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Doctrine

Sociétés et autres groupements

La délicate détermination de l’origine du pouvoir


150f3

Adrien MAIROT
Avocat
de représentation des dirigeants sociaux 150f3 Docteur en droit privé

Le droit des sociétés offre de nombreuses questions doctrinales inso-


lubles tant les thèses opposées paraissent toutes fondées. Il en est ainsi
de la détermination de l’origine du pouvoir de représentation des diri-
geants sociaux. L’on pourrait espérer que des solutions jurispruden-
tielles permettent de clore ces débats, mais il n’en est rien. Par exemple,
par un arrêt en date du 18 septembre 2019 (Cass. com., 18 sept. 2019,
n° 16-26962), la chambre commerciale de la Cour de cassation a jugé,
à bon droit, que les dispositions spécifiques du Code civil régissant
le mandat n’ont pas vocation à s’appliquer dans les rapports entre
la société et son dirigeant. La question reste néanmoins posée de savoir
si le dirigeant social est un organe ou un mandataire.
Par un arrêt en date du 18  septembre I. Le rejet de la théorie
2019 (Cass.  com., 18  sept. 2019, n°  16- de l’organe
26962), la chambre commerciale de la La théorie de l’organe est constituée de
Cour de cassation a jugé « qu’après avoir
deux courants qui se sont suivis dans le
énoncé, par motifs adoptés, que le diri-
temps 4. D’après la théorie classique de
geant social d’une société détient un pou-
l’organe (A), le représentant social est
voir de représentation de la société, d’ori-
une partie de la personne morale. Selon
gine légale, l’arrêt retient, à bon droit, que
le courant moderne de l’organe (B), le di-
les dispositions spécifiques du Code civil
rigeant est un simple représentant légal.
régissant le mandat n’ont pas vocation à
s’appliquer dans les rapports entre la so- A. La théorie classique de l’organe
ciété et son dirigeant ». Cet arrêt rappelle
Avec le développement de la théorie de
ainsi qu’il est parfaitement délicat de dé-
la réalité de la personne morale est ap-
terminer l’origine du pouvoir de représen-
parue l’idée selon laquelle son représen-
tation des dirigeants sociaux.
tant est l’un de ses organes. Le terme est
La loi du 24 juillet 1867 qualifiait les diri- employé dans son sens premier. Les parti-
geants sociaux de mandataires. Ils étaient sans de la thèse réaliste considèrent que
investis d’un double mandat 1  : un de la la personne morale constitue une réalité
part des associés pour assurer la gestion au même titre que la personne humaine.
interne et un autre de la part de la socié-
Le dirigeant n’est pas le représentant de
té pour représenter la personne morale
la personne morale. Il est un organe qui
elle-même 2. La loi du 24  juillet 1966 est
ne peut être distingué de la société. «  Il
moins précise quant à la qualification ju-
est une partie d’elle-même dont elle se
ridique du dirigeant. Elle s’éloigne du sta-
sert comme la personne physique se sert
tut de mandataire sans pour autant en
abandonner la terminologie 3. Aussi, une de la bouche ou de la main » 5. Le dirigeant
opposition s’est fait jour entre les auteurs
pour savoir si le dirigeant social doit être
qualifié d’organe (I) ou de mandataire (II).
 4)  Il est possible de rattacher à cette théorie une récente proposi-
tion doctrinale, inspirée de théologie chrétienne et de théorie
politique, selon laquelle le dirigeant serait «  l’incarnation de
 1)  Casimir J.-P. et Germain M., Dirigeants de sociétés, 3e éd., 2009, la société » (Quievy J.-F., Anthropologie juridique de la personne
Groupe Revue Fiduciaire, coll. Pratique d’experts, n° 25, p. 33. morale, préf. Martin  D.-R., 2009, LGDJ, Bibl. dr.  privé, t.  510,
 2)  Bulle J.-F., Le statut du dirigeant de société, 2e éd., 1996, Groupe nos 111 s., p. 195 et s.).
Revue Fiduciaire, n° 20, p. 30.  5)  Michoud  L., La théorie de la personnalité morale et son appli-
 3)  V. par ex. C. com., art. L. 223-22, al. 5 ; C. com., art. L. 225-21 ; cation au droit français, 3e éd. par Trotabas L. , 1932, LGDJ, t. I,
C. com., art. L. 225-54-1 et C. com., art. L. 225-67. n° 60, p. 134.

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exprime la volonté propre de la société. Il sonnes physiques dans la représentation


est la personne morale 6. des personnes morales constitue une
Cette théorie imagée est lacunaire. Par source d’insécurité pour les tiers 9. La loi
le prisme déformé d’un anthropomor- ne modifie pas la source de la représenta-
phisme exagéré, elle se contente de dé- tion. Elle l’encadre seulement pour sécu-
crire sans expliquer juridiquement les riser les relations entre les sociétés et les
liens unissant la société à son représen- tiers. Par ailleurs, il appartient aux asso-
tant 7. C’est en raison du caractère insuffi- ciés de choisir le dirigeant de leur socié-
sant de cette théorie qu’une théorie mo- té. Le législateur n’a sur ce point aucun
derne a par la suite été proposée. pouvoir. Le pouvoir de représentation du
dirigeant est, et ne peut donc être, que
B. La théorie moderne de l’organe conventionnel.
La théorie moderne de l’organe conserve II. La caractérisation
la terminologie employée, mais rompt
de l’origine contractuelle
avec l’idée selon laquelle le dirigeant de la
de la représentation sociale
société n’est que le porte-voix de sa volon-
té. Elle considère que la représentation Tous les auteurs ne rejettent pas le terme
n’est pas contractuelle mais légale. Le di- de mandat. Sans en retenir la qualifica-
rigeant serait à la société ce que le tuteur tion, ils lui reconnaissent une certaine
est à l’incapable, c’est-à-dire son repré- utilité. Ils apprécient son influence dans
sentant légal. Cette présentation s’inscrit l’imaginaire juridique. Il permettrait de
dans une approche particulière de la so- mieux appréhender la représentation so-
ciété qui la présente non pas comme un ciale 10.
contrat mais comme une institution. Néanmoins, il apparaît qu’un véritable
Constatant que la loi détermine la mis- contrat de mandat fonde le pouvoir de
sion du dirigeant tout en précisant ses représentation sociale du dirigeant (A),
pouvoirs, des auteurs concluent qu’il même si la détermination du mandant
est doté d’un pouvoir légal de gestion. est délicate (B).
Comme en outre, la loi rend inopposables A. La démonstration de l’existence
aux tiers les clauses statutaires limitant d’un contrat de mandat
les pouvoirs des dirigeants 8, les statuts
apparaissent être une source limitée du La détermination de la qualité du diri-
pouvoir de représentation du dirigeant. geant doit éviter les phénomènes de ten-
dance 11. Ainsi, si « le dirigeant de société
Cette conception paraît discutable. Il est est un mandataire, ce n’est pas parce que
indéniable que la loi détermine et en- le droit des sociétés se contractualiserait
cadre la représentation sociale. Mais de plus en plus, mais c’est parce que tech-
constitue-t-elle pour autant l’origine du niquement, il ne saurait être que manda-
pouvoir de représentation  ? En d’autres taire » 12.
termes, l’encadrement légal empêche-t-
il de reconnaître une origine convention- Pour le démontrer, il suffit de rappeler que
nelle à la représentation de la société par le dirigeant est un représentant conven-
son dirigeant ? Il ne le semble pas. L’inter-
vention législative n’a qu’un but : la sécu-
rité du commerce. L’interposition de per-  9)  V. par ex. Guyon Y., Droit des affaires, t. I, Droit commercial géné-
ral et sociétés, 12e éd., 2003, Economica, n° 191, p. 199.
 6)  Michoud  L., La théorie de la personnalité morale et son appli-  10)  
Selon M.  le professeur Philippe Didier, le terme mandat
cation au droit français, 3e éd. par Trotabas L. , 1932, LGDJ, t. I, ne doit pas s’entendre d’un contrat. Il sert juste à décrire le
n° 60, p. 134. contenu des obligations du dirigeant, à savoir  : loyauté et
 7)  Pagnucco J.-C., L’action sociale ut singuli et ut universi en droit diligence (Didier  P., De la représentation en droit privé, préf.
des groupements, préf. Deboissy F., 2006, LGDJ, n° 230, p. 132. Lequette Y., 2000, LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 339, n° 241, p. 185).

 8)  V. C. civ., art. 1849 ; C. com., art. L. 221-5 ; C. com., art. L. 223-18 ;  11)  Asencio S., « Le dirigeant de société, un mandataire “spécial”
C.  com., art.  L.  225-56  ; C.  com., art.  L.  225-64  ; C.  com., d’intérêt commun », Rev. sociétés 2000, p. 686.
art.  L.  225-66  ; C.  com., art.  L.  226-7  ; C.  com., art.  L.  227-6  ;  12)  Asencio S., « Le dirigeant de société, un mandataire “spécial”
C. com., art. L. 251-11. d’intérêt commun », Rev. sociétés 2000, p. 687.

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tionnel 13 parfait de la société. Comme le mandat de droit commun. Il s’agit d’un
mandat constitue le seul mode de repré- mandat spécial comme il en existe tant
sentation parfaite conventionnelle, le di- d’autres 19. Le contrat de mandat n’a-t-il
rigeant ne peut être qu’un mandataire 14. pas mille visages 20  ? En outre, des légis-
Ce syllogisme nécessite de démontrer la lations spéciales limitent, par exemple, le
réalité de la prémisse mineure car les op- droit de révocation ad nutum de certains
positions naissent de la détermination de mandataires spéciaux. Leur qualification
la source du pouvoir de représentation. de mandat n’est cependant pas remise en
cause 21. Pourquoi serait-ce différent avec
En dépit de la détermination légale du le mandat social ?
contenu des fonctions du dirigeant, il est
difficile de nier que l’origine de la relation L’origine conventionnelle de la représen-
entre la personne morale et son représen- tation permet d’expliquer de surcroît la
tant est un contrat 15. La source du pouvoir consécration jurisprudentielle de nou-
de représentation réside dans le contrat veaux devoirs incombant au dirigeant. À
de société. En effet, il appartient au repré- titre d’exemple, le devoir de loyauté 22 a
sentant de respecter les statuts. Même si pour fondement le contrat de mandat 23
cette intervention présente un caractère car il lui est inhérent 24. De même, elle
subsidiaire et indirect 16, le contrat de so- justifie la solution admettant qu’un ma-
ciété demeure la source du pouvoir de re- jeur sous curatelle puisse être président
présentation. du conseil d’administration d’une société
anonyme 25.
La qualité de mandataire du dirigeant
est parfois niée en raison des différences Ainsi, le dirigeant est un mandataire mais
de régime existant entre ce mandat et le un mandataire spécial au même titre que
mandat de droit commun. Ces distinc- le contrat de société est un contrat spé-
tions concernent essentiellement l’inop- cial 26.
posabilité aux tiers des conventions ré- B. La détermination du mandant
duisant les pouvoirs des dirigeants, la
révocation de certains d’entre eux subor- Sans préciser le mandant, certains au-
donnée à un juste motif 17, la responsabili- teurs n’hésitent pas à qualifier le dirigeant
té civile de la société pour les fautes com- de mandataire. Le choix de l’attribution
mises en qualité de dirigeant 18. de la qualité de mandant ne peut s’opé-

S’il est affirmé qu’un contrat de mandat  19)  Pour ne citer que quelques exemples  : agent commercial,
voyageur représentant placier (VRP), agent d’assurances…
fonde le pouvoir de représentation so-
 20)  Cornu  G. cité par Huet  J., Traité de droit civil, Les principaux
ciale, il n’est pas soutenu qu’il s’agit d’un contrats spéciaux, 2e éd., 2001, LGDJ, n° 31500, p. 1204.
 21)  V. les cas visés Pétel P., Le contrat de mandat, 1994, Dalloz, p. 19
 13)  L’origine conventionnelle de la représentation est incontes- et s.
table. « À l’origine de toute société de droit, il y a toujours un acte  22)  V. parmi les nombreuses études, par ex. Daigre J.-J., « Le petit
volontariste, même si “la volonté individuelle s’efface ensuite”. Que air anglais du devoir de loyauté des dirigeants », in Mélanges
la loi intervienne pour réglementer la mise en œuvre du contrat en l’honneur de Pierre Bézard, 2002, Montchrestien, p. 79 et s. ;
importe peu. Ce qui compte au regard des qualifications quant Daille-Duclos B., « Le devoir de loyauté du dirigeant », JCP E
aux sources des situations juridiques, c’est la volonté qui en est 1998, p. 1486 ; Le Nabasque H., Le développement du devoir de
à l’origine (…). Concernant les sociétés de droit, la source est loyauté en droit des sociétés, RTD com. 1999, p. 273.
individuelle et non légale » (Asencio S., « Le dirigeant de socié-
té, un mandataire “spécial” d’intérêt commun », Rev. sociétés  
23)  
D’autres fondements ont été proposés. Par exemple,
2000, p. 697). M.  Laurent Godon considère que le devoir de loyauté est
une conséquence pratique de la moralisation du droit des
 14)  Asencio S., « Le dirigeant de société, un mandataire “spécial” affaires voire une réception dans notre droit des obligations
d’intérêt commun », Rev. sociétés 2000, p. 690 et s. fiduciaires des dirigeants anglo-saxons (obs. sous Cass. com.,
 15)  Vatinet R., La réparation du préjudice causé par la faute des diri- 28 nov. 2006 : Rev. sociétés 2007, p. 524, n° 7).
geants sociaux devant les juridictions civiles, Rev. sociétés 2003,  24)  Pétel P., Le contrat de mandat, 1994, Dalloz, p. 53.
p. 256.
 25)  Cass.  com., 29  sept. 2009  : JCP  E 2009, 2066, note crit.
 16)  Berr  C., L’exercice du pouvoir dans les sociétés commerciales, Hovasse H. ; adde Hovasse H., « Un majeur en curatelle peut
1961, Sirey, n° 23, p. 32. être président du conseil d’administration d’une société
 17)  La révocation pour juste motif concerne : le directeur général anonyme ! », Dr. sociétés 2009, repère 11.
de SA (C. com., art. L. 225-55), les membres du directoire de  26)  Asencio S., « Le dirigeant de société, un mandataire “spécial”
SA (C. com., art. L. 225-61), les gérants de SARL (C. com., art. d’intérêt commun », Rev. sociétés 2000, p. 689 ; également
L. 223-25), de SNC (C. com., art. L. 221-12), et de société civile en ce sens, Hasche-Dournaux  M., Réflexion critique sur la
(C. civ., art. 1851). répression pénale en droit des sociétés, préf. Le Cannu P., 2005,
 18)  Pétel P., Le contrat de mandat, 1994, Dalloz, p. 17. LGDJ, Bibl. dr. privé, t. 439, n° 426, p. 298.

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rer qu’entre deux types de personnes  : qui lui est propre transcendant tous les
les associés ou la société. Seule la société intérêts catégoriels pris isolément, réunis
peut recueillir cette qualification (2) qui ou combinés 28.
ne saurait être recherchée dans les asso- Ainsi, la qualification de mandant attri-
ciés (1). buée aux associés ne peut être admise.
1) La qualité de mandant faussement Stéphane Asencio propose une identi-
recherchée dans les associés fication variable du mandataire. Le diri-
geant serait un mandataire particulier
Selon Jean-Christophe Pagnucco, les di- dont le mandant serait parfois les asso-
rigeants sont des mandataires de l’en- ciés, parfois la société 29. Théoriquement
semble des membres de la personne mo- concevable, ce dogme doit être rejeté car
rale 27. Sa thèse est fondée sur le fait que il n’existe qu’un mandant possible : la so-
l’acte sur lequel prend appui la nomina- ciété.
tion du dirigeant est l’œuvre des associés.
Cette approche doit être rejetée. Comme 2) La société, mandant naturel de son
le relève le professeur Michel Germain, représentant
l’idée selon laquelle les représentants de Dès lors qu’un contrat de mandat fonde
la société sont les mandataires des asso- le pouvoir de représentation du dirigeant
ciés est inexacte pour au moins deux rai- social, il ne peut s’agir que d’un mandat
sons. D’une part, ils sont souvent nom- conclu entre le représentant (le dirigeant)
més par la majorité des associés et non et le représenté (la société).
par tous. D’autre part, ils disposent de Cette proposition est traditionnellement
pouvoirs n’appartenant pas aux associés. rejetée au regard du droit des obligations.
En outre, il est certain que le rôle du di- Tout contrat nécessite la rencontre de
rigeant est de représenter la société et deux volontés propres. La société en étant
non les associés. Cette proposition nie, dépourvue, elle ne pourrait conclure un
par ailleurs, totalement la personnali- contrat de mandat 30. Cet argument n’est
té juridique de la société. Quel est l’inté- pas dirimant.
rêt de reconnaître la personnalité morale
d’une société, si son représentant est le S’agissant des personnes morales, la
mandataire de l’ensemble des associés construction idéaliste de l’autonomie de
ou actionnaires ? Dans ce cas, il ne repré- la volonté n’a pas de sens 31. Il faut ces-
sente non pas la personne morale mais ser de considérer que la représentation
ses membres. Dans ce système, la socié- donne lieu à une délégation de la volon-
té ne constitue plus une personne mais té du mandant au mandataire. En réalité,
une simple affectation du patrimoine. La la représentation consiste en la substitu-
société n’a alors aucune existence propre tion de la volonté du représenté par celle
et se confond entièrement avec ses du représentant 32.
membres. Le concept de personne mo- Ainsi, en désignant le dirigeant de la so-
rale n’a, dans ce cas, plus de sens. ciété, les associés représentent la société
De surcroît, il ressort de cette idée une elle-même. En usant de leurs pouvoirs de
appréciation particulière de la société. Si désignation, ils ne se choisissent pas un
l’on poursuit cette logique, au même titre représentant, ils nomment le représen-
que le dirigeant est le mandataire des as- tant de la société. D’ailleurs chaque com-
sociés, l’intérêt social n’est pas celui de la  28)  Paillusseau J., La société anonyme. Technique d’organisation de
société mais l’addition des intérêts parti- l’entreprise, 1967, Sirey, p. 196 et s.
culiers de l’ensemble de ses membres. Or  29)  Asencio S., « Le dirigeant de société, un mandataire “spécial”
d’intérêt commun », Rev. sociétés 2000, n° 22, p. 701.
la société s’est vu reconnaître un intérêt  30)  Gibirila D., Le dirigeant de société, 1995, Litec, n° 11, p. 12.
 31)  Savatier R., « L’écran de la représentation devant l’autonomie
 27)  Pagnucco J.-C., L’action sociale ut singuli et ut universi en droit de la volonté des personnes », D. 1959, chron. p. 47, n° 2.
des groupements, préf. Deboissy  F., 2006, LGDJ, nos  245 et  s.,  32)  Savatier R., « L’écran de la représentation devant l’autonomie
p. 140 et s. de la volonté des personnes », D. 1959, chron. n° 4, p. 48

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posant de la société dispose d’un pouvoir sociés et leur titre de mandataire conféré
de représentation de celle-ci. Dès lors en tant que représentant de la société 35.
qu’il respecte son domaine de compé- Les associés nommant matériellement
tence, le composant agit en lieu et place le représentant de la personne morale le
de la société. font au nom et pour le compte de celle-
Cette appréciation peut paraître abstraite ci. Partant, seule la société peut se voir
car la société ne peut se prononcer elle- reconnaître la qualité de mandant. Le
même. Mais la qualité de sujet de droit pouvoir de représentation est ainsi en
n’est-elle pas empreinte d’abstraction 33 ? principe fondé sur un contrat de mandat
La notion de sujet de droit attachée à cer- liant la société à son représentant.
taines personnes physiques et morales Il apparaît ainsi que la source du pouvoir
ne constitue qu’un artifice 34. Il est ain- de représentation est légale, qu’elle est
si permis de considérer qu’en se pronon- fondée sur un contrat de mandat spécial
çant, les associés se prononcent en réali- existant entre le dirigeant social et la so-
té au nom et pour le compte de la société. ciété, ce qui explique que la Cour de cas-
Il ne faut donc pas confondre l’acte maté- sation puisse valablement juger que « les
riel de nomination qui est l’œuvre des as- dispositions spécifiques du Code civil ré-
gissant le mandat n’ont pas vocation à
 33)  Martin R., « Personne et sujet de droit », RTD civ. 1981, p. 794, s’appliquer dans les rapports entre la so-
n°  13. Le niveau d’abstraction de cette notion est tel qu’un ciété et son dirigeant ».
150f3

auteur a proposé de donner la qualité de sujet de droit


à un animal ou même à une chose tel qu’un monument
(Demogue  R., Les notions fondamentales, réimpr. 1911, 2001,
Mémoire du droit, p. 337 et s.).
 34)  Martin R., « Personne et sujet de droit », RTD civ. 1981, p. 785,  35)  Berr  C., L’exercice du pouvoir dans les sociétés commerciales,
n° 4. 1961, Sirey, n° 526, p. 310.

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