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Les Indiens des frontières coloniales | Luc Capdevila,

Jimena Paz Obregón Iturra, Nicolas Richard


Judith Farberman
p. 81-96

Texto completo
1 En 1806, le tribunal municipal de Santiago del Estero lança
une procédure à l’encontre d’un certain Pedro Salvatierra.
Celui-ci déclara dans sa déposition qu’il était originaire du
village de Guañagasta, mais habitait dans un autre village,
Sabagasta, où il avait exercé comme maître d’école. Il ajouta
également « qu’ayant pourtant dit être indien, il avait été
considéré comme soldat et à ce titre avait payé un loyer au
cacique du village mentionné1 ». Le « soldat » Salvatierra
était pourtant apparenté directement à une des principales
familles de Sabagasta, les Imans, recensés plusieurs fois
depuis la fin du XVIIe siècle parmi les indiens soumis au
paiement du tribut.
2 J’ai choisi de développer cet exemple, en apparence confus,
car il illustre deux questions abordées ici. D’abord,
l’opposition entre deux catégories juridico-sociales, à forte
connotation ethnique : « indiens » et « soldats ».
Remarquons en effet que Salvatierra, lié à deux villages
d’indiens par naissance et par résidence, avait pris la peine
de souligner que malgré les apparences (phénotype,
relations parentales, attributs), « il était considéré comme
soldat ». Dans les villages de la région de Santiago del
Estero, le « soldat » était exempté du paiement du tribut
indien et, en contrepartie, ne pouvait jouir de la terre
communautaire. Salvatierra devait donc louer ses terres au
cacique de Sabagasta. En somme, être « soldat » impliquait
l’appartenance à une catégorie particulière, sans
nécessairement se livrer à des activités militaires, les droits
et devoirs de ces individus étant déterminés par la coutume
locale.
3 D’autre part, il faut selon moi nuancer l’opposition entre
indien et soldat, dans le contexte de « guerre » contre les

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indiens abipons. Rappelons en effet que les monarques


Bourbons espagnols introduisirent, dans la deuxième moitié
du XVIIIe siècle, des politiques innovantes à l’égard des
zones de frontière, au premier rang desquelles figurait la
recherche d’accords avec les ethnies non dominées2. Les
indiens réduits dans les villages d’indiens, eux aussi, firent
l’objet d’un nouveau traitement : à Santiago del Estero, il
s’agissait d’exempter du paiement du tribut les indiens des
villages de la frontière avec le Río Salado ; en échange, ils
devaient remplir effectivement certaines fonctions
militaires.
4 Ainsi, si le personnage présenté dans l’exemple initial avait
été enregistré comme « indien » dans son village d’origine
(Guañagasta), situé dans la zone de frontière, il aurait servi
dans la troupe pour compenser le non-versement du tribut.
Mais habitant à Sabagasta, son statut de « soldat » n’était
qu’un mode d’assignation au village d’indiens, avec pour
seule conséquence la privation des avantages réservés aux
tributaires. Pour cette raison il devait payer un loyer pour
occuper des terres.
5 Dans cet article, j’étudie le groupe des soldats à la fin de la
période coloniale, sous deux angles : en tant que catégorie
sociale et en tant que fonction, dans les villages de la
frontière de la région de Santiago del Estero et du Chaco.
Mon hypothèse est la suivante : dans cette région
frontalière, la militarisation des indiens tributaires, sans
effacer complètement les différences entre groupes
ethniques, redéfinit le rôle des villages d’indiens, et sans
doute même la configuration politique interne de ces
groupes. D’autre part, je m’efforcerai de démontrer
comment, loin de perdre leur importance, les villages
d’indiens ont défini, à partir de leurs différentes catégories
d’habitants, le contour des groupes sociaux et leurs relations
dans la région.
6 Il convient maintenant de présenter quelques données de
base sur la région à la fin de la période coloniale et de citer
les sources consultées. La ville de Santiago del Estero – la
première colonie permanente (1553) du territoire argentin

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actuel – incluait, outre sa propre périphérie, le


Gouvernement (gobernación) de Tucumán – qui devint
plus tard l’Intendance de Salta del Tucumán. Tout en
conservant son statut de siège administratif et épiscopal de
Tucumán, la ville connut un rapide déclin au fil du XVII e
siècle, au profit de la juridiction de Córdoba et d’autres
villes des hautes terres.
7 À la fin du XVIIIe siècle Santiago del Estero était une ville
pauvre : elle regroupait à peine 11 % de la population du
territoire qu’elle contrôlait, et subsistait grâce à sa
participation marginale au circuit commercial du Haut
Pérou. Ses principales exportations étaient le miel, la cire, la
cochenille et le textile, des marchandises que les indiens
devaient vendre pour payer le tribut. La population rurale
subvenait à ses besoins grâce à une agriculture et à un
élevage précaires et à la cueillette des caroubes, des activités
traditionnellement complétées par la migration saisonnière
– parfois définitive – vers des régions plus dynamiques. Par
ailleurs, depuis la fin du siècle précédent, la région était la
cible régulière d’incursions des Mocovis du Chaco. Les
alentours du Río Salado furent donc garnis de réductions et
de fortins, la ville devant continuellement les alimenter en
hommes et en finances. Dans ce contexte de guerre
prolongée – qui s’est poursuivie au XIXe siècle – les villages
situés sur le Salado se transformèrent peu à peu en réserves
de « soldats indiens », ces derniers étant donc exemptés du
tribut.
8 La principale ressource de Santiago del Estero était sa
population indienne, restée assez nombreuse, et regroupée
majoritairement dans les villages d’indiens, dotés de leurs
propres terres et autorités. Contrairement aux autres
régions argentines, celle de Santiago était profondément
marquée par sa population indienne. Les différents groupes
de métis entre Espagnols, indiens et noirs (mulatos, pardos
et zambos), ainsi que les Espagnols pauvres, tendaient à
« s’indianiser » dans leur langue, leurs vêtements, leur type
de consommation et leurs habitudes alimentaires. À la fin
du XVIIIe siècle, la langue quechua était davantage utilisée

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que l’espagnol dans les zones rurales – bien que seul un


tiers de la population fût considéré comme « indien ».
9 Je tiens à souligner le caractère exceptionnel, en
comparaison au reste du territoire de la future Argentine
mais également au sein de la région de Tucumán, de la
permanence de l’institution du village d’indiens, et du fait
qu’une partie importante de la population soit perçue
comme indienne3. Restés à l’écart, au XVIIe siècle, des
rébellions des indiens diaguitas et des représailles qui
avaient suivi, les indiens de Santiago étaient privilégiés par
rapport à d’autres groupes. Les stratégies communautaires
propres jouèrent également un rôle déterminant : la
participation autonome aux marchés de biens et de main-
d’œuvre, les migrations individuelles et familiales, et une
intense endogamie qui permit de conserver les terres
communautaires entre les mains des mêmes familles4.
10 Notons comme dernier préalable que, si les interrogations
qui ont guidé ce travail proviennent en partie de l’examen
des données quantitatives des registres de tributaires, les
recensements et les registres paroissiaux, j’ai néanmoins
privilégié l’analyse des sources qualitatives. Dans la
première partie de cet article, consacrée au métissage social,
j’aborde le problème à travers les informations fournies par
des individus qui durent démontrer leur condition
d’Espagnol ou de métis, afin de justifier de leur exemption
du paiement du tribut. La deuxième partie, qui a pour objet
les « indiens soldats » de la frontière du Chaco, réexamine
le rôle et la conduite des indiens – soumis ou non au
système colonial – sur le plan militaire, en tentant de mettre
en évidence l’impact de l’état de guerre sur leur condition. À
partir de situations et de politiques mieux connues pour la
période révolutionnaire, j’y étudie comment, dans les zones
de frontière, la guerre modifia les relations entre indiens,
autorités locales et autres groupes sociaux, ainsi que
l’évolution des rapports de pouvoir au sein même des
villages de la région du Río Salado. Les sources relatives à
cette zone sont plus hétérogènes : recensements, registres et
doléances de caciques.

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Du soldat « espagnol » au soldat « libre »


11 Malgré les énormes moyens consacrés par la Couronne
espagnole à l’armée de son empire d’outremer, les fonctions
militaires étaient remplies en grande partie par des milices
s’appuyant sur des ressources locales5. Tous les hommes
aptes étaient tenus de se présenter avec leurs armes en cas
de besoin. Mais les plus fortunés, à qui l’on avait souvent
octroyé des titres militaires, contournaient facilement cette
obligation ; elle s’exerçait donc pour l’essentiel sur la troupe
de l’armée régulière et sur les miliciens.
12 Le terme de « soldat » prit très tôt un sens particulier, par
opposition à celui de « feudataire » – c’est-à-dire le
détenteur d’un titre accordé par la Couronne, comme
l’encomienda. Comme Gaston Doucet l’a fait remarquer en
1974, ces « soldats » espagnols revendiquèrent au XVII e
siècle des postes d’administration, le plus souvent en vain,
face aux feudataires. Cette distinction s’atténua avec le
déclin de l’encomienda. Mais les deux attributs essentiels de
la condition de « soldat » – hispanité et pauvreté –
survécurent encore durant des décennies. Dans une société
organisée selon des critères raciaux, la pauvreté des soldats
finissait même par remettre en question leur statut
d’Espagnol. Dans la région de Santiago del Estero, jusqu’à la
fin de la période coloniale, cette « dévaluation » les
entraînait presque systématiquement jusqu’à la catégorie
d’indien.
13 La déposition de plusieurs témoins sollicités par Alonso Dí
Aguilar, qui entendait démontrer sa condition d’Espagnol
lors d’un procès en 1715, constitue un bon exemple, bien que
le document soit incomplet6. Il s’agissait sans doute
d’échapper aux exigences du titulaire d’une encomienda qui
revendiquait un droit sur la personne d’Alonso, profitant de
l’ascendance douteuse de ce « soldat ». Les quatre
témoignages cités coïncidaient sur deux points : Alonso était
fils d’Espagnol, et lui comme son père avaient été soldats
« servant le Roi comme les autres pauvres appelés des
compagnies militaires » (je souligne). Sur Pedro Días de
Aguilar, le père d’Alonso, aucun doute n’était permis : il

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était « considéré comme Espagnol, épée et dague à la


ceinture » et avait atteint le grade de sergent après avoir
participé à de nombreuses incursions dans le Chaco et dans
la vallée Calchaquí.
14 En revanche, les origines et le parcours du fils éveillaient les
soupçons. Un témoin affirma que la mère d’Alonso était
métisse, et deux autres se souvenaient que son père, Pedro
de Acuña, s’était marié en secondes noces avec « Feliciana,
du village d’Alagastine » ou « dans le village de Lasco ».
Lasco et Alagastine étant d’anciens villages d’indiens, il
n’était pas interdit de supposer que cette Feliciana,
probablement la mère d’Alonso, ait été indienne. Une
anecdote rapportée par un témoin est explicite quant à la
perception sociale de l’échelle des « castas » (castes). Selon
lui, un jour, le père, reprochant au fils de s’être déchaussé,
lui avait lancé : « Si tu marches pieds-nus, on voudra te
soumettre à l’encomienda, alors chausse-toi ! » Cette
remarque se révélait prémonitoire.
15 À en croire les témoignages, l’hispanité d’Alonso Días était
mise en doute sur la base de son ascendance incertaine, de
son habillement et de son allure générale. Ce cas est à
mettre en perspective avec la situation des villages ruraux
de la région de Santiago : se développant pour la plupart
autour des anciens villages d’indiens, ils donnaient lieu à
des relations humaines étroites (y compris le mariage ou
l’union de fait), participant ainsi au rapprochement entre
les deux républiques (indiens et Espagnols), et donc à
l’érosion des différences ethniques. Dans ce contexte de
pauvreté généralisée et de prolifération des enfants
naturels, le statut d’Espagnol se définissait en creux,
l’unique critère vérifiable avec certitude étant
l’appartenance à une compagnie militaire.
16 Le cas suivant présente quelques différences subtiles. En
1759, une femme du nom de Melchora Acuña présenta un
témoignage similaire à celui d’Alonso Días, là aussi afin
d’attester de sa condition d’Espagnole. L’enjeu était de
retirer ses enfants et petits-enfants du registre d’indiens, et
donc de les exempter du paiement du tribut. La stratégie de

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Melchora était de démontrer ce qu’elle n’était pas : ni


indienne d’encomienda, ni épouse d’indien tributaire.
Emmenée de force à la ville sous prétexte d’appartenir à
l’encomienda de l’alcalde de la Hermandad, Melchora
affirma qu’« on ne trouvera mon nom écrit dans aucun
recensement » et que « je n’ai jamais connu et personne ne
m’a fait connaître aucun village ni aucune réduction ». Au
contraire, elle affirma qu’elle avait vécu « célibataire, mariée
puis veuve, sur les terres de don Rafael » – ce dernier
témoignant dans ce sens. Melchora tint à ajouter qu’elle
était « la pauvre veuve de Miguel Morán, Espagnol, qui en
tant que tel a servi comme soldat » (je souligne). Elle était
absente des registres, n’habitait aucun village d’indiens et,
qui plus est, était veuve d’un soldat qui était « en tant que
tel » espagnol… L’expérience allait pourtant montrer que
ces éléments étaient insuffisants aux yeux des autorités
pour démontrer son appartenance aux gens « pauvres mais
décents », c’est-à-dire les Espagnols.
17 Notre hypothèse est que le statut de soldat, unique attribut
positif des Espagnols pauvres qui les distinguait de l’univers
plus homogène des castas indiennes, disparut
progressivement en tant que critère socioethnique au fil du
XVIIIe siècle, pour acquérir une portée juridique et même
devenir une catégorie sociale7. Ainsi, en toute rigueur, les
arguments présentés par Melchora Acuña permettaient
seulement de prouver que ni elle, ni sa descendance
n’avaient appartenu à une encomienda ; ils ne démontraient
en rien qu’elle était Espagnole. En ce qui concerne ses
enfants et petits-enfants, il apparaissait simplement que
leur père et leur grand-père avaient été Espagnols et
soldats. Selon moi, au fur et à mesure que le groupe des
« indiens libres » s’élargissait – processus difficilement
perceptible qui allait de pair avec le déclin des encomiendas
– la signification du terme « soldat » s’élargissait
également, par opposition au statut d’« indien tributaire »,
qui répondait à une définition plus précise8. En somme, à la
fin du XVIIIe siècle, le mot « soldat » désignait
indistinctement les « métis » et les « indiens libres » (et de

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culture métisse) ; en revanche il n’était plus, ou presque,


synonyme d’« Espagnol ».
18 L’organisation des recensements et des registres de la fin de
la période coloniale dans la circonscription de Santiago,
reflète clairement l’émergence de cette terminologie. Le
prêtre de Guañagasta, don Mariano de Ibarra, auteur d’un
registre succinct des habitants de sa paroisse, divisa la
population en deux listes, intitulées respectivement
« Espagnols et soldats » (liste dépourvue de sous-division)
et « indiens originaires de ce village de Guañagasta9 ».
Certains patronymes figuraient naturellement sur les deux
listes : les indiens versant le tribut – la consultation des
registres issus des recensements indique qu’il s’agit des
« indiens originaires » du recensement – côtoyaient depuis
plusieurs générations les « Espagnols et soldats ». Bien qu’il
soit impossible de le confirmer pour ce village en
particulier, il est donc probable que les indiens libres
étaient, déjà à l’époque, très nombreux parmi les soldats
eux-mêmes.
19 Les recensements des villages d’indiens offrent un premier
aperçu de l’univers de ces mystérieux « soldats10 ». Pour les
secrétaires de ces opérations de recensement, le terme
soldat regroupait les conjoints libres (indiens non
tributaires, mulâtres et métis) de femmes indiennes
assignées au village d’indiens11. Ces soldats étaient
privilégiés à double titre, puisque sans payer le tribut, ils
avaient accès aux terres communautaires, grâce au lien
conjugal. Leurs fils, en revanche, seraient tributaires et
membres « pleins » du village d’indiens, tandis que leurs
filles transmettraient droits et obligations des soldats à leur
descendance12. Certains religieux effectuaient également la
distinction entre soldats et indiens dans leurs registres
paroissiaux. Cela est illustré par le recours entrepris par une
Espagnole de Tuama qui « pour être plus utile à Dieu », ne
pas continuer à « vagabonder comme une bonne à rien » et
avoir « quelqu’un qui subvienne à ses besoins », se maria
avec un indien « de condition moyenne », yanacona
(domestique) de son beau-frère. Quand elle dut défendre

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ses enfants métis, alors adultes, contre le titulaire d’une


encomienda qui les revendiquait comme main-d’œuvre, elle
fit appel au curé de Tuama. Celui-ci témoigna en sa faveur,
déclarant « que je n’ai pas inscrit les enfants de la
plaignante comme indiens, au contraire je les ai mariés
comme soldats13 ». Notons que cette déclaration ne fait état
d’aucune activité militaire de la part des fils en question.
Comme dans le cas des revisitas et des recensements
mentionnés plus haut, et contrairement aux premiers
débats juridiques évoqués dans l’article, le mot « soldat » ne
désigne donc ici qu’une catégorie sociale, par opposition à
celle d’« indien tributaire ».
20 L’examen de deux procédures judiciaires permet de cerner
avec plus de précision la terminologie utilisée dans les
registres officiels. Comme je l’ai dit, la fin du XVIII e siècle
fut marquée par de nombreuses réclamations, similaires à
celles déjà exposées, visant à faire reconnaître la liberté des
intéressés en s’appuyant sur la dilution progressive des
identités ethniques. Le premier exemple concerne Pedro
Góngora, « habitant de la ville de Santiago del Estero, dans
la paroisse de Salavina », qui voulait établir que ses enfants
étaient « légitimement libres, et recensés comme tels dans
les villages de Lindongasta et Mamblaches ». Ce n’était pas
chose facile pour Pedro, malgré son statut de « vecino »
(résident) de Santiago : ses enfants se trouvaient en effet
dans une situation ambiguë qui remontait à leur grand-
mère maternelle, María Serrano. « Fille de mauvaise vie »
encore célibataire, elle était tombée enceinte, et avait été
placée sous la tutelle du prêtre de la paroisse, qui l’avait
forcée à se marier à un indien, Ignacio Iamsala, tributaire de
Lindongasta, et ce « contre la volonté de ses frères et de ses
parents ». La fille naturelle de María Serrano, María
Francisca, avait été élevée par Ignacio Iamsala, qui lui avait
transmis son nom à forte consonance indienne, et donc son
statut d’indien. Cela explique les difficultés rencontrées
ensuite par le mari de María Francisca, Pedro Góngora, et
leurs enfants. Celui-ci faisait valoir son statut de soldat, des
témoins attestant même que son père et son grand-père

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avaient appartenu à cette catégorie, ayant participé « aux


incursions et excursions dans le Grand Chaco ». Ces
hommes étaient donc « libérés » du paiement du tribut,
sans qu’aucune mention ne soit faite de l’ethnie à laquelle ils
appartenaient.
21 Le second exemple a pour protagoniste Francisco Delgado,
ou Ayunta, patronyme indien très répandu dans la région de
Santiago del Estero14. Les événements débutèrent de la
même manière que les précédents : Francisco Delgado et sa
famille se retrouvèrent un beau jour recensés dans un
registre d’encomienda. Il déclara lors de son pourvoi en
appel en 1758 : « Je suis enregistré sans en connaître le
motif, mais comme j’ai grandi près de ce village, je suppose
que c’est l’explication. » Afin de prouver « qu’il était libre et
qu’il n’appartenait à aucune encomienda », Francisco
Delgado se présenta comme « fils naturel du sous-
lieutenant Cruz Delgado » et d’une « métisse libre », à
propos de laquelle il ne donne pas plus de précisions, et de
qui il tenait, peut-être, son second patronyme. L’ascendance
de Bartolina, son épouse et mère de ses filles Teresa et
Dolores, était également sujette à caution. Le prêtre
l’identifia comme « fille naturelle du sergent-major Diego
Días Caballero, habitant et titulaire de l’encomienda du
village de Asogasta, et de sa principale concubine
indienne » (je souligne). Le patronyme quechua de
Bartolina, Mancapa, provenait, peut-être, de sa mère. Enfin,
Francisco s’appuya sur son statut de soldat pour prouver sa
liberté juridique – statut certifié pour lui comme pour son
défunt père « Juan de la Cruz Delgado, officier avec grade
de sergent dans cette même compagnie », par le capitaine
des milices du département.
22 En raison de la proximité géographique, de leur phénotype,
voire des noms indiens, le dossier fut réouvert en 1791, et le
gendre de Francisco Delgado Ayunta dut faire appel afin de
protéger sa famille. Les deux filles de Francisco Delgado et
de Bartolina, Teresa et Dolores, avaient en effet été
recensées avec leurs enfants et leurs maris, les frères
Bartolomé et Alonso Coria, à l’occasion d’un nouveau

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recensement d’indiens. La qualité de soldat de Bartolomé et


Alonso fut reconnue, en tant que conjoints libres (et
probablement indiens libres) de femmes qui appartenaient
au groupe des indiens tributaires. Bartolomé Coria obtint
également du prêtre et du capitaine de la milice la
confirmation officielle de ce que ses défunts beaux-parents
« étaient, respectivement, libre et métisse ».
23 Ni indiens tributaires ni Espagnols : ces individus étaient
des soldats, toujours de culture métisse, qu’ils fussent métis
ou indiens libres. Au-delà des fonctions militaires, au XVIII e
siècle un soldat était un individu « capable de jugement,
astucieux, de par sa qualité de métis et non tout à fait
indien ». L’accusé d’un procès de 1754, caractérisé en ces
termes, ne détonait donc pas parmi « tous les soldats de la
juridiction » puisque ceux-ci étaient « de la même
engeance15 ».
24 Ces exemples apportent deux éléments au débat relatif à la
diminution de la pertinence des catégories raciales dans les
dernières décennies de la période coloniale. D’abord, ils
permettent de confirmer que l’assignation à une compagnie
militaire était un moyen souvent utilisé pour prouver la
liberté juridique d’un individu ou d’une famille, et
constituait de ce fait une forme d’ascension sociale ; de
même, ils mettent en évidence la disparition progressive du
critère ethnique au sens strict. D’autre part, la
généralisation du terme de soldat en tant que catégorie
sociale – clairement observable dans les registres officiels –
semble plus tardive et consécutive au phénomène
précédent. Ce double processus conduit à nous interroger
sur ce que signifiait être indien à la fin de la période
coloniale, en particulier dans cette juridiction, dont la
population indienne était importante non seulement par
son poids démographique, mais également par son
influence culturelle.
25 Selon moi, le sens de l’identité indienne à l’échelle locale
découlait nécessairement de l’appartenance au village
comme tributaire, c’est-à-dire en tant que titulaire de droits
et de devoirs précis. Ce lien est crucial car, bien qu’il soit

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impossible d’effectuer une évaluation quantitative précise,


les « indiens libres » étaient sans doute déjà beaucoup plus
nombreux que les indiens des villages à la fin du XVIIIe
siècle. L’expression « tout à fait indien » (indio neto), que le
document de 1754 cité plus haut opposait à celui de
« soldat », désignait exclusivement ceux assignés aux
villages d’indiens, dans des conditions stipulées
précisément, le versement du tribut trouvant sa contrepartie
notamment dans la pleine jouissance du droit d’accès aux
terres, qui était donc réservé à ces « indiens soumis à
l’impôt16 ». Quant au terme de « soldat métis » mentionné
par la même source, le qualificatif ladino lui étant accolé, il
est clair qu’il ne désignait plus nécessairement des métis au
sens biologique du terme. Les soldats, en tant qu’échelons
inférieurs de la société, étaient très proches des indiens
presque depuis le début de la colonisation, et après trois
siècles de colonie beaucoup d’entre eux se trouvaient
intrinsèquement unis voire complètement intégrés au
monde indien. Au point que ne les différenciait plus que
leur statut légal – ce qui n’était d’ailleurs pas sans
conséquence. En d’autres termes, phénotype, nom, lieu de
résidence, vêtements, langue et même liens de dépendance
(qui n’étaient pas l’apanage des tributaires, comme on le
voit dans le cas de l’« agrégée » Melchora Acuña) n’étaient
déjà plus des critères suffisants pour distinguer les ethnies.
Dans les termes d’un témoin en 1754, tous les soldats
étaient « de la même engeance » : celle des métis pauvres.
Le prêtre d’Atamisqui, plus expérimenté et attentif aux
différences ethniques, découvrit pour sa part de nombreux
« indiens libres » parmi ces soldats de culture métisse17.

Soldats indiens de la frontière du Chaco


26 J’ai abordé jusqu’ici les différences et les clivages entre
indiens tributaires, indiens libres (perdant progressivement
leurs attributs ethniques) et soldats (mobilisés
occasionnellement pour des opérations militaires). Dans ce
chapitre, un nouvel acteur fait son apparition : le
« barbare » mocovi ou abipon, l’indien de guerre, sans

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lequel il est impossible de comprendre les régions de


frontière des XVIIIe et XIXe siècles18. Il est établi que les
réformes bourboniennes qui reposaient sur des traités avec
les indiens, et notamment l’installation des réductions
jésuites, ne mirent pas fin aux stratégies militaires telles
l’édification de fortins dans le Chaco et les incursions en
territoire indien, malgré quelques parenthèses pacifiques19.
Comme dans d’autres régions, les indiens furent pourtant
« invités », en tant qu’alliés, à intégrer les armées
frontalières. Cet élément a fait l’objet de peu de travaux.
Mais Beatriz Vitar a démontré à quel point, au XVIIIe siècle,
« le plan offensif de Tucumán contre le Chaco put se mettre
en place surtout grâce à l’assimilation des indiens lule et
vilela, recrutés au sein des armées qui réalisaient les
incursions dans le Chaco20 ». À cette participation
s’ajoutèrent plusieurs projets administratifs, comme la
formation d’une compagnie de mulâtres libres et d’indiens
étrangers (à la suite de la campagne d’Urizar, en 1710) ; ou
encore l’installation d’indiens dans les prisons – que
l’auteur décrit avec raison comme des « réduits
multiethniques21 » ; et l’organisation des régiments indiens
des missions jésuites. Jusqu’au XIXe siècle, et malgré l’échec
des réductions, des alliances militaires formelles avec
d’anciens ennemis furent conclues. En 1803, par exemple,
les très combatifs Abipons donnèrent naissance à une
nouvelle compagnie au sein de la milice de Corrientes,
comprenant quatre-vingts fantassins et cent cinquante
lanciers à cheval22.
27 Ces soldats « infidèles » créaient bien sûr de nombreuses
difficultés à leurs alliés temporaires : l’instabilité chronique
des accords militaires, ou encore le recours à des pratiques
guerrières inacceptables pour les Espagnols23.
28 Cependant, les indiens de guerre n’étaient pas les seuls à
combattre au service des Espagnols. Les premiers titulaires
des encomiendas, par exemple, servaient également sous les
drapeaux, à l’instar de leurs propres indiens, qui faisaient
office d’auxiliaires ; l’encomienda était d’ailleurs une
institution basée sur un modèle militaire. Plus tard, une

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forme de « mita24 frontalière » fondée sur les activités


militaires fonctionna dans quelques circonscriptions : les
tributaires étaient périodiquement convoqués pour servir
lors des incursions, dans les établissements frontaliers, les
missions ou les fortins25.
29 Revenons à Santiago et à un groupe particulier d’indiens
tributaires : ceux des villages frontaliers du Río Salado. À la
fin du XVIIe siècle, ils assuraient les fonctions militaires et
subissaient régulièrement les escarmouches frontalières –
ce qui n’empêcha pas le gouverneur du Tucumán de
regretter leur caractère « pusillanime26 ». Au seuil du
Chaco, ils assumaient en effet le rôle de « barrière » entre
« chrétiens » et « païens ». La remarque d’un témoin
contemporain, selon qui les Vilelas du Chaco appelaient les
soldats de Santiago « Mataraes », illustre cette participation
forcée des tributaires du village de Matará à la politique
frontalière27. Cette collaboration militaire, qui impliquait les
mataraes, mais également les habitants de Inquiliguala,
Lasco y Guañagasta, ainsi que d’autres villages voisins plus
petits, s’appuyait sur diverses prestations (travail dans les
réductions jésuites, collaboration militaire, tâches
d’espionnage et de protection) et renforça les relations entre
les titulaires d’encomiendas, les fonctionnaires, les
résidents et, bien sûr, les soldats « libres », métis et
espagnols étudiés plus haut. En bref, les soldats indiens des
villages du Río Salado initièrent leur carrière militaire en
accompagnant les titulaires de leur encomienda lors des
incursions (activité de base semblable à celles des indiens
des encomiendas des autres circonscriptions), avant de
devenir des « indiens amis » des Espagnols – cette fois sous
les ordres de leurs propres caciques – et de terminer leur
carrière comme sujets exemptés du tribut en échange de
leurs services militaires. En réalité, comme on va le voir,
cette exemption du tribut était une conséquence directe de
l’étape précédente.
30 Voici décrits de manière succincte les principaux éléments
de cette histoire. Un rapport officiel daté de 1704 signalait
déjà certains changements remarquables quant au statut de

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ces individus « tout à fait indiens » de la rivière Salado. Les


incursions des Mocovis et le changement de lit de la rivière
poussèrent les indiens à abandonner leurs villages situés sur
la rive, les autorités tentant de profiter de cette situation de
désolation pour passer un accord tactique avec les Lule,
indiens « à pied », et de réaliser une offensive contre les
Mocovis. La forêt vierge du Chaco présentant autant de
dangers que d’attraits, il fut signifié aux « soldats » et aux
« indiens amis présents en tant qu’auxiliaires » que
l’incursion ne devait pas se prolonger outre mesure et donc
qu’ils ne devaient pas s’attarder à récolter « cire, miel ni
autres fruits28 ». Qui étaient ces « indiens amis » ? Le texte
précise plus bas qu’ils étaient au moins deux cents, et
appartenaient à huit villages d’encomienda de la région du
Río Salado. À la différence des « soldats », leur armement
(arcs et flèches) était d’origine indienne, et ils étaient placés
sous les ordres de leurs caciques, dont les noms sont
énumérés dans le document.
31 Dans une étude précédente, j’ai formulé l’hypothèse selon
laquelle la militarisation de la région du Río Salado s’est
traduite par un processus plus large de renforcement des
autorités – caciques, et surtout mandones (petits chefs) –
des villages d’indiens frontaliers29. Ce fut ainsi que, dans un
mouvement général et conflictuel de « militarisation des
solidarités30 », ces pouvoirs locaux, traditionnellement
faibles, durent entrer en compétition avec des « chefs
militaires » de mauvaise réputation, que les sources
judiciaires décrivent comme les maîtres absolus de la
région. Le conflit entre les indiens des villages (pas
uniquement ceux de la région du Salado) et ces chefs a
laissé de nombreuses traces dans les archives. Y ayant
consacré plusieurs travaux antérieurs31, je reviendrai
simplement sur quelques événements ponctuels.
32 L’exemple de la doléance des caciques du Salado de 1726,
met en évidence le problème du moment. Selon les chefs
indiens, la « dissolution des villages et des familles »
s’expliquait par « les ennuis que les militaires [leur
causaient] avec les invasions incessantes, [les] privant de

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montures et de moyens de subsistance ». Les tributaires


« [fuyaient] vers d’autres provinces » en abandonnant
femmes et enfants, et « beaucoup de [leurs] indiens se
[permettaient] de [leur] manquer de respect » puisque « à
partir du jour où [leur] maître le Don Alonso de Alfaro
[était] décédé […] [ils n’avaient] connu nuls maîtres sinon
les chefs militaires, qui [les avaient] commandés et traités
selon leur bon vouloir, car [ils se trouvaient] sans
défense32 ».
33 Les livres municipaux de Santiago del Estero exprimaient la
même préoccupation en mentionnant « ces capitaines et
autres militaires, officiers et soldats » dont ils souhaitaient
qu’« un arrêt leur interdise d’entraver la frontière du Río
Salado33 ». Pourtant, ces sources officielles, tout en faisant
la différence entre ces troupes, coupables d’exactions, et les
« indiens chrétiens habitant les alentours du Salado depuis
des années », ne cachaient pas que ces deux groupes ne
pouvaient que nuire aux indiens vilela, récemment établis
dans leurs réductions. Dans la région frontalière, espace
menaçant, les terminologies perdaient toute pertinence et
les habitants dans leur ensemble finissaient par être
considérés comme des « gens métis […] sans cultures, et
pour la plupart chrétiens du seul fait de leur baptême34 ». Le
petit peuple du Salado, en d’autres termes, était métis mais
de mœurs indiennes, son quotidien marqué par les
violences interethniques, et avait un mode de vie rustique,
adapté à la forêt vierge, subsistant davantage grâce à la
récolte du miel, de la cire ou de la caroube, qu’à des activités
agricoles. Il s’agit d’une population frontalière par
excellence, exemple de l’apparition de nouveaux groupes
sociaux et ethniques, favorisée par les espaces de frontières,
comme les études sur l’ethnogenèse le montrent35.
34 Dans ce contexte où « païens », « chefs militaires »,
« soldats » et « indiens chrétiens » se différenciaient par
leur statut mais se mêlaient dans leur vie quotidienne
comme aux yeux des observateurs contemporains, s’ajouta
une nouvelle catégorie de soldats indiens bénéficiant cette
fois d’une reconnaissance formelle, leur permettant

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d’échapper au paiement du tribut36. Ce droit, acquis de


haute lutte, dut ensuite être défendu constamment : malgré
l’exemption, dès 1786, des villages frontaliers, des
documents datant de 1789 témoignent d’une émeute des
indiens de Matará auxquels, au mépris de la décision royale,
les maires (alcaldes) avaient exigé le versement de cette
redevance37. De même en 1807, lors du dernier
recensement, les mandones et caciques de Mopa, Asogasta,
Lasco, Guañagasta et Matará durent présenter des témoins
pour démontrer une nouvelle fois que ces hommes, « depuis
des temps immémoriaux », et puisqu’ils « étaient employés
comme soldats », ne payaient plus le tribut38.
35 Un de ces témoins, le lieutenant Francisco de Herrera, du
régiment des volontaires indiens, affirma que les indiens du
Salado étaient « les premiers à se présenter en armes, et […]
en toute liberté ». Les maires et curacas allèrent plus loin,
en soulignant les avantages présentés par les soldats
indiens, fins connaisseurs du comportement militaire des
autres indiens :
« Les miliciens ne s’engagent dans nulle équipée que nos
soldats ne les accompagnent, car ils manient arc et flèches
comme l’Infidèle, et leur permettent de lui résister.
D’ailleurs, sans nous vanter, si nous n’étions pas là pour
défendre cette route vers Santiago, la ville ne serait pas
aussi sûre, étant donnée la hardiesse des barbares face à
laquelle nous sommes les seuls à pouvoir tenir la place. »

36 Entre-temps, précisaient encore les caciques, les indiens


consacraient leur énergie à « confectionner des flèches, sous
ordre de la milice, afin de préparer l’avancée vers la contrée
de Tres Cruces le mois suivant ». Cette collaboration
militaire leur demandait trop de sacrifices : non seulement
elle plongeait « l’indispensable labour de la terre dans des
difficultés sans fin » mais, comme le registre le démontrait,
« ils n’[étaient] pas peu nombreux ceux qui [avaient] été
tués par l’ennemi39 ». En effet, l’efficacité militaire des
soldats indiens – basée sur l’usage habile des mêmes armes
que l’ennemi et leur connaissance intime du territoire rural
– faisait d’eux les gardiens des portes du Chaco, et les

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premières victimes de la guerre de frontière.

Épilogue
37 Les caciques du Salado défendirent leur exemption du tribut
pour la énième fois – et peut-être la dernière – en 1807.
Quelques années plus tard, la disparition de l’institution des
villages d’indiens et la militarisation massive entraînée par
la révolution indépendantiste modifièrent les termes du
problème. La frontière du Chaco resta un territoire
problématique tout au long du XIXe siècle. Mais la
distinction entre « soldats » et « indiens » s’affaiblit, la
catégorie même d’« indien » étant remise en question40. Il
est certes significatif que deux listes de soldats du Salado, en
1816 et 1817, conservent un sous-ensemble intitulé
« compagnie des indiens » – où figurent les noms des
anciens tributaires de Matará –, mais je pense tout de même
que la collaboration militaire devait dorénavant se définir
en des termes nouveaux41.
38 Selon moi, les processus politiques du XIXe siècle donnèrent
lieu à des changements sociaux significatifs dans la région,
traduits notamment dans les relations entre tributaires et
soldats, ou encore dans l’importance acquise par la
soldatesque indienne. Les premières peuvent être abordées
comme je l’ai fait dans la section précédente, c’est-à-dire
depuis le point de vue des soldats voulant se distinguer des
tributaires. Mais une perspective inverse est également
pertinente. Dans notre exemple introductif, Pedro
Salvatierra soulignait qu’« être considéré comme soldat »
comportait de sérieux inconvénients. Contrairement aux
tributaires – qui au XIXe siècle étaient déjà libérés de
l’emprise des titulaires des encomiendas, et dont les
obligations se limitaient, dans la zone du Río Dulce, à verser
le tribut dû à la Couronne – les soldats ne disposaient pas
d’un accès autonome à la terre. Les dernières mentions des
villages indiens dans les documents laissent penser qu’une
grande part de cette masse flottante de soldats subsistait,
comme Salvatierra, en qualité d’agrégés du village d’indiens,
avec des droits limités et provisoires42. Néanmoins, cette

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« subordination » des soldats permit probablement aux


autorités indiennes de renforcer leur pouvoir, à travers
l’augmentation des ressources disponibles pour la
redistribution, grâce à l’extension de la base
démographique sur laquelle ils exerçaient peut-être une
forme d’influence politique43.
39 Enfin, l’exemption du tribut et la militarisation indienne,
même si cette dernière ne concernait que les villages
frontaliers, eurent sans doute des conséquences du même
ordre. À la veille de la chute de l’ordre colonial, et en raison
de la singularité des rapports de forces au sein des espaces
de frontière, les catégories ethniques connurent une
redéfinition inimaginable seulement quelques décennies
plus tôt. Les soldats indiens devinrent le maillon d’une
chaîne, un intermédiaire culturel entre les « barbares » et le
monde hispanique créole.

Notas
1. Archives générales de la province de Santiago del Estero (AGP),
Tribunales, 16, 1322 (1806).
2. WEBER D., « Borbones y bárbaros, Centro y periferia en la
reformulación de la política de España hacia los indígenas no
sometidos », Anuario IEHS, no 13, 1998, p. 147-171.
3. La province de Jujuy, la plus andine de l’ancien Tucumán, ainsi que
La Rioja, qui comportait une importante population indienne (5200 en
1778, soit la moitié de la population recensée), font également figures
d’exceptions. Cependant, dans le cas de La Rioja, moins d’un cinquième
des natifs (« naturales ») résidait dans les villages d’indiens. La revisita
(opération de recensement) de 1796 recensait seulement onze villages
(dont un seul, Los Sauces, de taille significative), et 1600 tributaires.
4. FARBERMAN J., « Los matrimonios de Soconcho. Endogamia, tierra y
comunidad en tres pueblos de indios de Santiago del Estero,
1750-1809 », Memoria Americana, no 10, Facultad de Filosofía y Letras,
Sección Etnohistoria, Universidad de Buenos Aires, Buenos Aires, 2002,
p. 43-65 ; et FARBERMAN J., « Feudatarios y tributarios a fines del siglo
XVII. La visita de Luján de Vargas a Santiago del Estero (1693) »,
FARBERMAN J. et GIL MONTERO R. (dir.), Pervivencia y
desestructuración de los pueblos de indios del Tucumán colonial,
Universidad Nacional de Quilmes/Universidad Nacional de Jujuy,
2002, p. 59-90.
5. Selon Juan Marchena Fernández, les dépenses militaires

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constituaient le premier poste budgétaire de l’administration coloniale.


Elles incluaient les salaires, la confection des uniformes, la construction
de fortins et d’hôpitaux militaires, les rations de nourriture pour les
troupes de campagne, les pensions et les dépenses administratives. Au
XVIIIe siècle, la croissance de l’armée entraîna une nouvelle
augmentation des dépenses. MARCHENA FERNÁNDEZ J., Oficiales y
soldados en el ejército de América, Sevilla, 1983, p. 27 ; GOYRET J. T.,
« Huestes, milicias y ejército regular », Nueva Historia de la Nación
Argentina. Período Español (1600-1810), vol. 2, Buenos Aires,
Planeta/Academia Nacional de la Historia, 2000, p. 351-382 ; et
MONFERINI J., « La historia militar durante los siglos XVII y XVIII »,
LEVENE R. (dir.), Historia de la Nación Argentina desde los orígenes
hasta la organización definitiva en 1862, vol. 4, chap. 1, 2e partie,
Buenos Aires, Imprenta de la Universidad, 1938, p. 307-436.
6. AGP, Tribunales, 8 (1715).
7. Juan Carlos Garavaglia allait dans ce sens en écrivant, à propos du
Paraguay colonial : « Quand l’on réalise une description des groupes
sociaux, les soldats surgissent – presque comme une catégorie sociale
spécifique – aux côtés des indiens libres et des mulâtres, aux étages
inférieurs de l’échelle sociale. Cela ne doit pas nous étonner, mais
démontre le rôle de l’inégalité sociale dans la guerre. » (GARAVAGLIA J.
C., « Campesinos y soldados : dos siglos en la historia rural del
Paraguay », GARAVAGLIA J. C., Economía, sociedad y regiones, Buenos
Aires, Ediciones de la Flor, 1987, p. 193-260, p. 228) Pour une analyse
du même ordre en ce qui concerne la frontière du Chaco, voir
GARAVAGLIA J. C., « La guerra en el Tucumán colonial : sociedad y
economía en un área de frontera (1660-1760) », Hisla, no 4, Lima, 1986,
p. 21-33.
8. Les « indiens libres » étaient les indiens non assujettis au régime
d’encomienda ni au paiement du tribut.
9. Archives de l’Archevêché de Córdoba, recensements, 20.1. (1805).
10. Archives générales de la nation (AGN), IX-17-2-3 (recensement de
1786) et documents divers, dossier 33 (recensement de 1807).
11. FARBERMAN J., « Feudatarios y tributarios… », op. cit.
12. Dans la région de Santiago del Estero, ces « soldats » ne payaient
pas de tribut, grâce à un accord passé localement. La preuve en est
l’omission dans les registres de l’âge des individus, critère déterminant
pour le tribut. Par ailleurs, j’ai calculé la proportion de ces soldats parmi
les populations ayant fait l’objet des recensements dans la région : en
1786, les soldats représentaient à peine 12 % des hommes mariés
enregistrés (soit soixante-six individus), tandis qu’en 1807 le chiffre
atteignait 20 %.
13. AGP, Tribunales, 4, 217 (1778).

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14. AGP, Tribunales, 12, 977.


15. AGP, Tribunaux, 13 (1754). Procès criminel pour homicide à
l’encontre d’Ignacio Luna.
16. Le droit d’accès aux terres prit ce sens précis avec le passage
progressif des villages d’indiens de la propriété privée à la propriété de
la Couronne, à la fin du XVIIIe siècle.
17. Livre des mariages des naturels d’Atamisqui, 1797-1815. Centro de
Historia Familiar, microfilm 108.2836. Les catégories juridico-
ethniques utilisées par le prêtre sont « indien », « indien libre » et
« mulâtre libre ». Certains des « soldats » enregistrés dans les
recensements d’indiens correspondent à ces deux dernières catégories.
18. Sur ce thème, les meilleures études sont à l’heure actuelle : NESIS F.,
Los grupos abipones hacia mediados del siglo XVIII, Buenos Aires,
Sociedad Argentina de Antropología, 2005 ; et LUCAILOLI C., Los grupos
mocoví en el siglo XVIII, Buenos Aires, Sociedad Argentina de
Antropología, 2005.
19. SAEGER J. S., « Another View of the Mission as a Frontier
Institution: The Guaycuruan Reductions of Santa Fe, 1743-1810 », The
Hispanic American Historical Review, 65: 3, 1985, p. 493-517; WEBER,
op. cit.; et VITAR B., Guerra y misiones en la frontera chaqueña del
Tucumán (1700-1767), Consejo Superior de Investigaciones Científicas,
1997.
20. VITAR B., op. cit., p. 91.
21. Ibid., p. 106.
22. SAEGER J. S., op. cit., p. 513.
23. Par exemple, commentant les aventures d’un de ses frères
ecclésiastiques, Pedro Andreu décrivit dans ces termes la célébration
d’une victoire remportée conjointement avec les Abipons : « Quelques
indiens avaient été appelés, pour accompagner les soldats du Río del
Valle, dans une opération militaire. Et, frère Pedro réalisant qu’ils se
dirigeaient vers la réduction avec les scalps ou les crânes écorchés de
quatre hommes, tués pendant l’opération, leur infligeant des outrages
indignes pour un cœur chrétien, il leur retira ces restes répugnants avec
force. Les indiens s’en plaignirent à tel point qu’il y eut un danger que la
situation tournât à l’émeute. » La scène se répéta à deux reprises avant
que le prêtre ne réussisse finalement à jeter ces « sales étendards » au
feu. (ANDREU P. J., Carta de edificación sobre la vida del V. Siervo de
Dios el P. Pedro Antonio Artigas de la Compañía de Jesús, Misionero
de los indios lules, isistines y tobas en la provincia de Paraguay,
Barcelone, Juan Nadal Impresor, 1762, p. 57)
24. La mita était un mode d’organisation du travail en vigueur sous
l’empire inca, repris par les Espagnols, basé sur la migration saisonnière
des travailleurs (N.D.T.).

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25. Les Ocloyas de Jujuy pendant la décennie 1730, seuls soldats


disponibles de la circonscription, sont un bon exemple de ce
mécanisme. VITAR B., op. cit., p. 145.
26. Ibid., p. 118.
27. Tomás BORREGO, « Carta al Padre Visitador », 1763. Colección Pedro
De Angelis, (microfilms de l’Institut Ravigani, UBA, rouleau 33,
document 51).
28. ABN, EC 3, 1704, « Medidas tomadas por el gobernador del
Tucumán con motivo del retiro del cauce del río Salado a muchas
leguas a consecuencia de lo que se retiraban los pobladores de sus
márgenes al Río Dulce de Santiago del Estero y salieron los indios de
la nación Lule, perseguidos por los mocovíes ». Le document indique
comment, à l’occasion d’événements antérieurs, ces incursions se
transformèrent en entreprises d’« utilité propre » au service des
militaires, faisant ainsi disparaître le « service de Sa Majesté ».
29. La croissance de la population « agrégée » au village d’indiens, sur
laquelle les autorités indiennes conservaient une certaine influence,
ainsi que la généralisation de la figure du mandón, maintenant nommé
parmi la population, contribuaient également au renforcement des
autorités indiennes. Le contexte d’extinction des lignages des anciens
caciques, après les soulèvements de Tupac Amaru, est également
déterminant (FARBERMAN J., « Curacas, mandones, alcaldes y curas,
Legitimidad y coerción en los pueblos de indios de Santiago del Estero,
siglos XVII y XVIII », VI Congreso Internacional de Etnohistoria,
Buenos Aires, 22-25 novembre 2005).
30. GARAVAGLIA J. C., « Campesinos y soldados… », op. cit.
31. FARBERMAN J., Las salamancas de Lorenza. Magia, hechicería y
curanderismo en el Tucumán colonial, Buenos Aires, Siglo XXI, 2005 ;
et FARBERMAN J., « Curacas, mandones, alcaldes y curas… », op. cit.
32. AGP, 1726, Asuntos Generales, dossier 33.
33. Libros capitulares de Santiago del Estero, I, 110 (1730).
34. BORREGO Tomás, op. cit.
35. BOCCARA G., « Antropología diacrónica. Dinámicas culturales,
procesos históricos y poder político », BOCCARA G. et S. GALINDO (dir.),
Lógica Mestiza en América, Temuco, Instituto de Estudios Indígenas,
Universidad de La Frontera, 2000, p. 11-59.
36. Cette exemption du tribut indien en échange de certaines
obligations, ou de l’abandon de certains droits, est mieux connue pour la
période suivant l’indépendance. Gaston Doucet a analysé le cas de
l’abolition du tribut indien en 1811, décision du gouvernement national
dont le principal objectif était d’élargir la conscription militaire (DOUCET
G., « La abolición del tributo indígena en las provincias del Río de la

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Plata. Indagaciones en torno a un tema mal conocido », Revista de


Historia del Derecho, no 21, 1993, p. 133-207). Sur la période
postérieure, en ce qui concerne la Puna de Jujuy, voir l’article de Raquel
Gil Montero, et son récit sur le rétablissement du tribut en échange de
l’exemption des obligations militaires : GIL MONTERO R., « Guerras,
hombres y ganados en la puna de Jujuy. Comienzos del siglo XIX »,
Boletín del Instituto de Historia Argentina y Americana “Dr Emilio
Ravignani”, no 25, 2002, p. 9-36. En ce qui concerne Jujuy et Salta sous
Rosas, voir l’article de David Bushnell : « The Indian Policy of Jujuy
Province. 1835-1853 », The Americas, 55 : 4, 1999, p. 579-600.
37. Face à la demande des alcaldes qui exigeaient le paiement du tribut,
considérant que les indiens de Matará et Yuquiliguala avaient « des
campagnes si naturellement fertiles que peu de travail est nécessaire
pour qu’elles leur fournissent des moyens abondants, non seulement
pour subvenir à leurs besoins immédiats et de développement, mais
également pour verser le modeste droit royal de tribut s’élevant à cinq
pesos l’an », les caciques formulèrent un recours où ils déclaraient
qu’« en tant que frontaliers du Chaco […] parfois ils [avaient] besoin de
prendre les armes pour défendre leurs propres terres » (AGP, AG, 9,
319, 1789). Malgré leur escorte de cent cinquante soldats, les alcaldes ne
purent arriver à leurs fins. Les Actes Municipaux de cette année narrent
également le soulèvement et l’émeute des indiens tributaires du village
de Matará « contre Notre Alcalde de Premier Vote au seul motif qu’il
venait leur faire payer le Royal Tribut » (Actas Capitulares, IV, p. 320).
38. AGN, documents divers, dossier 33. Vingt-six tributaires du Salado
avaient été incarcérés de manière préventive pour irrégularité fiscale.
39. AGN, documents divers, 33, 303 et 303 (5e).
40. Dans la période suivant la révolution, les villages d’indiens et la
plupart de leurs habitants disparaissent des documents. La perte de la
terre communautaire contribua sans doute fortement à la dispersion des
anciennes familles tributaires. Le curé de Matará semble confirmer cette
hypothèse, déclarant en 1819 que « presque tous [les habitants de sa
paroisse] [étaient] des indiens des villages de Matará et de Mopa, ainsi
que quelques habitants créoles, au total moins de huit personnes ».
Cette même année, les terres des villages furent mises en vente, ce qui
donna lieu aux prédictions, amères mais intéressées, de l’ecclésiastique :
« En raison de la vente des villages, j’observe qu’ils ne veulent pas se
soumettre à l’acheteur, quel qu’il soit, en tant que locataire, et donc
qu’ils feraient mieux de s’installer ailleurs » (AGN X. 5-10-4).
41. AGP, AG, dossier 7, 409 et 408 (1816 et 1817, respectivement).
42. Deux actes du conseil municipal (cabildo) du début de la période
d’indépendance peuvent éclairer cette situation. En 1813, par exemple, il
proposa d’« essayer de faire payer les agrégés des villages d’indiens
tributaires ». Actas Capitulares de Santiago del Estero, VI, Buenos

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Aires, Kraft, 1941, 419. En 1816, la décision fut renouvelée, disposant


« que les onze villages d’indiens nommés, qui aujourd’hui
[appartenaient] à cette ville ou à l’État […] soient loués chaque année au
plus offrant […], et dans le cas où personne ne serait intéressé, que soit
prélevé l’équivalent du loyer aux individus y résidant et la cultivant,
sous réserve de ne pensionner les indiens en aucun cas et sous aucun
prétexte ». Le statut de ces individus se différenciait assez peu de celui
de ceux qui, également agrégés aux unités domestiques paysannes,
continuèrent à exister tout au long du XIXe siècle et même plus tard : il
s’agissait d’individus ou de familles qui accédaient à la terre en échange
d’un loyer, en travail ou en nature.
43. FARBERMAN J., « Curacas, mandones, alcaldes y curas… », op. cit.

Autor

Judith Farberman
Historienne, enseignant
chercheur à l’université nationale
de Quilmes et au CONICET
(Argentine).
© Presses universitaires de Rennes, 2011

Condiciones de uso: http://www.openedition.org/6540

Referencia electrónica del capítulo


FARBERMAN, Judith. Les chemins du métissage : tributaires, soldats,
indiens libres et païens de la frontière du Chaco (1700-1800) In: Les
Indiens des frontières coloniales: Amérique australe, XVI e siècle-temps
présent [en línea]. Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011
(generado el 05 juin 2020). Disponible en Internet:
<http://books.openedition.org/pur/110091>. ISBN: 9782753568099.
DOI: https://doi.org/10.4000/books.pur.110091.

Referencia electrónica del libro


CAPDEVILA, Luc (dir.) ; OBREGÓN ITURRA, Jimena Paz (dir.) ; y
RICHARD, Nicolas (dir.). Les Indiens des frontières coloniales:
Amérique australe, XVIe siècle-temps présent. Nueva edición [en línea].
Rennes: Presses universitaires de Rennes, 2011 (generado el 05 juin
2020). Disponible en Internet: <http://books.openedition.org
/pur/110043>. ISBN: 9782753568099. DOI: https://doi.org/10.4000
/books.pur.110043.

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