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Technique contractuelle (extraction)

SECTION 3Les effets structurels du contrat


Création d'une structure

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L'effet qualitativement le plus important qu'un contrat puisse développer est, sans doute, la création
d'une structure.
. - Tel est le cas pour les contrats auxquels la loi attache pareil effet. Il s'agit, tout en premier, bien
entendu, des contrats de société, quel que soit le type créé : civile ou commerciale, de personnes ou
de capitaux.
Dès lors que les conditions légales seront remplies, la société naîtra. Compte tenu du doute qui
pourra exister sur la réunion des éléments constitutifs d'une société, les parties pourront prendre
parti expressément sur la nature de leur groupement, parfois pour retenir la qualification sociétaire,
plus souvent pour l'écarter. Tel sera notamment le cas lorsque les parties seront convenues de tous
les événements constitutifs mais n'auront pas finalisé leur accord. Le risque consistera à qualifier
l'accord de promesse de société. Pour éviter cette conséquence, les parties auront intérêt à prévoir
expressément qu'en dépit de l'étendue de leur accord, il ne saurait exister entre elles de société, ni
de promesse de société avant l'immatriculation officielle de la société.
. - Des structures non sociétaires dotées de la personnalité juridique telles que l'association en droit
français existent sous toutes les latitudes.

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Le contrat peut créer d'autres groupements que des sociétés dotées de la personnalité juridique. La
plupart des droits nationaux connaissent des structures plus conventionnelles que sociétaires qui se
prêtent parfaitement aux accords de joint-venture dans lesquelles les partenaires ne veulent pas
s'embarrasser de liens capitalistiques, ni créer de représentation institutionnelle. Tel est le cas en
droit français des associations d'avocats.

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A un stade de formalisme moindre, de nombreux contrats conclus pour une longue durée restaurent
des organes chargés de contrôler l'exécution du contrat. Il s'agit souvent pour les parties à un contrat
durable portant sur une opération complexe de permettre la mise au point, la prévention, voire le
complément et même l'adaptation de leurs relations. Si l'on songe, par exemple à la construction
d'une villa, la réunion de chantier hebdomadaire est déjà nécessaire bien au-delà de la vérification
des taux respectifs d'exécution des différents contrats. La complication de l'opération dans ses
composantes techniques mais aussi juridiques, fiscales, financières…, l'apparition de problèmes ou
de données auxquels les parties ne pouvaient songer à la conclusion de leur accord imposent de très
importants compléments. On voit, alors, le contrat initial transférer à des accords ultérieurs le soin
de définir des prescriptions que les parties ne pouvaient établir au jour de sa conclusion et l'on
s'éloigne de la vision confortable d'une machine juridique définissant avec précision pour le futur ce
que l'un et l'autre opérateur devra faire, pour mettre en place des instances susceptibles de
concevoir et d'adopter ces compléments. Une gamme de moyens répond à ce souci.

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Prolongement des classiques réunions de chantier, des rencontres régulières entre représentants des
parties en présence peuvent être prévues par le contrat :
 « Les parties se rencontreront tous les 3 mois pour étudier les problèmes techniques et commerciaux qu'elles
rencontrent, l'exécution des opérations en cours ainsi que les perspectives du marché .Elles se réuniront,
également, à la demande de l'une d'elles dès lors qu'une difficulté d'exécution de la convention se présenterait ».«
Une réunion franchiseur-franchisé sera organisée, tous les 3 mois, à l'échelon des services commerciaux et, tous les
ans, au moins, à l'échelon des directions générales ».
Ces organes baptisés comités de pilotage ou « comités de liaison » seront d'abord définis dans leur
composition. On rencontre ainsi la clause suivante dans un contrat d'info-gérance :

« Le comité de pilotage sera composé de deux représentants du Client, de deux responsables du Prestataire. Il sera
présidé par un représentant du Client ».

La clause décrira ensuite les missions dudit comité. La clause suivante est ainsi proposée :
« Le comité a pour mission :
. a) de suivre la préparation du basculement, son exécution et, ultérieurement, le fonctionnement du service offert
par le prestataire…
b) d'examiner en commun pour information les choix techniques adoptés par le prestataire ;
c) de s'informer sur les moyens matériels ou les compétences humaines que le prestataire met en œuvre,
notamment en cas de retard de ce dernier sur l'exécution de ses prestations ;
d) d'examiner les anomalies éventuelles ;
e) d'examiner en première instance les litiges nés à l'occasion de la prestation.
En aucun cas, le comité ne peut, par une décision, modifier un document contractuel, un avenant étant nécessaire
pour ce faire, ou encore engager une dépense à la charge de la société cliente » (Dict. permanent droit des affaires,
p. 5537).

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Un pas supplémentaire peut être franchi, d'abord, avec la désignation de collaborateurs de chaque
entreprise qui auront pour tâche de « gérer ensemble » le contrat et, en leur qualité de
représentants des parties, de prolonger le contrat voire de le modifier par voie d'avenants pour la
négociation (et la conclusion) desquels pouvoirs leur sont donnés :

« Chaque partie désigne un coordonnateur qui la représentera face à l'autre partie pour l'exécution de l'ouvrage
contractuel. Les deux coordonnateurs ont pouvoir de leurs sociétés respectives pour appliquer et préciser ledit
contrat ».

Il s'agit bien de la mise en place d'instances, d'organes de négociation de compléments au contrat.


Les parties demeurent bien dans un contexte exclusivement contractuel.
Le basculement vers les formules sociétaires - de droit ou de fait - ou plus largement vers des
groupements dotés d'une personnalité juridique distincte de celle des contractants menace, alors, et
se trouve probablement réalisé dès lors que la clause du contrat permet une quelconque décision
majoritaire, quelle que soit la décision concernée et quelle que soit la majorité requise. A ce
moment-là, en effet, il paraît bien difficile d'évoquer la négociation et l'accord des parties lorsque la
règle naît malgré la volonté contraire de l'une des parties. L'ombre de la « société créée de fait »
s'étend sur de tels dispositifs.
Les propositions Couste et Glon de la précédente décennie sur l'organisation des concessions et
franchises suggéraient la création d'un GIE pour tout réseau comportant un certain nombre
d'opérateurs. Cette instance dotée de la personnalité juridique aurait eu, notamment, compétence
pour la fixation du prix des marchandises vendues par le concédant aux concessionnaires, ceux-ci
demeurant, bien entendu, libres d'établir le prix de revente. Les propositions n'ayant pas été
retenues, les contrats de concession et franchise ne doivent pas - mais peuvent - préciser les
modalités de constitution et fonctionnement de telles entités.

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Le pas est expressément franchi lorsque les parties s'obligent à créer une entité dotée de la
personnalité juridique ou non (société en participation) :

« Les parties poursuivront leur action en vue de la création d'une société dont l'objet sera… et dont le capital sera
ainsi réparti… ».

Avec les clauses de contrat prévoyant la mise en place de « groupement d'entreprises statutaires »
(M. Dubisson, op. cit. 1985, p. 157 ; Ceri t. III)… « non dotés de la personnalité juridique » (p. 171) et,
surtout, « dotés de la personnalité juridique » (p. 158), nous retrouvons l'effet qualitativement majeur
d'un contrat : la création d'une personne juridique nouvelle dont le texte de l'accord traitera à titre
principal ou accessoire.
Organisation de la structure

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Au cours de l'existence de ces groupements, de nombreux contrats vont procéder à l'organisation de


ces structures juridiques. Ces accords créent différents organes, en organisent de façon plus ou
moins rigide la composition et le fonctionnement (représentation, convocation, quorum, majorité,
exclusion, répartition des recettes et des charges…). Une discipline nouvelle, très riche, se met en
place, que l'on pourrait dénommer « droit contractuel des groupements » dont Yves Guyon a assuré
la première mise en place (Y. Guyon, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre
associés, in Traité des contrats sous la dir. de J. Ghestin, LGDJ, 5 e édition 2002 ; P. Mousseron, Les
conventions sociétaires, LGDJ Droit des affaires, 2 e éd. 2014, spécialement n° 292 et s., à propos des
conventions relatives aux organes sociétaires). Ces accords viennent souvent ajouter des organes
conventionnels dits comités à des organes légaux (J.-F. Barbieri, Organes de contrôle de la société :
Comité d'audit et autres « comités spécialisés », Joly Sociétés, E0027). Cette superposition peut
poursuivre différents objectifs :
. - améliorer la gestion interne en instaurant des organes plus réduits et réactifs,
. - limiter la responsabilité de certaines personnes en les plaçant dans des organes de surveillance et
non pas de direction,
. - flatter l'ego de certaines personnes en leur octroyant des titres ronflants (Directeur du Comité
d'Audit, Président du Conseil des Investissements).
Les parties peuvent aussi souhaiter modifier conventionnellement les règles applicables aux organes
imposées par la loi. Dans cet exercice, les concepteurs de ces structures doivent être attentifs à ne
pas affecter les droits des tiers ni les compétences d'ordre public de certains organes légaux
(approbation des comptes par l'assemblée, fixation de la rémunération par le conseil
d'administration…).
Dissolution de la structure

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La destruction des structures est le fait d'autres contrats emportant dissolution conventionnelle.
Même s'ils sont plus pessimistes que les dispositifs de création et d'organisation, ces contrats sont
souvent plus utiles dès lors qu'ils porteront sur une période de tension où la confiance aura souvent
faibli.
S'agissant de structures sociétaires, on rencontrera des accords de dissolution anticipée ainsi que les
contrats de fusion qui aboutissent au même effet. En matière de structures non sociétaires
(succursales, sociétés en participation…), les parties ont davantage de souplesse pour aménager les
effets de la disparition de la structure, qu'il s'agisse de déterminer le sort des biens ou des
personnes affectées jusqu'alors à ces groupements.
Des accords sont ainsi pratiqués pour définir les modalités de liquidation amiable, qu'il s'agisse de
désigner le liquidateur, fixer la durée de ses fonctions ou le contenu de son obligation de rendre
compte. S'agissant du partage, des mécanismes d'attribution préférentielle sont concevables
notamment s'agissant des apports en nature.

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Les mécanismes de droit déclenchés par l'apparition de ces structures sont classiquement énoncés
par les règles réunies au titre de ces groupements et le souci de ne pas élargir de manière excessive
le champ de cette étude comme de ne pas absorber purement et simplement le droit des
groupements dans le champ de la technique contractuelle nous en écartera. Un rappel de
suzeraineté suffira, aujourd'hui.

Technique contractuelle (extraction)


(c) 2020 Editions Francis Lefebvre

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