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Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de

Tunis

Mastère Banque et Bourse

Opérations de crédit
Inès YOUSSEF

2019-2020
SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE AU DROIT BANCAIRE

CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES OPERATIONS BANCAIRES

LES OPERATIONS DE CREDIT

INTRODUCTION : Notion d’opération de crédit

Partie 1 : Les opérations de crédit en général


CHAPITRE 1 : Les règles générales des opérations de crédit
CHAPITRE 2 : La réalisation des opérations de crédit
CHAPITRE 3 : La rémunération dans les opérations de crédit
CHAPITRE 4 : La révocation des opérations de crédit

Partie 2 : Les Opérations de crédit spécifiques (Séminaires)


CHAPITRE 1 : Les opérations de leasing
CHAPITRE 2 : Les opérations de factoring
CHAPITRE 3 : La garantie indépendante
CHAPITRE 4 : Le crédit documentaire
CHAPITRE 5 : L’escompte
CHAPITRE 6 : Les facilités de caisse
CHAPITRE 7 : Les opérations de portage
CHAPTRE 8 : Les crédits aux entreprises
CHAPITRE 9 : Les crédits aux particuliers
CHAPITRE 10 : La syndication bancaire

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INTRODUCTION GENERALE AU DROIT
BANCAIRE

I. Définition du Droit bancaire

Le professeur Thierry BONNEAU1 définit le droit bancaire comme un droit ayant


pour objet de régir les activités exercées à titre de profession habituelle par les
établissements de crédit. C’est dire que le droit bancaire est à la fois un droit des
acteurs et un droit des activités.

— C’est un droit des acteurs car finalement les textes qui participent du droit
bancaire ont pour objet de déterminer les conditions d’accès et également les
conditions d’exercice des activités qui sont dévolues aux banques.
L’accès à la qualité de banque et établissements financiers et particulièrement à la
qualité de banque nécessite l’obtention d’un agrément. L’agrément bancaire réside
dans une autorisation, l’autorisation d’exercer les activités pour lesquelles on a été
autorisé. L’accès à la profession bancaire est ainsi contrôlé. Ce contrôle étant
important pour assurer la sécurité de la clientèle, mais plus généralement la sécurité
et la stabilité du système bancaire et financier.

— C’est un droit des activités parce que les textes énoncent quelles sont les
activités que peuvent exercer les banques. Et parmi celles-ci, celles qui sont au cœur
du droit bancaire, on trouve les activités constitutives des opérations de banque.
Elles sont au nombre de 3 :
– La réception des fonds du public
– Les opérations du crédit

1
Th. BONNEAU, Droit Bancaire,LGDJ
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– La mise à la disposition de la clientèle ou la gestion des moyens de
paiement.

Bien sûr, ces activités ne sont pas les seules que les banques peuvent exercer : il y’a
aussi les opérations connexes. Par exemple : la gestion en matière de patrimoine.
Mais, s’il y a d’autres activités il n’y a qu’une seule catégorie d’activité au cœur du
droit bancaire ; les opérations de banque car les banques sont là principalement pour
collecter des fonds afin de les redistribuer sous forme de crédits.
C’est aborder une fonction traditionnelle des banques : l’intermédiation bancaire.
Dérivé du latin (intermedius) signifiant qui est au milieu, l’intermédiaire, désigne
celui qui fait profession de mettre en relation deux ou plusieurs personnes en vue de
la conclusion d’une convention2.
L’intermédiaire est alors celui qui s’entremet, à l’initiative et sur demande d’un
client. Il entre dans une opération pour rapprocher une offre et une demande. Il est
donc choisi sur une base contractuelle par son client et engagé contractuellement 3.
Son engagement porte sur l’accomplissement de l’activité d’intermédiation qui
n’est autre qu’une prestation de service.
Il y a intermédiation bancaire car les banques collectent l’épargne en vue de la
redistribuer sous forme de crédit. Entre collecte et distribution, les banques font le
lien entre les déposants et les emprunteurs. En matière d’intermédiation bancaire,
(l’intermédiation financière n’a pas la même portée), les banques agissent pour leurs
propres comptes et en leurs propres noms. De sorte qu’elles utilisent à leur guise les
fonds qu’elles ont collectés auprès de leurs clients et ce sont elles qui sont en relation

2
G.CORNU, Vocabulaire juridique, p. 562.
3
Ni les salariés dont le statut est régi par le droit du travail, ni les opérateurs indépendants qui achètent un
bien ou un service pour le revendre pour leurs propres comptes ne peuvent être juridiquement assimilés à
des intermédiaires. Ne peuvent de même être considérés comme tels, les concessionnaires, les franchisés,
les distributeurs engagés dans un contrat de distribution sélective. Le mandataire judiciaire nommé par
décision unilatérale de justice n’entre pas non plus dans ce propos. V. Ph. DELEBECQUE, inventaire des
mécanismes juridiques offerts par le droit pour encadrer l’activité économique d’intermédiation, in.
Intermédiation économique et concurrence, Rev. De la concurrence et de la consommation, mars-avril
1999, n°108, p. 5-46.
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directe avec les emprunteurs. Par conséquent, même si on peut éventuellement
considérer qu’un dépôt a pu servir à l’octroi d’un crédit, il ne faut pas en déduire que
le déposant à une relation directe avec l’emprunteur : il n’y a aucune relation
juridique entre le déposant et l’emprunteur. Le déposant n’a de relation qu’avec la
banque, l’emprunteur n’a de relation qu’avec la banque.
L’intermédiation bancaire n’établit pas de lien entre le déposant et l’emprunteur.

L’intermédiation bancaire porte sur les opérations de banque et sur ces opérations
on reconnaît aux banques un monopole, le monopole bancaire. Il postule au moins
à titre de principe que seules les banques peuvent exercer les activités constitutives
d’opérations de banque.
Le monopole ne concerne que ces opérations de banque et non pas les autres activités
que les banques peuvent éventuellement exercer.

II. Contenu du droit bancaire

C’est une branche du droit, dérivée du droit commercial classique. Le droit bancaire
constitue l’une des branches du droit commercial. Aussi en déduit-on que les
banques parce qu’elles accomplissent des actes de commerce sont des commerçants.
C’est dans ce sens que l’article 2 du Code de commerce précise clairement que celui
qui procède à titre professionnel à des opérations de change, de banque et de bourse
est un commerçant4.

4
Article 2. CC : « Est commerçant, quiconque, à titre professionnel, procède à des actes de production, circulation,
spéculation, entremise, sous réserve des exceptions prévues par la loi.
Notamment, est commerçant, quiconque, à titre professionnel, procède :
- à l'extraction des matières premières ;
- à la fabrication et à la transformation des produits manufacturés ;
- à l'achat et à la vente ou à la location des biens quels qu'ils soient ;
- à des opérations d'entrepôt ou de gestion de magasins généraux ;
- au transport terrestre, maritime et aérien des biens et des personnes ;
- à des opérations d'assurance terrestre, maritime et aérienne, quelles qu'en soient les modalités ;
- à des opérations de change, de banque ou de bourse ;
- à des opérations de commission, de courtage ;
- à l'exploitation d'agences d’affaires ;
- à l'exploitation d'entreprises de spectacles publics ;
- à l'exploitation des entreprises de publicité, d'édition, de communication ou de transmission de nouvelles et
renseignements. »
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Mais, le droit bancaire constitue une branche du droit économique qui met en avant
le rôle de l’État dans l’organisation des activités économiques. « L’État intervient et
en matière bancaire il est interventionniste ». Son intervention peut se manifester de
deux façons différentes :
— Soit directement
— Soit indirectement à travers des autorités qu’il a lui-même institué : c’est
le cas en matière bancaire où généralement l’intervention de l’État est indirecte, par
l’intermédiaire des autorités mises en place par lui-même.

Dès lors, le droit bancaire a sa spécialité. Il permet d’illustrer la tendance à la


spécialisation des branches du droit. Pendant longtemps, les analyses ont été menées
en utilisant les concepts du droit commun des obligations : novation, cession de
créance, prêt… La tendance maintenant est plus à forger des concepts indépendants.
Qu’est-ce qui manifeste alors la spécificité du droit bancaire ?

III. Particularités du droit bancaire

1) Droit non autonome, c’est une branche du droit privé et du droit


commercial

Il y a des textes qui relèvent du Code de Commerce, mais le Code des Obligations
et des Contrats est aussi applicable. Les opérations de banque sont qualifiées d’actes
de commerce. Les banques faisant profession habituelle des actes de commerce dans
le cadre d’une société anonyme ayant pour objet des actes de commerce. Il s’ensuit
nécessairement qu’elles ont la qualité de commerçant. Par conséquent, le banquier
est toujours présumé faire des actes de commerce.
Mais, une même opération peut constituer à l’égard de l’une des parties contractantes
une opération de banque et par suite un acte de commerce, sans pour autant présenter
ce caractère pour l’autre partie. Ces opérations constitueront des actes mixtes
lorsqu’elles mettent en présence un banquier et un client n’ayant pas la qualité de
commerçant. Ainsi en est-il, lorsque le banquier accorde un prêt à un emprunteur
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qui destine les fonds à une opération civile. L’opération est commerciale à l’égard
du banquier et purement civile à l’égard de l’emprunteur. En outre, le caractère
commercial des opérations de banque en exclut la gratuité.

2) Droit bancaire fortement influencé par le droit public économique

Le droit bancaire est, en étroite relation, avec le droit économique c’est-à-dire


l’ensemble des règles édictées par l’Etat et destinées à régir diverses opérations
intéressant directement l’économie du pays. Ce droit permet à l’Etat d’intervenir
dans le secteur bancaire afin de fixer des règles souvent impératives et d’ordre public
dans un souci de stabilité monétaire et financière. De plus, les banques étaient
pendant longtemps des établissements publics avec des missions de service public5.

3) Droit très technique

Les techniques employées par les banques doivent assurer la sécurité juridique de la
clientèle. La technicité a entraîné la création de mécanismes juridiques spécifiques
au droit bancaire (exemples : compte courant ; escompte = forme de crédit basée sur
les effets de commerce ; virement, etc.).

4) Droit fortement marqué par l’évolution technologique

Il s’agit d’un Droit transformé grâce à l’informatique :


- Entre banques : Aujourd’hui, toutes les opérations se font par le biais
de l’informatique : Système informatisé de compensation, SIT
(système interbancaire de télé-compensation)6, Autre système
informatisé pour les virements internationaux.

5
Toute la question de l’indépendance de la BCT se pose pleinement. V. Loi N° 2016-35 du 25 Avril 2016, portant
fixation du statut de la BCT.
6
En 1996, une large consultation est lancée par la BCT, autour de la modernisation du système bancaire
tunisien. Un certain nombre de projets stratégiques sont identifiés dont l’étude a été confiée à dix sous-
commissions spécialisées, sous le pilotage de la BCT.
Inès YOUSSEF Page 7
- Relations avec la clientèle : on est passé de la création des distributeurs
automatiques de billets (DAB) aux guichets automatiques de banque
(GAB) et au système de la banque à domicile ou la banque digitale7.

« Aujourd’hui la banque est une entreprise de technologie »8. Le système bancaire a


subi une révolution sous l’effet de la conjugaison de deux principaux phénomènes
le premier est celui du big data et le second est le scoring9.

IV. Les sources du droit bancaire

Les sources du droit bancaire comprennent des sources législatives (1), les textes
professionnels (2), la jurisprudence (3), les usages bancaires (4) et les sources
internationales (5).

1) Les sources législatives

La première source est la loi n°2016-48 du 11 juillet 2016 relative aux banques et
établissements financiers qui abroge et remplace la loi n°2001-65 du 10 juillet 2001
relative aux établissements de crédit10.
On trouve aussi le code de commerce : les opérations bancaires les plus courantes
ont été réglementées dans le titre II du livre cinq intitulé « des contrats
commerciaux ». Il faut tenir compte également du code de commerce parce qu’il

C’est dans ce cadre que le système tunisien de télé compensation interbancaire, un système moderne et
performant profitant des avancées technologiques, a été mis en place. Son exploitation est confiée à la
SIBTEL (Société interbancaire de télé compensation).
7
Toutes les banques de la place sont en train de mener des projets sur la banque digitale. La réglementation
bancaire ne suit pas forcément.
8
D.LEGEAIS, Traité des opérations de crédit, Lexis Nexis 2018, p 11.
9
Ibid.
10
-Les banques et les établissements financiers demeurent soumis également aux dispositions du Code des
Sociétés Commerciales.
-Les banques et les établissements financiers non-résidents demeurent soumis également aux dispositions
du code de prestations de services financiers aux non-résidents.
-Les sociétés de leasing demeurent soumises aux dispositions de la loi n°1994- 89 du 26 Juillet 1994 relative
aux sociétés de leasing.
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contient la réglementation des effets de commerce.
Il convient de prendre en considération aussi les dispositions du COC. D’abord parce
qu’il régit le droit commun des obligations, ensuite parce qu’il prévoit le régime du
droit commun des opérations de crédit à savoir le régime du prêt.
Plusieurs autres lois spéciales organisent certains aspects de l’activité bancaire à
savoir la loi N° 2016-35 du 25 Avril 2016, portant fixation du statut de la BCT, la
loi N°99-64 du 15 Juillet 1999, relative aux taux d’intérêts excessifs, Loi N°2005-
51 du 27 Juin 2005, relative au transfert électronique de fonds, Loi organique
N°2015-26 du 7 aout 2015, relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du
blanchiment d’argent.
Concernant l’activité de microfinance, un cadre légal spécial a été dédié pour
l’exercice de cette activité. Il s’agit du :
 Décret-loi n° 2011-117 du 5 novembre 2011, portant organisation de l’activité
des institutions de micro finance.
 Loi n° 2014-46 du 24 juillet 2014, modifiant le décret-loi n° 2011-117 du 5
novembre 2011, portant organisation de l’activité des institutions de micro
finance

2) Les textes professionnels

Ils émanent d’un certain nombre d’autorités du secteur bancaire et financier,


concernant essentiellement les conditions de gestion et de fonctionnement des
banques et des établissements financiers, mais également le contrôle du crédit. Ces
textes professionnels n’ont pas tous la même portée, il convient de distinguer selon
qu’ils ont ou non un caractère réglementaire.
Les circulaires de la Banque Centrale les plus importantes sont :
- Circulaire BCT N°80-04 du 31 janvier 1980, relative à la centralisation des
risques bancaires.
- Circulaire BCT N°87-47 du 23 décembre 1987 relative aux modalités
d’octroi, de contrôle et de refinancement des crédits.
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- Circulaire BCT N°91-24 du 17 décembre 1991 relative à la division,
couverture des risques et suivi des engagements
- Circulaire BCT N°99-09 du 24 mai 1999 relative à l’octroi par les Banques
Intermédiaires Agréés résidentes de crédits à court terme en dinars au profit
des entreprises non-résidentes installées en Tunisie.
- Circulaire BCT N°2000-03 du 27 mars 2000 relative à la fixation des crédits
soumis au même taux d'intérêt excessif et des commissions bancaires entrant
dans le calcul des taux d'intérêt effectifs globaux et détermination des taux
d'intérêt effectifs moyens sur les crédits bancaires.
- Circulaire BCT N°2011 -06 relative au renforcement des règles de bonne
gouvernance dans les établissements de crédit.
- Circulaire BCT N°2018-10 relative au Ratio « Crédits/Dépôts ».
- Circulaire BCT N° 2018-61 du 31 décembre 2018 relative aux règles régissant
l’activité et le fonctionnement des établissements de paiement.

Certaines circulaires de la Banque centrale manquent de précision et laissent une


grande marge d’interprétation.
Les circulaires de la BCT non publiées au JORT sont inopposables aux tiers11.

3) La jurisprudence

Elle a un rôle important en matière bancaire, parce qu’elle interprète les textes, mais
également il peut arriver à la Cour de Cassation de déterminer, en dehors de tout
texte, le régime juridique de certaines opérations.
L’APTBEF (Association Professionnelle Tunisienne des Banques et des
établissements financiers) souligne le problème des juges et experts judiciaires non
spécialisés dans le domaine bancaire. Ce problème était à l’origine de la
condamnation des banques à plusieurs reprises. Certains clients en profitent pour

11
V. APTBEF, problèmes juridiques rencontrés par les banques, 8 décembre 2015
Inès YOUSSEF Page 10
agir en justice contre la banque, ses dirigeants et ses employés12.

4) Les usages bancaires

Les usages bancaires peuvent régir deux types de rapports : entre les banques et entre
les banques d’un côté et la clientèle de l’autre.
Certains de ces usages peuvent être consacrés par la jurisprudence, d’autres l’ont été
par le législateur13,

5) Les sources internationales

On trouve les conventions internationales et les usages internationaux14.


Parmi les conventions les plus importantes, il y’a lieu de citer :
- La Convention de Genève du 7 juin 1930 relative à la lettre de change et au
billet à ordre
- La Convention des Nations Unies sur les lettres de change internationales et
les billets à ordre internationaux (New York, 1988).
- La Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les
lettres de crédit stand-by (New York, 1995).
- La Conventions d’Ottawa du 28 mai 1988. sur le leasing et le factoring
internationaux.

V. Les techniques du droit bancaire

La technique contractuelle du droit des obligations est la technique centrale car une
opération va se traduire par un contrat ou une pluralité de contrats. En effet, parfois

12
V. APTBEF, problèmes juridiques rencontrés par les banques, 8 décembre 2015
13
PIEDELIEVRE, « Remarques sur l’évolution actuelle des sources du droit bancaire », Mélanges
JESTAZ, DALLOZ 2006, 441 et s.
14
Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire : Créé en 1974 par les gouverneurs des banques centrales
des pays du groupe des dix, et actuellement composé de 27 membres, il constitue une instance permanente
de coopération en matière de surveillance bancaire. Les travaux du Comité de Bâle, n’entraînent pas
d’obligation pour les Etats et n’ont pas force obligatoire. Ce Comité se borne à édicter des normes et des
règles de caractère général qu’il appartient à chacun des Etats, en fonction de dispositif propre, d’appliquer.
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un contrat sera à lui seul insuffisant, ex : l’opération de crédit-bail.
La technique contractuelle est au cœur du droit bancaire, avec le droit des obligations
et parfois le droit spécial des contrats. On pourrait penser que ce recours n’a rien
d’original, mais il faut tenir compte tout d’abord de la qualité des parties, ensuite, de
la diversité et la répétition des opérations bancaires.
Ces éléments vont donner une certaine originalité à la technique contractuelle
utilisée pour réaliser les activités bancaires.
La qualité des parties n’est pas sans incidence sur la relation qui unit la banque et le
client. Cette proposition se vérifie aussi bien à l’égard de la banque qu’à l’égard du
client. Cette relation est fondée sur la confiance et dominée par l’intuitu personae.

– Le risque de crédit et la confiance du banquier (on l’emploiera


dans le sens courant, et non juridique) : la confiance est essentielle en matière de
crédit : le banquier ne prête de l’argent que s’il a confiance, car il se dessaisi de fonds
que le client devra rembourser. Ainsi par son activité de crédit le banquier accepte
un risque, celui de ne pas être remboursé et donc d’avoir un impayé. Ainsi il apprécie
les qualités et la surface financière de son client.
Après examen de ces qualités, il va voir s’il peut ou non avoir confiance. Cette
confiance se traduit juridiquement par la prise en considération de l’intuitu
personae : les opérations sont conclues en fonction de la personne du client.

– Le risque lié aux dépôts et la confiance du client : le banquier


collecte les dépôts. Le client doit avoir confiance dans son banquier, mais plus
généralement dans le système bancaire. D’ailleurs, c’est la principale justification
qui sous-tend toute la réglementation bancaire concernant l’accès et le contrôle des
banques. La profession règlementée exercée par les banques est le gage de sécurité
des déposants. Cependant, il est à signaler que la réglementation et notamment la
réglementation prudentielle a un retentissement sur les opérations que peuvent faire
les banques.

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Ainsi la qualité des parties confère une certaine originalité à la technique
contractuelle.

VI. Les mutations du secteur bancaire et du droit qui est appelé à les
régir

On peut constater une profonde évolution du secteur bancaire et naturellement du


droit qui le régissait. L’une des causes de l’évolution est la déréglementation.
La déréglementation s’appuie sur une idée très courante : l’idée que la concurrence
entre les banques va assurer l’équilibre du secteur bancaire. La déréglementation
s’appuie donc sur la libre concurrence entre les banques. Cette déréglementation
explique en particulier la libération des ouvertures de guichets et des agences
bancaires.

Mais, cette déréglementation a surtout deux manifestations en Europe :


— La désintermédiation bancaire
— Le décloisonnement des marchés
 La désintermédiation bancaire :
Les banques collectent l’argent en vue de consentir des emprunts.
Traditionnellement, seuls les banquiers constituent une source de financement
pour les agents économiques et les particuliers. Cette présentation qui conduit
à identifier l’unique source de financement comme bancaire, est toutefois en
partie inexacte parce qu’il y a d’autres sources de financement que les
banquiers : l’émission de valeurs mobilières sur les marchés financiers. C’est
l’intermédiation financière15.
L’intermédiation financière, comme n’importe qu’elle autre intermédiation16,
est une activité de mise en relation, mais qui a pour objet des produits

15
Sur l’intermédiation financière V. I.YOUSSEF, L’intermédiation financière, étude comparée des droits
américain, français et tunisien ; Thèse de doctorat en droit privé, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et
facultés de sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, 2012.
16
Sujet : L’intermédiation bancaire et l’intermédiation financière
I / L’intermédiation financière et l’intermédiation bancaire des activités de prestation de services distinctes
Inès YOUSSEF Page 13
financiers17 et pour finalité la conclusion d’opérations sur le marché financier.
L’intermédiaire financier se charge de rapprocher son client et un tiers en vue
de conclure une opération sur le marché financier, portant sur des instruments
financiers. Le client visé est l’investisseur18.
Dans ce sens, l’intermédiation financière a été définie comme « une prestation
accomplie de façon habituelle et indépendante par un professionnel qui
s’entremet à la demande d’un investisseur dans une opération sur les marchés
financiers et portant sur un instrument financier »19.
C’est ainsi que tout investisseur doit à priori, faire appel à un professionnel
pour pouvoir accéder au marché financier. En effet, l’intermédiaire ouvre à
l’investisseur, à travers le service d’intermédiation financière, un accès aux
marchés financiers.
Cet accès peut être soit un accès direct et non sécurisé, soit un accès indirect
et sécurisé20. Dans tous les cas c’est par le truchement de l’intermédiaire qu’un
investisseur accède au marché.

1/ Le monopole bancaire ou les services objet du monopole bancaire :


- La réception des fonds du public
- L’octroi de crédit
- La gestion des moyens de paiement
2 / Le monopole financier ou les services objet du monopole financier :
- La négociation et l’enregistrement des valeurs mobilières à la Bourse des Valeurs Mobilières de
Tunis, droits s’y rapportant et des produits financiers
II/ L’intermédiation financière et l’intermédiation bancaire : des activités de prestation de services
communes
1/ La gestion des valeurs mobilières
2/ La conservation des valeurs mobilières
17
L’intermédiation financière se distingue de l’intermédiation bancaire. Cette dernière qui concerne les
opérations de banque, consiste à recueillir des ressources et à mettre des fonds à la disposition des tiers.
18
Le client peut être soit un investisseur soit un émetteur, seulement l’expression « intermédiation
financière » est généralement utilisée par la doctrine au sujet de l’activité déployée à la demande d’un
investisseur. V. S.BONFILS, Le droit des obligations dans l’intermédiation financière, LGDJ 2005, n°3,
p. 3.
19
S.BONFILS, op.cit., n°4, p. 3.
20
L’accès direct et insécurisé, correspondant à l’intermédiation de marché, est celui où un intermédiaire
promet à son client de négocier un instrument financier. Tandis que l’accès indirect mais sécurisé,
correspond à l’intermédiation de gestion, lorsque l’intermédiaire promet de gérer ou d’assister son client
Inès YOUSSEF Page 14
Contrairement à d’autres systèmes, notamment le système français ou
américain, la réorganisation du marché financier en Tunisie en 1994 a interdit
clairement aux banques le cumul des deux professions21.
Les banques devaient alors créer des sociétés indépendantes si elles voulaient
continuer à intervenir sur le marché boursier.
Il n’en demeure pas moins que les marchés financiers ne permettaient que
l’obtention d’un argent à long terme. Ainsi, effectivement pour l’argent à
court terme les banquiers apparaissaient une source de financement quasi-
exclusive.
 Le décloisonnement des marchés :
C’est la seconde manifestation de la déréglementation : ce décloisonnement
est le résultat de la suppression des frontières géographiques dues à la
suppression du contrôle des changes entre les différents Etats appartenant à
l’Union Européenne, donc des barrières existantes entre les différents
marchés. Cette suppression facilite le développement de l’activité
internationale.

Une autre cause de cette mutation est l’évolution des technologies :


Ce recours aux technologies se traduit dans 2 séries de rapports :
 Dans des rapports interbancaires : Ainsi le traitement des instruments de
paiement entre les banques est de plus en plus réalisé par le recours à la
télématique et ce recours à la télématique s’est manifesté dans la mise en place
du SIT (le Système interbancaire de télé compensation).
- Dans les rapports avec la clientèle : Les Nouvelles technologies caractérisent
également les opérations de clientèle :
- La banque libre-service (avec les guichets automatiques), ces guichets

dans la gestion d’un portefeuille d’instruments financiers. En parallèle avec ces services, l’intermédiaire
s’engage à conserver ces instruments financiers.
21
Art. 55. L. n°94-117 relative à la réorganisation du marché financier.
Inès YOUSSEF Page 15
permettant de retirer l’argent ou d’autres opérations bancaires. Ex.
consultation des soldes des banques.
- La banque à domicile qui recourt aujourd’hui généralement à internet, on peut
faire ainsi des opérations à partir de son bureau ou de chez soi.
- Les terminaux de paiement chez les commerçants permettant d’effectuer des
paiements à l’aide des cartes bancaires. Il n’en demeure pas moins que la
digitalisation de la banque en Tunisie, demeure à ses débuts.

Inès YOUSSEF Page 16


CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES OPERATIONS
BANCAIRES

L’activité bancaire n’a pas été définie par le législateur.


La loi relative aux banques et établissements financiers prévoit dans son article 17
que :
« Est considérée banque, toute personne morale qui exerce, à titre habituel, la
collecte des dépôts au sens de l’article 5 de la présente loi et la mise, à disposition
de la clientèle, des moyens de paiement, en vue d’exercer les autres opérations
bancaires visées à l’article 4 de la présente loi.
Chaque banque agréée conformément aux dispositions de la présente loi accède à la
qualité d’intermédiaire agréé pour effectuer les opérations de change au sens de la
législation en vigueur en matière de change. »

Dans le cadre de l’ancienne loi bancaire, le législateur exigeait l’exercice à « titre de


profession habituelle… »
La question s’est posée alors de savoir si la profession fait l’habitude pourquoi
exiger la réunion de ces deux critères ? D’après l’analyse du Pr BEN NASR, le
législateur a voulu, dans un souci de protection, exclure du champ d’application de
la loi bancaire ceux qui exerceraient la profession de banque de manière habituelle
et continue sans y être autorisés conformément à la loi. La profession de banquier
est alors réservée à des institutions spécialisées habilitées à prêter les services et les
activités expressément prévus et à titre professionnel.

Avec la loi 2016, le législateur a supprimé la condition de la profession en exigeant


uniquement l’habitude. Toutefois, tenir compte de l’habitude seulement est
dangereux et ne rend pas compte du monopole que le législateur a voulu accorder à

Inès YOUSSEF Page 17


des institutions spécialisées. En plus, il est difficile d’imaginer une personne morale
exercer une activité d’une manière habituelle sans qu’elle soit sa profession.
De surcroît, il faut préciser : À partir de quel moment on peut déterminer l’habitude ?
Cette notion implique la répétition mais combien de fois 2/3/4 ? Et pour apprécier
l’habitude, ces actes doivent être au regard de clients juridiquement différents ou
bien économiquement différents ? Y-a-t-il plusieurs actes au profit d’établissements
liés à un même groupe ?
La loi précise “à titre habituel” : la violation du monopole suppose donc la violation
d ‘une habitude : ce qui implique la répétition des actes et il semble que pour la
jurisprudence française elle implique également une pluralité de clients, de sorte que
si A fait de multiples crédits qu’au profit de B, il n’y a pas habitude car il y a une
unicité du client.

Aux termes de l’article 4 de la loi bancaire, les opérations bancaires comprennent :


- les opérations de réception de dépôts du public quelles qu’en soient la durée
et la forme,
- les opérations d'octroi de crédits sous toutes leurs formes,
- les opérations de leasing,
- les opérations portant sur le service de gestion des crédits « factoring»,
- les opérations bancaires islamiques,
- la mise à la disposition de la clientèle de moyens de paiement et la prestation
de services de paiement.

Toutefois, l’article 4 précise que ne sont pas considérées comme opérations


bancaires, les financements consentis par les entreprises non agréées en vertu de la
loi bancaire 2016, à leur clientèle pour l’approvisionnement en marchandises ou
prestations de services ainsi que les financements consentis par une entreprise au
profit d’une autre appartenant à un même groupe au sens du code des sociétés
commerciales ou au profit de ses agents.
Inès YOUSSEF Page 18
Le dernier alinéa de l’article 4 précise les opérations liées. Ce sont :
- le conseil, l’assistance en matière de gestion financière et l’ingénierie
financière,
- les services destinés à faciliter la création, le développement et la
restructuration des entreprises,
- la gestion de patrimoine et des actifs.

Il importe de remarquer que les banques et les établissements financiers ne peuvent


pas exercer les services d’assurance, de microfinance et d’investissement qu’à
travers des filiales.
A ce sujet, il faut préciser que la nouvelle loi a réduit le seuil maximum de
participation des banques dans d’autres sociétés afin de borner l’activité des banques
et des établissements financiers dans les activités bancaires. C’est ainsi qu’en vertu
de l’article75 nouveau, le seuil de détention du droit de vote ou de capital est réduit
de 30% à 20%.
Cependant, ce seuil n’est pas applicable concernant les participations dans le capital
de sociétés qui exercent leurs activités dans le secteur des services bancaires,
d’intermédiation en bourse, d’assurance, d’investissement à capital risque ...
Ces dispositions ne s’appliquent pas également concernant les participations des
banques ou des établissements financiers dans leurs filiales dans le cadre d’une
assistance logistique. Ici, on songe notamment aux sociétés de maintenance
informatique. Toutefois, la loi impose que l’assistance logistique soit exclusive22.

22
Art. 75. Loi 2016 : « La banque ou l’établissement financier ne peut affecter plus de 15% de ses fonds
propres à une participation directe ou indirecte dans le capital d’une même entreprise.
Le total des participations directes et indirectes ne doit pas dépasser 60% des fonds propres de la banque
ou de l’établissement financier.
La banque ou l’établissement financier ne peut détenir directement ou indirectement plus de 20 % des droits
de vote ou du capital d'une même entreprise. Toutefois, la banque ou l’établissement financier peut, à titre
temporaire, dépasser ce pourcentage lorsque la participation est faite en vue de permettre le recouvrement
de ses créances.
Inès YOUSSEF Page 19
Ainsi, l’article 17 cite uniquement deux services pour définir une banque. Il s’agit
de la collecte des dépôts et la mise, à disposition de la clientèle, des moyens de
paiement. L’exercice à titre habituel des opérations bancaires est réservé aux
banques et aux établissements financiers. D’après les articles 17 et 1823, le monopole
des banques concerne désormais la réception des fonds du public et la mise à
disposition des moyens de paiements.

Les opérations bancaires concernent donc, principalement la réception de dépôts


du public quelles qu’en soient la durée et la forme, l’octroi de crédits sous toutes
leurs formes, les opérations bancaires islamiques, le leasing, le factoring, la mise
à la disposition de la clientèle de moyens de paiement et la prestation de services
de paiement. Et accessoirement elles peuvent porter sur une des opérations liées
comme le conseil financier.

I/L’allocation du crédit
Cette opération de banque a été définie dans l’article 6 de la loi bancaire.

La banque ou l’établissement financier peut prendre des participations directes ou indirectes dans le capital
d’entreprises exerçant dans le domaine des services bancaires et des services d’intermédiation en bourse,
d’assurance, de recouvrement de créances et d’investissement à capital risque, et ce, sans tenir compte des
pourcentages prévus aux deuxième et troisième paragraphes du présent article.
Les dispositions du troisième paragraphe du présent article ne sont pas applicables aux participations dans
les filiales d’une banque ou d’un établissement financier en vue de l’assister à titre exclusif sur le plan
logistique.
Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux financements sous forme de participation ou
« Moucharaka », à la condition de stipuler dans le contrat un engagement de rétrocession dans un délai ne
dépassant pas cinq ans.
Les fonds propres sont calculés conformément aux normes établies à cet effet par la banque centrale de
Tunisie. »
23
Art. 18. Loi 2016 : Est considérée établissement financier, toute personne morale qui exerce, à titre
habituel, les opérations bancaires visées par les dispositions du chapitre premier du présent titre, à
l’exception des opérations de collecte des dépôts du public et de mise à disposition de la clientèle des
moyens de paiement.
Inès YOUSSEF Page 20
Aux termes de cet article : "Est considère un crédit au sens de la présente loi, tout
acte par lequel une personne physique ou morale, agissant à titre onéreux :
- met des fonds à la disposition d'une autre personne, ou
- s’engage à mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans
l’intérêt de celle-ci un engagement par signature sous forme de cautionnement ou de
garantie".

II/La réception des fonds du public

L’opération de banque qu’est « la réception des dépôts du public quelles qu’en soient
la durée et la forme », comporte une remise des fonds. La réception implique une
remise de monnaie, qui peut être spontanée ou sollicitée de la part du banquier.
Est indifférent, le moyen de la remise : il peut s’agir aussi bien d’une remise
d’espèce, que d’une remise effectuée au moyen d’un chèque ou d’un virement.
Est également indifférente, la durée de la remise, de sorte que les fonds remis,
peuvent être aussi bien des fonds à vue, que des fonds restituables à terme 24.

En vertu de l’article 5 de la loi bancaire, sont considérés dépôts reçus du public, les
fonds que toute personne recueille d’un tiers par tout moyen de paiement à titre de
dépôt ou autrement avec le droit d’en disposer pour les besoins de l’exercice de
son activité professionnelle, mais à charge pour elle de les restituer à leurs titulaires
conformément aux conditions convenues.
Sont considérés dépôts, les fonds dont la réception donne lieu à l’émission de bons
de caisse ou à tout autre titre équivalent… ». Le législateur n’a pas voulu invoquer
le terme de « contrat de dépôt » pour ne pas confiner l’activité du banquier en cette
matière dans les limites du contrat de dépôt du droit commun.
Certes, la banque est obligée de restituer les sommes qui sont déposées entre ses
mains à la demande du client dépositaire, mais elle a la liberté d’en disposer entre

24
Les fonds à vue, on peut les récupérer sans condition de délai, alors que les fonds restituables à terme, il
y a en principe un blocage pendant une certaine durée.
Inès YOUSSEF Page 21
temps25. Ainsi, même si dans le langage courant on parle de client comme un
«déposant », la réception de fonds ne se limite pas à la remise d’un dépôt au sens du
COC. En effet, la nature juridique du contrat qui se lie entre le banquier dépositaire
et le client déposant importe peu.

Néanmoins, le législateur a exclu un ensemble de catégories de fonds déposés entre


les mains du banquier ; c’est ainsi que l’alinéa 2 de l’article 5 précise ces catégories
de fonds qui ne sont pas considérées comme dépôts reçus du public.
C’est ainsi que, ne sont pas considérées comme dépôts reçus du public, les catégories
de fonds suivantes :
1. les fonds déposés pour constituer ou augmenter le capital d’une entreprise,
2. les fonds provenant d’une émission d’emprunts obligataires, de sukuks ou
de titres de créance assimilés,
3. les fonds provenant de la mise en pension sur le marché monétaire,
4. les fonds provenant de toute autre forme de financement réalisés par les
établissements exerçant des opérations bancaires entre eux,
5. les fonds logés en compte auprès d’une entreprise par ses dirigeants, les
membres de son conseil d’administration, les membres de son conseil de
surveillance, les membres de sa direction générale, les membres de son
directoire ou tout associé ou groupe d’associés assurant un contrôle effectif
sur ladite entreprise,
6. les fonds déposés par le personnel d’une entreprise sans qu’ils ne dépassent
10% du capital de ladite entreprise.

Ici, il faut remarquer que les dépôts reçus du public sont des fonds qu’une personne
recueil d’un tiers: la notion de tiers est utilisée pour définir ce qu’est le public de
sorte que l’on vise ici des fonds qui sont remis par des personnes qui ont une
personnalité juridique différente de celle de la banque.

25
V. Article 995 et s COC
Inès YOUSSEF Page 22
Ainsi, on considère qu’un certain nombre de fonds reçus de certaines personnes, ne
sont pas des fonds reçus du public26.

Etant donné le monopole des banques sur les opérations de dépôt, il est important de
s’assurer de l’exhaustivité de la liste d’exclusion pour ne pas pénaliser des
entreprises qui réalisent des opérations pouvant être assimilées à des dépôts au sens
de la loi bancaire.
Dans le même sens d’idées, on s’interroge sur la position du régulateur quant aux
fonds déposés par le public auprès de la Poste Tunisienne. Des clarifications
concernant ces fonds sont de tant plus nécessaires que la loi 2016 ne les a pas
apportées.

III/La mise à la disposition de la clientèle de moyens de paiement et la prestation


de services de paiement

L’article 9 de la loi bancaire précise «Sont considérés moyens de paiement au sens


de la présente loi, toute forme d’instruments permettant de transférer des fonds d’un
compte à un autre, quel que soit le procédé technique utilisé, y compris le procédé
de monnaie électronique.

26
L’article 3 de la loi vise 3 principales disqualifications :
– Les fonds reçus de certains associés et de dirigeants de sociétés : les fonds qu’une société reçoit de certains
associés et de certains dirigeants ne sont pas considérés comme fonds reçus du public : cette exception vise
les comptes-courants d’associés : qui mettent à la disposition de la société qu’ils contrôlent un certain
nombre de fonds.
– Les fonds qui proviennent de prêts participatifs ne sont pas des fonds reçus du public : les prêts
participatifs sont une catégorie de prêts soumis à un régime juridique particulier, qui se caractérisent par
une clause dite de subordination. En vertu de cette clause, le prêteur accepte d’être remboursé après tous
les autres créanciers du débiteur y compris les créanciers chirographaires.
– Enfin dernière exception, ce sont les fonds qu’une entreprise reçoit de ses salariés, notamment pour ce
que ces salariés participent au financement de l’entreprise.
Dans chacun de ces cas, l’exception se fonde sur l’existence de liens particuliers existants entre celui qui
donne les fonds et celui qui reçoit les fonds. Ces exceptions sont absolument indispensables, parce qu’il
n’y a pas que les banquiers qui reçoivent les fonds, et que cette activité de banque ne doit pas paralyser les
activités économiques.
Inès YOUSSEF Page 23
Est considérée monnaie électronique, toute valeur monétaire représentant une
créance à la charge de l’émetteur, stockée sur un support électronique, émise en
contrepartie de la remise de fonds d’un montant dont la valeur n’est pas inférieure à
la valeur monétaire émise et acceptée comme moyen de paiement par des tiers autres
que l’émetteur de la monnaie électronique ».

Toutefois, en vertu de l’alinéa 2 du même article, ne sont pas considérés moyens de


paiement, les ordres et les cartes émises et destinées à :
- l’acquisition de biens ou de services auprès de l’émetteur de ces ordres ou de
ces cartes,
- la consommation d’un service ou l’acquisition d’une marchandise à condition
de les utiliser exclusivement aux fins de leurs émissions.

La loi 2016 innove en apportant la définition des services de paiement dans le cadre
de son article 10 qui prévoit : « Sont considérés services de paiement au sens de la
présente loi :
- les versements et les retraits en espèces,
- les prélèvements,
- les opérations de paiement en espèces, par chèque, lettre de change ou
mandats postaux émis ou tout autre support papier équivalent,
- les opérations de transfert de fonds,
- la réalisation d’opérations de paiement par tout moyen de communication à
distance, y compris les opérations de paiement électronique. ».
Outre les banques, les services de paiements sont réalisés par les établissements de
paiement27.

27
V. Circulaire de la BCT 2018-16 en date du 31 décembre 2018 relative aux règles régissant l’activité et
le fonctionnement des établissements de paiement
Inès YOUSSEF Page 24
IV/Les opérations bancaires islamiques

C’est la grande nouveauté par rapport à la loi de 2001, même si certaines banques
de la place (Al Baraka et Zitouna) pratiquaient déjà les opérations de finance
islamique dont le régime juridique n’était pas défini par le législateur. L’article 11
de la nouvelle loi a prévu dans un délai de 2 mois une circulaire de la BCT pour
définir les opérations de finances islamiques et déterminer leur mode et leurs
conditions d’exercice.
La loi nouvelle a, cependant, pris le soin de définir dans ses articles 12 à 15 les
opérations de mourabaha , ijaraa ,Isstissnaa, Salam et Wadaii istithmariya, en
gardant le silence sur les contrats de Moutharaba, et de Moucharaka.

Selon l’article 11 : « Sont considérées opérations bancaires islamiques, au sens de


la présente loi, les opérations bancaires qui ne donnent pas lieu à la perception et
au versement d’intérêts suivant différents termes en matière de réception des
dépôts, de placement, de financement et d'investissement dans des domaines
économiques, en conformité avec les normes bancaires islamiques.
La banque centrale de Tunisie assure le contrôle de la conformité des opérations
bancaires islamiques aux standards internationaux pratiqués dans ce domaine.
Les opérations bancaires islamiques comprennent notamment :
- La Mourabaha,
- l’Ijara assorti de l’option d’acquisition,
- la Moudaraba,
- la Moucharaka,
- l’Istisna’a,
- le Salam,
- les dépôts d’investissements.

Inès YOUSSEF Page 25


Le gouverneur de la banque centrale de Tunisie fixe ces opérations ainsi que les
modalités et les conditions de leur exercice, par circulaire prise dans un délai
maximum de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. »

En octobre 2019, la circulaire relative à la définition des opérations bancaires


islamiques et la fixation des modalités et conditions de leur exercice, a été édictée28.
En effet, elle a pour objet de définir les opérations bancaires islamiques et de fixer
les modalités et les conditions de leur exercice par les banques et les établissements
financiers habilités à s’y adonner, conformément aux dispositions de la loi 2016.
Au sens de cette circulaire, les opérations bancaires islamiques prennent la forme
soit d’opérations de financement commercial, soit d’opérations de financement
participatif soit de dépôts d’investissement29.

1/Les opérations de financement commercial

Ces opérations comprennent la Mourabaha, l’Ijara, l’Istisna’a et le Salam30.

A/ L’opération « Mourabaha »

L’article12 de la Loi 2016 précise que l’opération « Mourabaha » est toute


opération de vente avec déclaration du capital et de la marge de profit. La banque ou
l’établissement financier acquiert, à la demande du donneur d’ordre, des biens
meubles ou immeubles ou des marchandises déterminés, auprès d’une tierce
personne et les revends au donneur d’ordre à un prix équivalent à son coût
d’acquisition majoré d’une marge bénéficiaire déterminée d’avance qui sera réglé
dans des délais convenus entre les parties.

28
CIRCULAIRE AUX BANQUES ET AUX ETABLISSEMENTS FINANCIERS N° 9102-08
Objet : Définition des opérations bancaires islamiques et fixation des modalités et conditions de leur
exercice.
29
Ibid.
30
Ibid.
Inès YOUSSEF Page 26
Selon la circulaire, le financement par «Mourabaha» est une opération par laquelle
la banque ou l’établissement financier procède, suite à la demande du client donneur
d’ordre, à l’acquisition de biens meubles ou immeubles ou de services auprès d’une
tierce personne et à leur revente au donneur d’ordre à un prix équivalent à leur coût
d’acquisition majoré d’une marge bénéficiaire déterminée d’avance, sous forme
d’un montant ou d’un pourcentage fixe de la valeur initiale d’acquisition et payable
selon un échéancier convenu31.

Le financement Mourabaha est accordé aux :


1. Professionnels sous forme de :
 préfinancement de l’exploitation en vue de l’acquisition de
matières premières, de produits finis ou de produits semi-finis
nécessaires à la production ou au commerce ;
 financement de l’acquisition d’actifs, de droits ou de services,
dans le cadre de projets d’investissements réalisés par les
personnes physiques ou morales dans tous les secteurs d’activités
économiques.
2. Particuliers pour financer :
 l’acquisition, la construction ou l’extension de biens
immobiliers ;
 l’acquisition de biens mobiliers ;
 l’acquisition de services32

B/ L’opération « Ijara » assortie de l’option d’acquisition

L’article 13 de la loi 2016 définit le financement « Ijara » assorti de l’option


d’acquisition, comme toute opération de leasing par laquelle une banque ou un

31
Article 4 circulaire pré
32
Article 5 circulaire pré
Inès YOUSSEF Page 27
établissement financier acquiert et s’approprie des équipements, matériels ou biens
immeubles et les loue à ses clients à des fins d’exploitation professionnelle, pour
une durée déterminée moyennant des loyers payables dans des délais convenus, à
charge pour la banque ou l’établissement financier d’accorder au client l’option
d’acquérir le bien loué au cours de la période de location ou à la fin de l’échéance.
Les dispositions de la loi n° 94-89, relative au leasing s’appliquent sur les opérations
de financement Ijara avec option d’acquisition, tant qu’il n’y est pas dérogé par les
dispositions de la présente loi.

Selon la circulaire, est considérée financement par «Ijara» au profit des


professionnels, l’opération par laquelle la banque ou l’établissement financier
procède à l’acquisition d’un actif et son appropriation puis sa location au profit du
client en lui accordant l’option d’achat.

C/ L’opération « Istisna’a »

L’article 14 définit « Istisna’a » comme toute opération de vente par laquelle une
banque ou un établissement financier se charge de financer, à la demande de son
client en qualité de « Mostasni’i », la fabrication, d’un bien meuble ou immeuble,
dont la nature, la quantité et les caractéristiques sont détaillés avec précision. En vue
d’honorer ses engagements, la banque ou l’établissement financier charge un
cocontractant dit « Sani’i », de fabriquer le bien meuble ou immeuble selon la
description objet de son engagement avec le client. La banque ou l’établissement
financier prend possession du bien fabriqué, en paie le prix au « Sani’i » et livre ledit
bien au « Mostasni’i », moyennant un prix déterminé payable dans des délais
convenus, à condition de ne faire dépendre aucun contrat de l’autre.

Selon la circulaire, le financement par «Istisn’a» est une opération par laquelle la
banque ou l’établissement financier procède au financement de la fabrication d’un

Inès YOUSSEF Page 28


bien meuble ou immeuble au profit de son client, en qualité de « Mostasni’i », selon
des spécifications déterminées.
A cet effet, la banque ou l’établissement financier :
1. charge une tierce personne dite « Sani’i » de fabriquer l’actif sollicité, selon
une opération de deuxième «Istisn’a», et ce, conformément aux spécifications
définies par le client.
2. livre l’actif au client en contrepartie d’un prix déterminé payable selon un
échéancier convenu.
3. La banque ou l’établissement financier peut s’engager en tant que « Sani’i »
ou « Mostasni’i ».
Le total des engagements de la banque ou de l’établissement financier au titre du
deuxième «Istisn’a» ne peut en aucun cas être supérieur à celui fixé lors du premier
«Istisn’a»33.

D/ L’opération « Salam »

Selon l’article 15, Est considéré « Salam », toute opération de vente à terme de biens
meubles corporels moyennant le règlement d’un prix en numéraire au comptant et
par laquelle une banque ou un établissement financier acquiert des marchandises,
décrites de manière levant toute équivoque et déterminées par la mesure, le poids ou
le comptage. La banque ou l’établissement financier est tenu de vendre la
marchandise reçue objet du « Salam » dans le délai fixé.

Selon l’article 7 de la circulaire, le financement par «Salam» est une opération par
laquelle la banque ou l’établissement financier procède à un achat à terme à un prix
en numéraire au comptant de biens meubles corporels déterminés par le client. La
banque ou l’établissement financier est tenu de vendre les biens meubles objet du
«Salam» après leur réception, ou de mandater le client à cet effet, et ce, dans les

33
Article 8 circulaire pré
Inès YOUSSEF Page 29
délais fixés. La banque ou l’établissement financier peut vendre les biens objet du
«Salam» avant leur réception dans le cadre d’un deuxième «Salam» au profit d’une
tierce personne34.

2/ Les opérations de financement participatif

Ces opérations comprennent notamment le financement par la «Moucharaka» et


le financement par la «Moudharaba»35.

A/ L’opération « Moucharaka »

Le financement par « Moucharaka » est une opération par laquelle la banque ou


l’établissement financier cofinance, avec son client, selon des proportions et une
durée convenues, le coût de réalisation d’un projet, d’une activité ou d’opérations
commerciales ponctuelles36.

B/ L’opération « Mudharaba »

Le financement par « Mudharaba » est une opération par laquelle la banque ou


l’établissement financier fournit la totalité du capital au client en vue de financer un
projet ou une activité. La contribution du client se limite à l'expertise et à la gestion.37

3/ Les dépôts d’investissement

L’article 16 précise que les dépôts d’investissement sont les montants logés par
leurs titulaires, dans un compte auprès d’une banque, par quelque moyen de

34
Article 7 circulaire pré
35
Article 9 circulaire pré
36
Article 10 circulaire pré
37
Article 11 circulaire pré
Inès YOUSSEF Page 30
paiement que ce soit, et ce, en vertu d’un contrat de « Moudaraba » ou « Wakala »,
en vue de les utiliser dans des investissements en actifs sur une période déterminée,
avec ou sans restriction. La banque ne garantit aucune perte de l’investissement, sauf
en cas de négligence ou de manquement aux conditions contractuelles, dûment
établies.

Le titre 3 de la circulaire est dédié aux Dépôts d'investissement. Selon l’article 12


de la circulaire, sont considérés dépôts d’investissement, les montants logés par leurs
titulaires par quelque moyen de paiement que ce soit, dans un compte
d’investissement ouvert auprès d’une banque, et ce, en vue de les investir, en vertu
d’un contrat de « Moudharaba » ou de « Wakala investissement », en actifs pour une
période déterminée, avec ou sans restriction.

La « Wakala investissement » est une opération par laquelle le client mandate la


banque pour investir, en son nom et pour son compte, ses fonds dans des actifs,
pendant une période déterminée, et ce, avec ou sans restrictions.

La « Mudharaba » est effectuée selon les deux modalités suivantes :


1. la « Mudharaba restrictive » qui consiste, pour le client, à mandater la banque
pour investir ses fonds dans des projets bien déterminés et selon des délais et
des conditions convenues. Dans ce cas, le risque d'investissement est supporté
par le client.
2. la « Mudharaba non restrictive » qui consiste à accorder la liberté à la banque
d’investir les fonds du client sans restriction aucune.

Le rendement des dépôts d’investissement est lié aux résultats de l’investissement.


Les dépôts d’investissement supportent les frais directs liés aux opérations
d’investissement ainsi que leur quote-part dans les dépenses communes.

Inès YOUSSEF Page 31


Ces dépôts ne supportent pas les frais liés aux activités propres à la banque. Les
rendements et les risques de l’investissement sont répartis entre la banque et les
titulaires des comptes d’investissement en fonction de la spécificité de chaque mode
d’investissement38.
La banque est tenue de communiquer, avant chaque opération d’investissement
qu’elle effectue, son statut de « Mudharib » ou de « Wakil», sa politique
d'investissement et le taux des risques qui lui est associé39.
Tous les six mois, la banque est tenue d’informer ses clients titulaires de comptes
d’investissement de la nature des opérations d’investissement effectuées, de leur
quote-part directes et indirectes ainsi que des modalités de répartition des profits et
pertes40.

38
Article 13 circulaire pré
39
Article 14 circulaire pré
40
Article 15 circulaire pré
Inès YOUSSEF Page 32
L es opérations de crédit

Inès YOUSSEF Page 33


INTRODUCTION : LA NOTION D’OPERATION
DE CREDIT41

Le mot crédit vient du latin "credere" qui signifie croire ou avoir confiance.
Par un crédit, une personne fait confiance à une autre en lui avançant des fonds et
en prenant ainsi le risque que l’emprunteur ne puisse pas rembourser dans les délais
prévus. La notion d’opération de crédit a été consacrée dans le COC à travers le
contrat de prêt, puis dans le CC qui a instauré quatre opérations de crédit, sans pour
autant, en donner une définition.

Il n’en demeure pas moins que le législateur a essayé de rectifier le tir en donnant
une définition fonctionnelle de l’opération de crédit dans le cadre de la loi bancaire
de 2001 puis dans la nouvelle loi bancaire de 2016.
Dans cette optique, l’article 6 de la loi bancaire définit un crédit comme suit :
"Est considère un crédit au sens de la présente loi, tout acte par lequel une personne
physique ou morale, agissant à titre onéreux :
- met des fonds à la disposition d'une autre personne, ou
- s’engage à mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans
l’intérêt de celle-ci un engagement par signature sous forme de cautionnement ou de
garantie".
Il en découle que la notion d’opération de crédit dénote d’une mise à disposition
onéreuse de fonds restituables. De la sorte, l’opération de crédit se présente comme
une opération très spécifique qui se base sur deux principaux facteurs
proportionnels : le facteur temps et le facteur rémunération.

41
Pour plus de détails V. I.YOUSSEF, La notion d’opération de crédit, communication colloque
Soixantenaire Code de commerce, 28 février 2020.
Inès YOUSSEF Page 34
A vrai dire, la notion est plutôt économique que juridique. Dans cette optique,
l’opération de crédit se démarque d’autres opérations économiques. Elle se diffère
d’un côté de l’opération de financement42 et de l’autre des contrats financiers43.

Dans le langage courant, quand on pense au crédit, on ne pense qu’au prêt ou au


découvert (avances que fait la banque). Mais, le crédit peut prendre des formes
beaucoup plus complexes ; il ne se réalise pas toujours par la mise à disposition
directe d’une somme d’argent. Il y a des crédits par signature c’est-à-dire que la
banque fournit sa signature au lieu d’une somme d’argent.

D’une façon générale, les opérations de crédit sont protéiformes. A cet égard, force
est de constater qu’avec l’introduction des opérations de finance islamique par la loi
2016, le législateur les a écarté du champ d’application des opérations de crédit.
Certes, le législateur range les opérations de finance islamique parmi les opérations
bancaires, mais le souci de séparer catégoriquement ces opérations des opérations
de crédit était omniprésent. Cela se démontre aisément à travers la suppression de la
catégorie d’établissement de crédit. En outre, avec la loi 2016, les opérations de
leasing et de factoring ne sont plus considérées comme des opérations de crédit. En
revanche, le législateur assimile clairement le leasing à l’opération de « Ijara al
montahiya bi tamlik ».

Par ailleurs, les opérations de capital risque ne sont pas également des opérations de
crédit. En effet, avant 2011, la pratique du capital risque en Tunisie tendait à se
rapprocher d’une opération de crédit. La société d’investissement à capital risque

42
L’opération de crédit n’est pas un emprunt obligataire ou une opération de capital investissement encore
désignée « private equity ». L’apport en compte courant d’associé est en revanche une forme particulière
d’opération de crédit.
43
Les contrats financiers sont des instruments financiers, des produits financiers. V.I.YOUSSEF, « A la
recherche d’une notion de valeurs mobilières ».
Inès YOUSSEF Page 35
(SICAR)44 a pris ainsi l’habitude de procéder à une sortie du capital de la société
financée, à travers la fixation d’un taux fixe et l’arrêté d’un échéancier de
remboursement, tout comme un crédit bancaire. Or, l’idée du capital risque consiste
à placer la SICAR dans la position d’un actionnaire dans une société qui partage ses
gains et supporte ses pertes et non pas celle d’un emprunteur disposant d’une créance
et supportant le risque de ne pas être payé à l’échéance.
Le décret-loi 2011-9945 a précisé, catégoriquement, la nature de l’intervention de la
SICAR ; Dans son article premier, il a été précisé que les conventions entre le
promoteur du projet et la SICAR ne doivent pas stipuler des garanties hors projet ou
des rémunérations dont les conditions ne sont pas liées aux résultats des projets.

Ceci étant, la notion d’opération de crédit est une notion évolutive qui peut à l’avenir
comporter d’autres types d’opérations à l’instar des opérations de crowdfunding.

Etant une notion protéiforme, il convient d’étudier les opérations de crédit en général
(Première Partie) avant d’étudier quelques opérations de crédit « spécifiques »
(Deuxième Partie).

44
Régie par la loi N° 88-92 du 2 aout 1988 sur les sociétés d’investissement
45
Décret-loi n° 2011-99 du 21 octobre 2011, portant modification de la législation relative aux sociétés
d’investissement à capital risque et aux fonds communs de placement à risque et assouplissement des
conditions de leurs interventions
Inès YOUSSEF Page 36
P artie 1 : Les opérations de
crédit en général

Inès YOUSSEF Page 37


CHAPITRE 1 : LES REGLES GENERALES DES
OPERATIONS DE CREDIT

L’article 6 de la loi bancaire définit un crédit comme suit :


"Est considère un crédit au sens de la présente loi, tout acte par lequel une personne
physique ou morale, agissant à titre onéreux :
- met des fonds à la disposition d’une autre personne, ou
- s’engage à mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend dans
l’intérêt de celle-ci un engagement par signature sous forme de cautionnement ou de
garantie".
Deux formes de crédit, peuvent être déduites des dispositions de l’article 6 précité.
D’un côté, les crédits par caisse, de l’autre, les crédits par signature.
De ces deux formes, on peut recenser les caractéristiques générales des opérations
de crédit (section 1). Ce qui permettra la classification des opérations de crédit
(section 2). Dans le cadre de l’étude des règles générales des opérations de crédit, il
importe aussi d’examiner l’opération de crédit telle que consacrée dans le COC
(section 3) et dans le CC (section 4).

Section 1 : Les caractéristiques générales des opérations de crédit

Les opérations de crédit présentent deux caractéristiques générales :


- Ces opérations sont lucratives pour le banquier, elles ont donc un coût qui sera
supporté par l’emprunteur.
- Ces opérations de crédit sont très nombreuses et l’on peut avancer la formule
suivante : si tout prêt constitue nécessairement une opération de crédit, en
revanche, toute opération de crédit ne se ramène pas à un prêt.
Ainsi le prêt n’est qu’un exemple d’opérations de crédit.
On peut ici en donner quelques exemples qui sont nécessaires pour bien appréhender
la notion d’opération de crédit :

Inès YOUSSEF Page 38


 Est une opération de crédit la simple avance de fonds et donc un prêt : c’est
l’avance de fonds que consent un préteur au profit d’un emprunteur, celui-ci
devant rembourser lui-même le montant de l’avance au prêteur dans un délai
déjà fixé. Il y a donc des fonds mis effectivement à la disposition de
l’emprunteur qui doit les restituer au prêteur.

 Les engagements par signature dont le cautionnement : le contrat par lequel


une personne appelée caution, s’engage à désintéresser un créancier en cas de
défaillance d’un débiteur. La caution s’engage : le débiteur peut ne pas être
défaillant, en ce cas, la caution n’aura jamais aucun paiement à effectuer au
créancier. La caution ne va donc mettre aucun fond à la disposition du
créancier et pourtant le cautionnement est qualifié d’opération de crédit.

A ces deux exemples symptomatiques, il convient d’en rajouter un troisième :


 Il y a une opération de crédit très classique que l’on appelle l’opération
d’escompte. Sans rentrer dans le mécanisme spécifique de la lettre de change :
cette opération d’escompte s’analyse comme l’achat d’une créance, de sorte
que la personne qui acquière la créance (représentée par la lettre de change)
procède à un paiement immédiat auprès du cédant. Qui est donc le bénéficiaire
du crédit ? C’est le cédant qui est généralement le tireur de la lettre de change.
Le cédant a transmis la propriété de la créance au cessionnaire (le banquier).
Qui va alors restituer le montant du crédit ? c’est le débiteur cédé. De sorte
que le débiteur de la restitution est en quelque sorte, distinct du bénéficiaire
du crédit. Alors si l’opération d’escompte s’analyse comme la cession d’une
créance moyennant un paiement immédiat et une restitution par une personne
autre que le bénéficiaire du crédit, on met en œuvre un mécanisme très
différent du prêt lui-même. Car dans le prêt qui rembourse le prêteur ? C’est
l’emprunteur.

Inès YOUSSEF Page 39


Cela conduit à mettre en avant les 2 éléments de la notion de crédit :
- Un premier élément qui réside dans la rémunération du banquier : la
rémunération du banquier est un élément inhérent à l’opération de crédit.
Cette rémunération se concrétise par les intérêts débiteurs et par les
commissions. Il n’y a pas de crédit sans rémunération du banquier. De sorte
que l’opération de crédit prend le contre-pied de la conception civiliste du prêt
qui est essentiellement à titre gratuit. Au contraire l’opération de banque
qu’est l’opération de crédit est lucrative pour le banquier.
- Le deuxième élément est plus complexe : Cet élément réside dans la mise à
disposition de fonds. On notera que cet élément reprend une terminologie de
l’article 6 "met ou s’engage à mettre". Mais cette terminologie n’était pas
classiquement retenue par la doctrine : ils ne parlaient pas de mise à
disposition de fonds, mais d’avance de fonds, qui était l’élément
caractéristique du crédit.
La notion d’opération de crédit implique donc une mise à disposition de fonds qui
seront nécessairement restitués.

Ainsi comprise la mise à disposition présente en réalité trois caractères différents :


la mise à disposition peut être immédiate, future ou éventuelle ;
 La mise à disposition immédiate se caractérise par un décaissement
concomitant à la conclusion du crédit. La mise à disposition immédiate peut
être illustrée, tout d’abord, par le prêt qui conduit le prêteur à mettre
immédiatement à la disposition de l’emprunteur, des fonds.
Généralement, le crédit est versé dans un compte courant ouvert au nom du
client qui est autorisé à tirer des effets sur le dit compte à hauteur du montant
alloué. Ainsi, le banquier autorise son client à porter au débit de son compte
l’équivalent du montant du crédit octroyé.

Inès YOUSSEF Page 40


Mais, il y a aussi une autre catégorie de crédit : les crédits avec mobilisation46
de créances qui sont illustrés par l’escompte, l’affacturage, etc.
La mise à disposition immédiate peut donc être illustrée par deux types de
crédit : des crédits sans mobilisation (le prêt) ou avec mobilisation (escompte,
affacturage).

 La mise à disposition peut être future. On vise les promesses de crédit 47: et
ces promesses de crédit se caractérisent ou s’illustrent par les « ouvertures de
crédit ». En vertu de l’ouverture de crédit, le banquier promet de mettre à la
disposition du client, un crédit d’un certain montant (que l’on appelle
l’encours ou la ligne de crédit) et bien sûr le client peut utiliser, à sa guise, cet
encours. En effet, qui dit promesse, dit obligation à la charge du promettant
(le banquier) mais le bénéficiaire dispose d’une option qu’il peut ou non lever.
Et c’est lorsque l’option est levée que le crédit est alors consommé.

 La mise à disposition éventuelle : elle est éventuelle car elle est liée à la
défaillance effective du client : lorsque le banquier cautionne un engagement
de son client, il ne mettra les fonds à la disposition du créancier que si son
client est défaillant. Dans la disposition éventuelle il se peut que le banquier
ne mette aucun fonds à la disposition du créancier, néanmoins il s’agit d’une
perspective que le banquier a accepté de financer son client. Par cette
acceptation, il a facilité la réalisation ou la conclusion de l’opération de son
client, parce qu’avant même de mettre éventuellement des fonds à la

46
La notion de cession est économique et juridique :
– économique car le montant du crédit est en relation avec le montant de la créance mobilisée : une créance
de 10 000 d, on obtient un crédit de 10 000d.
– Mais à cette mobilisation économique s’ajoute une mobilisation juridique : elle consiste le plus souvent,
pas systématiquement, dans un transfert de la propriété de la créance. Ce qui conduit à constater que ces
opérations de crédit avec mobilisation de créance, reviennent schématiquement par un transfert de la
propriété moyennant le paiement d’un prix. Ainsi, l’avantage que le bénéficiaire obtient réside dans un
paiement anticipé.
47
Sur la distinction ouverture de crédit et promesse de prét. V. Infra p 59 et s.
Inès YOUSSEF Page 41
disposition du créancier, il a mis à la disposition de son client, sa signature.
C’est la raison pour laquelle on, désigne ce type de crédit par la terminologie
« engagement par signature ».
Ces engagements étaient visés dans la loi par cautionnement, aval ou garantie.
Qu’est-ce qu’un aval ? C’est une opération qui concerne la lettre de change
ou le billet à ordre. L’aval est, en réalité, le cautionnement des engagements
d’un débiteur cambiaire (c’est-à-dire d’une personne tenue au paiement de
l’effet de commerce).
On doit observer pour terminer que le texte emploi le terme « garantie ».
Qu’est-ce qu’une garantie : c’est un terme suffisamment large pour y inclure
toutes les garanties personnelles et on y inclut les garanties à première
demande (que l’on connaît en commerce international).

Section 2 : La classification des opérations de crédit

Plusieurs classifications des opérations de crédit ont été consacrées par la doctrine
et même par le régulateur. Les principales classifications se basent sur la qualité du
prêteur (§1), la qualité de l’emprunteur (§2), et les critères essentiels de l’opération
de crédit (§3).

§1 Classification sur la base de la qualité du prêteur

La qualité du prêteur est un critère déterminant du régime juridique des opérations


de crédit. C’est un critère permettant de distinguer les opérations qui entrent dans le
champ d’application du monopole bancaire de celle qui ne sont que des exceptions
à ce monopole48.
Pour les crédits bancaires, objet du monopole bancaire, la question de l’unicité ou
pluralité des dispensateurs de crédit se pose pleinement. Pour les opérations simples

48
V. infra p 74.
Inès YOUSSEF Page 42
et sans grands risques, le crédit n’est généralement accordé à une entreprise que par
une seule banque. Pour les crédits d’un montant élevé où le risque est plus important,
il est fréquent que plusieurs banques se groupent de manière à répartir entre elles le
risque et la charge du financement49.

§2 Classification sur la base des critères essentiels de l’opération de crédit

Plusieurs critères peuvent être pris en compte démontrant la prolifération des règles
spéciales régissant les opérations de crédit. Il est possible de retenir la forme de
crédit qui met en œuvre la classification la plus fondamentale entre les crédits par
caisse et les crédits par signature.

De même, la durée permet de classer les crédits en trois catégories : les crédits à
court, moyen et long terme.
- Le crédit à court terme50 n’excède pas deux ans. Ces crédits sont essentiels
car ils servent principalement à alimenter l’actif de roulement de l’entreprise
ou sa trésorerie. Ils servent également au financement d’investissements
légers. La finalité commune de l’ouverture de crédit et du découvert, qui est
de permettre à un emprunteur de disposer d’une réserve financière.
Dans ce cadre, on distinguera tout d’abord, le découvert de la simple facilité
de caisse, laquelle se caractérise par une durée très courte (quelques jours) et
une finalité destinée à permettre à l’entreprise de faire face à des
décaissements monétaires à certaines dates régulières (ex : fin de mois).

49
Lorsque, à propos d’une opération complexe, importante ou risquée, plusieurs banques passent un accord
pour son financement, on est en présence de crédits consortiaux ou syndiqués (c’est un crédit accordé par
un pool bancaire). V. Lamy droit du financement 2018, N° 3334 ‐ Unicité ou pluralité de dispensateurs de
crédit.
50
Selon la Circulaire aux banques N°87-47 du 23 décembre 1987 relative aux modalités d’octroi, de
contrôle et de refinancement des crédits, le court terme c’est de trois mois à deux ans.
Inès YOUSSEF Page 43
Le découvert d’une durée généralement plus longue (quelques mois) recouvre
les notions de « crédit de campagne » ou « d’approvisionnement » destinés à
permettre à l’entreprise d’effectuer, à certaines époques de l’année, des achats
importants tels que la constitution d’un stock, mais également des opérations
de caractère exceptionnel que la trésorerie de l’entreprise ne permettrait pas
de réaliser51.
- Le crédit à long terme52est d’une durée supérieure à sept ans. Il sert
normalement au financement d’investissements lourds.
- Le crédit à moyen terme53 a donc une durée comprise entre deux et sept ans.

D’autres classifications sont prévues découlant de ce qui se passe en amont du


crédit. On tient ici compte de la possibilité qu’a la banque de se refinancer en
mobilisant la créance qu’elle a vis-à-vis de son client pour obtenir une somme
immédiate. La mobilisation d’un crédit est l’opération par laquelle la banque
retrouve auprès d’une autre banque la disponibilité des fonds avancés.
Il y’a certains crédits pour lesquels ce refinancement est facile, d’autres pour
lesquels il est difficile.

En outre, certains crédits sont garantis, d’autres sont en blanc. On distingue alors
les crédits non garantis ou crédits en blanc, des crédits garantis. Pour les crédits
garantis dans certaines opérations de crédit, la garantie est intégrée à l’opération, tel
que l’escompte, dans d’autres, le crédit est garanti par une sureté.

De surcroît, le crédit peut être national ou international. Ce caractère international


peut tenir à plusieurs éléments : la nationalité des parties, l’objet du financement qui

51
V. Frédéric MARTIN Béatrice GÉRARD GODARD, « La souplesse de l’ouverture de crédit et du
découvert », Revue Lamy droit des affaires, Nº 61, 1er juin 2011
52
Selon la circulaire N°87-47 précitée, le moyen terme est de durée maximale 7 ans.
53
Le long terme c’est plus que 7 ans.
Inès YOUSSEF Page 44
peut être un bien situé à l’étranger ou une opération commerciale internationale54. Il
existe des crédits internationaux spécifiques tels le crédit documentaire ou souvent
les crédits syndiqués.
Dans le cadre des crédits internationaux, on distingue certains crédits en fonction
des objectifs du financement. Ce qui permet de différencier le crédit fournisseur 55
du crédit acheteur56.

§3 Classification sur la base de la qualité de l’emprunteur

La qualité de l’emprunteur permet principalement de démarquer les crédits accordés


aux particuliers de ceux accordés aux entreprises. Cette distinction des crédits

54
V. I.YOUSSEF, Le contrat bancaire international, communication, Quatrième journée Mohamed
CHARFI de droit international privé sur « le contrat international », FSJPST, les 13 et 14 avril 201
55
« Le crédit fournisseur est un crédit de mobilisation de créances détenues par un vendeur français sur un
acheteur étranger. Le banquier de l’exportateur procède à un escompte des effets de commerce matérialisant
les créances détenues par l’exportateur sur son acheteur. Le crédit de mobilisation sera un crédit à taux
privilégié.
Ces crédits sont utilisés depuis les années 1950. Le fabricant français accorde des délais de paiement à son
client étranger. Il assume une double obligation : obligation commerciale et obligation financière.
À l’origine, en 1950, le système du crédit fournisseur permettait à un exportateur français de faire escompter
des créances qu’il détenait sur un acheteur étranger, et cela sans limite de montant puisque l’escompte
pouvait atteindre 100 %. Dans ce système, intervenaient obligatoirement la Banque française du commerce
extérieur, chargée d’un réescompte à taux préférentiel et la COFACE, chargée de la garantie de certains
risques. La BFCE assurait aussi un rôle de garantie pour le risque commercial : elle intervenait en effet
obligatoirement pour conférer sa garantie de bonne fin.
Au cours des années 1985-1986, la philosophie du système a changé. Dans le cadre de la déréglementation
souhaitée par les pouvoirs publics, l’idée dominante a été de favoriser le développement d’un « secteur
libre». » V. Lamy droit du financement, Partie 7 Financement international, européen et régional, Titre 3
Financement du commerce international, Chapitre 1 Financement des exportations, Section 4 Crédits
fournisseurs et crédits acheteurs, § 2. Crédits acheteurs.
La COTUNACE (La Compagnie Tunisienne pour l’assurance du commerce extérieur) assure en Tunisie,
les crédits à l’exportation.
56
« Le crédit acheteur est né en 1965 et il a été mis en place en 1966. L’idée était de dissocier le contrat
commercial de son financement en accordant le financement non plus à l’exportateur mais bien davantage
à l’acheteur étranger. On a donc ici deux contrats indépendants :
— le contrat commercial entre l’exportateur et l’acheteur étranger ;
— le contrat financier entre l’acheteur et la banque française.
Pour le reste, les mécanismes d’assurance et de financement sont assez comparables à ceux du crédit
fournisseur. »V. Lamy droit du financement, préc.
Inès YOUSSEF Page 45
consentis aux entreprises57 et aux particuliers est économique 58
avant d’être
juridique. Ainsi, la circulaire N°87-4729 relative aux modalités d’octroi, de contrôle
et de refinancement des crédits (ci-après circulaire N°87-47) l’a consacrée en
précisant notamment les normes d’octroi des crédits aux entreprises commerciales,
artisanales ou industrielles. A cet égard, la circulaire dresse une typologie des crédits
aux entreprises tout en déterminant leur destination, leur montant et leur échéance.

Section 3 : L’opération de crédit dans le COC : opération de crédit de droit


commun

Avant la promulgation du code de commerce, le COC a déjà consacré l’opération


modèle de crédit ou encore l’opération de crédit de droit commun à savoir
l’opération de prêt.
Le prêt d’argent est le contrat par lequel une personne, dénommée prêteur, remet à
une autre, dénommée emprunteur, une somme d’argent à charge de la restituer. Le
prêt est originairement un contrat à titre gratuit.
Les contrats de prêts posent, en droit, cinq questions, au demeurant tout à fait
classiques59 : la qualification (§1), la preuve (§2), la validité (§3), les obligations de
l’emprunteur (§4) et le remboursement (§5).

§1 La qualification

Il faut aussi distinguer les différents types de contrats de prêts (A) comme il faut
distinguer les contrats de prêts des notions voisines (B).

57
V. Circulaire aux banques N°87-47 du 23 décembre 1987 relative aux modalités d’octroi, de contrôle et
de refinancement des crédits.
58
Ibid.
59
N.CAYROL, Synthèse - Contrat de prêt, JCl. Civil Code, 27/04/2019
Inès YOUSSEF Page 46
A/ Les types de prêts

Il importe de signaler que le titre VI COC est consacré au contrat de prêt. Ce titre
comporte trois chapitres. Le troisième chapitre est relatif au prêt à intérêts.
Les deux premiers chapitres sont consacrés successivement au prêt à usage et au prêt
de consommation. Par conséquent, deux catégories de prêt sont précisées dans le
COC : Ce sont les deux espèces du prêt60 : le prêt à usage ou commodat (âria) (a) et
le prêt de consommation (kardh ou salaf) (b).

1/ Le prêt à usage ou commodat

Selon l’article 1055 COC, le prêt à usage, ou commodat, est un contrat par lequel
l’une des parties remet une chose à l’autre partie pour s’en servir pendant un temps,
ou pour un usage déterminé, à charge par l’emprunteur de restituer la chose même.
Dans le commodat, le prêteur conserve la propriété et la possession juridique des
choses prêtées ; l’emprunteur n’en a que l’usage.
Le prêt à usage est essentiellement gratuit61. Il peut avoir pour objet des choses
mobilières ou immobilières62.

2/ Le prêt de consommation

Aux termes de l’article 1081 COC, le prêt de consommation est un contrat par lequel
l’une des parties remet à une autre des choses qui se consomment par l’usage, ou
d’autres choses mobilières, pour s’en servir, à charge par l’emprunteur de lui en
restituer autant de même espèce et qualité, à l’expiration du délai convenu. Le prêt
de consommation se contracte aussi lorsque celui qui est créancier d’une somme

60
Article 1054 COC
61
Article 1060 COC
62
Article 1057 COC
Inès YOUSSEF Page 47
en numéraire, ou d’une quantité de choses fongibles, à raison d’un dépôt ou à
d’autres titres, autorise le débiteur à retenir, à titre de prêt, la somme ou quantité
qu’il doit.
Le prêt de consommation peut avoir pour objet « des choses mobilières, telles que
des animaux, des étoffes, des meubles meublants ou des choses qui se consomment
par l’usage, telles que des denrées, du numéraire »63.

B/ Le prêt et les notions voisines

Il faut distinguer le prêt des autres conventions, telles que les conventions d’apport
en société (a), de dépôt (b), ou encore de portage (c).

1/ Contrat de prêt et contrat de société

Le prêt se distingue, parfois, difficilement du contrat de société64.


D’une façon générale le contrat de société suppose une mise en commun d’apports
en vue de la participation des associés aux pertes ou aux bénéfices. Dès lors, le
premier critère de distinction peut être fondé sur la notion d’apport.
Il reste que ce critère d’apport se rapproche de l’avance constitutive du prêt. Ainsi,
le critère le plus révélateur peut tenir à la participation aux pertes.
Le prêteur n’entend pas, à la différence de l’actionnaire, participer à d’éventuelles
pertes65.

63
Article 1084 COC
64
D.LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, JCL, 1er Novembre 2017
65
« Cependant, il existe des prêts qui sont rémunérés par une participation au chiffre d’affaires de
l’emprunteur. La qualification de prêt a ainsi pu être retenue dans une hypothèse dans laquelle une personne
s’était engagée à mettre à la disposition d’une autre une somme destinée à l’acquisition d’un fonds tout en
précisant que la plus-value résultant de la revente serait répartie (Cass. com., 8 janv. 1969 : Bull. civ. 1969,
IV, n° 11). La qualification de société en participation a aussi été retenue dans une telle hypothèse (Cass.
1re civ. 27 févr. 1973 : Bull. civ. 1973, I, n° 73).Pour s’opposer à des demandes de remboursement de
crédit, des emprunteurs tentent ainsi parfois de démontrer l’existence d'une société de fait les unissant à
l’établissement de crédit. Ces demandes sont le plus souvent écartées, faute de démonstration de la volonté
Inès YOUSSEF Page 48
2/ Contrat de prêt et contrat de dépôt

Il est intéressant de se demander si une convention ayant pour conséquence de


conduire le prêteur à verser des sommes à l’emprunteur pouvait toujours être
qualifiée de dépôt. La réponse négative a été proposée par la doctrine majoritaire.
Mais, rien ne semble interdire de qualifier les sommes remises par le prêteur de dépôt
ce qui justifie alors la rémunération66.Il s’agirait plus précisément d’un dépôt
irrégulier67, variété de contrat qui a le particularisme de transférer au dépositaire la
propriété de la chose prêtée. Toutefois, les deux conventions se distinguent par
l’intention des parties. En présence d’un prêt, l’emprunteur a besoin de fonds pour
une finalité particulière. Dans le dépôt, le déposant souhaite conserver une somme
d’argent68.

3/ Contrat de prêt et portage

Il est important de distinguer le prêt du portage. Le portage est la convention par


laquelle un investisseur convient avec une personne qu’il souscrira ou achètera des
actions, à charge pour celle-ci de les lui racheter au terme d’une période déterminée
et pour un prix convenu d’avance69. L’opération pouvait s’analyser en un prêt
rémunéré dans la mesure où elle consisterait en la mise à disposition immédiate, à

de la banque de participer aux pertes (CA Paris, 15e ch., sect. A, 19 févr. 2002 : JurisData n° 2002-
192248) ». D.LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
66
Ibid.
67
Le dépôt irrégulier est celui qui, portant sur une chose de genre, oblige le dépositaire à restituer, non la
chose remise elle-même, mais une chose équivalente. Sur le contrat de dépôt V. Titre V. COC
68
En présence d’une stipulation d’un intérêt négatif, il conviendrait de conclure à la qualification de dépôt.
AUCKENTHALER, « Taux d’intérêt négatif : le monde à l’envers », RD bancaire et fin. 2016, étude 33.
69
D.LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 49
une société, d’une somme à restituer à une échéance et moyennant une rémunération
conventionnellement fixée70.

§2 La preuve

La preuve dans l’opération de prêt permet de s’interroger en premier lieu, si la


preuve concerne le prêt lui-même ou la restitution. Par exemple, il est fréquent
d’avoir à s’interroger sur la portée d’un écrit par lequel une personne reconnaît avoir
reçu une somme d’argent, soi-disant à titre de prêt.
En second lieu, se pose la question de la nature du contrat de prêt. S’agit-il d’un
contrat consensuel ou réel ? La question est importante dans la mesure où c’est de
cette qualification que dépend le régime de la preuve. Lorsque le prêt est un contrat
consensuel, la mise à disposition de la somme n’est plus une condition de validité
du contrat. En revanche, si le prêt est un contrat réel, la mise à disposition de la
somme empruntée devient une condition de validité du contrat.

Aux termes de l’article 1086 COC, le prêt de consommation transmet la propriété


des choses ou valeurs prêtées à l’emprunteur, à partir du moment où le contrat est
parfait, par le consentement des parties et même avant la tradition des choses
prêtées. Quant au prêt à usage, il est parfait par le consentement des parties et par
la tradition de la chose à l'emprunteur71. Il découle des dispositions précitées que, le
prêt est un contrat consensuel.

70
Position du Droit Français adoptée par arrêt de la Cour de Cassation Française. Cass. com., 23 janv. 2007
: JurisData n° 2007-037048 ; Rev. Sociétés 2007, p. 315, note A. VIANDIER ; RTD com. 2007, p. 425,
obs. D. LEGEAIS.
71
Article 1058 COC
Inès YOUSSEF Page 50
En droit français, classiquement le prêt était considéré comme un contrat réel72. Par
arrêt en date du 28 mars 2000, la Cour de cassation devait consacrer l’abandon de la
qualification de contrat réel en énonçant que « le prêt consenti par un professionnel
du crédit n’est pas un contrat réel »73.La Cour de cassation maintient la qualification
de contrat réel pour les prêts consentis par les non-professionnels du crédit74.

§3 La validité

Il convient de distinguer les conditions de validité du prêt lui-même, des conditions


de la convention de taux insérée dans le prêt, et des conditions des clauses relatives
aux modalités de remboursement. Le prêt est soumis aux règles de formation des
conventions75. Dans ce cas, le contrat est parfait dès que les parties sont convenues
des clauses essentielles du prêt76. Il se forme par la rencontre d’une offre et d’une
acceptation. L’emprunteur doit avoir le pouvoir et la capacité d’emprunter ;
Pour prêter, il faut avoir la capacité d’aliéner les choses qui font l’objet du prêt77.
Pour donner une chose à commodat, il faut avoir la capacité d’en disposer à titre
gratuit. Les tuteurs, curateurs et administrateurs de la chose d’autrui ne peuvent
prêter à usage les choses qu’ils sont chargés d’administrer78. La cause du prêt est
l’obligation de remise des fonds.

72
Le prêt a pendant longtemps constitué le contrat réel par excellence. Le prêt est même apparu comme le
contrat pour lequel l’exigence de remise de la chose pour former le contrat était la plus naturelle voire la
plus nécessaire. Ce caractère réel a cependant progressivement été abandonné par la loi et par la
jurisprudence pour certains prêts. Le principe est ainsi devenu l’exception. V. D LEGEAIS, Fasc. 355 : Le
prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
73
Cass. 1re civ., 28 mars 2000 : JurisData n° 2000-001226 ; JCP E 2000 , p. 898
74
Cass. 1re civ. 7 mars 2006 : JurisData n° 2006-032543 ; JCP E 2006, 2195, note S. PIEDELIEVRE. Dans
la doctrine classique, le prêt est un contrat unilatéral. C’est une conséquence de la qualification de contrat
réel qui est conférée.
75
Pour les détails de la formation du contrat de crédit V. infra p 81 et s.
76
Article 1082 COC
77
Article 1083 COC
78
Article 1056 COC
Inès YOUSSEF Page 51
§4 Les obligations de l’emprunteur

Les obligations de l’emprunteur dépendent du type de prêt accordé.


C’est ainsi que dans le cadre du prêt à usage, l’emprunteur est tenu, de veiller avec
diligence à la conservation de la chose prêtée. Il ne peut en confier la garde à une
autre personne, à moins de nécessité urgente ; il répond, en cas de contravention, du
cas fortuit et de la force majeure79. L’emprunteur ne peut se servir de la chose prêtée
que de la manière et dans la mesure déterminées par le contrat ou par l’usage, d’après
sa nature80. Il peut se servir de la chose lui-même, la prêter ou en céder gratuitement
l’usage à un autre, à moins que le prêt n’ait été fait en considération de sa personne,
ou pour un usage spécialement déterminé81.
L’emprunteur ne peut ni louer, ni donner en gage la chose prêtée, ni en disposer sans
la permission du prêteur82.

Dans le cadre du prêt de consommation, l’emprunteur a les risques de la chose


prêtée à partir du moment où le contrat est parfait, et avant même qu’elle lui soit
livrée, à moins de stipulation contraire83. Néanmoins, le prêteur a le droit de retenir
par devers lui le prêt, lorsque, depuis le contrat, les affaires de l’autre partie ont
tellement empiré, que le prêteur se trouve en danger de perdre tout ou partie de son
capital. Il à ce droit de rétention quand même le mauvais état des affaires de
l’emprunteur remontrait à une époque antérieure au contrat, si le prêteur n’en a eu
connaissance qu’après84. Le prêteur répond des vices cachés et de l’éviction des
choses prêtées, d’après les règles établies au titre de la vente85.

79
Article 1061 COC
80
Article 1062 COC
81
Article 1063 COC
82
Article 1064 COC
83
Article 1087 COC
84
Article 1088 COC
85
Article 1089 COC
Inès YOUSSEF Page 52
§5 La restitution du prêt

Le prêt est en principe remboursé par l’emprunteur. A certaines conditions, le prêt


peut, être résilié, renégocié ou remboursé par anticipation86.
S’agissant du prêt à usage, à l’expiration du temps convenu, l’emprunteur doit
restituer, identiquement la chose même qu’il a reçue, avec toutes ses accessions et
accroissements depuis le prêt. Mais, il ne peut être contraint à la restituer avant le
temps convenu87.

S’agissant du prêt de consommation, l’emprunteur doit rendre une chose semblable


en quantité et qualité à celle qu’il a reçue, et ne doit que cela88. De même, il ne peut
être contraint à restituer ce qu’il doit avant le terme établi par le contrat ou par
l’usage. Néanmoins, il peut le restituer avant l’échéance, à moins que la restitution
avant le terme ne soit contraire à l’intérêt du créancier89. Cela intervient
généralement si un terme a été stipulé dans le contrat.
En revanche, si aucun terme n’a été fixé, l’emprunteur doit payer à toute requête du
prêteur. S’il a été stipulé que l’emprunteur rendrait la quantité prêtée quand il
pourrait, ou sur les premiers fonds dont il pourra disposer, le tribunal fixera un délai
raisonnable, d’après les circonstances, pour la restitution90.
L’emprunteur est tenu de restituer les choses prêtées au lieu même où le prêt a été
conclu, sauf convention contraire91. Les frais de réception et de restitution des choses
prêtées sont à la charge de l’emprunteur92.

86
D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
87
Article 1065 COC
88
Article 1090 COC
89
Article 1091 COC
90
Article 1092 COC
91
Article 1093 COC
92
Article 1094 COC
Inès YOUSSEF Page 53
Section 4 : L’opération de crédit dans le Code de commerce

Dans le Code de commerce, on trouve une énumération des opérations de crédit (§1).
Une fois, ces opérations énumérées sont présentées, il importe de se focaliser sur
l’ouverture de crédit (§2).

§ 1 Présentation des OC instaurées dans le CC

Le chapitre VIII du CC concerne les opérations de crédit93. La version arabe qui


prime se réfère plutôt aux « opérations de banque » et non pas aux opérations de
crédit. Selon ce texte, les opérations de crédit s’articulent autour de de l’ouverture
de crédit (A), des avances sur titres (B), du nantissement sur titres(C) et des crédits
documentaires(D).

A/ L’ouverture de crédit

L’opération d’ouverture de crédit est l’objet des articles 705 et 706 CC. Aux termes
de l’article 705CC, l’ouverture de crédit a pour objet de mettre directement ou
indirectement à la disposition du bénéficiaire des moyens de paiement à concurrence
d’une certaine somme d’argent.
Ainsi, la notion d’ouverture de crédit est, intrinsèquement, liée à la faculté pour
l’emprunteur d’utiliser ou non la totalité des fonds, en une ou plusieurs fois, dans la
limite globale de l’enveloppe autorisée par le créancier.
Le régime de l’ouverture de crédit souffre des incertitudes liées à sa qualification.
Parfois, elle est assimilée au crédit lui-même, parfois elle s’en distingue94.

93
En version française
94
V. infra p 56 et s
Inès YOUSSEF Page 54
B/ Des avances sur titres

En deuxième lieu, le code de commerce consacre l’opération d’avance sur titres. Il


s’agit d’une opération par laquelle la banque consent un crédit déterminé, garanti
par un nantissement sur des titres appartenant, soit au bénéficiaire du crédit, soit à
un donnant son consentement95. Elle doit être constatée par un écrit, à peine de
nullité. De plus, le législateur a précisé le contenu de l’écrit. Il s’agit des énonciations
suivantes
1) la désignation des titres engagés ;
2) les nom et domicile de leur propriétaire ;
3) le montant et les conditions du crédit consenti ;
4) le montant de la valeur prise en considération pour l'octroi du crédit ;
5) le pourcentage de marge stipulée ;
6) l'indication, s'il y a lieu, de l'engagement pris par le bénéficiaire du crédit de
couvrir la banque à première réquisition pour maintenir le pourcentage de marge.
Il reste à préciser que l’omission de l'une des énonciations ci-dessus mentionnées
peut, sur la demande du bénéficiaire, entraîner la nullité du contrat »96.
Aux termes de l’article 709 CC, faute par l'emprunteur de satisfaire à l'engagement
de maintenir le pourcentage de marge ou faute par lui de rembourser l'avance à
l'échéance, la banque peut réaliser les titres, quelle que soit la qualité du bénéficiaire
du crédit, conformément aux dispositions de l'article 243 CC.
L’article 243 CC se rapporte à la procédure de vente et du nantissement du fonds de
commerce. En effet, la réalisation des titres revient in fine à l’exécution sur le fonds
de commerce97.

95
Article 707 CC
96
Article 708 CC
97
Les titres visés sont des valeurs mobilières. La valeur du titre dépend alors de la rentabilité de l’activité
commerciale exercée par la société. En d’autres termes, du fonds de commerce exploité par la société dont
les titres sont la garantie de l’avance. Il s’agit d’une opération qui se rapproche de la convention de portage.
Sur la convention de portage V. Supra p49
Inès YOUSSEF Page 55
C/ Du nantissement sur titres

En troisième lieu, on retrouve l’opération de nantissement sur titres. C’est que toutes
les valeurs mobilières, quelles que soient leurs formes, peuvent faire l’objet d’un
nantissement qui est soumis aux règles du gage, sous réserve des dérogations et
précisions édictées par le code98. C’est ainsi que le nantissement sur valeurs
mobilières peut être constitué pour garantir l’exécution de toutes obligations, même
si, s’agissant de sommes d’argent, le montant de la somme due n’est pas déterminé.
Il peut l’être également pour garantir l’exécution d’obligations qui n'ont qu'un
caractère éventuel au moment de la constitution du gage99.

D/ Des crédits documentaires

Enfin, la dernière opération de crédit citée dans le Code de commerce est celle du
crédit documentaire100 qu’est un crédit ouvert par une banque à la demande d’un
donneur d’ordre en faveur d’un correspondant de celui-ci et garanti par la possession
des documents représentatifs de marchandises en cours de transport ou destinées à
être transportées. Il reste à signaler que le crédit documentaire est indépendant du
contrat de vente qui peut en former la base et auquel les banques restent
étrangères101.

§2 L’ouverture de crédit : prototype des OC

Il convient de s’intéresser tout d’abord aux caractéristiques du contrat d’ouverture


de crédit (A) avant de déterminer la preuve du contrat d’ouverture de crédit (B).C’est

98
Articles 710 à 719 CC
99
Article 711 CC
100
Section IV, Articles 720 à 727 CC
101
Article 720 CC
Inès YOUSSEF Page 56
ainsi que la distinction entre l’ouverture du crédit et la promesse de prêt serait simple
à démonter (C).

A/ Les caractéristiques du contrat d’ouverture de crédit

L’ouverture de crédit est réglementée par les articles 705102 et 706103 CC qui
constituent la section première du chapitre huit du livre cinq du code de commerce
intitulé « les contrats commerciaux ». Il s’agit ainsi d’un contrat et non pas une
simple convention. Le contrat d’ouverture de crédit est un contrat de nature
commercial (1) et un contrat intuitu personae104 (2).

1/La nature commerciale du contrat

La profession du banquier constitue une activité commerciale au sens de l’article 2


du CC105. De même l’ouverture de crédit est un contrat commercial selon les termes
du livre cinq du même code. Toutefois, ici une question mérite d’être posée : Est-ce
que toutes les ouvertures de crédit consenties par le banquier sont commerciales
quelle que soit la personne du contractant ?
L’ouverture de crédit n’est pas un acte de commerce par la forme106. Pour que
l’ouverture de crédit soit commerciale, il faut que le contractant soit un commerçant.
Lorsqu’un non commerçant obtient un crédit de la part du banquier, ce contrat peut

102
Selon l’article 705 CC : "L’ouverture de crédit a pour objet de mettre directement ou indirectement à la
disposition du bénéficiaire des moyens de paiement à concurrence d’une certaine somme d’argent.
L’ouverture de crédit est consentie pour une durée limitée ou illimitée ; dans le second cas, elle est révocable
à la volonté du banquier, à charge de préavis de huit jours par lettre recommandée. Toute stipulation
contraire est réputée non écrite".
103
Selon l'article 706 CC:" L’ouverture de crédit peut être révoquée de plein droit avant le terme convenu,
en cas de décès du bénéficiaire, de survenance chez lui d'une cause d'incapacité, de cessation notoire de ses
paiements même non constatée par jugement, et de faute lourde commise dans l'utilisation du crédit qui lui
a été consenti."
104
Intuitu personæ est une locution latine signifiant « en fonction de la personne »
105
V. Supra, p5
106
T.BEN NASR, Droit bancaire, édition 2017, p 215
Inès YOUSSEF Page 57
prendre la qualification d’acte mixte en ce sens qu’il est commercial vis-à-vis du
banquier et civil à l’égard du client. Ainsi, l’ouverture de crédit est de nature
commerciale dans les relations du client commerçant et du banquier.

2/ Le contrat d’ouverture de crédit, un contrat intuitu personae

Le contrat d’ouverture de crédit est un contrat en vertu duquel, la qualité de


l’emprunteur est prise en considération pour sa conclusion. C’est que ce contrat est
un contrat basé sur la confiance ou encore un contrat intuitu personae107.

B / La preuve de l’ouverture de crédit

Il est souvent délicat de prouver l’existence de l’ouverture de crédit et de son


montant. La question est pourtant essentielle dès lors qu’il s’agit de déterminer si
une banque a rompu abusivement un crédit. Il ne peut en effet y avoir rupture abusive
que si la preuve de l’existence d’un crédit est établie108. L’ouverture de crédit peut
faire l’objet d'une convention écrite. Elle peut cependant être tacite. Le cas est
fréquent s’agissant d’un découvert. L’autorisation de découvert ne se présume
pas109.

En droit commun, deux principes régissent la preuve des actes juridiques :


- on ne peut prouver que par écrit lorsque l’acte conclu dépasse la somme de
mille dinars.
- On ne peut prouver contre et outre le contenu aux actes que par écrit110.

107
Pour les développements de ce caractère V. infra p 58
108
D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
109
En droit français, en l’absence d’une convention écrite de crédit par découvert, la jurisprudence exige
une pratique antérieure de crédit par découvert tacite (Cass. com., 5 déc. 2000 : JurisData n° 2000-007225).
La preuve de l’ouverture de crédit résulte alors de l’analyse des soldes débiteurs du compte (CA Rennes,
28 juin 2001 : JurisData n° 2001-156189).
110
T.BEN NASR, op.cit., p 219
Inès YOUSSEF Page 58
Ces principes ne sont pas conformes aux impératifs du droit des affaires fondés sur
la rapidité des transactions commerciales. Pour cette raison on trouve quelques
exceptions à cette règle tel que l’article 478 COC qui précise que la preuve
testimoniale est recevable « entre commerçants, dans les affaires où il n’est pas
d’usage d’exiger des preuves écrites ».L’article 598 CC111 est plus explicite et
consacre le principe de la liberté de la preuve en matière commerciale.

L’absence d’écrit est néanmoins, source de problèmes puisque outre la difficulté de


distinction entre l’ouverture de crédit et les notions voisines comme les découverts
ou les facilités de caisse, se pose la question de la preuve d’ouverture de crédit.
A titre d’illustration, si on se place à la fin de l’opération, c’est-à-dire lorsque les
fonds ont été mobilisés par le bénéficiaire, on ne saurait faire la différence entre les
deux notions de facilités de caisse et d’ouverture de crédit.
Toutefois, un élément de distinction peut toujours être présenté .C’est celui de
l’existence d’une convention entre le banquier et le client qui est conclue au moment
de l’ouverture de crédit112.
Les circulaires de la BCT de 1978 et 1979 tendant à diminuer le nombre des victimes
de la révocation intempestive des facilités de caisse et du découvert bancaire ont
exigé l’écrit mais elles n’étaient pas ou peu suivies par les banques de la place113.
Les juges de fond considèrent que tant que le législateur n’a pas mis en place une
forme particulière pour l’ouverture de crédit ou sa preuve, ce sont les règles de
l’article 598 CC qui doivent s’appliquer.
La Cour d’appel de Médenine a décidé que : « les contrats commerciaux qui sont

111
Article 598 CC : « Les engagements commerciaux se constatent : 1) par acte authentique ; 2) par acte
sous seing privé ; 3) par le bordereau ou arrêté d'un agent de change ou courtier, dûment signé par les
parties ; 4) par une facture acceptée ; 5) par la correspondance ; 6) par les livres des parties ; 7) par la preuve
testimoniale et par présomptions dans le cas où le tribunal croira devoir les admettre. Le tout, sauf les
exceptions établies par la loi »
112
V.TBEN NASR, « L’allocation de crédit donne –t-elle droit à des facilités de caisse, Comm.arrêt TPI
Tunis N°2144 du 13 novembre 2007, IJ, octobre, novembre 2008.
113
T.BEN NASR, op.cit., p 220
Inès YOUSSEF Page 59
essentiellement consensuels sont soumis au principe de la liberté de preuve édicté
par l’article 598CC qui répond le mieux aux engagements des commerçants »114.

C/ Ouverture de crédit et promesse de prêt

Le prêt se distingue de la promesse de prêt ou de l’ouverture de crédit. La promesse


est un engagement de consentir un crédit qui se transforme en prêt lorsque
l’emprunteur lève l’option.
La promesse de prêt, souvent qualifiée d’ouverture de crédit, appartient à la catégorie
des avant-contrats au même titre que la promesse de vente. Le prêteur prend alors
l’engagement d’accorder un crédit à l’emprunteur qui dispose d’une option. Il peut
lever l’option et bénéficier du crédit. Il peut s’abstenir d’utiliser les sommes mises à
sa disposition. La promesse est un engagement ferme d’un banquier. En cela, elle se
distingue de la simple tolérance ou facilité de caisse115.

La tolérance s’oppose à l’ouverture de crédit et s’en distingue par sa portée, sa durée


et sa fréquence. La simple tolérance est un acte ponctuel. Le bénéficiaire d’une
tolérance n’a pas droit à un véritable crédit comme le bénéficiaire d’une promesse.
La tolérance a ainsi un caractère exceptionnel. Seule l’intention du banquier de
s’engager ou de ne pas s’engager permet de distinguer la simple tolérance de
l’ouverture de crédit. Cette intention ne peut se déduire que de l’analyse du
fonctionnement du compte du client.
Ainsi, le fait que la position débitrice du compte ait toujours été couverte par le
client dans un délai très bref démontre l’existence d’une simple tolérance116 .

114
Pour plus de détails V. BEN NASR, op.cit.
115
D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
116
En droit français, dès lors que la tolérance est renouvelée, la facilité de caisse se transforme en ouverture
de crédit. N’étant alors plus occasionnelle, elle ne peut cesser sans préavis. La facilité de caisse peut en
effet être assimilée à l’ouverture de crédit dans la mesure où, parfois, elle désigne un véritable crédit d’une
durée de quelques jours. D. LEGEAIS, Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 60
Etant une simple tolérance, le prêteur peut pour cette raison y mettre fin sans respect
d’un préavis117.
Pour la Cour de cassation française : « l’ouverture de crédit qui constitue une
promesse de prêt, donne naissance à un prêt à concurrence des fonds utilisés par le
client »118. La chambre commerciale distingue ainsi deux temps dans la formation
du contrat de prêt. Dans un premier temps, les parties s’accordent sur le montant des
sommes susceptibles d’être prêtées. Dans un second temps, le bénéficiaire de la
promesse fait usage de la possibilité qui lui est conférée. La promesse se transforme
alors en prêt. La qualification de contrat-cadre est adaptée lorsque la banque doit
donner son accord pour chaque opération. Tel est le cas en matière d’escompte.

Pour un courant de la doctrine119, l’assimilation de l’ouverture de crédit à une


promesse de prêt est un peu réductrice dans la mesure où elle pourrait laisser penser
que l’ouverture n’est pas un crédit. Or, la promesse de prêt peut s’analyser en un
véritable crédit consenti au bénéficiaire. Les règles applicables au crédit lui-même
peuvent alors s’appliquer. Certains découverts en comptes sont ainsi des ouvertures
de crédit. La distinction entre ouverture de crédit et crédit lui-même est alors ténue.
Ainsi, l’ouverture de crédit est assimilée au prêt lui-même lorsqu'il s’agit d’apprécier
les règles relatives à la rupture de préavis120.

L’ouverture de crédit est traditionnellement considérée comme insaisissable121. Au


soutien de l’insaisissabilité de l’ouverture de crédit, plusieurs arguments sont
avancés. Tout d’abord, les sommes promises par la banque dans le cadre de
l’ouverture de crédit et qui n’ont pas été utilisées par le client restent dans le

117
Sur ce point, la position de la jurisprudence tunisienne n’est pas claire. V. T.BEN NASR, « L’allocation
de crédit donne –t-elle droit à des facilités de caisse », Comm.arrêt TPI Tunis N°2144 du 13 novembre
2007, IJ, octobre, novembre 2008.
118
Cass. com., 21 janv. 2004 : JurisData n° 2004-022000
119
J. STOUFFLET, Le contrat de financement : CRÉDA, p. 156
120
V. D. LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun, op.cit.
121
Ibid.
Inès YOUSSEF Page 61
patrimoine de la banque de sorte qu’elles ne sauraient être saisissables dans le
patrimoine du client. Ensuite, le bénéficiaire d’une ouverture de crédit n’est pas
créancier de la banque tant qu’il n’a pas levé l’option qui lui a été consentie par celle-
ci. Enfin, la levée de l’option est un droit personnel appartenant au débiteur,
insusceptible d’être exercé par son créancier pratiquant une saisie attribution. Il est
impossible d’exiger du débiteur qu’il s’endette pour faire face à ses obligations.
Cette solution a été contestée par une double analyse de la saisie-attribution et de
l’ouverture de crédit122.

122
Ibid.
Inès YOUSSEF Page 62
CHAPITRE 2 : LA REALISATION DES
OPERATIONS DE CREDIT

Dans le cadre d’une opération de crédit réalisée par une banque, le dispensateur de
crédit peut être une seule banque ou plusieurs banques. Lorsque l’opération est
simple et sans grands risques, le crédit n’est généralement accordé à une entreprise
que par une seule banque qui prend en charge tel ou tel type de crédit (prêts, avances,
escomptes, etc.).
Lorsque l’opération est plus importante ou risquée, il est fréquent que plusieurs
banques interviennent pour son montage financier, en fournissant chacun une partie
des fonds nécessaires ou en combinant divers types de crédit ; tel est, notamment le
cas, lorsque celui qui avance les fonds exige qu’une autre banque engage sa signature
en faveur du crédité.
Lorsque, à propos d’une opération complexe, importante ou risquée, plusieurs
banques passent un accord pour son financement, on est en présence de crédits
consortiaux ou syndiqués (il est souvent fait référence, en pratique, au crédit accordé
par un pool bancaire ou au « tour de table »).
Reste à savoir si les banques (unique ou regroupées) sont les seules parties qui
peuvent réaliser une opération de crédit ou non (section 1). La réponse à cette
question permet de se prononcer sur l’existence d’un droit discrétionnaire de la
banque dans l’octroi du crédit (section 2). Ceci étant, la réalisation de l’opération de
crédit passe nécessairement par la formation du contrat de crédit (section 3).

Section 1 ‐ Parties à la convention de crédit – Monopole des banques ?

Les opérations de crédit relèvent du monopole des banques. La définition du


monopole elle‐même porte ses propres limites. Il ne concerne pas les opérations de
crédit qui ne sont pas à titre habituel. Il ne concerne pas le crédit gratuit qui n’est pas
une opération de crédit.

Inès YOUSSEF Page 63


Concrètement, l’immense domaine des prêts ou cautionnements dans le cadre
familial ou amical est librement ouvert aux particuliers. De même échappent au
monopole bancaire, les personnes morales que leurs statuts autorisent à prêter à titre
gratuit. Échappent encore au monopole les innombrables crédits accordés par des
associés à leur société sous forme de compte courant d’associé.

§1 Le monopole bancaire

Le monopole bancaire accorde aux banques l’exercice exclusif de l’activité bancaire


et particulièrement l’activité d’octroi de crédit. Toute contravention sera sanctionnée
(B). Mais, encore faut-il préciser les conditions nécessaires pour avoir la qualité de
banque (A).

A/ Les conditions d’accès à la qualité de banque

Comme les services rendus par les banques et les établissements financiers sont
distincts, les conditions d’accès à ces deux professions sont également différentes123.
La qualité du banquier exige de remplir des conditions de fond (1) et des conditions
de forme (2).

1/ Les conditions de fond

Ces conditions concernent l’activité exercée (a), la capacité financière (b) et le


dispositif de gouvernance (c).

123
Les opérations de crédit réalisées par les établissements financiers sont étudiées dans le cadre des
séminaires
Inès YOUSSEF Page 64
a) Les conditions relatives à l’activité bancaire

La loi 2016 prévoit dans son article 17 que : « Est considérée banque, toute
personne morale qui exerce, à titre habituel, la collecte des dépôts au sens de l’article
5 de la présente loi et la mise, à disposition de la clientèle, des moyens de paiement,
en vue d’exercer les autres opérations bancaires visées à l’article 4 de la présente loi.
Chaque banque agréée conformément aux dispositions de la présente loi accède à la
qualité d’intermédiaire agréé pour effectuer les opérations de change au sens de la
législation en vigueur en matière de change ».
Ainsi, l’article 17 cite uniquement deux services pour définir une banque. Il s’agit
de la collecte des dépôts et la mise, à disposition de la clientèle, des moyens de
paiement124.

L’exercice à titre habituel des opérations bancaires est réservé aux banques et aux
établissements financiers. D’après les articles 17, le monopole des banques concerne
désormais la réception des fonds du public et la mise à disposition des moyens de
paiements. Ainsi, sur ces deux opérations, la banque bénéficie d’un monopole et
peut partager l’exercice de toutes les autres activités avec les établissements
financiers. De la sorte, l’opération de crédit peut être exercée par les établissements
financiers.
Les établissements financiers sont répartis en quatre types :
- Les établissements de leasing
- Les établissements de factoring
- Les banques d’affaires
- Les établissements de paiement

124
V. Supra p 20.
Inès YOUSSEF Page 65
A l’exception des deux premiers établissements qui se prêtent à des opérations
spécifiques125, la question se pose concernant les banques d’affaires et les
établissements de paiement, peuvent –ils octroyer des crédits ?
Selon l’article 19 de la loi bancaire, la banque d’affaire peut octroyer des
financements aux entreprises, en vue de renforcer leurs fonds propres, ou encore
octroyer au profit des entreprises, de crédits relais dont le délai de remboursement
n’excède pas une année, et ce, en rapport avec les opérations d’ingénierie financière.
Quant aux établissements de paiement, ils ne peuvent pas octroyer des crédits. En
effet, l’article 19 de la circulaire 2018126, interdit aux établissements de paiement
d’accorder des facilités de crédits sur le compte de paiement et/ou d’alimenter le
solde d’un compte de paiement par des unités de recharge téléphoniques ou par toute
autre monnaie autre qu’une monnaie centrale. Le compte de paiement ne peut à
aucun moment présenter une position débitrice127.

b) Les conditions relatives à la capacité financière

Le législateur impose la condition relative au capital minimum exigé pour accéder à


la profession de banque. Ce capital minimum exigé est précisé dans l’article 32 : «
Le capital ne doit pas être inférieur à :
- 50.000.000 dinars pour les banques résidentes ou leur contre-valeur en devises
convertibles, lors de la souscription, pour les banques non-résidentes »
Contrairement à l’article 165 du code des sociétés commerciales qui prévoit une
libération progressive du capital social des sociétés anonymes, l’article 32 exige une
libération totale et immédiate pour les banques.
En effet, l’alinéa 3 de cet article précise que : «Le capital minimum doit être libéré
en totalité lors de la création de la banque ou de l’établissement financier.

125
Objet de la deuxième partie relative aux séminaires.
126
Circulaire BCT N° 2018-61 du 31 décembre 2018 relative aux règles régissant l’activité et le fonctionnement des
établissements de paiement.
127
Article 31 circulaire 2018 précitée.

Inès YOUSSEF Page 66


Le capital initial d’une banque ou d’un établissement financier peut, s’il dépasse le
capital minimum, être libéré conformément aux conditions fixées dans l’agrément
sans, toutefois, que le montant libéré à la souscription ne puisse être inférieur au
capital minimum. ».

c) Les conditions relatives au dispositif de gouvernance

Il y a des règles organisant les structures de gouvernance des banques et des


établissements financiers (C.1) et des règles régissant les membres des structures de
gouvernance (C.2).

c. 1 Les règles organisant les structures de gouvernance des banques

Selon l’article 27 de la loi 2016, l’agrément est accordé compte tenu :« 4- de


l’expérience des dirigeants et des membres du conseil d’administration ou du conseil
de surveillance et la mesure dans laquelle ils répondent aux conditions prévues par
le chapitre III du titre IV de la présente loi, 5. du dispositif de gouvernance, de la
structure organisationnelle et administrative ainsi que des politiques et des
procédures proposées pour la gestion des risques, le contrôle interne et la conformité,
en cohérence avec les activités à exercer… ».

En vertu de l’article 46 de la loi bancaire les banques et les établissements financiers


gérés par un conseil d’administration doivent séparer la fonction de président du
conseil d’administration et la fonction du directeur général. Il est interdit au directeur
général et au directeur général adjoint d’une banque ou d’un établissement financier
d’être membre du conseil d’administration de cette banque ou de cet établissement
financier.
Aux termes de l’article 47 de la loi bancaire, le conseil d’administration ou le conseil
de surveillance d’une banque ou d’un établissement financier doit comporter au

Inès YOUSSEF Page 67


moins deux membres indépendants des actionnaires et un membre représentant les
petits actionnaires128.

La banque doit créer un comité d’audit129 , un comité des risques130, et un comité de


nomination et de rémunération131 émanant du conseil d’administration ou du conseil
de surveillance.

Aussi, en vertu de l’article 53 de la loi bancaire, la banque doit créer au sein de son
organigramme des fonctions d’audit interne, de gestion des risques et de contrôle de
conformité132.

c. 2 Les règles régissant les membres des structures de gouvernance

Ces règles concernent les qualités de la personne même de celui qui sollicite
l’agrément pour exercer la profession bancaire et le cumul de mandats.
 Les conditions relatives aux dirigeants des banques133 : Une vérification de
l’honorabilité des requérants et des qualifications des dirigeants appelés à
gérer l’institution bancaire est nécessaire. C’est ainsi que l’article 60 de la loi

128
Est considéré membre indépendant au sens de la présente loi, toute personne n’ayant pas de liens avec
ladite banque ou ledit établissement ou avec ses actionnaires ou ses dirigeants de nature à entacher
l’indépendance de ses décisions ou l’entraîner dans une situation de conflit d'intérêt réelle ou potentielle.
Sont considérés petits actionnaires, le public au sens de la législation organisant le marché financier.
Y.KNANI, « Réflexions sur l’administrateur indépendant », IJ, N°294/295, Février 2020.
129
Art. 49 Loi bancaire.
130
Art. 50 Loi bancaire.
131
Art. 51 Loi bancaire.
132
Il faut remarquer que la banque ou l’établissement financier agréé pour exercer les opérations bancaires
islamiques peut selon l’article 54, créer un comité nommé « comité de contrôle de conformité des normes
bancaires islamiques » rattaché au conseil d’administration ou au conseil de surveillance. Rappelons que
les opérations de finance islamique ne sont pas des opérations de crédit.
133
La banque est une société anonyme. Les dirigeants d’une SA dépendent de la forme choisie. Pour une
SA à conseil d’administration, ses dirigeants sont le directeur général, le directeur général adjoint, le
président du conseil et un débat doctrinal concerne les membres du conseil d’administration. Pour une SA
à directoire, le dirigeant est représenté par les membres du directoire et du conseil de surveillance.
Inès YOUSSEF Page 68
2016 dresse une liste des personnes interdites d’exercer cette fonction134. Dans
cette optique sélective, l’article 59 de la loi bancaire précise que le président
du conseil d’administration, le directeur général, le président du conseil de
surveillance ou le président du directoire des banques et des établissements
financiers résidents doivent être de nationalité tunisienne. Le directeur général
ou le président du directoire d’une banque ou d’un établissement financier
doivent avoir le statut de résident en Tunisie au sens de la réglementation des
changes en vigueur.
Il reste à noter que l’article 55 de la loi 2016 prévoit que la banque est tenu de
notifier à la banque centrale de Tunisie dans un délai ne dépassant pas sept
jours, toute désignation du président, d’un membre du conseil
d’administration, du conseil de surveillance, du directeur général, du directeur

134
Dans ce sens, l’article 60 dispose que : « Nul ne peut diriger, administrer, gérer, contrôler ou engager
une banque, un établissement financier, une agence, ou une succursale de banque ou d’établissement
financier :
- s'il a fait objet d’un jugement irrévocable pour faux en écriture, vol, abus de confiance, escroquerie
extorsion de fonds ou valeurs d'autrui, soustraction commise par dépositaire public, corruption ou
évasion fiscale, émission de chèque sans provision, recel des choses obtenues à l'aide de ces
infractions ou infraction à la réglementation des changes ou à la législation relative à la lutte contre
le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme,
- s'il a fait objet d'un jugement irrévocable de faillite,
- s'il a été gérant ou mandataire de sociétés, condamné en vertu des dispositions du code pénal
relatives à la banqueroute,
- si, en vertu d’une sanction infligée par la banque centrale de Tunisie ou par l’une des autorités
chargées du contrôle du marché financier ou des entreprises d’assurance et de réassurance ou des
institutions de microfinance, il a été révoqué des fonctions d’administration ou de gestion d’une
entreprise soumise au contrôle de autorités susvisées,
- s’il a fait l’objet d’une sanction de radiation dans l’exercice d’une activité professionnelle régie
par un cadre légal ou réglementaire,
- s’il est établi pour la banque centrale de Tunisie, sa responsabilité dans la mauvaise gestion d’une
banque ou d’un établissement financier ayant causé des difficultés qui ont rendu nécessaire la
soumission de la banque ou l’établissement financier à un plan de résolution ou à la liquidation. »
Par ailleurs , selon l’article 56 de la loi 2016, dans la désignation du président, d’un membre du conseil
d’administration, du conseil de surveillance, du directeur général, du directeur général adjoint et du
président, ou d’un membre du directoire, la banque doit se baser, notamment, sur les critères suivants :
- l’intégrité et la réputation,
- les qualifications scientifiques, la compétence et l’expérience professionnelle ainsi que leur
concordance avec les fonctions confiées à la personne concernée,
- l’absence des interdictions prévues par l’article 60 de la présente loi (ci-dessus mentionnées).
Inès YOUSSEF Page 69
général adjoint et du président, ou d’un membre du directoire. La BCT peut,
compte tenu des critères prévus par l’article 56 de la loi bancaire, s’opposer à
la dite désignation dans le délai d’un mois à compter de la date de sa
notification. Elle est tenue de motiver toute décision d’opposition. Dès son
information de la décision d’opposition, la banque ou l’établissement
financier doit suspendre la décision de désignation.

 En outre, le législateur a clarifié les conditions de cumul de mandats. A cet


égard , l’article 57 de la loi 2016 interdit au directeur général, au directeur
général adjoint ou le membre du directoire d’une banque ou d’un
établissement financier d’ exercer aucune de ces fonctions dans une autre
banque, établissement financier, société d’assurance, entreprise
d’intermédiation en bourse, société de gestion de portefeuilles de valeurs
mobilières ou société d’investissement.
De même,
- nul ne peut occuper à la fois la fonction de membre de conseil
d’administration ou de conseil de surveillance dans deux banques.
- et nul ne peut occuper à la fois la fonction de membre du conseil
d’administration ou de conseil de surveillance dans deux
établissements financiers de même catégorie.
Et d’une façon plus large, le dirigeant d’une banque ne peut exercer la
fonction de dirigeant d’une entreprise économique135.

2/ Les conditions de forme

Ces conditions regroupent la forme exigée de l’entreprise bancaire (a) et l’agrément


permettant l’exercice de l’activité bancaire (b).

135
Article 58 Loi bancaire.
Inès YOUSSEF Page 70
a) La forme de l’entreprise bancaire

D’après les conditions de fond exigées pourra avoir la qualité de banque, il est
évident que cette dernière doit avoir la forme d’une société anonyme. Dans ce sens,
l’article 31 de la loi bancaire précise que toute banque ou établissement financier
soumis aux dispositions de la présente loi ayant son siège social en Tunisie ne peut
être constitué que sous la forme d’une société anonyme.

b) L’agrément

L’exercice de l’activité de banque ou d’établissements financiers est soumis à


l’obtention d’un agrément. L’article 30 de la loi bancaire décrit la procédure d’octroi
d’agrément. Cette procédure se décompose en deux étapes : dans un premier temps
est délivré au demandeur un agrément de principe qui sera suivi par la suite par
l’agrément définitif (une fois les toutes les conditions sont remplies).
Cet agrément est demandé avant l’exercice de l’activité bancaire et parfois même au
cours de l’activité bancaire :

 Avant l’exercice de l’activité bancaire

C’est ainsi que l’article 24 de la loi 2016 dispose que : «Quiconque désirant exercer,
à titre habituel, les opérations bancaires prévues par l’article 4 de la présente loi, en
qualité de banque ou d’établissement financier, doit préalablement à l’exercice de
son activité en Tunisie, obtenir un agrément à cet effet, conformément aux
conditions fixées par la présente loi. »

Toutefois, selon l’article 80 de la loi bancaire, est soumis à un cahier des charges
établi par la banque centrale de Tunisie toute :

Inès YOUSSEF Page 71


- ouverture ou fermeture de succursale ou de bureau périodique en Tunisie
par une banque ou un établissement financier,
- commercialisation, par une banque ou un établissement financier, de
services et produits via les canaux de technologie de communication.

En revanche, toute banque ou établissement financier qui compte s’implanter à


l’étranger sous forme de filiale, succursale ou bureau de représentation, doit obtenir
l’autorisation préalable du gouverneur de la BCT.

L’agrément est accordé par une décision de la commission d’agréments créée par la
loi 2016, sur la base d’un rapport de la BCT.

L’agrément est accordé compte tenu du programme d’activité de l’établissement


requérant, des moyens techniques et financiers à mettre en œuvre, de la qualité des
pourvoyeurs de capitaux, de la compétence et de l’honorabilité de ses dirigeants du
dispositif de gouvernance ainsi que de son aptitude à réaliser ses objectifs de
développement dans des conditions compatibles avec le bon fonctionnement du
système bancaire et l’impératif d’assurer la sécurité des dépôts.

 Au cours de l’exercice de l’activité bancaire

L’agrément de la BCT est requis également dans les cas suivants :


- tout changement que la banque ou l’établissement financier compte
introduire sur la catégorie ou la nature de l’activité à laquelle il a été autorisé
à exercer,
- toute opération de fusion ou de scission,
- toute cession d’actif ou passif d’une banque ou d’un établissement financier
entraînant un changement substantiel dans la structure financière, dans la
catégorie ou dans la nature de l’activité à laquelle il a été autorisé à exercer,

Inès YOUSSEF Page 72


- toute opération de réduction du capital de la banque ou de l’établissement
financier.

B/ Les sanctions de l’exercice illégal de la profession bancaire

Ces sanctions136 peuvent être des sanctions civiles (1) ou pénales (2).

1/ Les sanctions civiles

Concernant les sanctions de la violation du monopole et donc du défaut


d’autorisation, on ne trouve pas en droit tunisien une jurisprudence qui s’est
prononcée sur cette question137. Toutefois, en droit français, une controverse
constante s’est installée au sein des chambres de la Cour de Cassation française.
En effet, la chambre commerciale prônait la nullité d’une convention de crédit
contraire au monopole bancaire considérant que ce dernier avait pour fonction
première « de protéger, non seulement l’intérêt général et celui de la profession, mais
aussi celui des cocontractants privés et estimait dès lors recevables les actions
engagées par eux et tendant à l’annulation des conventions conclues en infraction à
la règle précité ».
Contrairement à cette analyse, la première chambre civile écartait la nullité comme
conséquence civile de la violation du monopole bancaire. C’est donc l’Assemblée
Plénière qui trancha cette opposition, dans un arrêt rendu le 4 mars 2005. La Cour
prit position en faveur de la première chambre civile considérant que le monopole

136
V. T.BEN NASR, op, cit, p 39 et s, n°54 et s
137
L’affaire Adel Dridi est symptomatique. Néanmoins, la jurisprudence tunisienne l’a condamné sur la
base du droit pénal et non la violation du monopole bancaire. Le mécanisme de fraude de la société Yosr
Développement existe partout dans le monde depuis des décennies. Il repose sur la veille pratique de chaîne
de Ponzi. Adel Dridi utilisait donc l’argent des uns pour les reverser aux autres. Un système pyramidal qui
ne pouvait fonctionner qu’à condition que tout le monde ne souhaite pas récupérer son investissement au
même moment. Ainsi ceux qui récupéraient leurs investissements étaient satisfaits de rendements
exceptionnels quand les autres espéraient une satisfaction future. Entre temps la société est en train de
dilapider les fonds de sa clientèle.
Inès YOUSSEF Page 73
n’avait pas pour but la protection des intérêts privés du client. Le défaut d’agrément
bancaire n’entraîne pas la nullité des contrats conclus138.
Le respect du monopole bancaire ne sera effectivement garanti qu’à travers les
sanctions pénales.

2/ Les sanctions pénales

Aux termes de l’article 183 de la loi 2016 « Est punie d'un emprisonnement de 3
mois à 3 ans et d'une amende de 100.000 dinars à 1.000.000 dinars ou de l'une de
ces deux peines seulement, toute personne qui exerce à titre habituel, l’une des
opérations bancaires sans avoir obtenu l’agrément préalable conformément
aux dispositions de l’article 24 de la présente loi ».
Pour s’assurer qu’une activité est soumise à agrément, la BCT est en droit de
réclamer tous les renseignements nécessaires et d’engager sur place toutes les
investigations en se faisant présenter les livres comptables, les correspondances,
contrats et plus généralement tous les documents qu’elle juge nécessaires pour
l’accomplissement de sa mission. La BCT peut, après audition du représentant de
l’établissement concernée, transmettre son dossier à la justice en vue de sa
liquidation.
Quant à l’article 184 de la loi 2016, il prévoit une sanction d’emprisonnement d’un
mois à 3 mois et d'une amende de 20.000 à 50.000 dinars, ou de l’une de ces deux
peines seulement, pour toute personne non agréée en qualité de banque qui
utilise dans son activité et d’une manière quelconque des termes susceptibles de
créer un doute dans l’esprit d’un tiers quant à l’exercice de l’activité bancaire.

J. STOUFFLET, « Le défaut d’agrément bancaire n’entraîne pas la nullité des contrats conclus », note
138

Cass ass. plén., 4 mars 2005, Hubert X. c/ Sté Axa Bank et a., revue de droit bancaire et financier mai-juin
2005 p.48.
Inès YOUSSEF Page 74
§2 Exceptions et limites au monopole

Fort nombreuses sont depuis longtemps les exceptions au monopole bancaire139.


Certaines sont générales au profit du Trésor, de la BCT, de la Poste140. D’autres sont
spéciales comme le micro crédit(1). Sont encore autorisés les entreprises qui font
crédit à leurs salariés. De toutes ces exceptions, la plus notable et notoire est le crédit
interentreprises, celui qu’une entreprise accorde à ses cocontractants sous forme de
délais de paiement, prêt, cautionnement ainsi que les opérations entre sociétés du
même groupe (2).

A/ Le microcrédit

L’octroi de microcrédits est un service destiné aux populations pauvres exclus en


principe des systèmes financiers classiques. De la sorte la microfinance s’inscrit
dans le cadre de l’inclusion bancaire141.
L’activité de microfinance est organisée par le décret-loi n° 2011-117 du 5 novembre
2011, portant organisation de l’activité des institutions de microfinance tel que
modifié par la Loi n° 2014-46 du 24 juillet 2014, portant organisation de l’activité
des institutions de microfinance.

139
Une entorse d’importance au monopole bancaire mais qui intéresse essentiellement les bénéficiaires du
monopole, résulte du développement d’un marché bancaire parallèle, le shadow banking, un système
d’intermédiation de crédit auquel concourent des entités et activités extérieures au système bancaire régulé,
caractérisé par des activités de transformation d’échéances et de risque de crédit, et notamment des rachats
de créances. On trouve également le crowdfunding – ou le financement participatif – qui permet à des
particuliers, via des plateformes électroniques, d’accorder des crédits.
Enfin le législateur français a permis aussi avec la loi Macron d’introduire une nouvelle exception au
monopole bancaire pour permettre les prêts entre entreprises. V. article L.511-6 du Code monétaire et
financier français.
140
Ces exceptions ne concernent pas le monopole bancaire sur les opérations de crédit.
141
V. I.YOUSSEF, « La gouvernance des institutions de microfinance », in Aspects juridiques de la
microfinance, Driman, Maison du Livre, p6.
Inès YOUSSEF Page 75
1/ Définition

Aux termes de l’article 7 du décret-loi n° 2011-117 du 5 novembre 2011, portant


organisation de l’activité des institutions de microfinance, est considéré microcrédit
tout crédit visant l’aide à l’intégration économique et sociale.
Les microcrédits sont accordés pour financer une activité génératrice de revenus et
créatrice d’emplois. Ces crédits peuvent être accordés également pour financer des
besoins visant l’amélioration des conditions de vie.
Le montant maximum du microcrédit et les conditions de son octroi sont fixés par
arrêté du ministre des finances.

Quant à l’institution de micro-crédit, selon l’article 1 du même décret-loi : « Est


considérée institution de micro finance, toute personne morale exerçant, à titre de
profession habituelle, les opérations autorisées dans le cadre du présent décret-loi. »
Les institutions de micro finance sont constituées sous forme de sociétés anonymes
avec un capital minimum fixé à trois millions de dinars (3.000.000 dinars) ou
d’associations soumises aux dispositions du décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre
2011 relatif à l’organisation des associations avec une dotation associative minimale
fixée à deux cents mille dinars (200.000 dinars).
L’article 3 de ce décret-loi précise que : « Les institutions de micro finance ne sont
pas soumises aux dispositions de la loi n° 2001-65 du 10 juillet 2001 relative aux
établissements de crédit susvisée.
Elles ne peuvent pas recevoir des dépôts du public ni émettre ou gérer des
moyens de paiement tels que définis par l’article 2 de la loi susvisée. »

2/ Conditions d’octroi des microcrédits

Sont éligibles aux microcrédits les personnes physiques :


- qui appartiennent aux familles nécessiteuses et aux catégories

Inès YOUSSEF Page 76


vulnérables et ayant la capacité d’exercer une activité économique,
- ou qui ont une qualification pour exercer une profession, un métier ou
une activité génératrice de revenus.

Aux termes de l’arrêté du ministre des finances du 18 janvier 2012, relatif à la


fixation du montant maximum du micro-crédit et des conditions de son octroi par
les institutions de micro finance, le montant maximum du microcrédit et la durée
maximale de son remboursement sont fixés comme suit :
- cinq mille dinars (5.000D) et une durée maximale de remboursement de trois
ans pour les associations. Toutefois, ce montant ne doit pas dépasser mille
dinars (1.000D) au titre des crédits accordés pour le financement des besoins
visant l’amélioration des conditions de vie,
- à vingt mille dinars (20.000D) et une durée maximale de remboursement de
cinq (5) ans pour les sociétés anonymes. Toutefois, ce montant ne doit pas
dépasser trois mille dinars (3.000D) au titre des crédits accordés pour le
financement des besoins visant l’amélioration des conditions de vie.

Le montant total de 5.000D ou 20.000D inclut l’ensemble des crédits en cours


accordés par l’institution de micro finance, y compris :
- les crédits éventuels accordés pour l’amélioration des conditions de vie,
- et les autres crédits accordés par d'autres institutions de micro finance.

Le taux d’intérêt annuel maximum appliqué au micro-crédit accordé par l’institution


de micro finance est fixé à 5%. L’institution de micro finance peut aussi prélever sur
le bénéficiaire du micro crédit une commission d’étude sur dossier de 2,5% flat du
montant du crédit.
Les conditions de crédit susvisées s’appliquent aux micro-crédits accordés sur des
ressources budgétaires mobilisées dans le cadre de conventions conclues avec la
banque tunisienne de solidarité. Le taux d'intérêt des micro-crédits accordés sur des
Inès YOUSSEF Page 77
ressources autres que celles susvisées, tient compte des dépenses effectives
nécessaires à l’octroi de ces crédits et notamment le coût des ressources, des
opérations d’encadrement et de formation et les frais d’exploitation.

Le montant total des crédits accordés par chaque institution de micro finance pour
le financement des besoins visant l’amélioration des conditions de vie ne doit pas
dépasser 15% de l’encours global de leur portefeuille de crédit.

B/ Les opérations entre sociétés du même groupe

L’article 461 du CSC définit le groupe de sociétés comme un ensemble de sociétés


ayant chacune sa personnalité juridique, mais liées par des intérêts communs, en
vertu desquels l’une d’elles, dite société mère, tient les autres sous son pouvoir de
droit ou de fait et y exerce son contrôle142, assurant, ainsi, une unité de décision. Le
groupe de sociétés ne jouit pas de la personnalité juridique.

En vertu de l’article 474 CSC : « Nonobstant toute disposition contraire, il est permis
d’effectuer des opérations financières entre les sociétés du groupe ayant des liens
directs ou indirects de capital, dont l’une dispose d’un pouvoir sur les autres dû à la
détention de plus de la moitié du capital social. » Il en découle alors que les

142
L’article 461 CSC précise que : « Est considérée comme étant contrôlée par une autre société, au sens
du présent titre, toute société :
- dont une autre détient une fraction du capital lui conférant la majorité des droits de vote,
- ou dont une autre société y détient la majorité des droits de vote, seule ou en vertu d'un accord conclu
avec d'autres associés,
- ou dont une autre société y détermine, en fait, les décisions prises dans les assemblées générales, en vertu
des droits de vote dont elle dispose en fait. Le contrôle est présumé dès lors qu'une société détient
directement ou indirectement quarante pour cent au moins des droits de vote dans une autre société, et
qu'aucun autre associé n'y détienne une fraction supérieure à la sienne. La société mère doit détenir une
participation directe ou indirecte dans le capital de chacune des sociétés appartenant au groupe de sociétés.
Est réputée filiale, toute société dont plus de cinquante pour cent du capital est détenu directement ou
indirectement par la société mère, et ce, abstraction faite des actions ne conférant pas à leur porteur des
droits de vote. »
Inès YOUSSEF Page 78
opérations financières au sein du groupe de sociétés sont considérées comme une
exception aux dispositions de la loi bancaire et notamment au monopole bancaire.

Les opérations financières ou encore les opérations de trésorerie sont « tout prêt au
sens de la législation relative aux établissements de crédit, toute avance en compte
courant ou garantie, quelles qu’en soient la nature et la durée. »143
Ces opérations ne peuvent être effectuées qu’aux conditions suivantes144 :
1- l’opération financière soit normale et n’engendre pas de difficultés pour la
partie qui l’a effectuée,
2- l’opération soit justifiée par un besoin effectif pour la société concernée et
qu’elle ne résulte pas de considérations fiscales,
3- l’opération comporte une contrepartie effective ou prévisible pour la
société qui l’a effectuée,
4- l’opération ne vise pas la réalisation d’objectifs personnels pour les
dirigeants de droit ou de fait des sociétés concernées.

Section 2 : Le droit discrétionnaire des banques d’accorder ou de refuser le


crédit ou le droit au crédit ?

Ici, il s’agit d’étudier la liberté de faire crédit et le refus de crédit.


La doctrine enseigne qu’il n’y a pas de droit au crédit. La solution est certaine en
jurisprudence française145. C’est ainsi qu’en date du 9 octobre 2006, l’Assemblé
plénière de la Cour de cassation française a affirmé très solennellement, que « hors
le cas où il est tenu par un engagement antérieur, le banquier est toujours libre,
sans avoir à justifier sa décision qui est discrétionnaire, de proposer ou de
consentir un crédit quelle qu’en soit la forme, de s’abstenir ou de refuser de le

143
Article 474 CSC.
144
Article 474 CSC.
145
Par ex. Cass. com., 2 juill. 2002, no 00‐13.459 ; Cass. com., 15 janv. 2002, no 99‐20.334.
Inès YOUSSEF Page 79
faire »146. Il s’agit pouvoir discrétionnaire147. Il à préciser que le seul fait qu’un crédit
soit encadré par les textes n’oblige pas la banque à l’accorder. Autrement-dit même
si le client satisfait les conditions et les modalités prévues dans la circulaire N° 87-
47, cela ne lui ouvre pas un droit à l’obtention du crédit.

La solution est imposée par l’intuitu personae qui marque particulièrement


l’opération de crédit. L’activité bancaire est fondée sur la confiance. Le banquier
court des risques certains dans l’octroi du crédit qui peut mettre sa responsabilité en
jeu et lui faire perdre tout espoir pour récupérer les montants avancés.
Cette position s’impose, à fortiori, si on précise que le banquier n’a même pas
l’obligation d’ouvrir un compte à qui le lui demande148.
Le banquier n’accordera de crédits qu’aux clients « dignes de crédit ». A cette fin,
différents moyens de s’informer sont à la disposition du banquier qui lui permettent
de n’accorder des crédits qu’à des clients qui peuvent rembourser et qui présentent
des garanties adéquates149.

Pour la banque, la sélection des entreprises est une tâche évidente et cela pour
plusieurs raisons :
- D’une part, le banquier est sans doute, en faute quand il prête son concours à
une entreprise pour financer une activité illicite ou une opération délictueuse
: escroquerie, contrebande, contrefaçon, fraude fiscale, trafic de stupéfiants,
terrorisme, etc. D’ailleurs, c’est précisément la banque qui est aujourd’hui, au
cœur du processus de lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent.

146
Cass. ass. plén., 9 oct. 2006, n° 06-11.056, Bull. civ. ass. plén., n° 11, RLDA 2006/10, n° 556 réaffirmé
par com 25 octobre 2017.V.X. DELPECH, « Confirmation du principe de liberté de crédit », Dalloz
Actualité, 16 novembre 2017.
147
DE VAUPLANE, « Les banques et la discrimination », RD bancaire et fin. 2013, no 1, p. 102.
148
Dans certains pays comme par exemple en France, de nombreuses dispositions ou accords
interprofessionnels s’efforcent de favoriser l’accès au crédit de diverses catégories, par exemple des
personnes de santé fragile que les assureurs ne veulent pas garantir.
149
V. Article 2 la circulaire du 23 décembre 1987.
Inès YOUSSEF Page 80
Différentes obligations lui sont imposées tant par le législateur150 que le
régulateur151.
- D’autre part, par les décisions d’octroi ou de refus qu’elle prend, la banque
joue un rôle de police économique. Si le crédit est distribué à des personnes
qui ne peuvent en assumer la charge, le crédit n’aura fait que dissiper les fonds
confiés au banquier et il aura augmenté artificiellement le passif de
l’emprunteur et accru le nombre de ses créanciers.

Par conséquent, dans la phase précontractuelle, le banquier doit s’assurer :


- Que le crédit ne va pas porter sur une activité illicite152.
- Il doit se renseigner sur la faisabilité du projet. Le banquier doit étudier le plan
financier et les perspectives de revenus.
- Les données objectives : le banquier va se référer aux bilans antérieurs, l’absence
de faillite de l’emprunteur, etc.
- Les données subjectives : Ce sera à l’entretien que le banquier pourra voir avec le
client, les renseignements qu’il a pu avoir sur son honnêteté, etc.

En gros, la banque tiendra compte :


- De l’importance et de la nature du crédit, ainsi que de son opportunité.
- De la nature, de la taille et de la situation financière de l’entreprise.
- Des risques encourus. A ce stade, la certitude d’être remboursé grâce aux sûretés
ne suffit pas.

150
Loi N°2015-26 du 7 aout 2015 relative à la lutte contre le terrorisme et la répression du blanchiment
d’argent.
151
Circulaire de la BCT 2018-09 relative aux Règles de contrôle interne pour la gestion du risque de
blanchiment d’argent et de financement du terrorisme.
152
V. les exigences de la KYC : Circulaire de la BCT 2018-09 précitée.
Inès YOUSSEF Page 81
Du droit de ne pas accorder de crédit doit être rapproché celui de refuser d’augmenter
le montant du découvert autorisé et celui de refuser de renouveler un crédit parvenu
à expiration.

La liberté de refuser le crédit disparaît lorsque le banquier s’est engagé à faire crédit,
d’où l’importance de la preuve du prêt ou de l’ouverture de crédit et de son montant.
Il faut encore réserver le cas où le banquier aurait commis une faute en faisant croire
qu’il accorderait du crédit. La banque n’est pas fautive si elle avait simplement
donné un accord de principe l’obligeant seulement à poursuivre de bonne foi
des négociations, en vue de l’octroi d’un crédit, et que ces négociations n’ont pas
abouties.

Section3 : La formation du contrat de crédit

La formation du contrat de crédit obéît au droit commun des conventions. L’accord


des parties suppose un consentement du prêteur et de l’emprunteur (§1). Un
consentement qui doit être exempt de vices (§2). En outre, il faut respecter les autres
conditions de validité des contrats : la capacité (§3) le pouvoir (§4), l’objet et la
cause (§5).

§1 Un accord des parties

L’échange des consentements suppose la rencontre entre l’offre du prêteur (A) et


l’acceptation de l’emprunteur (B).

A/ L’offre de prêt

L’offre de prêt présente plusieurs spécificités (1) qui permettent de la distinguer


d’autres notions (2).

Inès YOUSSEF Page 82


1/ Caractéristiques de l’offre

Les banques peuvent être considérées comme étant en état d’offre permanente153.
Elles font même des publicités à cette fin, proposant différents types de crédits. La
banque ne peut, cependant, être engagée que si elle a émis une offre ferme au profit
d’un emprunteur donné. Le contrat de crédit étant marqué par l'intuitu personae154,
la banque ne peut être tenue de consentir le crédit proposé à tous ceux qui en font la
demande155. Généralement, l’offre peut faire suite à une demande précise du client.
Elle peut alors en reprendre les éléments essentiels.
L’offre du prêteur peut être soumise à une condition suspensive ou résolutoire156.
L’allocation du crédit peut ainsi être soumise à la condition de fourniture de
garanties par l’emprunteur. Le crédit peut être consenti à la condition du versement
d’une partie du prix par l’emprunteur à l’acheteur. L’offre peut aussi réserver
l’hypothèse de la survenance des faits nouveaux susceptibles d’empêcher ou de
modifier substantiellement la réalisation de l’opération.

2/ L’offre et les pourparlers

L’offre doit être distinguée d’un simple pourparler en vue d’un financement. Il y a
pourparlers lorsqu’une offre n’a pas été acceptée dans le délai indiqué. Le pourparler
n’engage pas la banque qui n’est pas tenue d’y donner suite. Cependant, une banque
ne peut rompre brutalement les pourparlers sans justes motifs. Elle manque alors à
son devoir de bonne foi157.

153
D.LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun ,op.cit.
154
V. Supra p 58.
155
V. Supra p 79.
156
V. Articles 116 et s COC
157
Cas de la banque qui après être entrée en pourparlers n'a pas proposé aux contractants la reprise des
négociations en vue de l'aboutissement du projet prévu, .L'interlocuteur peut alors engager sa
responsabilité et lui demander réparation du préjudice subi. Celui-ci consiste dans la perte d'une chance de
réaliser l'opération envisagée. L'interlocuteur doit démontrer qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité d'obtenir
Inès YOUSSEF Page 83
Un emprunteur peut-il reprocher à une banque d’avoir répondu tardivement à sa
demande de crédit ? En effet, certains crédits sont saisonniers comme les crédits de
campagne. Ainsi un emprunteur pourrait subir un dommage en l’absence d’une
réponse à temps. Sauf que le préjudice dans le cas d’espèce ne serait pas certain car
la banque conserve un droit discrétionnaire dans l’allocation des crédits158.

3) L’offre et l’accord de principe

La banque peut donner un accord de principe suite à la demande du client. Cet accord
ne l’engage alors pas définitivement. La banque peut, en effet, souhaiter obtenir des
compléments d’informations ou entreprendre certaines vérifications. Celui qui
sollicite un crédit est aussi tenu d’un devoir de collaboration. Il doit fournir les
renseignements demandés et tenir informé la banque, de l’état d’avancement des
démarches. Il doit aussi respecter les conditions posées par la banque.

L’accord de principe oblige la banque à poursuivre, de bonne foi, les négociations


en cours. Ainsi, sa responsabilité pourrait alors être retenue en cas de manquement
au devoir de contracter de bonne foi et en cas de refus de crédit injustifié.

B/ Acceptation de l’offre

L’acceptation de l’offre ne suscite généralement pas de difficultés dans la mesure où


l’offre fait en réalité suite à une demande de l’emprunteur. La convention de prêt
n’est conclue que si l’emprunteur a accepté l’offre formulée par le prêteur. Le contrat
n’est formé que si la preuve est rapportée relativement à un accord concernant tous

un crédit d’un autre établissement .V. D.LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit
commun ,op.cit.
158
Le préjudice pourrait être lié à l'obligation de saisir un autre établissement et d’obtenir un prêt à de moins
bonnes conditions. Mais une banque n'est pas tenu d'accepter une demande de prêt et le préjudice n'est pas
lié à l'absence de réponse.CA Paris, 15e ch., sect. B, 13 oct. 2006 : JurisData n° 2006-317364.
Inès YOUSSEF Page 84
les éléments essentiels du prêt : montant, taux d’intérêts, durée, garanties et
assurances.

§2 Un consentement exempt de vices

Le consentement des deux parties doit être exempt de vices. Le contrat de crédit
reposant sur la confiance, il est important que les deux parties se communiquent
réciproquement les informations essentielles. C’est l’emprunteur potentiel qui aura
le plus la tentation de dissimuler des informations ou de tromper la banque. La
banque peut aussi se prévaloir d’un vice du consentement.

§3 La capacité d’emprunter

Pour déterminer si une personne a ou non la capacité d’emprunter, il faut tenir


compte de deux paramètres : les règles de capacité d’une part, la qualification de
l’acte à accomplir d’autre part.
Traditionnellement, le prêt appartient à la catégorie des actes de disposition159. Pour
autant, en doctrine, la question s’est posée de savoir si cette qualification demeure
toujours adaptée. Pour le Professeur LEGEAIS « le crédit s’est en effet banalisé et
certaines opérations ne présentent pas de risques particuliers. Le prêt n’entraîne
aucune aliénation de la part de l’emprunteur et exclut toute spéculation de la part du
prêteur. Dès lors dans certains cas l’opération de crédit pourrait être qualifiée d’acte
d’administration. Deux critères pourraient être mis en œuvre. D’une part, il serait
concevable d’admettre que jusqu’à un certain montant le prêt soit qualifié d’acte
d’administration. D’autre part, la qualification pourrait aussi être liée aux revenus et

159
V.Supra p 51. Rappelons que l’article 1083 COC précise que : « Pour prêter il faut avoir la capacité
d'aliéner les choses qui font l'objet du prêt. Le père ne peut, sans l'autorisation du juge, prêter, ni
emprunter lui-même les capitaux du fils dont il a la garde. Le juge devra prescrire dans ce cas toutes les
garanties qui lui paraîtront nécessaires afin de sauvegarder complètement les intérêts du mineur. La même
règle s'applique au tuteur, au curateur, à l'administrateur d'une personne morale, en ce qui concerne les
capitaux ou valeurs appartenant aux personnes dont ils administrent les biens.
Inès YOUSSEF Page 85
au patrimoine de l’emprunteur. Le même acte n’a pas la même gravité selon qu’il
est conclu par une personne ayant des ressources importantes ou des revenus
modestes »160.

§4 Le pouvoir d’emprunter

La personne qui contracte le prêt doit en avoir le pouvoir. Ce pouvoir peut résulter
d’un mandat. Plusieurs contraintes résultent de l’application du droit des sociétés. Il
importe que le crédit soit conforme à l’intérêt social. Il faut aussi distinguer le crédit
accordé à une société en formation (A) et celui consenti à une société immatriculée
(B).

A/ Cas de la société en formation

Au même titre que le contrat de bail, les contrats de crédit sont souvent souscrits
par les fondateurs de la société alors que cette dernière est en cours de formation.
Les prêts souscrits par les fondateurs peuvent être repris par la société à la condition
que les conditions de la reprise soient respectées161.

B/ Cas de la société immatriculée

Aux termes de l’article 211 CSC concernant la société anonyme : « Le Président du


Conseil d’Administration assure, sous sa responsabilité, la direction générale de la
société. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers. Sous réserve des
pouvoirs que les statuts attribuent expressément aux assemblées d’actionnaires, ainsi
que des pouvoirs qu’ils réservent de façon spéciale au conseil d’administration, le

160
V. D.LEGEAIS , Fasc. 355 : Le prêt, Opération de crédit de droit commun ,op.cit.
161
Articles 171 et 444 CSC.
Inès YOUSSEF Page 86
président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au
nom de la société et ce, dans les limites de l’objet social.

Toutefois, les stipulations des statuts ou les décisions du conseil d’administration


limitant ces pouvoirs sont inopposables aux tiers conformément au dernier alinéa de
l’article 197 162du présent code ».

Dans le même sens, l’article 114 CSC précise que : « Dans ses rapports avec les
tiers, la société est engagée par tous les actes accomplis par le gérant et relevant de
l’objet social. Les dispositions ci-dessus indiquées s'appliquent, en cas de pluralité
de gérants, aux actes accomplis par chacun deux. L’opposition formée par un gérant
aux actes d’un autre gérant est sans effet à l’égard des tiers, à moins qu’il ne soit
établi qu’ils en aient eu connaissance. Les actes du gérant qui dépassent l'objet social
engagent la société à l'égard des tiers. Sauf s'il a été prouvé que le tiers ne pouvait
l'ignorer compte tenu des circonstances. La simple publication des statuts ne peut
être considérée comme une preuve de cette connaissance. Les clauses statutaires
limitant les pouvoirs du gérant sont inopposables aux tiers même en cas de
publication des statuts. »

Il ressort des dispositions ci-dessus citées que, tant que l’opération réalisée par le
représentant de la société est conforme à l’objet social, elle demeure opposable aux
tiers. Raison pour laquelle, il incombe à la banque de vérifier les pouvoirs du gérant
et la conformité à l’objet social.

Rappelons que dans le cadre des sociétés à responsabilité limitée, avec la loi 2019
sur l’amélioration du climat d’investirent163, l’emprunt important conclu au profit de

162
Article 197 CSC - Le conseil d'administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute
circonstance au nom de la société dans les limites de l'objet social. Toutefois, le conseil d'administration ne
peut empiéter sur les pouvoirs réservés par la loi aux assemblées générales des actionnaires. Les stipulations
des statuts limitant les pouvoirs du conseil d'administration sont inopposables aux tiers. Dans les rapports
avec les tiers, la société est engagée même par les actes du conseil d'administration qui ne relèvent pas de
l’objet social, à moins qu’elle ne prouve que le tiers savait ou ne pouvait ignorer que l'acte dépassait cet
objet.
163
Loi n° 2019-47 du 29 mai 2019, relative à l’amélioration du climat de l’investissement.
Inès YOUSSEF Page 87
la société, dès lors que les statuts fixent le minimum, est une opération soumise aux
procédures de l’article 115 CSC164. Toutefois, les conventions non approuvées
produisent leurs effets, mais le gérant ou l’associé contractant seront tenus pour
responsables, individuellement et solidairement s’il y a lieu, des dommages subis
par la société de ce fait.
De même, selon l’article 200 CSC, l’emprunt important conclu au profit de la société
anonyme dont les statuts fixent le minimum doit être soumis à l’autorisation
préalable du conseil d’administration, à l’approbation de l’assemblée générale et à
l’audit du commissaire aux comptes.

§5 La cause

Conclu avec une banque, le prêt est un contrat synallagmatique. Ainsi, l’obligation
de l’une des parties trouve sa cause dans l’obligation souscrite par l’autre partie. La
cause de l’obligation de mise à disposition du prêteur est la contrepartie patrimoniale
qu’il reçoit de l’emprunteur, c’est-à-dire la perception des intérêts165.

164
En effet l’article 115 CSC impose que : « Toute convention intervenue directement ou par personne
interposée entre la société et son gérant associé ou non, ainsi qu’entre la société et l’un de ses associés devra
faire l’objet d’un rapport présenté à l’assemblée générale soit par le gérant, soit par le commissaire aux
comptes s’il en existe un. L’assemblée générale statue sur ce rapport, sans que le gérant ou l’associé
intéressé puisse prendre part au vote, ou que leurs parts soient prises en compte pour le calcul du quorum
ou de la majorité. Lorsque la société ne comporte qu’un seul associé, la convention conclue avec la société
doit faire l’objet d’un document joint aux comptes annuels. »
165
V. infra p 98 et s.
Inès YOUSSEF Page 88
CHAPITRE 3 : LA REMUNERATION DANS LES
OPERATIONS DE CREDIT

Le remboursement de la mise à disposition est un critère de l’opération de crédit.


En général, le remboursement est soit gratuit soit onéreux. Un remboursement
gratuit de la mise à disposition n’est concevable que dans le cadre des prêts. La
qualification d’opération de crédit implique que le remboursement soit
nécessairement à titre onéreux ou encore rémunéré.

Quelle est alors la signification exacte de l’onérosité du crédit ? Le texte de l’article


6 de la loi bancaire ne précise pas les modalités de rémunération des banquiers, mais
indique seulement que l’opération de crédit est onéreuse. Mais, es ce-que l’onérosité
signifie automatiquement la perception d’intérêts ? Les Professeurs GAVALDA et
STOUFFLET considèrent que l’intérêt n’est pas légalement exigé : « Il suffit que le
prêteur reçoive une contrepartie financière spécifique, même aléatoire. Une avance
rémunérée par une participation aux profits de l’activité du bénéficiaire serait une
opération de banque ». De plus, STOUFFLET rappelle que les parties à un contrat
de crédit ont une liberté dans le choix du mode de rémunération du moment qu’elle
soit déterminable, du seul fait d’accepter de participer à un financement (Section 1).
Certes, l’onérosité ne signifie pas forcément la stipulation d’intérêt mais une telle
stipulation impliquera forcément l’onérosité du crédit (section 2). En outre, le crédit
suppose un coût qui correspond aux frais et commissions (section 3).

Section 1 : Le remboursement rémunéré du crédit

Le remboursement peut s’effectuer selon la volonté des parties (§1) ou d’une


manière anticipée (§2). D’autres évènements peuvent surgir justifiant l’exigibilité

Inès YOUSSEF Page 89


anticipée du crédit (§3) ou la modification des conditions initiales dans le cadre
d’une renégociation du crédit (§4).

§ 1 Le remboursement selon la volonté des parties

L’exécution du contrat s’opère conformément à la volonté initiale des parties.


L’obligation de restitution est la principale obligation de l’emprunteur et le principal
effet du contrat de prêt. Subséquemment, l’obligation suppose que le contrat ait été
formé et que le prêteur ait exécuté son obligation de mise à disposition des sommes
allouées.
La personne tenue au remboursement (A), le lieu de remboursement (B), le montant
de remboursement (C) et la date de remboursement (D) seront étudiés
successivement.

A/ Personne tenue au remboursement

C’est en principe, le banquier en sa qualité de prêteur qui peut solliciter le


remboursement. Néanmoins, il faut tenir compte de la possibilité de titrisation. Ce
qui permet à une autre personne que le prêteur initial de réclamer le remboursement.
Dans le même ordre d’idées, c’est l’emprunteur lui-même qui doit rembourser le
crédit. Toutefois, il faut signaler la possibilité de reprise du prêt et du prêt substitutif.
La reprise de prêt permet à une nouvelle personne de se substituer à l’emprunteur
initial.
Le prêt substitutif se rapporte à un prêt initial remboursé par un nouveau prêteur qui
verse soit les fonds à l’emprunteur soit au prêteur initial.

B/ Lieu de remboursement

Les obligations sont quérables et non portables, ce qui signifie que le paiement doit

Inès YOUSSEF Page 90


en principe, avoir lieu au domicile de l’emprunteur. Rappelons que dans le cadre du
prêt de consommation et en vertu de l’article 1093 COC, l’emprunteur est tenu de
restituer les choses prêtées au lieu même où le prêt a été conclu, sauf convention
contraire166. Souvent, les clauses des contrats imposent le paiement au lieu où le
compte bancaire est tenu.

C/ Montant de remboursement

Le client est tenu de rembourser à la banque le montant des sommes prêtées majorées
des intérêts et commissions. Il est possible de décaler dans le temps le
remboursement de certaines échéances. Il peut y avoir stipulation d’une franchise de
remboursement. L’emprunteur peut, ainsi, n’avoir à rembourser qu’à compter d’une
certaine date.167
L’obligation qui résulte d’un prêt d’argent n’est toujours que la somme numérique
énoncée au contrat : c’est le principe du nominalisme monétaire. D’ailleurs, l’article
1090 COC impose à l’emprunteur de rendre une chose semblable en quantité et
qualité à celle qu’il a reçue et il « ne doit que cela ».
Une distinction est à noter entre la monnaie de paiement et la monnaie de compte
mais elle s’inscrit plutôt dans le cadre des contrats de crédits internationaux168.

D/ Date de remboursement

L’emprunteur doit rembourser le prêteur au terme prévu dans le contrat. Le terme


correspond à une date. Cette date prévue initialement peut être selon les
circonstances prorogée ou abrégée.

166
V. Supra p 53.
167
D.LEGEAIS, Opérations de crédit, op.cit., p 175, N°329 et s.
168
V. J-P.MATTOUT, Droit bancaire international, Revue Banque, 2009, N°379 et s.
Inès YOUSSEF Page 91
§2 Le remboursement anticipé

Le remboursement anticipé du prêt est consacré dans le COC (A). Combien même
le législateur impose le respect de certaines conditions pour le remboursement
anticipé (B), la pratique bancaire consacre la stipulation d’une clause de
remboursement anticipé (C).

A/ Le droit au remboursement anticipé

Le COC a déjà consacré la possibilité de remboursement anticipé dans son article


1101 qui dispose que : « Lorsque les intérêts stipulés dépassent les taux ci-dessus
établis, le débiteur aura toujours le droit de rembourser le capital après une année de
la date du contrat, toute clause contraire est sans effet. Il devra toutefois prévenir le
créancier deux mois à l’avance, et par écrit, de son intention de payer. Cet avis
emportera de plein droit renonciation au terme le plus long qui aurait été convenu. »

D’une manière générale, lorsque le prêt est à durée indéterminée, le droit au


remboursement anticipé ne se pose pas. Par contre, lorsque le prêt est à durée
déterminée, le remboursement anticipé suscite plus de difficultés. En effet, les deux
parties devraient respecter le terme contractuellement prévu.
Cette règle découle du principe de l’autonomie de volonté tel que prévu dans l’article
242 COC. Le principe de la force obligatoire du contrat s’oppose à toute
modification unilatérale du contrat. Cette règle découle également des dispositions
de l’article 145 COC prévoyant que : « Le terme est censé stipulé en faveur du
débiteur. Celui-ci peut accomplir l’obligation, même avant l’échéance lorsque
l’objet de l'obligation est du numéraire et s’il n’y a pas d’inconvénient pour le
créancier à le recevoir. Lorsque l’obligation n’a pas pour objet du numéraire, le
créancier n’est tenu de recevoir le paiement avant l’échéance que s’il y consent ; le
tout à moins de dispositions contraires de la loi ou du contrat. »

Inès YOUSSEF Page 92


D’ailleurs, c’est dans ce sens que l’article 1091 COC dispose que : « L’emprunteur
ne peut être contraint à restituer ce qu’il doit avant le terme établi par le contrat ou
par l’usage ; il peut le restituer avant l’échéance, à moins que la restitution avant
le terme ne soit contraire à l’intérêt du créancier. »

En effet, le créancier a intérêt au respect des prévisions initiales. Il est discutable


d’affirmer que la banque ne subit pas de préjudice en raison du remboursement
anticipé. Le prêteur n’a pas intérêt à l’opération. Le remboursement anticipé lui fait
perdre une partie du bénéfice espéré169. C’est l’emprunteur qui a le plus souvent un
avantage à rembourser son prêt par anticipation. Il peut disposer de liquidités
imprévues et ainsi vouloir diminuer la charge de l’emprunt en réduisant sa durée170.

Et pourtant, le COC consacre, selon le texte de l’article 1101 COC, un « droit » de


remboursement. En réalité, la question du remboursement anticipé dénote de la
volonté du législateur d’encourager les clients à se débarrasser de leurs crédits. A
cet effet, il faut rappeler que le législateur de 1906 était très réticent à accepter le
prêt à intérêts. C’est que l’intérêt est toujours blâmé sous l’angle religieux171.

B/ Conditions du remboursement anticipé

La consécration du droit au remboursement anticipé ne doit pas éclipser la prise en


compte des intérêts de la banque et dans une certaine mesure, ceux des clients. Il
fallait donc chercher la conciliation entre les intérêts souvent antagonistes de
l’emprunteur et du prêteur. Deux conditions sont alors exigées : l’écoulement d’une
durée minimale de un an et le dépassement des taux légaux déjà précisés dans
l’article 1100 COC.

169
D.LEGEAIS, Opérations de crédit, op.cit., p179.
170
En France, il est fréquent qu’un emprunteur souhaitant profiter d’une baisse des taux, demande
l’obtention d’un crédit lui permettant de rembourser celui qui a été consenti antérieurement.
171
V. infra p 99.
Inès YOUSSEF Page 93
 S’agissant de la première condition : Le législateur conditionne l’ouverture
du droit au remboursement anticipé par une période d’un an à partir de la
conclusion du contrat de prêt. Or, les banques ont l’habitude de dresser les
échéanciers et le tableau de remboursement selon la formule qui leurs permet
à chaque échéance, un paiement en principal et en intérêts. Sauf que, pendant
la première période le client aura à payer majoritairement, les intérêts. De la
sorte, passée une année, le client réalise qu’il a payé essentiellement des
intérêts. Ce qui rend l’opération de remboursement anticipé dénuée de tout
avantage pour le client.

 S’agissant de la seconde condition, le législateur impose que les taux prévus


dans l’article 1100 soient dépassés. En effet l’article 1100 COC précise le taux
d’intérêt légal ainsi : « Lorsque les parties n’ont pas déterminé le taux des
intérêts, le taux de l’intérêt légal qui s’applique est le suivant :
1) en matière civile, il est calculé à raison de 7 % l’an ;
2) en matière commerciale, il est égal aux taux maximum des découverts
bancaires, fixé par la Banque Centrale, majoré d’un demi-point.

La procédure à suivre consiste pour l’emprunteur à prévenir le créancier (la banque)


deux mois à l’avance, et par écrit, de son intention de payer. Cet avis emportera de
plein droit renonciation au terme le plus long qui aurait été convenu.

C/ La clause de remboursement anticipé

L’importance du dispositif mis en place est qu’il soit applicable indépendamment de


toute clause contraire. En effet, le législateur a précisé dans l’article 1101 COC que :
« toute clause contraire est sans effet ». Et pourtant, en pratique, les clauses facturant
des commissions en cas de demande de remboursement anticipé sont fréquentes.

Inès YOUSSEF Page 94


Quelle est la valeur attachée à ses clauses ? Comment peut-on interpréter ces
clauses ?
La qualification de ces clauses reste sujette à débat. Il ne s’agit pas d’une clause
pénale dans la mesure où elle ne sanctionne pas l’inexécution d’une obligation mais
bien au contraire, elle sanctionne l’exercice d’un droit.
De plus, il ne s’agit pas d’une clause stipulant une commission comme toutes les
commissions sont fixées par le régulateur.

En droit français, la clause de remboursement anticipé s’analyse comme une clause


qui a pour cause la réparation du manque à gagner subi par le prêteur du fait de la
résiliation anticipée du contrat172.

§3 Exigibilité anticipée

Le prêteur ne peut pas en principe solliciter le remboursement anticipé. Cependant,


un certain nombre d’événements peuvent justifier l’exigibilité anticipée du prêt.
Certains événements peuvent alors justifier un remboursement anticipé. Tel peut être
le cas de la cessation de l’activité par l’emprunteur, d’un changement de direction
de la société emprunteuse, d’un non-respect par l’emprunteur de ses obligations,
d’une fausse information communiquée, d’une sûreté. Il peut aussi s’agir du décès
de l’emprunteur173.

Les contrats de crédits ne manquent pas de prévoir les clauses des contrats qui
énoncent des cas justifiant l’exigibilité anticipée du crédit ou encore les
conséquences du non-respect par l’emprunteur de ses obligations. Le contrat peut
stipuler la déchéance du terme dès lors que l’emprunteur n’aurait pas utilisé le crédit

172
Pour la Cour de cassation française, la clause a un caractère indemnitaire. Elle permet de réparer le
préjudice subi par le prêteur. Elle a pour but de maintenir l’équilibre financier de l'opération.
173
V. infra p 112 et s.
Inès YOUSSEF Page 95
conformément à son objet, aurait fait des déclarations inexactes, en cas d’incident
de paiement, en cas de cessation d’activité, en cas de non-constitution des sûretés
promises. Ces clauses sont le plus souvent qualifiées de clauses d’exigibilité
anticipée ou de déchéance du terme.
La principale clause d’exigibilité anticipée concerne le non-paiement d’une
échéance.

En effet, le crédité doit rembourser les sommes allouées à titre d’ouverture de crédit
selon l’échéancier convenu. Généralement, la convention d’ouverture de crédit
prévoit que l’ouverture de crédit est remboursée selon une série d’effets de
commerce qui sont tirés sur le bénéficiaire ou souscrits par lui et qui doivent être
payés à leurs échéances. Si l’un des effets n’est pas réglé à l’échéance prévue, tous
les autres deviennent exigibles et le banquier est en droit de demander le paiement
du restant dû intégralement et exciper de la déchéance des termes174.
Selon la jurisprudence tunisienne, pour bénéficier de la déchéance du terme et pour
pouvoir exiger le paiement de tous les effets de commerce échus et à échoir, il faut
que les effets tirés comprennent une clause selon laquelle le non-paiement d’une
traite ou d’un billet à ordre engendre le droit d’exiger le paiement de tous les autres.
La déchéance du terme n’est pas automatique et elle doit être stipulée par les parties
et cette clause doit de ce fait, être mentionnée sur les effets.
Les contrats d’ouverture de crédit prévoient souvent la déchéance du terme en cas
de non-paiement d’une seule échéance aux termes convenus.
Seulement, lorsque les effets ne contiennent pas ladite clause, le banquier qui veut
demander le paiement de la totalité du dit crédit, doit agir en justice sur la base du
contrat et non pas sur la base des effets lorsque ces derniers ne prévoient pas de
clause de déchéance du terme175.

174
V. infra p 94 et s.
175
T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 96
Il est à signaler qu’avec la loi n° 2000-52 du 11 mai 2000, relative au "titre de
crédit", tout crédit consenti par une banque à une personne physique ou morale peut
donner lieu à la souscription par le bénéficiaire du crédit, dit le souscripteur, d’un
titre de crédit au profit de l’établissement prêteur, constatant l’intégralité des
sommes devant être remboursées au titre du crédit accordé.
La Section V de la loi relative au titre de crédit traite de l’échéance du paiement.
Aux termes de l’article 7 de la loi susvisée, le défaut de paiement d’une échéance
dans les délais, pour absence ou insuffisance de provision, emporte d’office
déchéance du terme et rend immédiatement exigible l’intégralité des sommes dues
au titre du principal du crédit accordé.
L’article 7 de ladite loi dispose que : « Le paiement du titre de crédit, au profit du
porteur est effectué par débit du compte ouvert chez la banque domiciliataire visé au
point 6 de l’article 2 de la présente loi, conformément aux échéances fixées dans le
tableau d’amortissement des créances. Lorsque la provision ne couvre pas la totalité
du montant de l’échéance due, la banque domiciliataire a le droit d’effectuer le
prélèvement à concurrence de la provision disponible.
Le défaut de paiement d’une échéance dans les délais, pour absence ou
insuffisance de provision, emporte d’office déchéance du terme et rend
immédiatement exigible l’intégralité des sommes dues au titre du principal du
crédit accordé. La preuve du paiement est faite par tout moyen. »176

Ceci étant, il faut préciser que la clause contractuelle de déchéance n’est pas opérable
en cas d’ouverture d’une procédure collective177.

Ceci étant, il convient de préciser que généralement, l’emprunteur en difficultés


peut, comme tout débiteur, solliciter du juge l’octroi de délai de grâce en application
de l’article 137COC. En effet, l’article 137 COC dispose que : « Le tribunal ne peut

176
V. Supra p 90 et s.
177
V. infra p 113.
Inès YOUSSEF Page 97
accorder aucun terme ni délai de grâce, s’il ne résulte de la convention ou de la loi.
Lorsque le délai est déterminé par la convention ou par la loi, le juge ne peut le
proroger, si la loi ne l’y autorise. Toutefois, et en dehors des cas où il s’agit du
recouvrement d’une créance de l’Etat, d’une commune ou d’un établissement public
d’Etat, un délai raisonnable pourra être accordé pour l’exécution du jugement avec
la plus grande réserve et s’il ne doit en résulter aucun inconvénient grave pour le
créancier, quand le débiteur aura justifié que ce terme favorise sa libération en lui
permettant de conclure un emprunt à meilleures conditions, ou également quand il
apparaîtra que l’inexécution de son obligation provient de circonstances
indépendantes de sa volonté.
Le délai ne devra ni excéder la durée d’une année ni être renouvelé. Le juge pourra
accorder au débiteur la faculté de se libérer par paiements échelonnés. Le jugement
énoncera le motif du délai, lequel courra du jour de la signification. Les dispositions
de l’article 149 du présent code sont applicables au délai de grâce accordé par le
juge ».
Justement, l’article 149 COC dispose que : « Le débiteur perd le bénéfice du terme
s’il est déclaré en faillite, si, par son fait, il diminue les sûretés spéciales qu’il avait
données par le contrat, ou s’il ne donne pas celles qu’il avait promises. La même
règle s’applique au cas où le débiteur aurait frauduleusement dissimulé les charges
ou privilèges antérieurs qui grèvent les sûretés par lui données.
Lorsque la diminution des sûretés spéciales données par le contrat provient d’une
cause indépendante de la volonté du débiteur, celui-ci n’est pas déchu de plein droit
du bénéfice du terme, mais le créancier a le droit de demander un supplément de
sûretés et, à défaut, l’exécution immédiate de l’obligation ».

§4 La renégociation du crédit

Il faut remarquer qu’en cas de difficultés, le client peut chercher à renégocier les
conditions de son crédit. Le prêteur n’est nullement tenu de faire droit à une telle

Inès YOUSSEF Page 98


demande. Cependant, c’est parfois son intérêt. Il est préférable de rallonger la durée
du prêt ou de diminuer le montant des intérêts si cela assure l’exécution du contrat.
Quoiqu’il en soit la modification des modalités de remboursement ne constitue pas
une novation.
Habituellement, si un changement de circonstances imprévisible lors de la
conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie,
celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle
continue à exécuter ses obligations durant la renégociation178.

Section 2 : Le paiement des intérêts au banquier

Il existe deux catégories d’intérêts : les intérêts créditeurs qui sont versés par les
banques en rémunération des dépôts de leur clientèle et les intérêts débiteurs que
doivent assumer les emprunteurs en contrepartie des crédits de toute nature que les
banques leur ont consentis. Il convient de distinguer le taux légal, le taux
conventionnel et le taux effectif global qui doit être calculé conformément à la loi à
partir du taux conventionnel mais en y incluant tous les frais qui ont dû être assumés
par l’emprunteur pour obtenir le crédit179.
La rémunération du banquier est faite selon l’intérêt stipulé par les parties et calculé
sur la base des sommes octroyées. Si la fixation des intérêts est libre (§ 1), elle ne
doit pas être excessive (§ 2). Le Cours et la capitalisation des intérêts obéissent à des
règles particulières (§3).

178
En pratique, il y a lieu de citer la modalité de report des échéances de crédits comme principale modalité
de renégociation des conditions contractuelles. Cette modalité a été prévue par des circulaires de la BCT
dans le domaine touristique ou agricole suite à certaines catastrophes naturelles ou attentats terroristes.
Cette modalité a été, toutefois imposée à toutes les banques à l’occasion de la crie de COVID19.
179
J.LASSERRE CAPDEVILLE, Synthèse - Crédit - Généralités et crédits aux entreprises, JCL, 8
Novembre 2019 actualisé par (M. ROUSSILLE), N°5.
Inès YOUSSEF Page 99
§1 La liberté de stipulation des intérêts

La rémunération est inhérente au crédit. Le banquier perçoit les rémunérations et le


coût du crédit ne peut être identifié à la rémunération. La notion de coût est plus
large car elle inclue les frais liés à la distribution du crédit180. La rémunération du
banquier est librement déterminée par les parties. Cependant, cette liberté n’est pas
aussi totale qu’il n’y paraît. Le taux d’intérêt du banquier est déterminé à partir du
taux de base bancaire. Ce taux n’est pas arbitraire : il est fixé en fonction des taux
pratiqués sur les marchés de l’argent.

Le taux d’intérêt conventionnel est soit fixe, soit indexé, soit variable :
- Le taux fixe ne varie pas dans le temps
- Les taux indexés ou variables sont des taux évoluant dans le temps en fonction
du paramètre qui a été retenu pour les faire évoluer.
Les notions de taux indexés et de taux variables ne se confondent pas, car en
fonction de la manière dont le paramètre se répercute sur le taux initial on va
parler soit de taux indexé, soit de taux variable.

 Si dit-on l’évolution est proportionnelle à la variation qui affecte le


paramètre, on parle de taux indexé.
 Si la variation du paramètre se répercute mathématiquement et non
plus proportionnellement on va parler de taux variable.
Ce paramètre est choisi par les parties de façon assez libre. Il peut
être lié à la situation du client lui-même par exemple à ses profits ou
à ses bénéfices. Néanmoins, ce paramètre peut être extérieur aux
parties et résider dans des indices ou être lié à des taux qui se
pratiquent habituellement sur les marchés de l’argent.

180
V. infra p 109.
Inès YOUSSEF Page 100
Aux termes de l’article 1096 COC : « Entre non-commerçants, les intérêts ne sont
dus que s’ils ont été stipulés par écrit. Cette stipulation est présumée lorsque les
contractants sont commerçants ».
Il en découle que les intérêts sont présumés lorsque les contractants sont des
commerçants, ce qui montre que le principe est la liberté de stipulation des intérêts.
Pourtant, l’article 1096 COC prévoit aussi qu’entre non commerçants les intérêts
doivent être prévus expressément par écrit. Ainsi, la stipulation des intérêts et de
leurs taux doit être prévue par écrit. En revanche, selon l’article 1097 COC, les
intérêts des sommes portées en compte courant sont dus de plein droit par celle des
parties au débit de laquelle elles figurent, à partir du jour des avances constatées.

Selon l’article 1096 COC, les intérêts sont présumés lorsque les contractants sont
des commerçants. Ici, doit-on considérer l’acte ou la qualité des personnes en
présence ? Une lecture attentive de cet article permet de répondre que le critère
retenu par le législateur est un critère subjectif. Toutefois, la Cour de cassation dans
un arrêt rendu le 7 juillet 1981 a déclaré que l’intérêt est présumé dès lors que la
créance est fondée sur des contrats commerciaux ; cette position va à l’encontre de
la lettre de cet article car un commerçant peut recourir à un crédit non pas pour ses
besoins commerciaux mais pour des exigences personnelles et l’application de
l’alinéa 2 de l’article 1096 peut alors lui être préjudiciable.

Lorsque les parties n’ont pas stipulé d’intérêt du tout, ce dernier est présumé entre
commerçants, mais lorsqu’elles n’ont pas prévu du taux d’intérêt quelle serait la
solution ? L’article 1100 COC prévoit qu’en matière commerciale l’intérêt « est égal
au taux maximum des découverts bancaires fixé par la banque centrale, majoré d’un
demi-point ». Aussi la loi n° 99-64 du 15 juillet 1999 relative au taux d’intérêt

Inès YOUSSEF Page 101


excessif181 (ci-après loi 1999) modifiée par la loi n°2008-56 du 4 aout 2008 énonce-
t-elle dans son article 3 que : « Le taux d’intérêt effectif global (TEG) prévu par
l'article 2 de la présente loi doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat
de prêt régi par la présente loi. Au cas où ledit taux n’est pas mentionné, c’est le taux
d’intérêt effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent qui sera pris en
compte et le prêteur sera passible d’une amende allant de cinq cent à trois mille
dinars ». Certes, le législateur de 1999 impose la mention du TEG et sanctionne
pénalement l’omission, mais la sanction civile paraît très clémente. De surcroît,
compte tenu de la somme dérisoire objet de la sanction pénale, la loi a un effet
incitatif et non dissuasif. En effet, la sanction de l’omission de la mention du TEG
est l’application du taux d’intérêt effectif moyen pratiqué au cours du semestre
précédent. Or, le taux d’intérêt effectif moyen correspond la moyenne des TEG
pratiqués. Ce qui impliquera forcément qu’il ne soit pas le plus bas taux d’intérêt
effectif global appliqué par les banques de la place.

§2 L’intérêt ne doit pas être excessif

Il importe d’examiner en premier lieu l’interdiction de l’usure (A) avant de présenter


les sanctions de l’usure (B).

A / L’interdiction de l’usure

L’interdiction de l’usure a été déjà prévue dans le COC (1) avant d’être reproduite
dans une loi spéciale (2)

1/L’usure dans le COC

L’article 1103 COC interdit l’usure dans les contrats de prêt au moment de leur

181
V. infra p 101
Inès YOUSSEF Page 102
conclusion et au moment de leur rééchelonnement ou de leur renouvellement.
C’est ainsi que l’article 1103 COC dispose que : « Celui qui, abusant des besoins,
de la faiblesse d’esprit ou de l’inexpérience d’une autre personne, se fait promettre,
pour consentir un prêt ou le renouveler à l’échéance, des intérêts ou autres avantages
qui excèdent notablement le taux normal de l’intérêt, et la valeur du service rendu,
selon les lieux et les circonstances de l’affaire, sera l’objet de poursuites pénales.
Les clauses et conventions passées en contravention du présent article pourront être
annulées, à la requête de la partie et même d’office, le taux stipulé pourra être réduit,
et le débiteur pourra répéter, comme indu, ce qu’il lui aurait payé au-dessus du taux
qui sera fixé par le tribunal. S’il y a plusieurs créanciers, ils seront tenus
solidairement. »
A travers cet article, le législateur consacre la théorie de l’exploitation182 qui repose
sur des critères plutôt subjectifs. Ces critères se rapportent à l’abus « des besoins, de
la faiblesse d’esprit ou de l’inexpérience d’une autre personne ». Il s’en suit
logiquement que l’application de ces critères est casuistique. Ce qui n’est pas le cas
dans le cadre de la loi 1999.

2/ L’usure dans la loi 1999

Le législateur est intervenu, par la loi 1999, en posant le principe du taux d’intérêt
effectif global (TEG) en matière de rémunération des prêts conventionnels. Le TEG
est pris en considération pour déterminer le caractère usuraire ou non du crédit
consenti. De la sorte, la détermination du caractère usuraire ou non d’un crédit
repose alors sur des critères objectifs.

Ceci étant précisé, la question s’est posée de savoir si la loi 99 a abrogé tacitement
l’article 1103 COC ? Aux termes de l’article 7 de la loi 99 : « La présente loi entre

182
L’exploitation de l’infériorité d’une des parties par son cocontractant. Le droit tunisien ne connaît la
théorie de l’exploitation que dans le cadre de la lésion. V. article 60 COC.
Inès YOUSSEF Page 103
en vigueur dans un délai de six mois à partir de sa publication au Journal Officiel de
la République Tunisienne. Sont abrogées, à partir de cette date, toutes dispositions
antérieures contraires et notamment les deux décrets du 3 février 1937 et du 24 juin
1954, relatifs à la répression de l’usure. La présente loi sera publiée au Journal
Officiel de la République Tunisienne et exécutée comme loi de l’Etat. ». Il en
découle que toute disposition antérieure contraire est abrogée. En outre, la loi 99 est
une loi spéciale qui déroge normalement au texte général de l’article 1103 COC.

Il n’en demeure pas moins que dans une certaine lecture de l’article 1103 COC,
l’abrogation n’est que partielle puisqu’elle ne touche pas tous les aspects de la
sanction183.Certaines questions relatives à la sanction sont restées inexplorées par la
loi 1999, ce qui permet d’appliquer ainsi l’article 1103 COC.

En tout état de cause, il importe de remarquer que le TEG n’est pas le taux que la
banque annonce au client, mais c’est plutôt le taux réel (effectif) du crédit. Le TEG,
c’est le taux réellement appliqué pour une opération de crédit déterminée. Il
représente le coût total du crédit qui a été consenti. Ce coût total ne se réduit pas au
taux d’intérêt conventionnel. Le taux d’intérêt est un élément important du TIEG
mais à cet élément, on en ajoute d’autres qui permettent de déterminer le coût global
du crédit consenti. La détermination du TEG est précisée dans ses éléments par une
formule, qui indique que le TEG comprend outre les intérêts : les frais, commissions
ou rémunérations de toutes natures directes ou indirectes.
Dans ce sens l’article 2, de la loi 99 précise que : « Pour la détermination du taux
d’intérêt effectif global du prêt, il est tenu compte en plus des intérêts, des frais,
commissions ou rémunérations de toute nature, directes ou indirectes intervenus
dans l’octroi du prêt, sauf ceux exceptés par décret. Les modalités de calcul du taux

183
V. infra p 104 et s.
Inès YOUSSEF Page 104
d’intérêt effectif global et du taux effectif moyen, ainsi que leur mode de publication
sont fixés par décret ».

Selon l’article premier de la loi 1999, l’intérêt est excessif lorsque le crédit est
consenti à un TEG qui dépasse au moment où il a été alloué « du cinquième du taux
effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques pour des
opérations de même nature »184.

Il s’en suit que le législateur permet un plafonnement du taux d’intérêt conventionnel


à travers le taux effectif global. Ce plafonnement de l’intérêt conventionnel repose
sur une comparaison : on va comparer le TEG avec un taux de référence.
Ce taux de référence est un taux moyen calculé par la BCT et qui fait l’objet
périodiquement d’une révision. Ce taux de référence concerne donc une certaine
période et c’est ce taux qui doit être pris en fonction de la date du contrat.
La circulaire de la BCT n°2000-03 dresse une liste des crédits soumis à l’application
des règles concernant le TEG. Il s’agit des crédits à court terme, des découverts
mobilisés ou non mobilisés, des crédits consentis aux particuliers, des crédits à
moyen et à court terme, des crédits pour le financement de l’habitat, des crédits
universitaires, du leasing.
Les crédits qui sont exclus du champ de calcul du TIEG sont les crédits qui font
l’objet d’un contentieux, les crédits gelés.

B/ La sanction de l’usure

Dans le cas où le taux d’intérêt est excessif, le banquier prêteur risque des sanctions

184
En effet l’article 1 er de la loi 99 dispose: « Constitue un prêt consenti à un taux d’intérêt excessif, tout
prêt conventionnel consenti à un taux d'intérêt effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de
plus du cinquième1 le taux effectif moyen pratiqué au cours du semestre précédent par les banques et les
établissements financiers pour des opérations de même nature. La Banque Centra1e de Tunisie détermine
les opérations qui obéissent au même taux d'intérêt excessif. Les opérations de ventes avec facilités de
paiement sont assimilées à des prêts conventionnels et sont soumises aux dispositions de la présente loi ».
Inès YOUSSEF Page 105
pénales (1) et des sanctions civiles (2).

1/ Les sanctions pénales

Selon l’article 5 de la loi 99 : « Quiconque consent à autrui un prêt à un taux d’intérêt


excessif est puni d'un emprisonnement de 6 mois et d'une amende allant de trois
mille à dix mille dinars ou de l’une de ces deux peines seulement. En cas de récidive,
cette sanction est portée au double. Lorsque le contrevenant est une personne morale,
les peines prévues ci-dessus sont applicables, personnellement et selon le cas, aux
présidents directeurs généraux, directeurs, gérants et en général à toute personne
reconnue responsable et ayant qualité pour représenter la personne morale. Les
complices sont punis des mêmes peines. Le tribunal peut ordonner la publication
intégrale, ou par extraits, de sa décision dans les journaux quotidiens qu'il désigne
et les frais qui en découlent seront à la charge du condamné ».
Ainsi, sur le plan pénal, l’article 5 de la loi 99 dispose que celui qui accorde un crédit
à un taux d’intérêt excessif encourt une peine d’emprisonnement de six mois et une
amende de 3000 à 10000 dinars ou de l’une de ces deux peines uniquement. La
récidive est punie du double de ces peines.

2/ Les sanctions civiles

Il convient d’étudier le domaine de la sanction civile (a) avant d’examiner sa nature


(b).

a) Domaine de la sanction

Selon l’article 4 de la loi 99: « En cas d’application d’un taux d’intérêt excessif, les
sommes que le prêteur a perçu indûment sont restituées à l’emprunteur en les

Inès YOUSSEF Page 106


majorant des intérêts calculés aux taux légal prévu par l'article 1100 du code des
obligations et des contrats, et ce, à partir de la date de leur perception ».
Donc, l’article 4 de la loi 99-64 prévoit que lorsqu’il s’avère qu’un intérêt excessif
a été appliqué à l’occasion de l’octroi d’un crédit, le banquier doit restituer les
montants indument perçus avec une majoration calculée sur la base du taux légal tel
que le prévoit l’article 1100 COC.
Quant à l’article 1103COC, il dispose que : « …le taux stipulé pourra être réduit, et
le débiteur pourra répéter, comme indu, ce qu’il lui aurait payé au-dessus du taux
qui sera fixé par le tribunal. »
La lecture combinée des dispositions des deux articles précitées permet de
déterminer la sanction civile de l’usure. C’est que la loi 1999 ne s’est prononcée que
concernant le passé alors que l’article 1103 COC a prévu la sanction aussi bien
concernant le sort des échéances échues et réglées que les échéances futures.

 S’agissant des échéances échues et réglées


La détermination de la sanction ressort de la combinaison des sanctions
apportées aussi bien dans l’article 1103 COC que dans la loi 1999. C’est ainsi
que selon la loi 1999, le banquier doit restituer les montants indument perçus
avec une majoration calculée sur la base du taux légal tel que le prévoit
l’article 1100 COC. Selon l’article 1103 COC, le débiteur pourra répéter,
comme indu, ce qu’il lui aurait payé au-dessus du taux qui sera fixé par le
tribunal.
Certes, les deux sources consacrent la sanction de la restitution de la somme
indûment perçue. Sauf que, pour le législateur de 1999 et contrairement au
COC, il s’agit d’une obligation à la charge de la banque.
Ce n’est pas une possibilité ouverte au débiteur. De plus, la restitution doit
être majorée sur la base du taux légal.

Inès YOUSSEF Page 107


De la sorte, il faut préciser que la sanction applicable est la restitution de la
somme équivalente à l’usure avec une majoration calculée sur la base du taux
légal.

 S’agissant des futures échéances


La loi 1999 n’a pas prévu de solution pour le sort de la convention à l’avenir.
En revanche, le COC a prévu que « le taux stipulé pourra être réduit ». Par
conséquent, on peut déduire que la loi 1999 a abrogé tacitement et
partiellement les dispositions de l’article 1103 COC. D’où l’application d’un
taux réduit s’agissant des futures échéances. La question se pose alors de
savoir quel est le taux qui sera applicable ?
- Le taux légal : taux maximum des découverts bancaires, fixé par la
Banque Centrale, majoré d’un demi-point ?
- Ou bien le Taux effectif moyen + 1/5 TEM ?

b) Nature de la sanction

La restitution de la somme indûment perçue majorée du taux légal et la réduction du


taux d’intérêt applicable correspondent à l’annulation du contrat. Néanmoins, il
s’agit d’une nullité partielle et non pas totale.
Rappelons que l’effet principal de la nullité est l’anéantissement rétroactif du contrat
sauf que l’étendu de cet effet diffère. D’où la distinction entre la nullité partielle et
la nullité totale. La nullité partielle n’affecte que la clause irrégulière, le reste du
contrat étant maintenu185. A cet égard, l’article 327 COC précise que : « La nullité
d’une partie de l’obligation annule l’obligation pour le tout, à moins que celle-ci
puisse continuer à substituer à défaut de la partie atteinte de nullité, auquel cas elle

185
V. S.JERBI, L’interprétation du contrat, CPU, 2014 (en arabe)
Inès YOUSSEF Page 108
continuera à subsister comme contrat distinct ». S’agissant d’un intérêt excessif, ce
n’est même pas la clause qui est annulée mais uniquement le taux d’intérêt.

Par ailleurs, il paraît utile de s’interroger s’il s’agit d’une nullité relative ou absolue ?
Rappelons que dans le cadre d’nullité relative, l’action n’est ouverte que pour
certaines personnes notamment les parties alors que l’action de nullité absolue est
ouverte à toute personne qui a intérêt à l’intenter. La nullité relative est invoquée par
la personne dont les intérêts sont protégés par la règle, elle peut y renoncer et les
délais sont généralement brefs. C’est que la nullité relative vise la protection de la
partie lésée Au contraire, la nullité absolue est une nullité pouvant être invoquée par
toute personne étant intéressée dans la nullité. Elle vise la protection de l’intérêt
général.
La nullité dans l’usure est-elle une nullité relative ou absolue. Il s’agit d’une nullité
absolue car elle sanctionne une règle d’ordre public, pénalement sanctionnée et elle
sert à préserver et sauvegarder le système bancaire et financier en général.

§3 Cours et capitalisation des intérêts

Il convient de s’intéresser en premier lieu au cours des intérêts (A) avant d’examiner
la capitalisation des intérêts (B).

A/ Cours des intérêts

Les intérêts sont normalement perçus jusqu'à l’extinction de la dette. On distingue


alors entre les intérêts conventionnels (1) et les intérêts moratoires (2).

Inès YOUSSEF Page 109


1/ Intérêts conventionnels

Les intérêts conventionnels ne peuvent être calculés que sur la taxe d’une année
entière. En matière commerciale, ils peuvent être calculés au mois186. Donc, les
intérêts des sommes d’argent sont calculés par référence à un pourcentage d’une
année entière. Le terme "année" est défini à l’article 141 COC. Il y est prévu que
"quand le terme est calculé (…) par années, on entend par année un délai de trois
cents soixante-cinq jours entiers." Le calcul sur la base d’une année de 365 jours est
d’ordre public dans les rapports civils. Est civil tout rapport qui n’est pas
commercial. Les parties à un contrat de prêt civil ne peuvent convenir d’une année
de 360. La clause est nulle.
Pour autant, il est possible de calculer les intérêts sur la base d’un délai de trois cent
soixante jours. Comme toute dérogation à une règle générale, il faudra pour la
consacrer une stipulation expresse dans le contrat.
Pour respecter les dispositions de l’article 1098 COC, il faudra avoir égard à la
qualité du débiteur des intérêts.
Ainsi quand le débiteur des intérêts est une personne civile, son obligation est
considérée comme civile et le calcul des intérêts débiteurs se fait sur la base d’un
délai de 365 jours. La clause du contrat qui prévoirait un délai de 360 jours serait
nulle. Tandis que pour une banque qui est débitrice des intérêts, la clause de calcul
des intérêts sur la base d’un mois (c’est-à-dire une année de 360 jours) est valable et
produit ses effets187.

Les intérêts courent à compter de la date fixée par les parties ou, à défaut, de la mise
à disposition des fonds. Rémunérant le capital prêté, ils sont normalement liés à une
convention de prêt qui en fixe le point de départ.

186
Article 1098 COC.
187
V.S.FRIKHA, « La base de calcul des intérêts débiteurs », blog Sami Frikha, 26/07/2016
Inès YOUSSEF Page 110
Si tel n’est pas le cas, le juge recherche la commune intention des parties ; à défaut,
il retient la date de mise à disposition des fonds ou de première utilisation par
l’emprunteur. On rappellera que pour certains crédits bancaires le point de départ
des intérêts est tributaire du système des dates de valeur. Aussi est-il de certains cas
de franchise188.

2/ Intérêts moratoires

Sanctionnant le retard de paiement, les intérêts moratoires peuvent être


conventionnels ou légaux.
Une créance devient "impayée" dès lors qu’elle n’a pas été réglée à son échéance
exacte initialement convenue, même si elle n’excède qu’un seul jour retard, alors
que cette dernière est nécessairement certaine, liquide et exigible. Le débiteur pourra
donc être amené à payer la somme en principal et les intérêts pour retard de
paiement.
Ces intérêts permettent l’indemnisation du prêteur privé de la possibilité d’effectuer
un placement faute d’avoir récupéré en temps voulu son capital. Ils courent à partir
de la mise en demeure de l’emprunteur ou la citation en justice. Dans certains cas,
ils courent de plein droit.

B/ Capitalisation des intérêts

Dangereuse pour le débiteur, la capitalisation des intérêts (ou anatocisme : les


intérêts non payés sont "capitalisés" et deviennent eux-mêmes productifs d’intérêts)
a été strictement encadrée par le législateur. A ce propos l’article 1099 COC prévoit
que « les intérêts non payés peuvent être capitalisés avec la somme principale et sont
productifs d’intérêts si les parties l’on prévu par écrit ».

188
V. Supra p 91.
Inès YOUSSEF Page 111
Les conditions de la capitalisation des intérêts sont justifiées par les risques de
croissance exponentielle de la dette induite par la capitalisation. En principe la
capitalisation n’est pas automatique, il faut même en matière commerciale que les
parties l’aient prévue expressément (1). Cependant, une dérogation est consacrée
dans le cadre du compte courant (2).

1/ Régime de droit commun

L’article 1098 COC dispose que : « Les intérêts non payés seront capitalisés avec la
somme principale conformément aux dispositions prescrites à l’article suivant ».
L’article 1099 COC, dispose que : « Les intérêts non payés peuvent être capitalisés
avec la somme principale et seront productifs d’intérêts si les parties l’ont prévu par
écrit. En matière civile, les intérêts non payés prévus à l’alinéa précédent ne peuvent
être capitalisés avec la somme principale qu’à la fin de chaque année et à condition
que le défaut de paiement n’est pas dû au créancier. En matière commerciale, les
intérêts arrivés à échéance et non payés sont capitalisés avec la somme principale et
produisent des intérêts du jour de l’échéance selon les prescriptions du premier
paragraphe à condition que le retard du paiement ne soit pas dû au créancier

2/ Régime dérogatoire du compte courant189

Aux termes de l’article 1098 COC, en matière de compte courant les intérêts non
payés sont capitalisés avec la somme principale et seront productifs eux-mêmes
d’intérêts tout en respectant les délais qu’exige l’usage et ce jusqu’à la clôture du
compte à moins qu’il n’y ait une stipulation contraire.

189
JDUBOS ; ASALGUEIRO, Fasc. 511 : Intérêts et commissions, Cours, capitalisation et paiement des
intérêts, Cl Banque - Crédit – Bourse, 24 Juin 2019.
Inès YOUSSEF Page 112
Section 3 : Les frais et commissions

Les commissions sont des perceptions censées rémunérer des prestations de services
distinctes des opérations de crédit, même si elles sont connexes. Elles représentent
« la contrepartie du temps passé par le conseiller clientèle à l’analyse du compte et
de la situation du client ». 190

Dans certaines opérations de crédit, le banquier se fait rémunérer pour son


engagement. Une commission est alors perçue alors même que le client ne sollicite
pas la mise à disposition des fonds. La solution est justifiée dans la mesure où par la
promesse, le banquier prend un engagement ferme. Des commissions d’engagement
sont ainsi prévues en matière d’escompte, de crédit par signature. Les commissions
rémunèrent un service indépendamment de toute prise de risque par la banque.

A cet égard, il faut préciser que l’article 84 de la loi 2016 impose : « Préalablement
à la commercialisation de tout produit ou service financier ou à l’institution de toute
nouvelle commission, les banques et les établissements financiers doivent en
informer la banque centrale de Tunisie. La banque centrale de Tunisie peut, au cours
de dix jours ouvrables à compter de la date de communication de tous les
renseignements exigés, s’opposer, par décision motivée, à la commercialisation du
produit ou du service financier ou à l’institution de la nouvelle commission. Le
silence de la BCT après l’expiration dudit délai vaut acceptation. Les banques et les
établissements financiers sont tenus, également d’informer préalablement la BCT de
toute modification des niveaux de rémunération et de tarification qu’ils comptent
introduire à leurs conditions bancaires. Il est interdit aux banques et établissements
financiers d'accorder ou de prélever des intérêts créditeurs ou débiteurs ou des
commissions qui n’ont pas fait l’objet d’une déclaration ou qui dépassent les limites

190
J.LASSERRE CAPDEVILLE, op.cit., N°6.
Inès YOUSSEF Page 113
fixées ou communiquées conformément aux dispositions légales et réglementaires
en vigueur.

Inès YOUSSEF Page 114


CHAPITRE 4 : LA REVOCATION DANS LES
OPERATIONS DE CREDIT

En droit commun des contrats, il est toujours possible de mettre fin à un contrat à
durée indéterminée. L’application de cette règle au contrat de prêt s’avère délicate.
Une résiliation brutale peut mettre le client dans l’embarras. Inversement, la banque
doit se voir conférer une possibilité d’adaptation aux circonstances. En effet, lorsque
le prêt est à durée indéterminée, le prêteur peut y mettre fin à tout moment. Il n’a pas
non plus à motiver sa décision. Cependant, cette règle reçoit des exceptions. Le
banquier engage sa responsabilité s’il ne laisse pas un délai suffisant à son client
pour faire face à la situation. Subséquemment, si l’ouverture de crédit est consentie
à durée indéterminée, il peut y être mis fin à tout moment sous réserve pour le
créancier de respecter un préavis191.

Le prêt à durée déterminée ne peut quant à lui être résilié. Il prend fin au terme prévu.
Le client n’a pas plus droit au renouvellement du crédit sauf pour lui à démontrer
que le prêteur avait pris un engagement envers lui. Si l’ouverture de crédit est à durée
déterminée, il ne peut y être mis fin avant l’arrivée du terme prévu. Néanmoins, des
événements peuvent justifier une rupture anticipée. Le banquier pourrait mettre fin
de manière anticipée au crédit si des éléments modifiant son appréciation du crédit
apparaissent, faisant craindre un non-remboursement. Le contrat de crédit repose sur
la confiance. La convention de crédit est est fortement marquée d’intuitu personae.
Dès lors, si des événements surviennent qui sont de nature à altérer cette confiance,
il faut en tenir compte. On peut alors, se demander si la perte de confiance de la
banque dans les capacités financières de son client ne peut pas justifier une rupture
anticipée.

191
V.T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 115
L’ouverture de crédit peut être révoquée dans des cas déterminés (§1). Si elle est
régulièrement signifiée, elle ne manque pas de produire certains effets (§2).

Section 1 : Les cas de révocation de l’ouverture de crédit

La révocation du crédit est une question importante car cette façon de mettre fin au
contrat constitue l’un des cas de résiliation des contrats, unilatéralement. L’article
706 CC dispose que : « l’ouverture de crédit peut être révoquée de plein droit avant
le terme convenu , en cas de décès du bénéficiaire, de survenance chez lui d’une
cause d’incapacité, de cessation notoire de ses paiements même non constatée par
un jugement et de faute lourde commise dans l’utilisation du crédit qui lui a été
consenti ».
Ces raisons de révocation peuvent être soit des raisons objectives (§1) soit des
raisons subjectives (§2).

§1 Les raisons subjectives de révocation de l’ouverture de crédit

L’ouverture du crédit peut être révoquée en cas du décès du bénéficiaire (A) et en


cas de survenance d’une incapacité chez lui (B).

A/ Le décès du bénéficiaire

En vertu de l’article 241 COC, « les obligations ont effet non seulement entre les
parties elles-mêmes, mais aussi entre leurs héritiers ou ayants cause, à moins que le
contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de l’obligation, ou de la loi. Les
héritiers ne sont tenus, toutefois, que jusqu’à concurrence des forces héréditaires, et
proportionnellement à l’émolument de chacun d’eux.
Lorsque les héritiers refusent d'accepter la succession, ils ne peuvent y être contraints
et ils ne sont nullement tenus des dettes héréditaires : les créanciers ne peuvent, dans

Inès YOUSSEF Page 116


ce cas, que poursuivre leurs droits contre la succession ». L’article 241 COC pose
ainsi le principe selon lequel les héritiers continuent la personne du défunt.
Il reste que l’ouverture de crédit est un contrat intuitu personae. Indubitablement, le
décès du bénéficiaire doit automatiquement entrainer sa révocation, aucun transfert
du contrat aux héritiers n’est donc possible malgré les dispositions de l’article 241
COC précité. Au décès du crédité on assimile la dissolution d’une société
bénéficiaire de crédit.

B/ La survenance d’une incapacité chez le crédité

En application des règles de droit commun l’incapacité peut résulter de la démence,


de la faiblesse d’esprit et de la prodigalité.
De même peut être frappée d’incapacité toute personne en faillite ou condamnée à
10 ans d’emprisonnement pour un fait constituant un crime au sens de l’article 30
du code pénal192.

§2 Les causes objectives de révocation de crédit

Le législateur autorise le banquier dispensateur de crédit à le rompre en cas de


cessation des paiements de l’emprunteur (A) et en cas de faute lourde dans
l’utilisation de crédit (B).

A/ La révocation de l’ouverture du crédit en cas de cessation des paiements

Depuis la loi sur le redressement des entreprises en difficulté193, la notion de


cessation des paiements a éclaté. La cessation de paiement correspond à la situation
de l’entreprise qui ne peut faire face à son passif exigible par son actif disponible.

192
V.T.BEN NASR, op.cit.
193
Loi abrogée par la loi n°2016 – 36 du 29 avril 2016 relative aux procédures collectives.
Inès YOUSSEF Page 117
Aux termes de l’article 434 ( nouveau) CC : « Est considérée en état de cessation de
paiement, au sens du présent titre, toute entreprise qui se trouve dans l’impossibilité
de faire face à son passif exigible avec ses liquidités et actifs réalisables à court
terme».
Différentes règles commande les procédures collectives et notamment la procédure
de règlement judiciaire ouverte en cas de cessation de paiement. Il en est ainsi du
principe de la continuation des contrats en cours dans une optique de sauvetage de
l’entreprise qui passe par des difficultés. Dans ce sens, l’article 451(nouveau) CC
dispose que : «Nonobstant toute clause contraire, l'exécution des contrats en cours
liant l'entreprise aux tiers, clients, fournisseurs et autres est poursuivie». Dans la
même optique, l’article 450 (nouveau) CC, pose le principe selon lequel les dettes
nouvelles de l’entreprise en difficulté sont payées avant les précédentes même si
elles sont privilégiées. L’article 449 (nouveau) CC, accorde au juge la faculté de
suspension des poursuites individuelles et des actes d’exécution à l’encontre de la
caution.

Cependant, l’article 706 du même code ouvre la possibilité au banquier de révoquer


le crédit lorsque le bénéficiaire est « en état de cessation notoire de ses paiements
même non constatée par un jugement ». Tandis que l’article 451 (nouveau) CC
impose la continuation des contrats en cours , l’article 706 du même code considère
la cessation notoire des paiements même non constatée par un jugement comme une
cause de révocation de crédit. Comment concilier alors entre les dispositions de ces
deux articles ? Il appert que, dans l’hypothèse d’une entreprise en difficulté, la perte
de confiance n’est nullement un motif légitime ou autonome de rupture de crédit ou
du moins de recouvrement de crédit. Il faut absolument prendre en considération le
droit des procédures collectives.

Inès YOUSSEF Page 118


B/ La faute dans l’utilisation du crédit

Selon l’article 706 CC, le législateur permet la révocation du crédit en cas de faute
lourde dans son utilisation. Ce qui implique un droit de contrôle et même une
obligation de surveillance pour et à la charge du banquier. La Cour d’appel de Tunis
a déclaré que tant que le crédit est destiné à un objet déterminé et qu’il a été convenu
entre les parties les conditions de sa libération et de sa mise à la disposition de
l’emprunteur , la banque créditrice a non seulement le droit de contrôler l’affectation
des sommes allouées pour que le bénéficiaire ne puisse pas s’écarter des objectifs
fixés, mais aussi de subordonner la fourniture des liquidités à l’exécution par
l’emprunteur de ses obligations quant à la réussite du projet.

Section 2 : Les conditions de la révocation de crédit

L’article 705 CC prévoit que l’ouverture de crédit peut être à durée limitée ou à
durée illimité Les conditions de la révocation ne sont pas les mêmes dans les deux
cas de figure.
Lorsque l’ouverture de crédit est consentie pour une durée indéterminée l’article 705
CC prag2 dispose que le banquier est libre de la révoquer « à charge de préavis de
huit jours par lettre recommandée ». Le même article ajoute que « toute stipulation
contraire est réputée non écrite ». Le banquier engagerait sa responsabilité s’il rompt
le crédit accordé sans limitation de durée avant d’informer son client dans les délais
prévus par l’article 705CC194.
Telle n’est pas la situation lorsque le banquier révoque le crédit pour la survenance
de l’un des évènements prévus dans l’article 706CC. Cette interprétation est
confortée par la circulaire de la BCT du 23 mars 1979 qui prévoit que les ouvertures
de crédit à durée limitée ou illimitées peuvent être révoquées de plein droit et sans
préavis en cas de décès du bénéficiaire, de survenance chez lui d’une cause

194
V.T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 119
d’incapacité, d’une cessation notoire de ses paiements dans le cadre de l’article
706CC195. Les tribunaux décident tantôt que le banquier est tenu de la condition du
préavis et tantôt reconnaissent une liberté totale au banquier.
La cour de cassation quant à elle, en assimilant les facilités de caisse à l’ouverture
de crédit, a déclaré que la rupture des facilités par la banque de manière intempestive
et sans préavis constitue une rupture abusive engagent la responsabilité du banquier.

Section 3 : Les effets de la révocation du crédit

Ces effets sont soit à l’égard du crédité (§1) soit à l’égard du créditeur (§2).

§1 Les effets de la révocation du crédit à l’égard du crédité

La révocation du crédit est une cause d’extinction du contrat. Les effets produits par
le contrat avant la rupture demeurent valables. Le crédité doit payer la partie du
crédit qu’il a utilisé ainsi que les commissions et les intérêts convenus.

§2 Les effets de la révocation à l’égard de la banque

La révocation fondée sur l’une des causes citées par l’article 706CC permet au
banquier d’arrêter instantanément son concours, il peut rejeter tous les effets tirés
par son client. Telle n’est pas la situation lorsque le banquier envoie à son client un
préavis de révocation du crédit, il doit dans ce cas continuer à honorer ses
engagements vis-à-vis du créditeur, payer les ordres de paiement et effectuer toutes
sorte d’opérations conformément au contrat d’ouverture de crédit au cours du délai
du préavis. Si il ne s’y conforme pas le banquier serait en faute même si il a avisé
son client de sa volonté.

195
V.T.BEN NASR, op.cit.
Inès YOUSSEF Page 120
P artie2 : Les opérations de

crédit spécifiques

Inès YOUSSEF Page 121


TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE.............................................................................................................. 2

INTRODUCTION GENERALE AU DROIT BANCAIRE ..................................... 3

I. Définition du Droit bancaire ............................................................................... 3

II. Contenu du droit bancaire .................................................................................. 5

III. Particularités du droit bancaire ....................................................................... 6

1) Droit non autonome, c’est une branche du droit privé et du droit commercial
6

2) Droit bancaire fortement influencé par le droit public économique ............... 7

3) Droit très technique ......................................................................................... 7

4) Droit fortement marqué par l’évolution technologique .................................. 7

IV. Les sources du droit bancaire .......................................................................... 8

1) Les sources législatives ................................................................................... 8

2) Les textes professionnels ................................................................................ 9

3) La jurisprudence ............................................................................................ 10

4) Les usages bancaires ..................................................................................... 11

5) Les sources internationales ........................................................................... 11

V. Les techniques du droit bancaire ...................................................................... 11

VI. Les mutations du secteur bancaire et du droit qui est appelé à les régir ....... 13

CHAPITRE PRELIMINAIRE : LES OPERATIONS BANCAIRES .................... 17

I/L’allocation du crédit ............................................................................................ 20

II/La réception des fonds du public ......................................................................... 21

III/La mise à la disposition de la clientèle de moyens de paiement et la prestation de


services de paiement ................................................................................................ 23

Inès YOUSSEF Page 122


IV/Les opérations bancaires islamiques .................................................................. 25

1/Les opérations de financement commercial ..................................................... 26

A/ L’opération « Mourabaha » ......................................................................... 26

B/ L’opération « Ijara » assortie de l’option d’acquisition .............................. 27

C/ L’opération « Istisna’a » .............................................................................. 28

D/ L’opération « Salam » ................................................................................. 29

2/ Les opérations de financement participatif ...................................................... 30

A/ L’opération « Moucharaka » ....................................................................... 30

B/ L’opération « Mudharaba » ......................................................................... 30

3/ Les dépôts d’investissement ............................................................................ 30

Les opérations de crédit ........................................................................................... 33

INTRODUCTION : LA NOTION D’OPERATION DE CREDIT..................... 34

Partie 1 : Les opérations de crédit en général ...................................................... 37

CHAPITRE 1 : LES REGLES GENERALES DES OPERATIONS DE


CREDIT ............................................................................................................ 38

Section 1 : Les caractéristiques générales des opérations de crédit.............. 38

Section 2 : La classification des opérations de crédit ................................... 42

§1 Classification sur la base de la qualité du prêteur ................................ 42

§2 Classification sur la base des critères essentiels de l’opération de crédit


................................................................................................................... 43

§3 Classification sur la base de la qualité de l’emprunteur ....................... 45

Section 3 : L’opération de crédit dans le COC : opération de crédit de droit


commun ......................................................................................................... 46

§1 La qualification ..................................................................................... 46

A/ Les types de prêts .............................................................................. 47


Inès YOUSSEF Page 123
B/ Le prêt et les notions voisines ........................................................... 48

§2 La preuve .............................................................................................. 50

§3 La validité ............................................................................................. 51

§4 Les obligations de l’emprunteur ........................................................... 52

§5 La restitution du prêt............................................................................. 53

Section 4 : L’opération de crédit dans le Code de commerce ...................... 54

§ 1 Présentation des OC instaurées dans le CC ......................................... 54

A/ L’ouverture de crédit ......................................................................... 54

B/ Des avances sur titres ........................................................................ 55

C/ Du nantissement sur titres ................................................................. 56

D/ Des crédits documentaires................................................................. 56

§2 L’ouverture de crédit : prototype des OC ............................................. 56

A/ Les caractéristiques du contrat d’ouverture de crédit ....................... 57

B / La preuve de l’ouverture de crédit ................................................... 58

C/ Ouverture de crédit et promesse de prêt ............................................ 60

CHAPITRE 2 : LA REALISATION DES OPERATIONS DE CREDIT ....... 63

Section 1 ‐ Parties à la convention de crédit – Monopole des banques ? ..... 63

§1 Le monopole bancaire .......................................................................... 64

A/ Les conditions d’accès à la qualité de banque .................................. 64

B/ Les sanctions de l’exercice illégal de la profession bancaire............ 73

§2 Exceptions et limites au monopole ....................................................... 75

A/ Le microcrédit ................................................................................... 75

B/ Les opérations entre sociétés du même groupe ................................. 78

Inès YOUSSEF Page 124


Section 2 : Le droit discrétionnaire des banques d’accorder ou de refuser le
crédit ou le droit au crédit ? .......................................................................... 79

Section3 : La formation du contrat de crédit ................................................ 82

§1 Un accord des parties ............................................................................ 82

A/ L’offre de prêt ................................................................................... 82

B/ Acceptation de l’offre ........................................................................ 84

§2 Un consentement exempt de vices ....................................................... 85

§3 La capacité d’emprunter ....................................................................... 85

§4 Le pouvoir d’emprunter ........................................................................ 86

A/ Cas de la société en formation .......................................................... 86

B/ Cas de la société immatriculée .......................................................... 86

§5 La cause ................................................................................................ 88

CHAPITRE 3 : LA REMUNERATION DANS LES OPERATIONS DE


CREDIT ............................................................................................................ 89

Section 1 : Le remboursement rémunéré du crédit ....................................... 89

§ 1 Le remboursement selon la volonté des parties................................... 90

A/ Personne tenue au remboursement .................................................... 90

B/ Lieu de remboursement ..................................................................... 90

C/ Montant de remboursement ............................................................... 91

D/ Date de remboursement..................................................................... 91

§2 Le remboursement anticipé .................................................................. 92

A/ Le droit au remboursement anticipé.................................................. 92

B/ Conditions du remboursement anticipé ............................................. 93

C/ La clause de remboursement anticipé ............................................... 94

Inès YOUSSEF Page 125


§3 Exigibilité anticipée .............................................................................. 95

§4 La renégociation du crédit .................................................................... 98

Section 2 : Le paiement des intérêts au banquier.......................................... 99

§1 La liberté de stipulation des intérêts ................................................... 100

§2 L’intérêt ne doit pas être excessif ....................................................... 102

A / L’interdiction de l’usure ................................................................. 102

B/ La sanction de l’usure...................................................................... 105

§3 Cours et capitalisation des intérêts ..................................................... 109

A/ Cours des intérêts ............................................................................ 109

B/ Capitalisation des intérêts ................................................................ 111

Section 3 : Les frais et commissions ........................................................... 113

CHAPITRE 4 : LA REVOCATION DANS LES OPERATIONS DE CREDIT


........................................................................................................................ 115

Section 1 : Les cas de révocation de l’ouverture de crédit ......................... 116

§1 Les raisons subjectives de révocation de l’ouverture de crédit .......... 116

A/ Le décès du bénéficiaire .................................................................. 116

B/ La survenance d’une incapacité chez le crédité .............................. 117

§2 Les causes objectives de révocation de crédit .................................... 117

A/ La révocation de l’ouverture du crédit en cas de cessation de paiements


.............................................................................................................. 117

B/ La faute dans l’utilisation du crédit ................................................. 119

Section 2 : Les conditions de la révocation de crédit ................................. 119

Section 3 : Les effets de la révocation du crédit ......................................... 120

§1 Les effets de la révocation du crédit à l’égard du crédité ................... 120

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§2 Les effets de la révocation à l’égard de la banque ............................. 120

Partie2 : Les opérations de crédit spécifiques .................................................... 121

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