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Comptes rendus des séances de

l'Académie des Inscriptions et


Belles-Lettres

Le temple d'Apollon et les édifices d'Auguste sur le Palatin


Giuseppe Lugli

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Lugli Giuseppe. Le temple d'Apollon et les édifices d'Auguste sur le Palatin. In: Comptes rendus des séances de l'Académie
des Inscriptions et Belles-Lettres, 94ᵉ année, N. 3, 1950. pp. 276-285;

doi : https://doi.org/10.3406/crai.1950.78560

https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1950_num_94_3_78560

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276 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

tures d'Alexandre ; l'un d'eux se rapporte à l'incendie de Persépolis ;


le costume brodé, orné de tours, que portent certains personnages
est le costume macédonien.
M. Virolleaud observe qu'en Orient les caricatures sont très
rares ; dans la légende de Gilgamesch figurée sur une plaque de nacre
qui date du xxxe siècle, trois épisodes sont traités en caricature ;
c'est là un fait unique en Orient.

' LIVRE OFFERT


M. Robert Fawtier fait hommage d'un volume publié par le Comité
international des sciences historiques, Paris, 28 août-3 septembre 1950 ; I, Rapports.

SÉANCE DU 1er SEPTEMBRE

PRÉSIDENCE DE M. CHARLES VIROLLEAUD, VICE-PRÉSIDENT


Le Président salue M. le Professeur Giuseppe Lugli, Secrétaire
général de l'Accademia nazionale dei Lincei, qui assiste à la séance.

M. le Professeur Giuseppe Lugli fait uue communication


intitulée : Le Temple d'Apollon et les édifices d'Auguste sur le Palatin.

COMMUNICATION

LE TEMPLE D 'APOLLON ET LES ÉDIFICES D 'AUGUSTE


SUR LE PALATIN,
PAR M. LE PROFESSEUR GIUSEPPE LUGLI.

Comme on sait, la topographie du Palatin est encore très


incertaine et discutée. Un seul des édifices, qui s'élèvent sur la colline,
a été identifié d'une façon indubitable : la Domus Augustana
construite par Domitien, consistant en trois corps de bâtiments architec-
toniquement distincts et que nous avons l'habitude d'appeler :
le Palais des Fia viens, la Domus Augustana proprement dite, et le
Stade ou Hippodrome. Les identifications de la Maison de Livie, de
la Maison de Caligula, de la Maison de Tibère et des Thermes de
Septime Sévère font toutes plus ou moins l'objet de critiques.
En ce qui concerne les temples, on se trouve dans une situation
encore plus embarrassante. Il n'en reste que deux, sur les six qui
existaient, parmi les plus grands, à l'époque romaine, et de ces deux,
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un seul semble pouvoir être identifié avec certitude : le temple de la


Magna Mater sur le Germalus. Je dis « semble » parce qu'il existe
aussi à ce sujet des divergences d'opinion. Le Professeur Romanelli,
Surintendant des Antiquités du Palatin et du Forum, est en train
d'effectuer quelques essais de fouilles en vue de certifier
l'identification et l'âge de l'édifice. Nous savons par les auteurs anciens qu'il
a été construit en trois phases, mais on discute sur le point de savoir,
si les vestiges qu'on voit actuellement appartiennent à la seconde
phase de construction, c'est-à-dire à celle entreprise par Métellus
en 109, ou à la troisième phase, décidée par Auguste en l'an 3 environ
ap. J.-C.
Toutefois, le plus important des problèmes concernant les
temples du Palatin est celui posé par le temple d'Apollon. Pour la
construction de ce dernier, Auguste démolit quelques habitations privées,
agrandit sa maison, de sorte qu'elle ne fit plus qu'un avec le temple,
auquel il ajouta un portique et deux bibliothèques, et érigea un
second temple dédié à Vesta. Tous ces ouvrages n'ont pas laissé de
traces ou, pour le moins, n'en ont pas laissé de facilement reconnais-
sablés, bien que des passages d'écrivains et des monuments figurés
nous offrent à leur sujet une large documentation.
A ce propos, il faut avoir présent à l'esprit que le Palatin a été
une des régions particulièrement endommagées par l'incendie de
Néron et que cet empereur d'abord, puis Domitien y exécutèrent des
grands travaux, au cours desquels furent rasés des sommets et
comblées des vallées, ce qui changea considérablement la topographie de
la colline. C'est pourquoi, dans l'étude du Palatin, il est nécessaire
de dresser deux plans distincts, un avant et l'autre après l'année 64.
Notre but est de chercher à reconstruire l'aspect de la colline sous
l'empire d'Auguste et de voir s'il est possible d'identifier le temple
d'Apollon et les autres édifices qui lui sont reliés. Commençons par
lire la première ode du troisième livre des Tristia, qu'Ovide écrivit
du Pont-Euxin, cherchant à s'attirer le pardon d'Auguste. Il
imagine que son livre fait un tour à travers la ville, en passant par le
Forum et le Palatin.
... « II obéit et, ce faisant, me dit : « Voici le Forum de César, voici
la voie que l'on nomme sacrée ; ici, le temple de Vesta gardienne du
Palladium et du feu éternel ; là fut l'humble palais de l'antique
Numa ». Puis se dirigeant à droite : « Voici, dit-il, la porte Palatine
et Jupiter Stator ; c'est le premier emplacement de Rome » (la
Porta Mugonia).
« Admirant chaque chose, j'aperçois un portique que rendaient
visible des armes éclatantes, édifice digne d'un dieu.
« De Jupiter, m'écriai-je, est-ce là la demeure ? » Une couronne
de chêne m'y donnait à songer ; et, lorsque j'en connus le maître :
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« Je ne m'abusais pas, dis-je, — du grand Jupiter c'est bien là la


demeure ; mais pourquoi ce laurier couvrant la porte, cet arbre
épais ombrageant ces superbes battants ? Est-ce un indice des
triomphes perpétuels obtenus par cette maison, de l'amour qu'a pour elle
le dieu adoré à Leucade ? Le laurier toujours vert, dont jamais
on ne ramasse le feuillage desséché, est-il le symbole de sa gloire
éternelle ? » Gravée sur une couronne une inscription nous
renseigne : les citoyens doivent leur salut à sa puissance...
« Poursuivant toujours, mon guide me conduit vers un temple
splendide aux majestueux degrés, séjour du dieu à la longue
chevelure ; entre des colonnes apportées de régions lointaines sont les
statues des Danaïdes et de leur père barbare, l'épée nue. Les
conceptions des doctes esprits tant anciens que modernes y sont offertes au
lecteur ; je cherchais mes frères, non sans doute ceux auxquels
leur père a regretté d'avoir donné le jour ; mais en vain, car le garde
de ces lieux m'enjoignit de sortir de l'enceinte sacrée.
« Je me dirige vers un autre temple touchant le théâtre voisin,
lieu où non plus mes pieds ne devaient se poser ».
De la description, qui est très précise, bien que faite par un poète,
il résulte qu'Ovide laisse la Voie Sacrée à la hauteur de la Porta
Mugonia, monte par le Clivus Apollinis, qui est peut-être celui que
nous appelons Clivus Palatinus, et rencontre avant tout la maison
d'Auguste avec son portail orné de la couronne de chêne et flanqué
de deux lauriers. Montant ensuite par un escalier, il va admirer
le temple d'Apollon, le portique des Danaïdes et les deux
bibliothèques toutes proches.
Puis descendant par les escaliers de Cacus, il se dirige vers les
temples du Forum Olitorium et le Théâtre de Marcellus.

Sur le plan les ruines du Palatin, qui, d'après leur maçonnerie,


peuvent être attribuées à l'époque d'Auguste, font apparaître
aussitôt l'union d'un temple avec une maison à l'endroit le plus ancien
du mont, temple et maison qui ont survécu à l'incendie de Néron,
mais dans des conditions différentes.
Examinons d'abord la maison : c'est celle qu'on appelle de Livie.
Une conduite de plomb, trouvée in situ, porte le nom de Julia A ugusta.
Julia Augusta est probablement Julia, fille de Titus, propriétaire
d'une fabrique de fistulae aquaride, qui a fourni le matériel pour une
restauration.
La maison est décorée de peintures du second style de l'époque
d'Auguste, mais la maçonnerie en opus quasi-reticulatum à petits
blocs de tuf, taillés irrégulièrement, est certainement antérieure, et
se place entre l'an 100 et l'an 80 av. J.-C. Nous avons donc deux
phases architectoniques dans la maison, la seconde, celle de la pein-
Vue générale du Temple d'Apollon sur le Palatin.

DOMVS "
LIVIAE,, (AVGVSTl)
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Plan du Temple d'Apollon sur le Palatin.


280 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

ture, appartenant à une restauration plus tardive. Il nous vient


aussitôt à l'esprit ce que nous raconte Suétone à propos de la
maison d'Auguste, c'est-à-dire qu'elle fut achetée par Auguste à
l'orateur Hortensius, mais qu'elle était si modeste que le Sénat,
après la bataille d'Actium, lui donna une maison voisine pour
l'agrandir.
En l'an 3 ap. J.-C, la maison d'Auguste brûla dans un incendie
et fut restaurée. A cette restauration appartiennent probablement
les peintures encore visibles et quelques murs de clôture des portes
du tablinum.
Seule parmi toutes les maisons antérieures à l'incendie de Néron,
elle a subsisté durant l'époque impériale, tout en étant réduite et en
partie transformée. Ce n'est pas par hasard que Suétone écrit encore
que de son temps on voyait à leur place originale les meubles et les
objets divers qui avaient appartenu au grand empereur.

.Passons maintenant au temple voisin. Bien qu'il ait fait l'objet


de fouilles, il y a presqu'un siècle, par Pietro Rosa, il n'a donné lieu
ni à une étude particulière, ni à un relevé précis, celui de Lanciani
dans la Forma Urbis étant tout à fait inexact. J'ai donc commencé
par faire le relevé moi-même, m'étendant aussi aux zones
environnantes, et j'ai eu ainsi en mains la clé pour résoudre tout ce difficile
problème.
Le temple est construit suivant le système en usage entre la fin
de la République et les premiers temps de l'Empire, c'est-à-dire avec
la maçonnerie intérieure en opus caementicium et un revêtement
extérieur en opus quadratum de tuf, lui-même recouvert de plaques
de marbre. Uopus quadratum était employé dans toutes les parties
qui constituaient l'ossature architectonique de l'édifice, comme la
colonnade du pronaos et les parois de la cella. Après l'enlèvement
des blocs carrés de pierre, qui eut lieu au Moyen Age, seules sont
restées les parties les moins importantes, en opus caementicium,
c'est-à-dire l'escalier de la façade et le pavement de la cella.
Toutefois, il est facile de reconstruire le plan. Celui-ci nous
apparaît héxastyle et pseudo-périptère avec dix colonnes sur les côtés
longs. Les mesures totales sont de 45 mètres de longueur et de
23 mètres de largeur. La preuve que le temple était pseudo-
périptère nous est fournie par un chapiteau encore existant, tandis
que quelques fragments de colonnes cannelées et des corniches nous
permettent de reconstruire l'ensemble de son architecture.
Le style de la sculpture architectonique est celui qui caractérise
la première époque d'Auguste, encore lié à la manière italique de la
sculpture de pierre : surface non polie, masses lourdes, déficience
, de clair-obscur, incertitude de taille. Le marbre employé est le
LE TEMPLE D'APOLLON ET LES ÉDIFICES p'AUGUSTE 281

lunensis. C'est précisément ce marbre qu'Ovide et Properce nous


disent avoir été employé pour le temple d'Apollon.
Pour déterminer la date à laquelle ce temple a été construit, on
dispose des éléments suivants :
1° aspect homogène de toute la construction avec maçonnerie à
touche, semblable aux édifices de l'époque entre César et Auguste ;
2° absence d'une phase antérieure de construction du même
édifice sacré, ce qui permet de rejeter l'attribution à Jupiter Vainqueur
qu'on trouve dans la plupart des guides, parce que le temple de ce
dieu a été fondé en 294 av. J.-C. ;
3° présence sous l'angle méridional de la cella du pavement
en mosaïque d'une maison, attribuable à l'époque entre Sylla et
Auguste, maison démolie pour la construction du temple ;
4° présence sous la zone située devant le temple, vers le Cirque
Maxime, de constructions de la fin de la République, elles aussi
démolies en partie pour le même motif. Dans la maçonnerie, on a
retrouvé des briques avec des cachets de Cosconius Pollion, que
Dressel date du dernier siècle avant le Christ ;
5° présence sous le péristyle supérieur d'une maison de
pavements en mosaïque, semblables à ceux qui existent sous le temple
et qui appartiennent à des constructions civiles du dernier siècle de
la République ;
6° liaison directe et synchronisée du soubassement du temple
avec le gros mur de la terrasse sur laquelle se dresse le péristyle
rectangulaire, gros mur construit en opus reticulatum petit et
régulier de l'époque d'Auguste.

L'élément fondamental pour déterminer la date de construction


du temple est fourni par l'angle formé par le temple lui-même et la
terrasse D qui soutient le péristyle. On ne note aucune discontinuité
entre les deux maçonneries. Au contraire, un léger crépi blanc revêt
aussi bien le mur sud-ouest, appartenant au temple, que le mur
nord-ouest, faisant partie du péristyle. D'autre part, le mur sud-
ouest se prolonge sous l'emplacement de Yopus quadratum de la
colonne d'angle et de celle qui suit. On voit encore dans Yopus
caementicium les empreintes des blocs carrés qui constituaient les
bases des colonnes. La maçonnerie continue inchangée sur toute
la longueur de la fondation de la colonnade de la façade.
Le péristyle auquel je viens de faire allusion est surélevé sur de
grands couloirs vides, en partie utilisés comme citernes, et est entouré
de longs murs en opus quadratum. Les couloirs souterrains
communiquent au moyen de soupiraux avec le sol qui les recouvre. Les bases
de travertin — six sur le côté long et cinq sur les côtés courts y
compris les colonnes d'angle — soutenaient des colonnes également
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de travertin, dont on voit encore des fragments sur place. Ce


péristyle est postérieur lui aussi au dernier siècle de la République pour
les motifs exposés plus haut. Le côté long du Nord-Est n'est pas
conservé et nous ne savons pas s'il avait aussi des colonnes, ou s'il
était fermé comme sur le dessin de Lanciani.
Entre le péristyle et la maison de Livie passe une rue en déclivité.
On doit la tenir pour antérieure au péristyle même, qui fut
évidemment réuni à la maison de Livie, construite plus tard, et qui en forma
une dépendance ou un appendice.

Après avoir décrit les monuments qui constituent un groupe


compact et homogène attribuable à l'époque d'Auguste, voyons ce
que disent les sources historiques au sujet du temple d'Apollon. Je
les résume schématiquement, ne citant que les noms des auteurs.
1° II fut fondé par Auguste sur le Germalus dans une zone
appartenant à des particuliers, en démolissant les constructions qui y
existaient (Suétone).
2° II était situé sur une hauteur et on y accédait au moyen d'un
haut escalier (celsis gradibus, dit Ovide).
3° II était de grandes proportions et construit en lunensis ou
marbre de Carrare (Ovide, Servius).
4° II était entouré, ou flanqué, d'ailes de portiques, ornés de
statues des Danaïdes (Ovide, Properce, Velleius, Testament
d'Auguste).
5° II formait un groupe unique avec la maison d'Auguste et le
temple de Vesta (Ovide).
6° A proximité du temple se trouvaient deux bibliothèques,
l'une grecque et l'autre latine, dites Bibliothecae Apollonis (Ovide,
Horace, Suétone, Dion Cassius, Pline, Fronton).
7° Devant, s'étendait une place, YArea Apollinis avec l'autel de
la Rome Carrée (ludi saeculares).
8° II brûla en 64 ap. J.-C. et fut restauré par Domitien (Asconius,
Tacite, Martial).
9° II brûla définitivement en 363 ap. J.-C. (Ammien Marcellin).
10° Après Néron ni le temple de Vesta ni le portique des Danaïdes
ne sont plus nommés (Calendari et ludi saeculares).
Considérant que d'un temple aussi important, qui s'est conservé
pendant tout l'Empire, il doit absolument rester quelques traces,
ou, tout au moins, son espace vital,
Considérant en outre que le Palatin est aujourd'hui presque
entièrement dégagé, en particulier le Germalus, et qu'on peut
donc raisonner en pleine connaissance sur la topographie de la
colline,
Sans tenir compte des ruines qui se trouvent sous l'église de Saint-
LE TEMPLE D'APOLLON ET LES ÉDIFICES D'AUGUSTE 283

Sébastien, et qui se dressent à la périphérie de la colline, sur des


fondations de l'époque des Flaviens,
II ne reste qu'à fixer notre attention sur le temple déjà décrit, qui
présente les caractéristiques suivantes correspondant exactement
à celles que nous ont transmises les auteurs anciens.
Ici aussi, j'expose les arguments d'une manière schématique :
1° C'est l'unique grand temple resté sur le Palatin, outre celui de
la Magna Mater, et il se trouve sur le Germalus.
2° II a été fondé à l'époque d'Auguste sur des maisons de la fin
de la République démolies exprès.
3° En dessous, il n'existe pas de traces d'un temple plus ancien,
comme c'est toujours le cas pour les temples fondés pendant la
République et refaits ou restaurés à l'époque impériale (Castors,
Concorde, Saturne, Largo Argentina, Apollon Sosien, etc., etc.).
4° Son architecture en marbre lunensis présente de grandes
ressemblances avec celle de l'autre temple d'Apollon près du Théâtre
de Marcellus (hexastyle, pseudo-périptère), avec dix colonnes sur
les longs côtés.
5° Le podium laisse apparaître des restaurations plus tardives,
qui pourraient être celles effectuées par Domitien après l'incendie
de 64.
6° II est réuni à une maison construite vers l'an 100 av. J.-C. et
restaurée à l'époque d'Auguste, très simple et modeste, comme
l'était, aux dires de Suétone, la maison d'Auguste.
7° L'union avec la maison est réalisée par un quadriportique
situé sur une hauteur et ajouté à la maison lors de la construction
du temple. A ce propos, il convient de rappeler ce que Suétone écrit
d'Auguste : « lorsqu'il voulait examiner une question, il avait
l'habitude de se retirer in loco edito atqm singulari qu'il appelait Syracusas
et technyphion ».
8° A peu de distance se trouvent deux bibliothèques construites
par Domitien, certainement pour remplacer celles d'Auguste
brûlées en 64.

Les seules difficultés qui se présentent sont l'absence du temple de


Vesta et l'absence du portique des Danaïdes.
La première s'élimine facilement : le temple était un petit édifice
— aedicula l'appellent, en effet, les Calendari — et plus que tout
autre chose c'était un symbole pour justifier le transfert de la
demeure officielle d'Auguste, en tant que Pontifex Maximus, de la
Regia du Forum à la domus du Palatin. Ce petit temple brûla aussi
en 64 et ne fut pas reconstruit, le motif pour lequel il avait été
construit n'ayant plus de valeur sous Domitien.
Le même sort fut réservé au portique des Danaïdes : étant exté-
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rieur au temple, il brûla entièrement. Domitien jugea bon de ne pas


le reconstruire, profitant du terrain libre pour agrandir son palais
qui se prolongea jusqu'à 6 mètres du temple.
Une question se pose alors : est-il possible que le portique ait
disparu entièrement sans laisser aucune trace ? Si, comme je l'ai
dit, toutes les constructions entre la maison de Livie et le temple
sont encore celles d'Auguste, on doit aussi retrouver les fondations
du portique. Actuellement, courent parallèlement au côté nord-ouest
du temple deux murs : l'un extérieur assez épais, l'autre intérieur
moins épais. Une distance de 1 m. 20 les sépare et celui de
l'intérieur est éloigné du temple d'environ 6 mètres.
Si l'on tient pour certaine l'identification du temple avec celui
d'Apollon, on doit voir dans ces deux murs le fameux portique,
en élevant les colonnes sur le mur intérieur et en imaginant le mur
extérieur fermé pour servir soit de fond au portique, soit de
séparation entre ce dernier et la maison. La distance entre la colonnade
et le temple n'est pas très grande, mais on doit penser à la grande
quantité de villas qui existaient à la fin de la République sur le
Palatin, lieu de résidence recherché par les riches Romains, à la
topographie très irrégulière qui ne permettait pas de construire de grands
édifices, et au prix élevé du terrain, ce qui explique les dimensions
très modestes des maisons patriciennes (voir la maison des Grifi).
On trouve une confirmation du rapport existant entre le double
mur et le temple en observant le côté opposé, où la façade du palais
des Flaviens se trouve exactement à la même distance et semble
presque construite sur lui.
Peut-être le portique se limitait-il seulement aux deux ailes
latérales comme dans le temple de Vénus et Rome de l'époque
d'Hadrien. Quelques fouilles faites dans la partie située derrière le temple
pourraient résoudre le problème. Enfin, notre attention doit se
porter sur le soubassement carré en béton qui se trouve à l'Ouest
du temple, sur le pan de la colline qui regarde le Cirque Maxime. Ce
soubassement pourrait être celui de l'autel de la Rome Carrée.

Dans l'état actuel de nos connaissances concernant le Palatin,


état auquel ne pourront être apportés que peu de changements,
même lorsque toutes les fouilles de la colline seront terminées, il
semble que la reconnaissance proposée du groupe de l'époque
d'Auguste doive être tenue pour certaine. Cette reconnaissance
permet de reconstruire la topographie de la colline originelle de
Rome avant que le terrible incendie, qui éclata en l'an 64 ap. J.-C.
sur les pentes occidentales du mont, ne l'ait dévasté presque
entièrement.
La continuité matérielle et absolue entre la maison et le temple,
SÉANCE DU 1er SEPTEMBRE 1950 285

tous les deux de facture de l'époque d'Auguste, fournit la preuve


qu'il s'agit vraiment de cette propriété qu'Auguste acheta sur le
Palatin et qu'il divisa en trois parties, comme nous le dit Ovide
dans ses Tristia : « Phébus en a une partie ; à Vesta il donna la
seconde ; ce qui reste, il le garde pour lui comme troisième part.
Soyez bienvenus, ô lauriers palatins, sois bienvenue maison ornée
de festons de chêne ; une seule demeure renferme trois dieux
immortels ».

M. Jérôme Carcopino se félicite de voir résolu, par une théorie


à laquelle il donne son adhésion, un des problèmes les plus
controversés de la topographie palatine.
La raison d'être des conduites d'eau portant le nom de Julia
Augusta, que jadis R. Lanciani avait identifiée avec la femme de
Septime Sévère, apparaît maintenant clairement : Julia, fille de
Titus, était propriétaire de la fabrique d'où sortaient ces conduites.
La présence de blocs de Carrare apporte une preuve supplémentaire
à la démonstration de M. Lugli, ce marbre n'ayant pu être employé à
Rome avant la seconde moitié du ier siècle av. J.-C. Quant aux
Danaïdes, auprès et en dehors du temple, elles symbolisaient les
non-initiés ; plus tard le mysticisme dont le culte d'Apollon était
pénétré sous Auguste s 'étant atténué, le portique ne fut pas rétabli
après l'incendie de 64.
M. G. Lugli revient sur quelques points de sa communication ; il
insiste notamment sur l'étroite relation qui existe entre la maison
de Livie et le temple d'Apollon. ,

LIVRES OFFERTS
M. Augustin Fliche à la parole pour un hommage :
« J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Académie les tomes X et XVI,
parus au cours de cette année 1950, de l'Histoire de l'Église depuis les origines
jusqu'à nos fours, dont la publication a commencé en 1934, sous ma direction
et celle de M»' Martin, doyen de la Faculté théologique de Strasbourg,
malheureusement décédé il y a quatre ans et aujourd'hui remplacé par l'abbé Jarry
auquel l'Académie a décerné l'année dernière l'une de ses plus belles récompenses.
Le premier volume (tome X de la collection, intitulé La Chrétienté romaine
1198-1274, un vol. in-8° de 512 pages, Bloud et Gay), est mon œuvre personnelle ;
j'ai cru cependant devoir m'assurer le concours de deux de mes anciennes élèves,
agrégées d'histoire ; l'une, Mlle Thouzellier, qui. préparant une thèse de doctorat
ès-lettres sur le gouvernement intellectuel de Grégoire IX, m'a paru toute
désignée pour traiter ce qui concerne d'une part la répression de l'hérésie de 1216 à

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