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Le partenaire-symptôme distincte, une orientation vers le réel.

Inhibition, symptôme et angoisse, est


Jacques-Alain Miller d’ailleurs le texte que Lacan invoque
dans son Séminaire au moment où
commence ce qu’on peut appeler son
Quatrième séance du Cours ultime enseignement.
(mercredi 10 décembre 1997) Et il propose d’emblée de répartir les
trois termes de ce titre freudien, à partir
des trois ronds du nœud borroméen
Bon, nous procédons aujourd’hui à minimal. Et donc ce n’est pas excessif
une lecture de Inhibition, symptôme et de poser que ce texte de Freud
angoisse de Freud. Je vous dirais un surplombe l’ultime enseignement de
mot des coordonnées où a à se Lacan.
déployer cette lecture : il s’agit d’une En effet une orientation
antinomie qui concerne l’orientation de psychanalytique vers le réel rencontre
la psychanalyse. Pour le dire d’abord, je dirais non pas l’inconscient,
simplement : orientation vers la fiction mais le symptôme. Et c’est par le biais
ou orientation vers le réel. Cette de ce privilège accordé au symptôme
orientation vers la fiction, nous en que se réaffirme la référence prise à la
aurons une présentation la fois science, non pas pour la décalquer.
prochaine avec l’exposé - que j’ai déjà La science est orientée vers le réel
annoncé - de Pierre-Gilles Gueguen, en tant que ce réel obéit, peut être
sur ce thème. démontré obéir, et donc supposé obéir
L’orientation vers la fiction s’affirme avant de l’être démontré, à des
aujourd’hui, dans la psychanalyse, à formules qui ne cessent pas de
partir de ce que nous nous appelons s’écrire. Et bien dans Inhibition,
les effets de vérité, qui s’ensuivent de symptôme et angoisse, c’est ce que
l’articulation signifiante. Ça a donné Lacan privilégie, le terme du
lieu, depuis une dizaine d’années, à symptôme, en tant qu’il ne cesse pas
une orientation narratologique de la de s’écrire, en tant que sa permanence
pratique analytique, selon laquelle le s’impose à l’expérience. Sans doute,
patient a à construire une fiction de cette perspective, ce qui devient un
supposée le satisfaire. Et l’analyste est problème, pour Lacan, c’est le sens du
là pour l’orienter dans cette symptôme, parce que ça fait la
construction, voire la valider, avec différence avec la science. Les
précaution, de telle sorte que la formules à quoi le réel obéit dans
référence majeure qui est prise comme l’orientation scientifique n’ont pas de
pierre de touche de ce processus, est sens. Et si l’on fait du symptôme le réel
moins science que art. Il ne s’agit pas dont il s’agit dans l’expérience
simplement que la pratique analytique analytique, le sens devient le
serait de l’ordre de l’art plutôt que problème.
l’application d’une science, mais bien Et c’est là que s’impose la référence
que le patient aurait lui-même à se prise à Inhibition, symptôme et
faire en quelque sorte artiste de sa vie, angoisse, qui fait, d’une façon
d’où l’affirmation contemporaine d’un évidente, l’impasse sur le sens,
esthétisme psychanalytique. Et presque complètement. La doctrine du
corrélativement, je l’ai évoqué, un symptôme telle qu’elle s’expose dans
relativisme quant au réel. Si nous Inhibition, symptôme et angoisse, se
prenons aujourd’hui, dans ce qui est passe du déchiffrage. Et pourtant,
encore l’introduction de cette année, la quelle serait la réponse lacanienne à la
référence de Inhibition, symptôme et question : qu’est-ce qu’un symptôme ?
angoisse, c’est pour indiquer, d’une Si on avait enfin à la donner à brûle
façon sèche, brutale, une orientation pourpoint pour distinguer le lacanien

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des autres, qui opèrent dans la S’il y a un objet en jeu, dans cette
psychanalyse, à la question qu’est-ce configuration, c’est l’axe imaginaire lui-
qu’un symptôme ? la réponse du même ; comme le formule Lacan : le
manuel, quand il s’agit de Lacan c’est : seul objet qui soit à la portée de
c’est une formation de l’inconscient. l’analyste, c’est la relation imaginaire
C’est-à-dire que nous sommes formés qui le lie au sujet en tant que moi. C’est
à placer le symptôme dans le même dire que le seul objet dont il s’agit, c’est
registre que le rêve, le lapsus, l’acte l’axe imaginaire tandis que, sur l’axe
manqué, et le mot d’esprit. Et c’est symbolique se déploie cette parole dite
bien ce que la référence à Inhibition, pleine parce qu’elle confère aux
symptôme et angoisse et l’ultime fonctions de l’individu un sens.
enseignement de Lacan est fait pour Cette introduction du sens est
mettre en question. Et nous évidemment de nature à bouger toutes
remarquons déjà que dans Inhibition, les catégories de Freud. Ce sens, dont
symptôme et angoisse, il n’est pas je viens de dire que concernant le
question de ces phénomènes symptôme en tant que le réel de la
subjectifs que sont le rêve, le lapsus, psychanalyse il fait problème, cette
l’acte manqué et le mot d’esprit. La catégorie du sens, c’est celle que
dimension que Freud isole, dans cet Lacan injecte dans la psychanalyse et,
ouvrage, laisse tout à fait de côté ces en effet, qui est de nature à infecter
phénomènes subjectifs. toutes les catégories freudiennes.
Alors, au fond, comme contraste, Le sens est ainsi conféré aux
rappelons - j’en éprouve le besoin - en fonctions et pourquoi ne pas relire en
résumé, ce sur quoi s’enlève cette effet à partir de là le premier chapitre
perspective, pour nous singulière. d’Inhibition, symptôme et angoisse que
Le point de départ de Lacan, dans j’ai rapidement évoqué la dernière fois.
son enseignement, qui est marqué par Ce que Freud saisit comme les
son écrit dit du « Rapport de Rome », fonctions du moi, et corrélativement les
n’est pas directement clinique. Son limitations de ces fonctions dans
point de départ, et ça conditionne le l’inhibition : ne pas pouvoir marcher, ne
développement de son enseignement, pas pouvoir aller dans tel lieu, ne pas
son point de départ est pratique. pouvoir écrire, ne pas pouvoir travailler,
Comme je l’ai rappelé en opposition à toutes ces fonctions peuvent, en effet,
Mélanie Klein, c’est le couple analyste- être saisies à partir du sens ; et c’est
analysant. Et donc, c’est déjà mettre la ce que fait Freud, lorsqu’il distingue,
clinique sous la dépendance de la concernant ces fonctions, la
pratique. Et la première partie de ce signification érotique, libidinale, qu’elles
« Rapport de Rome » le met en sont susceptibles de prendre. Déjà ce
évidence, quand il oppose parole vide premier chapitre invite, en effet, à loger
et parole pleine. C’est une opposition la libido dans le registre de la
qui n’a de valeur, à laquelle on ne peut signification. Alors avec le sens, Lacan
donner de signification que dans la amène, au fond, beaucoup de choses.
pratique. C’est paroles vides et paroles Il amène l’implication de l’Autre,
pleines, en analyse. Cette opposition majuscule, celui à partir duquel le sens
ne fait que répercuter l’opposition des prend son essor et en même temps qui
deux axes que j’ai rappelée une fois de le sanctionne, et qui, du coup, donne
plus la semaine dernière : l’axe au sujet une réalité transindividuelle.
imaginaire et l’axe symbolique. La C’est la présence qui hante le premier
parole vide se déploie sur l’axe chapitre d’Inhibition, symptôme et
imaginaire tandis que la parole pleine angoisse. Suffit-il ici de confronter
est supposée s’inscrire sur l’axe l’individu à ces fonctions ou ne faut-il
symbolique. pas plutôt, dès lors qu’elles ont un
sens, se poser la question de l’Autre
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qui, ce sens, le sanctionne. Et avec le perte grave. C’est-à-dire qu’une fois


sens vient aussi l’histoire, à savoir : qu’on sait ce que le symptôme veut
narrer les faits, ce qu’on avait dire, il peut être détruit.
jusqu’alors présenté comme un Cette perspective sur le symptôme
développement, le narrer avec du se donne comme totalitaire puisque
sens, ce sens étant modifiable, selon Lacan écrit, je l’ai relu, page 269, des
des scansions successives. Ce premier Écrits : « ... le symptôme se résout tout
chapitre du « Rapport de Rome » entier dans une analyse de
donne une signification proprement langage... ».
discursive à l’inconscient. Et Inhibition, symptôme et angoisse,
Il répond à la question qu’est-ce que évidemment on le connaît ne l’arrête
l’inconscient ? en disant c’est le pas et on en a la référence page 280,
discours de l’Autre. Et c’est dans le où il présente les symptômes dans la
cadre fixé par ce point de départ, dont série : les symptômes, l’inhibition et
les conséquences ont roulé pendant l’angoisse comme le champ privilégié
des décennies, que Lacan aborde la de la découverte psychanalytique : « ...
clinique proprement dite. Et c’est ainsi le champ privilégié de la découverte
qu’il propose dans sa seconde partie psychanalytique : à savoir les
une doctrine du symptôme qui dépend symptômes, l’inhibition et
de cette réponse apportée à qu’est-ce l’angoisse... ». Évidemment dans cette
que l’inconscient ? Et la réponse à ce phrase il faut pouvoir reconnaître
que peut être le symptôme est l’écho du titre freudien et ce qui est là
prescrite par ce point de départ. La donné comme champ privilégié, est
réponse est que le symptôme est structuré selon une formule princeps :
langage et parole. Il appelle symptôme « Le symptôme est le signifiant d’un
une formation déterminée par la signifié refoulé de la conscience du
structure du champ psychanalytique, et sujet... » Autrement dit Inhibition,
ce, au nom d’un retour à Freud dont on symptôme et angoisse est saisi à partir
pourrait dire qu’il fait l’impasse sur de ce qu’un peu plus tard Lacan rendra
Inhibition, symptôme et angoisse, s’il explicite sous la forme du mathème,
ne le mentionnait pas en passant. grand S sur petit s, le symptôme est
On peut dire que ça fait l’impasse rendu équivalent au signifiant dont le
sur Inhibition, symptôme et angoisse, signifié est refoulé.
parce que le privilège est affirmé du
ternaire que j’ai rappelé la dernière fois
S
au tableau, ternaire des œuvres de la  s
découverte de Freud, qui donne même De telle sorte que la cure, le
son sens à son retour à Freud. traitement du symptôme consisterait à
Évidemment le dernier délivrer le sens emprisonné par le
enseignement de Lacan constitue, si refoulement. Le symptôme apparaît
l’on veut, un second retour à Freud qui, donc au point de départ de
lui, met au premier plan Inhibition, l’enseignement de Lacan comme
symptôme et angoisse. Alors, la intégralement situé dans la dimension
clinique lacanienne prescrite par ce du symbolique. On peut même dire
point de départ assigne au symptôme que ça ne dit qu’une seule chose : le
une structure de langage. Il met au symptôme ce n’est pas du réel, c’est
premier plan le déchiffrement du du symbolique. Et aucune des
symptôme et va jusqu’à formuler catégories que Freud a pu néanmoins
qu’une fois que le symptôme est produire en raison du scandale du
déchiffré comme une inscription, et symptôme, à savoir qu’on le déchiffre
recueilli, cette inscription peut être et qu’en dépit de ce déchiffrement il
détruite, c’est-à-dire le symptôme peut persiste, aucune des catégories que
s’évanouir, comme ajoute Lacan : sans Freud a pu forger n’arrête Lacan dans
cet impérialisme symbolique. Pensons
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à l’automatisme de répétition, auquel Mais du point de vue qui nous


Freud a recours à la fin d’Inhibition, occupe, ça ne change pas la structure
symptôme et angoisse, pour essayer de ce dont il s’agit, c’est-à-dire : c’est le
de rendre compte de ce qu’il isole signifiant substitutif qui est fait
comme la persistance du symptôme. équivaloir au symptôme et le signifiant
L’automatisme de répétition, dans ce qu’il supplante devient une sorte de
premier Lacan, ne fait absolument pas signifié ; comme dit Lacan, il tombe au
objection à cet impérialisme rang de signifié, il devient une sorte de
symbolique. Que fait-il de signifiant latent. Autrement dit ce qui
l’automatisme de répétition ? Il insiste est fixé par le point de départ de Lacan
sur le fait que c’est une notion continue de s’inscrire même dans ses
historique, dont on voit bien la valeur, complications, sa construction. Et
qui est de souligner que ce n’est pas quand dans son écrit il met en
une notion biologique, et en effet le évidence la pratique sur la direction de
premier Lacan chaque fois qu’il dit la cure, sur quoi est-ce qu’il règle la
historique, on peut s’en féliciter parce direction de la cure, quelques années
qu’il écarte Freud de l’interprétation plus tard ? Il règle la direction de la
biologique qu’à l’occasion lui-même cure non pas sur le symptôme mais sur
propose. le rêve. Il prélève dans
Mais de ce fait, l’automatisme de « L’interprétation des rêves », le rêve
répétition est traduit, par Lacan, au dit de la Belle bouchère, qui vaut la
niveau de la pratique ; il est en quelque peine d’être détaillé, mais ce qui nous
sorte arraché à la clinique pour être retient ici c’est que ce qui pour lui
assigné à la pratique et c’est la valeur, indexe la cure, c’est le rêve. Et c’est
la définition qu’il propose alors de une lecture du rêve qui met en
l’automatisme de répétition : évidence le désir en tant que question.
temporalité historisante de l’expérience Évidemment, vu du point de ce que
du transfert. nous choisissons comme belvédère, à
Donc l’automatisme de répétition est savoir Inhibition, symptôme et
arraché au réel du symptôme, ne angoisse, c’est énorme. C’est énorme
permet pas même que se forme le de centrer la direction de la cure sur le
concept du « ne cesse pas de s’écrire rêve et non pas sur le symptôme. Alors
du symptôme », puisqu’il est assigné à Lacan fait sa place au symptôme,
l’histoire donatrice de sens qui est précisément dans la partie en quelque
élaborée dans la parole pleine. Et on sorte doctrinale, positive, qui est la
peut dire que c’est ce fil qui amène cinquième partie de cet écrit : il fait sa
ensuite Lacan à préciser ce mathème place au symptôme.
du symptôme, le mathème signifiant Il fait, comme il s’exprime, quelques
qu’il propose du symptôme, en faisant remarques sur la formation des
du symptôme une métaphore, où il symptômes. Remarques sur lesquelles
admet que le corps, la chair, aussi bien je me suis jadis appuyé pour marquer
que la fonction individuelle peuvent la trajectoire du symptôme au
être pris comme élément signifiant. fantasme. Mais qu’est-ce qui
Alors sans doute le schéma de la m’apparaît aujourd’hui saisissant dans
métaphore modifie sensiblement celui- cette doctrine du symptôme
ci, puisqu’il implique la substitution d’un concernant la direction de la cure ?
signifiant à un autre. C’est que le phénomène essentiel du
symptôme que relève Lacan, c’est la
surdétermination, c’est-à-dire le double
S’  
sens du symptôme, c’est la nature
S spéciale de la sémantique du
symptôme. C’est-à-dire dans le fil
 
exactement prescrit déjà, par le
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« Rapport de Rome », page 269, où il emprunte le fantasme à la dimension


disait que pour admettre un symptôme de l’inertie imaginaire.
dans le champ freudien, on exige ce Mais c’est pour, un peu plus tard,
minimum de surdétermination que proposer, annuler en quelque sorte
constitue un double sens. cette définition par une seconde,
Alors certes dans sa « Direction de quand il donne au fantasme la valeur
la cure », il s’efforce de donner une d’être la position du névrosé à l’endroit
articulation de la surdétermination, et du désir. Ces deux définitions qui se
on peut dire qu’il l’explique par rencontrent à quelques paragraphes
l’interférence du fantasme. Ce serait l’une de l’autre sont évidemment en
l’implication du fantasme dans le tension. Parce que la seconde implique
signifié de l’Autre qui que le fantasme est foncièrement un
élément de l’interrogation symbolique
et que l’image dont il s’agit est en
(S  a) fonction dans le signifiant. Et tout ça
prend d’autant plus de valeur à
remarquer que dans Inhibition,
s(A) A symptôme et angoisse, il n’est pas
question du fantasme. Que Freud,
rendrait compte de la formation du dans Inhibition, symptôme et angoisse
symptôme et c’est déjà relever qu’il propose une formation du symptôme
faut un élément supplémentaire d’où le fantasme est totalement absent.
concernant le symptôme. Parce que On peut essayer de l’y glisser, mais je
cette implication du fantasme, relevons préfère là manifester une opposition
qu’il ne l’implique ni dans le rêve, ni majeure et en quelque sorte évidente.
dans le lapsus, ni dans l’acte manqué, Alors, l’enseignement de Lacan, bien
ni dans le mot d’esprit. Pour rendre sûr, comporte d’autres scansions et on
compte de ces phénomènes, en un pourrait les suivre précisément dans ce
certain sens, on pourrait se contenter fil : comment rendre compte de la
du pur discours de l’Autre, si je puis formation du symptôme ? Et d’ailleurs
dire. progressivement, on voit le concept de
pulsion être intégré aux mathèmes de
s(A) Lacan. Mais je préfère faire un saut,
Et pour rendre compte spécialement afin de marquer un contraste frontal.
de la formation des symptômes, et Si on pose la question à partir de
certainement, en parlant de formation, Inhibition, symptôme et angoisse,
reprendre les termes freudiens, il qu’est-ce qu’un symptôme ?
implique un élément supplémentaire, Impossible de répondre que le
l’implication du fantasme inconscient symptôme est à déchiffrer, impossible
qui pourrait être sa façon de rendre de répondre que le symptôme veut dire
compte de la différence évidente du quelque chose, ce n’est pas d’abord
symptôme par rapport aux autres une formation qui se déchiffre. On
formations de l’inconscient, à savoir assiste au contraire, au départ de cet
qu’il dure, qu’il permane. ouvrage, et c’est saisissant si on y
Et donc, en un sens, il lui faut - par arrive à partir de Lacan, le premier
le biais de ce schéma – impliquer, dans Lacan, et même le deuxième, puisque
la parole pleine, l’inertie imaginaire et c’est vraiment à la pointe que Lacan
c’est ce que comporte le fantasme. fait tourner son enseignement à 180
Qu’il définit premièrement ainsi : degré, on assiste dans Inhibition,
« Comme la position que le sujet symptôme et angoisse à une
soutient par rapport à l’autre son confrontation directe de la pulsion et du
semblable », et quand il définit le symptôme. Le symptôme est d’emblée
fantasme ainsi, il marque qu’il
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présenté - dirais-je - comme un avatar que Freud emploie, même renforcé


de la pulsion. quand il dit Anspruch. À savoir
Et donc ce qui est saisissant quand l’exigence et c’est un terme qui court
on a en mémoire Lacan, mais quand tout le long de Inhibition, symptôme et
on a en mémoire aussi bien les textes angoisse. Il y a une exigence et on
de la découverte de l’inconscient chez peut dire que même la fin d’Inhibition,
Freud, et qui donne le sentiment d’une symptôme et angoisse se resserre sur
sorte de nouveau départ, c’est qu’on ce terme d’exigence. On voit qu’on a
met de côté, on minore tous les une exigence qui ne cesse pas, au
aspects dits représentatifs dont Freud point qu’on se demande qu’est-ce qui
traite mais précisément à côté parce finalement serait susceptible de la
que ça, il pense l’avoir déjà creusé, et satisfaire cette exigence, qui dure. Et
on est directement confronté à la ça justifie tout à fait Lacan, d’avoir
question : pourquoi la pulsion devient- d’abord mis la pulsion au registre de la
elle symptôme ? On est confronté au demande, sauf qu’en effet c’est une
devenir symptôme de la pulsion. demande dont on ne voit plus à quel
Alors ne prenons la pulsion que Autre elle s’adresserait, c’est une sorte
dans ce texte, comment apparaît-elle. de demande pure, de satisfaction.
Elle apparaît certainement comme une Alors on peut dire que par rapport à
fonction dynamique, disons comme un la Bedriedigunganspruch, cette
vecteur et on traduit, on a choisi de exigence de satisfaction, c’est en
traduire en français le mot allemand de quelque sorte l’axiome de départ de
Regung par motion. Il fallait dire Freud dans Inhibition, symptôme et
mouvement. Enfin disons le terme de angoisse. Le symptôme émerge
motion en français essaye sans doute comme offrant à la pulsion, je dirais en
d’indiquer une sorte d’unité de court-circuit, une autre satisfaction.
mouvement. Et à cette fonction C’est quelque chose que Lacan a
dynamique est prescrit un but, un Ziel introduit dans son Séminaire XX, qui
unique. Elle cherche la satisfaction, la s’appelle Encore, l’autre satisfaction,
Befriedigung. C’est sur cette base, mais introduit à sa façon, dans ce
extrêmement ténue et en même temps contexte. Mais l’autre satisfaction, son
très précise que Freud situe le fondement, on peut dire qu’on le trouve
symptôme, c’est le début du chapitre II. dans Inhibition, symptôme et angoisse,
En opposant un cours normal de la c’est l’autre satisfaction que comporte
pulsion qui est d’obtenir la satisfaction le symptôme. Et c’est une satisfaction
par son objet propre, et qui comporte, en effet anomale, dans la mesure où
on peut l’inférer de son texte, d’aller le elle se présente comme telle, comme
chercher dans la réalité extérieure, non Unlust, comme déplaisir. Et donc
psychique, et puis il y a aussi un cours d’emblée, dans Inhibiton, symptôme et
symptomatique de la pulsion, qui fait angoisse, on est devant un paradoxe,
surgir un élément substitutif, un ersatz, d’une satisfaction pulsionnelle se
et il dit : ça c’est le symptôme. présentant comme déplaisir. Et c’est de
C’est directement confronter le ce paradoxe que Lacan a fait surgir le
symptôme non pas au sens, ça n’est terme de jouissance.
pas se poser la question qu’est-ce que Le terme de jouissance est déjà
le symptôme veut dire, c’est se poser justifié par la notion que le symptôme
la question à quoi le symptôme est articulé à la pulsion. Et qu’à la fois il
satisfait-il ? C’est sa question : la fait dévier, il est le résultat d’une
comment la pulsion qui cherche une déviation de son cours normal mais
satisfaction donne-t-elle lieu à qu’en même temps il la satisfait d’une
symptôme ? Alors la pulsion, pour certaine façon. Il satisfait à son
retrouver les termes lacaniens, c’est, si exigence d’une certaine façon.
l’on veut, une demande, c’est le terme
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La nécessité du terme de jouissance Et dans notre métapsychologie, ce que


est déjà prescrite par le fait qu’on ne nous retenons couramment, parce que
peut pas se satisfaire de l’opposition là Lacan nous a donné des mathèmes,
simple du plaisir et du déplaisir. Mais c’est que l’aspect lacanien du
qu’il y a, et c’est ce qui court dans refoulement, qui est appareillé par ce
Inhibition, symptôme et angoisse, un schéma ou par le schéma de la
plaisir inconscient. Un plaisir qui ne se métaphore etc., l’aspect lacanien du
connaît pas lui-même et qui apparaît refoulement comporte que ce qui est
au sujet qui se vide pour le sujet sous refoulé, c’est le signifiant, ce que Freud
la forme du déplaisir. ici appelle le représentant de la
Alors il y a deux schémas qui pulsion. Et en effet, la pulsion, dans
peuvent ici s’imposer. Le premier c’est son concept freudien, la motion de la
celui de ce qui serait le vecteur pulsion est représentée et cette
pulsionnel, allant chercher dans la représentation est porteuse de la
réalité extérieure l’objet normal qui le motion, du mouvement, l’unité de
satisfait, où il se satisfait, où il s’arrête. mouvement est supportée par un
signifiant et cette représentation peut
vecteur
être refoulée, c’est-à-dire empêchée de
parvenir à la conscience. Cet aspect
lacanien du refoulement, c’est ce que
pulsionnel
nous retenons : le refoulement conduit
des représentations, des signifiants, à
être écartés de la conscience et donc,
par l’interprétation, à pouvoir être
Et puis une déviation dont le résultat restitués.
est ce symptôme qui est ce qu’il trouve Et il est clair que Freud implique,
pour se satisfaire. C’est, disons, un dans son analyse du symptôme, un
vecteur pulsionnel dérivé. second aspect du refoulement. Et c’est
ce que lui-même écrit dans ces
termes : « Les descriptions que nous
avons données jusqu’ici - dit-il - de ce
qui se passe lors du refoulement, ont
 mis fortement l’accent sur le résultat
C’est ce que Freud exprime en qui est le maintien de la représentation
parlant d’une dégradation du cours de hors de la conscience, mais elles ont
la satisfaction en symptôme. Le terme laissé persister le doute sur d’autres
allemand est celui qu’il utilise dans la points ». Et quel est l’autre point ?
vie amoureuse, à savoir Erniedrigung, C’est à côté du représentant
le ravalement. pulsionnel, conduit à l’inconscient, le
Mais en même temps il y a un destin - comme il s’exprime - de la
deuxième schéma qui s’impose aussi Triebregung, de l’élément dynamique
des termes de Freud. À la place de de la pulsion, c’est-à-dire de ce qui est
déviation, de dégradation, il y a en véritablement sa recherche de la
quelque sorte substitution. satisfaction. Et de telle sorte que, s’il y
 a d’un côté ce qui nous est le plus
familier, le refoulement du signifiant, il y
Ø a également le refoulement de la
Le symptôme vient à la place motion pulsionnelle ou, plus
comme substitut de l’objet qui serait le brièvement comme s’exprime Freud, le
bon, qui serait l’objet convenable à la refoulement de la pulsion.
pulsion. Ce qui est frappé par le refoulement
À partir de ce point de départ, on est double : c’est d’un côté le
doit saisir un double aspect du représentant de la pulsion et de l’autre
refoulement tel que Freud le dispose.
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côté la pulsion comme élément pas vive sur le particulier qui s’exprime.
dynamique. On s’aperçoit ici L’interprétation deux, c’est
exactement du point où se posera la l’interprétation de base de l’expérience
question lacanienne, de l’union, de la analytique, si on la saisit à partir de
corrélation, de la déduction, de Inhibition, symptôme et angoisse, à
l’articulation du signifiant et de la savoir : c’est l’interprétation qui pose
jouissance. que ce qui apparaît comme Unlust
Ce qui dans Freud est donné comme dans le symptôme, ce qui apparaît
cette unité sécable du représentant comme déplaisir dans le symptôme,
pulsionnel et de la motion pulsionnelle, comme souffrance, en fait est un Lust,
c’est ce qui se traduit dans nos termes en fait est une satisfaction. On pourrait
lacaniens comme la question de même dire que c’est cette
l’articulation du signifiant et de la interprétation qui fixe la position
jouissance. Alors en quelque sorte il y analytique dans ce qu’elle a de non
a le refoulement un, celui qui porte sur empathique. De ne pas souffrir avec le
le signifiant et qui a comme effet de le sujet, mais au contraire, d’une façon en
rendre inconscient, et il y a un quelque sorte inhumaine de lui dire : là
refoulement deux, celui qui porte sur la où tu souffres, c’est là où tu te
jouissance, pour employer ce terme, le satisfais : c’est entre les lignes des
refoulement de jouissance, dont on premiers chapitres Inhibition,
pourrait dire que l’effet est de rendre symptôme et angoisse.
déplaisante la satisfaction. D’où la On voit Freud sur ce point de départ
question de Freud : comment est-ce que j’indique, se poser la question de
qu’une satisfaction pulsionnelle peut savoir, et elle court tout le long du
engendrer le déplaisir ? Comment la texte, quel est l’agent de ce
satisfaction pulsionnelle peut refoulement ? Et il l’assigne d’une
engendrer le symptôme ? façon précise, d’emblée, et prenons le
Alors ajoutons tout de suite que comme un symbole, qu’est-ce qui
cette opposition des deux opère cette déviation, cette
refoulements, c’est ce qui conduira en substitution, c’est ce qu’il appelle le
définitive Freud à faire revenir dans le moi.
cours de son écrit le terme de défense.
Ayant à rendre compte du refoulement Moi
de jouissance, il ira piocher dans son
vocabulaire d’il y a trente ans - au
moment où il écrit ce livre - pour faire
revenir le terme de défense. Et la
défense, c’est par ce terme que 
progressivement dans le texte il
qualifiera cette protection du moi C’est sa réponse. Et naissent à partir
contre la jouissance, contre la de là un certain nombre de questions
satisfaction pulsionnelle. subsidiaires de construction et en
Alors il faut voir que cette opposition particulier celle-ci : comment se fait-il
entre ces deux aspects du que le moi peut exercer sur le ça une
refoulement, c’est déjà de nature à influence si profonde qu’il peut faire
changer le sens même de dévier une pulsion ? La réponse de
l’interprétation. On pourrait dire qu’il y a Freud est dans le chapitre trois où, en
l’interprétation un, celle qui porte sur définitive, le moi est lui-même une
les représentations rendues partie du ça et donc on peut
inconscientes, et qui les restitue par comprendre par là qu’il agisse sur le ça
déduction. Mais il y a en quelque sorte, mais la réponse fondamentale qu’il
plus fondamentale, une interprétation propose, c’est que le médiateur de
deux, et qui, elle, n’est pas alerte, n’est
J.-A. MILLER, Le Partenaire-Symptôme Cours n°4 - 10/12/97 - 51

l’action de ce qu’il appelle le moi, c’est refoulement, et d’ailleurs Freud lui-


le principe du plaisir. même souligne à l’occasion que c’est
Le moi opère, à l’aide du principe du ça la grande nouveauté de son texte.
plaisir, cette déviation ou cette Et donc Freud propose une
substitution. En impliquant le principe construction métapsychologique pour
du plaisir, Freud fait appel à une montrer d’où le moi pourrait tirer
instance dont il pose qu’elle est l’énergie de lâcher ce signal
pratiquement toute puissante sur d’angoisse, ce signal du déplaisir. C’est
l’activité psychique. D’où la question là en fait - faisons un excursus - que
subsidiaire comment le moi peut-il Lacan arrive dans un esprit de
modifier, peut-il mobiliser le principe du simplicité. Admettant le principe du
plaisir contre l’exigence pulsionnelle ? plaisir, la loi du plaisir, mais simplifiant
Et sa réponse c’est : en associant cette la métapsychologie freudienne sur ce
exigence pulsionnelle au déplaisir et point essentiel, là où Freud cherche
mettant par là en marche le principe du l’élément supplémentaire qui met en
plaisir. Autrement dit l’instance du moi contradiction l’exigence pulsionnelle et
pour Freud est ce qui met en le principe du plaisir, Lacan dit tout
contradiction l’exigence pulsionnelle et simplement ce que Freud aperçoit à la
le principe du plaisir. fin de ces addendas, c’est que la
C’est ce que Freud essaye de pulsion, et après l’avoir nié plusieurs
maintenir tout du long, c’est que en soi- fois au cours du texte, c’est que la
même - pense-t-il pouvoir soutenir - ce pulsion en tant que telle constitue une
qu’il appelle l’exigence pulsionnelle infraction au principe du plaisir. Et
n’est pas en contradiction avec le chaque fois que vous trouvez dans ce
principe du plaisir. En elle-même la texte, c’est une sorte de leitmotiv, la
pulsion n’est pas un danger. Et il le pulsion, l’exigence pulsionnelle en tant
répète deux ou trois fois dans son que telle n’est pas un danger, et donc
texte. La pulsion n’est pas en elle- Freud doit construire les associations
même un danger pour le moi et c’est qui font de l’exigence pulsionnelle un
pourquoi il cherche quel est le danger qui justifie son refoulement, ou
supplément qui peut faire de la pulsion la mise en marche de la défense.
un danger, une menace, ce qui peut lui Et puis à la fin, finalement dans les
donner valeur de déplaisir. C’est là dernières pages du livre, on a
qu’on a cru pouvoir situer l’intérêt finalement : l’exigence pulsionnelle est
essentiel d’Inhibition, symptôme et un danger. Et bien c’est ça que Lacan
angoisse. relève, pour poser qu’en tant que tel, la
Le signal du déplaisir que le moi pulsion constitue une infraction au
donnerait, mettant en marche le principe du plaisir, dans la mesure où
principe du plaisir pour obtenir cette son exigence précisément n’est pas
déviation, ce signal de déplaisir, c’est d’une satisfaction de plaisir, que son
ainsi qu’il a conceptualisé l’angoisse et exigence est celle d’un plus-de-jouir.
donc c’est sur ce point que jusqu’à La catégorie du plus-de-jouir,
Lacan on a centré l’intérêt essentiel du qu’introduit Lacan, c’est pour dire : la
texte. pulsion en tant que telle est en
infraction avec le principe du plaisir. Et
Moi donc ça n’est pas un avatar, ça n’est
pas par accident - allons jusque là -
qu’il y a des symptômes. Évidemment
toute la question de Freud, et jusqu’à
la fin, c’est finalement : quelle est
 l’origine de la névrose, pourquoi y a-t-il
À savoir : faire de l’angoisse le signal des symptômes ?
à partir de quoi se met en marche le
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Et bien la réponse de Lacan c’est chez Lacan, ça comporte qu’il y a une


précisément le refoulement de la partie non annulable, petit a,
motion pulsionnelle n’est pas un avatar
de la pulsion, le symptôme n’est pas A
un accident, il n’est pas contingent, a
que le symptôme est au contraire de J
l’ordre de la nécessité. Alors
évidemment, ça ne s’aperçoit qu’à ne qui maintient son exigence, qui
pas impliquer ce malheureux moi dans maintient son instance et c’est notre
la causalité du refoulement et quand façon à nous de rendre compte de ce
on implique le moi s’ouvre toute la que Freud pose quand il aperçoit que
question de savoir est-ce qu’il y a des la motion de la pulsion échappe à toute
moi plus forts ou plus faibles, des moi influence, que le refoulement de la
qui peuvent se passer du refoulement jouissance, le refoulement de la
parce qu’ils sont assez forts pour pulsion ne suffit pas à la faire taire,
accueillir l’exigence de la pulsion, et cette exigence. Comme il s’exprime : le
des moi trop faibles qui doivent se symptôme manifeste son existence en
défendre, se protéger de l’exigence de dehors de l’organisation du moi et
la pulsion. Donc en effet une sorte de indépendamment d’elle. Et bien c’est
clinique différentielle particularisée. ce qui chez Lacan s’exprime sous les
Et qu’est-ce que Lacan installe à la espèces de petit a n’est pas signifiant.
place du moi, à la place de ce que Et c’est ce qui conduit en effet à faire
Freud distingue comme l’organisation dans cette perspective de petit a le
du moi ? Et bien ce qu’il met à cette noyau du symptôme. Et en effet, tel
place Lacan - disons-le très que nous l’abordons, nous ne passons
simplement - c’est le langage. C’est pas via le fantasme, nous sommes à
l’articulation structurale du langage, traiter en quelque sorte directement de
c’est la structure de langage comme l’économie psychique.
telle qu’il installe à la place que Freud Alors c’est là que prend sa valeur,
avait préparée pour l’organisation du que pour Freud le symptôme se
moi, pour cette partie organisée du ça présente comme Unlust, comme
qui, selon lui, était le moi. souffrance, et c’est même ce qu’on
Et donc c’est la valeur de ce que exige au départ de l’analyse, qu’il y ait
Lacan formule quand il dit : la quelque part au départ Unlust, mais
jouissance est interdite à qui parle tout en étant Unlust il est néanmoins le
comme tel. Cette phrase, elle veut dire rejeton de la pulsion. Et donc il est
ça n’est pas le moi freudien qui refoule toujours interprétable comme
la pulsion. Ce que Freud appelait le satisfaction. C’est le minimum, à cet
refoulement de la pulsion s’ensuit égard, de l’interprétation c’est : tu jouis
nécessairement de la structure de de ton symptôme. On peut même dire
langage, mais ça comporte aussi la que tout ce qui peut se déployer
nécessité du symptôme. comme interprétation analytique se fait
Chez Freud, et c’est ce que j’avais sur la base de ce « tu jouis de ton
traduit, en son temps, par le mathème symptôme ».
suivant : grand A refoulant, annulant la C’est symétrique du schéma du
jouissance. retour du refoulé, de la même façon
que ce qu’il est interdit de dire se dit,
A symétriquement il y a retour de
J jouissance, sous la forme du
Ce schéma, en termes freudiens, symptôme. Et c’est ce reste persistant
grand A, c’est la force du moi, en tant à quoi Lacan a donné la lettre petit a.
que partie organisée du ça. Et de plus, Alors ici le symptôme apparaît donc
comme - le symptôme freudien, le
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symptôme d’Inhibition, symptôme et symptôme, c’est-à-dire précisément


angoisse - le substitut de l’exigence de l’aspect déplaisir du symptôme.
la pulsion, et comme dit Freud, il Le moi s’y oppose, s’en plaint,
continue à jouer le rôle de celle-ci et à essaye de le réduire. Freud appelle ça
renouveler sans trêve son exigence de la lutte défensive secondaire contre le
satisfaction. Et donc c’est là que Freud symptôme. C’est une lutte secondaire
a fixé d’une façon notable un élément, par rapport à la lutte primaire, qui est
sous le nom de symptôme, il a fixé un celle contre l’exigence de la pulsion, et
élément qui reste inassimilable et c’est une lutte défensive parce que là,
irréductible au principe du plaisir. Et un il donne précisément à la défense la
élément que l’homéost ase du valeur de l’opposition à la pulsion. Mais
fonctionnement psychique n’arrive pas en même temps donc que Freud décrit
à résorber. C’est là, exactement, que cette lutte défensive secondaire, en la
prend son sens la question de Lacan, décrivant il distingue un second aspect
dans le séminaire des Quatre de cette lutte qui est, si je puis dire, de
concepts : comment vivre la pulsion faire ami-ami avec le symptôme.
une fois qu’on a fait l’expérience du Comme il s’exprime « le moi tend à
fantasme fondamental, une fois qu’on s’incorporer le symptôme ».
a traversé le fantasme, une fois qu’on Et c’est là, dans cette veine, que
a franchi le plan de l’identification ? surgit la définition scandaleuse du
Alors qu’est-ce que c’est cette symptôme comme mode de
question : comment vit-on la pulsion satisfaction, et précisément dans la
alors ? Le sens de cette question - me névrose obsessionnelle. Dans
semble-t-il - c’est celui-ci : est-ce l’hystérie, c’est surtout l’hystérie de
qu’une fois qu’on a dénoué l’effet de conversion qui apparaît, pour des
vérité en tant que tel, une fois qu’on raisons précises, dans ce texte. Dans
est satisfait du côté de la question du l’hystérie de conversion, le symptôme
désir, est-ce qu’on peut vivre la pulsion est comme tel isolé. « Le moi - dit
sans symptôme ? Freud - se comporte dans l’hystérie de
Et il me semble, que la réponse de conversion comme s’il n’était pas
Lacan, sur ce vivre la pulsion, c’est : il concerné par le symptôme et donc la
n’y a pas de pulsion sans symptôme, formation du symptôme est là
c’est que le cours normal de la spécialement opaque. » Mais ce qui lui
satisfaction - comme s’exprime Freud - sert de vecteur directeur, c’est la
c’est ça qui est fantasme, que le cours névrose obsessionnelle, parce que
normal, le vrai cours normal de la c’est dans la névrose obsessionnelle
pulsion va vers la production qu’éclate l’évidence de la satisfaction
symptomatique. Et c’est pourquoi il ne du symptôme, c’est là que le
propose en définitive, sur le registre du symptôme peut prendre - dit Freud - le
symptôme, qu’un certain savoir y faire sens d’une satisfaction, Bedeudung
avec le symptôme, qui comporte une eines begifriedigung, il prend vraiment
fatalité du symptôme. Et on pourrait la Bedeutung d’une satisfaction.
dire qu’en réflexion, on peut définir le C’est ce vecteur de la névrose
fantasme à partir de là. On peut définir obsessionnelle qui quand même
le fantasme comme : ce qui empêche oriente l’ensemble du texte vers la
de savoir y faire avec le symptôme. formule scandaleuse que le symptôme,
Alors, évidemment là je tire, je force les si douloureux soit-il, est un mode de
choses en ce sens, le sens de Lacan, jouissance, même si Freud peut dire
parce que c’est progressivement que que c’est un moi qui est réduit à y
dans le texte de Freud le symptôme trouver des satisfactions. C’est là
apparaît comme un mode de cliniquement les deux formes qui
satisfaction. Ce qu’il met d’abord en l’orientent, d’un côté la névrose
évidence, c’est la lutte du moi contre le obsessionnelle pour fonder la
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satisfaction interne du symptôme, au que le refoulement de pulsion, c’est


point que le moi adopte le symptôme, beaucoup plus compliqué et même il
qu’il étend en quelque sorte sa part d’un premier refoulement de
personnalité jusqu’à y inclure ses pulsion, et puis il en trouve un
symptômes, jusqu’à ne pas vouloir s’en deuxième et puis il en trouve un
séparer, cesser de s’en plaindre, et troisième, et donc ce chapitre est
c’est même ce qui fait qu’à l’occasion, il construit sur l’opposition entre l’unicité
faut l’analyse pour que le symptôme de du refoulement signifiant et la
la névrose obsessionnelle surgisse, multiplicité et la complexité du
soit saisi et isolé comme tel et à refoulement de pulsion.
l’occasion il faut tout un temps de Et une fois qu’il a déployé cette
travail pour que le sujet puisse - là je complexité, il termine sur un élément
dis le sujet - puisse se décoller du simple qu’il réussit à en obtenir, ce qu’il
symptôme qui cesse de lui être arrive à isoler comme moteur du
apparent. refoulement, à savoir l’angoisse de
C’est bien différent, en effet, des castration. Les pulsions refoulées
symptômes de l’hystérie de apparaissent multiples, tandis que le
conversion : ces symptômes ont une moteur du refoulement apparaît
identité propre, détachée. De l’autre comme un, et c’est ce qui donne lieu
côté, ce qui l’oriente c’est la phobie. Et en effet à la thèse célèbre, l’angoisse
la phobie, cette fois-ci, pour isoler produit le refoulement, et c’est aussi ce
comme telle l’angoisse de castration. qui a fait formuler à Lacan la phrase
Alors j’espérais arriver à la fin du suivante, c’est exactement ce
livre aujourd’hui, c’était un peu chapitre IV, la conclusion de ce
présomptueux évidemment. Il faudrait chapitre IV qui justifie Lacan de
que je vous invite quand même alors à formuler que « la castration est la clef
lire dans le détail le chapitre IV de ce qui est radical du sujet, par où se
d’Inhibition, symptôme et angoisse, qui fait l’avènement du symptôme ». La
est tout entier consacré à la phobie. démonstration de cette phrase vous la
Freud y reprend le petit Hans, et il la trouverez dans le chapitre IV.
qualifie de phobie infantile hystérique, Alors évidemment il faut lire
à distinguer de l’hystérie de Inhibition, symptôme et angoisse et y
conversion, précisément parce qu’il compris ce chapitre, dans la
essaye, dans ce chapitre, d’articuler le perspective selon laquelle, à la fin,
rapport entre signifiant et jouissance. Il Freud isolera le concept de défense,
procède à un nouveau chiffrage du cas reprendra ce concept de défense
du petit Hans, en terme de pulsion, et comme plus originaire que le
son analyse part de l’étude du rapport refoulement, c’est-à-dire qu’en
entre refoulement de la pulsion et définitive le refoulement de pulsion, il
refoulement du signifiant, et au fond en fera la défense contre la jouissance,
qu’est-ce qu’il met en valeur dans ce plus originaire que le refoulement
chapitre ? Que le refoulement signifiant signifiant.
est simple, même il le réduit à le Bon, nous poursuivrons la fois
cheval, le signifiant cheval est prochaine avec un excursus sur la
substitué au signifiant du père. Il dit : question de la fiction.
voilà la substitution, voilà ce dont il
s’agit dans le refoulement comme Fin du Cours n°4 du Partenaire-
refoulement signifiant. Et c’est ce seul Symptôme
trait qui en fait déjà une névrose, et on
voit, c’est par ce seul trait déjà que ça Jacques-Alain Miller 
donne lieu à interprétation signifiante.
En revanche, et au fur et à mesure que (10 décembre 1997)
se poursuit ce chapitre, on s’aperçoit

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