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• La suppression, l’adaptation et la
création de nouveaux métiers dans l’assurance
II- La Kodakisation
Alors que l'ubérisation est le résultat d'un manque de vision sur les
marchés, les modèles commerciaux et les opportunités offertes par le
numérique, la kodakisation représente la peur de se transformer. Ce
terme tire son origine de l'expérience de la société Kodak, pionnière de la
photographie numérique en 1975. Cependant, elle a été éclipsée par la
révolution numérique en raison de son manque d'innovation dans son
modèle commercial. Le problème ici ne réside pas dans l'incompétence ou
l'ignorance face à ce phénomène, mais dans la crainte de se transformer
et d'adopter une approche totalement nouvelle pour s'adapter à un
marché en évolution. Avoir un produit futuriste tout en restant attaché à
un modèle dépassé ne suffit pas. Ainsi, réagir à l'ubérisation ne garantit
aucunement une protection contre la kodakisation, d'autant plus que la
concurrence numérique est féroce.
En se focalisant trop sur les autres acteurs du marché (concurrents,
startups, etc.), on finit par perdre de vue sa propre entreprise. La peur de
l'ubérisation est souvent évoquée, mais la kodakisation est une menace
bien réelle. Réagir à l'ubérisation ne protège pas contre la kodakisation,
qui est déjà une réalité pour certaines entreprises. En effet, des réactions
à l'ubérisation sont possibles, comme le montrent certains exemples
concrets. Mais en ce qui concerne la menace de kodakisation, l'ennemi ne
se trouve pas à l'extérieur de l'entreprise, mais très probablement à
l'intérieur. Il peut prendre différentes formes, que ce soit parmi les
décideurs stratégiques tels que les dirigeants, les actionnaires, les
administrateurs, qui ont peur de se transformer et de quitter l'ancien
monde pour un nouveau dont la visibilité n'est pas encore claire. Il peut
également résider parmi les collaborateurs, où ceux qui travaillent sur des
produits d'avenir côtoient ceux qui développent des modèles économiques
obsolètes. Des groupes d'influence internes peuvent également s'opposer
à toute remise en question de l'existant.
La véritable problématique réside dans la nécessité pour l'entreprise de
tourner définitivement la page et d'écrire sa nouvelle histoire. Cela peut
impliquer d'abandonner certaines activités, d'intégrer de nouveaux
écosystèmes, de trouver sa place, d'explorer de nouveaux territoires sans
se perdre et de prouver sa valeur, voire même de changer d'activité ou de
s'étendre vers des secteurs adjacents. Il s'agit d'un processus complexe
qui demande une adaptation et une évolution profonde de l'entreprise.
Comme le dit le dicton : « mieux vaut dire la vérité au malade ». Peut-on
anticiper et prévenir le risque de "kodakisation" de manière proactive ?
Cela semble improbable, cependant, il existe des symptômes et des
signaux qu'il est essentiel d'identifier et d'analyser de manière objective,
souvent avec l'aide d'experts externes. Une fois identifiés et analysés, les
dirigeants doivent aborder ces signaux et prendre le risque de remettre en
question des activités qui semblent lucratives à court terme, ou bien
entamer une transformation structurelle profonde de leur organisation,
tout en préservant la cohérence et l'essence de leur ADN. Il s'agit d'un
processus délicat qui demande d'intégrer de nouvelles compétences sans
perdre ce qui fait l'identité de l'entreprise.
Il est courant de constater que de nombreuses entreprises cherchent à
effectuer leur transformation en digitalisant quelques services et en les
mettant en ligne, mais cela peut être insuffisant. Une véritable
transformation nécessite un changement plus profond, en commençant
par une transformation interne de l'entreprise. Il est essentiel de ne pas
ignorer les problèmes existants et de réfléchir à la manière d'organiser sa
propre disruption. Les grandes entreprises anticipent déjà une possible
disruption de leur modèle économique, et il est important de considérer
comment "détruire son business" afin de réfléchir concrètement à la façon
dont la "kodakisation" pourrait affecter l'entreprise. Une approche
possible parmi d'autres est d'envisager l'ajout d'un Chief
Disruption Officer (CDO) dans l'équipe de direction, qui serait
chargé de gérer et d'anticiper les changements disruptifs au sein
de l'entreprise.