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Tâcherons ou sous-traitants ?
Travailleurs indépendants et entrepreneurs dans la
construction en France entre la fin du XIXe siècle
et l’entre-deux-guerres
Manuela Martini*
* Manuela Martini, née en 1962, est professeure d’histoire contemporaine à l’Université Lumière
Lyon 2 et chercheuse au Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes (LARHRA-UMR
5190). Ses travaux portent sur l’histoire de la petite entreprise, l’économie familiale et le travail
des hommes et des femmes en migration. Elle a publié récemment le volume Bâtiment en famille.
Migrations et petite entreprise en banlieue parisienne au XXe siècle (Paris, CNRS éditions, 2016) et
a dirigé, avec R. Sarti et A. Bellavitis, l’ouvrage collectif What is work ? Gender at the Crossroads
of Home, Family, and Business, Oxford-New York, Berghahn, 2018. Adresse : LARHRA-MSH Lyon
St Étienne, 14 avenue Berthelot, 69007 Lyon (manuela.martini@univ-lyon2.fr).
Abstract: The association between the construction industry and subcontracting was
as clear at the end of the nineteenth century as it is today. Yet the changes in the status
of subcontractors and of the forms of contract work in the building trades at the turn of
the twentieth century is still little studied. To address this question, this article takes as
its subject a major institutional shift in the definition of the “sub-contractor” in France:
the reform on marchandage abuses of the second half of the 1930s. This law classified
and ordered the relationships between economic actors with divergent interests who were
involved in the subcontracting chain: project owner, principal contractor/entrepreneur,
subcontractor, and subcontractor’s workers. The formalisation of the current state of
jurisprudence and detailing the modalities of marchandage implementation makes it
possible to question the striking features of a key form of labour organization in the sec-
ond wave of French industrialization.
Riassunto: L’associazione tra edilizia e subappalto era evidente alla fine del XIX secolo,
come lo è oggi. Tuttavia, la storia dei cambiamenti nello status dei subappaltatori e delle
forme di lavoro a contratto nell’edilizia del XX secolo è ancora poco studiata. Per ana-
lizzare tale fenomeno, questo articolo studia un importante cambiamento istituzionale
nella definizione del “cottimista/subappaltatore” in Francia: la riforma del cosiddetto
“marchandage” e dei suoi abusi nella seconda metà degli anni Trenta. Questa legge classi-
fica e ordina le relazioni tra gli operatori economici con interessi divergenti coinvolti nella
catena del subappalto: il cliente, l’appaltatore principale, il subappaltatore, gli operai
che lavorano per quest’ultimo. Formalizzando lo stato della giurisprudenza dell’epoqca e
specificando le modalità di attuazione del “marchandage”, questa legge permette di inter-
rogarsi sulle caratteristiche peculiari di una forma chiave di organizzazione del lavoro
della seconda industrializzazione.
Parole chiave: subappalto – diritto del lavoro – industria edile – lavoratori a cottimo –
Francia – XIX-XX secolo – organizzazione del lavoro
SKETCH
1 S chloss, 1892, p. 120. Trésorier de l’association des couturières de l’Est londonien (East
London Tailoresses’ Union) et promoteur du syndicalisme féminin, David Schloss (1850-
1912) a écrit de nombreux articles sur le sweating system. L’économiste britannique, défini
« social radical », a été également directeur à la fin de sa carrière du service des recensements
du labour department du Board of Trade (1907), voir la notice de Rosemary O’Day dans
l’Oxford Dictionnary of National Biography, consultée le 18 août 2018 http://www.oxforddnb.
com/view/10.1093/ref:odnb/9780198614128.001.0001/odnb-9780198614128-e-47799. Son tra-
vail, bien connu par les économistes et les juristes français, a été traduit sous le titre : Les
modes de rémunération du travail, par Charles Rist, professeur agrégé d’économie politique
à la Faculté de Droit de l’université de Montpellier, Paris, V. K. Giard et E. Brière, 1902. Voir
notamment : Chapitre VIII, Salaire à la tâche collectif ; Chapitre IX, Salaire à la pièce col-
lectif ; Chapitre XII, Travail coopératif. Chapitre XIII, Salaires aux pièces des contremaîtres.
Chapitre XV, Les objections faites au marchandage. Le Sweating system.
2 Sur la persistance de la sous-traitance pendant les Trente Glorieuses également voir
Martini, 2016a et Martini, 2016b.
3 B rodu, 1898, voir également Brodu, Despagnat, 1897 ; Fraysse, 1911 ; Dolivet-Petit,
1940. D’autres thèses adoptent une optique plus large, voir par exemple Pittié, 1899 et
Henri-Gigot, 1903, avec quelques remarques spécifiques sur certains métiers du bâtiment,
p. 61-74.
4 L’Humanité, 20 décembre 1907, art. cité par Fraysse, 1911, p. 141. La campagne contre le
marchandage a été menée au niveau national par la Fédération nationale des travailleurs
bâtiment de France et des colonies constituée en avril 1907, voir Boll, Sirot, 1997 et, pour
la fin du XIXe siècle et les liens entre conflits sociaux, chômage, tarif du travail au forfait et
marchandage, cf. Mansfield, 2012, en part. p. 154-158.
5 L’Humanité, 20 décembre 1907, citée par Fraysse 1911, p. 141.
6 D olivet-Petit, 1940.
7 C oase, 1937 : Williammson, 1975 : Williamson, 1985 ; Pour le bâtiment Eccles, 1981 ;
Packham, Brychan, Miller, 2003. Leroy-Beaulieu, 1914 (2 tomes ; première éd.,
4 tomes, 1896) défend sans réserve la sous-traitance, indépendamment de l’échelle de la
production et sans contradiction apparente entre la petite et la grande entreprise, dans la
mesure où il pose la division du travail au centre de sa conception de l’économie industrielle
t. 1, p. 339. Dans le t. 2, dans la section sur « certains modes d’entreprise », p. 569, il peut
ainsi parler de la sous-traitance comme d’un « moyen de réaliser le maximum d’économie
dans toute l’organisation d’une entreprise. Cette décomposition méthodique d’une entre-
prise étendue en un certain nombre de sous-entreprises est une des heureuses applications
de la division du travail », p. 572. Le marchandage devient ainsi le dispositif garantissant par
sa nature cette optimisation productive. L’a. est à tel point convaincu des avantages de cette
organisation industrielle qu’il envisage quelques pages plus haut des systèmes où les avan-
tages de la division de la production sont appliqués dans des grandes unités ; et il le fait en
utilisant des mots semblables à ceux qu’il utilise lorsqu’il parle du marchandage, notamment
la métaphore puissante de la multiplication de « l’œil du maître », t. 2, p. 422 : « La meilleure
méthode consiste dans la décomposition d’une grande entreprise en une série de petites, là
où cette décomposition est possible avec précision, sans rompre le lien et l’unité de produc-
tion […]. Cette méthode analytique, pratiquée avec une perspicacité efficace et une sévère
exactitude, réunit les avantages de la production en grand et du producteur moyen et petit,
en multipliant artificiellement l’œil du maître, dont l’absence est toujours si regrettable ». Sur
Leroy-Beaulieu voir Gemie, 1992 et le Van-Lemesle, 2004, p. 375-401.
8 F raysse, 1911, p. 121.
Comme nous le verrons plus loin, les conditions productives qui président
à la mise en place de cette forme d’organisation du travail sont au cœur du
dispositif de la sous-entreprise, parfaitement résumé par la métaphore de la
chaine. Elles sont de deux ordres, d’une part elles ont trait à la gestion de la
main-d’œuvre, notamment le contrôle des équipes ouvrières et, d’autre part, à
la typologie des produits. Moins le produit est standardisé et les conditions de
production uniques, plus la répartition du processus de production est efficace
et la sous-traitance nécessaire, d’autant que ces équipes dont il faut contrôler
la productivité sont plus autonomes encore dans ces circonstances.
Pour la réalisation des premières lignes du métropolitain de Paris le maître
d’ouvrage, la mairie, confia à un entrepreneur principal l’ensemble des tra-
vaux répartis parmi des sous-traitants privés qui constituaient une chaîne à
plusieurs branches composées à leur tour de nombreux maillons, notamment
pour les travaux de déblayage et de terrassement et pour le perçage9. Non seu-
lement pour des travaux publics de cette envergure mais également pour des
travaux d’entretien plus ordinaires ou la construction de bâtiments publics
telle l’École nationale d’arts et métiers du boulevard de l’Hôpital inaugurée en
1895, la taille de pierre ou le ravalement étaient régulièrement sous-traités par
la municipalité10.
La diffusion de pratiques de sous-contrats dans des chantiers caractérisés
par la variété de l’environnement et l’incertitude des conditions productives
va de pair avec la pluralité des statuts qui caractérisent les sous-traitants. Ceux
qui sont appelés tâcherons au tournant du siècle dans tous les corps du bâti-
ment sont de manière générique définis comme des travailleurs acceptant
d’effectuer un travail confié par un entrepreneur principal et rémunéré au
forfait11. Si aujourd’hui le statut de sous-traitant est sans ambigüité, même dans
les dictionnaires les plus avertis, celui d’un entrepreneur, entre la fin du XIXe et
le début du XXe siècle le degré d’autonomie du tâcheron par rapport à l’entre-
preneur principal est précisément le point qui fait débat12. S’agit-il d’un contract
9 Désabres, 2007.
10 Formellement le tâcheron était déclaré sur les rôles de paye (contrôlés par la mairie) de
l’entrepreneur principal comme chef de chantier et s’il travaillait pour différents entre-
preneurs était payé pour quelques heures de surveillance, L’Humanité, 11 juillet 1911,
article cité dans Fraysse, 1911, p. 114.
11 D olivet-Petit, 1940 cela correspond au locator operis, travailleur s’adonnant au louage
d’ouvrage, §877n, p. 621 ; Pic, 1903. Voir également la table analytique qui, à l’entrée
tâcheron, renvoie à marchandage (§1190 et 1191), p. 1065.
12 À l’époque appelée le plus souvent contrat de « sous-entreprise », aujourd’hui on le défi-
nit comme de la sous-traitance. Dans des dictionnaires récents on n’hésite pas à affirmer
que la « relation de sous-traitance est ainsi une relation entre entreprises », Thévenot,
2013, p. 428.
worker, pour utiliser les mots de David Schloss, un travailleur encadrant une
équipe de pairs et/ou d’aides qui demeurent dirigés par l’entrepreneur princi-
pal (du coup le tâcheron perçoit juste un surplus pour cette tâche), ou est-il un
sub-contractor, entrepreneur qui engage ses capitaux et son outillage et prend
les risques associés à son activité, selon une distinction que l’on retrouve en
France dans les écrits de l’économiste libéral Paul Leroy-Beaulieu13 ? Et com-
ment définir un troisième type de « sous-entreprise », celle menée par un
indépendant autonome en termes de recrutement de l’équipe, d’exécution du
travail et possédant les outils de production mais pas la matière première ?
Au-delà des classifications mobilisées par les théoriciens, la gamme des
statuts est bien plus riche encore dans la réalité productive. Dans le monde
composite des menuisiers de la « trôle » décrit par Pierre Du Maroussem, la
sous-traitance est le mode habituel de réaliser les produits vendus par les
ambulants ou les menuisiers du Faubourg Saint Antoine. Il s‘agit sans doute
du cercle le plus modeste de la hiérarchie de l’ébénisterie, fabriquant à la fois
les meubles de demi-luxe ou des pièces en bois bon marché dont la caractéris-
tique principale est de ne pas être produits sur commande. Or, même pour la
fabrication d’objets relativement modestes, le menuisier s’adresse à plusieurs
tâcherons aux spécialités distinctes composant ainsi une chaîne de produc-
tion fragmentée. Ce menuisier-tâcheron assemble les pièces réalisées par des
tâcherons tels les « mouluriers », travailleurs indépendants spécialisés qui
tracent les moulures à la toupie mécanique pour le compte du menuisier, ou
les « découpeurs », maniant la scie à ruban et faisant « sortir du bois préparé
par le menuisier la forme indiquée par celui-ci »14. Travailleurs isolés le plus
souvent, ils peuvent également travailler avec l’aide de membres de leur famille
13
L eroy-Beaulieu, 1914, t. 2, « De certains modes d’entreprises. Les sous-contrats et le
marchandage. Critiques à leur sujet », p. 569-575. Dans ce chapitre David Schloss est cité
sur ce point et qualifié d’ « auteur subtil », p. 571. Un avis également nuancé, à la fois très
critique sur les abus, les « inconvénients », et conscient de ses « avantages », notamment
la mobilité sociale des tâcherons (« c’est parmi les tâcherons que l’on recrute la majeure
partie des entrepreneurs ») et la rentabilité (il n’est nullement exact que cette combinai-
son conduise fatalement à un avilissement des salaires, à une exploitation abusive des
ouvriers à la journée […] pour certaines catégories de travaux, spécialement dans l’in-
dustrie du bâtiment ») est proposée par un juriste à l’époque (1903) sur l’autres positions
politiques, dans Pic, 1903, § 1191, p. 878. Il pointe un problème majeur pourtant : « l ’insuf-
fisance des garanties de paiement offertes à l’ouvrier », dont la solution serait justement la
possibilité de se tourner vers l’entrepreneur principal (à la condition que cette possibilité
soit garantie par des dispositions formelles). Sur Paul Pic, dont l’orientation politique est
apparentée à celle d’un « républicain de progrès » entre les années 1890 et la Première
Guerre mondiale, voir Bayon, Frobert, 2002.
14
D u Maroussem, 1892, t. 2, p. 140-141.
15 G ossez, 1967. Voir plus récemment, Harison, 2002, p. 451-488 et, pour des références
bibliographiques supplémentaires, Ninin, 2002.
16 D idry, 2016.
17 Le marchandage est ici défini comme « une sous-entreprise portant essentiellement sur
la main-d’œuvre », « Décret-loi du 8 août 1935 tendant à réprimer les abus du marchan-
dage », Journal Officiel de la République Française (JORF), 9 août 1935, p. 8698.
18 Parmi les références classiques il suffit de citer Jay, 1900, en part. p. 125-130, Jay, 1902 et
Gossez, 1967 ; voir pour plus de références bibliographiques Ninin, 2002.
19 Le décret du 2 mars 1848 a été suivi par l’arrêté du 21 mars introduisant des sanctions
« tout en réservant la question du travail à la tâche ». Selon Paul Pic le décret est presque
tombé en désuétude par la suite, au moins jusque dans les années 1880 et son exhuma-
tion devant le conseil des Prud’hommes du de la Seine (Pic, 1903, note 3, p. 880). Un
demi-siècle plus tard en effet, en 1896, pour la première fois une cour, le tribunal cor-
rectionnel de la Seine, s’est trouvée confrontée à la question de l’interprétation de ces
dispositions, Dolivet-Petit, 1940, p. 19-20.
20 M artini, 2016b. De nos jours on retrouve des formes d’exploitation semblables associées
au travail illégal de travailleurs étrangers qui peuvent entrainer des sanctions relevant
du délit de travail dissimulé, de marchandage et de prêt illicite de main-d’œuvre, voir
Caressa, 2018.
21 « Loi portant codification des lois ouvrières (livre Ier du code du travail et la prévoyance
sociale) », adoptée le 20 décembre 1910, Journal Officiel de la République française. Lois et
décrets, 30 décembre 1910, p. 10672-76. Sur le parcours controversé aboutissant à la pro-
mulgation du premier livre du Code du travail après cinq ans de débats sur la codification
des lois ouvrières voir Chatriot, 2009, Chatriot, 2011, Verkind, Bonnard-Placke,
2004 et Didry, 2016.
22 R ibeill, 1991 ; Harison, 1997 ; Harison, 2002 ; Harison, 2008.
23 M ottez, 1966, p. 33.
24 Le décret du 8 mars 1890 avait institué un conseil spécifique pour le bâtiment. La réforme
du 23 mars 1908 institue un seul conseil distinct en 5 sections, dont celle du
où l’intensité de travail demandée est librement consentie, elle n’est pas mise
en cause par les ouvriers27 : l’enjeu est plutôt de parvenir à obtenir la rému-
nération concertée. Le respect du contrat initial, le plus souvent oral, est une
revendication qui ne peut pas aboutir dans un nombre considérable de cas à
cause du manque de liquidité des tâcherons. Et lorsque la requête ouvrière
aboutit partiellement en conciliation, la rémunération obtenue se traduit
en une réduction, un amoindrissement des salaires effectivement versés par
rapport aux tarifs couramment pratiqués. Dans les deux cas, ce déficit en
termes de gain pour les ouvriers met ouvertement en lumière en premier lieu
le manque d’information sur la solvabilité des recruteurs et en deuxième lieu
l’absence d’instruments juridiques permettant de faire appel à une quelconque
responsabilité du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre. En d’autre termes, le
caractère abusif du « mauvais » marchandage découle du manque de clarté
juridique sur les responsabilités de ceux qui dans la chaine de sous-traitance
viennent au-dessus du tâcheron.
C’est le cas de la première affaire jugée devant toutes les instances com-
pétentes qui fera jurisprudence aussi bien au début du siècle que dans
l’entre-deux-guerres. L’affaire, initialément portée devant les Prud’hommes
de la Seine en 1896, concernait un entrepreneur principal nommé Loup ayant
sous-traité des travaux de ravalement à un tâcheron, le sieur Martin, pour une
somme forfaitaire de 9 500 francs, largement inférieure à celle permettant de
rémunérer les tailleurs de pierre employés pour l’exécution du travail demandé
selon les prix du marché parisien. Les Prud’hommes avaient jugé l’entrepre-
neur principal et le tâcheron également redevables vis-à-vis des ouvriers. Après
un jugement en appel du tribunal de commerce dégageant la responsabilité de
l’entrepreneur principal, suivi d’une longue série de jugements contradictoires
en correctionnel et en appel, le 31 janvier 1901 les chambres réunies de la Cour
de cassation finirent par acquitter définitivement l’entrepreneur principal et
établirent que le délit de marchandage existait lorsqu’il y avait abus, défini
ici comme « une exploitation réunissant ces trois éléments : un fait matériel,
l’intention de nuire et un préjudice ». Cet arrêt excluait ainsi toute inférence
négative sur la bonne foi de l’entrepreneur principal concerné28.
27 La notion de consentement dans l’univers du travail est discutée notamment par les
sociologues, voir par exemple Goussard, 2008 qui parle de « consentement limité »
pour des salariés employés dans de grandes entreprises.
28 F raysse, 1911, p. 81, la liste des tribunaux concernés par cette affaire est à p. 90 et 91. Voir
également Didry, 2016.
29 Sur ce point voir les remarques sur le travail en équipe dans un manuel classique sur
la rationalisation du travail dans la construction, Taylor, Thompson, 1914 traduit et
adapté par M. Darras (2 éd ; 3e édition en 1924). Curieusement, cet ouvrage n’est pas cité
dans Campinos-Dubernet, 1984.
30 En 1897 selon une enquête menée sur les quatre conseils de Prud’hommes parisiens, sur
2 017 jugements le chiffre considérable de 407, soit 20 %, ont été prononcés contre un
marchandeur ; mais les affaires ouvertes sans arriver à un jugement étaient 20 fois plus
nombreuses. Fraysse, 1911, p. 58-60. Sur les divergences entre tribunaux du travail et
cours d’appel et la crise de l’institution prud’homale, plus particulièrement à partir des
années 1890, voir Rudischhauser, 2011. La remise en discussion du modèle prud’ho-
male des « usages consentis » par la jurisprudence des cours d’appel et de cassation date
selon Alain Cottereau du milieu du XIXe siècle, Cottereau, 2002.
31 H ilaire-Pérez, 2013.
32 H enri-Gigot, 1903.
tableau 1
33 Sa suppression par le projet de loi Viviani, fait l’objet d’une conférence faite le 15 janvier
1909 ; Flamand, 1909.
34 F lamand, 1907.
35 B arjot, 2006.
36 E squerre, 2014. Les facultés de droit depuis l’institution de l’agrégation d’économie
politique en 1896 deviennent un lieu privilégié de l’enseignement de l’économie poli-
tique, le Van Lemesle, 2004, d’où le caractère à la fois juridique et économique des
thèses sur le marchandage et la présence d’agrégés d’économie politique, tel R. Jay, dans
les jurys de soutenance de ces thèses.
37 Pour une étude détaillée de la jurisprudence postérieure à l’application du décret du
2 mars 1848 voir la thèse de droit de Fraysse, 1911.
38 Député de la Seine et premier ministre du travail du 25 octobre 1906 au 3 novembre 1910,
René Viviani est à l’initiative d’un projet de loi relatif à la réglementation du travail soutenu
par les organisations syndicales et discuté au parlement sur fond de débats sur le Code
du travail (le projet fut déposé le 18 novembre 1908). http://www.assemblee-nationale.
fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=7368, consulté le 18 août 2018. Tables nominatives des
interventions devant la Chambre des députés et l’Assemblée nationale, Demande à la
Chambre : de tenir une séance supplémentaire pour examiner le projet de loi relatif à
la réglementation du travail (A., S. O. de 1908, t. 2, p. 220). René Viviani prend part à la
discussion du projet de loi sur le contrôle de la durée du travail dans les établissements
industriels (p. 297, 301, 435 et suiv., 440, 449, 457) et du projet de loi sur la réglementation
du travail (p. 604, 617) http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/tables_archives/
rene-viviani.asp#1906, consulté le 18 août 2018. Pour une revue des revendications
ouvrières dans le bâtiment entre 1907 et 1909 voir Fraysse, 1911, p. 141-188 et une analyse
du projet de loi Viviani, p. 189-195.
39 D olivet-Petit, 1940 ; Barraud de Lagerie, 2012.
tribunaux français à cette époque. Les arrêts des cours de cassation, tribunaux
de commerce et tribunaux civils connaissent leur pic, arrivant jusqu’à 26 entre
1927 et 1936.
Royaumes d’élection du marchandage, le bâtiment et la confection conti-
nuent de faire l’objet d’études informées et circonstanciées non seulement sur
le plan juridique mais également d’un point de vue économique et social. Dans
ces sources juridiques ou économiques l’activité effectuée par le tâcheron est
indiquée comme « travail à la tâche », « salaire à la tâche », « travail à façon »,
« travail aux pièces », « travail à prix fait ». Comme le soulignait il y a quelques
années Bernard Mottez, ces définitions font référence à la « rémunération
de travailleurs possédant une large autonomie professionnelle ».40 Le tâche-
ron dans les études juridiques de cette époque est tout d’abord un travailleur
payé au forfait et doté d’une certaine indépendance dans les choix inhérents
à son activité. Toute la question devient alors de déterminer précisément les
propriétés de cette autonomie. De plus en plus, son degré d’indépendance
économique et juridique par rapport à l’entrepreneur principal contribue à
définir son statut. En premier lieu cette autonomie concerne le recrutement
de la main-d’œuvre. Il s’agit d’un élément caractérisant l’organisation du travail
sur les chantiers de l’époque : dans la plâtrerie et la maçonnerie parisiennes
de la Belle époque le chef de chantier se rend sur la place de grève et recrute
les compagnons, qui a leur tour embauchent leurs aides41. Deuxièmement le
tâcheron est autonome dans la surveillance et la coordination de la production
de son équipe. Il s’agit d’un travailleur qui possède la maîtrise de son métier et
des procédés de son art. Troisièmement il dispose, outre que de ses outils, ce
qui est le cas pour tous les compagnons à Paris, de quelques outillages supplé-
mentaires : cordes, auges et échafaudages notamment.
Ces trois caractéristiques réunies, associées volontiers à la prise de risque
en termes de capitaux investis (par exemple d’une partie des matières pre-
mières utilisées sur le chantier), définissent le statut d’entrepreneur. Reste à
définir le statut des travailleurs indépendants qui réunissent seulement pour
partie ces prérogatives. Ces tâcherons, car ainsi ils sont de toute manières
appelés, sont-ils des ouvriers payés au forfait ayant quelques aides ou des
entrepreneurs de main-d’œuvre ? Les innombrables figures d’indépendants
impliqués dans la construction d‘un bâtiment et payés à la tâche – les légions de
40 Bernard Mottez reprend ici la définition d’autonomie professionnelle avancée dans les
années 1950 par Alain Touraine, « elle définit la situation de l’ouvrier de métier dans le
système professionnel de travail par opposition à celle du travailleur dans le système tech-
nique de travail », Mottez, 1966, p. 15, cf. Touraine, 1961 : part. p. 389-90.
41 M artini, 2016a, p. 206-210.
42
F raysse, 1911 et Archives de Paris, Conseil des Prud’hommes du bâtiment, 1906-1907.
43
Z alc, 2010. Pour le bâtiment Martini, 2016a.
Ainsi, les distinctions parmi les différentes figures de tâcherons présentes sur
les chantiers secoués par la crise commencent à paraître indispensables. Elles
font l’objet de distinguo qui deviennent dirimants. Dans la littérature juridique
du début du XXe siècle on utilise le terme générique de tâcheron à la fois si l’in-
dépendant réalise individuellement l’ouvrage que s’il le fait à l’aide d’une équipe
qu’il embauche et dont il coordonne l’exécution. Dans l’entre-deux-guerres
dans la doctrine et la législation la différenciation entre tâcheron-ouvrier
et le tâcheron-patron sous-traitant (« patron qui fournit non seulement la
main-d’œuvre mais aussi tous les matériaux et devient entrepreneur dans la
44
L eroy-Beaulieu, 1914.
45
H arison, 1997 ; Harison, 2002 ; Boll, Sirot, 1997 ; Mansfield, 2012.
46
L eroy-Beaulieu, 1914, p. 35.
47
P ic, 1903.
a. Dans le cas où la sous-entreprise porte sur des travaux ne rentrant pas dans
l’industrie exercée par l’entrepreneur principal ?
b. Dans le cas où le sous-entrepreneur est lui-même un entrepreneur patenté et
établi ?
c. Dans le cas où les travaux ne sont pas exécutés sur le lieu de l’entreprise de
l’entrepreneur principal ?50.
Si cette enquête est un bon miroir des résistances patronales, elle l’est aussi
d’un changement de perception sur la réglementation de cette pratique :
seulement un tiers (31) des 88 Chambres de commerce consultées refusa
toute réglementation ou disposition spécifique sur les rapports entre tâche-
ron et entrepreneur principal. En revanche non seulement 82 Conseils des
Prud’hommes sur 88 (confrontés aux litiges sur le terrain), mais aussi deux
chambres consultatives des Arts et des Métiers sur cinq et 57 chambres de
Commerce sur 88, une part considérable, donc répondirent positivement au
principe d’une réglementation plus précise concernant notamment le statut
du tâcheron. Aussi, ce qui allait moins de soi, trois organisations profession-
nelles patronales sur 10 reconnurent ce principe. À cette occasion le rôle de
l’inspection du travail fut crucial car c’est autour de la distinction avancée
par les inspecteurs divisionnaires du travail entre sous-traitants ouvriers
(tâcherons) et « sous-entrepreneurs patentés, établis inscrits au registre de
commerce » que fut bâtie la réforme de 193551. Prise en compte par le Conseil
Supérieur du Travail, puis par le gouvernement, « elle sera la clef de voûte du
statut légal du tâcheron »52. Ainsi, le tâcheron-ouvrier, grâce à l’intervention de
l’inspection divisionnaire du travail, devient juridiquement un contract-worker,
car ces travailleurs indépendants sont considérés désormais comme « des
agents d’exécution tenus par un lien de subordination et n’offrant, pour la
plupart, aucune garantie à leurs ouvriers », et l’entrepreneur principal est
dans ce cas, mais dans ce cas seulement, solidairement responsable vis-à-vis
de ses ouvriers aux yeux du législateur53. Toute responsabilité est dégagée en
revanche lorsque le tâcheron est inscrit au registre du commerce.
Le souci de protection des ouvriers du tâcheron-ouvrier est patent mais en
même temps est affirmée l’exclusion du principe de responsabilité de l’en-
trepreneur principal par le truchement de la responsabilité entrepreneuriale
attribuée au tâcheron sous-traitant inscrit au registre de commerce. C’était
précisément sur ce point que l’avocat Flamand insistait au début du XXe siècle
devant un parterre nourri d’entrepreneurs de la construction.
54
F lamand, 1909, p. 58.
55
D olivet-Petit, 1940, p. 47.
Tâcheron
entrepreneur
Entrepreneur
principal
Maître
d'ouvrage
Ouvriers (promoteur,
client)
où il est marqué, noir sur blanc, à l’article 12 : « le tâcheronnat et le travail aux
pièces seront complétement abolis des chantiers. Tous les ouvriers travaille-
ront à l’heure »56.
Seulement si le statut du sous-traitant est celui du tâcheron-ouvrier un lien
de responsabilité existe entre maître d’ouvrage et ouvriers. Fait remarquable
pour l’histoire de la réglementation de ces pratiques, jusqu’aux années 1990
la responsabilité de l’entrepreneur principal n’est pas en cause, si le tâcheron
dispose d’un fonds de commerce, pour les délits connectés à la pratique de la
« fausse sous-traitance » – notion de plus en plus courante dans les années 1990-
et notamment ceux du « travail illicite » et de « prêt illicite de main-d’œuvre ».
Pourtant une loi spécifiquement consacrée à la sous-traitance, dans la prépa-
ration de laquelle avait joué un rôle déterminant la Fédération patronale du
56 Dolivet-Petit, 1940, p. 114. Même s’il est précisé que la convention (s.d., mais du
milieu des années 1930) lie uniquement les employeurs et employés qui l’ont signée »,
Dolivet-Petit la considère effective à partir du moment où elle est limitée dans le temps et
l’espace, et où elle n’est pas interdite par une loi, et ce même si elle peut être accusée de
porter atteinte à la liberté du travail, Ibid., p. 116. Pour d’autres conventions de cette teneur
pour le bâtiment à Montpellier en 1935 et dans le Puy-de-Dôme en 1937, p. 113-114.
Tâcheron
ouvrier
Entrepreneur
principal
Maître
d'ouvrage
Ouvriers (promoteur,
client)
bâtiment, avait été discutée et adoptée en 197557. Indice évident des ambiguï-
tés qui entourent le statut des différents sous-traitants et les relations entre les
contractants, la chronologie de la règlementation de la chaîne des responsabi-
lités dans la sous-traitance à la faveur d’une reconnaissance de la responsabilité
de l’entrepreneur principal vis-à-vis des ouvriers du sous-traitant, est décalée
d’une quinzaine d’années par rapport à la loi de 1975.
Au tout début des années 1990 une transformation majeure du point de
vue institutionnel intervient, en effet, dans les relations entre entrepreneur
donneur d’ordre et tâcheron. En pleine crise de l’immobilier sont votées
deux dispositions réellement novatrices dans la répression des abus du mar-
chandage. Elles visent à transférer la responsabilité pénale et/ou civile du
non-respect de la législation sociale vers l’entreprise principale, dans le cas où
57 « Loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance », disponible en ligne sur
le site de Legifrance, http ://www.legifrance.gouv.fr (consulté le 18 octobre 2014).
Pour une chronologie de l’élaboration de cette loi et de ses applications voir
Altersohn, 1992, p. 126-136, inspecteur général de l’industrie à l’époque, et Médiateur
des relations interindustrielles, 2010, p. 8-9, où sont mentionnées les défini-
tions du Conseil économique et social de 1973, de la loi de 1975 et de la CEE en 1978 ;
Martini 2016b.
couverture sociale des salariés et a tendance, plus largement, à frauder les obli-
gations fiscales, totalement ou partiellement, assortie comme elle est de toute
sorte de travail « au noir », dit « illicite ». La question de fond qui se pose aux
inspecteurs du travail devient désormais la distinction entre « fausse » et « véri-
table » sous-traitance et la question de la garantie de solvabilité du tâcheron
est résolue en amont en responsabilisant dans leurs choix les entrepreneurs
principaux. Il est désormais souhaitable de bien choisir ses partenaires
sous-traitants. Le tâcheronnat a disparu du lexique juridique et du vocabulaire
courant de la construction depuis les années 1970, non pas sa pratique.
61
R iello, 2012. Lorsque notamment les marchandeurs ne sont pas des ouvriers eux-mêmes
mais des intermédiaires entre travailleurs et grands magasins de vente de produits
confectionnés, on est en présence de simples courtiers de main-d’œuvre. Il est intéressant
également de remarquer que pour la menuiserie n’étant pas destinée à la construction
mais à l’ameublement il est possible d’utiliser, du moins en partie (mais une étude ad
hoc serait nécessaire à ce sujet), la même hypothèse interprétative avancée par Riello,
2012. L’enquête sur l’ébénisterie de Pierre Du Maroussem pour l’Office du travail illustre
avec une précision remarquable les raisons propres à la gestion et à l’organisation de la
production liées à la pression des grands magasins sur l’ébénisterie parisienne, voir égale-
ment pour la confection en France Avrane, 2013 et Barraud de Lagerie, 2012. Pour
les ouvrières à domicile, et en particulier le décret-loi du premier août 1941 les assimilant
à des salariées, ibid., p. 53.
camarade. Il faut leur faire gagner des journées supérieures à celles qu’ils pour-
raient avoir dans d’autres chantiers ; il faut qu’ils vous reconnaissent capable de
leur tenir tête ; n’être auprès d’eux ni arrogant ni fier. S’ils vous offrent un canon,
ne pas être chiche pour offrir votre tournée. On méprise les ingrats et les écor-
nifleurs. Ces qualités qui constituent ce que l’on appelle « les bons enfants » ne
m’ont pas trop manqué ; aussi ai-je trouvé des ouvriers qui s’éreintaient pour me
faire plaisir. Ce fut mon cas pendant les six mois que durèrent l’ensemble de tous
ces travaux. Je vis bien, dès la première fois que je commandais des camarades
tout ce qu’il y a de cœur et de dévouement chez l’ouvrier quand on se fie à lui et
qu’on le traite avec certains égards78.
Plusieurs décennies plus tard, on retrouve ces pratiques à l’œuvre dans les
chantiers de la petite entreprise de la banlieue parisienne. L’entreprise Cavanna
et Taravella, fondée au lendemain de la guerre à Nogent-sur-Marne et dont
les registres de paye nous sont parvenus à partir du milieu des années 1920,
rémunère à la fois à la tâche et à la journée ses travailleurs79. Ainsi, les salaires
peuvent varier non seulement du simple au double pour les compagnons mais
aussi pour les manœuvre travaillant avec eux. Selon la coutume parisienne
c’est le compagnon maçon qui choisit et recrute son garçon maçon, et ce der-
nier peut gagner jusqu’à à un tiers de plus que leurs homologues employés
directement par l’entreprise.
L’intensité du travail accrue est récompensée par un salaire plus impor-
tant ; ce qui n’est jamais le cas toutefois en deux circonstances qui s’installent
durablement dans l’horizon de la construction des années 1930 : en cas de
contestation de la qualité du travail effectué et en cas d’insolvabilité de l’entre-
preneur principal à cause de sa faillite ou de difficultés de trésorerie.
82 Tallard, 1986. Il est intéressant de remarquer que l’arrêté Parodi de « Remise en ordre
des salaires » du 17 avril 1945 concernant le Bâtiment et les Travaux Publics reprend la
structure des conventions collectives de 1936 (mentionnant les usages de chaque corps
de métier). Il distingue 5 catégories (1 manœuvre ordinaire, 2 manœuvre spécialisé,
3 ouvrier spécialisé en trois échelons, 4 ouvrier qualifié en trois échelons, 5 ouvrier haute-
ment qualifié) classées selon les différents corps de métier, en faisant donc implicitement
référence à des normes coutumières internes aux corps de métier, et sans qu’une défi-
nition n’intervienne dans le contenu des catégories, à la différence de ce qui se passe
pour la métallurgie, Tallard, 1986, p. 46. Les conventions collectives de 1954 et 1956
feront à leur tour référence à l’arrêté Parodi, de même que les grilles départementales et
régionales suivantes, telle la grille de 1959 du département de la Seine étendue à toute la
région parisienne, p. 47 (deux échelons de manœuvre, deux échelons de OS « compagnon
débutant », trois échelons de OQ et éventuellement, suivant les spécialités, un OHQ cor-
respondant soit à une grande connaissance d’un métier « compagnon hors pais », soit à
une maîtrise d’un savoir abstrait tel la lecture d’un plan ou la rédaction d’un devis ou d’un
compte-rendu). Également remarquable le fait que même les conventions des années
1970, marquant dans d’autres branches l’abandon définitif des classifications Parodi,
adoptent des critères « mixtes » et distinguent employés et agents de maîtrise d’une part
et ouvriers (1972) de l’autre favorisant une politique de gestion de la main-d’œuvre basée
sur la revalorisation des salaires ouvriers, via la gestion de grilles autonomes par rapports
à celle des techniciens et du personnel d’encadrement (contrairement à la métallurgie ou
à la chimie où les grilles sont uniques et s’adaptent davantage aux nouvelles techniques
faisant disparaître les anciens métiers), p. 48.
83 F riedman, Naville, 1961 ; Naville, 1972.
84 Pendant la période 1945-68 l’émergence de la branche est le fruit de l’action concomitante
de la législation sur les conventions collectives et de la modernisation des travaux publics
Campinos-Dubernet, Tallard, 1990.
CONCLUSIONS
89 La connotation péjorative définitivement acquise par les termes de marchandage et de
tâcheronnat depuis une cinquantaine d’années, contribue sans doute à rendre aisé le glis-
sement sémantique de tâcheron à sous-traitant. Dans les années 1970, mais de manière
croissante déjà dès les années 1960, on utilise dans la littérature sociologique et gestion-
naire en effet ce terme plus neutre et plus conforme à une morale entrepreneuriale qui
rejette l’idée de considérer comme propre à l’entrepreneuriat la prise de risque fondée sur
le recrutement et la coordination du seul élément humain du processus de production.
Parallèlement, la mensualisation en 1970 achève le travail de normalisation du salaire, et
de celui qui le perçoit comme un travailleur dépendent, subordonné aux règles sociales
et administratives du salariat, indépendamment des fluctuations saisonnières. Pezet,
2004, pp. 109-132 et, pour une vision d’ensemble, Castel, 1999.