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III Élasticité linéaire

III Élasticité linéaire

Dans les deux premiers chapitres de ce cours nous avons présenté



Les relations géométriques : ε = f (u ) "cinématique des milieux continus"
 
Les relations géométriques : T = σ n "physique des milieux continus"
  
Les principes de la dynamique : PFD : " f = ma " ou PTV: " δ A = δ T ∀δ u "

La « MMC » utilise quatre champs inconnus qui sont :

Champs vectoriels Champs tensoriels



u ∈ U : Déplacements ε ∈ E : Déformations

f ∈ F : Forces σ ∈ Σ : Contraintes

Les quatre relations entre ces champs peuvent être schématisées par la figure ci-dessous.

σ = D(ε )
Σ(σ ) < Lois de comportement > E(ε )

ε = f (u )
Relations Lois de comportement
géométriques généralisée
  Relations
T =σ n géométriques
 
F ( f ) < Principe de la dynamique > U (u )

Il nous reste donc à parler des lois de comportement, et mettre en œuvre sur des problèmes simples ce que
nous avons présenté, c'est l'objet de ce chapitre.
Le cadre des problèmes que nous traitons dans ce chapitre est défini par les hypothèses suivantes :
Petites perturbations, l'état initial et final seront confondus, et le gradient du déplacement est petit.
Régime permanent, il n'y a pas d'effet dynamique, les charges sont imposées infiniment lentement.
Le comportement du matériau est élastique, linéaire, isotrope.

III-1 Comportement élastique.


Le comportement relie l’état de contrainte et de déformation en chaque point du milieu. Pour un milieu non
dissipatif le champ des contraintes dépend linéairement des déformations (et pas de la manière dont s’est
effectuée la transformation).

Les lois de comportement sont de la forme σ = f (ε ) = D ε

La symétrie des tenseurs des contraintes et déformations permet de montrer que le tenseur d’ordre 4 D,
dépend de 6 = 36 coefficients.
2

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Mécanique des Milieux Continus & calcul des structures

III-1.1 Loi de Hooke


Pour un milieu hyper élastique, il existe une énergie de déformation par unité de volume. Le tenseur D est
alors symétrique et ne dépend plus que de 21 coefficients « 6(6+1)/2 ».
Pour un milieu supposé homogène et isotrope cette relation sera identique en tout point et indépendante de la
direction. Le comportement ne dépend plus que de deux coefficients scalaires, c’est la loi de Hooke pour les
milieux élastiques homogènes isotropes.

Loi de Hooke : σ = λTr (ε ) 1 + 2 µε avec ( λ , µ ) coefficients de Lamé.

ν 1 +ν
Son inverse : ε = f −1 (σ ) = − Tr (σ ) 1 + σ
E E
Les coefficients de Lamé ( λ , µ ) s’expriment en fonction du module d’Young E et du coefficient de
poisson ν
λ = Eν (1 + ν )(1 − 2ν )
µ = E 2(1 + ν )
E = µ (3λ + 2 µ ) (λ + µ )
Réciproquement :
ν = λ 2(λ + µ )
Le module d’Young et le coefficient de poisson sont obtenus expérimentalement à partir de l’essai de traction.

III-1.2 Forme matricielle


1
L’énergie de déformation par unité de volume est définie par : Wd = σ :ε
2
Pour exprimer ce produit terme à terme des deux tenseur nous utilisons une représentation vectorielle
des tenseurs
Glissement

σ : ε = {ε } {σ } avec : {ε } = < ε xx , ε yy , ε zz , 2ε xy , 2ε xz , 2ε yz >


T T

{σ } = < σ xx , σ yy , σ zz , σ xy , σ xz , σ yz >
T

La forme matricielle associée aux lois de comportement du matériau est alors :


Hooke : {σ } = [ D ]{ε }
σ 11  1 −ν ν ν 0 0 0  ε11 
σ  ν ν ν  
 22   1 − 0 0 0  ε 22 
σ 33  E ν ν 1 −ν 0 0 0  ε 33 
 =   
σ 12  (1 +ν ) (1 − 2ν )  0 0 0 (1 − 2ν ) / 2 0 0  2ε12 
σ 13  0 0 0 0 (1 − 2ν ) / 2 0  2ε13 
    
σ 23   0 0 0 0 0 (1 − 2ν ) / 2  2ε 23 
Inverse : {ε } =  D −1  {σ }
ε11  1 −ν −ν 0 0 0  σ 11 
ε   −ν 1 −ν   
 22   0 0 0  σ 22 
ε 33  1  −ν −ν 1 0 0 0  σ 33 
 =   
 2ε12  E 0 0 0 2 (1 +ν ) 0 0  σ 12 
 2ε13  0 0 0 0 2 (1 + ν ) 0  σ 13 
    
 2ε 23  0 0 0 0 0 2 (1 +ν )  σ 23 

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III Élasticité linéaire

Du fait de l’isotropie du matériau, les matrices de comportement sont identiques quelle que soit la base
(orthonormée directe) utilisée pour exprimer les tenseurs des contraintes et des déformations (cylindriques,
ou sphériques). De plus les élongations et cisaillement sont découplés.

III-1.3 Application à des chargements élémentaires

Traction
Soit un petit élément soumis à un essai de traction uni axial : σ xx = F S
1 
L’inverse de la loi de Hooke donne : ε  = σ xx  −ν 
 
  E  
 −ν 
Sous l’action du chargement l’élément c’est déformé dans les trois directions :
Un allongement proportionnel dans la direction du chargement ε xx = F / ES
caractérisé par le module d’Young.
Et deux raccourcissements dans le plan orthogonal ε yy = ε zz = −ν ε xx
caractérisés par le coefficient de poisson
La variation de volume de l’élément sera nulle si ν = 0, 5 c’est le cas de certains polymères, mais pour les
métaux ν ≈ 0,3 ce qui revient à observer une augmentation de volume lorsque l’on tire sur une éprouvette
métallique.
Remarque :
Considérons le modèle de l’ingénieur de traction - compression. Ce modèle en plus de l’hypothèse sur l’état
de contrainte uni axial utilise aussi une hypothèse monodimensionnelle sur le champ de déplacement.
 
Partons de cette hypothèse : u ( M , t ) = u ( x, t ) xo  ε xx = u, x
la déformation est purement axiale
L’écriture de la loi de Hooke donne des contraintes σ yy et σ zz non nulles
l’état de contrainte n’est pas uni axial
Selon les hypothèses simplificatrices du modèle que l’on utilise pour écrire le comportement du matériau nous
obtenons des résultats différents. Ces incompatibilités correspondent à des incohérences dans les hypothèses
du modèle. Pourtant l’ingénieur utilise couramment les deux hypothèses précédentes pour calculer les
structures de type treillis. Les résultats obtenus sont satisfaisants si on cherche des informations globales sur
la résistance de la structure.

Cisaillement τ

Considérons un petit élément de volume soumis à un chargement de cisaillement : e2
τ τ
0 τ 0 
e1
σ  = τ 0 0 
   
0 0 0  τ

γ
L’inverse de la loi de Hooke donne :
0 τ 0  0 τ 0 
ε  = 1 + ν   1 τ 0 0 
τ 0 0 =

e2
  E  2µ  
0 0 0  0 0 0  
e1

Sous l’action du chargement l’élément subit une déformation angulaire ou glissement


de valeur γ = 2ε12 = τ / µ

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Mécanique des Milieux Continus & calcul des structures

Le coefficient de Lamé µ est équivalent à une raideur de cisaillement, ce coefficient est souvent noté G et
appelé module de cisaillement µ = G = E 2(1 +ν )  τ =G γ

Compression hydrostatique
P 0 0 
 
L'état de contrainte est défini par σ  = 0 P 0 avec P < 0 en compression.
   
 0 0 P 
P 0 0 
1 − 2ν 0 P 0
L'état de déformation correspondant est ε  =
  E  
 0 0 P 
1 − 2ν
Soit une variation de volume ∆V = Tr (ε ) = 3P
E
Définissons le module de compressibilité K tel que P = K ∆V  K = E / 3(1 − 2ν )
Soit K = λ + 2µ / 3

III-2 L’essai de traction


Le but des essais mécaniques est d'obtenir les valeurs des propriétés caractérisant le comportement mécanique
du matériau. Pour être utilisable de façon universelle ces essais sont normalisés. La norme définira la forme et
les dimensions de l'éprouvette, la vitesse d'essai, l'étalonnage de la machine et l'exactitude des appareils, les
informations à indiquer dans le rapport d'essai et la définition des caractéristiques mécaniques cherchées.
Pour les matériaux métalliques la norme de référence est la NF EN 10002-1.
L'essai de traction est l'essai mécanique le plus utilisé. Il consiste à soumettre une
éprouvette de forme allongée à une traction et à mesurer l'allongement
correspondant. La machine de traction (figure ci-contre) est constituée d'un bâti
rigide comprenant une traverse fixe et une traverse mobile commandée par un
vérin ou une vis sans fin. La charge imposée est mesurée par un dynamomètre et
l'allongement par un extensomètre, ce qui permet d'obtenir un enregistrement de
la courbe brute de traction F = f ( ∆ℓ ) .

La forme de l'éprouvette est soit cylindrique soit prismatique, mais elle comprend
toujours une section constante So sur une longueur nominale ℓ o

Éprouvette cylindrique Éprouvette prismatique


La géométrie des têtes dépend du mode de fixation sur les mors de la machine, le raccordement progressif,
entre le corps de l'éprouvette et les mors, permet d'éviter les concentrations de contrainte. Dans la zone
centrale de l'éprouvette la contrainte axiale peut être supposée uniforme.
Nous avons donc :

σ = F / So contrainte nominale
et ε = ∆ℓ / ℓ o déformation nominale
La courbe conventionnelle de l'essai de traction sera
définie par σ = f (ε )

La figure ci-contre présente l'allure de cette courbe,


pour un matériau ductile (acier). Cette courbe
comporte trois régions :
OA : Domaine élastique les déformations
sont instantanées et réversibles.

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III Élasticité linéaire

AB : Début du domaine plastique, il y a déformation permanente homogène de l'éprouvette.


en B apparaît une déformation localisée de l'éprouvette c'est la striction. Ce point
correspond à la charge maximale atteinte lors de l'essai c'est la résistance à la traction Rm.
BC : Fin du domaine plastique, il y a déformation permanente localisée de l'éprouvette.
en C il y a rupture de l'éprouvette. Ce point correspond à la déformation maximale atteinte
lors de l'essai c'est l'Allongement à la rupture A.

L'essai de traction donne plusieurs informations importantes sur le comportement du matériau


Un comportement fragile est caractérisé par l'absence de domaine plastique,
les déformations sont purement élastiques. La limite élastique et la résistance à
la traction sont confondues, l'allongement à la rupture est nul.
Exemples: le verre, les céramiques, la plupart des polymères thermodurcissables,
les fontes grises, mais aussi le béton.
Les déformations élastiques sont associées aux variations des efforts d'attraction
et de répulsion qui s'exercent entre les atomes ou les molécules du matériau.
Ces déformations sont instantanées et réversibles la configuration initiale
est retrouvée après décharge.
Si la déformation est proportionnelle à la charge on parle d'élasticité linéaire. Matériau fragile
La constante de proportionnalité est le module d'Young du matériau E .
Le module de rigidité E
En pratique, la mesure de la rigidité à partir de la courbe d'essai brute est peu précise car les
déformations élastiques sont très petites. Il est bon d'avoir l'ordre de grandeur du module de rigidité
de quelques matériaux en tête. Toutes les valeurs sont données en GPa
Diamant 1000 GPa
Fibre de Carbonne 640 Ainsi pour un acier une contrainte, de 100MPa soit
Acier 200 à 230 10kg/mm2, appliquée à l'éprouvette donne une
déformation élastique de 5 10-4 soit 0,05%
Cuivre et Fontes 90 à 150
Duralumin Au4G 75
Verre et Aluminium 70
Béton 20 à 50
Os (Fémur) 17
Bois 10 à 20
En équipant l'éprouvette de jauges d'extensométrie, et en procédant à un essai non destructif dans le domaine
élastique, nous pouvons mesurer l'état de déformation locale à la surface de l'éprouvette (ε ℓ , ε t ) en fonction
de σ .
D'où une mesure plus précise des valeurs de ( E ,ν ) : E = σ / ε ℓ et ν = − ε t /ε ℓ
Des mesures encore plus précises de E seront obtenues par des techniques d'ultrasons en mesurant la vitesse
de propagation des ondes dans le milieu qui dépend du module d'Young.

Un comportement ductile est caractérisé par un domaine plastique. Les déformations plastiques sont
permanentes, elles correspondent à des mouvements irréversibles des dislocations1, ces déplacements
se font par glissement dans les plans cristallographiques (de préférence dans les plans de plus grande densité
d’atomes). Ces déplacements ne modifiant pas la structure cristalline, le volume reste inchangé on parle
d’incompressibilité plastique.
Le durcissement, aussi appelé consolidation ou écrouissage, correspond à une augmentation du nombre des
points de blocage du mouvement des dislocations. Il modifie le seuil au-delà duquel les déformations ne sont
plus réversibles. C'est la zone du domaine plastique où la courbe a une pente positive.

1
Dislocation : cette notion est introduite dans le cours matériau, ce sont des défauts dans la structure du
réseau cristallin. Le nombre de dislocations augmente lorsque l’on charge le matériau, dans le domaine
élastique le mouvement des dislocations et réversible.

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Mécanique des Milieux Continus & calcul des structures

La transition entre le domaine élastique et plastique peut être continue (cas des alliages d'aluminium) ou
discontinue et présenter un palier (cas des aciers doux) c'est ce que nous avons représenté sur les deux figures
suivantes.

La limite d'élasticité Re
Cette limite peut être difficile à apprécier lorsque le passage du domaine élastique au domaine
plastique est continu, elle est alors définie de façon conventionnelle par une déformation plastique
permanente de 0,2%. Pour les matériaux présentant un palier, la limite d'élasticité est la valeur
inférieure de la discontinuité. La construction graphique de cette limite est représentée sur les deux
figures précédentes.
La limite d'élasticité dépend entre autre :
Des forces de cohésion interatomiques, plus les liaisons entre atomes sont importantes plus la limite
élastique est élevée.
De la facilité de déplacements des dislocations, tout ce qui s'oppose au glissement des dislocations
augmente la limite d'élasticité :
Les atomes étrangers bloquent les dislocations, les alliages ont donc une limite d'élasticité plus
élevée que les métaux purs.
Les joints de grain bloquent aussi les dislocations, plus les grains (cristallites) sont petits plus la
limite élastique est élevée.
Les dislocations se bloquent entre elles un nombre élevé de dislocations augmente la limite
élastique (écrouissage).
Ordre de grandeur des limites d'élasticité de quelques matériaux, toutes les valeurs sont données en MPa

Acier 200 à 900 MPa


Acier usuel 240
Alliage Aluminium 100 à 500
Bois 20 à 30

L'Allongement à la rupture A
C'est une mesure de la ductilité, il peut être lu directement sur la courbe, ou obtenu en mesurant la
distance entre deux repères sur l'éprouvette rompue.
ℓ f − ℓo
A= × 100 %
ℓo
La ductilité est importante pour les procédés de mise en forme et elle permet une réserve de sécurité
lors du dimensionnement élastique d'une structure. L'ingénieur devra donc trouver un compromis
entre rigidité, limite d'élasticité, et ductilité.

Les cristaux de structure cubique à face centrée (structure cristalline CFC ) ont le plus de possibilités
de glissements dans les plans atomiques de forte densité. De fait, ce sont les matériaux les plus ductiles
(or, plomb, aluminium, austénite).

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III Élasticité linéaire

Essai charge – décharge σ Chargement monotone

Effectuons maintenant une série de charges–décharges


consécutives. L’allure de la courbe de réponse est Re charges - décharges
représentée sur la figure ci-contre. Nous observons une x état (σ,ε)
évolution de la limite d’élasticité en traction due à
l’écrouissage.
εplastique εe ε
En première approximation nous pouvons considérer que :
Lors des chargements consécutifs la limite d’élasticité suit la courbe du chargement monotone.
L’écoulement plastique ne modifie pas le module d’élasticité.
Une décharge est élastique, elle restitue une partie de l'énergie fournie pour étirer l'éprouvette.
La déformation plastique est la déformation permanente observée après σ
décharge complète de l'éprouvette, la déformation totale s'exprime par:
εT = ε p + ε e Re WT
L'aire sous la courbe représente l'énergie de déformation totale WT , elle se
Wp We
décompose en une énergie de déformation plastique W p (en vert) dépensée de
ε
façon irréversible pour déformer de façon permanente le matériau, et une εp εe εT
énergie de déformation élastique We (triangle rouge) qui est restituée à la
décharge.

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