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CHAPITRE II :

MATERIAUX DE CONSTRUCTION DANS


LESQUELS SONT MISES LES SCORIES

1. MATÉRIAUX À BASE DE LIANT HYDRAULIQUE 34

1.1 RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES 34


1.1.1 HYDRATATION DES CIMENTS 35
1.1.2 CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES D'UNE MATRICE CIMENT 37
1.1.3 INTERACTIONS DÉCHETS MINÉRAUX/MATRICE CIMENT 39
1.1.4 CAPACITÉ À RÉSISTER À UNE AGRESSION EXTÉRIEURE D'UNE PÂTE DE CIMENT 42
1.2 ETUDE DU COMPORTEMENT DES SCORIES DANS LES CONTEXTES CHIMIQUES IMPOSÉS PAR
LES MATÉRIAUX À BASE DE LIANT HYDRAULIQUE 44
1.2.1 DÉTERMINATION DE LA COMPOSITION INITIALE DE L’EAUX DES PORES D’UN MATÉRIAU À
BASE DE LIANT HYDRAULIQUE 44
1.2.2 ETUDE DE L’ALTÉRATION DES MATRICES VITREUSES DES SCORIES EN CONTACT AVEC DES
EAUX DES PORES SYNTHÉTIQUES 45
1.2.3 ETUDE DU RELARGAGE DU PLOMB ET DU ZINC DES SCORIES AU CONTACT D’EAUX DES
PORES SYNTHÉTIQUES 46
1.3 LES MATÉRIAUX À BASE DE LIANT HYDRAULIQUE ÉTUDIÉS 48
1.3.1 LES BÉTONS 48
1.3.2 LES SABLES-CIMENTS 56
1.3.3 CONCLUSION 62

2. MATÉRIAUX À BASE DE LIANT BITUMINEUX 62

2.1 RAPPELS BIBLIOGRAPHIQUES 62


2.1.1 LES BITUMES 62
2.1.2 LES ENROBÉS BITUMINEUX 65
2.2 L SABLES-BITUMES.
ES 67
2.2.1 LES SCORIES : GRANULATS POUR SABLE-BITUME ? 67
2.2.2 COMPOSITION DES SABLES-BITUMES 68
2.2.3 ANALYSE ÉLÉMENTAIRE DES SABLES-BITUMES 68
2.2.4 CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES DES SABLES-BITUMES 69
2.2.5 COMPORTEMENT DES SABLES-BITUMES DANS DIFFÉRENTS CONTEXTES CHIMIQUES 70
2.3 CONCLUSION 71

3. CONCLUSION 71
CHAPITRE II :

MATERIAUX DE CONSTRUCTION DANS


LESQUELS SONT MISES LES SCORIES

L'utilisation des scories ISF ou LBF en substitut partiel au sable dans des matériaux de BTP a
été envisagée : trois voies matériaux ont été étudiées. Elles peuvent être regroupées en deux
catégories en fonction du liant :
♦Matériaux à base de liant hydraulique :
- béton,
- sable-ciment.
♦Matériaux à base de liant bitumineux :
- sable-bitume.

La première partie de ce chapitre est consacrée aux matériaux à base de liant hydraulique :
rappel bibliographique sur ce type de matériau, puis présentation des matériaux qui ont fait
l'objet de cette thèse (béton, sable-ciment) ; dans la seconde partie, dédiée aux matériaux à
base de liants bitumineux, nous ferons également un rappel bibliographique avant de présenter
les caractéristiques des sables-bitumes étudiés.

1. MATERIAUX A BASE DE LIANT HYDRAULIQUE


Les scories ISF et LBF ont été introduites en substitut partiel au sable dans des bétons et des
sables-ciments. Une courte bibliographie permet de rappeler l’origine des liants hydrauliques
et les propriétés physico-chimiques des liants hydratés. Ensuite sont présentées la composition
et les caractéristiques des matériaux étudiés.

1.1 Rappels bibliographiques


Un liant hydraulique est une poudre constituée de sels minéraux anhydres. En présence d'eau
ils forment une pâte qui fait prise et durcit progressivement par suite de réactions
d'hydratation. Le terme liant hydraulique désigne les ciments et la chaux.

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Le terme générique "ciment" désigne en fait différentes catégories de produits, répertoriés
dans la norme NF P 15-301, en fonction de leur composition et de leur classe de résistance.
Un ciment contient toujours du clinker, il peut être additionné de divers minéraux naturels ou
artificiels, dont le rôle principal est soit de participer aux réactions d'hydratation (laitiers et
produits pouzzolaniques) soit d'améliorer la compacité de la pâte (composants inertes comme
les fillers).

Le Ciment Portland Artificiel (CPA) est le plus courant. Il est constitué de 95 à 100 % de
clinker. Dans les ciments composés, le dosage en clinker est de l'ordre de 65 à 94 % pour les
classes CPJ (Ciment Portland Composé) et descend jusqu'à 5 % dans les CLK (Ciment au
laitier de haut–fourneau).

Le clinker est le résultat de la cuisson d'un mélange d'environ 80 % de calcaire et 20 %


d'argile dont les oxydes se combinent au cours de la cuisson pour former (Taylor, 1992) :
- le silicate tricalcique, 3CaO.SiO2, C3S1: 50-70 % ,
- le silicate bicalcique, 2CaO.SiO2, C2S : 15-30 %,
- l'aluminate tricalcique, 3CaO.Al2O3, C3A : 5-10 %,
- l'aluminoferrite de calcium, 4CaO.Al2O3.Fe2O3, C4AF : 5-15 %.

Le gypse (CaSO4, 2H2O) est ajouté au clinker pour régulariser la prise du ciment.

1.1.1 Hydratation des ciments


Mélangés à l'eau les minéraux du ciment s'hydratent. L'hydratation s'opère par dissolution des
phases anhydres suivie d'une précipitation des hydrates conduisant au durcissement de la pâte
de ciment et à la formation d'une structure solide. Les mécanismes d'hydratation sont
complexes.

Les mécanismes d’hydratation du CPA ont été les plus étudiés et sont rappelés ici. En
présence de gypse les aluminates forment des sulfo-aluminates de calcium hydratés (réactions
1 et 2) :

Réaction 1 :

3CaO.Al2O3 + 26 H2O + 3(CaSO4.2H2O) → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O + Al2O3.3H2O

C3A Ettringite (C3A.3CS.H32)

Réaction 2 :

2CaO(Al2O3.Fe2O3)0,5+25H2O+ 3(CaSO4.2H2O) + Ca(OH)2 → 3CaO. (Al2O3.Fe2O3)0,5 3CaSO4.32H2O

1
Notation cimentière A=Al2O3 ; C=CaO ; F=Fe2O3 ; H=H2O ; S=SiO2 ; S=SO3

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La quantité de gypse généralement ajoutée au clinker étant insuffisante pour transformer tous
les aluminates en ettringite, d'autres hydrates sont formés par réaction avec l'hydroxyde de
calcium présent en solution (réactions 3 et 4).

Réaction 3 : 3CaO.Al2O3 + 12H2O + Ca(OH)2 → 3CaO.Al2O3.Ca(OH)2 .12H2O

Réaction 4 : 4CaO.Al2O3.Fe2O3 + 10H2O + Ca(OH)2 → 6CaO.Al2O3.Fe2O3 .12H2O

L'ettringite se transforme partiellement en monosulfo-aluminate de calcium hydraté


(monosulfate) selon la réaction 5.

Réaction 5 :

(C3A.3CS.H32) + 2(3CaO.Al2O3.Ca(OH)2 12H2O) → 3(3CaO.Al2O3.CaSO4 .12H2O) + 2Ca(OH)2 + 20H2O


Ettringite Monosulfate (C3A.3CS.H12)

L'hydratation des silicates de calcium s'effectue lentement et conduit à la formation de


Silicates de Calcium Hydratés notés C-S-H et d'hydroxyde de calcium Ca(OH)2 ou
portlandite (réactions 6 et 7). Le durcissement de la pâte de ciment Portland est
principalement dû à ces produits.

Réaction 6 : 2(3CaO.SiO2) + 6H2O → 3CaO.2SiO2.3H2O + 3Ca(OH)2


C3S C-S-H portlandite

Réaction 7 : 2(2CaO.SiO2) + 4H2O → 3CaO.2SiO2.3H2O + 3Ca(OH)2


C2S C-S-H portlandite

En fin d'hydratation les principaux produits d'hydratation sont (Glasser, 1993) :


➤ Les Silicates de Calcium Hydratés C-S-H : gel amorphe dont le ratio Ca/Si varie, il
constitue 60 à 70 % d'une pâte de ciment hydratée.
➤ L'hydroxyde de calcium Ca(OH)2 ou portlandite : il représente 20 à 30 % d'une
pâte de ciment hydratée et 90 % de son alcalinité (Bishop, 1988).
➤ Les sulfo-aluminates de calcium : l'ettringite et le monosulfate représentent 5 à 15 %
d'une pâte hydratée.

Suivant l'origine du ciment et aussi en jouant sur les ajouts de laitier, de cendres volantes, de
pouzzolanes ou de fumées de silice, il est possible de faire varier assez largement la
proportion de ces hydrates. Les ciments au laitier de haut fourneau (CLK et CHF) contiennent
moins de portlandite, plus de C-S-H et plus d'aluminates hydratés que les ciments Portland
purs. Pour un CPJ dont le constituant complémentaire est un matériau inerte tel le calcaire, les
produits de l’hydratation sont essentiellement identiques à ceux d’un CPA.

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Le mélange ciment et eau est appelé pâte pure ou pâte de ciment hydraté. Le mélange ciment,
eau et sable est nommé mortier. Le mélange ciment, eau, sable et granulats est un béton.

1.1.2 Caractéristiques physico-chimiques d'une matrice ciment


La structure solide, issue de l'hydratation du ciment, est une matrice poreuse. Les pores de
cette matrice sont partiellement remplis d'une phase aqueuse ou "eau des pores" en équilibre
thermodynamique avec la matière solide.

1.1.2.1 Porosité
La porosité caractérise la texture d'une pâte de ciment et conditionne beaucoup des propriétés
(résistance mécanique, transfert hydraulique…). La porosité est une grandeur évolutive
d'abord parce que les réactions d'hydratation se poursuivent longtemps et ensuite parce que de
nombreuses réactions chimiques de dissolution et de précipitation se produisent dans le réseau
poreux.

La porosité totale représente le volume non occupé par les phases solides, c'est la somme de la
porosité fermée et ouverte. La porosité fermée est constituée de pores qui ne communiquent
pas avec l'extérieur. La porosité ouverte est constituée de pores interconnectés, ils forment
un espace continu dans le milieu poreux et participent au transfert de matière à travers le
matériau.

Un autre aspect de la structure poreuse est la distribution de la taille des pores ou répartition
porosimétrique.
- Les pores capillaires (supérieurs à 30 nm) : ils représentent les espaces initialement
existant entre les grains de ciment et incomplètement comblés par les hydrates. Leur
diamètre moyen varie avec le rapport eau/ciment (E/C) et le degré d'hydratation. Pour
une pâte entièrement hydratée, la continuité des pores capillaires est interrompue pour
des E/C inférieurs à 0,7 (Neuville,1963), cependant ils restent interconnectés par les
micropores.
- Les pores des C-S-H : parmi les produits de l'hydratation du ciment les C-S-H sont les
moins bien cristallisés et ont une structure de gel microporeux. D'après Powers (Powers,
1946) la porosité des C-S-H est indépendante du ratio E/C et du degré d'hydratation. La
porosité des C-S-H dans les pâtes ordinaires (E/C = 0,34) est de 28 % (Baroghel-Bouny,
1996). Leur taille est le plus souvent de quelques angström (Malier, 1992).

La distribution porosimétrique est également souvent décrite par trois classes de pores : la
microporosité de 0,006 µm à 0,1 µm, la mésoporosité de 0,1 µm à 0,6 µm et la macroporosité

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au delà de 0,6 µm. Il n'existe pas de relation directe entre les types de pores décrits et la
classification en fonction de leur taille, certains types de pores ayant des classes de taille
étendues.

Dans le réseau poreux, les transferts de matière peuvent être classés en deux catégories (Buil,
1992) :
y Ecoulement de l'eau interstitielle. Ce type de transport intervient lorsque la pâte de
ciment est soumise à un gradient de pression hydraulique ou si elle est exposée, à l'état
saturé, à une dessiccation ou au contraire si, à l'état sec, elle subit une ascension
capillaire d'eau d'origine extérieure. La cinétique de transport par écoulement dépend de
l'état de division (taille des pores) du matériau. Dans les pores extrêmement petits (pores
des C-S-H) les molécules d'eau sont moins mobiles du fait de leur adsorption sur les
parois.
y Transport par diffusion. Le transport par diffusion peut intervenir en phase liquide ou
gazeuse. La diffusion désigne le processus de transport d'un constituant dans un milieu
donné sous l'effet des gradients de concentrations. La cinétique de diffusion ne dépend
pas de la répartition porosimétrique mais de l'état de connectivité des pores. En effet, la
"résistance" au transport par diffusion résulte des chocs entre les molécules qui
remplissent le capillaire ; pour qu'il en soit ainsi, il suffit que la taille du capillaire soit
suffisamment élevée pour que le nombre moyen de collisions intermoléculaires soit très
supérieur au nombre de collisions avec les parois du capillaires.

La porosité et la répartition porosimétrique sont des grandeurs évolutives, elles


contrôlent la durabilité d'une pâte de ciment. Une pâte de ciment hydratée faiblement
poreuse a une meilleure résistance mécanique et limite la pénétration des agents
extérieurs agressifs comme l’eau et le dioxyde de carbone.

1.1.2.2 Eau des pores


La solution aqueuse contenue dans les pores joue un rôle essentiel : c'est là qu'ont lieu les
phénomènes de mise en solution, de précipitation et de transport des espèces.

La solution aqueuse contenue dans les pores est en équilibre avec les différentes phases
solides, en particulier les hydrates du ciment. L'eau des pores est saturée par rapport à chacun
des hydrates. Compte tenu des équilibres de solubilité des hydrates, la solution est pauvre en
calcium (Vernet, 1992). En effet, au cours de l'hydratation, la portlandite réagit avec les
sulfates alcalins, toujours présents en quantité mineure dans le ciment, pour donner les

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 38


hydroxydes correspondants : Ca (OH)2 + K 2 SO4 
→ CaSO4 + 2KOH

Ca (OH)2 + Na 2 SO4 → CaSO4 + 2NaOH

Le pH élevé est dû à la présence des ions OH- provenant des bases alcalines et de la
portlandite dont la solubilité, précisément, dépend de la concentration en ions OH -. Au bout
de quelques heures la solution s'enrichit progressivement en bases alcalines NaOH et surtout
KOH, alors que la concentration en calcium décroît et devient négligeable à long terme. Ces
équilibres expliquent que le pH de la solution interstitielle reste largement supérieur à 13 alors
que la solution saturée de chaux n'a qu'un pH de 12,5 (Duval, 1992).

De nombreuses études ont été réalisées pour déterminer la composition de l'eau des pores de
matériaux à base de liant hydraulique. Différentes méthodes ont été utilisées :
y Méthodes expérimentales :
- méthode d'extraction par compression de matrice de ciment hydratée (Longuet,
1973, Kindness, 1994, Diamond, 1981),
- méthode de mise en contact de matériaux finement broyés avec de l'eau
déminéralisée à de faibles ratios liquide/solide (L/S) : les concentrations en
alcalins (Na, K) et calcium mesurées sont extrapolées pour le ratio L/S existant au
sein du matériau (calculé à partir de la porosité) (Bae, 1998).
y Méthode par le calcul :
- développement de modèles thermodynamiques permettant de décrire la
solution des pores d'une pâte de ciment durcie (Schmidt, 1993),

Le tableau 1 donne quelques valeurs typiques de composition d'une solution d'eau des pores.

tableau 1: Composition et pH de l'eau des pores d'une pâte hydratée de CPA (Schmidt, 1993).
Composition Na, mg/l K, mg/l CaOH+, mg/l Ca2+, mg/l Ca total, mg/l pH
1800 5400 90 40 130 13,4

L'eau des pores est une solution saturée en hydroxyde de calcium et de fortes
concentrations en alcalins (NaOH et KOH), ce qui lui confère un pH élevé (supérieur à
12,5).

1.1.3 Interactions déchets minéraux/matrice ciment


L'incorporation de déchets dans un matériau à base de ciment est source d'importantes
interactions pouvant exercer une action positive ou négative sur les produits obtenus. Depuis
quelques années, de nombreuses études de caractérisation de la stabilisation/solidification des
déchets minéraux avec du ciment ont été faites.

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1.1.3.1 Perturbation de la chimie du ciment
L'ajout de certains polluants à la pâte de ciment perturbe le processus d'hydratation (Hills,
1992 et 1993) et modifie les propriétés physiques du ciment hydraté (Bhatty, 1987, Hills 1992,
Taylor, 1992 et Diet, 1996,).

1.1.3.2 Mécanismes de rétention de polluants au sein d'une matrice ciment


Les polluants peuvent être fixés dans la matrice ciment selon différents mécanismes :
y Piégeage mécanique (Murat, 1990, Roy, 1992) : les polluants, dissous, sont piégés
dans des pores fermés et sous forme solide ils peuvent servir de centre de nucléation et
être piégés dans une gangue d'hydrates,
y Précipitation (Adaska, 1991, Mashni, 1994) : le milieu fortement alcalin et riche en
cations Ca2+ créé par l'hydratation de la pâte de ciment provoque la précipitation
d'hydroxydes métalliques (Conner, 1990) et de sels de calcium (Meric, 1979). Certains
métaux peuvent précipiter sous forme de carbonates métalliques par effet du dioxyde de
carbone de l'air (Conner, 1990). L’ensemble de ces composés sont peu solubles.
y Adsorption (Cocke, 1990, Adaska, 1991) : l'adsorption de composés exogènes à la
surface des hydrates dépend de la structure de leur surface. L'adsorption par les C-S-H
est importante en raison de leur grande surface spécifique et de charges négatives
superficielles non compensées.
y Insertion dans les hydrates : lors du gâchage les métaux en solution peuvent être
incorporés dans le réseau cristallin des hydrates par :
- Addition : intégration de l'ion métallique entre les couches structurelles de
l'hydrate. Seule la structure en feuillets du C-S-H permet ce processus (Bhatty,
1987).
- Substitution (Bensted, 1971, Bhatty, M.S.Y.,1987, Kumarthasan, 1990, Adaska,
1991, Mc Carthy, 1992, Richardson, 1993, Serclérat, 1996) : réaction d'échange
entre un atome de la structure cristalline de l'hydrate et un atome exogène. Tous
les hydrates peuvent intégrer des particules par substitution du calcium (cations
bivalents), de l'aluminium (cations trivalents). L'ettringite et les monosulfates
peuvent intégrer des sulfates (anions).

1.1.3.3 Interactions du plomb


Lors de son incorporation dans la pâte de ciment (pH>12,5) le plomb est solubilisé, ensuite,
soit il précipite soit il est incorporé dans les hydrates du ciment. Etant donné les conditions
imposées par la matrice ciment (pH > 12,6) de nombreux auteurs s'accordent pour dire que le

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plomb précipite sous forme d'hydroxyde (Conner, 1990, Châtelet, 1995) sur la surface des
grains de ciment, retardant, le processus d'hydratation (Zhao,1992). Si le plomb est incorporé
dans les hydrates cela peut être par addition dans les C-S-H (Bhatty, J.I., 1993) ou par
substitution au calcium dans les C-S-H ou l'ettringite (Bishop, 1988, Komarneny, 1988). Dans
ce cas, le plomb est fortement fixé : Bishop a montré que même après une élimination totale
de l'alcalinité du matériau 75% du plomb est retenu.

Miyake (Miyake, 1988) a étudié l'immobilisation du plomb par la calcite et l'aragonite


(carbonates de calcium), en équilibrant ces deux carbonates de calcium avec des solutions
d'acétate de plomb. Il observe une très forte réactivité du plomb avec les carbonates. Pour des
temps d'immersion suffisamment longs, la calcite et l'aragonite sont complètement convertis
en cérusite (PbCO3). Les structures cristallines très différentes de la calcite, l'aragonite et la
cérusite suggèrent un processus de réaction par dissolution-cristallisation.

Les conditions rencontrées dans une matrice ciment sont a priori favorables à la fixation
du plomb majoritairement sous forme d’hydroxyde de plomb ou par incorporation dans
les hydrates.

1.1.3.4 Interactions du zinc


Le zinc, mis en solution lors de la préparation du mélange, peut précipiter sous forme
d'hydroxyde (Châtelet, 1995) retardant par le même processus que le plomb l’hydratation du
ciment (Arliguie, 1982). Etant donné les conditions imposées dans la matrice ciment (pH
élevé, concentration importante en ions calcium) de nombreux auteurs (Arliguie, 1982, Poon,
1985, Rossetti, 1995) s'accordent à dire que la seule phase hydratée contenant du zinc est
l'hydroxyzincate de calcium CaZn2 (OH)6.2H2O. Cependant Kantro (Kantro, 1975) note la
possibilité que le zinc soit inclu dans des cristaux de monosulfoaluminate de calcium et
Komarneny (Komarneny, 1988) pense que l'ion Zn2+ peut se substituer à Ca2+ dans les C-S-H.

Les conditions rencontrées dans une matrice ciment sont a priori favorables à la fixation
du zinc majoritairement sous forme d'hydroxyzincate de calcium : CaZn 2 (OH)6.2H2O.

1.1.3.5 Pâte de ciment/Matrice vitreuse


La bibliographie, présentée au chapitre I, concernant l'altération de matériaux silicatés, tels
que les scories, indique que ces matériaux sont très sensibles à des solutions aqueuses dont le
pH est basique. Ainsi, le contact verre-pâte de ciment pourrait être très pénalisant en raison
d'une part du pH très basique imposé par ce milieu et d'autre part de la concentration en silice
maintenue faible par la formation de produits à base de silicium favorisant ainsi la poursuite

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 41


de l'altération. Dans ces conditions, les polluants (plomb et zinc), contenus dans les scories,
sont susceptibles d'être libérés (altération de la matrice silicatée) ou piégés dans le gel
(produit de l'altération).

1.1.4 Capacité à résister à une agression extérieure d'une pâte de ciment


Les différents hydrates de la pâte de ciment forment un milieu fortement basique, la solution
des pores est également très alcaline. Par conséquent, tous les milieux extérieurs (eau de pluie,
dioxyde de carbone) sont "acides". Le système chimique que représente la pâte est en
déséquilibre avec le milieu extérieur. Cependant, une pâte de ciment n'est pas un matériau
inerte et est capable de développer des « mécanismes de défense ».

Lorsque la pâte se trouve en contact avec un milieu différent de son "milieu naturel", les
équilibres chimiques des hydrates sont déplacés et le système tend vers un nouvel équilibre.
Pour cela la pâte de ciment met en œuvre deux types de mécanismes (Vernet, 1992) :
• Des mécanismes régulateurs internes permettent d'amortir et de stabiliser les variations
de concentration dans la phase aqueuse produites par des ions étrangers. Ces
mécanismes, liés aux équilibres chimiques des hydrates, constituent le pouvoir tampon
des matériaux à base de ciment et sont plus précisément présentés au paragraphe
suivant.
• Des mécanismes de construction de barrières d'hydrates : produits des réactions avec
le milieu extérieur. Ces barrières sont dues, comme l'avait observé Le Chatelier, à la
diffusion des ions agresseurs en sens inverse des ions fournis par le ciment. Cela
provoque une structuration particulière (en barrières) des produits de réactions qui
empêchent par la suite la progression des ions agresseurs vers le cœur du matériau. C’est
la meilleure possibilité de durabilité du matériau quand il doit faire face à un réservoir
quasi infini d’agents agressifs.
Le phénomène de carbonatation (réaction entre les hydrates du ciment (principalement
la portlandite) et le dioxyde de carbone de l'air) correspond à ce processus : on parle de
la « peau » du béton. La réaction de carbonatation est présentée au chapitre 3 § 3.3.

1.1.4.1 Mise en contact avec de l'eau : Lixiviation - Effet tampon


Lors de la mise en contact d’une pâte de ciment avec de l'eau, c'est à dire lors d'une lixiviation
"acide" (par comparaison avec la forte basicité de la pâte de ciment), l’équilibre existant entre
les phases liquides et solides du matériau est perturbé. Un processus de dissolution et de
transfert des espèces chimiques est enclenché pour atteindre un nouvel équilibre. La
concentration des espèces basiques dans la phase aqueuse des pores ainsi que son pH

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 42


s’abaissent. Ces variations sont régulées par la présence simultanée de nombreux hydrates du
ciment, c’est l’effet tampon. Il s’agit de réactions acido-basiques qui jouent un rôle important
vis-à-vis de la durabilité à long terme du matériau.

Ainsi, l’attaque d’une pâte de ciment par des eaux pures, faiblement agressives, provoque la
dissolution et le relargage des hydrates. Ce processus comprend plusieurs étapes (Neall, 1980)
et peut être décrit qualitativement :
- Dissolution et relargage rapide des hydroxydes NaOH et KOH, le pH de la solution
interstitielle, au départ souvent supérieur à 13,5, va baisser vers 12,5 au fur à mesure de
l'épuisement de ces espèces.
- Début de la dissolution de la portlandite. La portlandite, est le premier hydrate à jouer un
rôle dans les réactions de neutralisation. Cet hydrate peut se dissoudre, pour générer des
OH-, ou inversement précipiter pour consommer les OH- en excès. Une solution de
portlandite est donc capable de réguler son pH (pH ≈ 12,4). Ce pouvoir tampon constitue
un mécanisme régulateur important. Ensuite lorsqu’une partie de la portlandite a déjà été
lixiviée, les silicates et les aluminates, moins solubles, se décomposent progressivement.
A ce moment leur dissolution est incongruente (dissociation sélective non
stoechiométrique du calcium) ce qui provoque une diminution du rapport molaire
CaO/SiO2. Les C-S-H formés lors de l'hydratation d'un ciment ont un ratio CaO/SiO2 de
1,4 à 1,8 (Lea, 1970), quand le ratio atteint 0,8 le pH est proche de 11 (Berner, 1988). Le
système tampon Ca(OH)2/C-S-H régule la chute de pH de 12,5 à environ 11.
- Enfin, dissolution congruente des C-S-H. A long terme, lorsque la proportion d’acide
agresseur et le temps de contact sont très importants, le pH finit par baisser au-dessous de
9, domaine où aucun hydrate basique n’est stable. Du gypse et des hydroxydes de
silicium et d’aluminium précipitent et constituent un gel. Ce gel forme une barrière
diffusionnelle aux ions agresseurs (Duval, 1992).

Le mécanisme régulateur par effet tampon ne peut fonctionner que si la quantité d’hydrates est
suffisante. Il est également pris en défaut quand les produits des réactions acide-base sont
éliminés au fur et à mesure de leur formation. Cependant la matrice ciment a une grande
stabilité puisque par exemple une étude menée par Revertegat (Revertegat, 1992) sur une pâte
pure (échantillon de 4mm d'épaisseur et 70 mm de diamètre, Eau/Ciment (E/C) = 0,37) dans
des conditions très agressives (pH = 4 maintenu par bullage de dioxyde de carbone) montre
que la disparition totale de la portlandite n'est effective qu'après 2 ans de lixiviation.

La lixiviation « acide » conduit à des pertes de masses et d’alcalinité dues à la dissolution


de la portlandite et à la décalcification des autres hydrates. Cependant le mécanisme

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 43


auto-régulateur de la matrice ciment, lié au fort pouvoir basique (effet tampon) des
hydrates, lui donne une « résistance » qui assure la durabilité du matériau.

1.2 Etude du comportement des scories dans les contextes


chimiques imposés par les matériaux à base de liant hydraulique
Les scories sont utilisées en substitut partiel au sable dans des bétons et des sables-ciments.
Les pores de ces matériaux sont partiellement saturés par une phase aqueuse fortement
basique.

Nous avons vu que l'altération des scories, matériaux silicatés, dépend notamment du contexte
physico-chimique. A priori le contact verre-pâte de ciment est très pénalisant en raison du pH
basique imposé par ce milieu. L’étude, dans un premier temps, du comportement des scories
mises au contact de solution très basique paraît donc importante.
Nous avons d’abord déterminé la composition des eaux des pores des bétons et des sables-
ciments ensuite nous avons étudié l’altération de la matrice vitreuse des scories et la
solubilisation des polluants dans ces différents contextes chimiques.

1.2.1 Détermination de la composition initiale de l’eaux des pores d’un


matériau à base de liant hydraulique
Pour déterminer la composition des eaux des pores du béton et du sable-ciment dans lesquels
sont mises les scories nous avons suivi le protocole développé par Bae (Bae, 1998). La
description du mode opératoire et les résultats obtenus sont présentés dans l'annexe 1.

Dans le tableau 2, sont présentées les compositions des eaux des pores synthétiques des deux
matériaux. Les deux solutions d'eaux des pores sont saturées en hydroxyde de calcium. Les
différences de concentrations en NaOH et KOH contrôlent les pH, très basiques. Afin de
s'assurer de la saturation des solutions en hydroxyde de calcium, on met 1 g de chaux lors de
la préparation des solutions qui sont ensuite filtrées avant utilisation. Les pH, présentés dans
le tableau 2, ont été mesurés sur des solutions synthétiques.

tableau 2 : Composition et pH des eaux des pores synthétiques.


Concentration, en g/l
Matériaux Ca(OH)2 NaOH KOH pH
Béton 1 3,35 11,01 13,6
Sable-ciment 1 2,19 1,64 12,9

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 44


1.2.2 Etude de l’altération des matrices vitreuses des scories en contact avec
des eaux des pores synthétiques
La silice joue le rôle le plus important sur le contrôle de l'altération des matériaux silicatés.
Nous avons donc évalué de façon qualitative l’altération des matrices vitreuses des scories en
mesurant la concentration en solution de la silice lorsque les scories sont mises au contact des
eaux des pores.

Afin d’étudier l’influence de la composition des eaux des pores sur la solubilisation de la
silice, des scories en l'état ont été mises en contact avec des solutions d'eau des pores de béton
(EdPB) et de sable-ciment (EdPSC) ainsi qu’avec de l’eau déminéralisée pour avoir une
référence. Le ratio massique solution de lixiviation/scories est de 10. Le temps de contact est
de 3 jours avec une agitation par retournement.

Le pH des lixiviats, lors de la mise en contact des scories avec les eaux des pores de béton ou
de sable-ciment, est fortement basique. Si le lixiviant est de l'eau déminéralisée le pH des
solutions, au départ proche de 6,5, atteint, après 3 jours une valeur de 10,6 pour les scories
ISF et 9,9 pour les scories LBF. Nous observons, comme il a été relevé dans la bibliographie,
que l'altération de matériaux silicatés se traduit par une augmentation du pH, le système
évoluant vers un pH d'équilibre imposé par le matériau.

La figure 1 montre d'abord que l’altération de la matrice vitreuse (estimée en quantité


relarguée de Si) de la scorie LBF est plus importante que celle de la scorie ISF dans les
trois contextes chimiques étudiés.
Pour les deux scories, la silice est plus solubilisée lorsque le lixiviant est l'eau des pores de
béton. Par contre, elle est moins solubilisée lorsque le lixiviant est l'eau des pores de sable-
ciment que quand il s’agit d’eau déminéralisée. Or, le contexte chimique de l’eau des pores de
sable-ciment est plus proche de celui de l’eau des pores de béton que de celui de l’eau
déminéralisée. Une partie de la silice dissoute a donc pu être consommée par la formation
d’une phase solide. Nous avons vérifié cette hypothèse en mettant en œuvre le même test mais
cette fois avec une eau
2,5 isf, essai 1
des pores de sable-ciment isf, essai 2
2
modifiée : sans Ca(OH)2. lbf, essai 1
Si, mg/l

1,5
lbf, essai 2
1

0,5
figure 1 : solubilisation de
la Si. 0
EdPB EdPSC eau déminéralisée
1 essai

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 45


Les résultats présentés dans la figure 2 montrent que la solubilisation de la silice est
apparemment nettement plus importante dans une eau des pores de sable-ciment modifiée
(sans Ca(OH)2). Cependant, les deux solutions (avec ou sans Ca(OH)2) ont le même pH, il
s'agit donc d'un artefact. En effet, dans le cas d'une eau des pores non modifiée, la silice
dissoute a pu réagir avec le calcium en solution pour former par exemple des silicates de
calcium hydratés (C-S-H). Cette réaction réduit la quantité de silice en solution mais est
l'indice d'une altération plus importante de la matrice vitreuse puisque la silice est
consommée (pour former des C-S-H) au fur et à mesure de sa mise en solution.

2,5

2
Si, mg/l

1,5 EdPSC
figure 2 : Solubilisation de la EdP SC sans Ca(OH)2
1
Si.
0,5

0
isf, essai 1 lbf, essai 1

Dans le contexte chimique des eaux des pores des matériaux à base de liant hydraulique
la silice, constitutive des matrices vitreuses des scories, est solubilisée en raison d’abord
du pH basique de ces solutions et ensuite de la présence de Ca2+ en solution qui en
favorisant la précipitation de C-S-H intensifie la solubilisation de la silice.

1.2.3 Etude du relargage du plomb et du zinc des scories au contact d’eaux


des pores synthétiques
L’objectif de ce test est d’étudier, parallèlement à l'altération de la matrice vitreuse, le
relargage du plomb et du zinc. Les scories sont mises en contact avec les eaux des pores de
béton (EdPB) et de sable-ciment (EdPSC) et de l'eau déminéralisée.

Les concentrations en plomb et en zinc dans les lixiviats, obtenus lors de l'essai présenté au
paragraphe précédent, ont été mesurées. La concentration en zinc dans les lixiviats des scories
mises en contact avec de l'eau déminéralisée est inférieure à la limite de quantification de
l'appareil d'analyses utilisé (10 µg/l) ; la concentration en plomb est au maximum de 50 µg/l.
Ces résultats coïncident avec les résultats obtenus, pour ces niveaux de pH (10,6 pour les
scories ISF et 9,9 pour les scories LBF), par les tests de solubilisation réalisés sur scories
broyées (315µm). Ils ont été présentés au chapitre I §3.2.

Les résultats obtenus avec les eaux des pores sont présentés dans la figure 3 et la figure 4.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 46


La figure 3 montre que le plomb des scories ISF est plus solubilisable que le plomb des
scories LBF. Cela concorde avec les résultats obtenus sur scories broyées présentés au
chapitre 1 § 3.2.1. Cependant on peut remarquer que pour les scories ISF, le niveau de
solubilisation mesuré sur scories en l’état et scories broyées est identique. Par contre, pour les
scories LBF le niveau de solubilisation est moins important quand il est mesuré sur les scories
en l’état. Cela peut être dû à la forme sous laquelle se trouve le plomb et sa localisation
dans les scories. En effet, dans les scories ISF, 80 % du plomb est sous forme de billes de
métal, parfois situées en périphérie des grains de scories. Au contraire, dans les scories LBF,
le plomb n'existe qu'à 23 % sous forme de billes de métal et celles-ci sont insérées dans la
matrice vitreuse, 77 % du plomb est porté par la phase vitreuse.
figure 3: Concentrations en Pb des lixiviats. figure 4 : Concentrations en Zn des lixiviats.
400 25
plomb, mg/l

300 20

Zinc, mg/l
200 15
10
100
5
0 0
EdPB EdPSC EdPB EdPSC

ISF, essai 1 ISF, essai 2


ISF, essai 1 ISF, essai 2
LBF, essai 1 LBF, essai 2
LBF, essai 1 LBF, essai 2

La figure 4 indique que le zinc des scories ISF est plus solubilisé que le zinc des scories LBF.
Ces résultats concordent avec les résultats des tests de solubilisation sur matériaux broyés : les
scories LBF contiennent deux fois plus de zinc que les scories ISF et pourtant c'est le zinc des
scories ISF qui est le plus solubilisé. Les informations minéralogiques dont nous disposons ne
permettent pas de mettre en évidence si cette différence est due à la forme sous laquelle se
trouve le zinc.
Par ailleurs, pour le même type de scories, une quantité de zinc plus importante est solubilisée
quand les scories sont au contact d’eau des pores de béton. Ce résultat correspond aux
solubilités mesurées sur scories broyées, présentées au chapitre I§ 3.2.1.

Ces résultats, mis en perspective avec ceux concernant le relargage de la silice présentés au
paragraphe précédent, montrent qu’il n’y a pas de relation directe entre l’altération de la
matrice vitreuse (évaluée par la solubilisation de la silice) et la solubilisation du plomb
et du zinc. En effet, c’est pour les scories LBF que la silice est la plus solubilisée (au contact
d’eaux des pores) alors que c’est pour les mêmes scories que le plomb et le zinc le sont le
moins. Par contre il apparaît, notamment pour le plomb, que c'est la forme sous laquelle il se
trouve et sa "localisation" dans les grains de scories qui contrôlent son relargage.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 47


Le plomb et le zinc solubilisé, dans les contextes chimiques des eaux des pores, ne
résultent pas directement de l'altération de la matrice silicatée des scories. Leur mise en
solution dépend d’abord, dans ces conditions et comme nous l’avions vu au chapitre I,
de la forme sous laquelle sont présents les deux polluants dans le matériau.

1.3 Les matériaux à base de liant hydraulique étudiés


Les matériaux ont été fabriqués, par CTG (béton) et Colas (sable-ciment). L’objectif n’était
pas de mettre au point de nouvelles formulations mais d’étudier la faisabilité d’intégration des
scories en l’état dans des matériaux de compositions standards.

Le taux de substitution du sable par les scories a été décidé à l'issue de la vérification par
Colas et CTG que les matériaux respectaient les spécifications (propriétés mécaniques,
physiques) qui contrôlent habituellement la qualité de ces produits et d'une étude préliminaire
de validation environnementale mise en œuvre par Polden (seulement pour les bétons).
Celle-ci n’avait pas pour objectif de représenter des conditions réelles d’utilisation mais des
conditions extrêmes (échantillon broyé, lixivié à pH contrôlé 5 et 12,5) afin de faire une
présélection des matériaux. Le taux de substitution du sable par les scories est de 13 % dans
les bétons et de 50 % dans les sables-ciments.

Nous présentons ici, pour chaque type de matériau les critères mécaniques et chimiques que
devraient satisfaire les scories pour être substituées au sable d’après les normes en vigueur,
ensuite la composition des matériaux et enfin leurs caractéristiques physico-chimiques.

1.3.1 Les bétons

1.3.1.1 Les scories : granulats pour béton?


Des normes spécifient les caractéristiques physico-chimiques auxquelles doivent répondre
chaque constituant d'un béton. Les spécifications concernant les granulats utilisés dans la
préparation d'un béton, sont stipulées dans la norme NF P 18-541 (1994) qui vient d'être
récemment remplacée par la norme NF P 18-540 (1997). Cette norme permet de classer les
granulats pour bétons hydrauliques en 4 classes (A, B, C, D) en fonction de caractéristiques
intrinsèques (masse volumique réelle, absorption d'eau, friabilité des sables…) et de
caractéristiques de fabrication (granularité, aplatissement, angularité, propreté superficielle,
teneur en chlore, en sulfate…). Nous avons pris cette norme comme référence
puisqu'actuellement aucune norme n'envisage l'utilisation des scories comme granulats pour
béton.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 48


Les scories satisfont à la plupart des caractéristiques requises à l’exception des points
suivants:
• La granulométrie : les scories ISF et LBF dont la granulométrie est comprise entre 0 et
4 mm appartiennent à la catégorie des sables. Cependant la distribution granulométrique
des scories est différente de celle d'un sable (telle qu'elle est requise dans la norme), les
scories contiennent trop peu de fines. Cette perturbation de la distribution
granulométrique a une influence négative sur la résistance mécanique du matériau mais
peut être compensée par l’ajout de fines.
• La densité : il n'y a pas de limite de densité des granulats dans la norme NFP 18-541
mais elle est sous-entendue par le type de matériau concerné. Des granulats calcaires ou
siliceux ont une densité d'environ 2,6 alors que la densité des scories est de 3,6 à 3,9.
Cependant, la densité du ciment utilisé pour préparer les bétons était de 3,15 ainsi le
contraste de densité n’était pas suffisamment important pour provoquer une ségrégation
granulats/pâte.
• La teneur en soufre : la teneur en soufre total admise, exprimée en pourcentage de
soufre, varie de 0,4 % à 1,5 % en fonction de la catégorie de granulats et dans le cas des
laitiers de hauts fourneaux elle peut être de 2 %. Les deux scories ont des teneurs en
soufre inférieures à celle du laitier : les scories ISF en contiennent 1,58 % et les scories
LBF 0,7 %.

D'autres critères, comme la teneur en plomb et en zinc, ne sont pas spécifiés dans la norme
P 18-541. Ces métaux ont, en dehors de leur caractère polluant, un effet de retardateur voir
d'inhibiteur de prise comme nous l'avons vu dans la bibliographie. Une étude préliminaire sur
un mortier, mise en œuvre par CTG, a montré que pour un taux de substitution de 50 % du
sable par les scories il n'y a pas prise mais que pour un taux de 30 % la prise est normale.

1.3.1.2 Compositions des bétons

Trois bétons ont été préparés par CTG. Le béton témoin, noté Bt, ne contient pas de scories.
Deux bétons contenant des scories en substitut partiel au sable : le béton avec les scories ISF,
noté Bisf et le béton avec les scories LBF, noté Blbf. Le taux de substitution au sable est de
13 % soit 3,5 % du matériau.

La formulation utilisée pour préparer les trois bétons est celle du béton B22 à 320 kg/m 3 de
ciment. Ce type de béton est vendu prêt à l'emploi pour des usages courants : fondation, dalle,
mur....

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 49


Les formulations des trois bétons sont indiquées dans le tableau 3. Le choix de CTG a été de
ne pas compenser la perturbation de la distribution granulométrique due à l’introduction des
scories.

tableau 3 : Compositions des bétons.


Constituants Composition, en kg/m3
Bt Bisf Blbf
CIMENT CPJ CEM II 320
SABLE 0/4 mm 792 732 736
GRAVILLON 4/20 mm 1010 1010 1010
SCORIES ISF ou LBF 81,4 81,7
EAU 200
Le sable et les granulats utilisés sont siliceux.

Le ciment utilisé est un ciment Portland composé, CPJ CEM II/B, c'est à dire à 65-79 % en
masse de clinker, le complément est un filler calcaire (21-35 %). L’analyse élémentaire du
CPJ CEMII/B utilisé est présentée dans le tableau 4.

tableau 4 : Analyse élémentaire (en %) du ciment CPJ CEMII/B.


teneur % SiO2 Al2O3 Fe2O3 TiO2 MnO CaO MgO SO3 K2O Na2O

CPJCEMII/B 17,6 3,58 2,65 0,17 0,02 60,3 3,15 2,63 0,53 0,16

Les trois bétons ont été fabriqués avec le même lot de ciment. Les teneurs en plomb et en zinc
du ciment, présentées tableau 5, ont été déterminées afin d’évaluer le bruit de fond est
imputable au ciment. Celui-ci est négligeable.

tableau 5 : Teneurs en Pb et en Zn du ciment CPJ CEMII/B.


Eléments, mg/kg Pb Zn
CPJ CEMII/B 14 40
Les bétons ont été moulés en blocs de 10*10*40 cm et stockés dans un atmosphère humide
pendant 28 jours.

1.3.1.3 Analyse élémentaire des bétons


Nous avons déterminé les teneurs en sodium, potassium, calcium, plomb et zinc des trois
bétons. Les premiers renseignent sur "l'alcalinité" des matériaux et son origine. Par ailleurs,
cet essai permet de s’assurer de l’homogénéité des matériaux produits en comparant le
contenu total en plomb et zinc mesuré expérimentalement et calculé (à partir des quantités de
scories introduites dans le mélange et de leur teneur en plomb et zinc) et ainsi d'estimer le
bruit de fond en plomb et zinc dû aux composants autres que les scories puisque l'essai est
également mené sur le matériau témoin.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 50


1.3.1.3.1 Mode opératoire
Il s'agit d'une mise en solution par attaque d'un mélange d'acide chlorhydrique et d'acide
nitrique (méthode dite à l'eau régale) selon la norme NF X 31-151 suivie d'un dosage du
plomb, du zinc, des alcalins et du calcium par spectrométrie d'Emission Atomique à plasma
d'Induction ICP-AES.

1.3.1.3.2 Résultats de l'analyse élémentaire


Les résultats de l'analyse élémentaire en calcium, sodium, potassium des trois bétons sont
présentés dans le tableau 6. Les différences de teneur en potassium et sodium sont dues aux
caractéristiques des scories. Les bétons contenant des scories ISF contiennent le plus de
sodium et de potassium. La forte teneur en calcium est liée à la nature du constituant
complémentaire du clinker qui est du filler calcaire et représente 21-35 % en poids du ciment.

tableau 6 : Analyse élémentaire en Ca, Na et K des trois bétons.


Matériaux Ca, g/kg Na, mg/kg K, mg/kg
Bt 63,3 400 920
B isf 55,5 650 1 000
B lbf 57,3 400 860

Dans le tableau 7, le contenu total, mesuré expérimentalement, en plomb et zinc des deux
bétons contenant des scories est comparé à celui calculé à partir des pourcentages de scories
introduits dans les matériaux. Il y a une bonne correspondance entre les résultats
expérimentaux et calculés. Dans le cas du béton témoin les teneurs en plomb et zinc sont
imputables aux autres constituants (ciment, granulats...) et sont relativement importantes.

tableau 7 : Analyse élémentaire en Pb et Zn des trois bétons.


Matériaux Pb, mg/kg Zn, mg/kg
eau régale calculé eau régale calculé
Bt 80 - 350 -
B isf 310 240 2 510 2 400
B lbf 1 170 1 220 3 610 3 900

1.3.1.4 Caractéristique physique : la porosité


La porosité du béton a été mesurée par la méthode de porosimétrie au mercure au laboratoire
de CTG à Bergamo (Italie).

Cette méthode permet de mesurer le facteur de porosité, exprimé en pourcentage volumique


représentant le volume des pores ouverts, et la répartition porosimétrique.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 51


1.3.1.4.1 Principe de la mesure de porosité par porosimétrie au mercure
Le principe de la porosimétrie au mercure est basé sur le fait que le mercure se comporte
comme un liquide non mouillant avec la plupart des substances. En conséquence, il ne pénètre
dans les ouvertures et les fissures des matériaux que si une pression est appliquée.

Les mesures sont effectuées sur des échantillons prélevés au cœur des éprouvettes. Les
échantillons sont préalablement séchés puis dégazés dans la cellule de porosimétrie.

Les mesures sont effectuées lors de la montée en pression (intrusion du mercure). On obtient
une courbe porosimétrique représentant pour chaque palier de pression exercée le volume de
mercure pénétré dans les pores. Le volume total de mercure pénétré dans les pores, rapporté
au volume apparent de l'échantillon, permet de connaître la valeur du facteur de porosité.

Les calculs de porosité reposent sur l'équation de Washburn et Jurin qui exprime qu'un liquide
non mouillant (le mercure) peut pénétrer dans les pores d'un matériau si on exerce une
pression p sur ce liquide. Plus le rayon d'accès du pore (r) est petit, plus la pression (p) est
forte :

− 2γ cos θ
p =
r

γ : tension superficielle du liquide (mercure : 484 dynes/cm ; 1 dyne = 10-5N),


θ : angle de mouillage du liquide sur le matériau (mercure : 130°).

1.3.1.4.2 Avantages et inconvénients de la porosimétrie au mercure


Cette méthode permet une mesure rapide, avec une préparation simple de l'échantillon
(Charpin, 1987). La gamme de mesure des rayons d'accès aux pores est très large (2 à
106 nm). Elle est reproductible d'un appareil à l'autre (van Brakel, 1981). Elle permet d'établir
un histogramme des diamètres d'accès des pores.

Certains auteurs restent très critiques vis-à-vis de cette méthode destructive (Feldman, 1984) :
les fortes pressions peuvent endommager la structure poreuse (écrasement, déformation…).
De plus, certaines erreurs peuvent intervenir lors de la préparation de l'échantillon (séchage,
dégazage, fissuration).

1.3.1.4.3 Porosité des bétons


Le facteur de porosité et la distribution porosimétrique ont été déterminé par porosimétrie au
mercure sur trois échantillons de béton témoin afin de vérifier la reproductibilité des résultats.

Le facteur de porosité est de 10,5 %.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 52


Le volume poreux cumulé est de 0,046 cm3/g. Si on considère la répartition des rayons d'accès
aux pores il y a essentiellement des micropores (< 100 nm) et des mésopores (de 100 à 600
nm) les macropores (> 600 nm) représentent un faible pourcentage. Les graphiques
représentant le volume poreux cumulé et la distribution porosimétrique sont présentés dans
l’annexe 2.

1.3.1.5 Comportement des bétons dans différents contextes chimiques


Le caractère dangereux d'un matériau pour l'environnement dépend du comportement du
matériau lorsqu’il est exposé au milieu extérieur. Le comportement des bétons a été étudié
dans des contextes chimiques plus ou moins agressifs à l’aide du test de Capacité de
Neutralisation Acide et du test de solubilisation en fonction du pH.

1.3.1.5.1 Résultats de Capacité de Neutralisation Acide des bétons (CNA)


Ce test, mis en œuvre selon le protocole présenté au Chapitre I - § 3.1.1, a été répété deux fois
afin de s'assurer de la reproductibilité. La figure 5 représente la Capacité de Neutralisation
Acide (CNA) des trois bétons.

Le pH "naturel" des bétons est très basique (supérieur à pH 13). Les courbes de Capacité de
Neutralisation Acide des trois bétons ont la même allure. La CNA, comme le montre la
comparaison de la figure 5 et la figure 6, est fortement influencée par la nature calcaire du
constituant complémentaire au clinker dans le ciment qui représente 21 % du ciment. En effet,
de 0 à 2 moles d’acide/kg de béton, la CNA est due au pouvoir tampon des alcalins, de la
portlandite, des C-S-H et aussi des carbonates. Le point d'équivalence carbonate/bicarbonate
se situe autour de pH 8,3. Ensuite le palier intermédiaire à pH 7 est dû aux bicarbonates. Le
point d'équivalence bicarbonate/acide carbonique se situe autour de pH 4,5.

figure 5: CNA des trois bétons. figure 6 : Courbe de titration d'un mélange
hydroxydes-carbonates d'après Sawyer, 1994.
14
12
10
8
pH

6
4
2
0
0 1 2 3 4 5
mol acide/kg de matériau

Bt B isf B lbf

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 53


L’influence d’une substitution partielle du sable par des scories est notable au-delà de 2 moles
d’acide/kg de matériau. En effet, les zones de chute de pH (de pH 10 à 7 puis de pH 7 à 4)
sont décalées pour les trois matériaux. La CNA du Bisf est inférieure à celle du Blbf qui elle
même est légèrement inférieure à celle du Bt. Le fait que la CNA du Bisf soit inférieure à celle
du Blbf coïncide avec les résultats de CNA obtenus sur scories broyées, présentés au
chapitre 1§3.1.2, qui montraient que les scories ISF ont, dans la gamme de pH 7 à 4, une CNA
inférieure à celle des scories LBF.

1.3.1.5.2 Solubilisation du plomb et du zinc dans les trois bétons


Le test de solubilisation est mis en œuvre selon le protocole présenté au Chapitre 1 - § 3.1.1.
La figure 7 et la figure 8 représentent la solubilisation du plomb et du zinc, contenus dans les
trois bétons, en fonction du pH. Cet essai a été mis en œuvre deux fois et nous avons observé
une bonne reproductibilité.

Le plomb et le zinc ont un caractère amphotère avec un minimum de solubilisation pour des
pH voisin de 10.
A pH très acide, la solubilisation du plomb et du zinc des bétons contenant des scories est
limitée par le contenu total. Par contre, pour le béton témoin, tout le plomb et le zinc présents
ne sont pas « disponibles ». Cette différence peut être due au niveau d'intégration du plomb et
du zinc dans les bétons. Dans le béton témoin le plomb et le zinc sont plus fortement intégrés
dans le réseau silicate de la pâte hydratée. Dans les bétons avec scories, le plomb et le zinc
sont contenus dans la matrice vitreuse des scories or nous avons vu au Chapitre 1 - § 3.2 que
celle-ci n'a aucun pouvoir de fixation des métaux (plomb et zinc) à pH acide.
En milieu très alcalin (pH> 13), la solubilisation du plomb et du zinc n'est pas limitée par le
contenu total. La figure 7 et la figure 8 montrent également qu'à pH basique, pour les bétons
contenant des scories, le plomb est plus soluble que le zinc.
figure 7 : Solubilisation du Pb des bétons. figure 8 : Solubilisation du Zn des bétons.
1 000,00 1 000,00

100,00 100,00

10,00 10,00

1,00
Pb mg/l

1,00
Zn mg/l

0,10 0,10
0,01
0,01
0 2 4 6 8 10 12 14
0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
Bt B isf B lbf
Bt B isf B lbf
CT Bt CT Bisf CT Blbf
CT Bt CT Bisf CT Blbf

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 54


Afin d’évaluer l’influence de l’incorporation des scories dans les bétons sur la solubilisation
du plomb et du zinc des scories sont comparées, dans la figure 9 et la figure 10, les
solubilisations du plomb et du zinc, ramenées en kilogramme de scories, des scories seules et
des bétons contenant des scories.

La figure 9 montre qu’à pH acide la solubilisation du plomb est du même niveau, dans les
deux cas, voir légèrement supérieure. En effet, dans ce domaine de pH, les hydrates,
complètement dissous, ne peuvent pas fixer le plomb.
A pH basique la solubilisation du plomb est diminuée pour les scories ISF et LBF lorsqu’elles
sont dans les bétons. La diminution de la solubilisation du plomb à pH basique montre qu’il
est retenu peut-être par insertion dans les hydrates du ciment. Cette réaction peut intervenir
lors de la prise ou lors de la maturation du béton mais on ne peut pas exclure que cette
réaction ait lieu pendant le test lui même. En effet le broyage du matériau libère le plomb
(notamment le plomb sous forme de sphérolithes de métal) qui peut, pendant la durée du test,
être fixé par les hydrates.

figure 9 : Comparaison de la solubilisation du Pb, ramenée en kilogramme de scories, des bétons


contenant des scories et des scories seules.
10000 100000
Pb, mg/kg de scories

Pb, mg/kg de scories

1000 10000
1000
100
100
10
10
1
1
0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH

scories ISF Bisf CT Pb - ISF scories LBF Blbf CT Pb - LBF

La figure 10 montre qu’à pH acide (entre pH 4 et 7) la solubilisation du zinc est plus


importante pour les scories ISF et LBF lorsqu’elles sont dans les bétons ; par contre à pH
basique la solubilisation du zinc est du même niveau.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 55


figure 10 : Comparaison de la solubilisation du Zn, ramenée en kilogramme de scories, des bétons
contenant des scories et des scories seules.

100000 1000000

Zn, mg/kg de scories


Zn, mg/kg de scories
10000 100000
10000
1000
1000
100
100
10
10
1 1
0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH

scories ISF Bisf CT Zn - ISF scories LBF Blbf CT Zn - LBF

L’incorporation des scories ISF ou LBF dans un béton de formulation standard (B22)
diminue la solubilisation du plomb à pH basique et augmente la solubilisation du plomb
et surtout du zinc pour des pH compris entre 7 et 4.

1.3.2 Les sables-ciments


Les sables-ciments constituent la couche de base dans une structure routière telle que celle
schématisée dans la figure 11.

figure 11 : Schéma d'une structure de route.


Couche de roulement : béton bitumineux
Couche de base : sable ciment

couche de fondation

1.3.2.1 Les scories : des granulats pour les sables-ciments?


Les sables utilisés dans la fabrication de sable-ciment n’ont pas de caractéristiques physico-
chimiques spécifiques à respecter, ce sont les performances du matériau fini qui sont
considérées.

Notons toutefois que si la densité relativement élevée des scories ne constitue pas un
problème technique elle a un coût économique puisque le sable-ciment est vendu « au
kilomètre » et non pas au poids, or une densité plus élevée augmente les coûts de transport….

1.3.2.2 Compositions des sables-ciments


Trois sables-ciments ont été préparés par Colas. Le sable-ciment témoin, noté SCt, ne contient
pas de scories. Deux sables-ciments contenant des scories : le sable-ciment avec les scories

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 56


ISF, noté SCisf et le sable-ciment avec les scories LBF, noté SClbf. Le taux de substitution au
sable est de 50 %, soit 47 % du matériau.
La formulation utilisée pour préparer les trois sables-ciments est couramment utilisée par les
constructeurs routiers. La composition des sables-ciments est présentée dans le tableau 8.

tableau 8 : Composition des sables-ciments.


Composants Composition, en %
SCt SCisf SClbf
calcaire du Boulonnais 0/6 94,5 46,5 46,5
scories ISF ou LBF - 47 47
liant routier Ligex 2 R 5,5

Le liant utilisé est adapté par les cimentiers aux contraintes de la mise en œuvre de ce
matériau. C'est donc un liant qui présente une courbe de durcissement progressive. La
composition du Ligex 2 R utilisé est présentée dans le tableau 9.

tableau 9 : Composition du ligex 2 R.


Elément, % SiO2 Al2O3 Fe2O3 TiO2 MnO CaO MgO SO3 K2O Na2O P2O5 SrO
Ligex 2R 30,4 8,4 1,6 0,5 0,2 46,5 6,14 - 0,37 0,36 0,08 0,07

1.3.2.3 Analyse élémentaire des sables-ciments


Pour les mêmes raisons que pour les bétons, les teneurs en sodium, potassium, calcium,
plomb et zinc des trois sables-ciments ont été déterminées. La minéralisation a été mise en
œuvre selon le protocole présenté au § 1.3.1.3.

Les résultats de l'analyse élémentaire en calcium, sodium, potassium des trois sables-ciments
sont présentés dans le tableau 10. La forte teneur en calcium est liée à la nature calcaire des
granulats alors que les variations de teneurs en alcalins sont dues aux caractéristiques des
scories.

tableau 10 : Analyse élémentaire en Ca, Na et K des sables-ciments.


Matériaux Ca, g/kg Na, mg/kg K, mg/kg
SC t 342 410 520
SC isf 241 3 100 3630
SC lbf 208 1 600 1 160

La comparaison, tableau 11, du contenu total, en plomb et zinc des deux sables-ciments
contenant des scories, mesuré expérimentalement et de celui calculé, à partir des pourcentages
de scories introduits dans les matériaux, montre que les matériaux sont homogènes.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 57


Concernant le sable-ciment témoin les teneurs en plomb et zinc constituent un bruit de fond
faible.

tableau 11 : Analyse élémentaire en Pb et Zn des sables-ciments.


Matériaux Pb, mg/kg Zn, mg/kg
eau régale calculé eau régale calculé
SC t 20 - 50 -
SC isf 4 500 3 275 34 700 32 850
SC lbf 10 700 16 600 44940 53 160

1.3.2.4 Caractéristiques physiques des sables-ciments


La porosité et la perméabilité des sables-ciments ont été mesurées. Ces mesures ont été faites
sur le sable-ciment témoin.

1.3.2.4.1 Porosité
Le facteur de porosité et la distribution porosimétrique du sable-ciment témoin ont été
mesurés par porosimétrie au mercure. Cet essai, réalisé selon la méthode décrite au § 1.3.1.4,
a été mis en œuvre par CTG.

Le facteur de porosité du sable-ciment est 11,75 %. Le volume poreux cumulé est de


0,05 cm3/g. La porosité du sable-ciment est essentiellement constituée de micropores (< 100
nm). Les graphiques représentant le volume poreux et la distribution porosimétrique sont dans
l’annexe 2.

1.3.2.4.2 Perméabilité
Dans un milieu poreux, la perméabilité est influencée par l'importance de l'interconnexion des
vides, des discontinuités de la structure et du réseau poreux.

1.3.2.4.2.1 Définition de la perméabilité à l'eau


La perméabilité K d'un matériau caractérise son aptitude à se laisser traverser par un fluide
soumis à un gradient de pression. K est défini par la relation de Darcy qui exprime le débit
volumique Q d'un fluide de viscosité µ, traversant une épaisseur e de matériau, de section
apparente A, sous la différence de pression dP :

Q =− (K / µ ) * A * dP / e
Cette relation suppose un régime d'écoulement laminaire dans les pores du matériau saturé. K,
homogène à une aire, s'exprime en m2. La perméabilité est une caractéristique intrinsèque du

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 58


matériau ; elle est donc indépendante de la nature du fluide utilisée pour sa mesure. Si le
fluide est l'eau alors le coefficient de perméabilité Kw , exprimé en m/s, est :

Kw = K * we / µe

we : poids volumique de l'eau en Nm-3


µe : viscocité e l'eau en Nm -2.s
D'après cette équation une perméabilité de 1m2 correspond à un coefficient de perméabilité de
10+7 m/s.Un des problèmes de la mesure de la perméabilité à l’eau d’un matériau à base de
liant hydraulique est qu’une fraction du matériau se trouve solubilisé lors du contact avec
l’eau modifiant ainsi la structure poreuse et par conséquent la perméabilité.

1.3.2.4.2.2 Protocole et résultats de mesures de perméabilité à l'eau


La perméabilité à l'eau du sable-ciment témoin a été mesurée par le laboratoire de Génie Civil
et Urbanisme de l'INSA de Lyon. L'échantillon de 3,9 cm de hauteur et 8 cm de diamètre est
placé dans une bague en PVC de diamètre intérieur de 9 cm. L'espace vide entre la bague et
l'échantillon est rempli par un polymère. La bague est ensuite placée dans la cellule de
perméabilité. L'essai se fait à charge hydraulique constante en utilisant une bouteille de
Mariotte ou un réservoir mis sous pression.

Le coefficient de perméabilité du sable-ciment témoin est important : 4.10-6 m/s. L’eau


peut facilement percoler au travers de ce matériau.

1.3.2.5 Comportement des sables-ciments dans différents contextes


chimiques
Comme pour les bétons le comportement des sables-ciments dans des contextes chimiques
plus ou moins agressifs a été évalué à l'aide d'un test de Capacité de Neutralisation Acide et
d'un test de solubilisation des polluants en fonction du pH.

1.3.2.5.1 Résultats de Capacité de Neutralisation Acide des sables-ciments


Ce test est mis en œuvre selon le 13
11
protocole présenté au chapitre I - § 3.1. 1.
9
L'essai a été mis en œuvre deux fois. La
pH

figure 12 représente la CNA des trois 5


3
sables-ciments. 1
0 5 10 15 20 25
figure 12 : Capacité de Neutralisation Acide
mol acide/kg de matériau
des trois sables-ciments.
SC t SC isf SC lbf

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 59


Le pH naturel des sables-ciments est basique (> 11,5). Tant que le nombre de moles
d'acide /kg de matériau est inférieur à 6, les trois matériaux ont le même comportement. La
zone de chute de pH est décalée pour le matériau témoin et ceux contenant des scories. Les
courbes se rejoignent à l'asymptote (point à 22 moles d'acide/kg de matériau).

Le pouvoir basique des sables-ciments est faible de pH 11,7 à 7. C'est dans cette gamme de
pH que l'on voit le pouvoir basique des hydrates du liant mais le sable-ciment ne contient que
5 % de liant.

Par rapport aux observations faites pour les bétons c'est le matériau témoin qui a la plus forte
CNA pour des pH inférieurs à 6. La contribution des scories est "négative". Cela est dû à la
nature des granulats auxquels les scories sont substituées : il s'agit de granulats calcaires et
non de sables siliceux. Il est évident que ce type de granulats a une CNA supérieure à celle des
scories.

1.3.2.5.2 Solubilisation du plomb et du zinc dans les sables-ciments


Ce test est mis en œuvre selon le protocole présenté au chapitre I - § 3.2. L'essai a été répété
deux fois. La figure 13 et la figure 14 représentent la solubilisation du plomb et du zinc,
contenus dans les trois bétons, en fonction du pH.
Le plomb et le zinc ont un caractère amphotère avec un minimum de solubilité pour des pH
entre 7 et 11 pour le plomb et 8 et 11 pour le zinc.

A pH très acide, la solubilisation du plomb et du zinc des sables-ciments contenant des scories
est limitée par le contenu total.

En milieu alcalin, et même pour les valeurs extrêmes de pH (> 13) la solubilisation du plomb
et du zinc n'est pas liée au contenu total.
figure 13 : Solubilisation du Pb des sables-ciments. figure 14 : Solubilisation du Zn des sables-ciments.

1 000,00 1 000,00

100,00 100,00

10,00
Pb mg/l

10,00
Zn mg/l

1,00 1,00

0,10
0,10
0,01
0,01
0 2 4 6 8 10 12 14
0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH
Bt B isf B lbf Bt B isf B lbf
CT Bt CT Bisf CT Blbf CT Bt CT Bisf CT Blbf

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 60


La comparaison, figure 15 et la figure 16 de la solubilisation du plomb et du zinc, ramenée en
kilogramme de scories, des scories seules et des sables-ciments contenant des scories, permet
d’évaluer l’influence de l’incorporation des scories dans les sables-ciments sur la
solubilisation des polluants.

La figure 15 montre qu’à pH basique la solubilisation du plomb est légèrement inférieure pour
les scories ISF et LBF lorsqu’elles sont dans les sables-ciments ; il en est de même dans la
zone autour de pH 7 ; à pH très acide le niveau de solubilisation est identique dans les deux
cas.
figure 15 : Comparaison de la solubilisation du Pb, ramenée en kilogramme de scories, des sables-
ciments préparés avec des scories et des scories seules.
10000 100000

Pb, mg/kg de scories


Pb, mg/kg de scories

1000 10000
1000
100
100
10 10
1 1

0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14

pH pH

scories ISF SCisf CT Pb - ISF scories LBF SClbf CT Pb - LBF

La figure 16 montre que la solubilisation du zinc contenu dans les scories ISF et LBF est, à pH
acide et basique, identique pour les scories seules et pour le sable-ciment ; dans la zone de pH
8-12 elle est plus faible lorsque les scories sont dans le sable-ciment.
figure 16 : Comparaison de la solubilisation du Zn, ramenée en kilogramme de scories, des sables-
ciments contenant des scories et des scories seules.
100000 1000000
Zn, mg/kg de scories

100000
Zn, mg/kg de scories

10000
1000 10000
1000
100
100
10
10
1
1
0,1 0,1
0 2 4 6 8 10 12 14 0 2 4 6 8 10 12 14
pH pH

scories ISF SCisf CT Zn - ISF scories LBF SClbf CT Zn - LBF

L’incorporation des scories dans les sables-ciments diminue la solubilisation du plomb


pour les pH basiques et neutre. La solubilisation du zinc des scories ISF et LBF dans les
sables-ciments est diminuée dans la zone de pH 8-12.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 61


1.3.3 Conclusion
Le pouvoir basique des bétons est dû aux hydrates du ciment et à la nature calcaire du
constituant complémentaire au clinker. Le pouvoir basique des sables-ciments, plus faible, est
dû à la nature calcaire des granulats. La contribution des scories au pouvoir basique de ces
matériaux est significative pour des pH proches de 4 (palier).

L’incorporation des scories ISF et LBF dans ces matériaux se traduit par :
• Une grande cohérence du niveau de disponibilité du plomb et du zinc aux différents
pH étudiés pour tous les matériaux et les scories seules. Cela signifie que le relargage en
plomb et en zinc est directement dépendant du contexte chimique qui est le résultat du
couple matériau/scénario.
• En milieu très acide, quelque soit le matériau contenant les scories, la totalité du
plomb et du zinc est disponible et leur solubilisation est proportionnelle au contenu
total dans les matériaux.
• En milieu alcalin, on observe des relargages importants en plomb et en zinc
conformément au caractère amphotère de ces métaux.

2. MATERIAUX A BASE DE LIANT BITUMINEUX


Les scories ISF et LBF ont été introduites en substitut partiel au sable dans des sables-
bitumes. Une courte bibliographique permet de rappeler l’origine et les propriétés physico-
chimiques des liants bitumineux. Ensuite sont présentés les caractéristiques physico-
chimiques des sables-bitumes étudiés dans cette thèse.

2.1 Rappels bibliographiques

2.1.1 Les bitumes


Aujourd'hui les bitumes proviennent presque exclusivement du traitement des pétroles bruts
dont ils constituent la fraction la plus lourde. Un bitume est constitué, en moyenne de
80-85 %, de carbone, 10-15 % d’hydrogène, 2-3 % d’oxygène.

Les bitumes sont un mélange, complexe, de composés hydrocarbonés de masses molaires


importantes et de structures chimiques variées. Des méthodes de séparation successives ont
permis de regrouper les molécules en différentes familles, auxquelles les propriétés
rhéologiques des bitumes ont été reliées. Les bitumes sont ainsi fractionnés en asphaltènes,
résines, huiles, carboïdes, et carbènes. Les deux derniers composés sont présents en très faible
quantité. Les asphaltènes consituent 20 à 40 % d'un bitume, celui-ci sera d'autant plus dur que

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 62


le pourcentage d'asphaltène sera important. Les maltènes correspondent à l'association des
huiles et des résines, et constituent 60 à 77 % d’un bitume (Bitume actualité, 1990).

Pour chaque application (travaux routiers, étanchéité, agglomération de particules) les


procédés de fabrication et l'ajout d'additifs sont adaptés pour obtenir un bitume dont les
caractéristiques satisfont aux propriétés requises (élasticité, viscosité, adhésion…) et au
maintien de celles-ci dans le temps. Les bitumes sont en général utilisés « à chaud », c’est à
dire en abaissant leur viscosité par chauffage.

Les spécifications officielles classent les bitumes en différentes catégories. La pénétrabilité à


l'aiguille définit la qualité du bitume. Ce test, normalisé (NF T 66-004), consiste à mesurer la
dureté d'un bitume par la pénétration verticale, dans un échantillon, d'une aiguille standard
dans des conditions déterminées : le liant est maintenu à 25°C, l'aiguille est appliquée pendant
5 secondes, sous une charge de 100 grammes. La pénétration s'exprime en 1/10e de millimètre,
elle est d'autant plus grande que le bitume est mou. Les spécifications officielles prévoient
cinq qualités: 20/30 la plus dure, 40/50, 60/70, 80/100, 180/220 (Bitume actualité, 1990). Un
bitume dont le résultat est 24/10e de millimètres est dans la classe de qualité 20-30.

2.1.1.1 Propriétés des liants bitumineux


Les bitumes sont des substances colloïdales hydrocarbonées, ce qui leur confère des propriétés
physiques et rhéologiques : les bitumes sont décrits comme des matériaux viscoélastiques
présentant un fort pouvoir d'adhérence et une bonne imperméabilité.
L'adhésion : L'adhésion est la force par unité de surface reliant les molécules d'un corps aux
molécules d'un autre corps.
La perméabilité : La perméabilité est une propriété intrinsèque au matériau. Le bitume est un
matériau hydrophobe, sa perméabilité à l'eau est faible. En ce qui concerne les gaz, les
bitumes sont moins perméables à l'oxygène qu'à la vapeur d'eau. Quant aux ions, aucune
diffusion à travers une membrane de bitume n'a été observée pour les ions étudiés (Hoiberg,
1965, Sing, 1998).
L'absorption en eau : L'absorption d'eau dans le bitume pur se produit à l'état gazeux. La
solubilité de l'eau dans le bitume pur est de l'ordre de 0,001 % à 0,01 %.

2.1.1.2 Réactivité et vieillissement


De manière générale, le bitume fait preuve d'une grande inertie chimique. Toutefois dans des
conditions particulières, il montre une certaine réactivité, modifiant l'équilibre colloïdal du
bitume, et donc ses propriétés (Bitumes actualités, 1990) :

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 63


• L'oxygène (Hoiberg, 1964 et 1965): Il pénétre dans le bitume par diffusion. A
température ambiante l'oxygène est chimiquement lié au bitume. L'oxydation se
manifeste par la formation d'un film dur protecteur (les résines se polymérisent en
asphaltènes) qui réduit la diffusion de l'oxygène. La profondeur de pénétration ne
dépasse pas 2,5 mm, même après de nombreuses années.
• La lumière : l'exposition d'un bitume à la lumière induit des réactions de
photooxydation dont les effets sont les mêmes que ceux induits par oxydation.
Cependant les radiations lumineuses ne pénètrent le bitume que sur quelques
micromètres d'épaisseur.
• L'eau : l'eau à l'état liquide ou gazeux favorise la dégradation du bitume. L'eau peut
entraîner les produits de dégradation solubles dans l'eau. Cependant la solubilité de l'eau
dans le bitume pur est très faible.
• Les acides : La résistance du bitume aux acides dépend de l'acide considéré et de sa
concentration. En général, les acides concentrés attaquent les bitumes. Considérons le
cas des acides les plus fréquents :
- H2SO4 : Concentré (96-100 %) il attaque les composants aromatiques. Dilué il
n’attaque pas le bitume,
- HCl : HCl gazeux réagit avec le bitume et forme des asphaltènes. Le bitume
résiste bien aux solutions concentrées d’acide chlorhydrique à température
ambiante. Un contact de plusieurs années avec du HCl à 30 % a changé les
propriétés rhéologiques sans détruire le bitume,
- HNO3 : Le bitume ne résiste pas à cet acide, même dilué, qui agit sur les
asphaltènes et les résines.
• Les bases : les bases diluées attaquent certains bitumes probablement par réaction avec
les acides de type gras contenus dans le bitume. Dans des solutions concentrées de
soude (20 %) on ne note aucune attaque, après de nombreuses années, à température
ambiante.
• Les micro-organismes : la biodégradation d’un bitume dépend notamment du type de
micro-organismes, des conditions du milieu (pH, température, aérobie ou anaérobie) et
de la composition du bitume. Des expériences, réalisées dans les conditions les plus
favorables au développement des micro-organismes, mentionnent des taux de
dégradation de 20-50 g bitume/m2.an en milieu aérobie et de 0,2-0,6 g bitume/m2.an en
milieu anaérobie (Roffey, 1991).

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 64


2.1.1.3 Interactions des composants du déchet avec la matrice bitumineuse
La littérature concernant l’interaction déchets/liants bitumineux est beaucoup moins
abondante que celle consacrée à l’interaction déchets/liants hydrauliques. Il est généralement
reconnu, si l’on considère la relative inertie chimique des bitumes, que peu de déchets,
notamment minéraux, modifient les propriétés des bitumes.

Les polluants ne peuvent être que physiquement fixés par encapsulation ou enrobage,
aucune réaction chimique positive (de fixation) n'est engagée entre les deux composés.
Cependant pour avoir un bon enrobage le rapport liant/déchet doit être assez élevé, de 1/1 ou
1/2 selon US EPA (1980) et Sing (1998).

2.1.2 Les enrobés bitumineux


Dans un enrobé bitumineux, le bitume est utilisé pour enduire les granulats dans l’intention
d’assurer une étanchéité ou une adhésion de l’ensemble. L’enrobé bitumineux doit consister
en une structure homogène et compacte dans laquelle les granulats sont fixés dans un
continuum de bitume. En fonction de la teneur en bitume les matériaux à base de liant
bitumineux présentent des propriétés différentes dues à des variations importantes de distance
entre les granulats, de la surface d'enrobage, du volume des vides.

2.1.2.1 Structure des enrobés


Le bitume est généralement bien fixé et retenu par les agrégats dans des enrobés denses où le
bitume a été mélangé aux agrégats à température élevée. Cependant il existe toujours des
hétérogénéités, elles peuvent être dues à la ségrégation, à la sédimentation et au
gonflement.

S’il y a une différence de densité trop importante entre les granulats et le bitume ou si la
viscosité du bitume est trop faible, les granulats s’accumulent dans les couches inférieures de
l’enrobé diminuant ainsi l’épaisseur de bitume entourant chaque granulat. Pour la viscosité
des bitumes habituellement utilisés, ce phénomène a lieu dans les premières minutes de la
fabrication. En effet, à température ordinaire la sédimentation est trop lente pour avoir une
signification à l’échelle de la centaine d’années.

Le gonflement d’un enrobé est lié au rapport bitume/agrégats et surtout à la nature des
agrégats (Hoiberg, 1964). En effet, certains agrégats ont tendance à absorber de l’eau ce qui
par gonflement endommage la structure de l’enrobé.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 65


2.1.2.2 Liaison bitume- agrégat
L'adhésion du bitume à un granulat est d'autant plus importante que le bitume le mouille
parfaitement. L'effet mouillant est le signe visible de l'existence de forces attractives d'un
liquide par un autre composé.

La figure 17 illustre le contact d'un élément solide avec un liquide. Le cas (A) schématise une
bonne adhésivité entre ces deux matériaux, l'angle de mouillage β est grand, alors que le cas
(B) représente une mauvaise adhésivité, β est petit.

figure 17 : Angle de mouillage à l’interface liquide-solide (Varlan, 1964).

L'angle de mouillage d'un bitume sur un solide, généralement élevé, dépend de la nature du
solide considéré (Varlan, 1964). Lorsqu'un agrégat est sec, sa charge électrique est
globalement neutre, des ions adsorbés neutralisant les charges de surface. Les expressions
d'agrégats électronégatifs ou électropositifs sont malgré cela utilisées par référence à leur état
de surface en présence d'eau. En effet, au contact de l'eau, les ions adsorbés sont dissous, il en
résulte une charge électrique à la surface de l'agrégat. Les matériaux à base de silice sont
ainsi classés parmi les agrégats électronégatifs alors que ceux à base de calcaire le sont
parmi les agrégats électropositifs (Hoiberg, 1964).

Agrégat ≡SiOH → Agrégat ≡SiO + H +

+
Agrégat ≡ CaCO3 H → Agrégat ≡ Ca + HCO3−

Les bitumes par la présence de certains groupements phénoliques et de certains acides, sont
en général électronégatifs. Ils ont donc plus d'affinité pour les agrégats électropositifs. D'un
point de vue thermodynamique, l'adhésion d'un bitume à un agrégat est surtout déterminée par
la présence de cations en surface de l'agrégat autorisant l'adsorption des composés acides et
phénoliques du bitume. Des agrégats à haute teneur en silice et présentant peu de cations en
surface ne permettent pas une bonne adhésion du bitume (Hoiberg, 1964). Pour palier à cet
inconvénient il est possible d'utiliser un bitume de viscosité plus élevée ou de doper le
mélange par des éléments destinés à améliorer le mouillage (Varlan, 1964).

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 66


2.1.2.3 L’eau et les enrobés
Le transport de l’eau dans un enrobé bitumineux dépend de l’homogénéité de l’enrobé
(présence ou non de pores et de fissures) et du rapport bitume/agrégat. Si ce rapport est faible
un réseau d’agrégats jointifs peut se former. Le transport de l’eau par ces chemins
préférentiels correspond à un phénomène de percolation. Par contre si le rapport
bitume/agrégats est élevé alors chaque granulat est enrobé d’une couche de bitume et le
transport de l’eau est décrit par un processus de diffusion.

2.1.2.4 Conclusion
Le bitume est un matériau imperméable, relativement inerte chimiquement, capable de fixer
des éléments exogènes par encapsulation.

Associés à des granulats il forme un enrobé bitumineux. Le rapport bitume/granulats fixe les
conditions de transport de l’eau dans ces matériaux. La qualité des granulats détermine en
partie la durabilité de l’enrobé.

2.2 Les sables-bitumes.


Les sables-bitumes ont été préparés par Colas, selon une formulation standard. Le taux de
substitution retenu, après contrôle du respect des spécifications physiques et mécaniques du
matériau, est de 50 %.

Le sable-bitume est défini dans le dictionnaire de l'industrie routière (AFIR, 1994) comme un
sable additionné de filler et/ou de sable correcteur, enrobé à chaud avec 3 à 5 % de bitume très
dur (pénétration 20/30). Dans ce cas, le rôle du bitume est d’assurer la cohésion de
l’ensemble.
Les sables-bitumes, de la même façon que les sables-ciments, constituent la couche de base
dans le type de structure routière étudié.

2.2.1 Les scories : granulats pour sable-bitume ?


Les sables utilisés dans la fabrication d’un sable-bitume n’ont de caractéristiques physico-
chimiques spécifiques à respecter, ce sont les performances du matériau fini qui sont
considérées.

Notons toutefois deux caractéristiques physiques des scories qui doivent être prises en
compte :
• La granulométrie : les scories ISF et LBF ont une distribution granulométrique
différente d'un sable et notamment elles contiennent trop peu de fines. Le rôle des fines

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 67


est d’une part d’augmenter la compacité du produit fini, la compacité étant un des
paramètres qui contrôlent la résistance mécanique des sables-bitumes, et d’autre part de
retenir le bitume en augmentant la surface spécifique des granulats. Cette perturbation
de la distribution granulométrique peut être compensée par l’ajout de filler.
• La densité : la densité relativement élevée des scories ne constitue pas un problème
technique mais à un coût économique puisque le sable-bitume est vendu au kilomètre et
non au poids.
• La nature siliceuse de scories constituent un handicap, d'après la bibliographie, à
l'adhésion du bitume sur les scories puisqu'elles ont une surface a priori électronégatives
(§ 2.1.2.2).

2.2.2 Composition des sables-bitumes


Trois sables-bitumes ont été préparés. Le sable-bitume témoin, noté SBt, ne contient pas de
scories. Deux sables-bitumes contenant des scories : le sable-ciment avec les scories ISF, noté
SBisf et le sable-ciment avec les scories LBF, noté SBlbf.

Pour les matériaux bitumineux la composition est donnée pour 100 % des granulats auquel est
ajouté le pourcentage de bitume. La composition des sables-bitumes est présentée dans le
tableau 12. Pour compenser la perturbation granulométrique due aux scories (trop peu de
fines), du filler est ajouté dans les sables-bitumes contenant des scories.

tableau 12 : Composition des sables-bitumes.


Composants Composition en %
SBt SBisf SBlbf
calcaire du Boulonnais 1/3 mm 30 - -
calcaire du Boulonnais 0/4 mm 70 47 47
scories ISF ou LBF 50 50
filler calcaire 3 3
bitume 20/30 4,5

2.2.3 Analyse élémentaire des sables-bitumes


La détermination des teneurs en plomb et zinc des trois sables-bitumes permet de s’assurer de
l’homogénéité des matériaux produits en comparant le contenu total en plomb et zinc mesuré
et calculé.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 68


L’analyse, faite par Métaleurop Recherche, consiste en une mise en solution, par fusion, de
l'échantillon dans un verre organique suivie par une analyse au moyen d'un spectrophotomètre
de fluorescence X.

Dans le tableau 13, le contenu total, mesuré expérimentalement, en plomb et zinc des deux
sables-bitumes contenant des scories est comparé à celui calculé à partir des pourcentages de
scories introduits dans les matériaux. La bonne correspondance entre les résultats
expérimentaux et calculés montrent que les matériaux sont homogènes.

tableau 13 : Analyse élémentaire en Pb et Zn des sables-ciments.


Matériaux Pb, mg/kg Zn, mg/kg
fluorescence X calculé fluorescence X calculé
SB t <1 000 - <1 000 -
SB isf 3 700 3 300 31 800 33 100
SB lbf 14 600 16 700 52 900 53 580

2.2.4 Caractéristiques physiques des sables-bitumes


La porosité et à la perméabilité des sables-bitumes ont été déterminées.

2.2.4.1.1 Porosité
La porosité et la distribution porosimétrique sont mesurées sur le sable-bitume témoin par
porosimétrie au mercure par CTG. Le protocole utilisé est présenté au § 1.3.1.4. L'essai a été
mis en œuvre trois fois pour s'assurer de la reproductibilité de la mesure.

Le facteur de porosité du sable-bitume est faible : 1,8 %. Si on considère la distribution


porosimétrique, il semble que l’importance relative des macropores est due sûrement à un
effet de surface (anfractuosités). Le volume poreux cumulé est de 0,007 cm3/g. Les graphiques
représentant le volume poreux et la distribution porosimétrique sont dans l’annexe 2.

2.2.4.1.2 Perméabilité à l'eau


Le coefficient de perméabilité à l'eau du sable-bitume témoin a été mesuré par le laboratoire
de Génie Civil et Urbanisme de l'INSA de Lyon. Le protocole utilisé est présenté au
§ 1.3.2.4.2.1. Le coefficient de perméabilité mesuré est de 7.10-8 m/s. La perméabilité du
sable-bitume est 100 fois inférieure à celle du sable ciment. Le niveau de percolation de l’eau
au travers de ce matériau est limité.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 69


2.2.5 Comportement des sables-bitumes dans différents contextes chimiques
L’approche que nous avons eu dans le cas des matériaux à base de liant hydraulique (étude sur
matériaux broyés afin de séparer les mécanismes chimiques des mécanismes physiques de
réactivité et de rétention des polluants) n'est pas adaptée dans le cas des sables-bitumes. En
effet, le bitume est un matériau relativement inerte chimiquement et il ne fixe que
physiquement les polluants. Ainsi, la solubilisation des polluants est a priori identique pour
les scories seules et les sables-bitumes contenant des scories. Afin de nous assurer de cette
hypothèse nous avons mis en œuvre un essai de CNA et un test de solubilisation sur un
échantillon de sable-bitume préparé avec des scories ISF.

Il faut, de plus, souligner qu'il est difficile de broyer un sable-bitume puisque par
échauffement le bitume ramollit et le matériau devient pâteux. Afin de palier à ce problème,
l'échantillon a été préalablement congelé.

2.2.5.1 Capacité de Neutralisation Acido-Basique du sable-bitume préparé


avec les scories ISF
Le test de CNAB est mis en œuvre selon le protocole présenté au chapitre 1 § 3.1. Dans la
figure 18 sont comparés les CNAB des scories ISF et du sable-bitume préparé avec les scories
ISF.

Le pH naturel du sable-bitume contenant des scories ISF est identique au pH naturel des
scories ISF (10,5). Dans les deux cas, le pouvoir basique est faible. Les paliers (zone
tampon) ne sont pas au même niveau de pH. Pour le sable-bitume, le palier à pH 7 est dû au
granulats calcaire qui constituent 50% du mélange (ce palier est également visible dans le cas
des sables-ciments).

14
12 plateau dû aux
granulats calcaire
figure 18 : CNAB du Sbisf et des 10
pH

scories ISF 8
6 SBisf
4 scories ISF
2
-4 -2 0 2 4
mol base/kg de matériau mol acide/kg de matériau

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 70


2.2.5.2 Solubilisation du plomb et du zinc du sable-bitume préparé avec les
scories ISF
L'essai de solubilisation est mis en œuvre selon le protocole présenté au chapitre I - § 1.3.1.1.
La comparaison, figure 19 et figure 20, des solubilisations du plomb et du zinc des scories ISF
et du sable-bitume préparé avec des scories ISF montre que l'incorporation des scories dans
le sable-bitume influe peu sur les niveaux de solubilisation.

figure 19 : Solubilisation du Pb du SBisf figure 20 : Solubilisation du Zn du SBisf


1000 SBisf 10000 SBisf

scories ISF 1000 scories ISF


100
100

Zn, mg/l
Pb, mg/l

10
10
1 1
0,1 0,1
0,01
0,01
2 4 6 8 10 12 14
2 4 6 8 10 12 14
pH
pH

2.3 Conclusion
La substitution de 50 % du sable par les scories ISF ou LBF dans un sable-bitume de
formulation standard produit des matériaux dont les caractéristiques physiques et mécaniques
satisfont aux critères d’usage.

Les sables-bitumes sont des matériaux chimiquement relativement inertes. Leur capacité de
rétention des polluants n’est que physique (enrobage).

3. CONCLUSION
Ce chapitre a été consacré à la présentation générale des matériaux étudiés. Le type de liant
(hydraulique ou bitumineux) conditionne les propriétés des matériaux préparés avec ces liants.
L’étude dans différents contextes chimiques de la réponse chimique (étude sur matériaux
broyés) a montré que les matériaux à base de liants hydrauliques ont un pouvoir de réactivité
(pouvoir basique, fixation chimique du plomb à pH basique) alors que les matériaux à base de
liant bitumineux sont chimiquement inertes.

Ces propriétés intrinsèques aux matériaux ont été prises en compte dans l’étude du
comportement environnemental des matériaux présentée dans les chapitres 3, 4, 5 et 6.

Chapitre II : Matériaux de construction dans lesquels sont mises les scories 71

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