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Examen clinique en cardiologie


J.-F. Rousselot

L’examen en cardiologie n’est pas constitué uniquement d’examens complémentaires.


Ces examens sont souvent de réalisation et d’interprétation difficiles, et l’examen clinique
est une étape incontournable pour guider le choix de l’examen complémentaire et
faciliter sa pratique. Son aide est également précieuse pour envisager le traitement et
effectuer un bon suivi de l’animal cardiaque. L’examen clinique ne se résume pas à la
détection de souffles cardiaques et à la recherche de leur signification. Cet objectif est
certes très important, mais il est à associer systématiquement à une enquête préalable
précise des conditions et du mode d’apparition des anomalies, et à d’autres gestes
diagnostiques : inspections à distance et rapprochée, palpation du choc précordial, du
pouls artériel, de la veine jugulaire, auscultation des bruits cardiaques normaux. Si
l’examen clinique est la première étape de l’investigation en cardiologie, il en est
également la dernière : certains signes cliniques inexpliqués ou passés inaperçus peuvent
être précisés ou révélés après l’étude faite grâce aux examens complémentaires.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Souffle cardiaque ; Pouls ; Choc précordial ; Bruit de galop

Plan multiples raisons : il permet de suspecter une cardiopa-


thie ou une insuffisance cardiaque ; il guide le choix de
l’examen complémentaire le plus pertinent ; il contri-
¶ Introduction 1
bue au suivi de l’animal cardiaque.
¶ Anamnèse et commémoratifs 1 L’examen clinique comprend une succession de
Motifs de consultation 1 temps obligatoires : l’écoute des motifs de consultation
Espèce. Âge. Race. Sexe 2 et le recueil des commémoratifs précèdent l’inspection,
Antécédents pathologiques 2 la palpation (choc précordial, pouls artériel, pouls
¶ Examen clinique 3 veineux), l’auscultation cardiaque et pulmonaire.
Inspection à distance 3 L’auscultation cardiaque domine, par l’importance des
Inspection rapprochée 3 renseignements qu’elle fournit, l’examen clinique en
Palpation thoracique 4 cardiologie.
Palpation du pouls artériel 5
Palpation de la veine jugulaire
Examen de l’œil
5
5
■ Anamnèse
Percussion 5 et commémoratifs
Auscultation 5
Motifs de consultation
La richesse des informations rapportées par le pro-
priétaire est malheureusement fréquemment masquée
■ Introduction par une présentation confuse, pléthorique ou au
contraire trop lapidaire. Afin de clarifier ces informa-
Les nouvelles techniques, en particulier d’imagerie, tions, il est important, après l’écoute nécessaire, de
ont pu faire croire que le simple examen clinique en mener une véritable enquête [1-3].
cardiologie devenait obsolète. Il n’en est rien et, bien L’état général de l’animal, les maladies précédem-
au contraire, l’examen clinique au sens large avec ses ment présentées ou concomitantes, la date de début
deux étapes indispensables (l’anamnèse et l’examen des signes cliniques, les conditions d’apparition (exem-
clinique proprement dit) garde tout son intérêt pour de ple : à l’effort ou au repos), leur durée, les éventuels

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traitements en cours, précèdent la description plus Toutes les races de chat peuvent être atteintes de
précise des signes cliniques. cardiomyopathie. Le support génétique de ces maladies
Parmi ceux-ci, une attention toute particulière doit commence à être mis en évidence dans certaines races
être portée à la présence éventuelle d’un amaigrisse- (maine coon, ragdoll).
ment, de faiblesse, de fatigabilité, de syncope, de Si la connaissance de ces particularités raciales est
cyanose, d’essoufflement transitoire ou permanent, de incontestablement d’une grande aide pour déterminer
toux, de bruit respiratoire, de distension abdominale, le caractère héréditaire d’une affection et rechercher, si
d’épisodes d’accélération ou de ralentissement et/ou nécessaire, une méthode d’éradication de cette affec-
d’irrégularité cardiaque des battements cardiaques. Pour tion, elle ne doit pas pour l’examen individuel créer un
chacun de ces signes, la date d’apparition, la fréquence biais : ce n’est pas, par exemple, parce qu’un chien
de survenue, la durée et les circonstances provoquant tousseur est un cavalier king charles que sa toux est
leur apparition ou leur exacerbation (exercice, repos, obligatoirement cardiogénique.
prise alimentaire...) sont consignées sur la fiche
clinique. Âge
La répartition animaux jeunes/malformations cardia-
ques et animaux âgés/cardiopathies acquises connaît de
très nombreuses exceptions. Les malformations peuvent

“ Point fort
passer inaperçues pendant plusieurs années, soit parce
que les examens cliniques successifs ont été trop
rapides, soit parce ces malformations ne pouvaient être
Aucun signe n’est pathognomonique d’une reconnues par le simple examen clinique (exemple :
cardiopathie et d’une insuffisance cardiaque, communication interatriale, ou certaines formes de
mais la présence d’un ou plusieurs signes dysplasies mitrales ou tricuspidiennes). Les cardiomyo-
pathies, les endocardites ou myocardites ne sont pas
constitue une bonne présomption.
liées à l’âge. Les MVD sévissent chez les chiens âgés
(90 % des chiens de plus de 13 ans ont des lésions
d’endocardiose mitrale et parmi ceux-ci, 30 % ont des
manifestations cliniques [4]). Mais l’âge d’apparition de
Espèce. Âge. Race. Sexe cette dégénérescence valvulaire peut être précoce chez
le cavalier king charles (à partir de 1 an !).
Espèce
Chien et chat sont susceptibles de présenter des Sexe
affections cardiaques congénitales et des maladies Aucune affection cardiaque n’est exclusivement liée
acquises. au sexe. Une plus forte fréquence des CMD et des MVD
Les maladies valvulaires dégénératives (MVD) de la est décrite chez les mâles, alors que la persistance du
valve mitrale ou de la valve tricuspide sont plus fré- canal artériel est plus courante chez la femelle et le sick
quentes chez les chiens de petit format, alors que les sinus syndrome chez la chienne schnauzer.
cardiomyopathies de type dilaté (CMD) se rencontrent
principalement chez le chien et ont pratiquement Mode de vie
disparu de l’espèce féline depuis la correction de la La symptomatologie des affections cardiaques
carence en taurine. Les cardiomyopathies hypertrophi- s’exprime plus facilement à l’effort. Le chien de chasse
ques (CMH), restrictives (CMR) ou intermédiaires sont ou surtout le chat habitué aux escapades nocturnes
des affections félines. peuvent présenter, après un effort soutenu, une dysp-
née due à la décompensation d’une cardiopathie qui se
Race serait manifestée plus tardivement chez un animal
Les cardiopathies congénitales et les principales sédentaire.
maladies cardiaques acquises ont des prévalences très
variables selon les races. Antécédents pathologiques
Toutes les races de chien, par exemple, sont suscep- Ils sont importants à prendre en compte car ils
tibles de présenter une maladie valvulaire dégénérative peuvent :
mitrale, mais c’est dans les races de petit format que • être à l’origine des troubles cardiaques (exemple : une
celle-ci provoque l’apparition de signes cliniques. Le tumeur de la rate peut déclencher des troubles du
cavalier king charles est la race la plus concernée par rythme ventriculaire) ;
cette affection, avec une physiopathologie probable- • être consécutifs à une affection cardiaque jusque là
ment différente de celle observée dans les autres races. ignorée : un épisode de toux semblant a priori
Les cardiomyopathies, plus fréquentes chez les chiens anodin et régressant rapidement peut être, par
de grande taille, sont bien connues sous leur forme exemple, le premier signe d’une CMD ;
dilatée (dogue, doberman, beauceron, irish-wolfhound). • modifier le pronostic ; toute maladie chronique
Des formes rythmiques sont décrites (cardiomyopathie concomitante aggrave le pronostic des cardiopathies ;
arythmogène du ventricule droit du boxer). Des caren- • interférer avec le traitement choisi ou ses doses
ces nutritionnelles ont été suspectées, et, actuellement, (exemple : insuffisance hépatique ou rénale graves).
cette suspicion semble se confirmer chez le cocker. Toute anomalie préexistante est intéressante à consi-
Les troubles du rythme commencent également à dérer, qu’elle soit :
révéler quelques préférences raciales : outre les troubles • cardiaque : souffle cardiaque, endocardite, dysryth-
du rythme ventriculaire par hyperexcitabilité chez le mie, etc. ;
boxer (cardiomyopathie arythmogène, cf. supra), la • ou non cardiaque : obésité, affections pulmonaire,
fibrillation atriale idiopathique est plus fréquemment rénale, hépatique, digestive, endocrinienne (par
rencontrée chez l’irish-wolfhound et le sick sinus exemple : hyperthyroïdie féline), virale (par exem-
syndrome chez le schnauzer. ple : parvovirose), bactérienne (risque d’endocardite,

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par exemple), parasitaire (par exemple : angiostron- La dyspnée de type purement inspiratoire est due à
gylose, dirofilariose), mycosique ou d’origine immu- une obstruction respiratoire supérieure et n’est pas
nologique. cardiogénique.

Faiblesse. Fatigue à l’effort


■ Examen clinique Bien qu’un grand nombre d’affections puissent en
Il comporte plusieurs étapes : l’inspection, la palpa- être responsables, la fatigue et l’intolérance à l’effort
tion du choc précordial, du pouls fémoral, de la veine sont des signes constants lors d’insuffisance cardiaque.
jugulaire, et l’auscultation [1, 3, 5]. Les classifications de l’insuffisance cardiaque sont
basées sur la capacité ou non à supporter des efforts
d’intensité variable.
Inspection à distance
Après avoir examiné l’aspect général de l’animal, Dilatation abdominale. Œdèmes déclives
l’inspection à distance s’intéresse à compléter certaines Hépatomégalie, ascite et signe du flot sont les
informations collectées lors de l’étape précédente. témoins d’une défaillance cardiaque droite. Les œdèmes
déclives n’apparaissent que lors des stades terminaux de
Toux l’insuffisance cardiaque.
La toux est un réflexe destiné à rejeter les substances
anormalement présentes (ou assimilées comme telles) Syncope
dans les voies respiratoires. La toux est un symptôme Lorsqu’elle est d’origine cardiaque, la syncope peut
fréquemment rencontré chez le chien cardiaque et résulter d’une chute du débit cardiaque, d’un défaut de
pratiquement inexistant chez le chat. Ce symptôme perfusion cérébrale (trouble du rythme, contractilité
majeur du tableau clinique des affections du cœur inadaptée). Elle peut également succéder à une quinte
gauche se manifeste avant ou après la décompensation. de toux prolongée forte chez les chiens nerveux et de
Avant la décompensation, le remodelage cardiaque petit format.
conduit à une hypertrophie/dilatation du cœur gauche La syncope survient plus fréquemment lors d’un
qui dévie la bronche souche gauche et stimule ses effort et la description en est généralement faite par le
zones tussigènes. La capacité respiratoire étant intègre, propriétaire. Elle débute par une faiblesse généralisée,
la toux est forte, quinteuse, sèche, parfois émétisante. évolue rapidement vers l’ataxie et la perte de connais-
Elle peut même être suivie d’un petit malaise ou d’une sance. L’animal peut alors déféquer, uriner ou même
courte syncope. présenter des convulsions. La confusion avec une crise
Après la décompensation, le type de toux dépend de d’origine neurologique ou métabolique est alors
la gravité de l’œdème pulmonaire et du degré d’ampu- possible.
tation de la capacité respiratoire : lorsque celle-ci est
fortement diminuée, la toux devient courte, moins Amaigrissement
sonore et productive lors d’œdème alvéolaire.
La perte de poids accompagne toutes les cardiopa-
Lorsqu’elle est d’origine cardiaque, la toux évolue
thies décompensées. Les CMD des grands chiens favo-
selon un mode chronique, mais ses caractères ne sont
risent particulièrement cet amaigrissement. Il constitue
pas pathognomoniques : de nombreuses affections
donc un bon signe d’appel de cette maladie. Chez le
respiratoires s’expriment de la même manière et le
chat âgé, l’amaigrissement associé à des anomalies
diagnostic différentiel fait appel à plusieurs examens
cardiaques suggère une hyperthyroïdie.
complémentaires.
Parésie
Dyspnée
Les cardiomyopathies félines sont à l’origine de la
Chez le chien, l’insuffisance cardiaque gauche se
formation de thrombus dans l’oreillette gauche qui
traduit par un œdème pulmonaire. Les premiers stades
peuvent être envoyés dans la circulation et obstruer
d’œdème pulmonaire provoquent une dyspnée restric-
partiellement ou complètement des artères de gros
tive (polypnée) souvent accompagnée chez le chien de
calibres. Il en résulte une parésie d’un ou des deux
toux forte et non productive lorsque la capacité respi-
membres antérieurs ou postérieurs avec une perte
ratoire est peu modifiée.
complète du pouls artériel et une très forte douleur.
Les stades plus graves se caractérisent par une dysp-
Le Tableau 1 résume les renseignements obtenus par
née devenant expiratoire. L’intensité de la toux tend à
l’inspection à distance et envisage quelques éléments
diminuer avec la capacité respiratoire. Lors des stades
du diagnostic différentiel entre maladie cardiaque et
ultimes, l’obstruction expiratoire est majeure, l’animal
non cardiaque.
adopte la position d’orthopnée : debout, les coudes
écartés. La toux, lorsqu’elle est présente, est courte et
douloureuse. Une expectoration et un jetage spumeux Inspection rapprochée
parfois rosés peuvent être présents.
L’épanchement pleural survient chez le chien lors du Couleur des muqueuses
stade terminal de l’insuffisance cardiaque globale. Il se Elle est appréciée en observant la conjonctive, la
traduit par une discordance respiratoire. muqueuse buccale ou vaginale. Les modifications de
Cette discordance est plus fréquente chez le chat car couleur des muqueuses accompagnent les affections
l’insuffisance cardiaque gauche peut se manifester, a cardiaques graves :
contrario du chien, par un épanchement pleural. • la pâleur se rencontre lors d’état de choc cardiogéni-
L’œdème pulmonaire est une autre conséquence possi- que avec forte diminution du débit cardiaque et
ble des cardiopathies félines. Il est le plus souvent vasoconstriction périphérique, et n’est pas forcément
d’apparition brutale et concerne l’ensemble du territoire synonyme d’anémie ;
pulmonaire. Il en résulte une dyspnée sévère de type • la cyanose est consécutive à une hypoxémie (stade
obstructif. terminal de l’insuffisance cardiaque) ou à un shunt

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Tableau 1.
Synthèse des renseignements fournis par l’anamnèse et à l’inspection.
Symptôme Cardiopathie/Insuffisance cardiaque Affections non cardiaques
Amaigrissement Tardif Nombreuses maladies
Insuffisance cardiaque
Intolérance à l’effort Précoce Nombreuses maladies
Faiblesse, fatigue Toute affection cardiaque Nombreuses maladies, en particulier troubles osseux,
Thromboembolie chez le chat neurologiques et musculaires
Toux Dilatation atriale gauche Collapsus trachéal
Œdème pulmonaire Bronchite chronique
Tumeur intrathoracique
Œdème pulmonaire non cardiogénique (rare)
Bronchopneumonie
Fibrose pulmonaire
Dyspnée Œdème pulmonaire (insuffisance cardiaque gauche) Œdème pulmonaire non cardiogénique (rare)
Épanchement pleural (rare) Bronchite et fibrose
Insuffisance cardiaque droite et insuffisance cardiaque Pneumothorax
globale Épanchement pleural
Obstruction des voies aériennes supérieures
Syncopes Troubles de la conduction (bloc auriculoventriculaire Trouble métabolique (hypoglycémie)
du troisième degré, bloc sinoatrial du troisième degré, Trouble nerveux (épilepsie, tumeur cérébrale)
sick sinus syndrome, oreillette silencieuse)
Hypoxémie (anémie, coagulation intravasculaire
Tachyarythmie sévère (tachycardie ventriculaire, disséminée)
fibrillation auriculaire)
Obstruction à l’éjection et au remplissage (tumeur,
épanchement péricardique, sténose aortique
et pulmonaire), inotropisme effondré (cardiomyopathie
dilatée, insuffisance valvulaire très effondrée)
Ascite Insuffisance cardiaque ou insuffisance cardiaque globale : Hypoprotéinémie
présence de liquide sérohémorragique Tumeur abdominale
Hémorragie
Péritonite

droite-gauche (exemple : tétralogie de Fallot). Elle La cardiomégalie modifie les caractères du choc
peut aussi résulter d’une affection respiratoire. précordial. Dans les conditions normales, il est perçu
pendant la première moitié de la systole. Lors de
Vitesse de recoloration des muqueuses surcharge ventriculaire gauche (régurgitation mitrale,
Après avoir effectué une pression, elle permet d’esti- sténose aortique), le myocarde s’hypertrophie. Le choc
mer le temps de remplissage des capillaires qui est en apical devient plus fort et dure plus longtemps. Lorsque
rapport avec la performance cardiaque. Le temps de la surcharge ventriculaire gauche s’accentue, le cœur
recoloration ne doit pas dépasser 2 secondes, mais la commence à se dilater. L’aire de palpation du choc
sensibilité de ce critère est insuffisante (nombreuses précordial s’étend. Ce phénomène est similaire à droite
erreurs par défaut). si le ventricule droit connaît les mêmes modifications
anatomiques (par exemple régurgitation tricuspidienne,
sténose pulmonaire) : le choc précordial droit, le plus
Palpation thoracique souvent absent chez l’animal normal, peut alors être
clairement palpé.
Choc précordial
Choc d’intensité diminuée
Il correspond à la répercussion du choc de l’apex sur
la paroi thoracique et est synchrone du premier bruit. L’obésité est la principale cause physiologique de
C’est dans une zone de 2 à 3 cm de diamètre à gauche, baisse d’intensité du choc. De nombreuses circonstan-
en regard du cinquième espace intercostal, juste ces pathologiques aboutissent au même résultat :
au-dessous de la jonction chondrocostale, que ce choc présence d’un épanchement pleural (liquidien ou
est palpé. aérique) ou péricardique, hypocontractilité, hypoten-
Chez les chiens longilignes, l’activité ventriculaire sion, etc.
droite peut être également perçue, mais à un degré
d’intensité bien moindre sur le côté droit de la poitrine, Choc irrégulier
en regard de l’aire d’auscultation de la valve tricuspide La succession irrégulière des chocs précordiaux est un
(quatrième espace intercostal légèrement au-dessus de excellent moyen pour détecter une anomalie du
la jonction chondrocostale). Les renseignements fournis rythme cardiaque qu’elle soit physiologique (arythmie
par la palpation du choc précordial sont nombreux. sinusale respiratoire) ou pathologique.
Lors de dysrythmie, le propriétaire peut facilement
Choc précordial plus fort ou plus étendu participer à la surveillance de la fréquence et du rythme
Certaines circonstances physiologiques (effort, cardiaque en palpant fréquemment la zone du choc
tachycardie d’origine émotive, etc.) renforcent le choc. précordial.

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La palpation simultanée du pouls fémoral et du choc anémie hémolytique auto-immune). L’absence de pouls
peut révéler des déficits pulsatiles rencontrés lors de est associée à une forte douleur, une froideur et une
dysrythmies graves (fibrillation atriale, extrasystoles rigidité musculaire du membre mal irrigué.
fréquentes). Quelques indications supplémentaires peuvent être
tirées de la palpation du pouls artériel.
Frémissement cataire ou « thrill » La sténose aortique grave diminue la force du pouls
Les souffles cardiaques de forte intensité provoquent fémoral et retarde son pic par rapport au choc précor-
des vibrations de la paroi costale. Ils sont palpés dans dial. Par ailleurs, les vibrations du souffle de sténose
l’aire d’auscultation du souffle. Il convient, par exem- aortique peuvent se transmettre à la carotide.
ple, de ne pas oublier de palper le thorax en avant L’alternance du pouls (pouls fort/pouls faible) peut
cranialement à l’épaule gauche. Un thrill correspondant être associée à une grave dysfonction ventriculaire
à une persistance du canal artériel peut y être repéré. gauche (CMD).
Le pouls paradoxal (réduction sensible de l’amplitude
Autres modifications de la palpation du pouls lors de l’inspiration et augmentation lors de
thoracique l’expiration) est la conséquence d’une modification du
Elles ne peuvent être mises en évidence que chez les remplissage ventriculaire lors des phases respiratoires. Il
animaux longilignes ou maigres. peut être identifié lors de tamponnade cardiaque.
Le deuxième bruit cardiaque peut être également Le pouls bigéminé (alternance d’un pouls fort et d’un
palpé chez ce type de chien ou chez les chiens maigres pouls faible) est la conséquence d’un rythme bigéminé
(index placé dans le troisième espace intercostal à où alternent un complexe normal et un complexe
gauche). extrasystolique. Lorsque l’extrasystole est proche du
Une forte augmentation de volume télédiastolique battement normal, le remplissage ventriculaire n’a pas
gauche peut être associée à la présence d’un petit choc le temps de s’effectuer complètement et le pouls qui en
à l’apex gauche en début de diastole, correspondant à résulte est plus faible.
l’auscultation de B3. Lors d’hypertrophie cardiaque ou La découverte d’un pouls irrégulier (par exemple
d’hypertension sévère, un petit choc correspondant à pouls précoce et faible lors d’extrasystole, pouls en
B4 peut être perçu en fin de diastole à la base du cœur. permanence irrégulier et d’intensité variable lors de
Enfin, la palpation du cou et de la trachée termine fibrillation atriale ou pouls très lent lors de bradycardie)
cette phase exploratoire. Par exemple, chez le chat, une est complétée par la recherche de déficit pulsatile en
hypertrophie des glandes thyroïdes peut ainsi être palpant simultanément le choc précordial.
décelée. Chez le chien de petit format, la modification
de forme de la trachée permet de suspecter un collapsus Palpation de la veine jugulaire
trachéal, mais le fait de déclencher la toux lors de cette
palpation ne permet pas d’affirmer l’origine trachéale Cet examen, souvent oublié, présente pourtant un
de cette toux. intérêt certain pour estimer la valeur de la pression
veineuse centrale et le fonctionnement du cœur droit.
Palpation du pouls artériel Le chien est debout, assis ou en décubitus sternal. Sa
tête est légèrement levée et tournée vers la gauche,
Les caractères du pouls artériel dépendent non dégageant ainsi la veine jugulaire droite. Les modifica-
seulement de la performance systolique du cœur, mais tions de l’oreillette droite sont alors transmises presque
aussi de nombreux autres facteurs : la quantité de sang directement à la veine jugulaire.
éjecté, la distensibilité artérielle, l’état de vasoconstric- La présence d’un pouls jugulaire visible sur le cou à
tion, le différentiel entre pression systolique et pression plus d’un tiers de sa longueur et/ou une distension
diastolique. anormale de la veine font suspecter une défaillance
La palpation du pouls fémoral est l’acte le plus cardiaque droite (insuffisance tricuspidienne, épanche-
couramment pratiqué. Il représente la différence entre ment péricardique, cardiomyopathie), une obstruction
pression systolique et pression diastolique. Sa palpation de la veine cave craniale ou une hypervolémie.
doit être complétée par celle des carotides et des artères
brachiales qui se révèle souvent délicate.
Cette palpation permet d’estimer :
Examen de l’œil
• la fréquence cardiaque, la régularité du rythme et la Une baisse brutale de l’acuité visuelle, des hémorra-
concordance avec le choc précordial ; gies du fond de l’œil, sont de très bons signes d’appel
• la vitesse d’arrivée et de départ de l’ondée sanguine, d’une hypertension artérielle.
son intensité maximale et son moment de survenue
par rapport au choc précordial.
Une élévation rapide, un pic de valeur élevée et un
Percussion
retour plus rapide que la normale signent une augmen- Plus la paroi thoracique est de superficie restreinte,
tation du débit cardiaque gauche. Cette augmentation plus cet examen est d’interprétation difficile. Il peut
de débit peut être cardiogénique (régurgitation aorti- permettre chez les animaux de grande taille de suspec-
que, persistance du canal artériel, bradycardie, par ter rapidement un pneumothorax (tympanisme en
exemple) ou non cardiogénique (fièvre, douleur, hyper- région dorsale du thorax) ou un épanchement pleural
thyroïdie, anémie). (matité en région ventrale).
Un pouls mou, filant, voire inexistant, est lié à une
modification cardiaque (hypocontractilité, sténose sous- Auscultation
aortique, dysrythmie), vasculaire (hypotension) ou
sanguine (thromboembolie). Cette dernière circons- Elle se réalise grâce à un stéthoscope. Les stéthosco-
tance est particulièrement fréquente chez le chat pes électroniques ont de nombreux avantages : ampli-
cardiomyopathe, mais existe aussi chez le chien (com- fication possible des sons, filtrage, enregistrement. Ils
plications d’endocardite, état d’hypercoagulabilité dû à ne sont pas encore bien adaptés à la fréquence de tous
un syndrome néphrotique, un hypercorticisme, une les bruits cardiaques des carnivores et n’ont pas encore

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Tableau 2.
Aires d’auscultation cardiaque.
Aire d’auscultation Chien Chat
Gauche Aire mitrale 5e espace intercostal, à la jonction 5e-6e espace intercostal, à un quart de la distance
chondrocostale sternum-côte
Aire pulmonaire 2e-4e espace intercostal au-dessus 2e-3e espace intercostal de deux tiers à la moitié
du sternum de la distance vertèbre-sternum
Aire aortique 4e espace intercostal au-dessus 2e-3e espace intercostal, juste au-dessus de l’aire
de la jonction chondrocostale pulmonaire
Droite Aire tricuspide 3e-5e espace intercostal près 4e-5e espace intercostal, à un quart de la distance
de la jonction chondrocostale sternum-vertèbre

remplacé le stéthoscope classique. Des enregistrements enregistrement phonocardiographique. La Figure 1


sur support numérique de très bonne qualité des bruits permet de placer chaque bruit au cours du cycle
cardiaques normaux et surajoutés sont maintenant cardiaque.
disponibles et facilitent l’apprentissage de l’aus- Le premier bruit (B1) débute la systole. Il est sourd,
cultation. mat et prolongé. Son maximum d’intensité se situe
L’auscultation cardiaque permet d’étudier les bruits dans l’aire mitrale.
cardiaques normaux, leurs modifications et éventuelle- Il est la résultante de trois composantes vibratoires :
ment la présence de bruits surajoutés [6]. • la mise sous tension isométrique du ventricule ;
• la fermeture des valvules atrioventriculaires mitrales
et tricuspides ;
• l’ouverture des valvules sigmoïdes et l’éjection de la

▲ Attention masse sanguine vers les gros vaisseaux.


La vibration mitrale est audible préférentiellement à
l’apex du cœur, tandis que la composante tricuspi-
L’auscultation, étape fondamentale de tout dienne est plus distincte à droite en région
examen clinique, doit être pratiquée même si les tricuspidienne.
commémoratifs, l’anamnèse et le début de Le deuxième bruit (B2) termine la systole. Il est plus
l’examen clinique ne sont pas en faveur d’une court et plus sec que B1. Son intensité est maximale en
région basale du cœur (aires pulmonaire et aortique).
cardiopathie.
B2 est consécutif aux vibrations de la fermeture des
valvules sigmoïdes. Il est normalement dédoublé en
deux composantes : aortique et pulmonaire. La valve
La très grande majorité des affections cardiaques sigmoïde aortique se ferme physiologiquement la
perturbent l’auscultation. Les caractères des modifica- première. Le dédoublement des deux composantes est
tions entendues sont très intéressants pour suspecter le plus perceptible en région basale chez les animaux
type de cardiopathie et choisir l’examen complémen- maigres ou longilignes, et durant l’inspiration.
taire le mieux adapté. Le troisième bruit (B3) se situe en début de diastole
Pour être performante, l’auscultation doit être réali- et est normalement inaudible. Il résulte des vibrations
sée dans un contexte calme et silencieux, et suivre une consécutives à la distension des ventricules lors du
méthodologie rigoureuse : écoute de l’ensemble des remplissage diastolique rapide. Son intensité est maxi-
aires d’auscultation, calcul de la fréquence cardiaque, male en région mitrale.
interprétation des bruits audibles, appréciation de la Le quatrième bruit (B4) est également inaudible dans
régularité du rythme. À noter qu’une position inadé- les conditions normales. Il correspond à l’éjection du
quate de l’animal (l’auscultation se réalise sur un contenu atrial en fin de diastole. Il est mieux entendu
animal en position debout) ou une pression trop forte en aire aortique ou pulmonaire.
sur la capsule peuvent masquer certaines anomalies de
l’auscultation. Variations des bruits normaux
La palpation simultanée du pouls fémoral est un bon Les bruits normaux sont susceptibles de varier en
moyen de repérer le début de la systole, d’estimer fréquence, régularité, nombre, intensité et tonalité. Ces
l’efficacité de la contraction cardiaque et son synchro- modifications apparaissent dans certaines circonstances
nisme avec l’ondée sanguine artérielle. physiologiques, mais sont aussi consécutives soit à des
L’auscultation débute par l’écoute du battement maladies cardiaques soit à des maladies non cardiaques
apical qui correspond à l’aire d’auscultation de la ayant une répercussion sur le fonctionnement
valvule mitrale. La membrane du stéthoscope est cardiaque.
ensuite déplacée sur l’ensemble de la paroi thoracique
à gauche et à droite en insistant particulièrement sur Fréquence et régularité cardiaques
les aires de projection des valvules cardiaques
La fréquence est le nombre de cycles cardiaques par
(Tableau 2).
minute. Elle varie avec :
• l’espèce : la fréquence cardiaque normale se situe
Bruits normaux entre 90 et 150 battements/min chez le chien, et
L’activité cardiaque produit dans les conditions entre 120 et 170 battements/min chez le chat ;
normales, au cours de sa révolution, quatre bruits (B1, • la taille de l’animal : classiquement, on parle de
B2, B3 et B4) ; les deux premiers sont audibles avec un tachycardie pour une fréquence dépassant 120 batte-
stéthoscope, les deux derniers ne le sont pas dans les ments/min chez le chien de grande taille, 180 batte-
conditions normales et n’apparaissent que sur un ments/min chez le chien de petite taille et

6 Vétérinaire - Cardiologie
Examen clinique en cardiologie ¶ 0200

B4 B1 B2 B3

Auscultation

T
P
ECG

Pression
aortique

Systole Diastole

Figure 1. Concordance bruits cardiaques-pression aortique-activité électrique. ECG : électrocardiogramme.

220 battements/min chez le chat et le chiot ; à Toute anomalie de la fréquence et/ou du rythme
l’inverse, on conclut à une bradycardie pour des cardiaques incite à la réalisation d’un électrocardio-
fréquences inférieures à 70 battements/min chez un gramme. Lors de dysrythmie transitoire, le recours à
grand chien et 120 battements/min chez le chien de l’examen Holter (enregistrement électrocardiographique
petite taille ou chez le chat ; pendant 24 heures) peut se révéler nécessaire.
• certaines circonstances physiologiques : la fréquence
cardiaque augmente lors de l’inspiration et diminue Nombre, intensité et tonalité des bruits normaux
lors de l’expiration. Ce phénomène est dû à Augmentation. B1 est plus fort lors de maigreur,
l’influence du système neurovégétatif au cours du d’anémie, d’hyperthermie, d’effort, d’hypertension
cycle respiratoire. L’arythmie sinusale respiratoire systémique, de tachycardie, d’hyperthyroïdie.
disparaît lorsque la fréquence cardiaque dépasse les Le dédoublement de B1 est dû à un asynchronisme
120-130 battements/min. L’activité physique, le
de fermeture des valves mitrales et tricuspides. Le
stress augmentent la fréquence alors que lors du
dédoublement physiologique ou pathologique de B1 est
repos ou du sommeil elle diminue ;
rare (bloc de branche droit, extrasystoles, sténose
• certaines circonstances pathologiques : les dysryth-
mitrale ou tricuspide).
mies accompagnent la grande majorité des cardiopa-
B2 est plus audible lors de sténose aortique valvulaire
thies, mais elles peuvent être également la
conséquence de maladies non cardiaques (exemple : ou d’hypertension artérielle, d’hypertension pulmo-
bradycardie lors de maladie d’Addison, tachycardie naire, de communication interventriculaire ou intera-
lors d’hyperthyroïdie, extrasystoles lors de tumeur triale, de persistance du canal artériel. Le dédoublement
splénique). de B2 peut être :
Une auscultation longue et attentive peut préciser le • physiologique : B2 peut être dédoublé en région
caractère permanent ou paroxystique de la modifica- basale et surtout durant l’inspiration, par accentua-
tion de fréquence et/ou de rythme. Les extrasystoles tion de l’asynchronisme de fermeture des valvules
sont facilement reconnaissables : elles sont prématu- aortiques et pulmonaires ;
rées, d’une tonalité légèrement différente, souvent • pathologique et constant : l’éjection ventriculaire
suivies d’un silence anormalement long (le repos droite est alors anormalement prolongée (extrasystole
compensateur) et d’une contraction plus puissante gauche, bloc de branche droit, sténose pulmonaire
donc plus audible ; d’autre part, le pouls extrasystolique ou mitrale, hypertension pulmonaire, shunt de
est généralement plus faible, voire inexistant. La persistance du canal artériel inversé) ;
fibrillation atriale (l’ancienne « folie cardiaque ») se • pathologique et paradoxal : l’éjection aortique est
traduit par une grande anarchie des battements cardia- retardée et suit l’éjection pulmonaire ; il est rencon-
ques et de très nombreux déficits pulsatiles. tré lors d’obstruction sévère à l’éjection aortique

Vétérinaire - Cardiologie 7
0200 ¶ Examen clinique en cardiologie

(sténose sous-aortique, hypertension artérielle), lors La mise en évidence d’un souffle est systémati-
d’insuffisance myocardique grave, d’extrasystole quement suivie de la recherche de ses principaux
ventriculaire droite ou de bloc de branche gauche. caractères.
L’auscultation de B3 est pathologique chez le chat et Aire d’auscultation et sens de propagation. Elle
le chien. Sa découverte est très suggestive d’une forte correspond à la zone, sur le thorax, où le souffle est le
dilatation ventriculaire, conséquence d’un grand nom- plus fort. Le sens de propagation de la vibration rensei-
bre de cardiopathies : CMD, régurgitations mitrale gne sur la direction du flux sanguin responsable du
et/ou tricuspidienne décompensées, larges communica- souffle. C’est une étape clé dans la recherche de la
tions atriales ou ventriculaires, canal artériel de fort lésion cardiaque car elle permet de localiser la turbu-
calibre, etc. lence et guide l’examen échographique. La Figure 2
L’intensité de B4 augmente lorsque l’éjection atriale indique les aires d’auscultation des principaux souffles
se produit sur une paroi ventriculaire dure et/ou cardiaques.
épaissie. L’auscultation de B4 signe un remodelage Intensité du souffle. Il existe une classification de
ventriculaire majeur. Son audition constitue un bon cette intensité selon six degrés (Tableau 3). L’intensité
signe d’appel de CMH ou de thyréotoxicose chez le du souffle n’est pas toujours corrélée avec la gravité de
chat. Chez le chien, une rupture de cordage, une la lésion. Elle dépend de nombreux facteurs.
hypertension pulmonaire ou un bloc atrioventriculaire Une augmentation du débit accroît l’intensité du
du troisième degré sont des circonstances d’audition de souffle. Par exemple, le stress lors de l’examen clinique,
B4. qui augmente le débit cardiaque, peut révéler ou
L’auscultation de B3, B4 ou des deux mime un bruit amplifier un souffle lié à une obstruction à l’éjection
de galop. Ce bruit de galop peut être également aortique. Effort, fièvre ou maladies endocriniennes
entendu lors d’affection non cardiaque (anémie princi- telles que hyperthyroïdie ou phéochromocytome ont
palement). La différenciation entre B3 et B4 à l’auscul- les mêmes conséquences. À l’opposé, la chute de débit
tation est difficile et impose la réalisation d’une lors de CMD peut faire disparaître un souffle primitive-
ment audible.
échocardiographie afin de visualiser les altérations
myocardiques. Le bruit de galop ne doit pas être La taille de l’orifice par lequel s’écoule la masse
confondu avec un dédoublement de B1 ou B2, ou avec sanguine conditionne également l’intensité du souffle :
plus l’orifice est étroit, plus les turbulences sont impor-
un rythme bigéminé (succession d’un battement nor-
tantes et plus le souffle est sonore. Lors de sténose
mal et d’un battement extrasystolique).
aortique ou pulmonaire, il existe une bonne corrélation
Diminution. De nombreuses circonstances non
entre l’intensité du souffle et le degré de sténose. À
cardiogéniques sont susceptibles de diminuer l’intensité
l’inverse, plus l’orifice est large et moins le souffle est
de B1 et B2 : obésité, épanchements pleural ou péricar- audible. Lors de communication interventriculaire de
dique, hernie diaphragmatique ou tumeur thoracique, diamètre élevé, avec une égalisation de pression entre
état de choc, hypothyroïdie. La baisse du débit cardia- cœurs gauche et droit, le souffle peut être de faible
que quelle qu’en soit la cause, un épanchement péri- intensité ou même absent.
cardique, conduisent à la baisse d’intensité de B1 et B2. La maigreur, la morphologie du thorax, peuvent
La présence d’un souffle cardiaque systolique (régur- favoriser la propagation du souffle alors que l’obésité, la
gitation mitrale, sténose aortique ou pulmonaire) peut présence d’épanchement, étouffent l’intensité du
masquer en partie ou même totalement B2. Une extra- souffle.
systole très prématurée qui raccourcit le remplissage Moment d’apparition du souffle. La palpation
ventriculaire et diminue le volume éjecté a les mêmes concomitante du pouls fémoral permet de repérer le
effets. début de la systole.
Lors de tachycardie très rapide, B1 et B2 peuvent se Les souffles audibles sont presque toujours systoli-
confondre en un seul bruit. ques et débutent avec B1 (souffle protosystolique),
après B1 (mésosystolique) ou en fin de systole (télésys-
Bruits anormaux tolique). Ils sont qualifiés d’holosystoliques lorsqu’ils
Bruits artefacts occupent toute la systole (Fig. 3) [7] . B2 peut être
masqué par le souffle systolique.
Sans rapport avec les bruits cardiaques, ils sont Les souffles diastoliques sont plus rares et plus
générés par les mouvements de l’animal, les frotte- difficiles à entendre du fait de leur fréquence basse.
ments du stéthoscope sur le poil ou par la respiration. Insuffisance aortique de forte intensité (souvent liée à
Bruits surajoutés : souffles une endocardite bactérienne chez le chien adulte) ou
sténose mitrale sont à l’origine de ce type de souffle.
Un souffle est un bruit cardiaque anormal couvrant Les souffles continus débutent avec B1, masquent
ou se surajoutant aux bruits B1 et B2 normaux. Il est B2 et se terminent en cours de diastole ou en fin de
provoqué par des turbulences dans le courant sanguin. diastole.
Le flux sanguin normalement laminaire est inaudible ; Enveloppe sonore. Elle diffère selon que le souffle
les turbulences et leurs conséquences acoustiques est :
apparaissent lorsque cet écoulement est perturbé. • en diamant : la tonalité est rugueuse et le volume
La turbulence responsable du souffle est soit la augmente jusqu’à la moitié avant de diminuer ; ce
conséquence directe d’une lésion cardiaque (insuffi- souffle d’éjection, crescendo-decrescendo, est ren-
sance ou sténose valvulaires, communications interca- contré, par exemple, lors de sténose valvulaire ;
vitaires), soit la conséquence indirecte de la • en plateau : la tonalité est plus douce et l’intensité
cardiopathie (éloignement des piliers mitraux lors de est constante ; il est entendu lors d’insuffisance
CMD, gêne à l’éjection aortique lors de CMH). Elle valvulaire (régurgitation mitrale, par exemple) ;
peut également être présente sans lésion cardiaque par • mixte : il combine les deux caractéristiques précé-
modification de la viscosité sanguine (souffle d’anémie dentes à des degrés divers (exemple : communication
dû à la diminution de la viscosité sanguine). intercavitaire).

8 Vétérinaire - Cardiologie
Examen clinique en cardiologie ¶ 0200

Figure 2. Localisation et aire d’intensité


maximale des souffles cardiaques. A : valve
aortique ; M : valve mitrale ; T : valve tricus-
pide ; P ; valve pulmonaire ; G : gauche ;
D : droit.
A
1
P T 2
1 3
2 M 4
3 5
4 5 6 7 8 8 7 6
G D
Aires d'auscultation des valves cardiaques

1
1 2
2 3
3 4
4 5
5 6 7 8 8 7 6

G D
Souffle d'insuffisance mirale Souffle d'insuffisance tricuspidienne

1 1
2 2
3 3
4 5 4 5
6 7 8 6 7 8

G G
Souffle de sténose pulmonaire Souffle de sténose aortique

1
2
3
1
4
2
3 6 5
4 5 8 7
6 7 8

G D
Souffle de persistance du canal artériel Souffle de communication interventriculaire

Tableau 3. plus petite de la paroi thoracique rend la localisation


Classification des souffles en fonction de leur intensité. des souffles plus difficile. La dyspnée, qu’elle soit
Degré Caractéristiques du souffle physiologique ou pathologique, gêne l’auscultation et
les bruits respiratoires peuvent mimer un souffle
Premier degré Souffle discret, difficile à entendre
cardiaque. Le ronronnement constitue un autre obsta-
Deuxième degré Souffle faible, audible après cle à la bonne auscultation. Les moyens de le faire
une auscultation attentive
céder sont nombreux et souvent inefficaces ! La posi-
Troisième degré Souffle immédiatement audible tion en décubitus sternal, particulièrement appréciée
Quatrième degré Souffle puissant, aire d’auscultation par le chat sur la table de consultation, contribue à
large masquer certaines turbulences. Enfin, certains souffles
Cinquième degré Souffle puissant accompagné d’un thrill systoliques d’intensité inférieure au grade 3 peuvent
Sixième degré Souffle très puissant audible être entendus à l’apex chez le chat sans qu’il soit
sans stéthoscope, thrill présent toujours possible d’en déterminer la cause [5] . Les
immenses progrès réalisés par l’échocardiographie et la
mise en évidence d’obstruction dynamique des cham-
Cas particulier du chat. L’auscultation cardiaque du bres de chasse ventriculaire ont réduit sensiblement
chat pose un certain nombre de problèmes. La taille cette classe de souffles « incompris ».

Vétérinaire - Cardiologie 9
0200 ¶ Examen clinique en cardiologie

Souffle systolique apexien gauche. L’incompétence des


B1 B2 B1 valves mitrales est à l’origine d’un souffle de régurgita-
Souffle tion d’intensité variable. La maladie valvulaire dégéné-
holosystolique rative mitrale [10] est la cause la plus fréquente de cette
turbulence, mais elle n’est pas pathognomonique de
cette maladie. De nombreuses autres cardiopathies
Souffle peuvent en être responsables, qu’elles soient congéni-
mésosystolique
tales (dysplasie mitrale, persistance du canal artériel,
communication interventriculaire) ou acquises (cardio-
myopathie, endocardite).
Souffle
Souffle audible à droite.
protosystolique
• Insuffisance tricuspidienne : un souffle de régurgita-
tion se rencontre lors de dysplasie tricuspidienne, de
Souffle maladie valvulaire dégénérative, d’hypertension
télésystolique pulmonaire, de cardiomyopathie. Il peut être
confondu avec le prolongement d’un souffle de
MVD.
Souffle • Communication interventriculaire : le souffle est plus
diastolique cranial et plus proche du sternum que le précédent.
Ses caractéristiques varient en fonction de la locali-
sation et de la taille de la communication. Les
Roulement
communications larges s’accompagnent de souffle
diastolique
d’intensité plus faible que les communications plus
étroites.
Souffle Souffle diastolique. Une insuffisance aortique marquée,
présystolique souvent liée à une endocardite bactérienne chez le
chien adulte ou à une malformation chez le jeune
animal, se traduit par un « roulement » diastolique en
Double région basale. Une sténose mitrale généralement
souffle congénitale provoque un souffle plus apexien, difficile
à entendre.
Souffle continu. La persistance du canal artériel est la
Souffle
cause principale de souffle continu. Son maximum
continu
d’intensité se situe très en avant de la paroi thoracique,
à gauche, et la composante diastolique peut ne pas être
Figure 3. Classification des souffles cardiaques en fonction reconnue si l’auscultation se borne à explorer l’apex
de leur moment d’apparition [7]. cardiaque. La composante diastolique disparaît lorsque
l’hypertension pulmonaire s’installe. Le souffle peut
même complètement disparaître si le shunt initiale-
Principaux souffles (Tableau 4).
ment gauche-droite s’inverse.
Souffle systolique basal gauche.
• Souffle juvénile ou innocent : il est entendu chez les
jeunes animaux en région basale en milieu de sys- Anomalies de l’auscultation : intérêts
tole. Son intensité ne dépasse pas le grade 3. Son et limites
origine est encore mal connue, mais il correspond à
Chez le jeune animal, la détection d’un souffle est le
une augmentation de la vélocité sanguine dans les
signe d’appel majeur de la présence d’une malforma-
chambres de chasse ventriculaire gauche et droite. À
tion cardiaque et, chez l’animal adulte, c’est un signe
l’âge de 4 ou 5 mois, ce souffle doit avoir disparu.
tout aussi majeur de l’émergence d’une cardiopathie
• Souffle physiologique : dans certaines races (boxer,
acquise (Fig. 4).
bull-terrier, golden retriever, greyhound), un souffle
Il est cependant nécessaire de rappeler que :
basal de faible intensité peut être entendu et
confondu avec un souffle de sténose aortique. Il ne • certaines malformations cardiaques ou affections
correspond pas dans ces races à une modification acquises ne provoquent pas de souffles ou des souf-
pathologique de l’architecture cardiaque, mais très fles difficilement audibles (par exemple sténose
probablement à une étroitesse physiologique de la mitrale, communication interatriale, dysplasie tricus-
chambre de chasse du ventricule gauche [8, 9]. pidienne, persistance d’un arc aortique, endocardite
• Sténose sous-aortique : cette malformation fréquente aortique ne gênant que la fermeture des sigmoïdes) ;
qui obstrue la chambre de chasse du ventricule • les souffles ne sont pas les seuls « révélateurs » de
gauche provoque un souffle d’éjection, avec une cardiopathie : les modifications des bruits normaux,
bonne corrélation intensité/gravité de la lésion. de fréquence, de rythme, sont également à prendre
Lorsqu’il est fort, il irradie dans la carotide et à droite en compte. Chez le chat, par exemple, les cardio-
en regard du troisième ou du quatrième espace myopathies ne génèrent pas toujours de souffle et les
intercostal. Il peut être confondu avec un souffle bruits de galop sont de bons marqueurs de cette
juvénile et avec le souffle de sténose pulmonaire. affection ;
• Sténose pulmonaire : la forme la plus fréquente est la • a contrario, les anomalies de l’auscultation ne signi-
sténose valvulaire qui provoque un souffle d’éjection fient pas toujours l’existence d’une lésion cardiaque :
d’intensité variable corrélée avec la gravité de la le souffle peut être un souffle juvénile, le bruit de
sténose. Il irradie à gauche en région craniale du galop dû à une anémie, la bradycardie due à une
thorax. hyperkaliémie, etc. ;

10 Vétérinaire - Cardiologie
Examen clinique en cardiologie ¶ 0200

Tableau 4.
Souffles cardiaques.
Moment Aire d’auscultation Régurgitation/ Lésion Étiologie Fréquence Commentaires
d’apparition éjection
Systole Gauche Chien, 5e espace Régurgitation Insuffisance Affection ++++ Protosystolique
intercostal, jonction mitrale valvulaire puis rapidement
chondrocostale acquise holodiastolique
Peut progressive-
Apexien Chat, 5e-8e espace Cardiomyopa- +++
ment irradier
intercostal, au quart de thie dilatée
sur toute l’aire
la distance sternum-
d’auscultation car-
côte Dysplasie +
diaque
mitrale
à gauche et à droite
Gauche Chien, 2e-4e espace Éjection Sténose Malformation ++ Méso-
intercostal, sternum pulmonaire congénitale ou télésystolique
Basal Chat, 3e-4e espace
intercostal, deux tiers
à demi-distance
vertèbre-sternum
Gauche Chien, 4e espace Éjection Sténose Malformation ++ Propagation
intercostal au-dessus aortique congénitale dans les carotides
de la jonction
chondrocostale
Basal Chat, 4e-5e espace Souffle juvénile +
intercostal, au quart de
Souffle ++
la distance sternum-
d’anémie
côte
Droit Chien, 3e-5e espace Régurgitation Insuffisance Affection + Souvent difficile
intercostal, près tricuspidienne valvulaire à différencier du
de la jonction acquise souffle d’insuffi-
chondrocostale sance mitrale lors-
Apexien Chat, 4e-8e espace in- Cardiomyo- ++ que celui-ci irradie
tercostal, au quart des pathie Évolue rarement
la distance sternum- Dysplasie + seul
côte tricuspidienne
Droit 4e-5e espace intercostal Éjection Communica- Malformation + Audible aussi
Basal Médiothoracique tion interven- congénitale à gauche, mais
triculaire plus caudalement
Diastole Gauche, basal 3e-4e espace intercostal Régurgitation Insuffisance + Endocardite
aortique
Systolodias- Gauche, basal Aire aortique et entrée Persistance du Malformation ++ Si le shunt classique
tolique de la poitrine canal aortique congénitale gauche-droite
est inversé,
la composante
diastolique disparaît

Figure 4. Arbre décisionnel. Consé-


quences diagnostiques de l’auscultation
Souffle
d’un souffle cardiaque.
cardiaque

Non Cardiogénique
cardiogénique

Affection Malformation
acquise congénitale

Valvulaire Non valvulaire

Endocardite Endocardiose Tumeur Myocardiopathie Myocardite

Vétérinaire - Cardiologie 11
0200 ¶ Examen clinique en cardiologie

• certaines cardiopathies, principalement dans leur [2] Fox RF. The history. In: Fox PR, Sisson DD, Moises NS,
phase débutante, ne provoquent pas de modifica- editors. Textbook of canine and feline cardiology.
tions auscultatoires : il est rare que le prolapsus Philadelphia: WB Saunders; 1999. p. 41-5.
mitral chez le cavalier king charles se traduise, [3] Kittleson MD. Signalment, history, and physical
comme chez l’homme, par un click systolique, les examination. In: Kittleson MD, Kienle RD, editors. Small
cardiomyopathies félines ou les CMD canines ne animal cardiovascular medicine. St Louis: CV Mosby; 1998.
sont parfois diagnostiquées qu’après la mise en p. 36-46.
évidence des symptômes de l’insuffisance cardiaque ; [4] Abbott JA. Acquired valvular disease. In: Tilley LP,
• enfin, une auscultation anormale, et en particulier la Smith FW, Oyama MA, Sleeper MM, editors. Manual of
présence d’un souffle, ne permet pas de préjuger des canine and feline cardiology. St Louis: Saunders-Elsevier;
conséquences de la cardiopathie sur le débit cardia- 2008. p. 110-38.
que et de l’éventuelle existence d’une insuffisance
[5] Sisson DD, Ettinger SJ. The physical examination. In:
cardiaque, conséquence potentielle de toute
Fox PR, Sisson DD, Moises NS, editors. Textbook of canine
cardiopathie.
and feline cardiology. Philadelphia: WB Saunders; 1999.
Auscultation pulmonaire p. 49-50.
L’auscultation pulmonaire suit l’auscultation cardia- [6] Rousselot JF, Labadie F, Bomassi E. Études des bruits du
que. Elle contribue à la mise en évidence de l’œdème cœur : l’auscultation. In: Les indispensables de l’animal de
pulmonaire cardiogénique : les crépitements fins, compagnie. Paris: PMCAC éditions; 2001. p. 95-100.
lorsqu’ils se manifestent, sont entendus d’abord en fin [7] Moraillon R. Sémiologie cardiaque clinique. Rec Med Vet
d’inspiration, puis lors des deux temps respiratoires. 1975;151:631-44.
L’audition de crépitements grossiers commence lors [8] Fabrizio F, Baumwart R, Iazbik MC, Meurs KM, Couto CG.
d’encombrement des grosses bronches. Left basilar systolic murmur in retired racing greyhounds.
.
J Vet Intern Med 2006;20:78-82.
[9] Höglund K, French A, Dukes-McEwan J, Häggström J,
■ Références Smith P, Corcoran B, et al. Low intensity heart murmurs in
[1] Gompf RE. The history and physical examination. In: boxer dogs: inter-observer variation and effects of stress
Tilley LP, Smith FW, Oyama MA, Sleeper MM, editors. testing. J Small Anim Pract 2004;45:178-85.
Manual of canine and feline cardiology. St Louis: Saunders- [10] Chetboul V. Maladie valvulaire dégénérative du chien. EMV
Elsevier; 2008. p. 2-3. (Elsevier Masson SAS, Paris), Cardiologie, 0-600, 2008.

J.-F. Rousselot, Docteur vétérinaire (jfrousselot@wanadoo.fr).


Clinique vétérinaire des Camélias, 72, boulevard Charles-de-Gaulle, 92700 Colombes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Rousselot J.-F. Examen clinique en cardiologie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Vétérinaire, Cardiologie, 0200, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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