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VULGARISATION PSYCHANALYTIQUE
par
Cécile RICHIR-DURIEUX
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l'analyse qui suit les éclaire sous un angle particulier et leur donne
un support concret; c'est pourquoi nous les proposons comme pistes
de réflexion.
1. Délimitation de la problématique
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Au sens strict, le processus chez l'enfant consiste à transformer son
investissement sur ses parents en identification à ceux-ci et à inté-
rioriser l'interdit (Laplanche et Pontalis, 1973 : 472). Par la voie
de l'identification réussie, le complexe d'Oedipe se résout en réalisant
ses principales fonctions. II assure, selon Freud, et l'interdit de l'in-
ceste, et le primat du phallus. Le complexe a donc un caractère fonda-
teur pour tout être humain, puisque de sa résolution dépendent et
l'orientation de son désir, et la structuration de sa personnalité.
Selon Lacan, le complexe lie inséparablement le désir à la loi, parce
qu'il fait intervenir une instance interdictrice. Ce qui nous permet
de dire que cette instance est incarnée par le père, c'est que l'Oedipe
ne nous paraît pas définir seulement la manière dont l'enfant se situe
dans le triangle (au plan psychologique), mais aussi la manière dont
il est situé (au plan idéologique). Chez Freud en effet, le complexe
d'Oedipe a son pendant dans le complexe de castration, contrepoids
nécessaire, pourrait-on dire, à l'équilibre de l'enfant. Or ce stade
nouveau est centré autour du seul phallus, «qui, en tant que symbole,
devient le critère majeur de différenciation des êtres humains>
(Laplanche et Pontalis, 1973 : 311). Chaque être humain qui assume
son sexe au sortir de l'Oedipe doit, selon Freud, reconnaître cette
valeur symbolique du phallus. Mais comme signifiant de quoi ? La-
planche et Pontalis se refusent prudemment à le déterminer (Ibid.:
312). En fait ce symbole de virilité est connoté par Freud comme
symbole de pouvoir. Le «mythe> de la phylogenèse est significatif
à cet égard. Dans le désir du fils d'évincer son père transparaît une
volonté de puissance manifeste. Au stade oedipien en outre, il n'y
aurait pour l'un et l'autre sexe qu'un seul organe sexuel, le phallus.
II en résulte une « notion .• (plus ou moins consciente) de l'opposition
masculin-féminin qui ne peut correspondre qu'à une glorification de
la virilité (2). II y a, sous-jacent à l'œuvre de Freud, ce mythe du
père tout-puissant et porteur de la loi.
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Selon la théorie des petits groupes, ce leadership n'est possible que
dans l'acceptation par tous les membres d'un consensus sur les valeurs.
Son allocation présente donc, selon Parsons, un «problème d'inté-
gration du système », mais «il ne s'agit pas là d'une différence de
pouvoir» ... Il remarque pourtant que, dans cette optique, la stabilité
de la famille dépend du support apporté par la mère à ce leadership
paternel!
Cette perspective fonctionnelle par rapport à l'ordre social tradi-
tionnel ne permet pas d'envisager les situations de conflit. En outre
la reconnaissance de l'autorité du père suppose que la mère réprime
ses tendances régressives vis-à-vis de ses enfants, par un équilibre de
frustrations et de gratifications.
Dans cette perspective fonctionnaliste la signification du tabou
de l'inceste est la suivante: en excluant les enfants des relations
sexuelles autorisées, il renforce la cohésion du couple en faisant de
l'érotisme le «symbole de leur coalition» en tant que leadership. Le
tabou est fonctionnel puisqu'il maintient l'axe de pouvoir entre les
générations, et permet aux parents de remplir correctement leur
rôle: assurer le développement de l'enfant (Parsons, 1954 : 250-257).
Parsons entend bien sûr par là que les parents peuvent exercer leur
fonction de socialisation i.e. d'apprentissage de rôles conformes aux
valeurs établies. Le père représente cet ordre social, d'où son autorité.
Selon Parsons, le rôle paternel, sanctionné par les normes sociales,
correspond aux exigences de l'ordre social établi. Les rôles seraient
en parfaite harmonie aussi bien avec les valeurs sociales qu'avec les
«besoins naturels» des individus. Bien qu'il recourt à Freud pour
étayer sa théorie des rôles familiaux, Parsons ne peut enlever à celle-ci
Bon caractère d'hypothèse non-vérifiée pas plus qu'il ne peut voiler
ses fondements idéologiques.
Il nous semble plus exact de dire que les normes subsistent pour
autant que les rationalisations qui les sous-tendent offrent encore un
semblant de légitimité. A l'opposé d'une théorie du consensus, cette
perspective permet de penser les conflits et le changement. Qu'en
est-il aujourd'hui de la légitimité des rôles traditionnels, fondés sur
- la complémentarité selon le sexe et la «nature»
- le partage des pouvoirs vis-à-vis des enfants
- l'inégalité quant à la valorisation sociale des fonctions dites fémi-
nines et masculines ?
Au départ de cette analyse sociologique il importe de noter le ren-
versement qui s'est produit dans la hiérarchie des fonctions familiales.
La fonction éducative est sans cesse réaffirmée, tandis que celle de
e status giving » est en nette régression. Mais surtout la famille n'est
plus, au plan économique autant que culturel, la «cellule de base»
de la société. Dès lors sa légitimité au plan des valeurs n'en a-t-elle
pas perdu son fondement?
Selon Bourdieu en effet, une institution ne peut assurer sa légi-
timité que par un voilement de l'arbitraire culturel qui la fonde;
et cette «méconnaissance» n'est possible que par la reconnaissance
d'une relative autonomie de l'institution.
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Dans cette perspective théorique, la famille est amenée aujourd'hui,
de par l'évolution de sa position sociale et l'instabilité qui en découle,
à justifier sa raison d'être par la référence à des valeurs relativement
spécifiques. Ainsi par exemple cette «bonne entente s dont Parsons
faisait un postulat, nous y verrions bien plus une nécessité au plan
de l'image que la famille doit donner d'elle-même. Dans cette image
comme dans certaines valeurs affectives et éducatives on peut - nous
le verrons - déceler différents éléments d'un nouveau discours
légitimateur de la famille, où l'intimité est maximale. Pour exister en
tant qu'institution la famille doit jouir d'une autorité reconnue comme
légitime, ce qui, grâce à une apparence d'autonomie, assure son main-
tien. D'autre part la famille dépend étroitement de la structure sociale
globale.
Une perspective sociologique, aussi brièvement esquissée qu'elle
soit, ne peut étudier un aspect de la famille sans la replacer dans
son contexte social. Ce contexte - qui est celui d'une réalité en chan-
gement - a un retentissement énorme sur l'institution familiale
actuelle: crise des valeurs, crise généralisée de l'autorité, autant de
phénomènes qui se répercutent au sein de la famille et s'y manifestent
à titre de symptômes d'une instabilité bien plus radicale. Cette dépen-
dance, une littérature sociologique considérable s'est attachée à en
étudier les divers aspects. En ce qui nous concerne, c'est le statut
social du père qui a surtout retenu notre attention. L'évolution et le
déclin de la figure sociale du père a été analysée avec force et rigueur
par Mitscherlich, ou avec une sorte d'énergie du désespoir chez
Mendel. Il apparaît clairement que le conditionnement idéologique
impose de nos jours une redéfinition de la fonction paternelle. Cette
dernière se fondait autrefois sur l'autorité reconnue au père de par
les fonctions sociales dont il avait le monopole. Une telle image a
perdu ses assises sociales. C'est pourquoi la relation au père présente
pour nous un intérêt tout particulier, du fait qu'elle est remise en
cause et davantage sujette à changement que la relation à la mère.
Nous nous proposons donc de mesurer l'instrumentalisation de la
psychanalyse, au sens d'une utilisation des concepts théoriques au
profit d'une image sociale du père. Nous avons étudié plus haut la
place du père dans la théorie freudienne. L'examen sociologique des
facteurs susceptibles d'engendrer une restructuration du discours
familial doit nous permettre d'analyser maintenant les déviations qui
accompagnent la divulgation des thèses freudiennes concernant le
père. En effet les ouvrages de vulgarisation traitant de la famille
sont comme un «reflet» de cette réalité puisqu'ils la transcrivent
en une image conforme au système de valeurs et au code culturel
qu'ils expriment à un moment donné.
Notons que dans la pensée freudienne la prépondérance du père sur
la mère (dans l'avènement de la conscience morale) n'est pas expli-
citement marquée. Mais de la suprématie du phallus, notée ci-dessus,
à celle de la personne du père, il n'y a qu'un pas ; et un pas sans doute
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trop facile à franchir. C'est ce que nous allons voir en abordant
maintenant la vulgarisation psychanalytique.
Au premier abord, le lien avec la théorie inspiratrice apparaît très
étroit. Nous citerons deux aspects essentiels de cette concordance. Mais
ce qui retiendra surtout notre attention, ce sont les déplacements
d'accents, les déformations de sens par rapport aux concepts premiers,
et la progression dans cette évolution.
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2. Déviations par rapport à la théorie freudienne
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importe avant tout de canaliser vers l'extérieur ou de sublimer.
La sexualité n'est plus le moteur du développement mais elle en
est seulement l'enjeu. Si Freud reconnaissait comme nécessaire ce
rôle de régulation, il le concevait cependant comme non-maîtri-
sable dans le chef des parents, tandis que Corman voit l'enfant se
hausser «au niveau du parent estimé pour sa valeur et pour sa
force, et qui constitue de ce fait un modèle »... (Corman, 1973 :
73).
(3) Cette situation est dénoncée avec virulence par D. Cooper dans Mort
de la; fOJmille, 1973.
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Conclusions interprétatives
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nouvelle distanciation dans l'expression de la sexualité, qui éveille
à son égard de nouvelles craintes et culpabilités.
- d'autre part, beaucoup d'ouvrages s'attachent à définir le rôle du
père, pour lui rendre une légitimité conforme à l'évolution des
valeurs. En s'inspirant de la psychanalyse, ils démystifient le père,
puisqu'ils en font le simple complément de la mère dans la régu-
lation des «forces sexuelles et instinctives ~. Cette définition axée
sur la seule réalité «physique» du père répond sans aucun doute
au besoin d'adaptation de l'image du père à la démocratisation des
relations familiales.
(4) Celle-ci n'est pas sans intérêt néanmoins quand on voit que la vul-
garisation, en accentuant le facteur relation, confère à la dyade mère-
enfant une intensité dramatique bien plus poussée encore que chez Freud
et empreint ce drame intimiste d'un érotisme à fleur de peau qui est un
élément caractéristique du discours, i.e. à la fois nouveau et essentiel.
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1. Le concept de normal
2. La notion d'amour
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