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8/4/2020 Les Indiens des frontières coloniales - La raya de los pulares 

: institution d’une frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630) - Pre…

Presses
universitaires
de Rennes
Les Indiens des frontières coloniales | Luc Capdevila,
Jimena Paz Obregón Iturra, Nicolas Richard

La raya de los
pulares : institution
d’une frontière
indienne coloniale
au sein du Valle
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Calchaquí (1582-
1630)
Christophe Giudicelli
p. 27-57

Texte intégral
1 Les hautes vallées andines de l’ancienne province espagnole du
Tucumán perdue aux confins méridionaux de la vice-royauté
du Pérou ont longtemps constitué ce que l’on appelait à
l’époque coloniale une « frontière », c’est-à-dire une zone dans
laquelle les indiens qui y vivaient parvenaient à échapper à la
sphère de domination de la couronne, et conservaient leur
autonomie politique. Pendant près de cent trente ans, les
indiens du corridor interandin partagé aujourd’hui entre les
provinces argentines de Salta, Tucumán et Catamarca
s’opposèrent avec succès à l’installation des colons espagnols,
constituant une enclave insoumise particulièrement résistante,
que seules les campagnes de déportation massives orchestrées
entre 1659 et 1667 parvinrent à réduire définitivement. Cette
enclave est passée à l’histoire sous le nom de Valle de
Calchaquí1. Une nuance doit cependant être apportée à cette
présentation  : une partie de cette région avait déjà basculé
dans l’obéissance coloniale, poussant nos sources – auteures
en dernière instance de la géographie de contrôle – à l’exclure
progressivement de cette zone grise où les dispositifs de
domination restaient sans effet.
2 L’objet de ce travail est précisément de revenir sur l’émergence
progressive dans le discours historique d’une frontière
physiquement marquée et politiquement signifiante, qui aurait
isolé un ensemble de villages indiens vivant dans la partie la
plus septentrionale du Valle de Calchaquí dès la seconde
moitié du XVIe siècle  : la raya de los Pulares. Cette ligne de
démarcation singulariserait en effet une catégorie d’indiens,
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les «  Pulares  », dotés dans le corpus colonial et la tradition


académique à la fois d’un territoire et d’une qualité propres,
qui les distingueraient de leurs voisins encore compris sous
l’appellation générique de «  Calchaquíes  »  : leur plus grande
docilité envers les colons, reconnaissable à l’épithète parfois
accolée à leur nom de domésticos, épithète couramment
employée à cette époque pour désigner les indiens soumis et
intégrés aux structures coloniales.
3 La question qui se pose à propos de l’apparition de cette ligne
de fracture est celle de ses fondements  : le changement
d’attitude des indiens pulares vis-à-vis du pouvoir colonial
révèle-t-il une césure beaucoup plus ancienne entre deux
«  groupes ethniques  » déjà opposés auparavant, notamment
dans leurs rapports avec une autorité antérieure – celle des
Incas – ou doit-il être avant tout mis sur le compte de la
nouvelle donne géopolitique induite par la pression coloniale ?
4 Cette émergence est parfaitement datable, au moins pour ce
qui concerne la période coloniale : elle se situe entre la fin du
XVIe siècle et les deux premières décennies du suivant. Durant
cette période, ces Pulares reçoivent peu à peu dans la
documentation un traitement différent de celui de leurs voisins
qui conservent quant à eux le qualificatif générique de
«  calchaquís  » et «  diaguitas  », véritables marqueurs
d’infidélité. Rompant avec l’affrontement permanent qui
présidait à leurs relations avec les conquistadores du Tucumán
depuis les premières années de la conquête du Tucumán, ces
Pulares finissent par être intégrés dans la sphère de
domination, se plient aux diverses prestations qui sont exigées
d’eux (notamment économiques et militaires), et adoptent un
mode de vie et une apparence conformes aux règles édictées
par leurs nouveaux maîtres.
5 Il ne fait guère de doute que l’adoption de cette attitude plus
conciliante de la part de ces indiens s’explique en premier lieu
par leur plus grande exposition à la pression coloniale et que
leur séparation dans la documentation, matérialisée par le
tracé d’une ligne de frontière interne au Valle de Calchaquí, est
d’abord le reflet de leur changement de rôle dans l’économie

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de surveillance du Tucumán. Nous reviendrons brièvement sur


la chronologie et les circonstances de cette séparation
intimement liées à l’installation d’un fort noyau de peuplement
espagnol autour de la ville de Salta dans les années 1580, et au
renforcement des dispositifs de conquête qui s’en est suivi
dans la première moitié du XVIIe siècle.
6 Or si cette explication est généralement admise, on constate
qu’elle est souvent remisée au second plan, comme le dernier
avatar d’une position plus ancienne qui expliquerait le « choix
de la compromission  » fait par ces indiens. Ce débat se
branche lui-même sur la question de la modélisation
historique des relations entre groupes indiens dans la dernière
période préhispanique, et en particulier sur celle de la
reconstitution des modalités de domination de l’État inca à la
veille de la conquête espagnole et de la désarticulation du
Tawantinsuyu, période qui fait elle-même l’objet de grandes
spéculations. Il s’agirait donc de savoir si ce choix de la
compromission – si tant est qu’il y ait eu choix – fait par les
Pulares ne serait pas la répétition d’une stratégie antérieure de
négociation et de collaboration avec le pouvoir inca, qui leur
aurait permis de jouir d’un statut privilégié au sein de la
province de Chicoana dont ils sont réputés avoir été les
habitants. Cela supposerait une remarquable permanence dans
la capacité de décision politique de ces Pulares, considérés dès
lors nécessairement comme une entité plus ou moins
homogène, capacité qui n’aurait pas été fondamentalement
altérée par les conséquences de la conquête, ce qui ne va pas
sans poser quelque problème.
7 On l’aura compris, à travers la remise en perspective de cette
séparation Pulares/Calchaquí, nous aimerions poser la
question de la détermination des données ethnographiques
coloniales de l’ancien Tucumán par un impératif
méthodologique qui semble subsumer tous les autres  : la
reconstruction de la présence et de l’organisation de l’empire
inca dans la région, véritable point de fuite de toute étude sur
le passé indien de la région.

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8 Nous commencerons par un rappel chronologique en deux


temps. Nous dresserons d’abord un bref état des lieux de cette
lointaine région perdue au sud du Pérou au moment des
premières expéditions de conquête des années 1540. Cela nous
permettra notamment de faire le point sur la perception de
cette lointaine marge du Tawantinsuyu par des conquistadores
formés à la réalité péruvienne. Nous poursuivrons cet état des
lieux par un aperçu chronologique de l’installation progressive
des dispositifs de domination coloniale sur les populations
indiennes, et en particulier la mise en place d’une classification
mouvante des différents groupes du Valle Calchaquí,
intimement liée aux impératifs de surveillance et de mise au
travail des indiens concernés. Disons-le d’emblée, c’est à notre
avis ce processus qui aboutit à la création de la catégorie des
domésticos pulares, à la création d’une frontière à la fois
concrète et symbolique entre eux et les habitants des villages
encore appelés Calchaquíes.
9 Dans un second temps, nous suivrons l’émergence au sein des
études archéologiques et ethnohistoriques d’une «  culture  »
pular distincte. Nous privilégierons deux moments  : le stade
fondateur des premières recherches archéologiques dans la
région, qui dotent la césure coloniale d’un statut scientifique,
avant de nous intéresser aux reconstitutions plus récentes,
menées depuis les disciplines complémentaires de
l’ethnohistoire et l’archéologie. On verra que ces
reconstitutions, prises le plus souvent sous l’ombre portée de
l’expansion inca, accréditent en général la thèse d’une
différence ethnique nette, et tendent à sous-estimer les
conséquences de la situation coloniale.

Conquête et colonisation des hautes vallées


andines du Tucumán

Premiers témoignages sur la conquête inca


10 Les premiers témoignages espagnols dont on dispose sur cette
région proviennent des participants à l’expédition de conquête
du Tucumán, dirigée par Diego de Rojas, Felipe Gutiérrez et
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Nicolás de Heredia, qui séjourna sur place entre 1543 et 1546.


Les seuls témoignages directs qui nous soient parvenus sont
contenus dans l’información de servicios de Pedro González de
Prado, un des rares personnages de quelque renom qui ait
survécu à l’expédition et n’ait pas été taillé en pièces par
Francisco de Carvajal, le bras droit de Gonzalo Pizarro, à son
retour au Pérou en pleine guerre civile. Toutes les autres
informations sont contenues dans les chroniques de Cieza de
León (1554), Diego Fernández « El Palentino » (15712) et Pedro
Gutiérrez de Santa Clara (16033). En dépit de leur manque de
détails sur le monde indien ces informations sont néanmoins
de toute première importance pour plusieurs raisons. En
premier lieu parce qu’elles nous donnent un aperçu de la
région et de ses habitants avant la conquête espagnole, et en
second lieu parce que cet aperçu est orienté par l’expérience
péruvienne de ces conquistadores (ils viennent tous du Pérou
et ont tous, à des degrés divers, participé à la conquête du
Tawantinsuyu). Leur description du Tucumán et en particulier
de ses habitants originaux est de ce fait clairement informée,
modelée, par un arrière-fond incaïque. C’est donc logiquement
qu’ils reconnaissent tel ou tel trait culturel ou qu’ils identifient
un chemin inca (camino del inca) dans le Valle Calchaquí, par
exemple. Concernant plus précisément ce dernier endroit,
l’ensemble des témoins rapporte l’existence de «  provinces  »,
dont plusieurs qui correspondaient sans doute à des
subdivisions ou wamani du district impérial du Tucumán4 : la
province de Chicoana et celle de Quire-Quire  ; une troisième,
Tucuma proprement dit, étant située à l’est des Andes du
Tucumán, c’est-à-dire à la lisière de la plaine tucumano-
santiaguègne. Naturellement, la mention ponctuelle de ces
« provinces » a suscité beaucoup plus d’interrogations que de
certitudes, et leur délimitation exacte constitue toujours un
morceau de choix pour les archéologues5. On s’accorde
cependant à considérer que la province de Chicoana, qui va
nous intéresser de plus près ici, commençait dans la partie
nord du Valle Calchaquí et s’étendait vers le nord jusqu’à
Talina, dans l’extrême sud de l’actuelle Bolivie. Elle était

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limitrophe vers le sud de l’autre «  province  » inca de cette


région inter-andine, Quire-Quire (ou Quiri Quiri) qui
s’étendait pour sa part sur le reste du corridor interandin
formé par les vallées des río Calchaquí et Santa María,
jusqu’aux vallées de Hualfín et (peut-être) d’Abaucán, dans
l’actuelle province argentine de Catamarca, ainsi que sur
certaines zones des versants orientaux de l’Aconquija6. Les
infrastructures mises au jour par plus d’un siècle de fouilles
archéologiques ne laissent aucun doute quant à la pénétration
inca sur ce territoire, même si de sérieuses interrogations
subsistent quant à l’emplacement des capitales de ces
provinces – en particulier celle de Quire-Quire7 –, et si leurs
limites exactes sont toujours sujettes à caution. Les premiers
témoignages espagnols sont d’ailleurs assez confus sur le
sujet  : Chicoana est ainsi tout à la fois une province
(provincia), une ville et une vallée (valle). Quant à Quire-
Quire, les choses ne sont guère plus claires  : Cieza de León
évoque ainsi un pueblo que ha por nombre Quirequire que es
en el cabode la provincia e valle de Chiquana8. Enfin, la
description des indiens rencontrés dans ce qui ne s’appelle pas
encore le Valle de Calchaquí laisse quelque peu perplexe dans
la mesure où aucun des témoins ne les rapproche
véritablement des Incas. Les «  seigneurs  » rencontrés
semblent notamment ne pas partager grand-chose aux yeux
des Espagnols avec les orejones de Cuzco. Cieza rapporte
notamment une rencontre entre Diego de Rojas et un seigneur
et/ou cacique (il emploie indistinctement les deux termes) de
Capayán, et une seconde entre Nicolás de Heredia et un
cacique diaguita appelé Lindo dans lesquelles on aurait du mal
à reconnaître le moindre trait péruvien9.
11 Le cas de Chicoana est particulièrement mystérieux si l’on
considère que les troupes de Rojas et celles d’Heredia
séjournèrent longtemps et à plusieurs reprises à proximité de
la ville de Chicoana10, considérée comme la capitale de la
province (et généralement identifiée par les archéologues
comme le site de La Paya, à quelques kilomètres au sud de la
ville actuelle de Cachi11). Pour mémoire, et contrairement à

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d’autres endroits comme les environs de la future Santiago del


Estero, à aucun moment il n’est fait mention des aptitudes
quechuistes de ses habitants, alors que les conquistadores
«  péruviens  » ne manquent jamais de le signaler. De même,
contrairement aux indiens de la «  province de Tucuma  », au
sujet desquels Cieza précise que fueron señoreados por los
incas, il n’est d’ailleurs pas non plus fait mention ici d’un
quelconque lien avec les seigneurs de Cuzco. González de
Prado est on ne peut plus expéditif lorsqu’il évoque los indios
de Chicoana, indios de guerra12. On ne peut naturellement se
limiter à constater le silence de ces premières sources – dont
nous venons de souligner le caractère extrêmement parcellaire
– pour affirmer l’absence de tout lien avec le pouvoir
cuzquénien. D’autres sources et d’autres éléments, notamment
archéologiques, confirment sans l’ombre d’un doute une
présence impériale dans cette partie septentrionale de la
vallée. On s’étonnera tout de même qu’aucun trait culturel
impérial n’ait été relevé lors du passage de ces troupes
espagnoles, alors qu’il semble que quelques années auparavant
Diego de Almagro, en route pour le Chili et accompagné par le
frère de l’Inca Manco Paullu, avait pu bénéficier d’un accueil
favorable en plusieurs endroits de l’actuelle région andine du
nord-ouest argentin13. Même si l’on peut avancer l’hypothèse
d’une décomposition des structures impériales consécutives à
la déroute de l’Inca et au chaos qui a suivi les premières années
de la conquête espagnole, cette absence reste frappante.
12 On avancera une série de conclusions prudentes à partir de la
relecture de ces premières chroniques :
13 Premièrement, si l’implantation inca semble indéniable, au vu
notamment des infrastructures, et notamment des réseaux de
communication, les premiers témoignages de conquistadores
pourtant rompus à la réalité «  péruvienne  » laissent perplexe
quant à la présence d’une autorité représentant l’Inca. Les
señores locaux mis en scène dans les premières chroniques ne
partagent quasiment aucun trait avec leurs homologues de
l’Altiplano.

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14 Deuxièmement, leur passage et leur séjour à Chicoana,


notamment, ne semble pas avoir éveillé chez ces
conquistadores «  péruviens  » de nettes réminiscences incas,
contrairement à d’autres régions visitées dans ces premières
années de conquête des terres australes : les témoignages cités
par Cieza consignent explicitement un lien avec les Incas pour
la «  province  » de Tucuma, et on pourrait citer d’autres cas  :
Gerónimo de Vivar, par exemple, souligne également ce lien
chez les habitants de la province de Cuyo, dans sa chronique
écrite en 1558 qui relate la traversée de la région par Francisco
de Villagrá et ses hommes, en route vers le Chili14. Il s’agit là
d’un élément important pour notre enquête, puisque ces
habitants du Valle de Chicoana ont toujours été identifiés aux
Pulares dans les sources postérieures.
15 Mais n’allons pas trop vite : avant l’extrême fin du XIXe siècle,
la question de la conquête inca de la région et, plus encore, de
l’influence «  culturelle  » et politique de la domination
cuzquénienne sur le comportement différencié des groupes
indiens de la région ne fait pas véritablement débat.
Concernant plus directement les Pulares, elle n’est même
pratiquement jamais évoquée.

Des pulares indios de guerra aux domésticos pulares


16 Pour bien situer le débat, nous allons maintenant retracer à
grands traits l’émergence d’une ligne de séparation qui
débouche sur une catégorie pular nettement différenciée dans
la documentation de l’époque. Nous nous limiterons à
ébaucher la trame chronologique d’un processus qui part de la
dénomination d’un groupe particulier d’indiens de guerre et
débouche sur l’émergence d’une catégorie coloniale d’indiens
«  amis  ». Il s’agit en d’autres termes de suivre le
retranchement progressif des Pulares d’un ensemble marqué
du sceau de la désobéissance en raison de son opiniâtre et
violente résistance à la colonisation effective de ces terres  :
l’ensemble Calchaquí15. Cette séparation des Pulares de
l’ensemble calchaquí se fait en trois temps.

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Les débuts de la conquête du Tucumán : 1543-début


XVIIe siècle
17 Dans les premières décennies de conquête et de colonisation
de la région, les Pulares font partie aux yeux des Espagnols des
indiens de guerre de la région des vallées interandines du
Tucumán destinés à être soumis et distribués en encomienda
aux conquistadores, et sont compris sous l’appellation
générique de Diaguitas, par opposition aux Juríes des terres
basses de l’est des montagnes. Pour être plus précis, ils sont les
indiens «  de guerre  » du Valle de Chicoana, et comptent
d’ailleurs parmi les premiers cités dans un titre d’encomienda
distribué dès 155216 par le gouverneur Nuñez de Prado depuis
l’éphémère ville de Barco II, située à l’intérieur du Valle
Calchaquí17. À partir du soulèvement attribué par les autorités
espagnoles à Juan Calchaquí, cacique de Tolombón, ils sont
compris sous la catégorie de calchaquíes, et leurs terres sont
considérées comme partie intégrante du «  Valle de
Calchaquí  ». Juan de Matienzo, oídor de l’Audience de
Charcas, dont dépendait la province de Tucumán, confirme
cela sans aucune ambiguïté dans un document datant de 1566.
Dans ce dernier, une lettre adressée au Roi dans laquelle il
plaidait pour l’ouverture d’une voie de communication entre le
Haut Pérou et le Río de la Plata, il inclut clairement la zone
située entre « el puerto que se pasa para entrar en el Valle de
Calchaquí18  » et Chicuana, pueblo de Calchaquí, dans
l’ensemble Calchaquí19. Les indiens de cette région participent
d’ailleurs à toutes les actions de guerre contre les tentatives de
colonisation du Valle Calchaquí par les Espagnols, dont la
destruction de Córdoba de Calchaquí en 1562 et celle des deux
fondations avortées de San Clemente de la Nueva Sevilla en
1577. Ils sont vraisemblablement ceux qui pourchassent les
survivants de Córdoba en los llanos de Salta20 en 1562, et ceux
qui font échouer lamentablement la seconde tentative du
gouverneur Gonzalo de Abréu de refonder San Clemente dans
cette même vallée en 1577 peu de temps après avoir été délogé
manu militari des environs de la première Córdoba, qu’on

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s’accorde généralement à situer dans les environs de l’actuel


village de San Carlos21.
18 C’est également en tant que Calchaquíes qu’ils subissent de
plein fouet les conséquences de la première grande campagne
de pacification, organisée en 1588 par le gouverneur Ramírez
de Velazco pour consolider la ville de Salta, refondée en 1582
par son prédécesseur, Hernando de Lerma22, mais qui était
restée sans effet véritable, les quelques pobladores y résidant
n’étant pas en mesure de soumettre les indiens locaux, à de
rares exceptions près23. Dans une lettre au vice-roi du Pérou
d’avril 1587, Ramírez de Velasco regrettait en effet que
« aunque a cinco años que se pobló [esta ciudad de Salta] no
le sirve yndio24 », une situation qui durait depuis la fondation
de la ville25  ; pour remédier à cet état de fait, le gouverneur
entreprend une expédition de conquête de plusieurs mois à
partir de cette même ville, qui se solde par plusieurs prises
d’esclaves et une «  pacification  » au moins provisoire. Pour
Ramírez de Velasco et l’ensemble des instances coloniales, il ne
fait aucun doute que les Pulares font partie de l’espace
calchaquí, et que leurs terres sont incluses dans le Valle de
Calchaquí, dont elles constituent la porte d’entrée. Sa
campagne commence par là  : «  Entré en este valle […] a los
quatro [de abril] por indios chicoanas, ques el principio deste
valle » et la pacification s’achève également au même endroit :
« Bolberé el valle arriba a confirmar az y poniendo cauze en
todos los asientos y pueblos y tornaré a salir por los
chicoanas y pulares26. »
19 C’est à partir de ce moment, du renforcement de la ville de
Salta comme noyau de peuplement, que leur traitement dans
la documentation espagnole s’infléchit insensiblement. On
commence à souligner une différenciation dans leur
comportement social et politique  : contrairement aux autres
indiens du Valle Calchaquí, ils remplissent leurs obligations
vis-à-vis de leurs encomenderos, tous vecinos de la ville de
Salta, ils se rendent à leurs tours de mita et acceptent la visite
des missionnaires. Les documents relatifs aux encomiendas
(titres, renouvellement) et les rapports de missionnaires

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(Cartas Anuas) sont d’ailleurs pour beaucoup dans la


matérialisation de cette différence dans le discours colonial.

Deuxième époque : des premières années du XVIIe


siècle au soulèvement de 1630
20 C’est lors de cette période de transition, que l’on peut faire
courir des premières années du XVIIe siècle jusqu’au début de
ce qu’il est convenu d’appeler le «  grand soulèvement  » des
années 1630-1640 que s’imprime avec le plus de force la
marque du pouvoir colonial sur les populations pulares.
Symptomatiquement, la partie de la vallée du río Calchaquí où
se situent leurs villages est désormais retranchée du Valle
Calchaquí. Alors que jusqu’à présent, comme nous venons de
le voir, on y entrait en venant de Salta por Pulares y
Chicoana27, l’entrée se fait désormais après les villages pulares.
C’est ainsi qu’en 1622, los de sa visite dans ces vallées, l’évêque
du Tucumán peut décrire son chemin depuis Salta, indiquant
qu’il le poursuit « por los pueblos de los yndios pulares y
chiquanas hasta entrar como entró en este dicho valle de
Calchaquí28 ».
21 Et pourtant, le chemin est toujours le même : de Salta, le bon
évêque emprunte la même quebrada de Escoipe par laquelle
était passé Ramírez de Velasco en 1588. Ce retranchement du
territoire occupé par les indiens pulares de l’espace de barbarie
et d’insoumission propre aux Calchaquíes à la même époque
en dit long sur la profondeur des transformations qu’ils ont
subies et qui les font apparaître systématiquement comme
l’exemple des progrès de la foi et de la policía cristiana. Dans
la littérature missionnaire notamment, ils sont
systématiquement cités en contrepoint de leurs voisins encore
calchaquíes, marqués du sceau de la barbarie, de l’apostasie et
de la fureur sylvestre. Ces transformations affectent l’ensemble
de leur existence.
22 On insiste tout d’abord sur leur changement d’apparence. Ils
portent tous les stigmates de l’intégration coloniale  : dès les
toutes premières années du XVIIe siècle, on sait grâce aux
écrits des missionnaires jésuites qu’ils ont adopté l’apparence
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« standard » des « indiens du Pérou » (vêtements et coupe de


cheveu en particulier29). Dans la géographie missionnaire, dont
on connaît la dimension symbolique et exemplariste, les
Pulares occupent donc le pôle positif, et ce dès les premiers pas
de la Compagnie de Jésus dans les vallées interandines. Il est
vrai qu’ils y sont arrivés tard, alors que les colons et
encomenderos de Salta étaient déjà solidement installés. Leur
vision axiologique des sociétés indiennes est donc fortement
tributaire des transformations déjà effectuées30.
23 Second point, déjà évoqué  : contrairement aux autres indiens
du Valle Calchaquí, qui sont en théorie soumis aux mêmes
obligations qu’eux mais ne les remplissent pour ainsi dire
jamais, ils se plient aux exigences des deux principales
modalités de travail forcé qui touchaient les indiens du
Tucumán  : mita et encomienda. Une lettre du Père Diego de
Torres, incluse dans la Carta Anua de 1609 soulignait déjà
comme corrolaire à la bonne disposition de ces Pulares qu’ils
remplissaient leurs devoirs coloniaux  : «  Habrá treinta años
que salen algunos indios varones a servir a las ciudades de
San Miguel y de Salta31. »
24 Vingt ans plus tard, le rapport du gouverneur Felipe de
Albornoz ne laisse aucun doute sur le sujet, et souligne on ne
peut plus clairement qu’il s’agit là d’un trait qui les sépare de
leurs voisins :
« La ciudad de Lerma del valle de Saltatiene por partidos el
de los guachipas chicuanas, pulares y calchaqui en estas
ciudades son gruesas las encomiendas y pueblos de los indios
porque los ay de a ciento y doscientos mas hase de advertir
que los mas de los indios del dicho valle de calchaqui no estan
subjetos ni pagan tributo y aunque entran algunas veces los
españoles es con prevención de yr armados y haciéndose
escolta y en junta de veinte o más, excepto a los primeros
pueblos que esos acuden a la subjeción y cargas y obligación
que tienen por ordenanzas32. »

25 Enfin, et il s’agit là d’un point capital qui mériterait d’être


approfondi, contrairement à leurs voisins, ces indiens ont été
regroupés dans des villages de réduction disposés par les

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Espagnols  : l’auteur de la Carta Anua de 1632-1634 parle on


ne peut plus explicitement de reducciones o pueblos de indios
amigos33, tandis que d’autres documents laissent clairement
entendre que les villages de ces indiens sont des villages de
réduction. C’est notamment le cas de la reducción de San
Cristóbal de los Pulares, boca de la quebrada de Escoipe34,
mentionnée en ces termes en 1670, mais dont nous savons
qu’elle avait déjà la physionomie d’un village de réduction au
moins au début des années 163035. Il n’est d’ailleurs pas
impossible que ces indiens aient été installés à cet endroit bien
avant, puisqu’un document de 1586 nous indique que des
indiens pulares vont s’établir – ou retourner – s’installer à cet
endroit avec la bénédiction de Bartolomé Valero, qui cumule
pour l’occasion sa qualité d’encomendero, ce qui suppose un
lien direct de domination sur ces indiens, et celui de teniente
de gobernador et justicia mayor, qui lui permet de leur
attribuer une merced de tierra… dont il sera le premier
bénéficiaire36. Il serait intéressant d’obtenir des
renseignements complémentaires sur ces villages durant la
période qui nous occupe, pour parvenir à une datation plus
exacte du processus de «  réduction  » de ces indiens.
Malheureusement, en l’état actuel de la documentation, on
devra s’en tenir à cette présentation parcellaire. Tout au moins
sait-on que les deux principales encomiendas «  primitives  »
des indiens pulares, celle de Bartolomé Valero déjà évoquée et
celle d’Hernando Arias Velázquez (qui comprenait les indiens
atapsis, chicoanas et payogastas, tous établis au cœur du Valle
de Calchaquí, vraisemblablement dans les villages du même
nom37) ont donné lieu au moins en partie à un aménagement
colonial de l’espace de vie de ces indiens. Cette modification
profonde de la nature des villages pulares expliquerait
d’ailleurs en partie pourquoi on cesse progressivement dans la
documentation de les inclure dans l’espace calchaquí, et
pourquoi une frontière réelle vient matérialiser la rupture
symbolique opérée par leur soumission et leur intégration
dans les dispositifs coloniaux.

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El « gran alzamiento38 » et le point de non-retour


26 Le point de non-retour est atteint à la fin 1630 avec le
déclenchement d’une nouvelle période de guerre ouverte. Les
Pulares combattent contre leurs voisins dans les troupes
espagnoles en tant qu’indiens amis. Tout commence avec
l’attaque par un fort contingent d’indiens de l’hacienda d’un
encomendero du nom de Juan Ortiz de Urbina située à
l’intérieur du Valle de Calchaquí, dans un endroit appelé Acsibi
(ou Accibil). Cette attaque se solde par la mort de
l’encomendero, de son beau-frère, de leurs femmes, du fils du
premier et ainsi que par l’enlèvement de quatre jeunes filles et
la mort d’un certain nombre d’indiens de service39. Un moulin
appartenant à un autre puissant encomendero de Salta, Juan
de Abréu, fils de l’ancien gouverneur Gonzalo de Abréu, est
également mis à sac et détruit dans la foulée40. Une expédition
punitive est aussitôt lancée depuis Salta pour reprendre les
quatre jeunes filles. C’est là que se produit la rupture
irrémédiable  : la troupe qui mène une dure répression contre
les assaillants est renforcée pas des auxiliaires recrutés dans
les villages pulares, ce qui déclenche une série de représailles
terribles, ainsi que le décrit très clairement le gouverneur
Felipe de Albornoz :
« Porque en esta facción y pelea fueron los nuestros ayudados
de algunos yndios amigos, mataron sesenta y quatro piezas
de cierta parcialidad dellos llamados de atapsi41. »

27 D’autres attaques suivent, contre les autres villages ou


réductions pulares :
« [El enemigo] dio una mañana a quatro leguas de donde yo
iva marchando en un lugar que se llama Escoype, donde
rrobó quanto en él había matando diez y ocho personas y
llevandose más de treinta piezas cautivas quemando la casa
del doctrinante y la yglesia y gran cantidad de arinas que
estaba allí encostalada y recogida para el sustento del
campo42. »

28 La situation des alliés du gouverneur devient assez rapidement


intenable, et oblige les autorités à les protéger, dans un

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premier temps par une garnison garantissant leurs villages du


nord du Valle de Calchaquí contre de nouveaux raids :
« Y esto mismo hubieran hecho en los pueblos de los pulares y
chicoanas, como hicieron en los de escoype y atapsi, a no
haver prevenido el remedio con presidio de quarenta
españoles que puse en los chicoanas luego que llegué a Salta
para seguro y amparo de los indios amigos43. »

29 Cependant, devant l’impossibilité de contenir la fureur des


voisins et parents calchaquíes44 de ces Pulares, le gouverneur
Albornoz se voit très vite dans l’obligation de procéder au
déplacement temporaire de l’ensemble de la population des
villages de ces indiens amis, qui sont provisoirement installés
en dehors du Valle Calchaquí, dans une réduction établie à
cinq lieues de Salta45 :
«  Se recogieron los pueblos porlares, chicuanas y otros en
número de ochocientos que con sus familias se salieron
huyendo del dicho Valle y se vinieron a poblar al valle de
Salta46. »

30 Ces réfugiés durent rester plusieurs années dans ce sitio de los


Pulares47 avant de pouvoir regagner leur village et reprendre
un contact qu’on imagine peu cordial avec leurs voisins
calchaquíes, durement éprouvés par les campagnes militaires
successives menées contre eux. Il resterait à comprendre la
raison des – relatifs – égards pris par le gouverneur et les
autorités locales vis-à-vis des Pulares, que l’on protège, et à qui
l’on accorde un traitement de faveur, puisqu’ils sont exemptés
de tout tribut le temps que dureront les opérations militaires :
«  Despaché luego órdenes para su buen tratamiento, y
haciendo un fuerte donde asisiesen veinte españoles con su
cabo para su mayor guarda y defensa, y encargando mucho
al sargento don Pedro de Abrego, teniente de la dicha ciudad,
que mirase por ellos sin consentir ni dar lugar a que se les
hiciesse agravio ninguno, y relevándolos de tasa durante la
guerra48. »

31 Une exemption fiscale confirmée par au moins deux


documents de justice implique deux encomenderos de ces

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indiens amis. Tout d’abord Andrés de Frías y Sandoval, qui


venait de recevoir en encomienda une partie des Pulares
réduits dans les environs immédiats de Salta49. Un cadeau
empoisonné, de son point de vue, puisque cela le met en porte-
à-faux vis-à-vis de l’administration, qui lui reproche de ne pas
payer l’impôt qu’il doit sur cette encomienda. Il se défend,
arguant que «  no debe pagar ni satisfacer respecto de haber
estado y estar los dichos indios y todos los demás de aquel
distrito ocupados en la guerra contra el Valle de Calchaquí,
aviéndose venido voluntariamente de sus tierras, como tan
leales a la amistad y servicio de los españoles50 ».
32 Le second document concerne une plainte déposée contre
Francisco Arias Velázquez par le cacique principal de Cachi, un
village pular dépendant d’un autre encomendero, Juan
Silverio del Sueldo. Don Felipe Lame, le cacique en question,
en appelle en effet au protecteur des indiens (protector de
naturales) de Salta contre Francisco Arias Velázquez au motif
que celui-ci les a forcés à travailler en violation des exemptions
accordées par le gouverneur, pour solder une dette que leur
encomendero avait contractée avec lui51. Le lieutenant du
gouverneur de Salta, Pedro de Abréu ne peut que rappeler la
décision du gouverneur et désavouer le coup de force d’Arias
Velázquez, qui doit trouver un autre moyen de récupérer son
dû qu’en se payant sur les indiens de son débiteur, rendus
provisoirement intouchables…
33 La raison de ce traitement de faveur, est assez facile à
comprendre. Elle renvoie directement à la fonction spécialisée
de ces indiens dans la province du Tucumán à ce moment-là.
Le gouverneur Albornoz tient à les ménager :
« Por ser estos indios la mayor fuerza de amigos que hoy tiene
aquesta provincia, y de cuyo seguro y fidelidad ha pendido y
pende el de aquella ciudad y las de Jujui y Esteco52. »

34 En d’autres termes, les indiens des villages ou réductions


pulares constituent en ce début de XVIIe siècle le corps
d’auxiliaires le plus important pour la défense des villes du
nord et de l’est de la province et, sans doute, pour les
opérations menées contre les groupes hostiles à la paix
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espagnole. Il a d’autant moins le choix qu’il sait que l’alliance


avec eux est fragile, et qu’ils pourraient tout aussi bien
rejoindre la confédération qui s’est levée contre les Espagnols,
sous l’effet de sollicitations, amicales ou forcées. L’installation
du fortin de Chicoana, dès le début du conflit, visait d’ailleurs
avant tout à les isoler, autant pour les protéger que pour les
empêcher de basculer de l’autre côté, ainsi que nous le dit le
témoignage d’un certain Alvaro de Padilla Aguilera, à qui avait
été confiée la responsabilité de la garnison :
« [Se halló] por orden del governador don Felipe de Albornoz
en la defensa del fuerte de los chicoanas por cavo de doze
soldados que le entregaron y mediante su asistencia y
diligencia y cuidado amparó a los indios que estavan en
aquellos pueblos y no les dio lugar a que se rebelasen con los
demás enemigos que mataron a Juan Ortiz de Urbina53. »

35 On aurait tort en effet de prendre au pied de la lettre


l’appellation trompeuse d’indiens amis, et d’inférer de
l’attitude des Pulares à l’occasion de ce conflit une relation
d’alliance privilégiée avec le pouvoir espagnol. La qualité
d’«  amis  » correspond souvent en temps de guerre à celle de
domésticos en temps de paix54. En d’autres termes, il est loin
d’être sûr que les Pulares que l’on retrouve dans la troupe
espagnole y soient allés de gaîté de cœur et qu’ils aient même
eu le choix. On remarquera d’ailleurs que les autorités
espagnoles n’ont pas lésiné sur les mesures destinées à leur
montrer la voie : outre l’installation dissuasive du fuerte de los
chicoanas, que nous venons de voir, il est probable que la dure
répression qui toucha les indiens de Luracatao, qui faisaient
partie des encomiendas de Pulares, ait contribué à convaincre
les autres de ne pas s’opposer à la volonté des Espagnols. Ces
indiens avaient en effet pris fait et cause pour les assaillants
des estancias de Juan Ortiz de Urbina et de Juan de Abréu, en
dépit de l’identité calchaquí dont ils étaient réputés être
porteurs, preuve supplémentaire de la relativité de ce genre de
classifications, et qu’ils avaient été sévèrement «  pacifiés55  ».
En fait d’alliance véritable et consentie, jusqu’à preuve du
contraire, il faudra donc considérer la participation des Pulares
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aux côtés des Espagnols comme la marque d’un rapport de


forces défavorable. Les indiens de Famatina se retrouvent dans
la même situation quelques années plus tard : une fois vaincus,
ils sont contraints de rejoindre les troupes espagnoles56. Il en
ira de même des Tolombones et Paciocas – Calchaquíes entre
les Calchaquíes – au terme de la campagne de 1659  : pour
sceller la paix qu’on leur «  propose  », ils doivent intégrer la
force militaire espagnole et combattre contre leurs ex-alliés de
Quilmes57, avant d’être affectés plus spécifiquement à la
défense de l’est de la province contre les premières incursions
des indiens mocovíes58. Le gouverneur Albornoz sait d’ailleurs
parfaitement que la qualité d’« amis » peut avoir une durée de
validité très courte et qu’elle est relative, ainsi qu’il l’exprime à
propos de la répression menée dans les environs de La Rioja
par «  le […] capitán don Leandro Ponce de León que con
treinta españoles y cantidad de amigos (si algunos se pueden
llamar así)59 ». La participation des Pulares au soulèvement de
1658-59 illustre d’ailleurs parfaitement la fragilité de ce qui ne
peut être considéré comme une alliance proprement dite60.

La « raya de los pulares »


36 Il est possible que des conflits locaux aient opposé certains
Pulares à certains de leurs voisins auparavant61, de même que
d’autres conflits éclataient régulièrement entre groupes
compris sous la même appellation calchaquí. Mais la guerre
commencée en 1630, et qui allait se prolonger durant de
nombreuses années, devait avoir des conséquences beaucoup
plus profondes et durables, dans la géopolitique indienne du
Valle de Calchaquí et dans le quadrillage de l’espace mené par
les Espagnols. On a vu que la perception du territoire occupé
par ces « indiens amis » s’était profondément modifiée dès les
années 1620, au point de conduire nos sources à exclure leurs
villages du Valle de Calchaquí proprement dit. Cet épisode
institutionnalise à plus long terme une frontière territoriale et
politique qui n’existait pas auparavant ou en tout cas n’était
pas explicitement mentionnée comme telle dans la
documentation au sein du Valle de Calchaquí. Désormais, les
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Pulares apparaissent systématiquement séparés de leurs


voisins calchaquíes par une ligne étanche qui passerait entre le
village – calchaquí – de Pompona et, le village d’encomienda –
pular – d’Atapsi62 théâtre, nous l’avons vu, d’un raid
particulièrement sanglant en 1630, en représailles à la
participation de ses habitants aux campagnes militaires des
Espagnols de Salta. Cette ligne de démarcation reçoit d’ailleurs
un nom particulièrement expressif sous la plume du
gouverneur Mercado y Villacorta : la raya de los pulares, une
expression qui alterne avec celle équivalente de confines de los
pulares63, également utilisée par le Père Hernando de
Torreblanca, ancien missionnaire qui avait participé aux
opérations de guerre et de déportation en tant qu’aumônier64.
En effet, dans un rapport de campagne écrit fin octobre 1659,
au terme de la dernière période de guerre ouverte dans la
région, alors qu’il remonte le Valle de Calchaquí pour
soumettre l’ensemble des factions qui avaient suivi le fameux
Inca sévillan du Tucumán Pedro Bohórquez65, Mercado y
Villacorta indique ainsi que la troupe se trouve a la raya de los
indios pulares, dans le village de Pompona et qu’il se dispose à
se rendre al pueblo de Atapsi, que es el primero de dicho balle
de los pulares y dista poco más de dos leguas de este dicho
sitio66. Avec ce terme de raya on a ce qui s’apparente le plus à
ce qu’on entend aujourd’hui sous le nom de « frontière » : une
ligne de démarcation séparant nettement deux territoires et
deux populations nettement délimités67. Atapsi, logiquement
se trouve [en el] Valle de los Pulares68. Selon cette géographie
de contrôle dont les critères sont aiguisés par les impératifs
immédiats de la guerre, le Valle de Calchaquí compte très
précisément «  30 leguas de largo desde el pueblo de los
Quilmes […] hasta el de Pompoma en que se acavan por aquí
sus tierras y empiessan las de los indios domésticos
pulares69 ».
37 Le quadrillage de l’espace effectué par Mercado y Villacorta
dans ses rapports de campagne est important dans la mesure
où il émane du «  pacificateur  » en chef de tous les groupes
indiens du couloir interandin, et surtout de l’architecte de leur

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future déportation, d’où le souci qui l’anime de bien


circonscrire chacun d’entre eux, sur un plan géographique et
politique. D’autre part, le regard de Mercado intervient au
terme du processus d’ethnification – du moins à la période
coloniale – des groupes pulares que nous suivons depuis le
début de ce travail. On constate que près de trente ans après la
guerre qui institua dramatiquement la rupture symbolique (et
physique !) entre deux blocs de population diaguita au sein du
Valle de Calchaquí, les coordonnées de ces deux ensembles
n’ont pas bougé. Les Pulares réinstallés dans la réduction
construite pour eux en 1632 aux portes de Salta avaient
finalement pu regagner leurs villages d’origine, onze ans plus
tard70, mais ils restaient marqués par leur particularité
d’«  indiens de paix  », «  amis  », ou «  domestiques  », trois
qualificatifs pratiquement interchangeables dans la
nomenclature politique de la conquête. La Carta Anua de 1644
donne ainsi une présentation assez stable de cet espace intégré
à l’orbite coloniale, et de ses habitants :
«  En el extremo septentrional de los valles hay siete pueblos
de los indios pulares, con cerca de dos mil habitantes, que
sirven a los españoles y profesan la ley cristiana, aunque son
muy ignorantes de ella71. »

38 La vision projetée par les autorités provinciales va plus loin


encore, en ajoutant une unité géographique – ici encore de
nature symbolique mais tout à fait opérative – avec
l’apparition d’un valle de los pulares qui ne correspond à
aucune réalité :
« Allanó dicho gobernador veinte y cuatro leguas del Valle de
Calchaquí y catorce del Valle de los Pulares72. »

39 Nous en arrivons là au nœud de la question  : l’origine de la


césure que nous indiquent les sources entre l’ensemble des
indiens appelés pulares et leurs voisins renvoie directement à
leur position respective dans l’économie de contrôle de la
province espagnole à partir des années 1620-1630. Elle
n’apparaît que tardivement dans nos sources et se présente
clairement comme le produit d’une transformation politique

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d’origine coloniale. Les Pulares cessent d’être considérés


comme des indiens de guerre – et, partant, partie intégrantes
de l’ensemble calchaquí, synonyme de diaguitas de guerre pour
cette région depuis la guerre de 156273 – pour devenir un
modèle d’intégration et de soumission. Le fondement de la
séparation entre deux secteurs d’un même espace
sociopolitique indien – le Valle de los pulares et le Valle de
Calchaquí – est clairement une opération symbolique dont la
nature opérative ne fait aucun doute74. La raya de los pulares
est une frontière de guerre, un dispositif politique hétéronome
qui matérialise la capacité de disciplinement de l’espace social
dont dispose le pouvoir colonial. Elle n’est pas une frontière de
type ethnique, elle n’exprime pas la séparation entre deux
«  groupes ethniques  » suivant des facteurs internes ou
traditionnels : cette perspective est le fruit d’une naturalisation
postérieure.
40 D’Atapsi vers le nord, les indiens portent la marque de la
sujétion coloniale, ils évoluent dans un espace quadrillé,
discipliné, ils remplissent leurs obligations, effectuent leurs
tours de mita et obéissent aux sollicitations de leurs
encomenderos. Ils vivent dans des villages de réduction, sont
dûment enregistrés75, ont des églises, et portent jusque sur leur
corps la marque de leur intégration au système colonial.
41 Au sud d’Atapsi, en revanche, les effets disciplinaires cessent
de s’appliquer, ou s’appliquent avec une efficacité moindre : les
encomenderos ne parviennent toujours pas à mobiliser
« leurs » indiens, qui ne sont pas recensés (empadronados), la
Compagnie de Jésus s’est heurtée à un échec retentissant,
malgré plusieurs installations permanentes, et a dû renoncer.
Surtout, toutes les tentatives pour y installer une ville afin
d’intégrer enfin cet espace résistant à la géographie de contrôle
de la province restent vaines, et ce jusqu’aux campagnes de
déportation des années 1659-1667. En d’autres termes, à la
veille de ces campagnes, le Valle de Calchaquí reste une
«  frontière interne  », au sens où les colons l’entendaient à
l’époque  : un espace d’insoumission où l’autonomie des
groupes indiens qui y vivaient restait effective. On comprend

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mieux dès lors l’étanchéité affirmée de cette raya de los


pulares : dès lors que les habitants des villages situés au nord
de cette ligne sont identifiés à leur fonction coloniale d’indiens
d’encomienda et d’auxiliaires militaires, ils ne peuvent plus
faire partie de la catégorie calchaquí. Ils sont par ailleurs
recensés et intégrés dans un espace parfaitement organisé, et
défini en fonction de leurs liens de dépendance  : sept
encomiendas76 et un nombre fini de villages, qui varie de huit à
neuf en fonction des documents et des études77.
42 La fin de la première phase de «  pacification  » menée à bien
par Mercado y Villacorta nous donne d’ailleurs une
confirmation paradoxale de l’usage du terme de raya comme
frontière absolue, ligne de démarcation, marque ultime de
l’espace de souveraineté conquis par les armes espagnoles : en
1659, l’ensemble du Valle de Calchaquí est soumis, à
l’exception de la portion méridionale qui s’ouvre sur les terres
dominées par les indiens de Quilmes et s’achève avec celles des
indiens ingamanas. En bonne logique militaire, cet espace
jusque là parfaitement identifié au Valle de Calchaquí78 en est
progressivement retranché, laissant apparaître une raya de los
Quilmes79 qui n’était jamais apparue auparavant, mais que
l’avancée de la troupe venait de matérialiser  : l’espace
calchaquí, désormais pacifié, ses occupants étant soit déportés
soit maintenus sur place comme indiens amis concerne
désormais «  las veinte y siete [leguas] que ay desde los
Quilmes a Pompona80 ». De même que la raya de los pulares
marquait l’avancée ultime de la domination coloniale vers le
sud de la vallée du río Calchaquí, de même cette raya marque
le terme géographique de la campagne de 1659, qui différencie
nettement deux régions définies par leurs relations respectives
avec le pouvoir espagnol.

Des domésticos pulares aux chicoanas


incaïques : parallèles et équivoques

L’ombre portée du Tawantinsuyu

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43 La généalogie de cette séparation d’origine coloniale repose


donc sur une abondance de faits et il semble difficilement
discutable de contester la progression d’un processus
largement documenté, même si l’établissement des sources est
souvent difficile étant donné leur éparpillement et leur
pauvreté.
44 Une autre explication est cependant généralement avancée, qui
recueille la faveur d’un grand nombre de spécialistes, tant dans
le champ des études ethnohistoriques que dans celui de
l’archéologie historique. En effet, cette même raya de los
pulares est souvent invoquée indépendamment de son
contexte d’émergence comme la preuve documentaire d’une
différence fondamentale entre Pulares d’une part, Calchaquíes
ou Diaguitas de l’autre. Selon cette lecture, la césure entre ces
deux blocs de population ne renverrait pas au nomos colonial81
mais bien à une différence profonde et ancienne, de type
ethnique, et qui exprimerait une altérité radicale antérieure,
apparemment résistante aux réaménagements coloniaux. La
frontière absolue nommée par le gouverneur Mercado y
Villacorta et ses contemporains en 1659 est notamment censée
reproduire un antagonisme et une différence de comportement
datant de l’époque préhispanique, au moment où cette même
région était divisée entre les provinces incas de Chicoana et
Quire Quire. Selon cette interprétation l’attitude conciliante
des Pulares ne serait plus à mettre uniquement sur le compte
d’une transformation coloniale. Elle reproduirait, à plus d’un
siècle de distance ce qu’on suppose avoir été la stratégie des
mêmes Pulares vis-à-vis du pouvoir inca au sein de la province
de Chicoana  : transiger, collaborer pour pouvoir bénéficier
d’un statut privilégié, leur permettant notamment un accès aux
meilleures terres82. Leur participation aux campagnes des
années 1630 contre les Calchaquíes aurait d’ailleurs été
motivée par la perspective d’une exemption du tribut promise
par les autorités espagnoles que nous venons d’évoquer. Ils
reproduiraient en l’espèce une alliance tactique dictée par leur
« tradition négociatrice83 », une « tradition » qui, visiblement,
avait la vie dure puisqu’elle sut résister à près d’un siècle de

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confrontation coloniale – avec tout ce que cela comporte en


termes de perte d’autonomie politique, de conséquences
démographiques, de déstructuration, etc. – en ancrant
l’identité pular dans la continuité du jeu politique prêté aux
représentants de l’Inca, par-delà l’intervention espagnole.
45 Pour bien comprendre l’origine et la portée de cette hypothèse
fondée en partie sur l’interprétation des documents de
l’époque coloniale, il convient de revenir sur plusieurs points.
En premier lieu sur l’ancienneté du traitement particulier
accordé aux Pulares dans le corpus savant, toujours en relation
avec la fameuse province inca de Chicoana. Il faut ensuite
revenir sur le poids de la conceptualisation plus récente de la
situation sociopolitique de la région durant la chronologie
archéologique connue comme «  période des développements
régionaux  » (periodo de desarrollos regionales) – qu’on fait
généralement courir du Xe siècle à l’arrivée des Incas – qui
organise en partie le discours de l’archéologie historique, ainsi
que sur le rôle organisateur prêté à l’intervention
centralisatrice des Incas selon cette modélisation historique.

Éric Boman et les Pulares atacameños


46 La première étude portant sur le cas spécifique des Pulares est
à notre connaissance un article publié par l’archéologue Éric
Boman en 191684. Il serait trop long d’entrer ici dans le détail
du contexte de rivalités académiques qui opposait cet auteur à
l’autre grand spécialiste du passé préhispanique du nord-ouest
argentin, Juan Bautista Ambrosetti autour de l’identification
des civilisations précolombiennes des vallées interandines85.
Disons seulement qu’au moment où cette étude était publiée,
cela faisait des années qu’une polémique parfois acrimonieuse
opposait les deux hommes. Alors qu’Ambrosetti affirmait
l’autonomie culturelle et politique des anciens habitants de la
région, qu’il appelait Calchaquíes, Boman soutenait la thèse
d’une «  filiation ando-péruvienne  » directe86 de ces mêmes
habitants, qu’il nommait pour sa part Diaguitas, dans un souci
évident de démarcation de son propre champ académique.

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47 Dans cet article, il classifie comme «  Pulares  » les habitants


originels des ruines de l’établissement préhispanique de Tinti
(Tin Tin), au sud de la vallée de Lerma, à partir de la
comparaison de ses propres relevés et de ceux effectués sur les
sites de La Poma et La Paya (le site supposé de la Chicoana
inca), situés quant à eux au cœur du Valle de Calchaquí, ainsi
que sur différents sites de la Quebrada del Toro87.
48 Ce qui nous intéresse plus particulièrement ici, c’est que ce
travail est le premier à établir une différenciation de type
ethnique ou « culturel » entre ces Pulares et les indiens situés
en aval de la vallée du río calchaquí à partir de relevés
archéologiques. Il s’agit en effet de «  establecer
comparaciones que permiten, por decirlo así, identificar a los
antiguos habitantes de este pueblo prehispánico y establecer
sus afinidades con las tribus que antes de la conquista
poblaron los valles de Salta88 ».
49 Cette différenciation, fondée sur l’affirmation d’une origine
atacamègne de ces indiens – et donc extérieure à la région des
vallées interandines –, s’accompagne naturellement d’une
convocation de sources historiques. Les documents coloniaux
ont pour fonction à la fois de confirmer la territorialisation de
la « tribu » pular et d’établir son altérité radicale vis-à-vis des
Diaguitas voisins. Concernant la circonscription de leur
territoire, Boman affirme que « esta región coincide con la que
los historiadores dan como la ocupada por la tribu llamada
pulares89 », qui correspondrait au nord du Valle de Calchaquí
et à ses quebradas transversales, ainsi qu’au sud du Valle de
Lerma. Pour ce faire, il reprend donc logiquement les
documents de la seconde grande «  révolte  » des années 1630
qui, nous l’avons vu, prononcent la matérialisation dramatique
du dispositif de séparation entre les Pulares «  amis  » –
auxiliaires des troupes de pacification – et les Calchaquí,
Diaguitas rebelles, objectifs de soumission d’une campagne
militaire sans précédent90.
50 En ce qui concerne l’établissement des preuves socioculturelles
d’une différenciation entre Pulares et Diaguitas, Boman
s’appuie sur l’un des rares textes du début du XVIIe siècle

https://books.openedition.org/pur/110076 26/49
8/4/2020 Les Indiens des frontières coloniales - La raya de los pulares : institution d’une frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630) - Pre…

ayant connu une diffusion importante (toutes proportions


gardées) dès son écriture  : une lettre en italien des deux
premiers jésuites (Juan Romero et Gaspar de Monroy)91 à
avoir effectué des missions volantes parmi les indiens du Valle
de Calchaquí, depuis la ville de Salta. Ce rapport, adressé en
1601 au procureur de la Compagnie de Jésus à Lima, le père
Diego de Torres, devait être inclus par ses soins dans sa
Nouvelle histoire du Pérou, un «  succès de librairie  » qui
connut plusieurs éditions en italien et en français entre 1603 et
160492. Il s’agit d’un texte très caractéristique de la propagande
jésuite, qui visait avant tout à vanter le rôle essentiel des
ouvriers de la Compagnie dans les progrès de la foi parmi les
indiens de l’Amérique du sud. Il met notamment en scène une
confrontation on ne peut plus exemplaire entre des indiens
pulares baptisés et un groupe de Diaguitas, «  venus d’un
village voisin », parés de tous les attributs de la barbarie et peu
disposés à céder aux injonctions civilisatrices de leurs
interlocuteurs. C’est ainsi qu’un vieux cacique endurci dans sa
rudesse, confit dans sa superstition et fort satisfait d’une
apparence qui semble épouvantable aux bons Pères se laisse
aller à une bravade en réponse au sermon de l’un d’eux :
«  Nosotros no hemos de dejar nuestras costumbres, ni
cortarnos el pelo como los demás – dijeron eso por los pulares
bautizados poco antes, que se iban cortando el pelo a
imitación de los indios del Perú93. »

51 Plus qu’une différence de nature, il ressort de cette citation une


dichotomie entre bons indiens disposés à embrasser la policía
cristiana et ses signes extérieurs. Boman, ainsi que la plupart
de ses contemporains qui commentèrent ce texte, préférèrent y
voir une confirmation par des témoins oculaires spécialisés –
des experts – de la différence socioculturelle entre deux entités
ethniques distinctes :
« Este testimonio de los PP. Romero y Monroy, en cuanto a la
diferencia entre diaguitas y pulares, es importante, pues
conocían a fondo estos pueblos, entre los cuales obraran como
misioneros94. »

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52 Il faut sans doute voir ici la prévalence en ces temps


positivistes du souci taxinomique, d’une pratique scientifique
recherchant d’abord la mise en évidence d’objets discrets, bien
délimités, ainsi que la matérialisation plus prosaïque d’une
lutte de pouvoir au sein du champ académique, chacun des
protagonistes s’attachant à gagner le plus de prestige possible
en imposant « son » objet – les Pulares atacameños, spécimen
séparé des Diaguitas ou Calchaquíes sans doute trop associés à
la production de ses concurrents. Au-delà de la seule
circonstance de ce débat intellectuel et cette concurrence
académique, on retiendra surtout ici la mise en évidence d’une
entité pular bien distincte, séparée du reste.
53 Pour ce qui est de la méthode on retiendra également l’une des
premières manifestations de la procédure circulaire de
vérification des informations servant à établir cette identité
discrète  : les documents historiques de l’époque coloniale ne
sont là que pour illustrer et confirmer une hypothèse
archéologique. Les « données » archéologiques, quant à elles,
doivent servir à parer d’une matérialité indiscutable
l’interprétation des sources coloniales. Malheureusement dans
ce jeu d’expertises croisées, la rigueur n’est pas toujours de
mise, et il semble évident ici par exemple que les informations
tirées du document convoqué ne peuvent être acceptées sans
un travail de contextualisation. Il s’agit d’un morceau de
bravoure tiré d’un document de propagande missionnaire, et
donc nécessairement orienté par une perspective de
«  conquête spirituelle  ». Qui plus est, le «  témoignage  » des
bons Pères doit absolument être réinscrit dans la chronologie
de la conquête tout court de ce territoire : il intervient tard, à
un moment où les Pulares ont déjà basculé dans la sphère
d’obéissance coloniale dont nous venons de retracer
l’installation progressive.

Des « domésticos pulares » aux Chicoanas incaïques


54 Il est évident que pour la connaissance des sociétés indiennes
préhispaniques, on ne peut s’en tenir à l’archéologie positiviste
des pères fondateurs. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts
https://books.openedition.org/pur/110076 28/49
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des ríos Calchaquí et Santa María depuis la controverse que


nous venons d’évoquer. Après une assez longue période moins
productive, les recherches archéologiques se sont développées
autour d’une problématique plus fortement historicisée et plus
sensibles aux dynamiques sociopolitiques. C’est le cas en
particulier depuis la fin des années 1970 et plus encore depuis
la fin de la dernière dictature argentine  : les recherches de
terrain ont pu reprendre un cours normal et ont même
bénéficié de plusieurs gros programmes de recherche
nationaux et internationaux. Sur le plan théorique, on assiste
par ailleurs à une plus grande collaboration interdisciplinaire,
qui permet une série d’échanges théorico-méthodologiques de
grande importance pour la reconstruction du passé indien
immédiatement antérieur à la conquête espagnole. Les moyens
modernes ont permis de cerner d’un peu plus près la
physionomie des infrastructures incas et d’avancer de
nouvelles hypothèses concernant les réseaux de pouvoir et
d’alliance tissés dans cette région. On a désormais une idée un
peu plus précise de ce qu’a pu être l’occupation inca, que les
dernières hypothèses, fondées sur de nouvelles datations, font
remonter à une période antérieure de plusieurs décennies à
celle généralement admise jusqu’ici95.
55 Concernant les Pulares, on assiste à un net durcissement de la
différenciation, le particularisme pular se trouvant de plus en
plus accusé. Cette certitude renforce en retour la particularité
historique de la province inca de Chicoana, dont le peuplement
et la réorganisation semblent avoir présenté des différences
notables avec celle voisine de Quire Quire96. Pour confirmer
cette différence radicale qui caractériserait les Pulares
préhispaniques, identifiés aux habitants de Chicoana, les
archéologues qui ont travaillé récemment dans cette zone
septentrionale du couloir interandin du NOA97 combinent les
techniques propres à l’archéologie (reconstitution des sites,
études des styles de céramique, datation des strates) et les
informations collectées par leurs collègues ethnohistoriens à
partir du corpus colonial, c’est-à-dire les sources écrites
léguées par l’occupation espagnole.

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56 En l’occurrence, ils font appel aux travaux des rares


spécialistes qui se soient intéressés au cas pular. Le travail qui
a le premier émis l’hypothèse d’une différenciation ethnique
des populations indiennes du nord des vallées calchaquies et
des contreforts occidentaux de la vallée de Lerma est une
longue et minutieuse étude publiée il y a plus de vingt ans98,
qui n’a fait l’objet depuis lors que de rares relectures
critiques99. Il s’agit d’un travail très documenté, qui se
proposait, selon une perspective interactionniste barthienne
assez rigide100, de rendre compte des multiples «  groupes
ethniques » de l’ensemble des vallées andines, segmentées en
trois zones : l’extrême nord du Valle de Calchaquí (occupé par
les Pulares), le centre, qui correspondrait au territoire dominé
par les indiens de Tolombón et Pacioca, et le sud, contrôlé par
les indiens Quilmes et Yocaviles101. Le point faible de ce travail
par ailleurs fondamental (Ana María Lorandi l’a elle-même
souligné dans un article paru récemment) est que les deux
auteures se fondent d’abord sur les documents relatifs à la
campagne militaire de 1659 destinée à mettre fin au
soulèvement provoqué par Pedro Bohórquez, le fameux Inca
du Tucumán. Concernant les Pulares, il s’agit donc de
documents postérieurs au processus de transformation
coloniale que nous avons évoqué tout à l’heure102. Même si de
nombreuses autres références plus anciennes sont citées et
visent à dynamiser un peu la perspective, les contours du
«  groupe ethnique  » pular n’en apparaissent pas moins
largement informés par l’action du pouvoir espagnol au
moment clé, et l’enquête régressive menée dans ce travail part
de fait d’une situation de subordination qui est une
conséquence de près de quatre-vingts ans d’intégration
effective dans les dispositifs coloniaux. Au terme de leur
analyse, et en se fondant – déjà – sur des conjectures
archéologiques, elles avancent l’hypothèse d’une
différenciation ancienne du « groupe ethnique » pular, lançant
l’idée qui fit florès que leur alliance avec les Espagnols pourrait
reproduire une tactique qui s’était avérée payante d’une
alliance passée avec les mitimaes installés à Chicoana pour

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représenter l’autorité impériale. On retrouve par exemple cette


théorie dans un article récent cosigné par l’une des auteures du
travail pionnier que nous venons de mentionner :
«  The region’s people were moved around extensively, with
some groups such as the Tucumanos and Pulares receiving
notable benefits, and others, such as the recalcitrant
Calchaquíes, losing the bargain103. »

57 Il faut reconnaître que cette hypothèse était séduisante, dans la


mesure où elle apportait une réponse au traitement particulier
réservé aux Pulares par les sources  ; même si, comme nous
l’avons vu, ce traitement spécifique d’une entité pular distincte
s’intensifiant au fur et à mesure que le processus de conquête
espagnole progresse conduirait plutôt à privilégier l’hypothèse
d’une production coloniale de cette différenciation. Cependant,
comme toute hypothèse de travail, elle méritait d’être vérifiée
et discutée, dans la mesure du possible. Ainsi que nous l’avons
déjà exposé ailleurs104, plusieurs de ses présupposés méritent
d’être remis en perspective. C’est le cas notamment de la
maîtrise particulière du quechua qu’on prête à ces indiens, qui
viendrait étayer cette hypothèse d’une fréquentation assidue
des représentants de l’Inca. Cette hypothèse est fragile, elle ne
repose que sur quelques rares occurrences qui semblent
relever plus vraisemblablement d’un usage colonial que d’un
héritage impérial. Il est notamment symptomatique que les
quelques pulares que l’on voit s’exprimer en quechua soient
tous associés à un contexte d’interlocution avec les colons de
Salta, et toujours dans le cadre de l’encomienda dont ils sont le
représentant auprès des autorités105. Un dépouillement plus
systématique des sources montre sans équivoque qu’on trouve
des exemples similaires dans l’ensemble de la région dès qu’il y
a contact prolongé avec le monde colonial, pour la bonne et
simple raison que les Espagnols avaient propagé la lengua
general comme lingua franca, et qu’elle était devenue une
langue de communication coloniale106. Il est de même
extrêmement étonnant que les missionnaires, jésuites qui,
tous, recevaient une formation de quechua et, pour certains
d’entre eux, d’aymara, n’aient à aucun moment noté cette
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aptitude particulière des Pulares, d’autant que cela les aurait


arrangés : ils se plaignaient régulièrement des difficultés qu’ils
avaient à apprendre le kakan. Au contraire, les témoignages
descriptifs les plus anciens dont on dispose, qui traitent
spécifiquement de la question de la langue affirment que le
kakan est la langue de tous les indiens, depuis La Rioja jusqu’à
la Puna, et même dans les environs de Santiago del Estero :
«  Acabase este valle cerca de la puna de los yndios de
Caçabindo que están cerca de los chichas cuya lengua hablan
demas de la suya natural ques la diaguita107. »
« La caca usan todos los diaguitas y todo el balle de calchaquí
y el balle de Catamarca y gran parte de la Nueba Rioja, y los
pueblos casi todos que sirven a Santiago, así los poblados en
el río del Estero como otros muchos que están en la
sierra108. »

58 Les exemples de Pulares parlant quechua cités à l’appui de


cette thèse sont également très tardifs, puisqu’ils datent des
années 1632 et de 1659, soit respectivement cinquante et
soixante-treize ans après la fondation de Salta, c’est-à-dire
plusieurs décennies après l’incorporation effective des Indiens
pulares au système d’encomienda.
59 Qu’il s’agisse de leur qualité d’«  amis  » des Espagnols ou de
leur aptitude à parler la langue générale du Pérou vers le
milieu du XVIIe siècle, il nous semble imprudent de disjoindre
la différenciation de ces indiens de l’action transformatrice du
système colonial espagnol. Cette réserve est d’ailleurs
explicitement signalée par les premières auteures qui
formulèrent cette hypothèse d’une origine préhispanique de la
conduite coloniale de ces indiens :
« Cualesquiera que sean las opciones que se elijan o elaboren
a partir de lo anteriormente explicitado para comprender el
proceso de transformación de la sociedad pular, el punto de
llegada es invariable : la incorporación forzada al sistema
colonial español109. »

60 Malheureusement, ce qui était une reconstitution


hypothétique de la géopolitique indienne antérieure à la
conquête espagnole, voire à la conquête inca, reconstitution
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assortie de doutes méthodologiques et de tâtonnements plus


ou moins prudents, s’est mué avec le temps en une sorte de
«  tradition  », reprise sans critique par les meilleurs auteurs
sans qu’ils ressentent le besoin de la vérifier.
61 Or cette différence qui se matérialise par une frontière
physique – la raya de los pulares – ressemble à s’y méprendre
à une projection vers le passé du «  portrait du Pular en
colonisé ». En d’autres termes, cette hypothèse d’une conduite
coloniale des Pulares en quelque sorte calquée sur leur
position supposée sous la domination inca donne lieu à une
reconstruction en miroir, leur compromission sous la
domination espagnole servant à son tour à rétro-alimenter
l’hypothèse archéologique selon laquelle ils auraient bénéficié
d’un statut de faveur à l’époque des Incas en échange de leur
alliance110.
62 Il est vrai que c’est une hypothèse tentante, dans la mesure où
elle permettrait de proposer à titre théorique l’extension au
Tucumán d’une pratique dont on sait qu’elle avait cours dans
d’autres régions mieux connues de l’empire, les Incas
accordant certaines prérogatives aux populations locales
alliées, afin d’asseoir leur autorité111. Elle entre également en
résonance avec la conceptualisation sociopolitique de la
dernière étape de la périodisation archéologique
communément acceptée de la région, appelée période des
«  développements régionaux  » (Desarrollos Regionales).
D’après cette dernière, la région serait entrée vers le début du
XIVe siècle dans une période de création de chefferies
(señoríos) veillant jalousement sur leur territoire, se
définissant en opposition nette avec leurs voisins, et marquant
de claires limites territoriales par la construction d’ouvrages
défensifs112.
63 Les caractéristiques spatiales et sociopolitiques de cette
dernière période préhispanique antérieure à l’avènement du
Tawantinsuyu sont certainement intervenues en partie pour
confirmer cette vision d’une « culture » pular113 en opposition
structurelle avec ses voisins immédiats, d’autant que certaines
hypothèses archéologiques (appuyées également sur la

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reconstruction more incaico de la conduite des Pulares au


XVIIe siècle) font coïncider la frontière entre les provinces de
Chicoana et Quire-Quire avec la raya de los pulares du
gouverneur Mercado y Villacorta114. Cette conceptualisation de
la dernière phase préhispanique antérieure à l’arrivée des
Incas comme une consolidation territoriale de groupes en
perpétuelle rivalité pour l’accès aux ressources naturelles et le
contrôle du territoire est donc un argument de plus versé au
dossier de l’ancienneté de l’identité pular. Elle est d’ailleurs
reprise par certains spécialistes de l’expansion de l’État inca
pour expliquer l’intégration tactique des Pulares dans le
schéma de domination impériale  : ils y auraient trouvé un
moyen plus efficace qu’auparavant de s’affirmer au niveau
local, les moyens de l’État cuzquénien apparaissant comme
supérieurs à ceux que leur développement socioculturel
antérieur à l’apparition de l’État inca leur permettait de
mobiliser115.

Discussion finale
64 Cette affirmation d’une altérité radicale des habitants de la
partie nord du Valle Calchaquí ancienne et résistante aux
changements pose une série de problèmes. Elle
«  traditionnalise  » une césure qui nous semble fortement
tributaire des changements induits par la conquête espagnole.
65 Nous ne discutons pas le bien-fondé de la reconstitution
(passionnante) de l’organisation des provinces inca de
Chicoana et Quire Quire telle qu’elle est en train d’apparaître.
On doit probablement admettre également que les indiens
appelés Pulares par les Espagnols ont fait partie des habitants
de la province de Chicoana. Il n’est pas impossible non plus
que ces indiens aient entretenu des relations tendues avec
leurs voisins à un moment de leur histoire, et qu’ils aient été
une pièce du diagramme impérial inca dans la province de
Chicoana. Mais de là à conclure à une frontière identitaire
irréductible et immémoriale comme facteur déterminant de
leur compromission coloniale, il y a un pas que l’étude des
sources historiques devrait interdire de franchir.
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66 La reconstitution des alliances face aux premiers colons


espagnols durant les premières décennies de la conquête
indique sans aucun doute possible une confédération qui inclut
les indiens du nord du Valle Calchaquí. Ces derniers ont
participé activement à la destruction des trois villes fondées
dans le Valle Calchaquí et la vallée de Lerma  : Córdoba de
Calchaquí en 1562 puis quinze ans plus tard San Clemente de
la Nueva Sevilla, installées successivement sur le site original
de Córdoba puis dans la vallée de Lerma, à l’est du Valle
Calchaquí où, si l’on veut bien s’en souvenir, ces Pulares
auraient eu des terres. Si la guerre des années 1630-1640
constitue une véritable rupture, on retrouve le même territoire
soulevé dès 1658 : l’information donnée par le Père Hernando
de Torreblanca est très claire sur ce point, le danger pour les
Espagnols est présent jusqu’aux points les plus septentrionaux
de la région : « Iban llegando las nuevas ya de Londres ya de
Acay, ya de que se convocaban los indios para dar sobre la
ciudad de Salta para llevársela116. »
67 Ces alliances indiquent clairement, nous semble-t-il, qu’il y a
tout lieu de nuancer l’hypothèse de la prévalence d’une
«  tradition  » de négociation et de collaboration avec
l’envahisseur qui les différencierait des autres indiens appelés
diaguitas et calchaquíes. En ces premiers temps coloniaux, il
ne fait aucun doute que ce qui prévaut c’est une fluidité des
alliances dans tout le couloir interandin du Tucumán contre les
conquistadores espagnols. On n’en conclura pas pour autant à
une identité totale de tous les groupes alliés, et encore moins à
la fusion de tous dans une entité politique, ce que les sources
invalident on ne peut plus clairement d’ailleurs117. Il est
possible en effet que ces alliances aient été une conséquence
plus ou moins durable de la pression coloniale, supportée à des
degrés divers par tous les habitants autochtones de la région,
pression qui aurait ainsi reconfiguré les équilibres
géopolitiques. Mais si l’on admet cette capacité du facteur
colonial à provoquer ce genre de reconfigurations, il faudra
accepter aussi son rôle déterminant dans l’imposition d’une

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conduite chez les indiens incorporés à son espace de


domination effective.
68 Nous pencherions donc pour une lecture plus nuancée de
l’influence du passé préhispanique des indiens du nord du
Valle Calchaquí sur leur conduite coloniale. On peut admettre
à titre d’hypothèse que certains aient effectivement fait partie
d’une organisation sociopolitique autonome en rivalité avec
leurs voisins du sud. Même si une autonomie similaire a été
constatée chez la plupart de la région, on peut éventuellement
supposer également que cette autonomie correspondait en
l’espèce à la position qu’ils occupaient dans la province inca de
Chicoana pour des raisons conjoncturelles, qui trouvent leur
explication dans l’équilibre géopolitique en vigueur à cette
époque précise. En l’état actuel de la documentation historique
sur la région, il nous semblerait imprudent d’aller au-delà. La
conduite différenciée des indiens du nord du Valle Calchaquí,
dont nous avons retracé l’émergence, est manifestement le
produit d’une transformation coloniale. Il est d’ailleurs plus
que probable que la catégorie exemplaire «  domestiques
pulares  », systématiquement mise en opposition dans nos
sources avec la barbarie et l’insoumission calchaquí n’ait pas
recouvert exactement les contours des groupes indiens que l’on
suppose avoir joué un rôle clé dans la province de Chicoana.
Cette catégorie semble surtout avoir servi à désigner
l’ensemble des indiens soumis habitant les villages
d’encomienda de la partie septentrionale du Valle de Calchaquí
et des contreforts occidentaux de la Vallée de Lerma, qui
correspondaient à la juridiction de Salta.
69 Le fait qu’il y ait actuellement une tendance très nette à
privilégier une détermination culturelle ancienne dans la
conduite coloniale des Pulares nous semble indiquer surtout
une domination territoriale, dans le champ de la recherche,
des travaux sur l’expansion inca aux dépens de l’étude des
sources et des processus historiques coloniaux. La reprise
systématique de l’hypothèse heuristique d’une détermination
chicoana dans la compromission coloniale des Pulares a en
effet l’avantage de fournir des éléments permettant de

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reconnaître au Tucumán – et singulièrement dans la province


de Chicoana – une politique impériale avérée dans d’autres
régions de l’empire.
70 Sans sous-estimer l’intérêt de la toile de fond préhispanique de
la conquête du Tucumán, qui reste encore à dévoiler, il nous
semble qu’il faudrait rééquilibrer l’ensemble du tableau et
tenir davantage compte des profondes mutations provoquées
par la domination espagnole. Il est peu probable que les
Pulares, qui comptaient parmi les plus exposés des indiens du
Valle Calchaquí à la pression coloniale, aient fait exception à
cette règle. C’est en tout cas ce que le suivi du processus
historique de leur transformation sociale et politique en
indiens «  amis  » sous l’effet des différents dispositifs de
sujétion, de contrôle et de mise au travail propres au système
colonial entre la fin du XVIe siècle et le premier tiers du XVIIe
suggère fortement. La raya de los pulares serait donc avant
tout un marqueur territorial qui différencierait deux espaces à
la fois concrets et symboliques de la géographie coloniale.

ARCHIVES UTILISÉES
AHT Archivo histórico de Tucumán
AHPC Archivo histórico de la Provincia de Córdoba
AGI Archivo General de Indias

Notes
1. Étant donné qu’il s’agit d’un territoire déterminé et délimité par son
histoire et qui ne correspond pas à ce qu’on entend aujourd’hui par Vallées
Calchaquíes, nous avons fait le choix de conserver la dénomination qui
avait cours aux XVIe et XVIIe siècles.
2. Sa chronique date de 1571, mais l’auteur a séjourné au Pérou à partir de
1553 et a pu recueillir un certain nombre de témoignages directs.
3. Pour une présentation synthétique et claire de ces premières approches
de l’espace du Tucumán primitif, voir BIXIO B. et BERBERIÁN E., «  Primeras
expediciones al Tucumán : reconocimiento, valor del espacio y poblaciones
indígenas », Andes, no 18, 2007 (en ligne).
4. Verónica Williams détaille clairement cette organisation administrative
impériale  : «  Provincias y Capitales. Una visita a Tolombón, Salta,
Argentina », Xama, no 15/18, 2005, p. 177-198. L’usage du terme provincia
est assez polysémique. Quelques réflexions sur ce point dans LORANDI A. M.
https://books.openedition.org/pur/110076 37/49
8/4/2020 Les Indiens des frontières coloniales - La raya de los pulares : institution d’une frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630) - Pre…

et C. BUNSTER «  Reflexiones sobre las categorías semánticas en las fuentes


del Tucumán colonial. Los Valle de Calchaquíes », Histórica, vol. XIV, no 2,
1990, p. 281-316.
5. WILLIAMS V., « Provincias y Capitales… », art. cit.; D’ALTROY T., LORANDI A.
M., WILLIAMS V., CALDERARI M., HASTORF C., DEMARRAIS E. et HAGSTRUM M.,
« Inka Rule in the Northern Calchaquí Valley, Argentina », Journal of Field
Archaeology, 27, 2000 (dorénavant D’ALTROY et al.), p. 1-26.
6. « La provincia de Quire Quire habría comprendido el extremo sur del
valle Calchaquí, todo el valle de Yocavil y de Tafí, las vertientes orientales
del Aconquija, el campo del Pucará, el valle de Hualfín y quizás el de
Abaucán  ». Cf. REX GONZÁLEZ A., «  Las “provincias” inca del antiguo
Tucumán  », Revista del Museo Nacional, 1982, vol.  46, p.  317-380 et
p. 332. Pour une synthèse plus récente, D’ALTROY et al., art. cit., p. 94.
7. WILLIAMS V., « Provincias y Capitales… », art. cit.
8. CIEZA DE LEÓN P., Guerras Civiles del Perú, t.  II  : Guerra de Chupas,
chap. XCIII, Madrid, García Rico, 1880, p. 324.
9. Ibid., p. 317-318.
10. Ibid., p. 315 sqq.
11. Plusieurs hypothèses subsistent néanmoins. Pour une discussion sur la
question, cf. D’ALTROY et al., art. cit., p. 94.
12. « Probanza de méritos y servicios del capitán Pedro González de Prado,
18-07-1548  » (à CUZCO), dans BERBERIÁN E., Crónicas del Tucumán. Siglo
XVI, Córdoba, Comechingonia, 1987, p. 26. Voir notamment les questions
XVII et XVIII de la probanza.
13. BIXIO B. et BERBERIÁN E., op. cit., p. 1-2.
14. Crónica copiosa y verdadera de los reinos de Chile [1558], dans
BERBERIÁN E., Crónicas del Tucumán, op. cit., p. 181.
15. Pour un suivi plus détaillé de cette évolution, voir GIUDICELLI C.,
«  Encasillar la frontera. Clasificaciones coloniales y disciplinamiento del
espacio en el área diaguito-calchaquí (siglos XVI-XVII)  », Anuario IEHS,
2007, p. 161-212.
16. « Encomienda otorgada a Juan Bautista de Alcántara por el gobernador
Juan Nuñez de Prado. 08-01-1552  » (dans la ville de Barco II)  : «  Atento
que vos Juan Bautista de Alcántara soys persona hijodalgo e os hallastes
conmigo con solos catorze hombres en el valle de Chicoana quando los
yndios pulares me dieron a medianoche una guaçabara… » (LEVILLIER R.,
Probanzas de méritos y servicios de los conquistadores, Madrid, 1919, t. I,
p. 350-351).

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17. «  Carta del capitán Alonso Díaz Caballero 21-01-1564  », dans JAIMES
FREYRE R., El Tucumán colonial, Buenos Aires, Coni hermanos, 1915, vol. 1,
p. 37.
18. Ce passage ne serait pas le col de l’Acay (actuel « Abra el Acay »), mais
serait situé un peu plus au sud, d’après VITRY C., «  La ruta de Diego de
Almagro en el territorio argentino  : un aporte desde la perspectiva de los
caminos prehispánicos », Revista Escuela De Historia, Revista 6, année 6,
vol. 1, no 6, 2007, p. 325-351.
19. « Carta a S.M. del licenciado Juan de Matienzo, oídor de la Audiencia
de Charcas, 02-01-1566 », dans JAIMES FREYRE R., op. cit., p. 53-72.
20. « Carta del capitán Alonso Díaz Caballero 21-01-1564 », loc. cit., p. 39.
21. « Continuación y fin de la probanzade los servicios del capitán Tristán
de Texeda, yerno del capitán Hernán Mejía Miraval, uno de los fundadores
de Córdoba. La presenta su hijo Hernando  », dans LEVILLIER R., Nueva
crónica de la conquista del Tucumán, III, Buenos Aires/Varsovie, 1926,
p. 385-410, question no 17.
22. « Auto hecho por el gobernador Hernando de Lerma, fijando los límites
de la ciudad de Lerma en el Valle de Salta », 14-04-1582, dans LEVILLIER R.,
Nueva crónica de la conquista del Tucumán, III, op. cit., p.  321. SOTELO
NARVÁEZ P., «  Relación geográfica de las provincias del Tucumán  », dans
LEVILLIER R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, III, Buenos
Aires/Varsovie, 1926, p. 324-332.
23. Un document relativement ancien témoigne de l’inclusion précoce des
indiens les plus proches de Salta dans le régime de l’encomienda  :
« Calibay, cacique de los indios pulares encomendados pide y obtiene para
su tribu las tierras donde vivieron sus antepasados. 01-02-1586  », dans
CORNEJO A. et VERGARA M., Mercedes de tierra y solares, 1583-1589, Salta,
Imprenta San Martín, 1938, p. 198-199.
24. « Carta del gobernador D. Juan Ramírez de Velasco al virrey del Perú,
conde del Villar, 06-04-1587  », dans LEVILLIER R., Papeles de los
gobernadores, Madrid, éd. Juan Pueyo, 1920, vol. I, p. 209-213.
25. SOTELO NARVÁEZ P., «  Relación geográfica de las provincias del
Tucumán », art. cit.
26. «  Carta del gobernador del Tucumán J. Ramírez de Velasco
participando el resultado que hasta entonces tenía su expedición a las
rancherías de Calchaqui. 19-04-1588  », dans LEVILLIER R., Papeles de los
gobernadores, op. cit., vol. I, p. 240-246.
27. Ibid.
28. «  Expediente de la visita que hizo el obispo de Tucumán, Dr Julián
Cortázar al Valle Calchaquí 06-10-1622/25-11-1622  », dans LEVILLIER R.,

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Papeles eclesiásticos del Tucumán, Madrid, éd. Juan Pueyo, 1920, vol.  1,
p. 308-323.
29. « Relación breve del Padre Diego de Torres acerca de los frutos que se
recogen en la tierra y de los indios calchaquies. 23-06-1601  », dans
LEVILLIER R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., III,
p.  365-369. Voir infra notre commentaire sur ce texte utilisé par Éric
Boman.
30. Outre le document déjà cité de 1601, on consultera les Cartas Anuas de
1609 (Documentos para la historia de Argentina, Buenos Aires, Instituto
de Investigaciones Históricas Dr Emilio Ravignani, FF y LL, UBA, t.  XIX,
p. 41 et 75-82), 1612 (ibid., p. 95-98), 1613 (ibid. p. 196-201).
31. « Carta del padre Diego de Torres, 17-05-1609 », ibid., p. 75-76.
32. «  Carta del gobernador don Felipe de Albornoz 28-12-1628  », dans
JAIMES FREYRE R., op. cit., p. 153-169.
33. «  Carta Anua de 1632-1634  », Cartas Anuas de la provincia jesuítica
del Paraguay, Academia Nacional de la Historia, Buenos Aires, 1990, p. 51.
34. Archivo Histórico de Tucumán (AHT), Documentación
complementaria, Protocolos, caja XIV bis, no 44, «  Testimonio de la
encomienda que recibe don Pedro Bazán Ramírez de Velasco ». Ce dernier
reçoit à cet endroit l’encomienda des indiens Aconquijas des mains du
gouverneur Mercado y Villacorta, le 17-03-1670.
35. Quemando la casa del doctrinante y la yglesia y gran cantidad de
arinas que estaba allí encostalada y recogida para el sustento del campo.
«  Carta del gobernador Felipe de Albornoz al rey 29-04-1631  », dans
LARROUY A., Documentos del Archivo de Indias para la historia del
Tucumán, Santuario de Señora del Valle, Buenos Aires, L. J. Rosso y Cía,
1923, vol. 1, p. 414.
36. «  Calibay, cacique de los indios pulares encomendados pide y obtiene
para su tribu las tierras donde vivieron sus antepasados, 01-02-1586 », loc.
cit. On a parfois eu tendance à considérer ce document comme la preuve
d’une alliance entre les Espagnols et ces indiens, en ne tenant pas compte
de la nature du lien qui unissait les parties. Il nous semble qu’il faut
nuancer fortement cette vision quelque peu irénique.
37. CORNEJO A. et VERGARA M., op. cit., p.  181  ; LLOVERAS DE ARCE G. et
MEDARDO ONTIVERO D., « Estudio de dos familias de elite en Salta durante el
periodo colonial : el caso de los Arias Velázquez y Arias Rengel », Revista
Escuela de historia, Revista 3, année 3, vol. 1, no 3, 2004 (en ligne).
38. On conserve en général dans l’historiographie le nom donné par
MONTES A. à la période de guerre ouverte quasi permanente des années

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1630-1640  : «  El gran alzamiento diaguita  », Revista del Instituto de


Antropología, no 1, Rosario, Universidad del Litoral, 1961, p. 81-159.
39. « Carta del gobernador Felipe de Albornoz, 09-11-1631 », dans LARROUY
A., op. cit., p. 60-63.
40. « Carta del gob. Felipe de Albornoz, al rey 29-04-1631 », dans LEVILLIER
R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., vol. III, p. 412.
41. Ibid.
42. « Carta del gob. Felipe de Albornoz, al rey 29-04-1631 », dans LARROUY
A., op. cit., p. 414.
43. Ibid.
44. Carta Anua de 1632-1634, op. cit., p. 51.
45. Archivo Histórico de la Provincia de Córdoba (AHPC)-Escribanía I-71-
exp. 6, suivant une déclaration de leur encomendero Andrés de Frías y
Sandoval datant d’avril 1633 reproduite en partie dans MONTES A.,
Encomiendas de indios diaguitas documentadas en el Archivo Histórico de
Córdoba, Córdoba, 1986, p. 25 (on notera que la référence donnée par cet
auteur dans cet ouvrage est fausse et ne correspond pas à la cote que nous
indiquons ici).
46. « Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans LARROUY A., op.
cit., p. 92.
47. Archivo General de Indias (AGI) Charcas 101/N. 54/2/4r°, 07-07-1632
« Padrón de los dichos yndios del pueblo de los pulares encomendados en
el alférez Andrés de Frías y Sandoval » : En el sitio de los pulares donde se
an trasladado los que salieron a valerse de los españoles.
48. « Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans LARROUY A., op.
cit., p. 92.
49. AHPC-Escribanía I-71-exp. 6, f.  166r°, Andrés de Frías y Sandoval
encomendero de los yndios pulares que fueron de Francisco de Francisco
de Valdenebro.
50. AHPC, Escribanía I, Legajo 72, no 5, publiée en partie par MONTES A.,
Encomiendas…, op. cit., p. 24-25. Il s’agit d’un dossier qui comprend entre
autres choses le document cité en note 44.
51. AHPC, Escribanía I, Legajo 71, no 6, f. 181 r° -186 r°, « Juan Silverio de
Sueldo contra Francisco Arias Velázquez a petición de Fernando Mexía,
protecto de naturales de la ciudad de Salta, 25-08-1632 ».
52. « Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans LARROUY A., op.
cit., p. 92.
53. AGI Charcas, 56, «  Certificación de los servicios de Alvaro de Padilla
Aguilera por el maese de campo Pedro de Olmos de Aguilera y el capitán
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don Alonso de Ribera sargento mayor y Martín de Pardiñas alcalde


ordinario de esta ciudad y fuerte de Nuestra Señora de Guadalupe », 12-06-
1631. C’est nous qui soulignons.
54. Sur ce sujet, cf. GIUDICELLI C., « Indios amigos y normalización colonial
en las fronteras americanas de la Monarquía Católica (Tucumán, Nueva
Vizcaya, s. XVI-XVII », dans RUIZ IBANEZ J. J. (dir.), Las milicias del rey de
España. Sociedad, política e identidad en las Monarquías ibéricas,
Madrid, Fondo de Cultura Económica, 2009, p. 349-377.
55. Carta del gob. Felipe de Albornoz, 01-03-1631, dans Larrouy A., op. cit.,
p. 80. On y retrouve la liste des villages soulevés, qui montre une alliance
qui ne tient aucun compte des logiques d’inscription coloniales.
56. Carta Anua de 1632-1634, op. cit., p. 70-72.
57. AGI Charcas, 58, «  Autos contra don Pedro Bohórquez, Tercer
cuaderno  », f.  129 v° -130 r°  ; DE TORREBLANCA H., Relación histórica de
Calchaquí, Buenos Aires, AGN, 1999 [1696], p. 79-80.
58. GIUDICELLI C., «  Una milicia de vencidos  : los calchaquíes frente a las
primeras “invasiones mocovíes” (final del s. XVII-principios del XVIII). Los
pródromos de la guerra en la frontera chaqueña del Tucumán  », dans
MARCHENA J. et LAVALLÉ B., El primer siglo XVIII americano. Problemas y
perspectivas (1700-1750), Madrid, Casa de Velázquez, 2011 (sous presse).
59. « Carta del gobernador Felipe de Albornoz, 01-01-1633 », dans LARROUY
A., op. cit., p. 90.
60. AGI Charcas, 58  ; Aunque los dichos pulares salieron a ver a V. Ssa
han estado y están en pie levantado, f. 147 v° ; « Auto para que se vaya a
empadronar y sacar los indios pulares  », «  Autos sobre Don Pedro
Bohorques. Tercer Cuaderno  », f.  185 v° -186 r°. Mercado y Villacorta
ordena empadronar a los Pulares «  que delinquieron de nuevo
confederándose con los Calchaquies después de aver sido indultados por el
Sr oidor D. Juan de Retuerta  ». Sa décision finale est claire  : il s’agit de
« sacarlos de la idolatria de sus montañas y que bajaçen a poblarse en el
sitio a que voluntariamente se binieron en las guerras passada  » (f.  196
r°).
61. La Carta Anua de 1612 rapporte ainsi l’attaque d’un village pular, mais
la cause semble avoir relevé d’une affaire d’honneur. Documentos para la
historia de Argentina, op. cit., t. XIX, p. 95-98.
62. WILLIAMS V., «  Capitales…  », op. cit., situe ces deux villages dans les
environs de l’actuelle Molinos.
63. AGI Charcas, 58, «  Autos sobre Don Pedro Bohorques. Tercer
Cuaderno », f. 172 r°-175 r°.
64. DE TORREBLANCA H., op. cit., p. 72.

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65. DE TORREBLANCA H., op. cit. Pour une version plus romancée, voir PIOSSEK
PREBISCH T., La rebelión de Pedro Bohorquez : el Inca de Tucumán, 1656-
1659, Tucumán, Magna Publicaciones, 1999 [1976]. Une étude un peu plus
large, voir LORANDI A. M., De quimeras, rebeliones y utopias, Lima, PUCP,
1997.
66. AGI Charcas, 58, «  Autos contra don Pedro Bohórquez, Tercer
cuaderno », f. 171 r°, 1652-1659. Auto y marcha del ejército desde Pompona
a Atapsi, 30-10-1659.
67. C’est d’ailleurs ce terme qui est encore régulièrement utilisé pour
désigner la ligne de frontière qui sépare l’Espagne du Portugal, une
dénomination par ailleurs des plus courantes dans l’histoire de la
Reconquista, et qui matérialisait la limite de l’avancée des armées
chrétiennes sur le territoire de leurs voisins musulmans.
68. Ibid., f. 171 v°.
69. Ibid., «  Carta del gobernador Mercado y Villacrota al Virrey, 30-10-
1659 » (desde Pompona), f. 181 r° -181 v°.
70. AGI Charcas, 58, f. 194 r°, « Autos sobre Don Pedro Bohorques. Tercer
Cuaderno ».
71. Carta Anua de 1644, Instituto de Geohistoria Regional no 13, Conicet,
Resistencia/Chaco, 2000, p. 41.
72. « Informe del gobernador Luca de Mendoza y Figueroa », 11-1662, dans
LARROUY A., op. cit., p. 259.
73. « Carta de la Audiencia de los Charcas al Rey, 30-10-1564 », dans JAIMES
FREYRE R., op. cit., p. 46-53.
74. Nous sommes ici aux antipodes d’une vision postmoderne. L’analyse
critique du discours colonial vise au contraire à en rechercher les
implications opératives, afin de traquer dans les catégories qu’il produit
l’expression de ses applications concrètes. Refuser toute analyse du
discours en partant du principe qu’il se substitue à l’analyse des faits
historiques et sociaux (comme le fait LORANDI A. M., « Los estudios andinos
y la etnohistoria en la universidad de Buenos Aires », Chungará. Revista de
Antropología Chilena, vol.  42, Arica, juin 2010, p.  271-281), conduit bien
souvent à produire un discours préformaté, informé par les catégories
analytiques employées.
75. AGI Charcas, 101/N. 54/2/4r°, 07-07-1632 «  Padrón de los dichos
yndios del pueblo de los pulares encomendados en el alférez Andrés de
Frías y Sandoval ».
76. AGI Charcas, 24, « Real Cédula. El Rey al virrey del Perú, 15-05-1679 ».
Una parcialidad de indios pulares que desde su población reconocieron
obediencia y sirvieron divididos en siete encomiendas. Mercado Y

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Villacorta disait cependant à leur propos, au moment de leur déportation


que « se componen de las ocho encomiendas antiguas »(AGI Charcas, 122,
Informe del estado presente de esta provincia del Tucumán, 21-02-1660).
77. Carta Anua de 1644, op. cit., p.  40, QUINTIÁN Juan Ignacio,
« Articulación política y etnogénesis en los Valles Calchaquíes : Los Pulares
durante los siglos XVII y XVIII », Andes, p. 299-325 (en ligne).
78. Un important conseil de guerre est ainsi tenu le 28 août 1659 «  en el
sitio y real de los Quilmes, Valle de Calchaquí (AGI Charcas, 58, tercer
cuaderno de los Autos contra don Pedro Bohórques, f. 139 v°).
79. Torreblanca, op. cit., p. 88.
80. AGI Charcas, 122, f.  261 r°, «  Informe del estado presente de esta
provincia del Tucumán que hace d. Alonso de Mercado y Villacorta, 21-02-
1660 ».
81. «  Nomos vient du verbe némo qui veut dire opérer une division, un
partage ; on le traduit d’ordinaire par “la loi”, mais c’est aussi, plus
précisément, ce que j’appelle le principe de vision et de division
fondamental qui est caractéristique de chaque champ  » (BOURDIEU P.,
conférence : « Le champ politique », Propos sur le champ politique, Lyon,
Presses universitaires de Lyon, 2000, p. 63).
82. LORANDI A. M. et BOIXADÓS R., « Etnohistoria de los Valles Calchaquíes »,
Runa, no XVII-XVIII, 1987-1988, p.  263-420  ; D’ALTROY et al., op. cit.  ;
QUINTIÁN J. I., op. cit.
83. QUINTIÁN J. I., op. cit.
84. BOMAN E., «  Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma  », Anales del
Museo de Historia natural de Buenos Aires, t.  XXVIII, Buenos Aires,
Imprenta y casa editora de coni hermanos, 1916, p. 521-540.
85. Pour une vision synthétique des premiers temps de l’étude des
«  antiquités  » de l’ancien Tucumán, voir GIUDICELLI C, «  Lectura de las
ruinas. La fabricación de antepasados aceptables en el noroeste argentino »
(siglos XVI-XVII/ siglo XIX) », dans BERNABÉU S. et LANGUE F., Fronteras de
las sensibilidades, Séville, Doce Calles, 2011 (sous presse). Pour une vision
plus spécialisée, on consultera HABER A., «  Un Siglo de Arqueología de
Catamarca  », Revista de Humanidades, année 5, no 5, Catamarca, 1995  ;
NASTRI J., «  Aproximaciones al espacio calchaquí  », Anales nueva época,
Göteborg, no 6, 2003, p. 99-125 (en ligne).
86. BOMAN E., Antiquités de la région andine de la République Argentine et
du désert ďAtacama. 2 vol.  , Paris, Imprimerie nationale, 1908, vol.  I,
p. 187 sqq.
87. Une bilocalisation de ces indiens dans le Valle Calchaquí et sur les
contreforts occidentaux de la Vallée de Lerma en partie confirmée d’ailleurs

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par l’ensemble de la documentation coloniale.


88. BOMAN E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », op. cit., p. 524.
89. Ibid., p. 538.
90. L’Audiencia de La Plata envoya même un corps expéditionnaire pour
renforcer cette opération. Le gouverneur Francisco de Albornoz se plaint
d’ailleurs d’avoir été circonvenu à cette occasion. «  Carta del gobernador
Felipe de Albornoz, 01-03-1633 », dans LARROUY A., op. cit., p. 96-99.
91. Le fameux Alonso de Barzana fut le premier jésuite à entrer dans la
province du Tucumán, grâce notamment au gouverneur Ramírez de
Velasco, qui en fit son aumônier lors des campagnes de «  pacification  ».
Mais il ne s’attela pas à des tâches missionnaires proprement dites.
92. BOMAN E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », op. cit., p. 538,
note no 2.
93. Noi altri non habbiamo da dismettere le nostre usanze, nè tagliarci i
capelli come gli altri/questo dissero per i Pulari, & Chubani battezzati
poco prima, Che s’andauano tagliando li capelli ad imitatione de
gl’Indiani del Perú, traduction de l’auteur. «  Relación breve del Padre
Diego de Torres acerca de los frutos que se recogen en la tierra y de los
indios calchaquies ». Santiago del Estero, 23-06-1601 », dans LEVILLIER R.,
Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op. cit., vol. III, p. 365-369. Il
s’agissait là apparemment beaucoup plus que d’une question esthétique  :
d’après les missionnaires jésuites, la coupe de cheveux pouvait constituer
un véritable casus belli. Lors des négociations en vue de la reddition des
principaux groupes calchaquíes en 1659 le père Hernando de Torreblanca
dut insister expressément auprès du gouverneur Mercado y Villacorta pour
qu’il renonce à les obliger à couper leur cheveux, afin de ne pas
compromettre l’issue de la négociation. DE TORREBLANCA H., Relación
histórica de Calchaquí, op. cit., p. 71.
94. BOMAN E., « Las ruinas de Tinti en el Valle de Lerma », op. cit., p. 538.
95. Selon cette chronologie corrigée, l’arrivée des Incas dans la région
remonterait à la première moitié du XVe siècle, alors qu’on admettait
jusqu’ici qu’elle ne se serait produite qu’à partir des années 1470-1480.
WILLIAMS V., D’ALTROY T. et LORANDI A. M., « The Inkas in the Southlands »,
dans BURGER R., MORRIS C. et MATOS MENDIETA R., Variability in the
Expressions of Inka Power, Washington DC, Dumberton Oaks Recherch
Library and Collection, 2006, p. 85-134 et p. 91-93.
96. WILLIAMS V., « Provincias y capitales… », art. cit., évoque une différence
culturelle entre le nord et le centre du Valle Calchaquí.
97. En particulier le PAC, Proyecto Arqueológico Calchaquí, un projet
américano-argentin.

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98. LORANDI A. M. et BOIXADÓS R., op. cit., p.  227  ; un deuxième travail
complète cette étude : LORANDI A. M. et BUNSTER C., « Reflexiones sobre las
categorías semánticas en las fuentes del Tucumán colonial », ibid., p. 221-
262.
99. GIUDICELLI C., «  Encasillar la frontera. Clasificaciones coloniales y
disciplinamiento del espacio… », op. cit.
100. LORANDI A. M., «  Los Valles Calchaquíes revisitados  », Anales nueva
época, Göteborg, no 6, 2003, p. 273-285.
101. LORANDI A. M. et BOIXADOS R., op. cit., p. 306.
102. LORANDI A. M., « Los Valles Calchaquíes revisitados », art. cit., p. 274.
103. WILLIAMS V., D’ALTROY T. et LORANDI A. M., «  The Inkas in the
Southlands », art. cit., p. 95.
104. GIUDICELLI C., «  Encasillar la frontera. Clasificaciones coloniales y
disciplinamiento del espacio », op. cit.
105. Por lengua de don Felipe Colca, cacique principal y gobernador de
estos indios y la suya del inga que habla e yo entiendo (AGI Charcas, 101,
no 54-4, f.  5 r° «  Testimonio del padrón de los indios del pueblo de los
pulares encomendados en el alferéz Andrés de Frías Sandoval  », 07-07-
1632)  ; Martín, alcalde del pueblo de Atapsi, encomienda del capitán
Tomás Castellanos, ladino en la lengua general del Cuzco (AGI Charcas,
58, «  Autos contra don Pedro Bohórquez  », Tercer cuaderno, 1652-1659),
Alonso, indio natural de Paiogasta, encomienda del capitán Luís Arias
Velázquez, en el Valle de los Pulares, ladino en la lengua general del Cuzco
(AGI Charcas, 58, «  Autos contra don Pedro Bohórquez, Tercer cuaderno,
1652-1659 »).
106. Une pratique que l’on retrouve d’ailleurs en Nouvelle Espagne avec le
náhuatl et dans les terres basses de l’Amérique du sud avec le guaraní.
107. «  Relación de las provincias del Tucumán que dio Pedro Sotelo
Narváez, al licenciado Cepeda, presidente de la Audiencia de los Charcas,
1582, dans LEVILLIER R., Nueva crónica de la conquista del Tucumán, op.
cit., vol. III, p. 328.
108. «  Carta del padre Alonco de Barçana al padre Juan Sebastián,
provincial, 08-09-1594  », Monumenta Peruana, Rome, institutum
historicum Societati Iesu, 1966-1986, t. V, p. 571.
109. Ibid., p. 310.
110. Examination of their history indicates that they sometimes acted
independently of their nieghbors in relation with outside powers and also
used Quechua more extensively than other groups, D’ALTROY et al., op. cit.,
p. 14-15.

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8/4/2020 Les Indiens des frontières coloniales - La raya de los pulares : institution d’une frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630) - Pre…

111. WILLIAMS V., D’ALTROY T. et LORANDI A. M., «  The Inkas in the South
Lands », op. cit.
112. Selon le principal concepteur de cette périodisation, «  Cada
parcialidad (Santamaría, Humahuaca, etc.) conforma verdaderos
señoríos que tienden a expandir sus fronteras territoriales y su dominio
efectivo sobre la tierra y sus recursos, reemplazando la forma de
intercambio propia del formativo. El germen de las luchas estaba dado »,
NÚÑEZ REGUEIRO V., « Conceptos instrumentales y marco teórico en relación
al análisis del desarrollo cultural del Noroeste argentino  », Revista del
Instituto de Antropología, no 5, 1974, p. 183.
113. Pour une vision critique de la construction des identités ethniques
dans la pratique de l’archéologie du nord-ouest argentin, voir PÁEZ M. C. et
GIOVANNETTI M., «  Tipologizando identidades. Reflexiones sobre la
construcción de identidades étnicas en la Arqueología del NOA  », Avá
(Posadas), no 13, juillet 2008 (en ligne).
114. Pucará de la Angostura [Pompona] pudo ser un marcador territorial
étnico de una frontera interna. WILLIAMS V., « Provincias y capitales… », op.
cit.
115. «  When the Inkas first appeared in the Calchaquí Valley, therefore,
they found settled, agrarian communities with links to the herders of the
nearby puna ». D’ALTROY et al., op. cit., p. 7.
116. DE TORREBLANCA H., op. cit., p. 54.
117. Les sources espagnoles ne manquent jamais de mentionner les conflits
internes aux groupes calchaquíes, comme preuve de leur manque de
civilisation.

Auteur

Christophe Giudicelli
Historien, enseignant chercheur au
MASCIPO UMR 8168 et à
l’université Paris III.
Du même auteur

Régimes nationaux d’altérité,


Presses universitaires de
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Rennes, 2016
Acculturation et subversion in
Transgressions et stratégies du
métissage en Amérique
coloniale, Presses Sorbonne
Nouvelle, 1999
La prise de Córdoba de
Calchaquí (décembre 1562).
Émergence d’un ennemi
intérieur indien (Tucumán,
Nord-ouest argentin) in La
Bataille, Presses universitaires
de Rennes, 2015
Tous les textes
© Presses universitaires de Rennes, 2011

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Référence électronique du chapitre


GIUDICELLI, Christophe. La raya de los pulares : institution d’une
frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630) In  :
Les Indiens des frontières coloniales : Amérique australe, XVIe siècle-
temps présent [en ligne]. Rennes  : Presses universitaires de Rennes, 2011
(généré le 07 avril 2020). Disponible sur Internet  :
<http://books.openedition.org/pur/110076>. ISBN  : 9782753568099.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.110076.

Référence électronique du livre


CAPDEVILA, Luc (dir.) ; OBREGÓN ITURRA, Jimena Paz (dir.) ; et
RICHARD, Nicolas (dir.). Les Indiens des frontières coloniales : Amérique

https://books.openedition.org/pur/110076 48/49
8/4/2020 Les Indiens des frontières coloniales - La raya de los pulares : institution d’une frontière indienne coloniale au sein du Valle Calchaquí (1582-1630) - Pre…

australe, XVIe siècle-temps présent. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes  :


Presses universitaires de Rennes, 2011 (généré le 07 avril 2020). Disponible
sur Internet  : <http://books.openedition.org/pur/110043>. ISBN  :
9782753568099. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.110043.
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