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Tunis
Opérations de crédit
Inès YOUSSEF
2019-2020
SOMMAIRE
— C’est un droit des acteurs car finalement les textes qui participent du droit
bancaire ont pour objet de déterminer les conditions d’accès et également les
conditions d’exercice des activités qui sont dévolues aux banques.
L’accès à la qualité de banque et établissements financiers et particulièrement à la
qualité de banque nécessite l’obtention d’un agrément. L’agrément bancaire réside
dans une autorisation, l’autorisation d’exercer les activités pour lesquelles on a été
autorisé. L’accès à la profession bancaire est ainsi contrôlé. Ce contrôle étant
important pour assurer la sécurité de la clientèle, mais plus généralement la sécurité
et la stabilité du système bancaire et financier.
— C’est un droit des activités parce que les textes énoncent quelles sont les
activités que peuvent exercer les banques. Et parmi celles-ci, celles qui sont au cœur
du droit bancaire, on trouve les activités constitutives des opérations de banque.
Elles sont au nombre de 3 :
– La réception des fonds du public
– Les opérations du crédit
1
Th. BONNEAU, Droit Bancaire,LGDJ
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– La mise à la disposition de la clientèle ou la gestion des moyens de
paiement.
Bien sûr, ces activités ne sont pas les seules que les banques peuvent exercer : il y’a
aussi les opérations connexes. Par exemple : la gestion en matière de patrimoine.
Mais, s’il y a d’autres activités il n’y a qu’une seule catégorie d’activité au cœur du
droit bancaire ; les opérations de banque car les banques sont là principalement pour
collecter des fonds afin de les redistribuer sous forme de crédits.
C’est aborder une fonction traditionnelle des banques : l’intermédiation bancaire.
Dérivé du latin (intermedius) signifiant qui est au milieu, l’intermédiaire, désigne
celui qui fait profession de mettre en relation deux ou plusieurs personnes en vue de
la conclusion d’une convention2.
L’intermédiaire est alors celui qui s’entremet, à l’initiative et sur demande d’un
client. Il entre dans une opération pour rapprocher une offre et une demande. Il est
donc choisi sur une base contractuelle par son client et engagé contractuellement 3.
Son engagement porte sur l’accomplissement de l’activité d’intermédiation qui
n’est autre qu’une prestation de service.
Il y a intermédiation bancaire car les banques collectent l’épargne en vue de la
redistribuer sous forme de crédit. Entre collecte et distribution, les banques font le
lien entre les déposants et les emprunteurs. En matière d’intermédiation bancaire,
(l’intermédiation financière n’a pas la même portée), les banques agissent pour leurs
propres comptes et en leurs propres noms. De sorte qu’elles utilisent à leur guise les
fonds qu’elles ont collectés auprès de leurs clients et ce sont elles qui sont en relation
2
G.CORNU, Vocabulaire juridique, p. 562.
3
Ni les salariés dont le statut est régi par le droit du travail, ni les opérateurs indépendants qui achètent un
bien ou un service pour le revendre pour leurs propres comptes ne peuvent être juridiquement assimilés à
des intermédiaires. Ne peuvent de même être considérés comme tels, les concessionnaires, les franchisés,
les distributeurs engagés dans un contrat de distribution sélective. Le mandataire judiciaire nommé par
décision unilatérale de justice n’entre pas non plus dans ce propos. V. Ph. DELEBECQUE, inventaire des
mécanismes juridiques offerts par le droit pour encadrer l’activité économique d’intermédiation, in.
Intermédiation économique et concurrence, Rev. De la concurrence et de la consommation, mars-avril
1999, n°108, p. 5-46.
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directe avec les emprunteurs. Par conséquent, même si on peut éventuellement
considérer qu’un dépôt a pu servir à l’octroi d’un crédit, il ne faut pas en déduire que
le déposant à une relation directe avec l’emprunteur : il n’y a aucune relation
juridique entre le déposant et l’emprunteur. Le déposant n’a de relation qu’avec la
banque, l’emprunteur n’a de relation qu’avec la banque.
L’intermédiation bancaire n’établit pas de lien entre le déposant et l’emprunteur.
L’intermédiation bancaire porte sur les opérations de banque et sur ces opérations
on reconnaît aux banques un monopole, le monopole bancaire. Il postule au moins
à titre de principe que seules les banques peuvent exercer les activités constitutives
d’opérations de banque.
Le monopole ne concerne que ces opérations de banque et non pas les autres activités
que les banques peuvent éventuellement exercer.
C’est une branche du droit, dérivée du droit commercial classique. Le droit bancaire
constitue l’une des branches du droit commercial. Aussi en déduit-on que les
banques parce qu’elles accomplissent des actes de commerce sont des commerçants.
C’est dans ce sens que l’article 2 du Code de commerce précise clairement que celui
qui procède à titre professionnel à des opérations de change, de banque et de bourse
est un commerçant4.
4
Article 2. CC : « Est commerçant, quiconque, à titre professionnel, procède à des actes de production, circulation,
spéculation, entremise, sous réserve des exceptions prévues par la loi.
Notamment, est commerçant, quiconque, à titre professionnel, procède :
- à l'extraction des matières premières ;
- à la fabrication et à la transformation des produits manufacturés ;
- à l'achat et à la vente ou à la location des biens quels qu'ils soient ;
- à des opérations d'entrepôt ou de gestion de magasins généraux ;
- au transport terrestre, maritime et aérien des biens et des personnes ;
- à des opérations d'assurance terrestre, maritime et aérienne, quelles qu'en soient les modalités ;
- à des opérations de change, de banque ou de bourse ;
- à des opérations de commission, de courtage ;
- à l'exploitation d'agences d’affaires ;
- à l'exploitation d'entreprises de spectacles publics ;
- à l'exploitation des entreprises de publicité, d'édition, de communication ou de transmission de nouvelles et
renseignements. »
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Mais, le droit bancaire constitue une branche du droit économique qui met en avant
le rôle de l’État dans l’organisation des activités économiques. « L’État intervient et
en matière bancaire il est interventionniste ». Son intervention peut se manifester de
deux façons différentes :
— Soit directement
— Soit indirectement à travers des autorités qu’il a lui-même institué : c’est
le cas en matière bancaire où généralement l’intervention de l’État est indirecte, par
l’intermédiaire des autorités mises en place par lui-même.
Il y a des textes qui relèvent du Code de Commerce, mais le Code des Obligations
et des Contrats est aussi applicable. Les opérations de banque sont qualifiées d’actes
de commerce. Les banques faisant profession habituelle des actes de commerce dans
le cadre d’une société anonyme ayant pour objet des actes de commerce. Il s’ensuit
nécessairement qu’elles ont la qualité de commerçant. Par conséquent, le banquier
est toujours présumé faire des actes de commerce.
Mais, une même opération peut constituer à l’égard de l’une des parties contractantes
une opération de banque et par suite un acte de commerce, sans pour autant présenter
ce caractère pour l’autre partie. Ces opérations constitueront des actes mixtes
lorsqu’elles mettent en présence un banquier et un client n’ayant pas la qualité de
commerçant. Ainsi en est-il, lorsque le banquier accorde un prêt à un emprunteur
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qui destine les fonds à une opération civile. L’opération est commerciale à l’égard
du banquier et purement civile à l’égard de l’emprunteur. En outre, le caractère
commercial des opérations de banque en exclut la gratuité.
Les techniques employées par les banques doivent assurer la sécurité juridique de la
clientèle. La technicité a entraîné la création de mécanismes juridiques spécifiques
au droit bancaire (exemples : compte courant ; escompte = forme de crédit basée sur
les effets de commerce ; virement, etc.).
5
Toute la question de l’indépendance de la BCT se pose pleinement. V. Loi N° 2016-35 du 25 Avril 2016, portant
fixation du statut de la BCT.
6
En 1996, une large consultation est lancée par la BCT, autour de la modernisation du système bancaire
tunisien. Un certain nombre de projets stratégiques sont identifiés dont l’étude a été confiée à dix sous-
commissions spécialisées, sous le pilotage de la BCT.
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- Relations avec la clientèle : on est passé de la création des distributeurs
automatiques de billets (DAB) aux guichets automatiques de banque
(GAB) et au système de la banque à domicile ou la banque digitale7.
Les sources du droit bancaire comprennent des sources législatives (1), les textes
professionnels (2), la jurisprudence (3), les usages bancaires (4) et les sources
internationales (5).
La première source est la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 relative aux banques et
établissements financiers qui abroge et remplace la loi n°2001-65 du 10 juillet 2001
relative aux établissements de crédit10.
On trouve aussi le code de commerce : les opérations bancaires les plus courantes
ont été réglementées dans le titre II du livre cinq intitulé « des contrats
commerciaux ». Il faut tenir compte également du code de commerce parce qu’il
C’est dans ce cadre que le système tunisien de télé compensation interbancaire, un système moderne et
performant profitant des avancées technologiques, a été mis en place. Son exploitation est confiée à la
SIBTEL (Société interbancaire de télé compensation).
7
Toutes les banques de la place sont en train de mener des projets sur la banque digitale. La réglementation
bancaire ne suit pas forcément.
8
D.LEGEAIS, Traité des opérations de crédit, Lexis Nexis 2018, p 11.
9
Ibid.
10
-Les banques et les établissements financiers demeurent soumis également aux dispositions du Code des
Sociétés Commerciales.
-Les banques et les établissements financiers non-résidents demeurent soumis également aux dispositions
du code de prestations de services financiers aux non-résidents.
-Les sociétés de leasing demeurent soumises aux dispositions de la loi n°1994- 89 du 26 Juillet 1994 relative
aux sociétés de leasing.
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contient la réglementation des effets de commerce.
Il convient de prendre en considération aussi les dispositions du COC. D’abord parce
qu’il régit le droit commun des obligations, ensuite parce qu’il prévoit le régime du
droit commun des opérations de crédit à savoir le régime du prêt.
Plusieurs autres lois spéciales organisent certains aspects de l’activité bancaire à
savoir la loi N° 2016-35 du 25 Avril 2016, portant fixation du statut de la BCT, la
loi N°99-64 du 15 Juillet 1999, relative aux taux d’intérêts excessifs, Loi N°2005-
51 du 27 Juin 2005, relative au transfert électronique de fonds, Loi organique
N°2015-26 du 7 aout 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du
blanchiment d’argent.
Concernant l’activité de microfinance, un cadre légal spécial a été dédié pour
l’exercice de cette activité. Il s’agit du :
Décret-loi n° 2011-117 du 5 novembre 2011, portant organisation de l’activité
des institutions de micro finance.
Loi n° 2014-46 du 24 juillet 2014, modifiant le décret-loi n° 2011-117 du 5
novembre 2011, portant organisation de l’activité des institutions de micro
finance
3) La jurisprudence
Elle a un rôle important en matière bancaire, parce qu’elle interprète les textes, mais
également il peut arriver à la Cour de Cassation de déterminer, en dehors de tout
texte, le régime juridique de certaines opérations.
L’APTBEF (Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des
établissements financiers) souligne le problème des juges et experts judiciaires non
spécialisés dans le domaine bancaire. Ce problème était à l’origine de la
condamnation des banques à plusieurs reprises. Certains clients en profitent pour
11
V. APTBEF, problèmes juridiques rencontrés par les banques, 8 décembre 2015
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agir en justice contre la banque, ses dirigeants et ses employés12.
Les usages bancaires peuvent régir deux types de rapports : entre les banques et entre
les banques d’un côté et la clientèle de l’autre.
Certains de ces usages peuvent être consacrés par la jurisprudence, d’autres l’ont été
par le législateur13,
La technique contractuelle du droit des obligations est la technique centrale car une
opération va se traduire par un contrat ou une pluralité de contrats. En effet, parfois
12
V. APTBEF, problèmes juridiques rencontrés par les banques, 8 décembre 2015
13
PIEDELIEVRE, « Remarques sur l’évolution actuelle des sources du droit bancaire », Mélanges
JESTAZ, DALLOZ 2006, 441 et s.
14
Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire : Créé en 1974 par les gouverneurs des banques centrales
des pays du groupe des dix, et actuellement composé de 27 membres, il constitue une instance permanente
de coopération en matière de surveillance bancaire. Les travaux du Comité de Bâle, n’entraînent pas
d’obligation pour les Etats et n’ont pas force obligatoire. Ce Comité se borne à édicter des normes et des
règles de caractère général qu’il appartient à chacun des Etats, en fonction de dispositif propre, d’appliquer.
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un contrat sera à lui seul insuffisant, ex : l’opération de crédit-bail.
La technique contractuelle est au cœur du droit bancaire, avec le droit des obligations
et parfois le droit spécial des contrats. On pourrait penser que ce recours n’a rien
d’original, mais il faut tenir compte tout d’abord de la qualité des parties, ensuite, de
la diversité et la répétition des opérations bancaires.
Ces éléments vont donner une certaine originalité à la technique contractuelle
utilisée pour réaliser les activités bancaires.
La qualité des parties n’est pas sans incidence sur la relation qui unit la banque et le
client. Cette proposition se vérifie aussi bien à l’égard de la banque qu’à l’égard du
client. Cette relation est fondée sur la confiance et dominée par l’intuitu personae.
VI. Les mutations du secteur bancaire et du droit qui est appelé à les
régir
15
Sur l’intermédiation financière V. I.YOUSSEF, L’intermédiation financière, étude comparée des droits
américain, français et tunisien ; Thèse de doctorat en droit privé, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et
facultés de sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, 2012.
16
Sujet : L’intermédiation bancaire et l’intermédiation financière
I / L’intermédiation financière et l’intermédiation bancaire des activités de prestation de services distinctes
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financiers17 et pour finalité la conclusion d’opérations sur le marché financier.
L’intermédiaire financier se charge de rapprocher son client et un tiers en vue
de conclure une opération sur le marché financier, portant sur des instruments
financiers. Le client visé est l’investisseur18.
Dans ce sens, l’intermédiation financière a été définie comme « une prestation
accomplie de façon habituelle et indépendante par un professionnel qui
s’entremet à la demande d’un investisseur dans une opération sur les marchés
financiers et portant sur un instrument financier »19.
C’est ainsi que tout investisseur doit à priori, faire appel à un professionnel
pour pouvoir accéder au marché financier. En effet, l’intermédiaire ouvre à
l’investisseur, à travers le service d’intermédiation financière, un accès aux
marchés financiers.
Cet accès peut être soit un accès direct et non sécurisé, soit un accès indirect
et sécurisé20. Dans tous les cas c’est par le truchement de l’intermédiaire qu’un
investisseur accède au marché.
dans la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers. En parallèle avec ces services, l’intermédiaire
s’engage à conserver ces instruments financiers.
21
Art. 55. L. n°94-117 relative à la réorganisation du marché financier.
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permettant de retirer l’argent ou d’autres opérations bancaires. Ex.
consultation des soldes des banques.
- La banque à domicile qui recourt aujourd’hui généralement à internet, on peut
faire ainsi des opérations à partir de son bureau ou de chez soi.
- Les terminaux de paiement chez les commerçants permettant d’effectuer des
paiements à l’aide des cartes bancaires. Il n’en demeure pas moins que la
digitalisation de la banque en Tunisie, demeure à ses débuts.
22
Art. 75. Loi 2016 : « La banque ou l’établissement financier ne peut affecter plus de 15% de ses fonds
propres à une participation directe ou indirecte dans le capital d’une même entreprise.
Le total des participations directes et indirectes ne doit pas dépasser 60% des fonds propres de la banque
ou de l’établissement financier.
La banque ou l’établissement financier ne peut détenir directement ou indirectement plus de 20 % des droits
de vote ou du capital d'une même entreprise. Toutefois, la banque ou l’établissement financier peut, à titre
temporaire, dépasser ce pourcentage lorsque la participation est faite en vue de permettre le recouvrement
de ses créances.
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Ainsi, l’article 17 cite uniquement deux services pour définir une banque. Il s’agit
de la collecte des dépôts et la mise, à disposition de la clientèle, des moyens de
paiement. L’exercice à titre habituel des opérations bancaires est réservé aux
banques et aux établissements financiers. D’après les articles 17 et 1823, le monopole
des banques concerne désormais la réception des fonds du public et la mise à
disposition des moyens de paiements.
I/L’allocation du crédit
Cette opération de banque a été définie dans l’article 6 de la loi bancaire.
La banque ou l’établissement financier peut prendre des participations directes ou indirectes dans le capital
d’entreprises exerçant dans le domaine des services bancaires et des services d’intermédiation en bourse,
d’assurance, de recouvrement de créances et d’investissement à capital risque, et ce, sans tenir compte des
pourcentages prévus aux deuxième et troisième paragraphes du présent article.
Les dispositions du troisième paragraphe du présent article ne sont pas applicables aux participations dans
les filiales d’une banque ou d’un établissement financier en vue de l’assister à titre exclusif sur le plan
logistique.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux financements sous forme de participation ou
« Moucharaka », à la condition de stipuler dans le contrat un engagement de rétrocession dans un délai ne
dépassant pas cinq ans.
Les fonds propres sont calculés conformément aux normes établies à cet effet par la banque centrale de
Tunisie. »
23
Art. 18. Loi 2016 : Est considérée établissement financier, toute personne morale qui exerce, à titre
habituel, les opérations bancaires visées par les dispositions du chapitre premier du présent titre, à
l’exception des opérations de collecte des dépôts du public et de mise à disposition de la clientèle des
moyens de paiement.
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Aux termes de cet article : "Est considère un crédit au sens de la présente loi, tout
acte par lequel une personne physique ou morale, agissant à titre onéreux :
- met des fonds à la disposition d'une autre personne, ou
- s’engage à mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans
l’intérêt de celle-ci un engagement par signature sous forme de cautionnement ou de
garantie".
L’opération de banque qu’est « la réception des dépôts du public quelles qu’en soient
la durée et la forme », comporte une remise des fonds. La réception implique une
remise de monnaie, qui peut être spontanée ou sollicitée de la part du banquier.
Est indifférent, le moyen de la remise : il peut s’agir aussi bien d’une remise
d’espèce, que d’une remise effectuée au moyen d’un chèque ou d’un virement.
Est également indifférente, la durée de la remise, de sorte que les fonds remis,
peuvent être aussi bien des fonds à vue, que des fonds restituables à terme 24.
En vertu de l’article 5 de la loi bancaire, sont considérés dépôts reçus du public, les
fonds que toute personne recueille d’un tiers par tout moyen de paiement à titre de
dépôt ou autrement avec le droit d’en disposer pour les besoins de l’exercice de
son activité professionnelle, mais à charge pour elle de les restituer à leurs titulaires
conformément aux conditions convenues.
Sont considérés dépôts, les fonds dont la réception donne lieu à l’émission de bons
de caisse ou à tout autre titre équivalent… ». Le législateur n’a pas voulu invoquer
le terme de « contrat de dépôt » pour ne pas confiner l’activité du banquier en cette
matière dans les limites du contrat de dépôt du droit commun.
Certes, la banque est obligée de restituer les sommes qui sont déposées entre ses
mains à la demande du client dépositaire, mais elle a la liberté d’en disposer entre
24
Les fonds à vue, on peut les récupérer sans condition de délai, alors que les fonds restituables à terme, il
y a en principe un blocage pendant une certaine durée.
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temps25. Ainsi, même si dans le langage courant on parle de client comme un
«déposant », la réception de fonds ne se limite pas à la remise d’un dépôt au sens du
COC. En effet, la nature juridique du contrat qui se lie entre le banquier dépositaire
et le client déposant importe peu.
Ici, il faut remarquer que les dépôts reçus du public sont des fonds qu’une personne
recueil d’un tiers: la notion de tiers est utilisée pour définir ce qu’est le public de
sorte que l’on vise ici des fonds qui sont remis par des personnes qui ont une
personnalité juridique différente de celle de la banque.
25
V. Article 995 et s COC
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Ainsi, on considère qu’un certain nombre de fonds reçus de certaines personnes, ne
sont pas des fonds reçus du public26.
Etant donné le monopole des banques sur les opérations de dépôt, il est important de
s’assurer de l’exhaustivité de la liste d’exclusion pour ne pas pénaliser des
entreprises qui réalisent des opérations pouvant être assimilées à des dépôts au sens
de la loi bancaire.
Dans le même sens d’idées, on s’interroge sur la position du régulateur quant aux
fonds déposés par le public auprès de la Poste Tunisienne. Des clarifications
concernant ces fonds sont de tant plus nécessaires que la loi 2016 ne les a pas
apportées.
26
L’article 3 de la loi vise 3 principales disqualifications :
– Les fonds reçus de certains associés et de dirigeants de sociétés : les fonds qu’une société reçoit de certains
associés et de certains dirigeants ne sont pas considérés comme fonds reçus du public : cette exception vise
les comptes-courants d’associés : qui mettent à la disposition de la société qu’ils contrôlent un certain
nombre de fonds.
– Les fonds qui proviennent de prêts participatifs ne sont pas des fonds reçus du public : les prêts
participatifs sont une catégorie de prêts soumis à un régime juridique particulier, qui se caractérisent par
une clause dite de subordination. En vertu de cette clause, le prêteur accepte d’être remboursé après tous
les autres créanciers du débiteur y compris les créanciers chirographaires.
– Enfin dernière exception, ce sont les fonds qu’une entreprise reçoit de ses salariés, notamment pour ce
que ces salariés participent au financement de l’entreprise.
Dans chacun de ces cas, l’exception se fonde sur l’existence de liens particuliers existants entre celui qui
donne les fonds et celui qui reçoit les fonds. Ces exceptions sont absolument indispensables, parce qu’il
n’y a pas que les banquiers qui reçoivent les fonds, et que cette activité de banque ne doit pas paralyser les
activités économiques.
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Est considérée monnaie électronique, toute valeur monétaire représentant une
créance à la charge de l’émetteur, stockée sur un support électronique, émise en
contrepartie de la remise de fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à
la valeur monétaire émise et acceptée comme moyen de paiement par des tiers autres
que l’émetteur de la monnaie électronique ».
La loi 2016 innove en apportant la définition des services de paiement dans le cadre
de son article 10 qui prévoit : « Sont considérés services de paiement au sens de la
présente loi :
- les versements et les retraits en espèces,
- les prélèvements,
- les opérations de paiement en espèces, par chèque, lettre de change ou
mandats postaux émis ou tout autre support papier équivalent,
- les opérations de transfert de fonds,
- la réalisation d’opérations de paiement par tout moyen de communication à
distance, y compris les opérations de paiement électronique. ».
Outre les banques, les services de paiements sont réalisés par les établissements de
paiement27.
27
V. Circulaire de la BCT 2018-16 en date du 31 décembre 2018 relative aux règles régissant l’activité et
le fonctionnement des établissements de paiement
Inès YOUSSEF Page 24
IV/Les opérations bancaires islamiques
C’est la grande nouveauté par rapport à la loi de 2001, même si certaines banques
de la place (Al Baraka et Zitouna) pratiquaient déjà les opérations de finance
islamique dont le régime juridique n’était pas défini par le législateur. L’article 11
de la nouvelle loi a prévu dans un délai de 2 mois une circulaire de la BCT pour
définir les opérations de finances islamiques et déterminer leur mode et leurs
conditions d’exercice.
La loi nouvelle a, cependant, pris le soin de définir dans ses articles 12 à 15 les
opérations de mourabaha , ijaraa ,Isstissnaa, Salam et Wadaii istithmariya, en
gardant le silence sur les contrats de Moutharaba, et de Moucharaka.
A/ L’opération « Mourabaha »
28
CIRCULAIRE AUX BANQUES ET AUX ETABLISSEMENTS FINANCIERS N° 9102-08
Objet : Définition des opérations bancaires islamiques et fixation des modalités et conditions de leur
exercice.
29
Ibid.
30
Ibid.
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Selon la circulaire, le financement par «Mourabaha» est une opération par laquelle
la banque ou l’établissement financier procède, suite à la demande du client donneur
d’ordre, à l’acquisition de biens meubles ou immeubles ou de services auprès d’une
tierce personne et à leur revente au donneur d’ordre à un prix équivalent à leur coût
d’acquisition majoré d’une marge bénéficiaire déterminée d’avance, sous forme
d’un montant ou d’un pourcentage fixe de la valeur initiale d’acquisition et payable
selon un échéancier convenu31.
31
Article 4 circulaire pré
32
Article 5 circulaire pré
Inès YOUSSEF Page 27
établissement financier acquiert et s’approprie des équipements, matériels ou biens
immeubles et les loue à ses clients à des fins d’exploitation professionnelle, pour
une durée déterminée moyennant des loyers payables dans des délais convenus, à
charge pour la banque ou l’établissement financier d’accorder au client l’option
d’acquérir le bien loué au cours de la période de location ou à la fin de l’échéance.
Les dispositions de la loi n° 94-89, relative au leasing s’appliquent sur les opérations
de financement Ijara avec option d’acquisition, tant qu’il n’y est pas dérogé par les
dispositions de la présente loi.
C/ L’opération « Istisna’a »
L’article 14 définit « Istisna’a » comme toute opération de vente par laquelle une
banque ou un établissement financier se charge de financer, à la demande de son
client en qualité de « Mostasni’i », la fabrication, d’un bien meuble ou immeuble,
dont la nature, la quantité et les caractéristiques sont détaillés avec précision. En vue
d’honorer ses engagements, la banque ou l’établissement financier charge un
cocontractant dit « Sani’i », de fabriquer le bien meuble ou immeuble selon la
description objet de son engagement avec le client. La banque ou l’établissement
financier prend possession du bien fabriqué, en paie le prix au « Sani’i » et livre ledit
bien au « Mostasni’i », moyennant un prix déterminé payable dans des délais
convenus, à condition de ne faire dépendre aucun contrat de l’autre.
Selon la circulaire, le financement par «Istisn’a» est une opération par laquelle la
banque ou l’établissement financier procède au financement de la fabrication d’un
D/ L’opération « Salam »
Selon l’article 15, Est considéré « Salam », toute opération de vente à terme de biens
meubles corporels moyennant le règlement d’un prix en numéraire au comptant et
par laquelle une banque ou un établissement financier acquiert des marchandises,
décrites de manière levant toute équivoque et déterminées par la mesure, le poids ou
le comptage. La banque ou l’établissement financier est tenu de vendre la
marchandise reçue objet du « Salam » dans le délai fixé.
Selon l’article 7 de la circulaire, le financement par «Salam» est une opération par
laquelle la banque ou l’établissement financier procède à un achat à terme à un prix
en numéraire au comptant de biens meubles corporels déterminés par le client. La
banque ou l’établissement financier est tenu de vendre les biens meubles objet du
«Salam» après leur réception, ou de mandater le client à cet effet, et ce, dans les
33
Article 8 circulaire pré
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délais fixés. La banque ou l’établissement financier peut vendre les biens objet du
«Salam» avant leur réception dans le cadre d’un deuxième «Salam» au profit d’une
tierce personne34.
A/ L’opération « Moucharaka »
B/ L’opération « Mudharaba »
L’article 16 précise que les dépôts d’investissement sont les montants logés par
leurs titulaires, dans un compte auprès d’une banque, par quelque moyen de
34
Article 7 circulaire pré
35
Article 9 circulaire pré
36
Article 10 circulaire pré
37
Article 11 circulaire pré
Inès YOUSSEF Page 30
paiement que ce soit, et ce, en vertu d’un contrat de « Moudaraba » ou « Wakala »,
en vue de les utiliser dans des investissements en actifs sur une période déterminée,
avec ou sans restriction. La banque ne garantit aucune perte de l’investissement, sauf
en cas de négligence ou de manquement aux conditions contractuelles, dûment
établies.
38
Article 13 circulaire pré
39
Article 14 circulaire pré
40
Article 15 circulaire pré
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L es opérations de crédit
Le mot crédit vient du latin "credere" qui signifie croire ou avoir confiance.
Par un crédit, une personne fait confiance à une autre en lui avançant des fonds et
en prenant ainsi le risque que l’emprunteur ne puisse pas rembourser dans les délais
prévus. La notion d’opération de crédit a été consacrée dans le COC à travers le
contrat de prêt, puis dans le CC qui a instauré quatre opérations de crédit, sans pour
autant, en donner une définition.
Il n’en demeure pas moins que le législateur a essayé de rectifier le tir en donnant
une définition fonctionnelle de l’opération de crédit dans le cadre de la loi bancaire
de 2001 puis dans la nouvelle loi bancaire de 2016.
Dans cette optique, l’article 6 de la loi bancaire définit un crédit comme suit :
"Est considère un crédit au sens de la présente loi, tout acte par lequel une personne
physique ou morale, agissant à titre onéreux :
- met des fonds à la disposition d'une autre personne, ou
- s’engage à mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans
l’intérêt de celle-ci un engagement par signature sous forme de cautionnement ou de
garantie".
Il en découle que la notion d’opération de crédit dénote d’une mise à disposition
onéreuse de fonds restituables. De la sorte, l’opération de crédit se présente comme
une opération très spécifique qui se base sur deux principaux facteurs
proportionnels : le facteur temps et le facteur rémunération.
41
Pour plus de détails V. I.YOUSSEF, La notion d’opération de crédit, communication colloque
Soixantenaire Code de commerce, 28 février 2020.
Inès YOUSSEF Page 34
A vrai dire, la notion est plutôt économique que juridique. Dans cette optique,
l’opération de crédit se démarque d’autres opérations économiques. Elle se diffère
d’un côté de l’opération de financement42 et de l’autre des contrats financiers43.
D’une façon générale, les opérations de crédit sont protéiformes. A cet égard, force
est de constater qu’avec l’introduction des opérations de finance islamique par la loi
2016, le législateur les a écarté du champ d’application des opérations de crédit.
Certes, le législateur range les opérations de finance islamique parmi les opérations
bancaires, mais le souci de séparer catégoriquement ces opérations des opérations
de crédit était omniprésent. Cela se démontre aisément à travers la suppression de la
catégorie d’établissement de crédit. En outre, avec la loi 2016, les opérations de
leasing et de factoring ne sont plus considérées comme des opérations de crédit. En
revanche, le législateur assimile clairement le leasing à l’opération de « Ijara al
montahiya bi tamlik ».
Par ailleurs, les opérations de capital risque ne sont pas également des opérations de
crédit. En effet, avant 2011, la pratique du capital risque en Tunisie tendait à se
rapprocher d’une opération de crédit. La société d’investissement à capital risque
42
L’opération de crédit n’est pas un emprunt obligataire ou une opération de capital investissement encore
désignée « private equity ». L’apport en compte courant d’associé est en revanche une forme particulière
d’opération de crédit.
43
Les contrats financiers sont des instruments financiers, des produits financiers. V.I.YOUSSEF, « A la
recherche d’une notion de valeurs mobilières ».
Inès YOUSSEF Page 35
(SICAR)44 a pris ainsi l’habitude de procéder à une sortie du capital de la société
financée, à travers la fixation d’un taux fixe et l’arrêté d’un échéancier de
remboursement, tout comme un crédit bancaire. Or, l’idée du capital risque consiste
à placer la SICAR dans la position d’un actionnaire dans une société qui partage ses
gains et supporte ses pertes et non pas celle d’un emprunteur disposant d’une créance
et supportant le risque de ne pas être payé à l’échéance.
Le décret-loi 2011-9945 a précisé, catégoriquement, la nature de l’intervention de la
SICAR ; Dans son article premier, il a été précisé que les conventions entre le
promoteur du projet et la SICAR ne doivent pas stipuler des garanties hors projet ou
des rémunérations dont les conditions ne sont pas liées aux résultats des projets.
Ceci étant, la notion d’opération de crédit est une notion évolutive qui peut à l’avenir
comporter d’autres types d’opérations à l’instar des opérations de crowdfunding.
Etant une notion protéiforme, il convient d’étudier les opérations de crédit en général
(Première Partie) avant d’étudier quelques opérations de crédit « spécifiques »
(Deuxième Partie).
44
Régie par la loi N° 88-92 du 2 aout 1988 sur les sociétés d’investissement
45
Décret-loi n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés
d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des
conditions de leurs interventions
Inès YOUSSEF Page 36
P artie 1 : Les opérations de
crédit en général
La mise à disposition peut être future. On vise les promesses de crédit 47: et
ces promesses de crédit se caractérisent ou s’illustrent par les « ouvertures de
crédit ». En vertu de l’ouverture de crédit, le banquier promet de mettre à la
disposition du client, un crédit d’un certain montant (que l’on appelle
l’encours ou la ligne de crédit) et bien sûr le client peut utiliser, à sa guise, cet
encours. En effet, qui dit promesse, dit obligation à la charge du promettant
(le banquier) mais le bénéficiaire dispose d’une option qu’il peut ou non lever.
Et c’est lorsque l’option est levée que le crédit est alors consommé.
La mise à disposition éventuelle : elle est éventuelle car elle est liée à la
défaillance effective du client : lorsque le banquier cautionne un engagement
de son client, il ne mettra les fonds à la disposition du créancier que si son
client est défaillant. Dans la disposition éventuelle il se peut que le banquier
ne mette aucun fonds à la disposition du créancier, néanmoins il s’agit d’une
perspective que le banquier a accepté de financer son client. Par cette
acceptation, il a facilité la réalisation ou la conclusion de l’opération de son
client, parce qu’avant même de mettre éventuellement des fonds à la
46
La notion de cession est économique et juridique :
– économique car le montant du crédit est en relation avec le montant de la créance mobilisée : une créance
de 10 000 d, on obtient un crédit de 10 000d.
– Mais à cette mobilisation économique s’ajoute une mobilisation juridique : elle consiste le plus souvent,
pas systématiquement, dans un transfert de la propriété de la créance. Ce qui conduit à constater que ces
opérations de crédit avec mobilisation de créance, reviennent schématiquement par un transfert de la
propriété moyennant le paiement d’un prix. Ainsi, l’avantage que le bénéficiaire obtient réside dans un
paiement anticipé.
47
Sur la distinction ouverture de crédit et promesse de prét. V. Infra p 59 et s.
Inès YOUSSEF Page 41
disposition du créancier, il a mis à la disposition de son client, sa signature.
C’est la raison pour laquelle on, désigne ce type de crédit par la terminologie
« engagement par signature ».
Ces engagements étaient visés dans la loi par cautionnement, aval ou garantie.
Qu’est-ce qu’un aval ? C’est une opération qui concerne la lettre de change
ou le billet à ordre. L’aval est, en réalité, le cautionnement des engagements
d’un débiteur cambiaire (c’est-à-dire d’une personne tenue au paiement de
l’effet de commerce).
On doit observer pour terminer que le texte emploi le terme « garantie ».
Qu’est-ce qu’une garantie : c’est un terme suffisamment large pour y inclure
toutes les garanties personnelles et on y inclut les garanties à première
demande (que l’on connaît en commerce international).
Plusieurs classifications des opérations de crédit ont été consacrées par la doctrine
et même par le régulateur. Les principales classifications se basent sur la qualité du
prêteur (§1), la qualité de l’emprunteur (§2), et les critères essentiels de l’opération
de crédit (§3).
48
V. infra p 74.
Inès YOUSSEF Page 42
et sans grands risques, le crédit n’est généralement accordé à une entreprise que par
une seule banque. Pour les crédits d’un montant élevé où le risque est plus important,
il est fréquent que plusieurs banques se groupent de manière à répartir entre elles le
risque et la charge du financement49.
Plusieurs critères peuvent être pris en compte démontrant la prolifération des règles
spéciales régissant les opérations de crédit. Il est possible de retenir la forme de
crédit qui met en œuvre la classification la plus fondamentale entre les crédits par
caisse et les crédits par signature.
De même, la durée permet de classer les crédits en trois catégories : les crédits à
court, moyen et long terme.
- Le crédit à court terme50 n’excède pas deux ans. Ces crédits sont essentiels
car ils servent principalement à alimenter l’actif de roulement de l’entreprise
ou sa trésorerie. Ils servent également au financement d’investissements
légers. La finalité commune de l’ouverture de crédit et du découvert, qui est
de permettre à un emprunteur de disposer d’une réserve financière.
Dans ce cadre, on distinguera tout d’abord, le découvert de la simple facilité
de caisse, laquelle se caractérise par une durée très courte (quelques jours) et
une finalité destinée à permettre à l’entreprise de faire face à des
décaissements monétaires à certaines dates régulières (ex : fin de mois).
49
Lorsque, à propos d’une opération complexe, importante ou risquée, plusieurs banques passent un accord
pour son financement, on est en présence de crédits consortiaux ou syndiqués (c’est un crédit accordé par
un pool bancaire). V. Lamy droit du financement 2018, N° 3334 ‐ Unicité ou pluralité de dispensateurs de
crédit.
50
Selon la Circulaire aux banques N°87-47 du 23 décembre 1987 relative aux modalités d’octroi, de
contrôle et de refinancement des crédits, le court terme c’est de trois mois à deux ans.
Inès YOUSSEF Page 43
Le découvert d’une durée généralement plus longue (quelques mois) recouvre
les notions de « crédit de campagne » ou « d’approvisionnement » destinés à
permettre à l’entreprise d’effectuer, à certaines époques de l’année, des achats
importants tels que la constitution d’un stock, mais également des opérations
de caractère exceptionnel que la trésorerie de l’entreprise ne permettrait pas
de réaliser51.
- Le crédit à long terme52est d’une durée supérieure à sept ans. Il sert
normalement au financement d’investissements lourds.
- Le crédit à moyen terme53 a donc une durée comprise entre deux et sept ans.
En outre, certains crédits sont garantis, d’autres sont en blanc. On distingue alors
les crédits non garantis ou crédits en blanc, des crédits garantis. Pour les crédits
garantis dans certaines opérations de crédit, la garantie est intégrée à l’opération, tel
que l’escompte, dans d’autres, le crédit est garanti par une sureté.
51
V. Frédéric MARTIN Béatrice GÉRARD GODARD, « La souplesse de l’ouverture de crédit et du
découvert », Revue Lamy droit des affaires, Nº 61, 1er juin 2011
52
Selon la circulaire N°87-47 précitée, le moyen terme est de durée maximale 7 ans.
53
Le long terme c’est plus que 7 ans.
Inès YOUSSEF Page 44
peut être un bien situé à l’étranger ou une opération commerciale internationale54. Il
existe des crédits internationaux spécifiques tels le crédit documentaire ou souvent
les crédits syndiqués.
Dans le cadre des crédits internationaux, on distingue certains crédits en fonction
des objectifs du financement. Ce qui permet de différencier le crédit fournisseur 55
du crédit acheteur56.
54
V. I.YOUSSEF, Le contrat bancaire international, communication, Quatrième journée Mohamed
CHARFI de droit international privé sur « le contrat international », FSJPST, les 13 et 14 avril 201
55
« Le crédit fournisseur est un crédit de mobilisation de créances détenues par un vendeur français sur un
acheteur étranger. Le banquier de l’exportateur procède à un escompte des effets de commerce matérialisant
les créances détenues par l’exportateur sur son acheteur. Le crédit de mobilisation sera un crédit à taux
privilégié.
Ces crédits sont utilisés depuis les années 1950. Le fabricant français accorde des délais de paiement à son
client étranger. Il assume une double obligation : obligation commerciale et obligation financière.
À l’origine, en 1950, le système du crédit fournisseur permettait à un exportateur français de faire escompter
des créances qu’il détenait sur un acheteur étranger, et cela sans limite de montant puisque l’escompte
pouvait atteindre 100 %. Dans ce système, intervenaient obligatoirement la Banque française du commerce
extérieur, chargée d’un réescompte à taux préférentiel et la COFACE, chargée de la garantie de certains
risques. La BFCE assurait aussi un rôle de garantie pour le risque commercial : elle intervenait en effet
obligatoirement pour conférer sa garantie de bonne fin.
Au cours des années 1985-1986, la philosophie du système a changé. Dans le cadre de la déréglementation
souhaitée par les pouvoirs publics, l’idée dominante a été de favoriser le développement d’un « secteur
libre». » V. Lamy droit du financement, Partie 7 Financement international, européen et régional, Titre 3
Financement du commerce international, Chapitre 1 Financement des exportations, Section 4 Crédits
fournisseurs et crédits acheteurs, § 2. Crédits acheteurs.
La COTUNACE (La Compagnie Tunisienne pour l’assurance du commerce extérieur) assure en Tunisie,
les crédits à l’exportation.
56
« Le crédit acheteur est né en 1965 et il a été mis en place en 1966. L’idée était de dissocier le contrat
commercial de son financement en accordant le financement non plus à l’exportateur mais bien davantage
à l’acheteur étranger. On a donc ici deux contrats indépendants :
— le contrat commercial entre l’exportateur et l’acheteur étranger ;
— le contrat financier entre l’acheteur et la banque française.
Pour le reste, les mécanismes d’assurance et de financement sont assez comparables à ceux du crédit
fournisseur. »V. Lamy droit du financement, préc.
Inès YOUSSEF Page 45
consentis aux entreprises57 et aux particuliers est économique 58
avant d’être
juridique. Ainsi, la circulaire N°87-4729 relative aux modalités d’octroi, de contrôle
et de refinancement des crédits (ci-après circulaire N°87-47) l’a consacrée en
précisant notamment les normes d’octroi des crédits aux entreprises commerciales,
artisanales ou industrielles. A cet égard, la circulaire dresse une typologie des crédits
aux entreprises tout en déterminant leur destination, leur montant et leur échéance.
§1 La qualification
Il faut aussi distinguer les différents types de contrats de prêts (A) comme il faut
distinguer les contrats de prêts des notions voisines (B).
57
V. Circulaire aux banques N°87-47 du 23 décembre 1987 relative aux modalités d’octroi, de contrôle et
de refinancement des crédits.
58
Ibid.
59
N.CAYROL, Synthèse - Contrat de prêt, JCl. Civil Code, 27/04/2019
Inès YOUSSEF Page 46
A/ Les types de prêts
Il importe de signaler que le titre VI COC est consacré au contrat de prêt. Ce titre
comporte trois chapitres. Le troisième chapitre est relatif au prêt à intérêts.
Les deux premiers chapitres sont consacrés successivement au prêt à usage et au prêt
de consommation. Par conséquent, deux catégories de prêt sont précisées dans le
COC : Ce sont les deux espèces du prêt60 : le prêt à usage ou commodat (âria) (a) et
le prêt de consommation (kardh ou salaf) (b).
Selon l’article 1055 COC, le prêt à usage, ou commodat, est un contrat par lequel
l’une des parties remet une chose à l’autre partie pour s’en servir pendant un temps,
ou pour un usage déterminé, à charge par l’emprunteur de restituer la chose même.
Dans le commodat, le prêteur conserve la propriété et la possession juridique des
choses prêtées ; l’emprunteur n’en a que l’usage.
Le prêt à usage est essentiellement gratuit61. Il peut avoir pour objet des choses
mobilières ou immobilières62.
2/ Le prêt de consommation
Aux termes de l’article 1081 COC, le prêt de consommation est un contrat par lequel
l’une des parties remet à une autre des choses qui se consomment par l’usage, ou
d’autres choses mobilières, pour s’en servir, à charge par l’emprunteur de lui en
restituer autant de même espèce et qualité, à l’expiration du délai convenu. Le prêt
de consommation se contracte aussi lorsque celui qui est créancier d’une somme
60
Article 1054 COC
61
Article 1060 COC
62
Article 1057 COC
Inès YOUSSEF Page 47
en numéraire, ou d’une quantité de choses fongibles, à raison d’un dépôt ou à
d’autres titres, autorise le débiteur à retenir, à titre de prêt, la somme ou quantité
qu’il doit.
Le prêt de consommation peut avoir pour objet « des choses mobilières, telles que
des animaux, des étoffes, des meubles meublants ou des choses qui se consomment
par l’usage, telles que des denrées, du numéraire »63.
Il faut distinguer le prêt des autres conventions, telles que les conventions d’apport
en société (a), de dépôt (b), ou encore de portage (c).
63
Article 1084 COC
64
D.LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, JCL, 1er Novembre 2017
65
« Cependant, il existe des prêts qui sont rémunérés par une participation au chiffre d’affaires de
l’emprunteur. La qualification de prêt a ainsi pu être retenue dans une hypothèse dans laquelle une personne
s’était engagée à mettre à la disposition d’une autre une somme destinée à l’acquisition d’un fonds tout en
précisant que la plus-value résultant de la revente serait répartie (Cass. com., 8 janv. 1969 : Bull. civ. 1969,
IV, n° 11). La qualification de société en participation a aussi été retenue dans une telle hypothèse (Cass.
1re civ. 27 févr. 1973 : Bull. civ. 1973, I, n° 73).Pour s’opposer à des demandes de remboursement de
crédit, des emprunteurs tentent ainsi parfois de démontrer l’existence d'une société de fait les unissant à
l’établissement de crédit. Ces demandes sont le plus souvent écartées, faute de démonstration de la volonté
Inès YOUSSEF Page 48
2/ Contrat de prêt et contrat de dépôt
de la banque de participer aux pertes (CA Paris, 15e ch., sect. A, 19 févr. 2002 : JurisData n° 2002-
192248) ». D.LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
66
Ibid.
67
Le dépôt irrégulier est celui qui, portant sur une chose de genre, oblige le dépositaire à restituer, non la
chose remise elle-même, mais une chose équivalente. Sur le contrat de dépôt V. Titre V. COC
68
En présence d’une stipulation d’un intérêt négatif, il conviendrait de conclure à la qualification de dépôt.
AUCKENTHALER, « Taux d’intérêt négatif : le monde à l’envers », RD bancaire et fin. 2016, étude 33.
69
D.LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 49
une société, d’une somme à restituer à une échéance et moyennant une rémunération
conventionnellement fixée70.
§2 La preuve
70
Position du Droit Français adoptée par arrêt de la Cour de Cassation Française. Cass. com., 23 janv. 2007
: JurisData n° 2007-037048 ; Rev. Sociétés 2007, p. 315, note A. VIANDIER ; RTD com. 2007, p. 425,
obs. D. LEGEAIS.
71
Article 1058 COC
Inès YOUSSEF Page 50
En droit français, classiquement le prêt était considéré comme un contrat réel72. Par
arrêt en date du 28 mars 2000, la Cour de cassation devait consacrer l’abandon de la
qualification de contrat réel en énonçant que « le prêt consenti par un professionnel
du crédit n’est pas un contrat réel »73.La Cour de cassation maintient la qualification
de contrat réel pour les prêts consentis par les non-professionnels du crédit74.
§3 La validité
72
Le prêt a pendant longtemps constitué le contrat réel par excellence. Le prêt est même apparu comme le
contrat pour lequel l’exigence de remise de la chose pour former le contrat était la plus naturelle voire la
plus nécessaire. Ce caractère réel a cependant progressivement été abandonné par la loi et par la
jurisprudence pour certains prêts. Le principe est ainsi devenu l’exception. V. D LEGEAIS, Fasc. 355 : Le
prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
73
Cass. 1re civ., 28 mars 2000 : JurisData n° 2000-001226 ; JCP E 2000 , p. 898
74
Cass. 1re civ. 7 mars 2006 : JurisData n° 2006-032543 ; JCP E 2006, 2195, note S. PIEDELIEVRE. Dans
la doctrine classique, le prêt est un contrat unilatéral. C’est une conséquence de la qualification de contrat
réel qui est conférée.
75
Pour les détails de la formation du contrat de crédit V. infra p 81 et s.
76
Article 1082 COC
77
Article 1083 COC
78
Article 1056 COC
Inès YOUSSEF Page 51
§4 Les obligations de l’emprunteur
79
Article 1061 COC
80
Article 1062 COC
81
Article 1063 COC
82
Article 1064 COC
83
Article 1087 COC
84
Article 1088 COC
85
Article 1089 COC
Inès YOUSSEF Page 52
§5 La restitution du prêt
86
D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
87
Article 1065 COC
88
Article 1090 COC
89
Article 1091 COC
90
Article 1092 COC
91
Article 1093 COC
92
Article 1094 COC
Inès YOUSSEF Page 53
Section 4 : L’opération de crédit dans le Code de commerce
Dans le Code de commerce, on trouve une énumération des opérations de crédit (§1).
Une fois, ces opérations énumérées sont présentées, il importe de se focaliser sur
l’ouverture de crédit (§2).
A/ L’ouverture de crédit
L’opération d’ouverture de crédit est l’objet des articles 705 et 706 CC. Aux termes
de l’article 705CC, l’ouverture de crédit a pour objet de mettre directement ou
indirectement à la disposition du bénéficiaire des moyens de paiement à concurrence
d’une certaine somme d’argent.
Ainsi, la notion d’ouverture de crédit est, intrinsèquement, liée à la faculté pour
l’emprunteur d’utiliser ou non la totalité des fonds, en une ou plusieurs fois, dans la
limite globale de l’enveloppe autorisée par le créancier.
Le régime de l’ouverture de crédit souffre des incertitudes liées à sa qualification.
Parfois, elle est assimilée au crédit lui-même, parfois elle s’en distingue94.
93
En version française
94
V. infra p 56 et s
Inès YOUSSEF Page 54
B/ Des avances sur titres
95
Article 707 CC
96
Article 708 CC
97
Les titres visés sont des valeurs mobilières. La valeur du titre dépend alors de la rentabilité de l’activité
commerciale exercée par la société. En d’autres termes, du fonds de commerce exploité par la société dont
les titres sont la garantie de l’avance. Il s’agit d’une opération qui se rapproche de la convention de portage.
Sur la convention de portage V. Supra p49
Inès YOUSSEF Page 55
C/ Du nantissement sur titres
En troisième lieu, on retrouve l’opération de nantissement sur titres. C’est que toutes
les valeurs mobilières, quelles que soient leurs formes, peuvent faire l’objet d’un
nantissement qui est soumis aux règles du gage, sous réserve des dérogations et
précisions édictées par le code98. C’est ainsi que le nantissement sur valeurs
mobilières peut être constitué pour garantir l’exécution de toutes obligations, même
si, s’agissant de sommes d’argent, le montant de la somme due n’est pas déterminé.
Il peut l’être également pour garantir l’exécution d’obligations qui n'ont qu'un
caractère éventuel au moment de la constitution du gage99.
Enfin, la dernière opération de crédit citée dans le Code de commerce est celle du
crédit documentaire100 qu’est un crédit ouvert par une banque à la demande d’un
donneur d’ordre en faveur d’un correspondant de celui-ci et garanti par la possession
des documents représentatifs de marchandises en cours de transport ou destinées à
être transportées. Il reste à signaler que le crédit documentaire est indépendant du
contrat de vente qui peut en former la base et auquel les banques restent
étrangères101.
98
Articles 710 à 719 CC
99
Article 711 CC
100
Section IV, Articles 720 à 727 CC
101
Article 720 CC
Inès YOUSSEF Page 56
ainsi que la distinction entre l’ouverture du crédit et la promesse de prêt serait simple
à démonter (C).
L’ouverture de crédit est réglementée par les articles 705102 et 706103 CC qui
constituent la section première du chapitre huit du livre cinq du code de commerce
intitulé « les contrats commerciaux ». Il s’agit ainsi d’un contrat et non pas une
simple convention. Le contrat d’ouverture de crédit est un contrat de nature
commercial (1) et un contrat intuitu personae104 (2).
102
Selon l’article 705 CC : "L’ouverture de crédit a pour objet de mettre directement ou indirectement à la
disposition du bénéficiaire des moyens de paiement à concurrence d’une certaine somme d’argent.
L’ouverture de crédit est consentie pour une durée limitée ou illimitée ; dans le second cas, elle est révocable
à la volonté du banquier, à charge de préavis de huit jours par lettre recommandée. Toute stipulation
contraire est réputée non écrite".
103
Selon l'article 706 CC:" L’ouverture de crédit peut être révoquée de plein droit avant le terme convenu,
en cas de décès du bénéficiaire, de survenance chez lui d'une cause d'incapacité, de cessation notoire de ses
paiements même non constatée par jugement, et de faute lourde commise dans l'utilisation du crédit qui lui
a été consenti."
104
Intuitu personæ est une locution latine signifiant « en fonction de la personne »
105
V. Supra, p5
106
T.BEN NASR, Droit bancaire, édition 2017, p 215
Inès YOUSSEF Page 57
prendre la qualification d’acte mixte en ce sens qu’il est commercial vis-à-vis du
banquier et civil à l’égard du client. Ainsi, l’ouverture de crédit est de nature
commerciale dans les relations du client commerçant et du banquier.
107
Pour les développements de ce caractère V. infra p 58
108
D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
109
En droit français, en l’absence d’une convention écrite de crédit par découvert, la jurisprudence exige
une pratique antérieure de crédit par découvert tacite (Cass. com., 5 déc. 2000 : JurisData n° 2000-007225).
La preuve de l’ouverture de crédit résulte alors de l’analyse des soldes débiteurs du compte (CA Rennes,
28 juin 2001 : JurisData n° 2001-156189).
110
T.BEN NASR, op.cit., p 219
Inès YOUSSEF Page 58
Ces principes ne sont pas conformes aux impératifs du droit des affaires fondés sur
la rapidité des transactions commerciales. Pour cette raison on trouve quelques
exceptions à cette règle tel que l’article 478 COC qui précise que la preuve
testimoniale est recevable « entre commerçants, dans les affaires où il n’est pas
d’usage d’exiger des preuves écrites ».L’article 598 CC111 est plus explicite et
consacre le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale.
111
Article 598 CC : « Les engagements commerciaux se constatent : 1) par acte authentique ; 2) par acte
sous seing privé ; 3) par le bordereau ou arrêté d'un agent de change ou courtier, dûment signé par les
parties ; 4) par une facture acceptée ; 5) par la correspondance ; 6) par les livres des parties ; 7) par la preuve
testimoniale et par présomptions dans le cas où le tribunal croira devoir les admettre. Le tout, sauf les
exceptions établies par la loi »
112
V.TBEN NASR, « L’allocation de crédit donne –t-elle droit à des facilités de caisse, Comm.arrêt TPI
Tunis N°2144 du 13 novembre 2007, IJ, octobre, novembre 2008.
113
T.BEN NASR, op.cit., p 220
Inès YOUSSEF Page 59
essentiellement consensuels sont soumis au principe de la liberté de preuve édicté
par l’article 598CC qui répond le mieux aux engagements des commerçants »114.
114
Pour plus de détails V. BEN NASR, op.cit.
115
D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
116
En droit français, dès lors que la tolérance est renouvelée, la facilité de caisse se transforme en ouverture
de crédit. N’étant alors plus occasionnelle, elle ne peut cesser sans préavis. La facilité de caisse peut en
effet être assimilée à l’ouverture de crédit dans la mesure où, parfois, elle désigne un véritable crédit d’une
durée de quelques jours. D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 60
Etant une simple tolérance, le prêteur peut pour cette raison y mettre fin sans respect
d’un préavis117.
Pour la Cour de cassation française : « l’ouverture de crédit qui constitue une
promesse de prêt, donne naissance à un prêt à concurrence des fonds utilisés par le
client »118. La chambre commerciale distingue ainsi deux temps dans la formation
du contrat de prêt. Dans un premier temps, les parties s’accordent sur le montant des
sommes susceptibles d’être prêtées. Dans un second temps, le bénéficiaire de la
promesse fait usage de la possibilité qui lui est conférée. La promesse se transforme
alors en prêt. La qualification de contrat-cadre est adaptée lorsque la banque doit
donner son accord pour chaque opération. Tel est le cas en matière d’escompte.
117
Sur ce point, la position de la jurisprudence tunisienne n’est pas claire. V. T.BEN NASR, « L’allocation
de crédit donne –t-elle droit à des facilités de caisse », Comm.arrêt TPI Tunis N°2144 du 13 novembre
2007, IJ, octobre, novembre 2008.
118
Cass. com., 21 janv. 2004 : JurisData n° 2004-022000
119
J. STOUFFLET, Le contrat de financement : CRÉDA, p. 156
120
V. D. LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
121
Ibid.
Inès YOUSSEF Page 61
patrimoine de la banque de sorte qu’elles ne sauraient être saisissables dans le
patrimoine du client. Ensuite, le bénéficiaire d’une ouverture de crédit n’est pas
créancier de la banque tant qu’il n’a pas levé l’option qui lui a été consentie par celle-
ci. Enfin, la levée de l’option est un droit personnel appartenant au débiteur,
insusceptible d’être exercé par son créancier pratiquant une saisie attribution. Il est
impossible d’exiger du débiteur qu’il s’endette pour faire face à ses obligations.
Cette solution a été contestée par une double analyse de la saisie-attribution et de
l’ouverture de crédit122.
122
Ibid.
Inès YOUSSEF Page 62
CHAPITRE 2 : LA REALISATION DES
OPERATIONS DE CREDIT
Dans le cadre d’une opération de crédit réalisée par une banque, le dispensateur de
crédit peut être une seule banque ou plusieurs banques. Lorsque l’opération est
simple et sans grands risques, le crédit n’est généralement accordé à une entreprise
que par une seule banque qui prend en charge tel ou tel type de crédit (prêts, avances,
escomptes, etc.).
Lorsque l’opération est plus importante ou risquée, il est fréquent que plusieurs
banques interviennent pour son montage financier, en fournissant chacun une partie
des fonds nécessaires ou en combinant divers types de crédit ; tel est, notamment le
cas, lorsque celui qui avance les fonds exige qu’une autre banque engage sa signature
en faveur du crédité.
Lorsque, à propos d’une opération complexe, importante ou risquée, plusieurs
banques passent un accord pour son financement, on est en présence de crédits
consortiaux ou syndiqués (il est souvent fait référence, en pratique, au crédit accordé
par un pool bancaire ou au « tour de table »).
Reste à savoir si les banques (unique ou regroupées) sont les seules parties qui
peuvent réaliser une opération de crédit ou non (section 1). La réponse à cette
question permet de se prononcer sur l’existence d’un droit discrétionnaire de la
banque dans l’octroi du crédit (section 2). Ceci étant, la réalisation de l’opération de
crédit passe nécessairement par la formation du contrat de crédit (section 3).
§1 Le monopole bancaire
Comme les services rendus par les banques et les établissements financiers sont
distincts, les conditions d’accès à ces deux professions sont également différentes123.
La qualité du banquier exige de remplir des conditions de fond (1) et des conditions
de forme (2).
123
Les opérations de crédit réalisées par les établissements financiers sont étudiées dans le cadre des
séminaires
Inès YOUSSEF Page 64
a) Les conditions relatives à l’activité bancaire
La loi 2016 prévoit dans son article 17 que : « Est considérée banque, toute
personne morale qui exerce, à titre habituel, la collecte des dépôts au sens de l’article
5 de la présente loi et la mise, à disposition de la clientèle, des moyens de paiement,
en vue d’exercer les autres opérations bancaires visées à l’article 4 de la présente loi.
Chaque banque agréée conformément aux dispositions de la présente loi accède à la
qualité d’intermédiaire agréé pour effectuer les opérations de change au sens de la
législation en vigueur en matière de change ».
Ainsi, l’article 17 cite uniquement deux services pour définir une banque. Il s’agit
de la collecte des dépôts et la mise, à disposition de la clientèle, des moyens de
paiement124.
L’exercice à titre habituel des opérations bancaires est réservé aux banques et aux
établissements financiers. D’après les articles 17, le monopole des banques concerne
désormais la réception des fonds du public et la mise à disposition des moyens de
paiements. Ainsi, sur ces deux opérations, la banque bénéficie d’un monopole et
peut partager l’exercice de toutes les autres activités avec les établissements
financiers. De la sorte, l’opération de crédit peut être exercée par les établissements
financiers.
Les établissements financiers sont répartis en quatre types :
- Les établissements de leasing
- Les établissements de factoring
- Les banques d’affaires
- Les établissements de paiement
124
V. Supra p 20.
Inès YOUSSEF Page 65
A l’exception des deux premiers établissements qui se prêtent à des opérations
spécifiques125, la question se pose concernant les banques d’affaires et les
établissements de paiement, peuvent –ils octroyer des crédits ?
Selon l’article 19 de la loi bancaire, la banque d’affaire peut octroyer des
financements aux entreprises, en vue de renforcer leurs fonds propres, ou encore
octroyer au profit des entreprises, de crédits relais dont le délai de remboursement
n’excède pas une année, et ce, en rapport avec les opérations d’ingénierie financière.
Quant aux établissements de paiement, ils ne peuvent pas octroyer des crédits. En
effet, l’article 19 de la circulaire 2018126, interdit aux établissements de paiement
d’accorder des facilités de crédits sur le compte de paiement et/ou d’alimenter le
solde d’un compte de paiement par des unités de recharge téléphoniques ou par toute
autre monnaie autre qu’une monnaie centrale. Le compte de paiement ne peut à
aucun moment présenter une position débitrice127.
125
Objet de la deuxième partie relative aux séminaires.
126
Circulaire BCT N° 2018-61 du 31 décembre 2018 relative aux règles régissant l’activité et le fonctionnement des
établissements de paiement.
127
Article 31 circulaire 2018 précitée.
Aussi, en vertu de l’article 53 de la loi bancaire, la banque doit créer au sein de son
organigramme des fonctions d’audit interne, de gestion des risques et de contrôle de
conformité132.
Ces règles concernent les qualités de la personne même de celui qui sollicite
l’agrément pour exercer la profession bancaire et le cumul de mandats.
Les conditions relatives aux dirigeants des banques133 : Une vérification de
l’honorabilité des requérants et des qualifications des dirigeants appelés à
gérer l’institution bancaire est nécessaire. C’est ainsi que l’article 60 de la loi
128
Est considéré membre indépendant au sens de la présente loi, toute personne n’ayant pas de liens avec
ladite banque ou ledit établissement ou avec ses actionnaires ou ses dirigeants de nature à entacher
l’indépendance de ses décisions ou l’entraîner dans une situation de conflit d'intérêt réelle ou potentielle.
Sont considérés petits actionnaires, le public au sens de la législation organisant le marché financier.
Y.KNANI, « Réflexions sur l’administrateur indépendant », IJ, N°294/295, Février 2020.
129
Art. 49 Loi bancaire.
130
Art. 50 Loi bancaire.
131
Art. 51 Loi bancaire.
132
Il faut remarquer que la banque ou l’établissement financier agréé pour exercer les opérations bancaires
islamiques peut selon l’article 54, créer un comité nommé « comité de contrôle de conformité des normes
bancaires islamiques » rattaché au conseil d’administration ou au conseil de surveillance. Rappelons que
les opérations de finance islamique ne sont pas des opérations de crédit.
133
La banque est une société anonyme. Les dirigeants d’une SA dépendent de la forme choisie. Pour une
SA à conseil d’administration, ses dirigeants sont le directeur général, le directeur général adjoint, le
président du conseil et un débat doctrinal concerne les membres du conseil d’administration. Pour une SA
à directoire, le dirigeant est représenté par les membres du directoire et du conseil de surveillance.
Inès YOUSSEF Page 68
2016 dresse une liste des personnes interdites d’exercer cette fonction134. Dans
cette optique sélective, l’article 59 de la loi bancaire précise que le président
du conseil d’administration, le directeur général, le président du conseil de
surveillance ou le président du directoire des banques et des établissements
financiers résidents doivent être de nationalité tunisienne. Le directeur général
ou le président du directoire d’une banque ou d’un établissement financier
doivent avoir le statut de résident en Tunisie au sens de la réglementation des
changes en vigueur.
Il reste à noter que l’article 55 de la loi 2016 prévoit que la banque est tenu de
notifier à la banque centrale de Tunisie dans un délai ne dépassant pas sept
jours, toute désignation du président, d’un membre du conseil
d’administration, du conseil de surveillance, du directeur général, du directeur
134
Dans ce sens, l’article 60 dispose que : « Nul ne peut diriger, administrer, gérer, contrôler ou engager
une banque, un établissement financier, une agence, ou une succursale de banque ou d’établissement
financier :
- s'il a fait objet d’un jugement irrévocable pour faux en écriture, vol, abus de confiance, escroquerie
extorsion de fonds ou valeurs d'autrui, soustraction commise par dépositaire public, corruption ou
évasion fiscale, émission de chèque sans provision, recel des choses obtenues à l'aide de ces
infractions ou infraction à la réglementation des changes ou à la législation relative à la lutte contre
le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme,
- s'il a fait objet d'un jugement irrévocable de faillite,
- s'il a été gérant ou mandataire de sociétés, condamné en vertu des dispositions du code pénal
relatives à la banqueroute,
- si, en vertu d’une sanction infligée par la banque centrale de Tunisie ou par l’une des autorités
chargées du contrôle du marché financier ou des entreprises d’assurance et de réassurance ou des
institutions de microfinance, il a été révoqué des fonctions d’administration ou de gestion d’une
entreprise soumise au contrôle de autorités susvisées,
- s’il a fait l’objet d’une sanction de radiation dans l’exercice d’une activité professionnelle régie
par un cadre légal ou réglementaire,
- s’il est établi pour la banque centrale de Tunisie, sa responsabilité dans la mauvaise gestion d’une
banque ou d’un établissement financier ayant causé des difficultés qui ont rendu nécessaire la
soumission de la banque ou l’établissement financier à un plan de résolution ou à la liquidation. »
Par ailleurs , selon l’article 56 de la loi 2016, dans la désignation du président, d’un membre du conseil
d’administration, du conseil de surveillance, du directeur général, du directeur général adjoint et du
président, ou d’un membre du directoire, la banque doit se baser, notamment, sur les critères suivants :
- l’intégrité et la réputation,
- les qualifications scientifiques, la compétence et l’expérience professionnelle ainsi que leur
concordance avec les fonctions confiées à la personne concernée,
- l’absence des interdictions prévues par l’article 60 de la présente loi (ci-dessus mentionnées).
Inès YOUSSEF Page 69
général adjoint et du président, ou d’un membre du directoire. La BCT peut,
compte tenu des critères prévus par l’article 56 de la loi bancaire, s’opposer à
la dite désignation dans le délai d’un mois à compter de la date de sa
notification. Elle est tenue de motiver toute décision d’opposition. Dès son
information de la décision d’opposition, la banque ou l’établissement
financier doit suspendre la décision de désignation.
135
Article 58 Loi bancaire.
Inès YOUSSEF Page 70
a) La forme de l’entreprise bancaire
D’après les conditions de fond exigées pourra avoir la qualité de banque, il est
évident que cette dernière doit avoir la forme d’une société anonyme. Dans ce sens,
l’article 31 de la loi bancaire précise que toute banque ou établissement financier
soumis aux dispositions de la présente loi ayant son siège social en Tunisie ne peut
être constitué que sous la forme d’une société anonyme.
b) L’agrément
C’est ainsi que l’article 24 de la loi 2016 dispose que : «Quiconque désirant exercer,
à titre habituel, les opérations bancaires prévues par l’article 4 de la présente loi, en
qualité de banque ou d’établissement financier, doit préalablement à l’exercice de
son activité en Tunisie, obtenir un agrément à cet effet, conformément aux
conditions fixées par la présente loi. »
Toutefois, selon l’article 80 de la loi bancaire, est soumis à un cahier des charges
établi par la banque centrale de Tunisie toute :
L’agrément est accordé par une décision de la commission d’agréments créée par la
loi 2016, sur la base d’un rapport de la BCT.
Ces sanctions136 peuvent être des sanctions civiles (1) ou pénales (2).
136
V. T.BEN NASR, op, cit, p 39 et s, n°54 et s
137
L’affaire Adel Dridi est symptomatique. Néanmoins, la jurisprudence tunisienne l’a condamné sur la
base du droit pénal et non la violation du monopole bancaire. Le mécanisme de fraude de la société Yosr
Développement existe partout dans le monde depuis des décennies. Il repose sur la veille pratique de chaîne
de Ponzi. Adel Dridi utilisait donc l’argent des uns pour les reverser aux autres. Un système pyramidal qui
ne pouvait fonctionner qu’à condition que tout le monde ne souhaite pas récupérer son investissement au
même moment. Ainsi ceux qui récupéraient leurs investissements étaient satisfaits de rendements
exceptionnels quand les autres espéraient une satisfaction future. Entre temps la société est en train de
dilapider les fonds de sa clientèle.
Inès YOUSSEF Page 73
n’avait pas pour but la protection des intérêts privés du client. Le défaut d’agrément
bancaire n’entraîne pas la nullité des contrats conclus138.
Le respect du monopole bancaire ne sera effectivement garanti qu’à travers les
sanctions pénales.
Aux termes de l’article 183 de la loi 2016 « Est punie d'un emprisonnement de 3
mois à 3 ans et d'une amende de 100.000 dinars à 1.000.000 dinars ou de l'une de
ces deux peines seulement, toute personne qui exerce à titre habituel, l’une des
opérations bancaires sans avoir obtenu l’agrément préalable conformément
aux dispositions de l’article 24 de la présente loi ».
Pour s’assurer qu’une activité est soumise à agrément, la BCT est en droit de
réclamer tous les renseignements nécessaires et d’engager sur place toutes les
investigations en se faisant présenter les livres comptables, les correspondances,
contrats et plus généralement tous les documents qu’elle juge nécessaires pour
l’accomplissement de sa mission. La BCT peut, après audition du représentant de
l’établissement concernée, transmettre son dossier à la justice en vue de sa
liquidation.
Quant à l’article 184 de la loi 2016, il prévoit une sanction d’emprisonnement d’un
mois à 3 mois et d'une amende de 20.000 à 50.000 dinars, ou de l’une de ces deux
peines seulement, pour toute personne non agréée en qualité de banque qui
utilise dans son activité et d’une manière quelconque des termes susceptibles de
créer un doute dans l’esprit d’un tiers quant à l’exercice de l’activité bancaire.
J. STOUFFLET, « Le défaut d’agrément bancaire n’entraîne pas la nullité des contrats conclus », note
138
Cass ass. plén., 4 mars 2005, Hubert X. c/ Sté Axa Bank et a., revue de droit bancaire et financier mai-juin
2005 p.48.
Inès YOUSSEF Page 74
§2 Exceptions et limites au monopole
A/ Le microcrédit
139
Une entorse d’importance au monopole bancaire mais qui intéresse essentiellement les bénéficiaires du
monopole, résulte du développement d’un marché bancaire parallèle, le shadow banking, un système
d’intermédiation de crédit auquel concourent des entités et activités extérieures au système bancaire régulé,
caractérisé par des activités de transformation d’échéances et de risque de crédit, et notamment des rachats
de créances. On trouve également le crowdfunding – ou le financement participatif – qui permet à des
particuliers, via des plateformes électroniques, d’accorder des crédits.
Enfin le législateur français a permis aussi avec la loi Macron d’introduire une nouvelle exception au
monopole bancaire pour permettre les prêts entre entreprises. V. article L.511-6 du Code monétaire et
financier français.
140
Ces exceptions ne concernent pas le monopole bancaire sur les opérations de crédit.
141
V. I.YOUSSEF, « La gouvernance des institutions de microfinance », in Aspects juridiques de la
microfinance, Driman, Maison du Livre, p6.
Inès YOUSSEF Page 75
1/ Définition
Le montant total des crédits accordés par chaque institution de micro finance pour
le financement des besoins visant l’amélioration des conditions de vie ne doit pas
dépasser 15% de l’encours global de leur portefeuille de crédit.
En vertu de l’article 474 CSC : « Nonobstant toute disposition contraire, il est permis
d’effectuer des opérations financières entre les sociétés du groupe ayant des liens
directs ou indirects de capital, dont l’une dispose d’un pouvoir sur les autres dû à la
détention de plus de la moitié du capital social. » Il en découle alors que les
142
L’article 461 CSC précise que : « Est considérée comme étant contrôlée par une autre société, au sens
du présent titre, toute société :
- dont une autre détient une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote,
- ou dont une autre société y détient la majorité des droits de vote, seule ou en vertu d'un accord conclu
avec d'autres associés,
- ou dont une autre société y détermine, en fait, les décisions prises dans les assemblées générales, en vertu
des droits de vote dont elle dispose en fait. Le contrôle est présumé dès lors qu'une société détient
directement ou indirectement quarante pour cent au moins des droits de vote dans une autre société, et
qu'aucun autre associé n'y détienne une fraction supérieure à la sienne. La société mère doit détenir une
participation directe ou indirecte dans le capital de chacune des sociétés appartenant au groupe de sociétés.
Est réputée filiale, toute société dont plus de cinquante pour cent du capital est détenu directement ou
indirectement par la société mère, et ce, abstraction faite des actions ne conférant pas à leur porteur des
droits de vote. »
Inès YOUSSEF Page 78
opérations financières au sein du groupe de sociétés sont considérées comme une
exception aux dispositions de la loi bancaire et notamment au monopole bancaire.
Les opérations financières ou encore les opérations de trésorerie sont « tout prêt au
sens de la législation relative aux établissements de crédit, toute avance en compte
courant ou garantie, quelles qu’en soient la nature et la durée. »143
Ces opérations ne peuvent être effectuées qu’aux conditions suivantes144 :
1- l’opération financière soit normale et n’engendre pas de difficultés pour la
partie qui l’a effectuée,
2- l’opération soit justifiée par un besoin effectif pour la société concernée et
qu’elle ne résulte pas de considérations fiscales,
3- l’opération comporte une contrepartie effective ou prévisible pour la
société qui l’a effectuée,
4- l’opération ne vise pas la réalisation d’objectifs personnels pour les
dirigeants de droit ou de fait des sociétés concernées.
143
Article 474 CSC.
144
Article 474 CSC.
145
Par ex. Cass. com., 2 juill. 2002, no 00‐13.459 ; Cass. com., 15 janv. 2002, no 99‐20.334.
Inès YOUSSEF Page 79
faire »146. Il s’agit pouvoir discrétionnaire147. Il à préciser que le seul fait qu’un crédit
soit encadré par les textes n’oblige pas la banque à l’accorder. Autrement-dit même
si le client satisfait les conditions et les modalités prévues dans la circulaire N° 87-
47, cela ne lui ouvre pas un droit à l’obtention du crédit.
Pour la banque, la sélection des entreprises est une tâche évidente et cela pour
plusieurs raisons :
- D’une part, le banquier est sans doute, en faute quand il prête son concours à
une entreprise pour financer une activité illicite ou une opération délictueuse
: escroquerie, contrebande, contrefaçon, fraude fiscale, trafic de stupéfiants,
terrorisme, etc. D’ailleurs, c’est précisément la banque qui est aujourd’hui, au
cœur du processus de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent.
146
Cass. ass. plén., 9 oct. 2006, n° 06-11.056, Bull. civ. ass. plén., n° 11, RLDA 2006/10, n° 556 réaffirmé
par com 25 octobre 2017.V.X. DELPECH, « Confirmation du principe de liberté de crédit », Dalloz
Actualité, 16 novembre 2017.
147
DE VAUPLANE, « Les banques et la discrimination », RD bancaire et fin. 2013, no 1, p. 102.
148
Dans certains pays comme par exemple en France, de nombreuses dispositions ou accords
interprofessionnels s’efforcent de favoriser l’accès au crédit de diverses catégories, par exemple des
personnes de santé fragile que les assureurs ne veulent pas garantir.
149
V. Article 2 la circulaire du 23 décembre 1987.
Inès YOUSSEF Page 80
Différentes obligations lui sont imposées tant par le législateur150 que le
régulateur151.
- D’autre part, par les décisions d’octroi ou de refus qu’elle prend, la banque
joue un rôle de police économique. Si le crédit est distribué à des personnes
qui ne peuvent en assumer la charge, le crédit n’aura fait que dissiper les fonds
confiés au banquier et il aura augmenté artificiellement le passif de
l’emprunteur et accru le nombre de ses créanciers.
150
Loi N°2015-26 du 7 aout 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment
d’argent.
151
Circulaire de la BCT 2018-09 relative aux Règles de contrôle interne pour la gestion du risque de
blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
152
V. les exigences de la KYC : Circulaire de la BCT 2018-09 précitée.
Inès YOUSSEF Page 81
Du droit de ne pas accorder de crédit doit être rapproché celui de refuser d’augmenter
le montant du découvert autorisé et celui de refuser de renouveler un crédit parvenu
à expiration.
La liberté de refuser le crédit disparaît lorsque le banquier s’est engagé à faire crédit,
d’où l’importance de la preuve du prêt ou de l’ouverture de crédit et de son montant.
Il faut encore réserver le cas où le banquier aurait commis une faute en faisant croire
qu’il accorderait du crédit. La banque n’est pas fautive si elle avait simplement
donné un accord de principe l’obligeant seulement à poursuivre de bonne foi
des négociations, en vue de l’octroi d’un crédit, et que ces négociations n’ont pas
abouties.
A/ L’offre de prêt
Les banques peuvent être considérées comme étant en état d’offre permanente153.
Elles font même des publicités à cette fin, proposant différents types de crédits. La
banque ne peut, cependant, être engagée que si elle a émis une offre ferme au profit
d’un emprunteur donné. Le contrat de crédit étant marqué par l'intuitu personae154,
la banque ne peut être tenue de consentir le crédit proposé à tous ceux qui en font la
demande155. Généralement, l’offre peut faire suite à une demande précise du client.
Elle peut alors en reprendre les éléments essentiels.
L’offre du prêteur peut être soumise à une condition suspensive ou résolutoire156.
L’allocation du crédit peut ainsi être soumise à la condition de fourniture de
garanties par l’emprunteur. Le crédit peut être consenti à la condition du versement
d’une partie du prix par l’emprunteur à l’acheteur. L’offre peut aussi réserver
l’hypothèse de la survenance des faits nouveaux susceptibles d’empêcher ou de
modifier substantiellement la réalisation de l’opération.
L’offre doit être distinguée d’un simple pourparler en vue d’un financement. Il y a
pourparlers lorsqu’une offre n’a pas été acceptée dans le délai indiqué. Le pourparler
n’engage pas la banque qui n’est pas tenue d’y donner suite. Cependant, une banque
ne peut rompre brutalement les pourparlers sans justes motifs. Elle manque alors à
son devoir de bonne foi157.
153
D.LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun ,op.cit.
154
V. Supra p 58.
155
V. Supra p 79.
156
V. Articles 116 et s COC
157
Cas de la banque qui après être entrée en pourparlers n'a pas proposé aux contractants la reprise des
négociations en vue de l'aboutissement du projet prévu, .L'interlocuteur peut alors engager sa
responsabilité et lui demander réparation du préjudice subi. Celui-ci consiste dans la perte d'une chance de
réaliser l'opération envisagée. L'interlocuteur doit démontrer qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'obtenir
Inès YOUSSEF Page 83
Un emprunteur peut-il reprocher à une banque d’avoir répondu tardivement à sa
demande de crédit ? En effet, certains crédits sont saisonniers comme les crédits de
campagne. Ainsi un emprunteur pourrait subir un dommage en l’absence d’une
réponse à temps. Sauf que le préjudice dans le cas d’espèce ne serait pas certain car
la banque conserve un droit discrétionnaire dans l’allocation des crédits158.
La banque peut donner un accord de principe suite à la demande du client. Cet accord
ne l’engage alors pas définitivement. La banque peut, en effet, souhaiter obtenir des
compléments d’informations ou entreprendre certaines vérifications. Celui qui
sollicite un crédit est aussi tenu d’un devoir de collaboration. Il doit fournir les
renseignements demandés et tenir informé la banque, de l’état d’avancement des
démarches. Il doit aussi respecter les conditions posées par la banque.
B/ Acceptation de l’offre
un crédit d’un autre établissement .V. D.LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit
commun ,op.cit.
158
Le préjudice pourrait être lié à l'obligation de saisir un autre établissement et d’obtenir un prêt à de moins
bonnes conditions. Mais une banque n'est pas tenu d'accepter une demande de prêt et le préjudice n'est pas
lié à l'absence de réponse.CA Paris, 15e ch., sect. B, 13 oct. 2006 : JurisData n° 2006-317364.
Inès YOUSSEF Page 84
les éléments essentiels du prêt : montant, taux d’intérêts, durée, garanties et
assurances.
Le consentement des deux parties doit être exempt de vices. Le contrat de crédit
reposant sur la confiance, il est important que les deux parties se communiquent
réciproquement les informations essentielles. C’est l’emprunteur potentiel qui aura
le plus la tentation de dissimuler des informations ou de tromper la banque. La
banque peut aussi se prévaloir d’un vice du consentement.
§3 La capacité d’emprunter
159
V.Supra p 51. Rappelons que l’article 1083 COC précise que : « Pour prêter il faut avoir la capacité
d'aliéner les choses qui font l'objet du prêt. Le père ne peut, sans l'autorisation du juge, prêter, ni
emprunter lui-même les capitaux du fils dont il a la garde. Le juge devra prescrire dans ce cas toutes les
garanties qui lui paraîtront nécessaires afin de sauvegarder complètement les intérêts du mineur. La même
règle s'applique au tuteur, au curateur, à l'administrateur d'une personne morale, en ce qui concerne les
capitaux ou valeurs appartenant aux personnes dont ils administrent les biens.
Inès YOUSSEF Page 85
au patrimoine de l’emprunteur. Le même acte n’a pas la même gravité selon qu’il
est conclu par une personne ayant des ressources importantes ou des revenus
modestes »160.
§4 Le pouvoir d’emprunter
La personne qui contracte le prêt doit en avoir le pouvoir. Ce pouvoir peut résulter
d’un mandat. Plusieurs contraintes résultent de l’application du droit des sociétés. Il
importe que le crédit soit conforme à l’intérêt social. Il faut aussi distinguer le crédit
accordé à une société en formation (A) et celui consenti à une société immatriculée
(B).
Au même titre que le contrat de bail, les contrats de crédit sont souvent souscrits
par les fondateurs de la société alors que cette dernière est en cours de formation.
Les prêts souscrits par les fondateurs peuvent être repris par la société à la condition
que les conditions de la reprise soient respectées161.
160
V. D.LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun ,op.cit.
161
Articles 171 et 444 CSC.
Inès YOUSSEF Page 86
président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au
nom de la société et ce, dans les limites de l’objet social.
Dans le même sens, l’article 114 CSC précise que : « Dans ses rapports avec les
tiers, la société est engagée par tous les actes accomplis par le gérant et relevant de
l’objet social. Les dispositions ci-dessus indiquées s'appliquent, en cas de pluralité
de gérants, aux actes accomplis par chacun deux. L’opposition formée par un gérant
aux actes d’un autre gérant est sans effet à l’égard des tiers, à moins qu’il ne soit
établi qu’ils en aient eu connaissance. Les actes du gérant qui dépassent l'objet social
engagent la société à l'égard des tiers. Sauf s'il a été prouvé que le tiers ne pouvait
l'ignorer compte tenu des circonstances. La simple publication des statuts ne peut
être considérée comme une preuve de cette connaissance. Les clauses statutaires
limitant les pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers même en cas de
publication des statuts. »
Il ressort des dispositions ci-dessus citées que, tant que l’opération réalisée par le
représentant de la société est conforme à l’objet social, elle demeure opposable aux
tiers. Raison pour laquelle, il incombe à la banque de vérifier les pouvoirs du gérant
et la conformité à l’objet social.
Rappelons que dans le cadre des sociétés à responsabilité limitée, avec la loi 2019
sur l’amélioration du climat d’investirent163, l’emprunt important conclu au profit de
162
Article 197 CSC - Le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute
circonstance au nom de la société dans les limites de l'objet social. Toutefois, le conseil d'administration ne
peut empiéter sur les pouvoirs réservés par la loi aux assemblées générales des actionnaires. Les stipulations
des statuts limitant les pouvoirs du conseil d'administration sont inopposables aux tiers. Dans les rapports
avec les tiers, la société est engagée même par les actes du conseil d'administration qui ne relèvent pas de
l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait ou ne pouvait ignorer que l'acte dépassait cet
objet.
163
Loi n° 2019-47 du 29 mai 2019, relative à l’amélioration du climat de l’investissement.
Inès YOUSSEF Page 87
la société, dès lors que les statuts fixent le minimum, est une opération soumise aux
procédures de l’article 115 CSC164. Toutefois, les conventions non approuvées
produisent leurs effets, mais le gérant ou l’associé contractant seront tenus pour
responsables, individuellement et solidairement s’il y a lieu, des dommages subis
par la société de ce fait.
De même, selon l’article 200 CSC, l’emprunt important conclu au profit de la société
anonyme dont les statuts fixent le minimum doit être soumis à l’autorisation
préalable du conseil d’administration, à l’approbation de l’assemblée générale et à
l’audit du commissaire aux comptes.
§5 La cause
Conclu avec une banque, le prêt est un contrat synallagmatique. Ainsi, l’obligation
de l’une des parties trouve sa cause dans l’obligation souscrite par l’autre partie. La
cause de l’obligation de mise à disposition du prêteur est la contrepartie patrimoniale
qu’il reçoit de l’emprunteur, c’est-à-dire la perception des intérêts165.
164
En effet l’article 115 CSC impose que : « Toute convention intervenue directement ou par personne
interposée entre la société et son gérant associé ou non, ainsi qu’entre la société et l’un de ses associés devra
faire l’objet d’un rapport présenté à l’assemblée générale soit par le gérant, soit par le commissaire aux
comptes s’il en existe un. L’assemblée générale statue sur ce rapport, sans que le gérant ou l’associé
intéressé puisse prendre part au vote, ou que leurs parts soient prises en compte pour le calcul du quorum
ou de la majorité. Lorsque la société ne comporte qu’un seul associé, la convention conclue avec la société
doit faire l’objet d’un document joint aux comptes annuels. »
165
V. infra p 98 et s.
Inès YOUSSEF Page 88
CHAPITRE 3 : LA REMUNERATION DANS LES
OPERATIONS DE CREDIT
B/ Lieu de remboursement
Les obligations sont quérables et non portables, ce qui signifie que le paiement doit
C/ Montant de remboursement
Le client est tenu de rembourser à la banque le montant des sommes prêtées majorées
des intérêts et commissions. Il est possible de décaler dans le temps le
remboursement de certaines échéances. Il peut y avoir stipulation d’une franchise de
remboursement. L’emprunteur peut, ainsi, n’avoir à rembourser qu’à compter d’une
certaine date.167
L’obligation qui résulte d’un prêt d’argent n’est toujours que la somme numérique
énoncée au contrat : c’est le principe du nominalisme monétaire. D’ailleurs, l’article
1090 COC impose à l’emprunteur de rendre une chose semblable en quantité et
qualité à celle qu’il a reçue et il « ne doit que cela ».
Une distinction est à noter entre la monnaie de paiement et la monnaie de compte
mais elle s’inscrit plutôt dans le cadre des contrats de crédits internationaux168.
D/ Date de remboursement
166
V. Supra p 53.
167
D.LEGEAIS, Opérations de crédit, op.cit., p 175, N°329 et s.
168
V. J-P.MATTOUT, Droit bancaire international, Revue Banque, 2009, N°379 et s.
Inès YOUSSEF Page 91
§2 Le remboursement anticipé
Le remboursement anticipé du prêt est consacré dans le COC (A). Combien même
le législateur impose le respect de certaines conditions pour le remboursement
anticipé (B), la pratique bancaire consacre la stipulation d’une clause de
remboursement anticipé (C).
169
D.LEGEAIS, Opérations de crédit, op.cit., p179.
170
En France, il est fréquent qu’un emprunteur souhaitant profiter d’une baisse des taux, demande
l’obtention d’un crédit lui permettant de rembourser celui qui a été consenti antérieurement.
171
V. infra p 99.
Inès YOUSSEF Page 93
S’agissant de la première condition : Le législateur conditionne l’ouverture
du droit au remboursement anticipé par une période d’un an à partir de la
conclusion du contrat de prêt. Or, les banques ont l’habitude de dresser les
échéanciers et le tableau de remboursement selon la formule qui leurs permet
à chaque échéance, un paiement en principal et en intérêts. Sauf que, pendant
la première période le client aura à payer majoritairement, les intérêts. De la
sorte, passée une année, le client réalise qu’il a payé essentiellement des
intérêts. Ce qui rend l’opération de remboursement anticipé dénuée de tout
avantage pour le client.
§3 Exigibilité anticipée
Les contrats de crédits ne manquent pas de prévoir les clauses des contrats qui
énoncent des cas justifiant l’exigibilité anticipée du crédit ou encore les
conséquences du non-respect par l’emprunteur de ses obligations. Le contrat peut
stipuler la déchéance du terme dès lors que l’emprunteur n’aurait pas utilisé le crédit
172
Pour la Cour de cassation française, la clause a un caractère indemnitaire. Elle permet de réparer le
préjudice subi par le prêteur. Elle a pour but de maintenir l’équilibre financier de l'opération.
173
V. infra p 112 et s.
Inès YOUSSEF Page 95
conformément à son objet, aurait fait des déclarations inexactes, en cas d’incident
de paiement, en cas de cessation d’activité, en cas de non-constitution des sûretés
promises. Ces clauses sont le plus souvent qualifiées de clauses d’exigibilité
anticipée ou de déchéance du terme.
La principale clause d’exigibilité anticipée concerne le non-paiement d’une
échéance.
En effet, le crédité doit rembourser les sommes allouées à titre d’ouverture de crédit
selon l’échéancier convenu. Généralement, la convention d’ouverture de crédit
prévoit que l’ouverture de crédit est remboursée selon une série d’effets de
commerce qui sont tirés sur le bénéficiaire ou souscrits par lui et qui doivent être
payés à leurs échéances. Si l’un des effets n’est pas réglé à l’échéance prévue, tous
les autres deviennent exigibles et le banquier est en droit de demander le paiement
du restant dû intégralement et exciper de la déchéance des termes174.
Selon la jurisprudence tunisienne, pour bénéficier de la déchéance du terme et pour
pouvoir exiger le paiement de tous les effets de commerce échus et à échoir, il faut
que les effets tirés comprennent une clause selon laquelle le non-paiement d’une
traite ou d’un billet à ordre engendre le droit d’exiger le paiement de tous les autres.
La déchéance du terme n’est pas automatique et elle doit être stipulée par les parties
et cette clause doit de ce fait, être mentionnée sur les effets.
Les contrats d’ouverture de crédit prévoient souvent la déchéance du terme en cas
de non-paiement d’une seule échéance aux termes convenus.
Seulement, lorsque les effets ne contiennent pas ladite clause, le banquier qui veut
demander le paiement de la totalité du dit crédit, doit agir en justice sur la base du
contrat et non pas sur la base des effets lorsque ces derniers ne prévoient pas de
clause de déchéance du terme175.
174
V. infra p 94 et s.
175
T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 96
Il est à signaler qu’avec la loi n° 2000-52 du 11 mai 2000, relative au "titre de
crédit", tout crédit consenti par une banque à une personne physique ou morale peut
donner lieu à la souscription par le bénéficiaire du crédit, dit le souscripteur, d’un
titre de crédit au profit de l’établissement prêteur, constatant l’intégralité des
sommes devant être remboursées au titre du crédit accordé.
La Section V de la loi relative au titre de crédit traite de l’échéance du paiement.
Aux termes de l’article 7 de la loi susvisée, le défaut de paiement d’une échéance
dans les délais, pour absence ou insuffisance de provision, emporte d’office
déchéance du terme et rend immédiatement exigible l’intégralité des sommes dues
au titre du principal du crédit accordé.
L’article 7 de ladite loi dispose que : « Le paiement du titre de crédit, au profit du
porteur est effectué par débit du compte ouvert chez la banque domiciliataire visé au
point 6 de l’article 2 de la présente loi, conformément aux échéances fixées dans le
tableau d’amortissement des créances. Lorsque la provision ne couvre pas la totalité
du montant de l’échéance due, la banque domiciliataire a le droit d’effectuer le
prélèvement à concurrence de la provision disponible.
Le défaut de paiement d’une échéance dans les délais, pour absence ou
insuffisance de provision, emporte d’office déchéance du terme et rend
immédiatement exigible l’intégralité des sommes dues au titre du principal du
crédit accordé. La preuve du paiement est faite par tout moyen. »176
Ceci étant, il faut préciser que la clause contractuelle de déchéance n’est pas opérable
en cas d’ouverture d’une procédure collective177.
176
V. Supra p 90 et s.
177
V. infra p 113.
Inès YOUSSEF Page 97
accorder aucun terme ni délai de grâce, s’il ne résulte de la convention ou de la loi.
Lorsque le délai est déterminé par la convention ou par la loi, le juge ne peut le
proroger, si la loi ne l’y autorise. Toutefois, et en dehors des cas où il s’agit du
recouvrement d’une créance de l’Etat, d’une commune ou d’un établissement public
d’Etat, un délai raisonnable pourra être accordé pour l’exécution du jugement avec
la plus grande réserve et s’il ne doit en résulter aucun inconvénient grave pour le
créancier, quand le débiteur aura justifié que ce terme favorise sa libération en lui
permettant de conclure un emprunt à meilleures conditions, ou également quand il
apparaîtra que l’inexécution de son obligation provient de circonstances
indépendantes de sa volonté.
Le délai ne devra ni excéder la durée d’une année ni être renouvelé. Le juge pourra
accorder au débiteur la faculté de se libérer par paiements échelonnés. Le jugement
énoncera le motif du délai, lequel courra du jour de la signification. Les dispositions
de l’article 149 du présent code sont applicables au délai de grâce accordé par le
juge ».
Justement, l’article 149 COC dispose que : « Le débiteur perd le bénéfice du terme
s’il est déclaré en faillite, si, par son fait, il diminue les sûretés spéciales qu’il avait
données par le contrat, ou s’il ne donne pas celles qu’il avait promises. La même
règle s’applique au cas où le débiteur aurait frauduleusement dissimulé les charges
ou privilèges antérieurs qui grèvent les sûretés par lui données.
Lorsque la diminution des sûretés spéciales données par le contrat provient d’une
cause indépendante de la volonté du débiteur, celui-ci n’est pas déchu de plein droit
du bénéfice du terme, mais le créancier a le droit de demander un supplément de
sûretés et, à défaut, l’exécution immédiate de l’obligation ».
§4 La renégociation du crédit
Il faut remarquer qu’en cas de difficultés, le client peut chercher à renégocier les
conditions de son crédit. Le prêteur n’est nullement tenu de faire droit à une telle
Il existe deux catégories d’intérêts : les intérêts créditeurs qui sont versés par les
banques en rémunération des dépôts de leur clientèle et les intérêts débiteurs que
doivent assumer les emprunteurs en contrepartie des crédits de toute nature que les
banques leur ont consentis. Il convient de distinguer le taux légal, le taux
conventionnel et le taux effectif global qui doit être calculé conformément à la loi à
partir du taux conventionnel mais en y incluant tous les frais qui ont dû être assumés
par l’emprunteur pour obtenir le crédit179.
La rémunération du banquier est faite selon l’intérêt stipulé par les parties et calculé
sur la base des sommes octroyées. Si la fixation des intérêts est libre (§ 1), elle ne
doit pas être excessive (§ 2). Le Cours et la capitalisation des intérêts obéissent à des
règles particulières (§3).
178
En pratique, il y a lieu de citer la modalité de report des échéances de crédits comme principale modalité
de renégociation des conditions contractuelles. Cette modalité a été prévue par des circulaires de la BCT
dans le domaine touristique ou agricole suite à certaines catastrophes naturelles ou attentats terroristes.
Cette modalité a été, toutefois imposée à toutes les banques à l’occasion de la crie de COVID19.
179
J.LASSERRE CAPDEVILLE, Synthèse - Crédit - Généralités et crédits aux entreprises, JCL, 8
Novembre 2019 actualisé par (M. ROUSSILLE), N°5.
Inès YOUSSEF Page 99
§1 La liberté de stipulation des intérêts
Le taux d’intérêt conventionnel est soit fixe, soit indexé, soit variable :
- Le taux fixe ne varie pas dans le temps
- Les taux indexés ou variables sont des taux évoluant dans le temps en fonction
du paramètre qui a été retenu pour les faire évoluer.
Les notions de taux indexés et de taux variables ne se confondent pas, car en
fonction de la manière dont le paramètre se répercute sur le taux initial on va
parler soit de taux indexé, soit de taux variable.
180
V. infra p 109.
Inès YOUSSEF Page 100
Aux termes de l’article 1096 COC : « Entre non-commerçants, les intérêts ne sont
dus que s’ils ont été stipulés par écrit. Cette stipulation est présumée lorsque les
contractants sont commerçants ».
Il en découle que les intérêts sont présumés lorsque les contractants sont des
commerçants, ce qui montre que le principe est la liberté de stipulation des intérêts.
Pourtant, l’article 1096 COC prévoit aussi qu’entre non commerçants les intérêts
doivent être prévus expressément par écrit. Ainsi, la stipulation des intérêts et de
leurs taux doit être prévue par écrit. En revanche, selon l’article 1097 COC, les
intérêts des sommes portées en compte courant sont dus de plein droit par celle des
parties au débit de laquelle elles figurent, à partir du jour des avances constatées.
Selon l’article 1096 COC, les intérêts sont présumés lorsque les contractants sont
des commerçants. Ici, doit-on considérer l’acte ou la qualité des personnes en
présence ? Une lecture attentive de cet article permet de répondre que le critère
retenu par le législateur est un critère subjectif. Toutefois, la Cour de cassation dans
un arrêt rendu le 7 juillet 1981 a déclaré que l’intérêt est présumé dès lors que la
créance est fondée sur des contrats commerciaux ; cette position va à l’encontre de
la lettre de cet article car un commerçant peut recourir à un crédit non pas pour ses
besoins commerciaux mais pour des exigences personnelles et l’application de
l’alinéa 2 de l’article 1096 peut alors lui être préjudiciable.
Lorsque les parties n’ont pas stipulé d’intérêt du tout, ce dernier est présumé entre
commerçants, mais lorsqu’elles n’ont pas prévu du taux d’intérêt quelle serait la
solution ? L’article 1100 COC prévoit qu’en matière commerciale l’intérêt « est égal
au taux maximum des découverts bancaires fixé par la banque centrale, majoré d’un
demi-point ». Aussi la loi n° 99-64 du 15 juillet 1999 relative au taux d’intérêt
A / L’interdiction de l’usure
L’interdiction de l’usure a été déjà prévue dans le COC (1) avant d’être reproduite
dans une loi spéciale (2)
L’article 1103 COC interdit l’usure dans les contrats de prêt au moment de leur
181
V. infra p 101
Inès YOUSSEF Page 102
conclusion et au moment de leur rééchelonnement ou de leur renouvellement.
C’est ainsi que l’article 1103 COC dispose que : « Celui qui, abusant des besoins,
de la faiblesse d’esprit ou de l’inexpérience d’une autre personne, se fait promettre,
pour consentir un prêt ou le renouveler à l’échéance, des intérêts ou autres avantages
qui excèdent notablement le taux normal de l’intérêt, et la valeur du service rendu,
selon les lieux et les circonstances de l’affaire, sera l’objet de poursuites pénales.
Les clauses et conventions passées en contravention du présent article pourront être
annulées, à la requête de la partie et même d’office, le taux stipulé pourra être réduit,
et le débiteur pourra répéter, comme indu, ce qu’il lui aurait payé au-dessus du taux
qui sera fixé par le tribunal. S’il y a plusieurs créanciers, ils seront tenus
solidairement. »
A travers cet article, le législateur consacre la théorie de l’exploitation182 qui repose
sur des critères plutôt subjectifs. Ces critères se rapportent à l’abus « des besoins, de
la faiblesse d’esprit ou de l’inexpérience d’une autre personne ». Il s’en suit
logiquement que l’application de ces critères est casuistique. Ce qui n’est pas le cas
dans le cadre de la loi 1999.
Le législateur est intervenu, par la loi 1999, en posant le principe du taux d’intérêt
effectif global (TEG) en matière de rémunération des prêts conventionnels. Le TEG
est pris en considération pour déterminer le caractère usuraire ou non du crédit
consenti. De la sorte, la détermination du caractère usuraire ou non d’un crédit
repose alors sur des critères objectifs.
Ceci étant précisé, la question s’est posée de savoir si la loi 99 a abrogé tacitement
l’article 1103 COC ? Aux termes de l’article 7 de la loi 99 : « La présente loi entre
182
L’exploitation de l’infériorité d’une des parties par son cocontractant. Le droit tunisien ne connaît la
théorie de l’exploitation que dans le cadre de la lésion. V. article 60 COC.
Inès YOUSSEF Page 103
en vigueur dans un délai de six mois à partir de sa publication au Journal Officiel de
la République Tunisienne. Sont abrogées, à partir de cette date, toutes dispositions
antérieures contraires et notamment les deux décrets du 3 février 1937 et du 24 juin
1954, relatifs à la répression de l’usure. La présente loi sera publiée au Journal
Officiel de la République Tunisienne et exécutée comme loi de l’Etat. ». Il en
découle que toute disposition antérieure contraire est abrogée. En outre, la loi 99 est
une loi spéciale qui déroge normalement au texte général de l’article 1103 COC.
Il n’en demeure pas moins que dans une certaine lecture de l’article 1103 COC,
l’abrogation n’est que partielle puisqu’elle ne touche pas tous les aspects de la
sanction183.Certaines questions relatives à la sanction sont restées inexplorées par la
loi 1999, ce qui permet d’appliquer ainsi l’article 1103 COC.
En tout état de cause, il importe de remarquer que le TEG n’est pas le taux que la
banque annonce au client, mais c’est plutôt le taux réel (effectif) du crédit. Le TEG,
c’est le taux réellement appliqué pour une opération de crédit déterminée. Il
représente le coût total du crédit qui a été consenti. Ce coût total ne se réduit pas au
taux d’intérêt conventionnel. Le taux d’intérêt est un élément important du TIEG
mais à cet élément, on en ajoute d’autres qui permettent de déterminer le coût global
du crédit consenti. La détermination du TEG est précisée dans ses éléments par une
formule, qui indique que le TEG comprend outre les intérêts : les frais, commissions
ou rémunérations de toutes natures directes ou indirectes.
Dans ce sens l’article 2, de la loi 99 précise que : « Pour la détermination du taux
d’intérêt effectif global du prêt, il est tenu compte en plus des intérêts, des frais,
commissions ou rémunérations de toute nature, directes ou indirectes intervenus
dans l’octroi du prêt, sauf ceux exceptés par décret. Les modalités de calcul du taux
183
V. infra p 104 et s.
Inès YOUSSEF Page 104
d’intérêt effectif global et du taux effectif moyen, ainsi que leur mode de publication
sont fixés par décret ».
Selon l’article premier de la loi 1999, l’intérêt est excessif lorsque le crédit est
consenti à un TEG qui dépasse au moment où il a été alloué « du cinquième du taux
effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques pour des
opérations de même nature »184.
B/ La sanction de l’usure
Dans le cas où le taux d’intérêt est excessif, le banquier prêteur risque des sanctions
184
En effet l’article 1 er de la loi 99 dispose: « Constitue un prêt consenti à un taux d’intérêt excessif, tout
prêt conventionnel consenti à un taux d'intérêt effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de
plus du cinquième1 le taux effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et les
établissements financiers pour des opérations de même nature. La Banque Centra1e de Tunisie détermine
les opérations qui obéissent au même taux d'intérêt excessif. Les opérations de ventes avec facilités de
paiement sont assimilées à des prêts conventionnels et sont soumises aux dispositions de la présente loi ».
Inès YOUSSEF Page 105
pénales (1) et des sanctions civiles (2).
a) Domaine de la sanction
Selon l’article 4 de la loi 99: « En cas d’application d’un taux d’intérêt excessif, les
sommes que le prêteur a perçu indûment sont restituées à l’emprunteur en les
b) Nature de la sanction
185
V. S.JERBI, L’interprétation du contrat, CPU, 2014 (en arabe)
Inès YOUSSEF Page 108
continuera à subsister comme contrat distinct ». S’agissant d’un intérêt excessif, ce
n’est même pas la clause qui est annulée mais uniquement le taux d’intérêt.
Par ailleurs, il paraît utile de s’interroger s’il s’agit d’une nullité relative ou absolue ?
Rappelons que dans le cadre d’nullité relative, l’action n’est ouverte que pour
certaines personnes notamment les parties alors que l’action de nullité absolue est
ouverte à toute personne qui a intérêt à l’intenter. La nullité relative est invoquée par
la personne dont les intérêts sont protégés par la règle, elle peut y renoncer et les
délais sont généralement brefs. C’est que la nullité relative vise la protection de la
partie lésée Au contraire, la nullité absolue est une nullité pouvant être invoquée par
toute personne étant intéressée dans la nullité. Elle vise la protection de l’intérêt
général.
La nullité dans l’usure est-elle une nullité relative ou absolue. Il s’agit d’une nullité
absolue car elle sanctionne une règle d’ordre public, pénalement sanctionnée et elle
sert à préserver et sauvegarder le système bancaire et financier en général.
Il convient de s’intéresser en premier lieu au cours des intérêts (A) avant d’examiner
la capitalisation des intérêts (B).
Les intérêts conventionnels ne peuvent être calculés que sur la taxe d’une année
entière. En matière commerciale, ils peuvent être calculés au mois186. Donc, les
intérêts des sommes d’argent sont calculés par référence à un pourcentage d’une
année entière. Le terme "année" est défini à l’article 141 COC. Il y est prévu que
"quand le terme est calculé (…) par années, on entend par année un délai de trois
cents soixante-cinq jours entiers." Le calcul sur la base d’une année de 365 jours est
d’ordre public dans les rapports civils. Est civil tout rapport qui n’est pas
commercial. Les parties à un contrat de prêt civil ne peuvent convenir d’une année
de 360. La clause est nulle.
Pour autant, il est possible de calculer les intérêts sur la base d’un délai de trois cent
soixante jours. Comme toute dérogation à une règle générale, il faudra pour la
consacrer une stipulation expresse dans le contrat.
Pour respecter les dispositions de l’article 1098 COC, il faudra avoir égard à la
qualité du débiteur des intérêts.
Ainsi quand le débiteur des intérêts est une personne civile, son obligation est
considérée comme civile et le calcul des intérêts débiteurs se fait sur la base d’un
délai de 365 jours. La clause du contrat qui prévoirait un délai de 360 jours serait
nulle. Tandis que pour une banque qui est débitrice des intérêts, la clause de calcul
des intérêts sur la base d’un mois (c’est-à-dire une année de 360 jours) est valable et
produit ses effets187.
Les intérêts courent à compter de la date fixée par les parties ou, à défaut, de la mise
à disposition des fonds. Rémunérant le capital prêté, ils sont normalement liés à une
convention de prêt qui en fixe le point de départ.
186
Article 1098 COC.
187
V.S.FRIKHA, « La base de calcul des intérêts débiteurs », blog Sami Frikha, 26/07/2016
Inès YOUSSEF Page 110
Si tel n’est pas le cas, le juge recherche la commune intention des parties ; à défaut,
il retient la date de mise à disposition des fonds ou de première utilisation par
l’emprunteur. On rappellera que pour certains crédits bancaires le point de départ
des intérêts est tributaire du système des dates de valeur. Aussi est-il de certains cas
de franchise188.
2/ Intérêts moratoires
188
V. Supra p 91.
Inès YOUSSEF Page 111
Les conditions de la capitalisation des intérêts sont justifiées par les risques de
croissance exponentielle de la dette induite par la capitalisation. En principe la
capitalisation n’est pas automatique, il faut même en matière commerciale que les
parties l’aient prévue expressément (1). Cependant, une dérogation est consacrée
dans le cadre du compte courant (2).
L’article 1098 COC dispose que : « Les intérêts non payés seront capitalisés avec la
somme principale conformément aux dispositions prescrites à l’article suivant ».
L’article 1099 COC, dispose que : « Les intérêts non payés peuvent être capitalisés
avec la somme principale et seront productifs d’intérêts si les parties l’ont prévu par
écrit. En matière civile, les intérêts non payés prévus à l’alinéa précédent ne peuvent
être capitalisés avec la somme principale qu’à la fin de chaque année et à condition
que le défaut de paiement n’est pas dû au créancier. En matière commerciale, les
intérêts arrivés à échéance et non payés sont capitalisés avec la somme principale et
produisent des intérêts du jour de l’échéance selon les prescriptions du premier
paragraphe à condition que le retard du paiement ne soit pas dû au créancier
Aux termes de l’article 1098 COC, en matière de compte courant les intérêts non
payés sont capitalisés avec la somme principale et seront productifs eux-mêmes
d’intérêts tout en respectant les délais qu’exige l’usage et ce jusqu’à la clôture du
compte à moins qu’il n’y ait une stipulation contraire.
189
JDUBOS ; ASALGUEIRO, Fasc. 511 : Intérêts et commissions, Cours, capitalisation et paiement des
intérêts, Cl Banque - Crédit – Bourse, 24 Juin 2019.
Inès YOUSSEF Page 112
Section 3 : Les frais et commissions
Les commissions sont des perceptions censées rémunérer des prestations de services
distinctes des opérations de crédit, même si elles sont connexes. Elles représentent
« la contrepartie du temps passé par le conseiller clientèle à l’analyse du compte et
de la situation du client ». 190
A cet égard, il faut préciser que l’article 84 de la loi 2016 impose : « Préalablement
à la commercialisation de tout produit ou service financier ou à l’institution de toute
nouvelle commission, les banques et les établissements financiers doivent en
informer la banque centrale de Tunisie. La banque centrale de Tunisie peut, au cours
de dix jours ouvrables à compter de la date de communication de tous les
renseignements exigés, s’opposer, par décision motivée, à la commercialisation du
produit ou du service financier ou à l’institution de la nouvelle commission. Le
silence de la BCT après l’expiration dudit délai vaut acceptation. Les banques et les
établissements financiers sont tenus, également d’informer préalablement la BCT de
toute modification des niveaux de rémunération et de tarification qu’ils comptent
introduire à leurs conditions bancaires. Il est interdit aux banques et établissements
financiers d'accorder ou de prélever des intérêts créditeurs ou débiteurs ou des
commissions qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration ou qui dépassent les limites
190
J.LASSERRE CAPDEVILLE, op.cit., N°6.
Inès YOUSSEF Page 113
fixées ou communiquées conformément aux dispositions légales et réglementaires
en vigueur.
En droit commun des contrats, il est toujours possible de mettre fin à un contrat à
durée indéterminée. L’application de cette règle au contrat de prêt s’avère délicate.
Une résiliation brutale peut mettre le client dans l’embarras. Inversement, la banque
doit se voir conférer une possibilité d’adaptation aux circonstances. En effet, lorsque
le prêt est à durée indéterminée, le prêteur peut y mettre fin à tout moment. Il n’a pas
non plus à motiver sa décision. Cependant, cette règle reçoit des exceptions. Le
banquier engage sa responsabilité s’il ne laisse pas un délai suffisant à son client
pour faire face à la situation. Subséquemment, si l’ouverture de crédit est consentie
à durée indéterminée, il peut y être mis fin à tout moment sous réserve pour le
créancier de respecter un préavis191.
Le prêt à durée déterminée ne peut quant à lui être résilié. Il prend fin au terme prévu.
Le client n’a pas plus droit au renouvellement du crédit sauf pour lui à démontrer
que le prêteur avait pris un engagement envers lui. Si l’ouverture de crédit est à durée
déterminée, il ne peut y être mis fin avant l’arrivée du terme prévu. Néanmoins, des
événements peuvent justifier une rupture anticipée. Le banquier pourrait mettre fin
de manière anticipée au crédit si des éléments modifiant son appréciation du crédit
apparaissent, faisant craindre un non-remboursement. Le contrat de crédit repose sur
la confiance. La convention de crédit est est fortement marquée d’intuitu personae.
Dès lors, si des événements surviennent qui sont de nature à altérer cette confiance,
il faut en tenir compte. On peut alors, se demander si la perte de confiance de la
banque dans les capacités financières de son client ne peut pas justifier une rupture
anticipée.
191
V.T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 115
L’ouverture de crédit peut être révoquée dans des cas déterminés (§1). Si elle est
régulièrement signifiée, elle ne manque pas de produire certains effets (§2).
La révocation du crédit est une question importante car cette façon de mettre fin au
contrat constitue l’un des cas de résiliation des contrats, unilatéralement. L’article
706 CC dispose que : « l’ouverture de crédit peut être révoquée de plein droit avant
le terme convenu , en cas de décès du bénéficiaire, de survenance chez lui d’une
cause d’incapacité, de cessation notoire de ses paiements même non constatée par
un jugement et de faute lourde commise dans l’utilisation du crédit qui lui a été
consenti ».
Ces raisons de révocation peuvent être soit des raisons objectives (§1) soit des
raisons subjectives (§2).
A/ Le décès du bénéficiaire
En vertu de l’article 241 COC, « les obligations ont effet non seulement entre les
parties elles-mêmes, mais aussi entre leurs héritiers ou ayants cause, à moins que le
contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de l’obligation, ou de la loi. Les
héritiers ne sont tenus, toutefois, que jusqu’à concurrence des forces héréditaires, et
proportionnellement à l’émolument de chacun d’eux.
Lorsque les héritiers refusent d'accepter la succession, ils ne peuvent y être contraints
et ils ne sont nullement tenus des dettes héréditaires : les créanciers ne peuvent, dans
192
V.T.BEN NASR, op.cit.
193
Loi abrogée par la loi n°2016 – 36 du 29 avril 2016 relative aux procédures collectives.
Inès YOUSSEF Page 117
Aux termes de l’article 434 ( nouveau) CC : « Est considérée en état de cessation de
paiement, au sens du présent titre, toute entreprise qui se trouve dans l’impossibilité
de faire face à son passif exigible avec ses liquidités et actifs réalisables à court
terme».
Différentes règles commande les procédures collectives et notamment la procédure
de règlement judiciaire ouverte en cas de cessation de paiement. Il en est ainsi du
principe de la continuation des contrats en cours dans une optique de sauvetage de
l’entreprise qui passe par des difficultés. Dans ce sens, l’article 451(nouveau) CC
dispose que : «Nonobstant toute clause contraire, l'exécution des contrats en cours
liant l'entreprise aux tiers, clients, fournisseurs et autres est poursuivie». Dans la
même optique, l’article 450 (nouveau) CC, pose le principe selon lequel les dettes
nouvelles de l’entreprise en difficulté sont payées avant les précédentes même si
elles sont privilégiées. L’article 449 (nouveau) CC, accorde au juge la faculté de
suspension des poursuites individuelles et des actes d’exécution à l’encontre de la
caution.
Selon l’article 706 CC, le législateur permet la révocation du crédit en cas de faute
lourde dans son utilisation. Ce qui implique un droit de contrôle et même une
obligation de surveillance pour et à la charge du banquier. La Cour d’appel de Tunis
a déclaré que tant que le crédit est destiné à un objet déterminé et qu’il a été convenu
entre les parties les conditions de sa libération et de sa mise à la disposition de
l’emprunteur , la banque créditrice a non seulement le droit de contrôler l’affectation
des sommes allouées pour que le bénéficiaire ne puisse pas s’écarter des objectifs
fixés, mais aussi de subordonner la fourniture des liquidités à l’exécution par
l’emprunteur de ses obligations quant à la réussite du projet.
L’article 705 CC prévoit que l’ouverture de crédit peut être à durée limitée ou à
durée illimité Les conditions de la révocation ne sont pas les mêmes dans les deux
cas de figure.
Lorsque l’ouverture de crédit est consentie pour une durée indéterminée l’article 705
CC prag2 dispose que le banquier est libre de la révoquer « à charge de préavis de
huit jours par lettre recommandée ». Le même article ajoute que « toute stipulation
contraire est réputée non écrite ». Le banquier engagerait sa responsabilité s’il rompt
le crédit accordé sans limitation de durée avant d’informer son client dans les délais
prévus par l’article 705CC194.
Telle n’est pas la situation lorsque le banquier révoque le crédit pour la survenance
de l’un des évènements prévus dans l’article 706CC. Cette interprétation est
confortée par la circulaire de la BCT du 23 mars 1979 qui prévoit que les ouvertures
de crédit à durée limitée ou illimitées peuvent être révoquées de plein droit et sans
préavis en cas de décès du bénéficiaire, de survenance chez lui d’une cause
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V.T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 119
d’incapacité, d’une cessation notoire de ses paiements dans le cadre de l’article
706CC195. Les tribunaux décident tantôt que le banquier est tenu de la condition du
préavis et tantôt reconnaissent une liberté totale au banquier.
La cour de cassation quant à elle, en assimilant les facilités de caisse à l’ouverture
de crédit, a déclaré que la rupture des facilités par la banque de manière intempestive
et sans préavis constitue une rupture abusive engagent la responsabilité du banquier.
Ces effets sont soit à l’égard du crédité (§1) soit à l’égard du créditeur (§2).
La révocation du crédit est une cause d’extinction du contrat. Les effets produits par
le contrat avant la rupture demeurent valables. Le crédité doit payer la partie du
crédit qu’il a utilisé ainsi que les commissions et les intérêts convenus.
La révocation fondée sur l’une des causes citées par l’article 706CC permet au
banquier d’arrêter instantanément son concours, il peut rejeter tous les effets tirés
par son client. Telle n’est pas la situation lorsque le banquier envoie à son client un
préavis de révocation du crédit, il doit dans ce cas continuer à honorer ses
engagements vis-à-vis du créditeur, payer les ordres de paiement et effectuer toutes
sorte d’opérations conformément au contrat d’ouverture de crédit au cours du délai
du préavis. Si il ne s’y conforme pas le banquier serait en faute même si il a avisé
son client de sa volonté.
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V.T.BEN NASR, op.cit.
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P artie2 : Les opérations de
crédit spécifiques
SOMMAIRE.............................................................................................................. 2
1) Droit non autonome, c’est une branche du droit privé et du droit commercial
6
3) La jurisprudence ............................................................................................ 10
VI. Les mutations du secteur bancaire et du droit qui est appelé à les régir ....... 13
§1 La qualification ..................................................................................... 46
§2 La preuve .............................................................................................. 50
§3 La validité ............................................................................................. 51
§5 La restitution du prêt............................................................................. 53
A/ Le microcrédit ................................................................................... 75
§5 La cause ................................................................................................ 88
D/ Date de remboursement..................................................................... 91