commis » ; au bout de trois ans on
peut obtenir le grade de junior merchant ou « sous-marchand », puis, après
trois années encore, celui de senior merchant ou « marchand ».
L’avancement est régulier et tient compte surtout de la date de l’arrivée en
Asie. Le caractère systématique des promotions est tempéré par des
avancement exceptionnels, rarement accordés, et par l’engagement de
commerçants expérimentés, plus âgés, qui sont admis directement dans des
grades supérieurs. En moyenne, dans la première moitié du
XVIIIe siècle 192, chaque Compagnie recrute de 20 à 40 employés chaque
année.
Pour un tiers environ ce sont des enfants d’employés des Compagnies,
soit en Asie, soit en métropole. Dans la Compagnie anglaise trois familles
d’employés, les Russels, les Franklands et les Eyres, fournissent dix
membres du conseil du Bengale, dont cinq gouverneurs, dans la première
moitié du XVIIIe siècle. Un autre tiers est composé de commerçants qui
sont engagés dans l’armement maritime, et le reste de professionnels liés au
maniement de l’argent : financiers et banquiers, notaires ou encore avocats.
Ceux qui entrent au service d’une Compagnie à un âge plus avancé sont
fréquemment des commerçants ayant fait faillite. Ainsi chez les Français,
Étienne Hargenvilliers, notaire à Paris, contraint de vendre sa charge après
avoir fait de « mauvaises affaires », passe en Asie en 1728 193 ; François
Lemaire, armateur de Rouen, en fait autant en 1738 194 ; Pierre Boudet,
négociant de Saint-Domingue ruiné en 1761, est engagé en 1765 195.
Certains feront de belles carrières, ainsi le Hollandais van Diemen, ancien
négociant d’Amsterdam, passé en Asie après une faillite, devient
gouverneur général en 1636 196. Les étrangers ne sont pas exclus du
service ; ils sont particulièrement nombreux dans la V.O.C. ; on trouve
également des Jacobites dans la Compagnie française, ainsi que des réfugiés
protestants français dans la Compagnie anglaise.
Les motifs de l’entrée au service sont divers. Il peut y avoir l’esprit
d’aventure, comme l’affirme le Hollandais van Neck, qui « toute sa vie [il]
a désiré voir les pays étrangers » 197, mais le plus fréquent est la volonté de
faire fortune. C’est ce que Dupleix, gouverneur des établissements français,
affirme à plusieurs reprises dans sa correspondance : « Quel chagrin pour
un employé sans bien en Europe de ne pouvoir espérer d’y retourner sans
courir risque d’y mourir de faim ? Y a-t-il rien de plus mortifiant que de se
voir forcé de passer ses jours dans des climats si contraires à notre
tempérament et parmi des nations dont les mœurs et les façons nous sont si
étrangères ? Quelle joie, au contraire, ne ressentirait-on pas si, après avoir
bien servi et avoir par ménagement ramassé quelque chose, l’on espérait de
l’augmenter considérablement de retour en France et de pouvoir par ce
moyen finir ses jours avec tranquillité dans le sein de sa patrie », ou
encore : « Lorsque nous serons rendus en Europe, chacun rentrant dans sa
coquille ne se fera distinguer qu’autant qu’il aura du bien » 198. Cet avis est
partagé par La Bourdonnais : « On ne vient aux Indes que pour faire des
affaires, écrit-il, l’opinion contraire ne peut être exigée, n’étant pas
naturelle » 199, ou encore, « Le bien est considéré comme le seul fruit que
l’on rapporte de l’Inde et le seul aussi où on s’attache » 200. Même son chez
les Hollandais — où un employé parle de « secouer l’arbre aux
pagodes » — et chez les Britanniques. Un garçon de 17 ans partant pour le
Bengale espère revenir en métropole « libre et indépendant comme peut
l’être un gentleman », et un autre à peine plus âgé assure : « Je resterai là-
bas quinze ans, vingt au plus. Peut-être deviendrai-je gouverneur. À défaut,
j’aurai une fortune qui me permettra de vivre en gentleman » 201.
LA VIE QUOTIDIENNE
PRATIQUES COMMERCIALES
RECRUTEMENT
En théorie les guerres entre Européens, qui se déroulent tant sur les
continents — en Europe et en Amérique —, que sur mer, ne doivent pas
gagner l’Asie. Au Japon, en Chine, en Inde, en Perse, les souverains
imposent le respect de la neutralité. En Inde toutefois ce principe est mis à
mal, à l’initiative des Français.
Le 21 septembre 1746, après trois jour de bombardement par les Français
commandés par La Bourdonnais, le comptoir britannique de Madras
capitule. Il est rapidement rendu en échange de la citadelle de Louisbourg
sur l’île du Cap Breton, dont les Anglais s’étaient emparés. Mais cette
victoire des Français en Inde marque le début d’une âpre rivalité militaire
entre les deux puissances.
Dès 1748, les directeurs de la Compagnie britannique tirent les leçons de
leur échec militaire. Ils affectent des crédits importants à l’édification et à
l’entretien des ouvrages fortifiés — ce qu’ils s’étaient toujours refusés à
faire jusqu’alors en raison de la médiocre utilité commerciale de ces
investissements —, puis ils recrutent trois officiers supérieurs de l’armée
royale, en position de demi-solde, pour prendre le commandement des
garnisons de Madras, Calcutta et Bombay et augmentent les effectifs : 3 000
dès 1749, 6 000 dans les six années suivantes.
Cette troupe permet aux Britanniques d’intervenir dans les affaires de
l’Inde du Sud, à l’exemple des Français. En septembre 1751, le capitaine
Clive, jeune officier ayant préféré l’épée à la plume, prend le contrôle en un
raid audacieux de la capitale du Carnatic, faisant mettre à mort le protégé
des Français pour le remplacer par un seigneur client des Britanniques et
renvoie à Pondichéry la petite troupe qui en avait été détachée.
Ces événements inquiètent les directeurs de la Compagnie française qui
décident, en 1753, de rappeler Dupleix en métropole : « On préfère
généralement ici [à Paris] la paix à des conquêtes, et les succès
n’empêchent qu’on ne désire un état moins brillant, mais plus tranquille et
plus favorable au commerce, écrit le commissaire du roi au gouverneur. On
ne veut que quelques établissements en petit nombre pour aider et protéger
le commerce. Point de victoire, point de conquêtes, beaucoup de
marchandises et quelque augmentation de dividende » 247. Godeheu, le
successeur de Dupleix passe un accord avec le gouverneur de Madras selon
lequel les deux nations renoncent à intervenir dans les différends entre les
seigneurs du Carnatic, et se partagent les zones d’influence commerciale
dans la même province. C’est « un traité dont en général les conditions sont
bonnes, honorables, et ont été approuvées », déclarent les directeurs de la
Compagnie française 248.
Cependant les Français restent méfiants. À la demande du gouverneur de
Pondichéry, Bussy reste dans le Deccan, et les forces militaires de l’Inde
sont progressivement portées à 6 000 hommes comme chez les
Britanniques. Lors de la déclaration de guerre de la France à l’Angleterre en
juin 1756, à la suite de la « rafle de Boscawen », le gouvernement français
décide d’ouvrir un front secondaire en Asie et d’y envoyer un corps de
l’armée royale placé sous le commandement du lieutenant général Lally ;
les Britanniques font de même. Après quelques succès, Lally échoua devant
Madras en 1758 et fut obligé de se retirer à Pondichéry en février 1759 lors
de l’arrivée d’une escadre anglaise. Avec ces renforts les Britanniques
prirent l’offensive ; Bussy, rappelé, dû abandonner le Deccan, et
Pondichéry, assiégée, capitula en janvier 1761. La ville fut rendue aux
Français en 1763, après la destruction de la citadelle et de toutes ses
fortifications.
D’autres événements, plus importants encore, se déroulaient au même
moment au Bengale. Il faut rappeler que cette région de plaine formée par
les alluvions du Gange et du Brahmapoutre, est la plus fertile de l’Inde,
celle où l’on trouvait la majeure partie des produits d’exportation vers
l’Europe. Depuis le XVIe siècle, c’est une province de l’empire mogol,
gouvernée par deux officiers, le « soubab » (subahadar), commandant des
forces armées, chargé du maintien de l’ordre, et le « divan » (diwan),
responsable des finances et de la justice. En 1717, le divan Murshid Kuli
Khan prend également la fonction de soubab, devenant ainsi le premier
« nabab » du Bengale, et crée une dynastie. À sa mort en 1737, la province
est presque autonome ; le tribut continue d’être payé à l’empereur mogol,
mais désormais le nabab ne se reconnaît aucune obligation envers lui.
Vers 1630, les Britanniques commencent à faire du commerce dans la
région et obtiennent rapidement l’autorisation d’avoir des factoreries
permanentes, analogues à celles dont disposent déjà les Portugais et les
Hollandais. Et surtout, ils obtiennent en 1651 un avantage douanier très
appréciable : la fixation du montant forfaitaire de leurs taxes annuelles à
l’exportation à 3 000 roupies (environ 350 livres sterling). C’est une somme
modeste en raison du niveau faible du commerce britannique, mais quand
celui-ci se développe, dans les années 1670, les officiers du Mogol
demandent la révision de cet accord ; une difficile négociation s’engage,
interrompue par l’attaque des Anglais en 1686. Malgré leur échec relatif,
l’avantage de « l’abonnement » à 3 000 roupies est confirmé par un firman
du Mogol en 1717. Le nabab du Bengale ne fait pas toujours preuve de la
même bonne volonté et exige régulièrement le versement de taxes
additionnelles 249.
En 1756, le nouveau nabab Siraj-ud-daula voulut mettre fin à l’exemption
douanière dont bénéficiaient les Britanniques. Peut-être aussi voulait-il
éviter que ne se produisent au Bengale des événements semblables à ceux
qui venaient de se dérouler au Carnatic. Constatant que les Français et les
Anglais renforçaient leurs fortifications en prévision d’un conflit, le nabab
leur demanda de cesser les travaux. Le directeur de Chandernagor fit une
réponse lénitive. Quant au gouverneur de Calcutta, peu expérimenté, il
envoya une lettre dont le nabab considéra les termes comme insultants pour
lui. Il réunit donc son armée et arriva au milieu du mois de juin devant le
comptoir anglais, s’empara rapidement de la ville puis commença le siège
de la citadelle, dont une partie de la garnison avait été évacuée sur des
vaisseaux qui stationnaient au large. Le soir du 20 juin, la porte fut ouverte
par la « trahison » de soldats hollandais et les soldats du nabab enfermèrent
146 Européens dans un cachot habituellement réservé aux soldats ou aux
matelots en état d’ivresse. Pendant la nuit, 123 hommes décédèrent dans ce
« trou noir », pièce étroite et sans air. Lorsque ces événements furent
connus d’abord en Inde, puis en métropole, ils suscitèrent parmi les
Britanniques un mouvement d’horreur qui explique la suite des événements.
Le récit publié quelques jours plus tard par un survivant ; Holwell, président
du tribunal, renforça ce sentiment ; il fallait une vengeance 250.
Au même moment, Clive arrivait à Madras, venant de la métropole. Il
avait été bien reçu par les directeurs après son succès dans le Carnatic. Pour
récompenser « les mérites du capitaine Clive, au courage et à la bonne
conduite duquel l’heureux achèvement des dernières affaires est dû en
grande partie » 251, on lui confia le gouvernement de Madras. Lorsqu’il
apprit les événements de Calcutta, Clive décida d’utiliser les forces dont il
disposait, destinées à la guerre contre les Français de Pondichéry, pour
reprendre le comptoir du Bengale. En février 1757, il débarqua dans cette
province avec 2 000 hommes et 7 canons, affrontant l’armée du nabab forte
de 30 000 hommes et de 40 canons. La rencontre fut indécise, mais le
déroulement tel que Siraj-ud-Daula dut accepter de négocier et de rendre
Calcutta aux Britanniques, nouvelle qui remplit d’aise les directeurs
généraux de la Compagnie. « Selon les nouvelles reçues du Bengale,
écrivent-ils, nous avons toutes les raisons de croire que le nabab est revenu
à une conduite pacifique, et qu’il a accepté de réintégrer la Compagnie dans
ses possessions, droits et privilèges […] » 252.
Avant de quitter le Bengale, Clive décida d’utiliser son armée pour
s’emparer du comptoir français. Le 14 mars, il adressa un ultimatum au
directeur : « Le roi de la Grande-Bretagne ayant déclaré la guerre à la
France, je vous ordonne en son nom de rendre Chandernagor. En cas de
refus, vous devrez répondre des conséquences et vous attendre à être traité
selon les lois de la guerre » 253. Le lendemain, n’ayant reçu aucune réponse,
il commença le siège. Les Français, écrasés sous le feu des canons des
navires anglais ancrés devant le comptoir, durent se rendre.
Puis, Siraj-ud-Daula, ayant refusé de régler l’indemnité réclamée par les
Britanniques pour le pillage de leurs biens à Calcutta et tenté de les
empêcher d’attaquer les Français, Clive monta une nouvelle campagne
contre lui. Le 13 juin, il se mit en marche en direction de Murshidabad,
capitale du nabab. Il disposait de 3000 hommes, dont environ 2000
Européens, et d’une douzaine de pièces d’artillerie, mais il n’avait toujours
pas de cavalerie. Le souverain s’avança à sa rencontre et les deux armées se
rejoignirent près du village de Plassey (ou Palasi) le 23 juin. Siraj-ud-Daula
disposait de 50000 hommes et de l’aide d’un petit groupe de Français venus
se placer sous son autorité. À la fin de la journée, Siraj-ud-Daula, défait,
s’enfuit à Murshidabad, où il fut mis à mort tandis que Mir Jafar, son oncle
et général de l’armée, était proclamé nabab. Celui-ci tint immédiatement
l’engagement secret passé avec Clive de verser 1 750 000 livres sterling en
indemnités pour les pertes subies lors de la prise de Calcutta. Le trésor
descendit le fleuve en grande pompe, « tambour battant et couleurs
levées », passant devant l’établissement hollandais et il fut reçu avec le
même appareil dans le comptoir britannique. Ce fut le triomphe de Clive,
déjà vainqueur au Coromandel et maintenant au Bengale !
Clive resta au Bengale trois années, après avoir envoyé à Madras une
partie de son armée, pour poursuivre la guerre contre les Français. Il
organisa l’exploitation commerciale de la province au profit de la
Compagnie, obtenant du nabab, dès 1757, le monopole du commerce du
salpêtre, puis l’année suivante celui de l’opium 254.
En 1764, on apprend à Londres la nouvelle du massacre de 170
britanniques à Patna. Une fois de plus la position anglaise au Bengale paraît
bien fragile, et à nouveau la direction de la Compagnie se tourne vers celui
qui paraît le plus compétent : Lord Clive of Plassey. Celui-ci hésite, mais si
la position de la Compagnie au Bengale devait être perdue, les ennemis de
Clive auraient beau jeu de critiquer la fragilité de son œuvre. Finalement il
décide de gagner une nouvelle fois la province, part en juin 1764 pour
arriver un an plus tard.
Les décisions prises lors de son second gouvernement seront capitales
pour l’avenir. Clive contraint d’abord le nabab du Bengale à licencier son
armée puis à signer un traité (Traité d’Allahabad, 12 août 1765) par lequel
la Compagnie perçoit directement les impôts de la province — le Diwani —
et s’engage à verser une rente au Mogol et au nabab pour leurs dépenses
d’administration ; le surplus pouvant être utilisé pour son commerce.
« Habituellement, écrit Clive, chaque nation qui fait du commerce aux
Indes orientales apporte de l’argent pour acheter les marchandises.
L’acquisition du Diwani rend ce trafic inutile pour la Compagnie
britannique ; nos investissements peuvent être effectués, nos dépenses
civiles et militaires réglées, et une grande quantité d’argent être adressé en
Chine, sans que nous ayons besoin d’y envoyer une seule piastre » 255. Et il
poursuit dans une autre lettre : « Depuis l’acquisition du Diwani le pouvoir
qui appartenait au nabab est entièrement passé à la Compagnie des Indes
orientales. Il ne reste rien au nabab, seulement le nom et l’ombre de
l’autorité ».
Il est difficile de démêler la part des intérêts privés et de ceux de la
Compagnie dans ce changement capital. Si la direction de la Compagnie est
hostile aux opérations militaires, toujours coûteuses, elle tient toutefois à
conserver les avantages douaniers exorbitants dont elle dispose et veut
écarter ses rivaux, particulièrement les Français, dans la poursuite du
commerce. En recourant à la force elle est amenée à demander des cessions
de territoires et obtient donc des revenus plus importants pour entretenir une
armée de plus en plus forte. Le rôle de la direction générale est
certainement essentiel dans les événement de Calcutta en 1756 ; mais il
n’en sera plus de même ensuite — les intérêts particuliers des employés de
la Compagnie, leur désir de fortune, l’ambition vont prendre une place
essentielle. Finalement ce que le conseil de Calcutta reproche aux nababs
est leur générosité insuffisante vis-à-vis de leurs « bienfaiteurs »
britanniques ! Le modèle est Clive, qui rentre en métropole à l’issue de son
premier gouvernement, avec une fortune d’au moins 320 000 livres sterling
(dont 234 000 sont un cadeau personnel de Mir Jafar), auquel il faut ajouter
les revenus d’un jagir ou domaine qui s’élèvent à 27 000 livres par an. Le
personnel suit cet exemple, tant parmi les civils que les militaires. Francis
Sykes, civil, résident à Murshidabad, est considéré par ses contemporains
comme l’un des hommes les plus riches rentré d’Asie, propriétaire d’un
domaine dans le comté d’Oxford, membre du Parlement et baronet 256. Le
major Kilpatrick, mort deux années après Clive laisse une fortune de
60 000 livres 257.
L’imbrication entre intérêts privés et intérêts publics s’explique en partie
par la politique de la Compagnie des Indes. Cette ambiguïté conduira
finalement après bien des avatars à la disparition de la Compagnie elle-
même.
XI
LA FIN DES COMPAGNIES DES INDES
La route maritime entre l’Europe et l’Asie est l’une des plus longue parmi
celles parcourues par les Européens. Pour en obtenir la maîtrise, ils vont
être conduits à élaborer des techniques navales perfectionnées, dans
lesquelles chaque nation de l’Europe prend part.
La première application est la mise au point d’un vaisseau, le 600
tonneaux, proche d’un navire de guerre par sa taille et sa construction,
voisin d’un bâtiment de commerce par sa mâture, sa carène et ses
aménagements intérieurs. Tout y est fait de manière à assurer dans les
meilleures conditions de sécurité le transport d’une cargaison précieuse.
L’artillerie, qui équivaut à peu près au tiers de celle d’un vaisseau de guerre
de même tonnage, est plus importante sur les bâtiments des Compagnies
des Indes que sur ceux des lignes commerciales de l’Atlantique, car il faut
pouvoir en imposer aux pirates dont la présence est récurrente dans les mers
d’Asie ; et manifester dans ces contrées lointaines la force des puissances
protectrices.
La conduite de ces « machines » perfectionnées demande des hommes
bien entraînés. Les matelots sont recrutés au voisinage des ports spécialisés,
ainsi Londres en Angleterre, Saint-Malo puis Lorient en France. Les
officiers, dont le rôle est capital pour le bon déroulement des voyages, sont
soigneusement formés, et reçoivent un enseignement pratique. Après un
apprentissage d’à peu près sept ans, au cours duquel ils font quatre à cinq
voyages en Asie, ils sont admis au grade d’enseigne, sur avis favorable
d’officiers plus âgés qui suivent leur formation.
Les fonctions d’officiers de marine au service des Compagnies des Indes
sont très recherchées en raison des revenus élevés : en sus de salaires
analogues à ceux qui sont versés dans les autres sociétés de commerce, ils
reçoivent un « port permis », c’est-à-dire l’autorisation de transporter et de
vendre pour leur compte une certaine quantité de marchandises. En outre ils
peuvent s’adonner à la « pacotille », théoriquement interdite, mais tolérée à
condition de rester à un niveau acceptable. Ces avantages permettent aux
officiers de tripler ou de quadrupler le montant de leurs salaires. Les
matelots bénéficient proportionnellement d’avantages analogues, aussi les
Compagnies des Indes éprouvent-elles peu de difficultés pour recruter leur
personnel navigant.
Les officiers des Compagnies des Indes sont très engagés dans les
recherches destinées à augmenter la sécurité de la navigation. Ils sont parmi
les premiers à utiliser les nouveaux instruments d’observation astronomique
et les tables de déclinaison permettant d’établir avec plus de certitude la
position en latitude et surtout en longitude. Ils diffusent leurs connaissances
en publiant des routiers et des cartes marines, ainsi le portugais Pires au
XVIe siècle, les hollandais Blaeu et van Keulen au XVIIe siècle, le français
d’Après de Mannevillette et le britannique Dalrymple au XVIIIe siècle. En
accord avec les officiers, les directions des Compagnies des Indes se
préoccupent du maintien de la bonne santé des équipages. Aux XVIe et
XVIIe siècles, la mortalité demeure forte, en moyenne 14 %, surtout en
raison de la fréquence de scorbut. Pour y remédier les Compagnies
aménagent des escales au cap de Bonne-Espérance ou bien au voisinage de
celui-ci, c’est-à-dire à peu près au milieu de la route, afin de permettre aux
hommes de prendre du repos et d’avoir une meilleure alimentation. Au
XVIIIe siècle, les recherches des médecins montrent les carences du régime
alimentaire pratiqué à bord, en particulier l’absence de la vitamine C. Les
Compagnies y remédient en embarquant des légumes et des fruits riches en
vitamines, ramenant le taux de mortalité en dessous de 10 %.
Dans l’ensemble les organisations navales des Compagnies des Indes sont
remarquables, mais d’un coût élevé : les dépenses de marine absorbent les
deux-tiers des profits commerciaux.
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(2. Travels in Asia, 1628-1634 ; 3. Travels in India, China …, 1634-1638 ;
5. Travels in Western India …), Londres, 1907-1936 et Nendeln, Kraus
reprint, 1967 (Hakluyt society).
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Paris, Chandeigne, 1998 (avec en annexe la Description du premier
voyage fait à Sumatra par les Français en l’an 1603, par MARTIN de
Vitré).
RIPON, Elie, dit capitaine, Voyages et aventures aux Grandes Indes. Journal
inédit d’un mercenaire (1617-1627), Paris, Les éditions de Paris, 1997.
ROQUES, Georges, La manière de négocier aux Indes, éd. Valérie Bérinstain,
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Batavia, à Bantam et au Bengale, en 1768, 69, 70 et 71, …Trad.
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—, Voyage par le cap de Bonne-Espérance et Batavia, à Samarang, à
Macassar, à Amboine et à Surate, en 1774, 75, 76, 77 et 78, …, Trad.
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DRAKE -BROCKMAN, Londres, 1964.
NOTES
1 Histoire naturelle, Livre VI, éd. ANDRÉ, J. et FILLIOZAT, J., Paris, 1980, 2e partie, chap.
XXVI, p. 54.
2 Id. Livre XII, éd. ERMONT, A., Paris, 1949, chap. XIV, p. 27-28.
3 Cité par WOODRUFF, Ph. (pseud. pour MASON, Ph.), The Men who Ruled India, 1. The
Founders, Londres, 1965, p. 73.
4 GOMES, D., De la première découverte de la Guinée, éd. Th. Monod, R. Mauny et G. Duval,
Lisbonne, 1959, p. 11.
5 GAMA, Vasco de, La relation du premier voyage aux Indes (1497-1499), éd. Teyssier, P.,
Paris, 1998, p. 71. Voir aussi Voyages de Vasco de Gama. Relations des expéditions de 1497-1499 et
1502-1503. Récits et témoignages traduits et annotés par Teyssier, P., et Valention, P., Paris, 1995.
6 Dynastie tcherkesse qui régna jusqu’en 1517.
7 The Suma Oriental of Tome Pires…, éd. A. CORTESAO, New-Delhi, 1990, t. 2, p. 285.
8 Le quintal portugais équivaut à 51,405 kg.
9 TERPSTRA, H, Jan van Neck, Amsterdam, 1960, p. 74.
10 Generale missiven van Gouverneurs-generaal en raden aan Heren XVII der Verenigde
Oostindische compagnie…, t. 1, 1610-1638, éd. Ph. COOLHAAS, La Haye, 1960, p. 104.
11 SAAR, J., Ost Indianishe Funfzehen-Jährige Kriegs… von Anno Christi 1644 biss Anno
Christi 1659, Nuremberg, 1672, p. 78.
12 Generale missiven…, op. cit., t. 3, p. 263.
13 VAN DAM, P., Beschryvinge van de Oost-indische compagnie… éd. F.W. Stapel, La Haye,
1954, t. 3, p. 87.
14 VIEIRA, A., Cartas do Padre Antonio Vieira, éd. J. L. de Azevedo, Lisbonne, 1971, t. 2,
p. 97.
15 Generale missiven… op. cit., t. 3, p. 104.
16 VAN DAM, P., Beschryvinge…, op. cit., t. 2, p. 63.
17 HAMILTON, A., A new account of East Indies… from the year 1688-1723, New-Delhi,
1995, t. 1, p. 73.
18 Documenta indica, Rome, 1948, t. 89, p. 28.
19 Cartas de Afonso de Albuquerque, Lisbonne, Académie des Sciences, t. 7, p. 58. Voir aussi
BOUCHON, G., Albuquerque. Le lion des mers d’Asie, Paris, 1992.
20 SILVEIRA, F. R. da, Memorias de un soldado da India, 1585-1598, éd.Costa Lobo, A. de S.
S., Lisbonne, 1877, p. 41 ; et HIRSH, E. F., Damiao de Gois, the life an thought of a Portuguese
humanist, 1502-1574, La Haye, 1967, p. 67-68.
21 FARIA, M. S. de, Noticias de Portugal, Lisbonne, 1791, t. 1, p. 74.
22 RIBEIRO, J., The historic tragedy of the island of Ceilao (trad. de Fatalidades historica de
ilha de Ceilao), New-Delhi, 1999, p. 22.
23 Memorias de un soldado da India, 1585-1598, op. cit., p. 318.
24 WINIUS, George G., « Two Lusitanian Variations on a Duth Theme : Portuguese Companies
in Times of Crisis, 1628-1662, » dans Companies and trade : essays on overseas trading companies
during the Ancien Régime, Leiden University Press, 1981, p. 119-133.
25 BOSMAN,W., Voyage de Guinée, par Guillaume Bosman, (traduit du hollandais), Utrecht,
1705, p. 498.
26 LINSCHOTEN, J. H. van, Le Grand routier de mer… contenant une instruction des routes et
cours qu’il convient tenir en la navigation des Indes orientales, le tout fidèlement recueilli des
mémoires et observations des pilotes espagnols et portugais, Amsterdam, 1619.
27 TERPSTRA, H. Jan van Neck, Amsterdam, 1960, p. 74-75.
28 JAPISKE, N., Johan de Witt, Amsterdam, 1928.
29 Generale missiven op. cit., t. 1.
30 VIEIRA, A., Cartas do Padre Antonio Vieira, éd. J.-L. de Azevedo, Lisbonne, 1970, t. 1,
p. 267 et 390.
31 QUEIROZ, F. de, The temporal and spiritual conquest of Ceylon…, traduit du portugais,
New-Delhi, 1992, t. 1, p. 96.
32 Documentos remetidos da India…, Lisbonne, 1884, t. 2, p. 423.
33 Id., p. 121.
34 Id, t. 4, p. 47.
35 HAAN, F. de, Oud Batavia, Batavia, 1922, t. 1, p. 19, 45.
36 « Punten en Artikelen inforn van Generale Instructie », Amsterdam, 26 avril 1650, dans
MYER, P., Verzamelling van Instructien, Ordonnancien en reglementen voor de regering van
Nederlandsh Indie, Batavia, 1848, p. 71, 116.
37 Kroniek van het Historich Genootschap gevestig to Utrecht, Utrecht, 1853, t. 9, p. 113-114.
38 Cité par FOSTER, W., English Factories, Oxford, 1926, t. 12, p. 102.
39 J. P. Coen aux Heeren XVII, dans COLENBRANDER, H.T., Jan Pietersz Coen.
Levensbeschryving, La Haye, 1934, p. 64.
40 On compte 5 retours par an dans la décennie 1610-1619 ; 7 entre 1620 et 1629 ; 7 à 8 de
1630 à 1639 ; 9 de 1640 à 1649 ; 10 de 1650 à 1659 ; 12 entre 1660 et 1669 ; 13 de 1670 à 1679 ; 14
de 1680 à 1689 ; 15 de 1690 à 1699.
41 Texte transcrit de The first Letter Book of the East India Company, 1600-1619, éd. FOSTER,
W., Londres, 1892, p. 12.
42 The Voyages of Sir James Lancaster…, éd. FOSTER, W., Londres, 1940.
43 The dawn of British trade to the East Indies as recorded in the Court Minutes of the East
India Company, 1599-1603, éd. BIRDWOOD, J., Londres, 1886.
44 FOSTER, W., England Quest of Eastern trade, Londres, 1933.
45 India Office Library, Court Book of the East India Company, III, f° 70, 141, 149.
46 Id., Court Book IV, f° 165.
47 Id., Court Book III, f° 180.
48 Id., Court Book VII, f° 414.
49 English factories in India, éd. FOSTER, W. Oxford, 1908, t. 2, p. 47.
50 Id., p. 63.
51 Court Book III, 464.
52 Id. 411, 287, 282.
53 Letters received by the East India Company…, éd. FOSTER, W, Londres, 1902, t. 1, p. 78.
54 63 % pour les Hollandais et 78 % pour les Britanniques.
55 30 % pour les Hollandais et 21 % pour les Britanniques.
56 MARTIN, F., Description du premier voyage que les Marchands français de Saint-Malo, de
Vitré, et de Laval ont fait aux Indes orientales, Paris, 1604.
57 Cité par WEBER, H., La Compagnie française des Indes, Paris, 1904, p. 68.
58 Cité par DERMIGNY, L., « East India Company et Compagnie des Indes », dans Sociétés et
Compagnies de commerce en Orient et dans l’océan Indien, Paris, 1970, p. 456.
59 Archives Nationales [Paris] Colonies C2/13, f° 10.
60 DESSERT, D. et JOURNET, J.-L., Le lobby Colbert, un royaume ou une affaire de famille,
Annales E.S.C., 1975, t. 30, p. 1312-1336.
61 Cité par KROELL, A., « La ruée vers l’Inde au XVIIe siècle », dans Pondichéry, 1674-
1721…, dir. Vincent, R., Paris, 1993, p. 24-25.
62 Voltaire à Pilavoine, 23 avril 1760, œuvres complètes, éd. Besterman, 1971, t. 105, p. 179-
180, 256.
63 Sur les actionnaires, HAUDRÈRE, Ph., La Compagnie française des Indes au XVIIIe siècle,
Paris, 2005, t. 1, p. 169-172.
64 Archives de Madras, Public despatches from England, 30 déc. 1737, cité par DODWELL,
H. Dupleix and Clive, Londres, 1967, p. 3.
65 Cette société commerciale lui semblait être une nouvelle version de la Compagnie d’Ostende,
vision confirmée par la chronologie et surtout par le fait qu’il y avait dans la Compagnie suédoise
plusieurs transfuges de la société anversoise, personnel commercial, officiers de marine, investisseurs
enfin. Selon Stanhope, un agent de la Compagnie suédoise se serait même rendu à Anvers pour
trouver des fonds.
66 KONINCKX, C., The First an Second Charters of the Swedish East India Company (1731-
1766). A contribution to the maritime, Économic and social history of northwestern Europe in its
relationships with Far East, Courtrai, 1980, p. 53-54.
67 Cité par DERMIGNY, L., La Chine et l’Occident. Le commerce à Canton au XVIIIe siècle…,
Paris, 1964, t. 2, p. 772.
68 Voir tableau : annexe 1.
69 Journal du voyage fait aux Indes sur l’escadre française armée en guerre… sous les ordres
de M. Mahé de La Bourdonnais [par ROSTAING], Paris, 1766.
70 HICKEY, W., Memoirs, éd. Spencer, A., Londres, 1913, t. 1, p. 177.
71 MORSE, H. B., Chronicles of the East India Company trading to China, 1635-1834,
Londres, 1926, t. 2, p. 180.
72 Id., t. 2, p. 448.
73 Algemeen Rijksarchief, VOC 198, résolution des 17 directeurs du 4 décembre 1788, et VOC
85, minute des résolutions des 17 directeurs du 10 avril 1789.
74 « Livro da fabrica das naos », dans LOPES DE MENDONCA, H., O Padre Fernando
Oliveira e su obra nautica…, Lisbonne, 1898.
75 The Original Writings and Correspondence of the two Richard Hakluyts, éd. E. G. R. Taylor,
Londres, 1935, t. 1, p. 73.
76 FOURNIER, le Père Georges, Hydrographie, contenant la théorie et la pratique de toutes les
parties de la navigation…, 2e édition, Paris, 1679, p. 97.
77 Journal des voyages de M. de Monconys… où les savants trouveront un nombre infini de
nouveautez…, Lyon, 1665, t. 2, p. 220.
78 Cette augmentation apparaît dans la composition de la flotte de la V.O.C. étudiée par J. Bruijn
et ses collaborateurs, Dutch-Asiatic Shipping, La Haye, 1987, t. 1, p. 52.
79 Tableau des normes de construction établies par les Heeren XVII
228 India Office Library, Bengal Public Consultations, 30 août 1712, vol. 2, p. 252.
229 Cité par THOMAZI, J.-F., Un millionnaire au service du roi, La Bourdonnais, Paris, 1963,
p. 73 et 75.
230 DODWELL, H., Dupleix and Clive, Londres, 1967, p. 9.
231 Exemples dans MARSHALL, P., East Indian Fortunes, op. cit., p. 228-229.
232 HULLU, J. de, « De Matrozen en soldaten op de schepen der Oost-Indische Compagnie »,
Bijdragen tot de Taal-land-en Volkenkunde van Nederlandsch Indië, t. 69, 1914, p. 318-365.
233 HAUDRÈRE, Ph., La Compagnie française des Indes au XVIIIe siècle, op. cit., p. 567 à
580.
234 THOMSON, E.J. et GARRATT, G. T., The Rise and Fulfilment of British Rule in India,
Londres, 1934, p. 175.
235 Dans une lettre envoyée au Secrétaire d’État à la guerre, 27 juillet 1762, Public Record
Office, W. O. 1/319,f° 353.
236 Dans une lettre envoyée à William Pitt, 3 juillet 1784, citée dans British colonial
Developments 1774-1834, selected documents, éd.V. Harlow, Oxford, 1953, t. 1, p. 193.
237 Mémoires sur l’Indoustan ou Empire Mogol, Paris, 1822, p. 53-54.
238 Travels in Europe, Africa and Asia, 1770-1779, Londres, 1795, t. 1, p. 277.
239 Lettre du père X. de Saint-Estevan, Karikal, 15 novembre 1755, dans Lettres édifiantes…,
op. cit., t. 30, p. 20.
240 MARSHALL, P., East Indian Fortunes, op. cit., p. 118.
241 A.N.F., Colonies C 72, f° 102.
242 Liquidation de la succession de Nicolas Gonnet, habitant et officier à l’île de France,
28 octobre 1756, Archives de Maurice, Notaires 12/3 (14).
243 Partage, Pondichéry, 19 juin 1770, A.N.F., Section Outre-mer, Notaires Pondichéry 1770.
244 A.N.F. Colonies C 80, f° 15.
245 B.N.F., Mss. Fr. 12.087, f° 84.
246 A.D.Yvelines E 3.749, f° 7.
247 Paris, 13 septembre 1752, B.N.F. Mss. N.A.F. 9.150, f° 266.
248 A.N.F. Colonies C 204, f° 26.
249 Pour compenser le manque à gagner pour son trésor, ainsi en 1727, 1731, 1732, 1736, 1740,
1744 et 1749. Le conseil de Calcutta accepta de payer les sommes demandées, après avoir fait
quelques difficultés.
250 Dans Evènemens historiques intéresssans, relatifs aux provinces de Bengale et à l’empire de
l’Indostan…Ouvrage traduit de l’anglois…, 2 vol., Paris, 1768.
251 HARVEY, R., Clive : the life and death of a British emperor, Londres, 1998.
252 Le conseil des directeurs au conseil de Calcutta, Londres, 3 août 1757, éd. SINHA, F. N.,
Fort-William-India house correspondance, t. 2 (1757-1759), New-Delhi, 1957, p. 40-41.
253 HILL, S.C., Three Frenchmen in Bengal, or the commercial ruins of the French
Settlements…, Londres, 1903.
254 Cependant Mir Jafar n’est pas un allié fidèle ; il complote contre les Britanniques et reçoit
en 1759 l’aide des Hollandais, qui organisent une petite expédition militaire, mais échouent. Le
conseil de Calcutta oblige alors Mir Jafar à se retirer, et à remettre le pouvoir à son fils Mir Kasim
qui donne immédiatement de nouveaux avantages aux Anglais. Cependant Mir Kasim refuse d’être
un fantoche ; il quitte la province, demande l’aide du Mogol, qui la lui accorde, et revient à la tête
d’une armée, mais il est battu par les forces britanniques en 1764. Contraint à l’exil il est remplacé
par un autre fils de Mir Jafar.
255 Fort William-India House Correspondence. t. 4 (1764-1766), éd. C. S. Srinivashari, New-
Delhi, 1962, p. 337-349.
256 MARSHALL, P., East Indian Fortunes, Oxford, 1976, p. 198.
257 Id., p. 239.
258 MARSHALL, P., op. cit., p. 244.
259 Id., p. 238.
260 Id., p. 240.
261 Id., p. 241.
262 Id., p. 225.
263 Id., p. 226.
264 Id., p. 255.
Lettres de change sur l’East India C° : 10 381 025 £
Lettres de change sur l’E. I. C° via Canton : 1 500 000 £
Lettres de change sur les Hollandais et les Français : 4 000 000 £
Lettres de change sur les Danois après 1778 : 750 000 £
Diamants : 275 000 £
Total : 16 906 025 £
265 The Parliamentary History of England from the Earliest Period to the Year 1803, éd.
W. Cobbett, Londres, t. XXII, p. 1280.
266 Journals of the House of Commons, t. XXXVIII, p. 1032.
267 The London Chronicle, 7 avril 1804.
268 Wellesley à W. Scott, 22 janvier 1801 ; N. Edmonstone à W. Scott, 27 mai 1801, dans
Parliamentary Papers, Londres, 1806,t. XV, p. 403 et p. 467.
269 The Parliamentary History of England, op. cit., t. XXX, p. 677.
270 Discours de J. Prinsep, dans Cobbett’s Parliamentary Debates…, Londres, t. VI, p. 445.
LA VERSION EPUB
DE CET OUVRAGE
A ÉTÉ PRÉPARÉE
PAR LEKTI EN
JANVIER
2013