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L'herméneutique (du grec hermeneutikè, ἑρμηνευτική τέχνη, art
d'interpréter, hermeneuein signifie d'abord « parler », « s'exprimer »[1]) est la théorie de la
lecture, de l'explication et de l'interprétation des textes.
L'herméneutique ancienne est formée de deux approches complètement différentes :
la logique d'origine aristotélicienne (à partir du Peri hermeneia ou De
l'interprétation d'Aristote) d'une part, l'interprétation des textes religieux
(orphisme ou herméneutique biblique par exemple) et l'hermétisme d'autre part.
L'herméneutique moderne se décline en sous-disciplines :
Définition généraleModifier
Champs de l'herméneutiqueModifier
On parle d'« herméneutique » pour l'interprétation des textes en général.
L'interprétation des Écritures saintes, qu'il s'agisse de la Bible ou du Coran, est un sujet qui
demeure délicat. L'interprétation des symboles religieux et des mythes s'appelle
l'herméneutique sacrée (ou herméneutique biblique lorsqu'elle se limite à la Bible, c'est-à-dire
aux textes du judaïsme et du christianisme). Elle se révèle nécessaire pour le philosophe et
théologien Xavier Tilliette, selon lequel « la Bible est un ouvrage complexe et même scellé.
Le Livre des livres est un livre de livres. Il est donc susceptible d'interprétation, il ne va pas
sans une herméneutique. […] Il n'y a pas d'acheminement direct à la Bible, il faut toujours une
médiation au moins implicite »[3].
L'interprétation de symboles divinatoires fait également appel à des herméneutes, comme
en Chine et au Japon, lors de séances de scapulomancie, de plastromancie,
d'achilléomancie ou autres formes d'arts divinatoires.
L'étude, la traduction et l'interprétation des textes classiques (antiques) naît à la Renaissance :
c'est la philologie.
On désigne aussi par « herméneutique » la réflexion philosophique interprétative, inventée
par Friedrich Schleiermacher, développée par Wilhelm Dilthey et rénovée par Martin
Heidegger et Hans-Georg Gadamer.
L'herméneutique trouve des applications dans la critique littéraire ou historique, dans le droit,
dans la sociologie, en musique, en informatique, en théologie (domaine d'origine), ou même
dans le cadre de la psychanalyse. Cette dernière discipline fait néanmoins problème. Ainsi le
psychanalyste Jean Laplanche n'admet-il pas que la psychanalyse se trouve « enrôlée » dans
l'herméneutique comme « un cas particulier, une “herméneutique régionale”, soit qu'on
accepte de la prendre en considération, comme le fait Ricoeur, soit qu'on la rejette, comme
mal fondée, arbitraire, ainsi que le veulent par exemple Gadamer, Grondin et bien
d'autres »[4].
Questions de méthodologieModifier
La méthodologie du dévoilement ou de la restitution d'un texte pose deux questions :
Quel statut donner aux scripteurs (car le terme d’auteur pose lui aussi des problèmes) du texte
biblique ? Inspiration, diction (inerrance) ?
Dans quelle mesure l’interprétation du lecteur doit-elle être prise en compte et est-elle valide
(par rapport à la tradition religieuse et à une lecture collective représentative du groupe porteur
de cette tradition) ?
Histoire de l'herméneutiqueModifier
L'« herméneutique » ancienneModifier
L'herméneutique est aussi ancienne que le sont les religions, les spiritualités et la philosophie.
Cependant, le terme d'herméneutique n'est apparu qu'à l'époque moderne sous la plume
de Friedrich Schleiermacher[5] et Wilhelm Dilthey.
D'Aristote à la science contemporaineModifier
Dans son traité De l'interprétation (Organon II), Aristote (IVe siècle av. J.-C) avait défini des
règles essentiellement logiques d'interprétation des textes. Il y développe notamment sa
théorie du jugement affirmatif et négatif, de la contradiction et de la contrariété. Son point de
départ est l'analyse des éléments sémantiques : la lettre, le nom, le verbe, la proposition. Il
aboutit à une métaphysique qui hiérarchise les degrés d'être, après avoir exposé la théorie
des « futurs contingents », laquelle influence les débats médiévaux sur le
problème théologique de la prédestination.
Ce traité est abondamment commenté par les philosophes médiévaux Averroès[6], Thomas
d'Aquin[7], Jean Duns Scot[8], Guillaume d'Ockham[9]), et fixera pour longtemps la norme de
lecture des textes.
Les herméneutes contemporains tels que Umberto Eco[10] ou Paul Ricœur[11] se réclament
également de la philosophie aristotélicienne, mais davantage de la Poétique et de
la Rhétorique que de l'Organon à proprement parler, ce dernier étant plutôt vu comme un
prélude à l'élaboration du discours scientifique, que comme un ensemble de traités sur
l'interprétation concrète des textes en général.
On peut mesurer ainsi le changement de paradigme de l'époque médiévale à l'époque
contemporaine : la logique, c'est-à-dire l'ancienne herméneutique de l'Organon, est devenue la
logique symbolique, tandis qu'une nouvelle herméneutique a émergé. Cette dernière explore
des champs d'interprétation comme la poétique, la rhétorique, la littérature, mais aussi
la sociologie, la psychologie, l'histoire, l'anthropologie. L'une des causes principales de ce
changement est la naissance des sciences humaines qui livrent une autre approche du monde
que celle des sciences naturelles et de la métaphysique traditionnelle.
Néanmoins, certains auteurs de la deuxième moitié du XXe siècle, comme Paul Feyerabend,
soutiennent que le discours scientifique est lui aussi une interprétation du monde et que son
mode de production ne diffère pas de celui des autres discours, littéraires, mythologiques[12].
En ce sens, aucun champ n'échapperait à l'herméneutique, pas même la science dite univoque,
c'est-à-dire non sujette aux querelles d'interprétation, et rigoureuse, non affectée par la
contingence des images humaines.
StoïcismeModifier
Les stoïciens développent un naturalisme herméneutique qui assimile les dieux comme
représentations à des forces physiques.
« D'un autre motif en rapport avec la physique est découlée une grande multitude de
dieux qui, revêtus d'une forme humaine, ont donné matière aux fables des poètes, mais
ont rempli la vie humaine de superstitions. Ce sujet, traité par Zénon, a été
abondamment développé par Cléanthe et par Chrysippe… L'air, selon la doctrine
stoïcienne, est situé entre la mer et le ciel, et il est déifié sous le nom de Junon ; Junon
est la sœur et la femme de Jupiter, ce qui veut dire que l'air ressemble à l'éther [Jupiter]
et a, avec lui, l'union la plus intime. (Cicéron, De la nature des dieux, II, XXV-
XXVI) »
JudaïsmeModifier
La tradition du judaïsme rabbinique connaissait depuis longtemps des règles d'interprétation
de la Torah. Hillel Hazaken (Ier siècle AEC) avait défini sept règles d'interprétation. Rabbi
Ishmaël, développant les sept règles d'Hillel, exposa treize principes.
D'autre part, le judaïsme rabbinique connaissait quatre sens (Pardes) pour interpréter la Bible
hébraïque : peshat (évident, littéral), remez (allusif), drash (interprétatif),
et sod (secret/mystique). Par exemple, le sens littéral (peshat) s'avérait souvent insuffisant
pour comprendre en profondeur le sens des textes sacrés.
La kabbale, dès Eléazar de Worms et Abraham Aboulafia (vers 1290), a développé la science
des lettres (hokhmat ha-zeruf) et ses trois procédés pour déchiffrer la Torah[13].
1. La gematria dévoile la valeur numérique d'un mot ou d'une phrase pour révéler les
équivalences avec les mots ou les phrases d'égale valeur. Selon J. Gikatella (mort en
1325), Echad (Un) vaut 13 (1 + 8 + 4) et, comme tel, il équivaut à Ahabah (Amour) (1 + 5 + 2
+ 5).
2. Le notarikon permet, à partir des lettres d'un mot (initiales, médianes, terminales), de
construire des phrases consistant en des mots dont les initiales, mises bout à bout,
reconstituent le mot d'origine, et donc en révèlent les significations secrètes. Ainsi, le
nom Adam, formé des lettres alef, dalet, mem, renvoie à Adam, David, Messiah (Messie) pour
dire qu'Adam engendrera David et de la lignée de David viendra le Messie.
3. La temura consiste à substituer chaque lettre d'un mot ou d'un groupe de mots à une autre
lettre conformément à un système de substitution. Par exemple, Bavel, "Babylone"
devient Shéshak dans Jérémie XXV, 26, si la lettre tav (la dernière de l'alphabet)
remplace sin (l'avant-dernière) et ainsi de suite.