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De Boeck Supérieur | « Reflets et perspectives de la vie économique »
ISSN 0034-2971
ISBN 2804151727
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-reflets-et-perspectives-de-la-vie-
economique-2006-3-page-19.htm
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Abstract – Tax systems are generally assessed through their ability to achieve effi-
ciency and equity goals. The question raised in this article is why and how some of
these systems can get created and/or stay and place without achieving any of these
goals. The approach used is in the tradition of the political economy literature, which
assesses the web of interactions between the incentives of politicians to propose pol-
icies and the economic outcomes, that result, a.o. in terms of equity and efficiency.
We review some of the existent theoretical analyses, to provide a better understand-
ing of our two problems of interest dimensions concerning tax systems. First, why are
inefficient systems not reformed? Second, why would governments ever implement
systems that are viewed as inferior by a majority of the voters? Then, we illustrate how
these theoretical mechanisms have worked in Belgium. Our analysis provides three
cases studies: the tax exemptions awarded to SMEs, the tax exemptions offered to
one-earner couples, and the taxation of capital income. In each of these cases, we
highlight inefficiencies in the existing system –and hence could (should?) be reformed
–and how the political economy factors put forth in the literature explain why actual
reforms have remained insufficient.
JEL codes: D70, D72, H20, H21, H24.
Mots clés – réforme fiscale, théorie économique des réformes.
Les économistes évaluent habituellement les systèmes fiscaux sur base des cri-
tères d’efficacité et d’équité. Les premiers visent à réduire les effets de distorsions
qu’engendre le prélèvement fiscal dès lors qu’il modifie les prix relatifs et par là
l’allocation des ressources. Les seconds concernent l’impact sur la distribution des
revenus. À ces deux familles de critères principaux s’ajoutent le ciblage des incita-
tions et la minimisation des coûts administratifs et du compliance cost des contri-
buables. Ces critères d’évaluation concernent tant les systèmes en place que les
propositions de réforme.
1. Micael Castanheira est chercheur qualifié auprès du FNRS et chargé de cours à l’Université Libre
de Bruxelles. Christian Valenduc est économiste, conseiller général au service d’Études du Ministère
des Finances, maître de conférences à l’UCL et aux FUCAM. Micael Castanheira tient à remercier
le FNRS et la BNB pour leur support financier. Nous tenons également à remercier Laurent Bouton
pour ses commentaires. Les vues présentées dans cet article n’engagent évidemment que ses
auteurs et ne reflètent pas nécessairement les idées des institutions précitées.
Ce mode d’évaluation laisse de côté un aspect majeur : tout système fiscal est
la résultante d’un choix politique. Dans une démocratie, il devrait donc correspondre
aux vues des majorités en place. Le processus de décision politique est cependant
plus complexe. Nos systèmes fiscaux portent l’empreinte des majorités succes-
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sives, des coalitions qui les traversent, du poids des groupes de pression.
Dans cet article, nous nous proposons d’investiguer brièvement, et donc de
façon très élémentaire, comment certaines caractéristiques ou évolutions du sys-
tème fiscal peuvent s’expliquer par des déterminants politiques. L’interrogation de
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base est la suivante : comment se fait-il que des dispositions contraires tant à l’effi-
cacité qu’à l’équité sont mises en place ou demeurent, alors que l’intérêt général
gagnerait à leur suppression ?
La première section rassemble quelques constats d’évaluation du système
fiscal sur base des critères habituels d’efficacité et d’équité. Nous passons ensuite
à l’exposé des cadres théoriques, dont nous illustrons des applications possibles
dans la troisième et dernière section de cet article.
2. La Belgique occupe la troisième place dans le classement effectué par l’OCDE. Voir l’édition 2005
de la Statistique des recettes publiques des pays membres de l’OCDE.
3. Voir Verbist G. (2004).
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
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partagée au niveau de baisse des taux marginaux et y ajoute l’extension progres-
sive du décumul des revenus professionnels. Pendant les années 1990, le renver-
sement du choix à l’avantage de l’équité résulte de mesures d’ordre général dont
l’objectif premier est d’ordre budgétaire : il s’agit de réduire le déficit de l’ensemble
des pouvoirs publics en dessous de 3 % pour qualifier la Belgique pour l’Euro 5. Il
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Il existe cependant bon nombre de situations où notre système fiscal n’est ni effi-
cace, ni équitable. Elles concernent principalement la fiscalité de l’épargne et de
l’investissement. L’examen de la taxation des différentes formes d’épargne fait
ainsi apparaître des écarts de taux effectifs d’imposition qui rendent la fiscalité de
l’épargne inefficace 6 : ces différences d’imposition effective entre les actifs finan-
ciers modifient en fait les rendements relatifs et biaisent les choix des épargnants
sans justification économique : comment justifier, par exemple, que le rendement
d’un actif financier connaisse un régime différent selon qu’il est attribué sous forme
de revenus distribués ou capitalisés ? La fiscalité de l’épargne n’est pas davantage
équitable : les traitements différenciés selon le type d’actif violent l’équité horizon-
tale et le profil des taux d’imposition en fonction du revenu viole l’équité verticale.
Ainsi, la fiscalité de l’épargne à long terme est régressive car elle subsidie d’autant
plus, par euro placé, que l’épargnant est riche et qu’il a commencé à épargner tard.
De telles dispositions sont construites à contresens par rapport à l’imperfection de
marché qu’elles prétendent combattre, à savoir la myopie dans les choix patrimo-
niaux des épargnants. L’effet d’aubaine est maximal, au plus grand bénéfice du sec-
teur des banques et assurances.
Maldague et Valenduc (1999) résumaient leur examen de la fiscalité de l’épargne
en ces termes : « La fiscalité de l’épargne est coincée entre l’Europe et les lobbies » :
leur propos concernait le secteur « banque et assurance » qui, comme il ressort
de leur analyse, pèse de tout son poids contre l’imposition des plus-values, la sup-
pression de l’utilisation fiscale du secret bancaire et autres mesures qui rendraient
la fiscalité de l’épargne à la fois plus efficace et équitable. Ce secteur est également
le grand bénéficiaire de certains incitants relatifs à l’épargne à long terme et d’autres
mesures dérogatoires, dont certaines ont toutefois pu être abrogées depuis 7.
Un même constat prévaut en matière de fiscalité immobilière. Le Conseil Supé-
rieur des Finances notait diplomatiquement : « Il y a suffisamment de manquements
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Valenduc (2004) note à ce propos que la fiscalité immobilière a souffert non pas de
trop d’action politique, mais du manque d’action politique et les reports successifs
des péréquations cadastrales en sont l’illustration la plus frappante.
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
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Plusieurs questions ressortent de ces observations. Tout d’abord, pourquoi des
réformes qui pourraient améliorer à la fois l’efficacité et l’équité du système de taxa-
tion n’émergent-elles pas plus facilement ? Et accessoirement, comment doit-on
apprécier le gradualisme avec lequel s’effectuent les réformes effectivement mises
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en place ?
Ensuite, comment et pourquoi sont nés des systèmes fiscaux qui ne servent
qu’une relative minorité de la population ? Le fait même que de tels systèmes fis-
caux puissent émerger est un signe d’inefficacité. Si de telles inefficacités sont inhé-
rentes à notre système politique, il pourrait être bon d’envisager certaines réformes
du système politique lui-même. Si les tentatives de réformes actuelles montrent
qu’il s’agit d’« accidents du passé », il faut avant tout comprendre comment aider
le système politique existant à effectivement avancer dans les réformes.
A priori, cette distinction peut sembler superflue, voire inexistante. Pourtant, comme
le démontrent Fernandez et Rodrik, elle est suffisamment contraignante pour empê-
cher la réforme de systèmes très inefficaces. Raisonnons à l’envers et posons-nous
d’abord la question du maintien du support électoral : pourquoi voudrait-on re-
tourner en arrière et « défaire » une réforme passée ? Simplement parce que suffi-
samment d’électeurs ressentent que la réforme a réduit leur bien-être. Ceci impose
donc une contrainte d’équité à toute réforme : il faut qu’elle génère suffisamment
de bénéficiaires à travers la population. Vient l’autre contrainte : même si une
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parce que les coûts sont importants pour ceux qui n’y gagneront pas. Pour obtenir
un support suffisant ex ante, il faudra donc que la réforme soit aussi très efficace
(bénéfices attendus suffisamment supérieurs aux pertes).
C’est l’existence de cette double contrainte de majorité qui génère le biais de
statu quo : la réussite de la réforme serait nettement plus probable si l’on partait
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d’une table rase que si l’on devait réformer un système existant. À titre d’exemple,
certains pays de l’Est ont réussi à mettre en place des systèmes fiscaux largement
considérés comme supérieurs aux nôtres (Europe des 15). Cependant, chez nous,
la mise en place de tels systèmes serait beaucoup plus difficile parce que la double
contrainte mise en évidence par Fernandez et Rodrik (1991) fait que le support
politique sera insuffisant.
Toute réforme requiert que certains groupes s’adaptent au nouveau système.
Pour simplifier, disons qu’une réforme qui augmente l’efficacité implique que la
population doit voir ses revenus augmenter : un meilleur impôt doit permettre de
collecter les mêmes sommes, tout en baissant les taux de taxation. Cependant,
une fraction significative de la population aura fait par le passé des choix qui étaient
guidés par le désir de réduire la charge fiscale, tels que des investissements dans
des fonds ou des biens peu taxés. Ceux-ci se sentiront « piégés » si l’on introduit
une réforme qui rend ces choix fiscalement moins rentables. Pour ce groupe-là, le
bénéfice dépend directement de leur capacité d’adaptation au nouveau système :
si leur adaptation est réussie, ils bénéficieront comme les autres des gains d’effi-
cacité. Si leur adaptation échoue, ils ne percevront que les aspects négatifs de la
réforme. Pour la plupart des réformes, la perception des pertes potentielles est évi-
demment plus concrète que celle de bénéfices vus comme étant plus distants. Les
opposants à la réforme auront donc tendance à peser de tout leur poids politique,
tandis que ceux qui pourraient bénéficier de la réforme formeront un groupe moins
compact, et donc politiquement moins lourd. Dans une telle situation, la réforme ne
peut obtenir de support suffisant.
Pour clarifier la façon dont ce biais de statu quo peut peser sur notre système
fiscal, considérons un exemple. Supposons qu’un gouvernement veuille mettre en
place un système de flat tax, avec taxation uniforme de tous les revenus, qui taxe-
rait moins les revenus du travail car il élargirait la base de l’impôt 9. Supposons éga-
lement qu’une telle réforme hypothétique puisse à terme réduire le chômage à,
disons, 2 % et augmenter le revenu net de tous les salariés et des employeurs.
Une telle réforme sera-t-elle mise en place ? Pour le savoir, tentons d’imaginer
quels seraient les groupes de « perdants » et de « gagnants ». Tous ceux qui ont,
durant de longues années de travail, contribué à l’impôt des personnes physiques
ne percevront qu’une petite partie des gains. Tous ceux qui ont épargné en vue de
leur retraite verront leurs revenus de l’épargne taxés plus lourdement, et donc leur
9. Voir à ce sujet les simulations dans la contribution de C. Valenduc dans ce même numéro. Voir
notamment la distribution des gagnants et des perdants selon le groupe socio-professionnel, l’âge
et le revenu.
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
pension réduite. Tous ceux qui ont investi dans l’immobilier pour ne pas payer l’impôt
associé au travail verraient leur revenu réduit. En bref, une grande partie de la popu-
lation de plus de 40 ans sera opposée à la réforme et les opposants seront majo-
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ritaires chez les retraités.
Par contre, les étudiants, les jeunes travailleurs, les personnes à la recherche
d’un emploi, et ceux qui n’attendent pas d’immeuble en héritage, verront la ré-
forme d’un très bon œil. Mais ils ont peu d’expérience et de poids politique (l’âge
moyen de l’électeur est bien au-dessus de 40 ans), et ne représenteront donc pas
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de protection sociale des travailleurs pour le rendre plus efficace, tout en obtenant le
support des syndicats, etc. Dans d’autres circonstances, il s’avère nécessaire de
changer le niveau auquel se font les négociations : nombreuses sont les situations
où le pays a utilisé un recours à l’Europe ou à d’autres pressions supranationales
pour atteindre ses objectifs de gains d’efficacité économique.
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11. John Nash est le « héros » personnifié par Russell Crowe dans le film Un homme d’exception.
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
divisés par 20 candidats). La question que la théorie des jeux permet de poser est
la suivante : les politiciens ont-ils intérêt à maintenir une telle plate-forme électorale ?
Techniquement : est-ce que la politique égalitaire est un « équilibre » du jeu ? La
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réponse sera négative si, en modifiant sa plate-forme électorale, un candidat peut
s’assurer d’être élu avec probabilité 1.
Si 10 sièges sont à pourvoir et que les 20 candidats en concurrence maintien-
nent tous la proposition « égalitaire », ils devront s’attendre tous à recevoir le même
nombre de votes, soit 5 % (c’est-à-dire 1/20. On obtiendrait une fraction 1/n s’il y
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avait n candidats).
Cette plate-forme égalitaire ne sera un « équilibre politique » que si un candidat,
en adoptant une autre plate-forme, perdait nécessairement des voix : dans ce cas,
l’incitation de chaque politicien serait de maintenir la plate-forme égalitaire. A con-
trario, s’il existe au moins une autre plate-forme qui permet d’être élu avec une
plus grande probabilité, on peut être certain que la plate-forme égalitaire ne peut
pas être un équilibre : dans ce cas, la concurrence politique induira nécessairement
la présence de « cadeaux » à des minorités ciblées.
La question peut donc être posée comme suit : serait-il possible pour un can-
didat de modifier sa plate-forme et d’être élu avec une probabilité de 1 ? Pour ce
faire, il devrait attirer sur son nom plus de votes qu’au moins 10 de ses concurrents
(rappelons-nous : dix sièges sont à pourvoir ; si le candidat collecte un nombre de
voix qui le classe entre la première et la dixième position, il est élu). Face à 19 con-
currents qui offrent une plate-forme égalitaire, ceci revient plus ou moins à dire qu’il
suffit de plaire à plus de 5 % de la population pour être sûr d’être élu.
Considérons alors le scénario suivant. Nous permettons à un candidat de « dé-
vier ». Que se passera-t-il s’il décide d’octroyer une exemption d’impôts complète
à 25 % de la population – en s’aliénant ainsi les 75 % restants. A priori, une telle
stratégie devrait être suicidaire. Pourtant, elle lui permettrait d’être élu de façon
certaine : grâce à cette nouvelle plate-forme électorale, il est certain de recevoir 25 %
des votes. Si dix sièges sont disponibles, pour empêcher le candidat déviant d’être
élu, il faudrait que les 75 % d’électeurs floués puissent répartir leurs votes de telle
façon que 10 autres candidats reçoivent chacun plus de 25 % des votes. Ceci est
mathématiquement impossible et notre « candidat déviant », avec 25 % de votes,
est donc certain de gagner l’un des dix sièges.
Cette analyse, menée de façon systématique et rigoureuse par Myerson (1993),
démontre pourquoi la concurrence électorale peut, dans certaines situations, gé-
nérer des politiques peu efficaces et minées par les exemptions ciblées. En fait, dans
un système électoral comme le nôtre, rester totalement égalitaire serait même sui-
cidaire pour un candidat qui veut se faire élire. La concurrence est double : entre
partis et au sein d’une même liste électorale. Chaque candidat doit se « distinguer »
auprès d’un groupe d’électeurs « cible ». En marketing, ceci équivaut à identifier un
marché de « niche ».
Il est intéressant de remarquer le parallèle entre cette stratégie de « niche » et
les tensions inter-régionales concernant l’autonomie fiscale des régions. Notre règle
électorale force les partis à se concentrer sur leur camp linguistique. Une niche natu-
relle émerge donc : il est pratiquement impossible pour un parti de gagner des voix
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MICAEL CASTANHEIRA ET CHRISTIAN VALENDUC
parmi les électeurs de l’autre rôle linguistique. L’incitation des politiciens n’est donc
plus à proposer des régimes fiscaux efficaces dans l’ensemble, mais des régimes
qui satisferont leur « niche », aux dépens de celle de leurs opposants. Tout ceci
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inscrit une autonomie fiscale accrue dans la logique du fédéralisme, mais à l’en-
contre d’une recherche d’efficacité accrue.
Pourquoi suggérer qu’une telle opposition existe entre fédéralisme fiscal et effi-
cacité économique ? Parce qu’une fois terminée une lutte acharnée, les régions
n’utilisent même pas les libertés acquises. Pourtant, dès la campagne électorale sui-
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évidence par Cox ont poussé notre système institutionnel vers une complexité crois-
sante qui n’est pas exploitée, et qui sera d’autant plus difficile à réformer que diffé-
rents groupes voudront le défendre pour des raisons qui n’ont pas grand-chose à
voir avec l’efficacité et l’équité.
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Une autre particularité de notre système de représentation limite quelque peu l’in-
térêt des stratégies de niche : la proportionnalité. Celle-ci contraint les partis à former
des coalitions pour former un exécutif. De ce fait, les « cadeaux » qui déplaisent trop
à un parti de la coalition ne pourront pas être fondus sous forme de loi.
Cette combinaison entre l’intérêt de développer une rhétorique de niche du-
rant la campagne et la contrainte consécutive de coalition qui permet d’expliquer
pourquoi certains partis (ou, parfois, certains au sein de leur parti) adoptent un dis-
cours fortement communautaire durant la campagne sans pour autant que, dans
la pratique, la concurrence fiscale entre régions soit aussi forte qu’il serait institu-
tionnellement possible. Par bonheur, le besoin de gérer le pays force certaines indi-
vidualités à être moins extrêmes dans la pratique que ne l’est leur discours. Aux
États-Unis, par contre, le système électoral permet aux élus de mener leurs idées
jusqu’au bout, et le résultat en est un niveau d’inégalités plus élevé qu’en Belgique.
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MICAEL CASTANHEIRA ET CHRISTIAN VALENDUC
Ceci nous dit qu’au final les groupes qui resteront favorisés sont ceux qui for-
ment le socle électoral de la majorité des parlementaires de la majorité gouverne-
mentale. Autrement dit, la nécessité de former des accords avant la formation du
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gouvernement empêche que des groupes ultra-minoritaires puissent recevoir de
trop gros cadeaux.
Le poids économique des PME est souligné à maintes reprises dans le débat de
politique économique mais la multiplicité des définitions rend les contours de ce
concept assez flous : qu’y a-t-il de commun entre un coiffeur qui exerce son acti-
vité en société unipersonnelle et une société de 50 travailleurs active dans des pro-
duits de haute technologie, sinon qu’elles sont toutes les deux « PME » ?
Les petites sociétés bénéficient de taux réduits à l’impôt des sociétés et la
question du maintien de ces taux réduits a donc été logiquement débattue lors de
chaque réforme majeure. Les sociétés concernées représentent 58 % du nombre
de sociétés mais leur poids économique est faible : elles ne produisent que 15 %
de la valeur ajoutée, la majorité d’entre elles n’emploient pas de personnel et moins
de 10 % d’entre elles ont un effectif du personnel supérieur à 10 unités 13.
La rationalité économique des aides aux PME est loin d’être clairement établie.
Cette question était examinée de manière assez exhaustive dans OCDE (1994). Les
justifications majeures qui sont généralement avancées sont la petite taille et cer-
taines imperfections de marché.
La petite taille n’est un désavantage que si les rendements d’échelle sont géné-
ralisés. Elle a cependant des avantages : une petite structure est plus flexible et les
entreprises de petite taille disposent d’un avantage relatif dans les branches qui se
situent au premier stade du processus de production. La petite taille accroît cepen-
dant le poids relatif du respect des règlements : plusieurs études ont montré que
les coûts de mise en conformité (compliance costs) sont plus élevés pour les petites
et moyennes entreprises 14.
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
Il est fréquemment avancé que les PME ont des problèmes de financement :
insuffisance chronique de fonds propres et coût accru du crédit. Il semble cepen-
dant, au vu de certaines études récentes, que cette thèse est partiellement contre-
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dite par les faits 15. Quoi qu’il en soit, elle reste présente dans le débat politique.
L’insuffisance chronique de fonds propres ne justifie un traitement fiscal préféren-
tiel que si elle est involontaire. Or on sait que beaucoup de petites sociétés n’ont
pas d’objectif de croissance et qu’elles ont un actionnariat familial qu’elles répu-
gnent à élargir. Dans de telles situations, l’insuffisance de fonds propres est davan-
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15. L’Observatoire européen des PME (2003) conclut qu’il n’y a pas de lien clair entre le ratio des ca-
pitaux propres au total du bilan et la taille de l’entreprise mais que les PME font plus appel au fi-
nancement à court terme et que le coût du crédit est plus élevé. RIVAUD-DANSET e.a. (2001),
confirment la forte diversité des structures financières entre pays et il n’y a pas de lien entre la pro-
fitabilité et la structure financière : les firmes les plus profitables ne sont pas nécessairement les
plus capitalisées.
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MICAEL CASTANHEIRA ET CHRISTIAN VALENDUC
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il proposait leur suppression 16 et ils furent maintenus ; en 2001, il proposait pudi-
quement leur gel 17 mais les taux réduits furent amplifiés. Les petites sociétés ont
pratiquement été « sanctuarisées » dans la réforme de 2001 : non seulement les
taux réduits ont été renforcés ; les PME ont même été exclues de certaines mesures
compensatoires.
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
présence du conjoint au foyer que la présence d’enfants qui est fiscalement sub-
sidiée. Le modèle de la « femme au foyer », qui en est assurément la motivation, est
loin d’être majoritaire mais cela n’empêche pas de faire de cette niche un des tabous
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de l’impôt sur le revenu, à l’abri de toute réforme.
Il en est de même des réductions d’impôt sur les revenus de remplacement,
dont l’essentiel bénéficie aux pensions. Elles ont été mises en place pour conforter
le taux de remplacement des régimes de retraite à l’époque où celui-ci était bas,
faute de maturation du système. Elles sont restées en place, malgré la convergence
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progressive du niveau de vie des actifs et des retraités, et ne sont que très partiel-
lement « sous condition de ressources » 19, de sorte qu’il est possible de cumuler
un régime préférentiel de pension du premier pilier avec une réduction d’impôt. Le
régime fiscal des pensions pose donc question sur le plan de l’équité entre géné-
rations. Le cas le plus évident est celui du régime de retraite des fonctionnaires, où
le principe du salaire différé est mis en avant pour maintenir la péréquation, ce qui
n’empêche pas de reprendre la qualification « revenus de remplacement » pour
obtenir un traitement fiscal plus favorable. Le régime fiscal des revenus de rempla-
cement concerne également les autres catégories d’allocataires sociaux, mais les
modalités d’octroi des réductions d’impôt sur les allocations de chômage sont net-
tement moins favorables. Elles peuvent néanmoins, dans certaines circonstances,
créer des pièges à l’emploi.
Notons aussi que, vu la part importante des plus de 60 ans dans les bénéfi-
ciaires du quotient conjugal, il y a une intersection des deux régimes sur un groupe
sociologique bien précis : les retraités.
L’ensemble « quotient conjugal et réduction d’impôt pour revenus de rempla-
cement » pèse, selon les derniers chiffres publiés 20, 2,7 milliards €, soit 16 % du
rendement de l’impôt des personnes physiques. Leur suppression permettrait donc
une baisse substantielle de la taxation des revenus du travail. Malgré les manque-
ments à l’efficacité et à l’équité que des dispositions génèrent, leur réforme est poli-
tiquement bloquée. Ce blocage peut s’interpréter, soit comme une stratégie de
niche, basée sur l’intersection des régimes, les « retraités » et dont les deux ensem-
bles profitent au nom de l’égalité de traitement, soit comme un accord chrétiens-
travaillistes, les premiers défendant le modèle de la femme au foyer, les seconds
les allocataires sociaux au premier rang desquels figurent les retraités.
Cette thèse prend du crédit si on étend l’analyse politique à d’autres domaines.
Globalement, les allocations sociales ont perdu en pouvoir d’achat pendant les
années d’assainissement. Les « relais au pouvoir » n’ont pas empêché la forfaita-
risation d’une grande partie des allocations de chômage, ce qui est en rupture avec
les fondements bismarckiens du système, et la baisse des taux de remplacement
correspondante. La composante travailliste serait donc moins puissante lorsqu’elle
agit isolément que lorsqu’elle s’appuie sur un compromis avec la composante chré-
tienne.
19. Pour 2006, la réduction d’impôt est de 1 718,9 € et elle est octroyée à plein jusqu’à 19 050 € de
revenu imposable (par conjoint) et réduite progressivement pour atteindre le tiers du montant de
base à partir de 38 100 €. Les revenus du patrimoine financier ne sont pas pris en compte dans
le mécanisme de limitation.
20. Voir l’Inventaire 2004 des exonérations, abattements et réductions qui influencent les recettes de
l’État, Chambre des représentants, Doc. 51 1670/005, session 2005-2006.
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MICAEL CASTANHEIRA ET CHRISTIAN VALENDUC
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Nous avons déjà fait allusion, dans la première partie de cet article, au fait que la
fiscalité de l’épargne péchait tant sur le plan de l’efficacité que sur celui de l’équité.
Les incitations produites par le régime fiscal de l’épargne à long terme sont mal
ciblées d’un point de vue strictement économique (cette thèse est largement étayée
par Valenduc, 2005).
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ÉCONOMIE POLITIQUE DE LA TAXATION
4 CONCLUSIONS
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n’est ni efficace ni équitable et des réformes hautement souhaitables ne sont pas
mises en œuvre. Dans cet article, nous examinons brièvement comment le pro-
cessus de décision politique et sa rationalité interne peuvent créer de telles situa-
tions. La théorie économique des réformes met en évidence l’existence d’un biais
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de statu quo dont les concrétisations dans la politique fiscale de la Belgique sont
assez évidentes ; notamment pour expliquer le blocage sur des réformes combi-
nant baisse du taux et élargissement de la base imposable, ou encore dans le cas
particulier des reports successifs de la péréquation cadastrale. Le gradualisme
permet de surmonter ce biais et on en trouve une illustration dans la réforme gra-
duelle de l’impôt des sociétés pendant les années 1990. Les tâtonnements ob-
servés à l’époque ne doivent donc pas être interprétés de façon trop négative. Au
contraire, il faut encourager la recherche de solutions novatrices, même si elles
requièrent une certaine expérimentation.
La théorie des incitations permet d’expliquer la pertinence de stratégies de niche
et on sait que notre système fiscal regorge de telles niches. L’exemple retenu ici,
celui des petites sociétés, atteste d’un contraste clair entre les vues des experts et
de la littérature économique et les décisions politiques, qui aboutit au maintien, voire
à l’expansion, d’aides fiscales dont la rationalité économique est loin d’être évi-
dente. L’évolution de l’autonomie fiscale des Régions est un autre exemple : on en
demande davantage pour s’affirmer politiquement, on ne l’utilise que peu ou pas
quand elle est obtenue, ce qui n’empêche pas d’en redemander davantage pour
se réaffirmer politiquement à l’élection suivante. Ici, la solution est donc probable-
ment une modification de certains détails de la loi électorale et un élargissement des
arrondissements électoraux, dans le but d’aligner les incitations des politiciens sur
les besoins de la majorité de la population.
Finalement, la pratique obligée des coalitions permet d’expliquer des accords
de « non-agression » sur des stratégies de niche, comme le blocage des coalitions
chrétiens-travaillistes sur le quotient conjugal et les réductions d’impôt sur revenus
de remplacement. Dans certains cas particuliers, tel le secteur « banque et assu-
rance », il semble que ce soit plutôt le lobbying, conforté par une position dominante
héritée du financement d’une dette publique élevée, qui explique politiquement le
régime fiscal en place. C’est d’ailleurs lorsque cette position dominante a pu être
érodée que les privilèges fiscaux ont pu être partiellement démantelés.
Nous avons ciblé cet article sur la Belgique mais il pourrait être écrit en prenant
des cas d’application dans beaucoup d’autres pays de l’OCDE (voir Castanheira
et co-auteurs (2006) pour un pas dans cette direction). À l’inverse, il pourrait être
utile d’étudier pourquoi, dans d’autres pays, tels les pays nordiques ou la Nouvelle-
Zélande, le système politique a permis des réformes fiscales d’ampleur qui combi-
nent avantageusement l’efficacité et l’équité.
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MICAEL CASTANHEIRA ET CHRISTIAN VALENDUC
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