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3. CONCLUSION 71
CHAPITRE II :
L'utilisation des scories ISF ou LBF en substitut partiel au sable dans des matériaux de BTP a
été envisagée : trois voies matériaux ont été étudiées. Elles peuvent être regroupées en deux
catégories en fonction du liant :
♦Matériaux à base de liant hydraulique :
- béton,
- sable-ciment.
♦Matériaux à base de liant bitumineux :
- sable-bitume.
La première partie de ce chapitre est consacrée aux matériaux à base de liant hydraulique :
rappel bibliographique sur ce type de matériau, puis présentation des matériaux qui ont fait
l'objet de cette thèse (béton, sable-ciment) ; dans la seconde partie, dédiée aux matériaux à
base de liants bitumineux, nous ferons également un rappel bibliographique avant de présenter
les caractéristiques des sables-bitumes étudiés.
Le Ciment Portland Artificiel (CPA) est le plus courant. Il est constitué de 95 à 100 % de
clinker. Dans les ciments composés, le dosage en clinker est de l'ordre de 65 à 94 % pour les
classes CPJ (Ciment Portland Composé) et descend jusqu'à 5 % dans les CLK (Ciment au
laitier de haut–fourneau).
Le gypse (CaSO4, 2H2O) est ajouté au clinker pour régulariser la prise du ciment.
Les mécanismes d’hydratation du CPA ont été les plus étudiés et sont rappelés ici. En
présence de gypse les aluminates forment des sulfo-aluminates de calcium hydratés (réactions
1 et 2) :
Réaction 1 :
Réaction 2 :
1
Notation cimentière A=Al2O3 ; C=CaO ; F=Fe2O3 ; H=H2O ; S=SiO2 ; S=SO3
Réaction 5 :
Suivant l'origine du ciment et aussi en jouant sur les ajouts de laitier, de cendres volantes, de
pouzzolanes ou de fumées de silice, il est possible de faire varier assez largement la
proportion de ces hydrates. Les ciments au laitier de haut fourneau (CLK et CHF) contiennent
moins de portlandite, plus de C-S-H et plus d'aluminates hydratés que les ciments Portland
purs. Pour un CPJ dont le constituant complémentaire est un matériau inerte tel le calcaire, les
produits de l’hydratation sont essentiellement identiques à ceux d’un CPA.
1.1.2.1 Porosité
La porosité caractérise la texture d'une pâte de ciment et conditionne beaucoup des propriétés
(résistance mécanique, transfert hydraulique…). La porosité est une grandeur évolutive
d'abord parce que les réactions d'hydratation se poursuivent longtemps et ensuite parce que de
nombreuses réactions chimiques de dissolution et de précipitation se produisent dans le réseau
poreux.
La porosité totale représente le volume non occupé par les phases solides, c'est la somme de la
porosité fermée et ouverte. La porosité fermée est constituée de pores qui ne communiquent
pas avec l'extérieur. La porosité ouverte est constituée de pores interconnectés, ils forment
un espace continu dans le milieu poreux et participent au transfert de matière à travers le
matériau.
Un autre aspect de la structure poreuse est la distribution de la taille des pores ou répartition
porosimétrique.
- Les pores capillaires (supérieurs à 30 nm) : ils représentent les espaces initialement
existant entre les grains de ciment et incomplètement comblés par les hydrates. Leur
diamètre moyen varie avec le rapport eau/ciment (E/C) et le degré d'hydratation. Pour
une pâte entièrement hydratée, la continuité des pores capillaires est interrompue pour
des E/C inférieurs à 0,7 (Neuville,1963), cependant ils restent interconnectés par les
micropores.
- Les pores des C-S-H : parmi les produits de l'hydratation du ciment les C-S-H sont les
moins bien cristallisés et ont une structure de gel microporeux. D'après Powers (Powers,
1946) la porosité des C-S-H est indépendante du ratio E/C et du degré d'hydratation. La
porosité des C-S-H dans les pâtes ordinaires (E/C = 0,34) est de 28 % (Baroghel-Bouny,
1996). Leur taille est le plus souvent de quelques angström (Malier, 1992).
La distribution porosimétrique est également souvent décrite par trois classes de pores : la
microporosité de 0,006 µm à 0,1 µm, la mésoporosité de 0,1 µm à 0,6 µm et la macroporosité
Dans le réseau poreux, les transferts de matière peuvent être classés en deux catégories (Buil,
1992) :
y Ecoulement de l'eau interstitielle. Ce type de transport intervient lorsque la pâte de
ciment est soumise à un gradient de pression hydraulique ou si elle est exposée, à l'état
saturé, à une dessiccation ou au contraire si, à l'état sec, elle subit une ascension
capillaire d'eau d'origine extérieure. La cinétique de transport par écoulement dépend de
l'état de division (taille des pores) du matériau. Dans les pores extrêmement petits (pores
des C-S-H) les molécules d'eau sont moins mobiles du fait de leur adsorption sur les
parois.
y Transport par diffusion. Le transport par diffusion peut intervenir en phase liquide ou
gazeuse. La diffusion désigne le processus de transport d'un constituant dans un milieu
donné sous l'effet des gradients de concentrations. La cinétique de diffusion ne dépend
pas de la répartition porosimétrique mais de l'état de connectivité des pores. En effet, la
"résistance" au transport par diffusion résulte des chocs entre les molécules qui
remplissent le capillaire ; pour qu'il en soit ainsi, il suffit que la taille du capillaire soit
suffisamment élevée pour que le nombre moyen de collisions intermoléculaires soit très
supérieur au nombre de collisions avec les parois du capillaires.
La solution aqueuse contenue dans les pores est en équilibre avec les différentes phases
solides, en particulier les hydrates du ciment. L'eau des pores est saturée par rapport à chacun
des hydrates. Compte tenu des équilibres de solubilité des hydrates, la solution est pauvre en
calcium (Vernet, 1992). En effet, au cours de l'hydratation, la portlandite réagit avec les
sulfates alcalins, toujours présents en quantité mineure dans le ciment, pour donner les
Le pH élevé est dû à la présence des ions OH- provenant des bases alcalines et de la
portlandite dont la solubilité, précisément, dépend de la concentration en ions OH -. Au bout
de quelques heures la solution s'enrichit progressivement en bases alcalines NaOH et surtout
KOH, alors que la concentration en calcium décroît et devient négligeable à long terme. Ces
équilibres expliquent que le pH de la solution interstitielle reste largement supérieur à 13 alors
que la solution saturée de chaux n'a qu'un pH de 12,5 (Duval, 1992).
De nombreuses études ont été réalisées pour déterminer la composition de l'eau des pores de
matériaux à base de liant hydraulique. Différentes méthodes ont été utilisées :
y Méthodes expérimentales :
- méthode d'extraction par compression de matrice de ciment hydratée (Longuet,
1973, Kindness, 1994, Diamond, 1981),
- méthode de mise en contact de matériaux finement broyés avec de l'eau
déminéralisée à de faibles ratios liquide/solide (L/S) : les concentrations en
alcalins (Na, K) et calcium mesurées sont extrapolées pour le ratio L/S existant au
sein du matériau (calculé à partir de la porosité) (Bae, 1998).
y Méthode par le calcul :
- développement de modèles thermodynamiques permettant de décrire la
solution des pores d'une pâte de ciment durcie (Schmidt, 1993),
Le tableau 1 donne quelques valeurs typiques de composition d'une solution d'eau des pores.
tableau 1: Composition et pH de l'eau des pores d'une pâte hydratée de CPA (Schmidt, 1993).
Composition Na, mg/l K, mg/l CaOH+, mg/l Ca2+, mg/l Ca total, mg/l pH
1800 5400 90 40 130 13,4
L'eau des pores est une solution saturée en hydroxyde de calcium et de fortes
concentrations en alcalins (NaOH et KOH), ce qui lui confère un pH élevé (supérieur à
12,5).
Les conditions rencontrées dans une matrice ciment sont a priori favorables à la fixation
du plomb majoritairement sous forme d’hydroxyde de plomb ou par incorporation dans
les hydrates.
Les conditions rencontrées dans une matrice ciment sont a priori favorables à la fixation
du zinc majoritairement sous forme d'hydroxyzincate de calcium : CaZn 2 (OH)6.2H2O.
Lorsque la pâte se trouve en contact avec un milieu différent de son "milieu naturel", les
équilibres chimiques des hydrates sont déplacés et le système tend vers un nouvel équilibre.
Pour cela la pâte de ciment met en œuvre deux types de mécanismes (Vernet, 1992) :
• Des mécanismes régulateurs internes permettent d'amortir et de stabiliser les variations
de concentration dans la phase aqueuse produites par des ions étrangers. Ces
mécanismes, liés aux équilibres chimiques des hydrates, constituent le pouvoir tampon
des matériaux à base de ciment et sont plus précisément présentés au paragraphe
suivant.
• Des mécanismes de construction de barrières d'hydrates : produits des réactions avec
le milieu extérieur. Ces barrières sont dues, comme l'avait observé Le Chatelier, à la
diffusion des ions agresseurs en sens inverse des ions fournis par le ciment. Cela
provoque une structuration particulière (en barrières) des produits de réactions qui
empêchent par la suite la progression des ions agresseurs vers le cœur du matériau. C’est
la meilleure possibilité de durabilité du matériau quand il doit faire face à un réservoir
quasi infini d’agents agressifs.
Le phénomène de carbonatation (réaction entre les hydrates du ciment (principalement
la portlandite) et le dioxyde de carbone de l'air) correspond à ce processus : on parle de
la « peau » du béton. La réaction de carbonatation est présentée au chapitre 3 § 3.3.
Ainsi, l’attaque d’une pâte de ciment par des eaux pures, faiblement agressives, provoque la
dissolution et le relargage des hydrates. Ce processus comprend plusieurs étapes (Neall, 1980)
et peut être décrit qualitativement :
- Dissolution et relargage rapide des hydroxydes NaOH et KOH, le pH de la solution
interstitielle, au départ souvent supérieur à 13,5, va baisser vers 12,5 au fur à mesure de
l'épuisement de ces espèces.
- Début de la dissolution de la portlandite. La portlandite, est le premier hydrate à jouer un
rôle dans les réactions de neutralisation. Cet hydrate peut se dissoudre, pour générer des
OH-, ou inversement précipiter pour consommer les OH- en excès. Une solution de
portlandite est donc capable de réguler son pH (pH ≈ 12,4). Ce pouvoir tampon constitue
un mécanisme régulateur important. Ensuite lorsqu’une partie de la portlandite a déjà été
lixiviée, les silicates et les aluminates, moins solubles, se décomposent progressivement.
A ce moment leur dissolution est incongruente (dissociation sélective non
stoechiométrique du calcium) ce qui provoque une diminution du rapport molaire
CaO/SiO2. Les C-S-H formés lors de l'hydratation d'un ciment ont un ratio CaO/SiO2 de
1,4 à 1,8 (Lea, 1970), quand le ratio atteint 0,8 le pH est proche de 11 (Berner, 1988). Le
système tampon Ca(OH)2/C-S-H régule la chute de pH de 12,5 à environ 11.
- Enfin, dissolution congruente des C-S-H. A long terme, lorsque la proportion d’acide
agresseur et le temps de contact sont très importants, le pH finit par baisser au-dessous de
9, domaine où aucun hydrate basique n’est stable. Du gypse et des hydroxydes de
silicium et d’aluminium précipitent et constituent un gel. Ce gel forme une barrière
diffusionnelle aux ions agresseurs (Duval, 1992).
Le mécanisme régulateur par effet tampon ne peut fonctionner que si la quantité d’hydrates est
suffisante. Il est également pris en défaut quand les produits des réactions acide-base sont
éliminés au fur et à mesure de leur formation. Cependant la matrice ciment a une grande
stabilité puisque par exemple une étude menée par Revertegat (Revertegat, 1992) sur une pâte
pure (échantillon de 4mm d'épaisseur et 70 mm de diamètre, Eau/Ciment (E/C) = 0,37) dans
des conditions très agressives (pH = 4 maintenu par bullage de dioxyde de carbone) montre
que la disparition totale de la portlandite n'est effective qu'après 2 ans de lixiviation.
Nous avons vu que l'altération des scories, matériaux silicatés, dépend notamment du contexte
physico-chimique. A priori le contact verre-pâte de ciment est très pénalisant en raison du pH
basique imposé par ce milieu. L’étude, dans un premier temps, du comportement des scories
mises au contact de solution très basique paraît donc importante.
Nous avons d’abord déterminé la composition des eaux des pores des bétons et des sables-
ciments ensuite nous avons étudié l’altération de la matrice vitreuse des scories et la
solubilisation des polluants dans ces différents contextes chimiques.
Dans le tableau 2, sont présentées les compositions des eaux des pores synthétiques des deux
matériaux. Les deux solutions d'eaux des pores sont saturées en hydroxyde de calcium. Les
différences de concentrations en NaOH et KOH contrôlent les pH, très basiques. Afin de
s'assurer de la saturation des solutions en hydroxyde de calcium, on met 1 g de chaux lors de
la préparation des solutions qui sont ensuite filtrées avant utilisation. Les pH, présentés dans
le tableau 2, ont été mesurés sur des solutions synthétiques.
Afin d’étudier l’influence de la composition des eaux des pores sur la solubilisation de la
silice, des scories en l'état ont été mises en contact avec des solutions d'eau des pores de béton
(EdPB) et de sable-ciment (EdPSC) ainsi qu’avec de l’eau déminéralisée pour avoir une
référence. Le ratio massique solution de lixiviation/scories est de 10. Le temps de contact est
de 3 jours avec une agitation par retournement.
Le pH des lixiviats, lors de la mise en contact des scories avec les eaux des pores de béton ou
de sable-ciment, est fortement basique. Si le lixiviant est de l'eau déminéralisée le pH des
solutions, au départ proche de 6,5, atteint, après 3 jours une valeur de 10,6 pour les scories
ISF et 9,9 pour les scories LBF. Nous observons, comme il a été relevé dans la bibliographie,
que l'altération de matériaux silicatés se traduit par une augmentation du pH, le système
évoluant vers un pH d'équilibre imposé par le matériau.
1,5
lbf, essai 2
1
0,5
figure 1 : solubilisation de
la Si. 0
EdPB EdPSC eau déminéralisée
1 essai
2,5
2
Si, mg/l
1,5 EdPSC
figure 2 : Solubilisation de la EdP SC sans Ca(OH)2
1
Si.
0,5
0
isf, essai 1 lbf, essai 1
Dans le contexte chimique des eaux des pores des matériaux à base de liant hydraulique
la silice, constitutive des matrices vitreuses des scories, est solubilisée en raison d’abord
du pH basique de ces solutions et ensuite de la présence de Ca2+ en solution qui en
favorisant la précipitation de C-S-H intensifie la solubilisation de la silice.
Les concentrations en plomb et en zinc dans les lixiviats, obtenus lors de l'essai présenté au
paragraphe précédent, ont été mesurées. La concentration en zinc dans les lixiviats des scories
mises en contact avec de l'eau déminéralisée est inférieure à la limite de quantification de
l'appareil d'analyses utilisé (10 µg/l) ; la concentration en plomb est au maximum de 50 µg/l.
Ces résultats coïncident avec les résultats obtenus, pour ces niveaux de pH (10,6 pour les
scories ISF et 9,9 pour les scories LBF), par les tests de solubilisation réalisés sur scories
broyées (315µm). Ils ont été présentés au chapitre I §3.2.
Les résultats obtenus avec les eaux des pores sont présentés dans la figure 3 et la figure 4.
300 20
Zinc, mg/l
200 15
10
100
5
0 0
EdPB EdPSC EdPB EdPSC
La figure 4 indique que le zinc des scories ISF est plus solubilisé que le zinc des scories LBF.
Ces résultats concordent avec les résultats des tests de solubilisation sur matériaux broyés : les
scories LBF contiennent deux fois plus de zinc que les scories ISF et pourtant c'est le zinc des
scories ISF qui est le plus solubilisé. Les informations minéralogiques dont nous disposons ne
permettent pas de mettre en évidence si cette différence est due à la forme sous laquelle se
trouve le zinc.
Par ailleurs, pour le même type de scories, une quantité de zinc plus importante est solubilisée
quand les scories sont au contact d’eau des pores de béton. Ce résultat correspond aux
solubilités mesurées sur scories broyées, présentées au chapitre I§ 3.2.1.
Ces résultats, mis en perspective avec ceux concernant le relargage de la silice présentés au
paragraphe précédent, montrent qu’il n’y a pas de relation directe entre l’altération de la
matrice vitreuse (évaluée par la solubilisation de la silice) et la solubilisation du plomb
et du zinc. En effet, c’est pour les scories LBF que la silice est la plus solubilisée (au contact
d’eaux des pores) alors que c’est pour les mêmes scories que le plomb et le zinc le sont le
moins. Par contre il apparaît, notamment pour le plomb, que c'est la forme sous laquelle il se
trouve et sa "localisation" dans les grains de scories qui contrôlent son relargage.
Le taux de substitution du sable par les scories a été décidé à l'issue de la vérification par
Colas et CTG que les matériaux respectaient les spécifications (propriétés mécaniques,
physiques) qui contrôlent habituellement la qualité de ces produits et d'une étude préliminaire
de validation environnementale mise en œuvre par Polden (seulement pour les bétons).
Celle-ci n’avait pas pour objectif de représenter des conditions réelles d’utilisation mais des
conditions extrêmes (échantillon broyé, lixivié à pH contrôlé 5 et 12,5) afin de faire une
présélection des matériaux. Le taux de substitution du sable par les scories est de 13 % dans
les bétons et de 50 % dans les sables-ciments.
Nous présentons ici, pour chaque type de matériau les critères mécaniques et chimiques que
devraient satisfaire les scories pour être substituées au sable d’après les normes en vigueur,
ensuite la composition des matériaux et enfin leurs caractéristiques physico-chimiques.
D'autres critères, comme la teneur en plomb et en zinc, ne sont pas spécifiés dans la norme
P 18-541. Ces métaux ont, en dehors de leur caractère polluant, un effet de retardateur voir
d'inhibiteur de prise comme nous l'avons vu dans la bibliographie. Une étude préliminaire sur
un mortier, mise en œuvre par CTG, a montré que pour un taux de substitution de 50 % du
sable par les scories il n'y a pas prise mais que pour un taux de 30 % la prise est normale.
Trois bétons ont été préparés par CTG. Le béton témoin, noté Bt, ne contient pas de scories.
Deux bétons contenant des scories en substitut partiel au sable : le béton avec les scories ISF,
noté Bisf et le béton avec les scories LBF, noté Blbf. Le taux de substitution au sable est de
13 % soit 3,5 % du matériau.
La formulation utilisée pour préparer les trois bétons est celle du béton B22 à 320 kg/m 3 de
ciment. Ce type de béton est vendu prêt à l'emploi pour des usages courants : fondation, dalle,
mur....
Le ciment utilisé est un ciment Portland composé, CPJ CEM II/B, c'est à dire à 65-79 % en
masse de clinker, le complément est un filler calcaire (21-35 %). L’analyse élémentaire du
CPJ CEMII/B utilisé est présentée dans le tableau 4.
CPJCEMII/B 17,6 3,58 2,65 0,17 0,02 60,3 3,15 2,63 0,53 0,16
Les trois bétons ont été fabriqués avec le même lot de ciment. Les teneurs en plomb et en zinc
du ciment, présentées tableau 5, ont été déterminées afin d’évaluer le bruit de fond est
imputable au ciment. Celui-ci est négligeable.
Dans le tableau 7, le contenu total, mesuré expérimentalement, en plomb et zinc des deux
bétons contenant des scories est comparé à celui calculé à partir des pourcentages de scories
introduits dans les matériaux. Il y a une bonne correspondance entre les résultats
expérimentaux et calculés. Dans le cas du béton témoin les teneurs en plomb et zinc sont
imputables aux autres constituants (ciment, granulats...) et sont relativement importantes.
Les mesures sont effectuées sur des échantillons prélevés au cœur des éprouvettes. Les
échantillons sont préalablement séchés puis dégazés dans la cellule de porosimétrie.
Les mesures sont effectuées lors de la montée en pression (intrusion du mercure). On obtient
une courbe porosimétrique représentant pour chaque palier de pression exercée le volume de
mercure pénétré dans les pores. Le volume total de mercure pénétré dans les pores, rapporté
au volume apparent de l'échantillon, permet de connaître la valeur du facteur de porosité.
Les calculs de porosité reposent sur l'équation de Washburn et Jurin qui exprime qu'un liquide
non mouillant (le mercure) peut pénétrer dans les pores d'un matériau si on exerce une
pression p sur ce liquide. Plus le rayon d'accès du pore (r) est petit, plus la pression (p) est
forte :
− 2γ cos θ
p =
r
Certains auteurs restent très critiques vis-à-vis de cette méthode destructive (Feldman, 1984) :
les fortes pressions peuvent endommager la structure poreuse (écrasement, déformation…).
De plus, certaines erreurs peuvent intervenir lors de la préparation de l'échantillon (séchage,
dégazage, fissuration).
Le pH "naturel" des bétons est très basique (supérieur à pH 13). Les courbes de Capacité de
Neutralisation Acide des trois bétons ont la même allure. La CNA, comme le montre la
comparaison de la figure 5 et la figure 6, est fortement influencée par la nature calcaire du
constituant complémentaire au clinker dans le ciment qui représente 21 % du ciment. En effet,
de 0 à 2 moles d’acide/kg de béton, la CNA est due au pouvoir tampon des alcalins, de la
portlandite, des C-S-H et aussi des carbonates. Le point d'équivalence carbonate/bicarbonate
se situe autour de pH 8,3. Ensuite le palier intermédiaire à pH 7 est dû aux bicarbonates. Le
point d'équivalence bicarbonate/acide carbonique se situe autour de pH 4,5.
figure 5: CNA des trois bétons. figure 6 : Courbe de titration d'un mélange
hydroxydes-carbonates d'après Sawyer, 1994.
14
12
10
8
pH
6
4
2
0
0 1 2 3 4 5
mol acide/kg de matériau
Bt B isf B lbf
Le plomb et le zinc ont un caractère amphotère avec un minimum de solubilisation pour des
pH voisin de 10.
A pH très acide, la solubilisation du plomb et du zinc des bétons contenant des scories est
limitée par le contenu total. Par contre, pour le béton témoin, tout le plomb et le zinc présents
ne sont pas « disponibles ». Cette différence peut être due au niveau d'intégration du plomb et
du zinc dans les bétons. Dans le béton témoin le plomb et le zinc sont plus fortement intégrés
dans le réseau silicate de la pâte hydratée. Dans les bétons avec scories, le plomb et le zinc
sont contenus dans la matrice vitreuse des scories or nous avons vu au Chapitre 1 - § 3.2 que
celle-ci n'a aucun pouvoir de fixation des métaux (plomb et zinc) à pH acide.
En milieu très alcalin (pH> 13), la solubilisation du plomb et du zinc n'est pas limitée par le
contenu total. La figure 7 et la figure 8 montrent également qu'à pH basique, pour les bétons
contenant des scories, le plomb est plus soluble que le zinc.
figure 7 : Solubilisation du Pb des bétons. figure 8 : Solubilisation du Zn des bétons.
1 000,00 1 000,00
100,00 100,00
10,00 10,00
1,00
Pb mg/l
1,00
Zn mg/l
0,10 0,10
0,01
0,01
0 2 4 6 8 10 12 14
0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
Bt B isf B lbf
Bt B isf B lbf
CT Bt CT Bisf CT Blbf
CT Bt CT Bisf CT Blbf
La figure 9 montre qu’à pH acide la solubilisation du plomb est du même niveau, dans les
deux cas, voir légèrement supérieure. En effet, dans ce domaine de pH, les hydrates,
complètement dissous, ne peuvent pas fixer le plomb.
A pH basique la solubilisation du plomb est diminuée pour les scories ISF et LBF lorsqu’elles
sont dans les bétons. La diminution de la solubilisation du plomb à pH basique montre qu’il
est retenu peut-être par insertion dans les hydrates du ciment. Cette réaction peut intervenir
lors de la prise ou lors de la maturation du béton mais on ne peut pas exclure que cette
réaction ait lieu pendant le test lui même. En effet le broyage du matériau libère le plomb
(notamment le plomb sous forme de sphérolithes de métal) qui peut, pendant la durée du test,
être fixé par les hydrates.
1000 10000
1000
100
100
10
10
1
1
0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
100000 1000000
L’incorporation des scories ISF ou LBF dans un béton de formulation standard (B22)
diminue la solubilisation du plomb à pH basique et augmente la solubilisation du plomb
et surtout du zinc pour des pH compris entre 7 et 4.
couche de fondation
Notons toutefois que si la densité relativement élevée des scories ne constitue pas un
problème technique elle a un coût économique puisque le sable-ciment est vendu « au
kilomètre » et non pas au poids, or une densité plus élevée augmente les coûts de transport….
Le liant utilisé est adapté par les cimentiers aux contraintes de la mise en œuvre de ce
matériau. C'est donc un liant qui présente une courbe de durcissement progressive. La
composition du Ligex 2 R utilisé est présentée dans le tableau 9.
Les résultats de l'analyse élémentaire en calcium, sodium, potassium des trois sables-ciments
sont présentés dans le tableau 10. La forte teneur en calcium est liée à la nature calcaire des
granulats alors que les variations de teneurs en alcalins sont dues aux caractéristiques des
scories.
La comparaison, tableau 11, du contenu total, en plomb et zinc des deux sables-ciments
contenant des scories, mesuré expérimentalement et de celui calculé, à partir des pourcentages
de scories introduits dans les matériaux, montre que les matériaux sont homogènes.
1.3.2.4.1 Porosité
Le facteur de porosité et la distribution porosimétrique du sable-ciment témoin ont été
mesurés par porosimétrie au mercure. Cet essai, réalisé selon la méthode décrite au § 1.3.1.4,
a été mis en œuvre par CTG.
1.3.2.4.2 Perméabilité
Dans un milieu poreux, la perméabilité est influencée par l'importance de l'interconnexion des
vides, des discontinuités de la structure et du réseau poreux.
Q =− (K / µ ) * A * dP / e
Cette relation suppose un régime d'écoulement laminaire dans les pores du matériau saturé. K,
homogène à une aire, s'exprime en m2. La perméabilité est une caractéristique intrinsèque du
Kw = K * we / µe
Le pouvoir basique des sables-ciments est faible de pH 11,7 à 7. C'est dans cette gamme de
pH que l'on voit le pouvoir basique des hydrates du liant mais le sable-ciment ne contient que
5 % de liant.
Par rapport aux observations faites pour les bétons c'est le matériau témoin qui a la plus forte
CNA pour des pH inférieurs à 6. La contribution des scories est "négative". Cela est dû à la
nature des granulats auxquels les scories sont substituées : il s'agit de granulats calcaires et
non de sables siliceux. Il est évident que ce type de granulats a une CNA supérieure à celle des
scories.
A pH très acide, la solubilisation du plomb et du zinc des sables-ciments contenant des scories
est limitée par le contenu total.
En milieu alcalin, et même pour les valeurs extrêmes de pH (> 13) la solubilisation du plomb
et du zinc n'est pas liée au contenu total.
figure 13 : Solubilisation du Pb des sables-ciments. figure 14 : Solubilisation du Zn des sables-ciments.
1 000,00 1 000,00
100,00 100,00
10,00
Pb mg/l
10,00
Zn mg/l
1,00 1,00
0,10
0,10
0,01
0,01
0 2 4 6 8 10 12 14
0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
Bt B isf B lbf Bt B isf B lbf
CT Bt CT Bisf CT Blbf CT Bt CT Bisf CT Blbf
La figure 15 montre qu’à pH basique la solubilisation du plomb est légèrement inférieure pour
les scories ISF et LBF lorsqu’elles sont dans les sables-ciments ; il en est de même dans la
zone autour de pH 7 ; à pH très acide le niveau de solubilisation est identique dans les deux
cas.
figure 15 : Comparaison de la solubilisation du Pb, ramenée en kilogramme de scories, des sables-
ciments préparés avec des scories et des scories seules.
10000 100000
1000 10000
1000
100
100
10 10
1 1
0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
La figure 16 montre que la solubilisation du zinc contenu dans les scories ISF et LBF est, à pH
acide et basique, identique pour les scories seules et pour le sable-ciment ; dans la zone de pH
8-12 elle est plus faible lorsque les scories sont dans le sable-ciment.
figure 16 : Comparaison de la solubilisation du Zn, ramenée en kilogramme de scories, des sables-
ciments contenant des scories et des scories seules.
100000 1000000
Zn, mg/kg de scories
100000
Zn, mg/kg de scories
10000
1000 10000
1000
100
100
10
10
1
1
0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
L’incorporation des scories ISF et LBF dans ces matériaux se traduit par :
• Une grande cohérence du niveau de disponibilité du plomb et du zinc aux différents
pH étudiés pour tous les matériaux et les scories seules. Cela signifie que le relargage en
plomb et en zinc est directement dépendant du contexte chimique qui est le résultat du
couple matériau/scénario.
• En milieu très acide, quelque soit le matériau contenant les scories, la totalité du
plomb et du zinc est disponible et leur solubilisation est proportionnelle au contenu
total dans les matériaux.
• En milieu alcalin, on observe des relargages importants en plomb et en zinc
conformément au caractère amphotère de ces métaux.
Les polluants ne peuvent être que physiquement fixés par encapsulation ou enrobage,
aucune réaction chimique positive (de fixation) n'est engagée entre les deux composés.
Cependant pour avoir un bon enrobage le rapport liant/déchet doit être assez élevé, de 1/1 ou
1/2 selon US EPA (1980) et Sing (1998).
S’il y a une différence de densité trop importante entre les granulats et le bitume ou si la
viscosité du bitume est trop faible, les granulats s’accumulent dans les couches inférieures de
l’enrobé diminuant ainsi l’épaisseur de bitume entourant chaque granulat. Pour la viscosité
des bitumes habituellement utilisés, ce phénomène a lieu dans les premières minutes de la
fabrication. En effet, à température ordinaire la sédimentation est trop lente pour avoir une
signification à l’échelle de la centaine d’années.
Le gonflement d’un enrobé est lié au rapport bitume/agrégats et surtout à la nature des
agrégats (Hoiberg, 1964). En effet, certains agrégats ont tendance à absorber de l’eau ce qui
par gonflement endommage la structure de l’enrobé.
La figure 17 illustre le contact d'un élément solide avec un liquide. Le cas (A) schématise une
bonne adhésivité entre ces deux matériaux, l'angle de mouillage β est grand, alors que le cas
(B) représente une mauvaise adhésivité, β est petit.
L'angle de mouillage d'un bitume sur un solide, généralement élevé, dépend de la nature du
solide considéré (Varlan, 1964). Lorsqu'un agrégat est sec, sa charge électrique est
globalement neutre, des ions adsorbés neutralisant les charges de surface. Les expressions
d'agrégats électronégatifs ou électropositifs sont malgré cela utilisées par référence à leur état
de surface en présence d'eau. En effet, au contact de l'eau, les ions adsorbés sont dissous, il en
résulte une charge électrique à la surface de l'agrégat. Les matériaux à base de silice sont
ainsi classés parmi les agrégats électronégatifs alors que ceux à base de calcaire le sont
parmi les agrégats électropositifs (Hoiberg, 1964).
−
Agrégat ≡SiOH → Agrégat ≡SiO + H +
+
Agrégat ≡ CaCO3 H → Agrégat ≡ Ca + HCO3−
Les bitumes par la présence de certains groupements phénoliques et de certains acides, sont
en général électronégatifs. Ils ont donc plus d'affinité pour les agrégats électropositifs. D'un
point de vue thermodynamique, l'adhésion d'un bitume à un agrégat est surtout déterminée par
la présence de cations en surface de l'agrégat autorisant l'adsorption des composés acides et
phénoliques du bitume. Des agrégats à haute teneur en silice et présentant peu de cations en
surface ne permettent pas une bonne adhésion du bitume (Hoiberg, 1964). Pour palier à cet
inconvénient il est possible d'utiliser un bitume de viscosité plus élevée ou de doper le
mélange par des éléments destinés à améliorer le mouillage (Varlan, 1964).
2.1.2.4 Conclusion
Le bitume est un matériau imperméable, relativement inerte chimiquement, capable de fixer
des éléments exogènes par encapsulation.
Associés à des granulats il forme un enrobé bitumineux. Le rapport bitume/granulats fixe les
conditions de transport de l’eau dans ces matériaux. La qualité des granulats détermine en
partie la durabilité de l’enrobé.
Le sable-bitume est défini dans le dictionnaire de l'industrie routière (AFIR, 1994) comme un
sable additionné de filler et/ou de sable correcteur, enrobé à chaud avec 3 à 5 % de bitume très
dur (pénétration 20/30). Dans ce cas, le rôle du bitume est d’assurer la cohésion de
l’ensemble.
Les sables-bitumes, de la même façon que les sables-ciments, constituent la couche de base
dans le type de structure routière étudié.
Notons toutefois deux caractéristiques physiques des scories qui doivent être prises en
compte :
• La granulométrie : les scories ISF et LBF ont une distribution granulométrique
différente d'un sable et notamment elles contiennent trop peu de fines. Le rôle des fines
Pour les matériaux bitumineux la composition est donnée pour 100 % des granulats auquel est
ajouté le pourcentage de bitume. La composition des sables-bitumes est présentée dans le
tableau 12. Pour compenser la perturbation granulométrique due aux scories (trop peu de
fines), du filler est ajouté dans les sables-bitumes contenant des scories.
Dans le tableau 13, le contenu total, mesuré expérimentalement, en plomb et zinc des deux
sables-bitumes contenant des scories est comparé à celui calculé à partir des pourcentages de
scories introduits dans les matériaux. La bonne correspondance entre les résultats
expérimentaux et calculés montrent que les matériaux sont homogènes.
2.2.4.1.1 Porosité
La porosité et la distribution porosimétrique sont mesurées sur le sable-bitume témoin par
porosimétrie au mercure par CTG. Le protocole utilisé est présenté au § 1.3.1.4. L'essai a été
mis en œuvre trois fois pour s'assurer de la reproductibilité de la mesure.
Il faut, de plus, souligner qu'il est difficile de broyer un sable-bitume puisque par
échauffement le bitume ramollit et le matériau devient pâteux. Afin de palier à ce problème,
l'échantillon a été préalablement congelé.
Le pH naturel du sable-bitume contenant des scories ISF est identique au pH naturel des
scories ISF (10,5). Dans les deux cas, le pouvoir basique est faible. Les paliers (zone
tampon) ne sont pas au même niveau de pH. Pour le sable-bitume, le palier à pH 7 est dû au
granulats calcaire qui constituent 50% du mélange (ce palier est également visible dans le cas
des sables-ciments).
14
12 plateau dû aux
granulats calcaire
figure 18 : CNAB du Sbisf et des 10
pH
scories ISF 8
6 SBisf
4 scories ISF
2
-4 -2 0 2 4
mol base/kg de matériau mol acide/kg de matériau
Zn, mg/l
Pb, mg/l
10
10
1 1
0,1 0,1
0,01
0,01
2 4 6 8 10 12 14
2 4 6 8 10 12 14
pH
pH
2.3 Conclusion
La substitution de 50 % du sable par les scories ISF ou LBF dans un sable-bitume de
formulation standard produit des matériaux dont les caractéristiques physiques et mécaniques
satisfont aux critères d’usage.
Les sables-bitumes sont des matériaux chimiquement relativement inertes. Leur capacité de
rétention des polluants n’est que physique (enrobage).
3. CONCLUSION
Ce chapitre a été consacré à la présentation générale des matériaux étudiés. Le type de liant
(hydraulique ou bitumineux) conditionne les propriétés des matériaux préparés avec ces liants.
L’étude dans différents contextes chimiques de la réponse chimique (étude sur matériaux
broyés) a montré que les matériaux à base de liants hydrauliques ont un pouvoir de réactivité
(pouvoir basique, fixation chimique du plomb à pH basique) alors que les matériaux à base de
liant bitumineux sont chimiquement inertes.
Ces propriétés intrinsèques aux matériaux ont été prises en compte dans l’étude du
comportement environnemental des matériaux présentée dans les chapitres 3, 4, 5 et 6.